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Édition Semaine n°29 / Juillet 2025

 

 Exposition « Une passion chinoise : la collection de Monsieur Thiers »

Musée du Louvre

jusqu’au 25 août 2025

 

Nous connaissions Adolphe Thiers en tant que premier président de la IIIe République ou encore au titre de journaliste, avocat, historien, mais sa passion pour la Chine demeurait, en revanche, plus confidentielle jusqu’à ce que Jean-Baptiste Clais, conservateur en chef au département des Objets d’Art du musée du Louvre, ait l’heureuse idée de consacrer une exposition venant éclairer à cette sinophilie méconnue. Autant dire que le parcours invite plus largement à de multiples découvertes dépassant le caractère personnel du fameux homme politique dont l’ambition légendaire servit à Balzac pour l’inspiration du personnage de Rastignac…

 


Malgré ces critiques acerbes sur cet ambitieux caractère, son intérêt pour les arts de l’Asie et plus précisément pour ceux de la Chine débute très tôt, dès l’adolescence. A cet âge précoce, le jeune homme n’hésite pas, en effet, à rassembler toutes sortes d’œuvres et d’ouvrages qu’il ne cessera dès lors de collectionner.

Même s’il ne se rendra pas dans le pays tant admiré, Thiers cherchera par tous les moyens à reproduire une vision de la Chine au cœur même de son cabinet de travail place Saint-Georges à Paris, cabinet évoqué dans l’exposition par le truchement de gravures anciennes et reconstitution.

Alors que la Chine s’était ouverte à l’Europe au XVIIIe siècle, une véritable réflexion débute sur les arts et les religions parallèlement à un important commerce des compagnies des Indes. Soieries, porcelaines et toutes sortes d’objets venus de Chine débarquent alors sur le continent européen et fascinent un public toujours plus avide d’exotisme.

 

 

Mais ces relations ne seront pas toujours aussi sereines, notamment au temps d’Adolphe Thiers avec les guerres de l’opium et les campagnes militaires de 1860 entraînant la France et l’Angleterre à piller et incendier le Palais d’Été dans la banlieue de Pékin…

 


Le parcours de l’exposition évoquent ces grandes, et plus sombres, heures des relations franco-chinoises sous le filtre d’une passion sincère et prenante qui conduit l’homme politique à accumuler une véritable collection dont notamment une superbe bouteille à décor de fleurs et d’oiseaux de la Dynastie Qing Période Qianlong ainsi que de rares manuscrits et rouleaux, collection dont le musée du Louvre héritera en partie, une autre partie sera malheureusement saccagée lors de la Commune de Paris.

 

 

 Corps et âmes

Bourse de Commerce

Pinault Collection

jusqu’au 25.08.25

 

La Bourse de Commerce propose en une exposition ambitieuse sous le commissariat d’Emma Lavigne d’explorer avec les meilleurs artistes contemporains les rapports toujours complexes entretenus avec le corps et l’esprit. Depuis l’aube des temps, l’homme a interrogé son rapport au corps et à son environnement, des fameuses mains négatives de l’art pariétal jusqu’aux créations de Georg Baselitz, d’Ana Mendieta, Duane Hanson et bien d’autres artistes réunis dans cet écrin inspirant de l’ancienne Bourse de Paris.

 

© Pinault Collection

 

Le visiteur pourra, par les différents médias retenus pour ce parcours (peinture, dessin, sculpture, vidéo, photographie) faire directement l’expérience dans son propre corps de ces questionnements. Ainsi, l’autoportrait saisissant de Duane Hanson ne pourra laisser indifférent tant la détresse de l’artiste induit un désenchantement manifeste du monde dans lequel il s’inscrit.

Ces rapports entre corps et esprit – l’exposition ose même le mot âme… - révèlent toute la complexité de la modernité, ainsi qu’il ressort de ces œuvres souvent tourmentées, parfois plastiques (Kerry James Marshall), se faisant toujours l’écho de ces carrefours entre réalité et fiction.

 

© Pinault Collection

 

Qu’il s’agisse du corps exposé avec Diane & Allan Arbus, Richard Avedon, Niki de Saint Phalle ou du corps fantasmagorique avec Marlene Dumas (Birth), ces artistes explorent les corps comme une carte géographique parvenue aux confins de contrées inconnues.

 

© Pinault Collection

 

Évanescences et tombeau floral (Ana Mendieta) ponctuent ce riche parcours avant de parvenir au point d’orgue de cette exposition avec le monumental accrochage de huit tableaux de Georg Baselitz (Avignon 2014) en un polyptyque spectral impressionnant du corps vieillissant de l’artiste…

Commissariat général : Emma Lavigne, directrice générale de la Collection, conservatrice générale

 

 

Exposition Mamlouks 1250-1517

Musée du Louvre

jusqu'au 28 juillet 2025

 

 

Qui étaient donc les Mamlouks ? Ce nom, à la fois familier et énigmatique pour bien des Occidentaux, désigne pourtant l’une des civilisations les plus fascinantes du monde islamique médiéval. Le musée du Louvre propose aujourd’hui une exposition remarquable, aussi érudite qu’esthétique, qui plonge son visiteur dans l’univers de cet empire égypto-syrien dont la puissance s’étendit du milieu du XIIIe siècle jusqu’au début du XVIe.
Dès les premières salles, le visiteur est saisi par la richesse du parcours imaginé par Souraya Noujaïm et Carine Juvin, commissaires de cette exposition qui redonne vie à un empire au raffinement insoupçonné. Un dispositif immersif transporte d’emblée le visiteur au cœur du complexe monumental du sultan Qalawun (1279-1290) au Caire.

 

©Musée du Louvre/Nicolas Bousser

 

Grâce à cette reconstitution numérique, ce joyau architectural déploie ses trésors et marbres polychromes, témoins du goût aiguisé de ses commanditaires. Ce faste artistique demeure indissociable de l’histoire singulière des Mamlouks : esclaves d’origine turque ou caucasienne, achetés ou capturés pour servir dans les armées musulmanes, ils accédaient souvent à la liberté, gravissaient les rangs militaires jusqu’à, parfois, devenir sultans.

Cette élite guerrière écrasa Croisés et Mongols, avant de s’effacer face à l’Empire ottoman en 1517. Leur prestige demeure immense, et Napoléon, admiratif, intégra même un régiment de Mamlouks dans sa propre armée. Au-delà de leur force militaire, les Mamlouks ont su bâtir une société d’une grande richesse culturelle aux multiples échanges.

 

 

©Musée du Louvre/Nicolas Bousser

 

L’exposition, dans une scénographie feutrée des plus réussies, parvient à mettre en lumière – et en espace - cette mosaïque de peuples, de langues, de traditions et d’arts qui composaient ce vaste empire. Loin de se refermer sur eux-mêmes, les Mamlouks favorisèrent, en effet, échanges artistiques et commerciaux, depuis l’Europe jusqu’à l’Inde et la Chine. Une ouverture que reflètent notamment les calligraphies majestueuses, les bois incrustés de nacre, les verres émaillés et pièces d’orfèvrerie précieuses rivalisant de finesse et présentés tout au long du parcours.

 

©Musée du Louvre/Nicolas Bousser


Tant pour la beauté des œuvres réunies que pour la richesse du regard porté sur une civilisation méconnue et pourtant essentielle à la compréhension du monde méditerranéen, cette exposition fait revivre une page d’histoire vibrante, traversée par l’éclat des arts et le souffle des grands empires.

 

Catalogue d'exposition Mamlouks Skira/Editions du Louvre, 2025

 

 

« Andrea Appiani - Le peintre de Napoléon en Italie »
Exposition Jusqu’au 28 juillet 2025
Musée National des Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau

 

C'est la première fois que la France honore la mémoire du peintre Andrea Appiani qui connut son heure de gloire, non seulement auprès de l'aristocratie milanaise, mais surtout en devenant Premier Peintre de l'empereur Napoléon en 1805. Le musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau a conçu un riche parcours permettant de (re)découvrir ce peintre majeur du néoclassicisme du nord de l’Italie, certaines de ses œuvres étant conservées dans ce lieu même.
Mais, avant l’ascension sociale et artistique d’Appiani résultant de sa reconnaissance officielle par le régime impérial, le jeune artiste fit ses armes à Milan à l’académie ambrosienne, puis à celle de Brera, nourri de références antiques et religieuses dont il retint les thèmes essentiels avec des commandes d’église et de palais pour la noblesse milanaise. Bientôt, ses voyages à Rome, Parme et Bologne enrichiront sa palette, tout en renforçant sa maîtrise du dessin. Chaque époque apportera ses influences dans l’art d’Appiani qui sut accueillir ces références avec habileté, qu’il s’agisse de ses commandes d’art sacré ou de ses décorations profanes.
La rencontre déterminante dans le parcours du peintre sera bien entendu celle avec l’empereur Napoléon Bonaparte qui sut rapidement se saisir de l’opportunité des talents du peintre prêt à le servir sur ces terres fraîchement conquises au-delà des Alpes. Appiani devint alors portraitiste, non seulement de Napoléon (Portrait de Napoléon du Kunsthistorisches, museum de Vienne), mais également de ses généraux et du personnel politique italien le plus en vue. Malgré le caractère formel de cet art répondant à des codes bien établis, Appiani saura souvent en infléchir la rigueur, adoucissant certains traits et nuançant délicatement les couleurs, usant ici ou là du non finito, guère usuel en ce domaine. Appiani innove et atténue ainsi le néoclassicisme dont il demeure, en ce début de XIXe siècle italien, l’un des représentants les plus illustres.
L’exposition réserve également des sections à ses nombreux décors qui, pour un grand nombre d’entre eux, furent détruits lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Cette part non négligeable du catalogue de l’artiste, souvent méconnue, est ainsi retracée à partir de dessins préparatoires et de quelques rares cartons nous étant parvenus et aujourd’hui exposés, permettant ainsi au visiteur de s’immiscer dans l’atelier de l’artiste.


De la peinture a fresco, délaissée à l’époque en France, Appiani réussit ainsi à insuffler un élan plus naturel à ses représentations souvent formelles. Les thèmes retenus, leur transposition dans les lieux auxquels ils étaient destinés, sans oublier leur commanditaire sont unis harmonieusement par l’artiste qui se voulait l’héritier de Léonard de Vinci et de Bernardino Luini qu’il vénérait plus que tout. L’habileté de ce peintre ne suffira pourtant pas à éviter un relatif oubli jusque dans les années 1980 et la redécouverte du néoclassicisme.

Pour aller plus loin…
 

« Appiani – Le peintre de Napoléon en Italie » catalogue de l’exposition sous la direction scientifique d’Elisabeth Caude et Rémi Cariel, Grand Palais Rmn Editions, 2025.

 

 

Il était nécessaire de réserver une publication d’ampleur sur ce peintre méconnu en France et dont l’exposition qui lui est consacrée à Malmaison révèle les nombreuses facettes. L’ouvrage dévoile ainsi les différents aspects de l’art d’Appiani, un artiste aussi habile dans des compositions intimistes que pour le plus grand faste impérial… Le catalogue retrace tout d’abord la riche carrière de l’artiste de ses débuts à l’avènement de Napoléon, puis dans le Milan occupé par l’empereur (1796-1813). Mais ce qui aurait pu déjà nourrir une longue carrière d’artiste sera complété par de nombreuses facettes plus méconnues, notamment ses activités de commissaire des Beaux-Arts et, longtemps ignorée, son activité de collectionneur et conseiller en art… L’ouvrage étudiera enfin la destinée de l’œuvre d’Appiani entre la dispersion de son corpus de dessins, la destruction de nombre de ses œuvres lors de la Deuxième Guerre mondiale et l’oubli relatif dans lequel son héritage sombra jusqu’à sa redécouverte à partir des années 1980. Un catalogue servi par une riche et abondante iconographie permettant d’approfondir les connaissances sur cet artiste majeur du XIXe s. italien.

 

 

« Eugène Boudin, le père de l’impressionnisme : une collection particulière »

Musée Marmottan Monet jusqu’au 31 août 2025

Contrairement à une idée reçue, Eugène Boudin n’a pas peint que les plages de Normandie. Et si, bien entendu, ce « père de l’impressionnisme » a rendu ces vues incontournables grâce à son art incomparable à saisir la lumière et les couleurs de ces rivages sur ses toiles, l’exposition du musée Marmottan démontre avec brio que le maître avait plus d’un atout sur sa palette…

 

Eugène Boudin Le Havre, l’avant-port 1885
Huile sur toile 41,5 x 55,5 cm Collection Yann Guyonvarc’h
© Studio Christian Baraja SLB


Eugène Boudin, de seize ans l’aîné de Claude Monet, eut très tôt cette intuition appelée à un bel avenir de saisir la nature sur le motif, une attitude qui influencera grandement par la suite le peintre des nymphéas, qui règne en maître dans les collections permanentes du musée Marmottan. Ainsi que le rappelle Érik Desmazières, Membre de l’Académie des beaux-arts et Directeur du musée Marmottan Monet : « Nous devons cet ensemble exceptionnel au collectionneur français Yann Guyonvarc’h qui a réuni avec passion cette collection unique. Nous lui sommes particulièrement reconnaissants d’avoir choisi notre institution pour la faire découvrir au public parisien et au-delà ».

 

Il faut avouer que cette réunion de quatre-vingts œuvres du peintre - né à Honfleur en 1824 et décédé non loin de là à Deauville en 1898, force l’admiration.

Et ce, non seulement en raison de la profusion de peintures rarement réunies et exposées ensemble, mais surtout par leur diversité, une diversité de lieux et de thèmes révélant de nombreuses facettes souvent méconnues du peintre grâce au parcours admirablement conçu par Laurent Manœuvre, commissaire de l’exposition. Eugène Boudin, célèbre en effet pour ses vues des plages normandes, a également su saisir variations et impressions lors de ses nombreux voyages au-delà de la Normandie, notamment en Bretagne avec des vues marines plus tourmentées et intimes, dans le sud de la France, à Bordeaux également, mais aussi en Hollande ou encore Venise…
 

Eugène Boudin Camaret, la pointe du Toulinguet 1873
Huile sur toile 54,5 x 89,5 cm
Collection Yann Guyonvarc’h © Studio Christian Baraja SLB

 

Si le peintre privilégie le thème marin qui lui était cher, il n’hésite pas à poser également sa palette au cœur d’un verger aux environs d’Honfleur, lors d’une fête religieuse en Bretagne ou aux abords d’un champ de courses à Deauville. Mais l’artiste qui avait travaillé dans sa jeunesse comme mousse sur un bateau revient, de manière récurrente, à ses premières amours, les ondes se confondant avec les nuées jusqu’à ce point de tension ultime où les couleurs s’entrecroisent. Boudin, toute sa vie durant, fut épris d’une quête éternelle, celle des liens entretenus par la lumière et les ombres, et les effets fugitifs suscités par les couleurs, comme à Venise, qui fut le chant du cygne de ce peintre impressionniste ; Eugène Boudin parfaitement mit aujourd’hui à l’honneur par cette exposition du Musée Marmottan Monet.

 

 

« Artemisia – Héroïne de l’art "
Musée Jacquemart-André
19 mars – 3 août 2025

 

Il fallait une maison d’une femme peintre, celle de Nélie, épouse d’André Jacquemart, pour accueillir Artemisia Gentileschi, cette audacieuse artiste italienne du XVIIe siècle, ainsi que le souligne d’emblée Pierre Curie, commissaire de l’exposition et conservateur du musée Jacquemart-André. Une exposition qui permet aujourd’hui au public, de par les prêts exceptionnels et la qualité des œuvres exposées, de découvrir toute la valeur et la place de cette artiste quelque peu injustement oubliée jusqu’au XXe siècle et dont les toiles, recherches et attributions continuent d’être, et ce, encore très récemment, découvertes ou affinées. À ce titre, Artemisia Gentileschi (1593- vers 1656) méritait bien un tel écrin.


Artemisia, née à Rome en 1593, suivra très jeune les enseignements de son père, Orazio Gentileschi (1563-1639), peintre originaire de Pise, largement reconnu de son vivant et disciple du Caravage. Pour autant, Artemisia n’est pas, contrairement à quelques préjugés tenaces, « la fille de son père ». Pour s’en convaincre, il suffit de regarder son portrait par Simon Vouet qui ouvre le parcours de cette exposition sous le commissariat de Patrizia Cavazzini et Maria Cristina Terzaghi et Pierre Curie, pour voir combien sa personnalité sut s’affirmer.

Il faut avouer qu’Artemisia devint une femme instruite, fréquentant les meilleurs peintres, mais aussi les cercles littéraires ou encore savants de son époque ; également bonne musicienne, elle se représentera d’ailleurs elle-même sur une célèbre toile jouant du luth (La « Joueuse de luth » 1614-1615 du Wadsworth Atheneum Museum of Art d’Hartford).

 

 

Artemisia Gentileschi, Autoportrait en joueuse de luth, 1614-1615,

 Huile sur toile, 77,5 x 71,8 cm, Hartford CT., Wadsworth Atheneum Museum of Art, Charles H. Schwartz Endowment Fund.

Crédit : Allen Phillips/Wadsworth Atheneum

 


Artemisia, dont la jeunesse fut marquée par un drame puisqu’elle fut en effet violée en 1611 par un ami peintre de son père, Agostino Tassi ; n’ayant pas tenu sa promesse de mariage qui eût été en quelque sorte réparatrice, l’affaire donna lieu à un procès aussi bouleversant que traumatisant pour la jeune artiste… Artemisia sut cependant faire preuve de courage et de résilience et s’imposer en tant qu’artiste femme, n’hésitant pas à parcourir l’Italie, de Rome à Venise, Pise, Florence jusqu’à Naples, ou à voyager jusqu’en Angleterre à la cour de Charles Ier en 1638 pour aider, à sa demande, son père alors âgé à terminer le plafond dans la Maison des Délices de Greenwich (dont le visiteur retrouvera une copie multimédia au plafond de la première salle).

Nourrie ainsi des plus grandes influences de son époque, elle conquit une belle notoriété internationale et reçut elle-même, à l’instar de son père, de prestigieuses commandes provenant des plus grandes cours princières européennes ainsi que de riches aristocrates et collectionneurs.

Influence, en premier lieu, bien sûr, de son père ; une influence que le visiteur découvrira dès la première salle avec des toiles en regard de grand format, notamment cette œuvre d’Artemisia de 1615, « Judith et sa servante » ayant appartenu aux Médicis, aujourd’hui conservée à la Galerie des Offices de Florence. Orazio était fier de sa fille et n’hésitait pas à vanter son talent ; un talent précoce que révèle également admirablement « Suzanne et les vieillards » (Pommersfelden, Schloss Weissenstein), première œuvre datée et signée d’Artemisia âgée seulement de dix-sept ans en 1610.

 

 

Artemisia Gentileschi, Judith et sa servante avec la tête d’Holopherne, v.1615,

Huile sur toile, 114 x 93,5 cm, Florence, Gallerie degli Uffizi,

 Galleria Palatina. Crédit : Su concessionne del Ministera della Cultura

 

Mais aussi influences caravagesques, influences marquées qu’elle partagera avec son père et son époque, et qu’elle contribuera elle-même à diffuser dans toute l’Europe avec de très belles œuvres notamment « Danaé » (1612) ou « David et Goliath », une œuvre exposée pour la première fois en France. Des toiles retenant des thèmes bibliques ou historiques, on songe également à cette toile de grand format « Esther et Assuérus » de 1628 du Museum of Art de New York, ou encore à « Ulysse reconnaissant Achille parmi les filles de Lycomède » de 1640.

 

Artemisia Gentileschi, Suzanne et les Vieillards, 1610,

Huile sur toile, 170 x 119 cm, Pommersfelden, Kunstsammlungen Graf von Schönborn.

Crédit : akg-images / MPortfolio

 

À cela s’ajoutera aussi l’atmosphère artistique de Venise inspirée de Véronèse, mais aussi des influences florentines ou encore napolitaines ; Naples où elle tissera des liens étroits avec les artistes napolitains lors de ses deux séjours et où elle mourra probablement en 1656 de la peste.
 

Mais, au-delà de ces influences, Artemisia saura marquer son œuvre d’une réelle signature, notamment par son souci extrême du raffinement ; finesse des détails que l’on retrouve jusque dans la représentation du pavage sur sa toile, pourtant de jeunesse, « Judith et sa servante ». Artemisia excelle aussi dans l’art du portrait avec des portraits en pied prisés de son vivant, pour certains redécouverts récemment, et où le visiteur retrouvera au cœur de l’exposition ce souci du raffinement. Mais, la singularité et l’audace de cette artiste femme du XVIIe siècle résident probablement dans son extrême sensualité, y compris dans des œuvres à thème religieux, n’hésitant pas à représenter avec une sensualité troublante pour l’époque le corps dénudé des femmes, y compris son propre corps. Sa magnifique « Madeleine pénitente » provenant de la cathédrale de Séville en témoigne.
Ce sont toutes ces influences, ces facettes et cette incontestable richesse que met aujourd’hui en valeur le parcours de cette exposition offrant ainsi à Artemisia Gentileschi une des plus belles mises à l’honneur qui soit.

 

 

 

Galerie Campana - Aile Sully

Musée du Louvre

 

©Musée du Louvre

 

La Galerie Campana du musée du Louvre consacrée à la céramique grecque antique a récemment rouvert après une vaste campagne de rénovation. Tout en préservant son esthétique muséographique héritée du XIXe s. sa lisibilité et présentation ont en revanche bénéficié des dernières innovations contemporaines, tables multimédias, etc.

 

Rappelons que cette collection unique au monde est le fruit d’une passion folle, celle du marquis Giampietro Campana (1809-1880) qui rechercha toute sa vie les antiquités grecques les plus précieuses alors qu’il était directeur du Mont de Piété à Rome. Mais l’homme n’était pas infaillible et fut également accusé de malversations financières causant sa perte et condamnation. Le sort de sa collection échut alors notamment à Napoléon III qui s’en porta en partie acquéreur, collection qui vint enrichir le musée du Louvre avec un nombre de vases et de terres cuites faisant de la Galerie Campana l’une des plus riches au monde.

 

©Musée du Louvre


Bien que celle-ci fut - et est encore - avec ses neuf salles aux fenêtres donnant directement sur la Seine, considérée également comme l’une des plus belles du Louvre, cette vénérable Galerie depuis 1863, date à laquelle elle fut inaugurée sous le Second Empire, avait cependant besoin d’une rénovation afin de préserver cet héritage et cette esthétique à nulle autre pareille.

Avec son parquet à chevron et ses vitrines antiques, sans oublier les somptueux plafonds peints entre 1825 et 1833, eux-mêmes restaurés pour l’occasion, ce lieu singulier au cœur du musée retrouve ainsi après rénovation son lustre. Mais la modernité s’invite également avec un parcours repensé, notamment sur le plan chronologique, des cartels et dispositifs multimédias, ainsi que des tables de consultation proposées aux chercheurs souhaitant étudier certaines pièces. Trois espaces distincts sont aujourd’hui organisés : une salle thématique introductive par laquelle le visiteur a fort intérêt à débuter afin de se familiariser avec la chronologie du IXe au Ier s. av. J.-C. et la géographie de ces antiques artefacts. Trois salles d’études concerneront plus les spécialistes et chercheurs, alors que le parcours chronologique occupant les autres salles familiarisera le visiteur avec les différents styles et techniques de la céramique grecque dont les plus illustres représentants sont présentés avec une plus grande visibilité.

 

©Musée du Louvre

 

Qu’il s’agisse des nombreuses scènes inspirées directement de la mythologie ou de la vie quotidienne, la Galerie Campana offre des instants de vie incomparables de la société grecque antique faisant écho de manière idéale aux sources littéraires classiques.

 

©Musée du Louvre


Le visiteur de la Galerie Campana découvrira, dans l’atmosphère unique et intimiste de ces salles préservées du temps, l’une des plus belles collections de céramiques archaïques et géométriques, à figures noires ou rouges, pour un voyage immédiat dans cette riche et incomparable civilisation antique.

 

 

« Revoir Cimabue – Aux origines de la peinture italienne »

Musée du Louvre

jusqu’au 12 mai 2025

 

L’exposition du musée du Louvre consacrée au peintre Cimabue est assurément un évènement en ce début d’année, et ce à plus d’un titre ! En premier lieu et surtout, celle-ci nous invite à découvrir une figure déterminante de la peinture italienne du XIIIe siècle, et néanmoins méconnue du grand public. Pourtant, l’œuvre de Cimabue, bien qu’aujourd’hui fragmentaire marque une rupture avec les codes quelque peu figés de l’art byzantin et anticipera une nouvelle ère picturale. L’exposition réalisée sous le commissariat de Thomas Bohl propose ainsi au visiteur de s’immerger dans cet univers artistique du XIIIe s. et à découvrir l’œuvre d’un artiste se révélant majeur par sa modernité dans le contexte de l’Italie de cette époque.

 


Peu d’éléments biographiques nous sont parvenus sur Cimabue ; né sous le nom de Cenni di Pepo vers 1240 à Florence, nous n’en savons guère plus. Cependant, son œuvre, bien que restreinte aujourd’hui à une quinzaine de compositions connues, témoigne de sa singularité et de sa modernité. Son art, loin des schémas hiératiques hérités de Byzance, introduit en effet, une approche novatrice tant de l’espace que du volume, amorçant ainsi une transition décisive vers le naturalisme.

 

L’actualité a remis Cimabue sous le feu des projecteurs avec la restauration récente et spectaculaire de la Maestà, ainsi que l’acquisition de La Dérision du Christ par le Louvre en 2023, un panneau inédit redécouvert en France en 2019.

Dans cette œuvre exceptionnelle, le peintre donne aux figures une expressivité saisissante et intègre des éléments propres à son époque, accentuant l’impact émotionnel de la scène. Son approche, en rupture avec la rigidité traditionnelle, confère en effet une intensité nouvelle, très perceptible notamment dans le Crucifix de Santa Croce, où la douleur et la gravité du Christ se traduisent par un modelé plus subtil et une gestuelle plus expressive. Cette émouvante évocation se trouve associée le temps de l'exposition aux deux autres panneaux de ce diptyque provenant de la National Gallery de Londres et de la Frick Collection de New York.

 

 

Travaillant pour les Franciscains, Cimabue a assimilé leur vision spirituelle empreinte d’humanité qu’il a su intégrer dans ses œuvres. Ses compositions épurées, alliées à une vibrante palette colorée, insufflent une nouvelle vie aux sujets sacrés. Cet élan novateur culminera chez son élève Giotto, dont le Saint François recevant les stigmates, également présenté dans le parcours de l’exposition, témoigne de l’héritage direct de son maître.

 

Soulignons, enfin, que l’influence de Cimabue s’étendit bien au-delà de son cercle immédiat. Ainsi, Dante lui rend-il hommage dans La Divine Comédie, tandis que Vasari souligna très tôt son rôle de précurseur. L’œuvre de Cimabue témoigne de son génie et de sa volonté de représenter le monde de manière plus réaliste et vivante, une rupture préfigurant la Renaissance et en écho aux mutations philosophiques et scientifiques de son siècle. Avec cette rétrospective d’exception, le Louvre redonne à Cimabue la place qui lui revient, celle d’un grand artiste, d’un artiste ayant initié l’un des plus grands tournants de l’histoire de la peinture occidentale.

Pour prolonger l’exposition :


* Documentaire de Juliette Garcias De Cimabue à Giotto, les premiers maîtres italiens diffusion ARTE Dimanche 16 mars 17h55

 

* Catalogue de l’exposition paru aux éditions Silvana Editoriale (lire notre chronique)

 

 

 

Exposition « Faire parler les pierres

Sculptures médiévales de Notre-Dame »

Musée de Cluny Paris

Jusqu’au 16 mars 2025

 

Le musée de Cluny, parallèlement à l’achèvement de la restauration de Notre-Dame de Paris, explore le riche patrimoine sculpté de la cathédrale. Cette exposition unique éclaire grâce à une mise en l’espace judicieuse la richesse de l’art gothique et de la vie du célèbre édifice avant les grandes transformations opérées par l’ère moderne.
En partenariat avec l’INRAP et le Centre de recherche et de restauration des musées de France, l’exposition rassemble environ 120 œuvres issues de fouilles, de restaurations récentes et de collections historiques.

 

 

Mais l’intérêt de cet évènement ne réside pas seulement dans la simple présence de ces témoins uniques de l’ère médiévale de la cathédrale, mais aussi et surtout dans leur mise en perspective à la fois didactique et esthétique avec le contexte de ces siècles qui ont vu naître ce joyau du gothique, sans oublier l’impressionnant travail réalisé sur l’analyse et la restauration de ces œuvres souvent parcellaires.

La première impression qui ressort de ce parcours habilement conçu par Damien Berné, commissaire et conservateur en chef au musée de Cluny, est en effet cette beauté ineffable de ces fragments du jubé du XIIIᵉ siècle, récemment découverts lors des fouilles préventives de 2022 et exposés pour la première fois.

 

 

Le regard et l’intérêt du visiteur s’arrêtera également sur ces célèbres têtes des rois de la Galerie des Rois, trouvées en 1977 sous un hôtel particulier, sans oublier cette reconstitution convaincante et éloquente des éléments polychromes des portails Sainte-Anne et du Jugement dernier, ainsi que de la statue d’Adam, chef-d’œuvre de la sculpture gothique. Ces œuvres, associant calcaire brut et traces de polychromie, subliment la richesse du décor médiéval intérieur et extérieur de Notre-Dame avant les trop nombreuses destructions apportées par les siècles suivants.

 


Cette exposition, inscrite dans le cadre du label « Notre-Dame de Paris : vers la réouverture », permettra au visiteur de redécouvrir ce patrimoine en renaissance, par le truchement de pièces inspirées par la spiritualité médiévale avant sa traduction par les artisans les plus virtuoses. Une visite indispensable avant ou après pour redécouvrir la richesse et beauté de la cathédrale Notre-Dame de Paris.


Catalogue « Faire parler les Pierres – Sculptures médiévales de Notre-Dame » Editions Faton, 2024.

 

 

Exposition « Ribera – Ténèbres et Lumière »

 Petit Palais - Paris

Une rétrospective saisissante

Jusqu'au 23 février 2025

 

Jusqu’au 23 février 2025, le Petit Palais met en lumière l’œuvre intense et dramatique de Jusepe de Ribera (1591-1652), un peintre espagnol certes moins reconnu que son maître, Le Caravage, mais dont la puissance artistique mérite indéniablement d’être redécouverte. À travers cette exposition, le Petit Palais offre une immersion dans l’univers de l’artiste, dont le réalisme frappant et les jeux de lumière ont marqué son époque. Né à Játiva, près de Valence, Ribera s’installe en Italie dès son adolescence, où il est surnommé Lo Spagnoletto et s’imprègne de l’art du Caravage. Bien qu’il n’ait peut-être jamais croisé le maître, l’influence de ce dernier sur son œuvre demeure incontestable.

 

Le Jugement de Salomon
Jusepe de Ribera 1609-1610.
Huile sur toile, 153 x 201 cm.
Galleria Borghese, Rome.
© Galleria Borghese.

 

Le clair-obscur et le réalisme – si caractéristiques du Caravage – marqueront son propre style. Tout au long de sa carrière, Ribera bouleversera, en effet, les codes artistiques en introduisant une vision plus crue et plus intime de la réalité, un réalisme captivant qui séduit les plus grands mécènes de l’époque.
L’exposition, pensée par les commissaires Annick Lemoine et Maïté Metz, permet de redécouvrir ce génie baroque à travers une scénographie qui sublime ses chefs-d'œuvre présentés pour la première fois en France. À l’instar de son modèle caravagesque, Ribera maîtrise l'art du contraste, qu’il applique aussi bien à ses scènes religieuses qu’à ses représentations de la vie quotidienne.

Sa capacité à rendre les émotions humaines fait de lui un maître du Baroque, et ses portraits, souvent saisissants de vérité, sont marqués par une approche directe et sans artifice, typique de son époque. Le réalisme de Ribera ne se limite pas aux simples représentations de figures pieuses ; il va jusqu'à sublimer des scènes de misère et de souffrance, comme dans le poignant « Portrait d’un mendiant » de la Galleria Borghese. Son regard acéré et son utilisation de la lumière transforment des sujets simples en drames visuels, amplifiant l’intensité émotionnelle de chaque œuvre.

 

Le Reniement de Saint-Pierre Jusepe de Ribera
1615-1616.
Huile sur toile, 163 x 233 cm.
Galerie Corsini, Rome.
© Gallerie Nazionali di Arte Antica, Ministero della Cultura
 

Dans un contexte religieux marqué par le Concile de Trente, Ribera trouve sa place en réinterprétant les prescriptions morales de l’Église pour toucher les âmes. Ses œuvres, imprégnées de mysticisme et de piété, sont des appels à la dévotion. Son « Saint Jérôme pénitent » ou encore « Saint Jérôme et l’Ange du Jugement dernier » témoignent de cette quête spirituelle. La tension entre la vie et la mort, la souffrance et la rédemption sont au cœur de son œuvre, notamment dans ses scènes de la Passion du Christ, à la fois poignantes et théâtrales.
Loin de se contenter d’une simple présentation chronologique, cette exposition invite le visiteur à comprendre l’évolution de l’artiste en mettant l’accent sur ses thèmes majeurs, et à découvrir à travers l’œuvre de Ribera, une vision personnelle du monde baroque dans lequel chaque toile devient un théâtre de la condition humaine. À ne manquer sous aucun prétexte.

 

Catalogue « Ribera, Ténèbres et lumière » sous la direction d'Annick Lemoine, conservatrice générale, directrice du Petit Palais et Maïté Metz, conservatrice des peintures anciennes au Petit Palais, 23,5×30,5 cm, 304 pages, relié, 180 illustrations, Editions Paris Musée, 2024.

 

 

Naissance et Renaissance du dessin italien

La Collection du Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam

Fondation Custodia,

jusqu’au 12 janvier 2025

 

La fondation Custodia propose de découvrir le fonds de dessins réuni par le grand collectionneur néerlandais Franz Koenigs au siècle passé en une exposition aussi virtuose qu’inspirante. Virtuose, car les feuilles présentées proviennent des plus grands artistes du XVe au XVIe siècle, ces 120 dessins étant pour la plupart d’une remarquable qualité non seulement d’exécution, mais également de conservation. Ces feuilles prestigieuses, essentiellement d’origine italienne, offrent ainsi en une belle scénographie épurée dans la cadre intimiste de la Fondation Custodia une rencontre inspirante avec le visiteur.
 

Léonard de Vinci (1452-1519), Léda et le cygne, vers 1505-1507
Pierre noire, plume et encre. – 128 × 109 mm
Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam. Prêt de la Stichting Museum Boijmans Van Beuningen (ancienne collection Koenigs), inv. I 466
 

Dès la première salle, nous nous trouvons face à la délicatesse de cette Tête d’ange de Giovianni Antonio Boltraffio, actif à Milan dans la deuxième moitié du XVe s., ou encore face à cette émouvante esquisse du thème bien connu chez Léonard de Vinci de Léda et le cygne à la pierre noire, plume et encre… Aucune barrière de sécurité, une affluence toujours raisonnable permettent de littéralement entretenir un dialogue intime avec ces œuvres anticipant des réalisations définitives ou fruits de séances de travail. Pisanello, Spinelli, Gozzoli et bien d’autres artistes laissent une somptueuse idée de ce que pouvaient être les principaux foyers artistiques de l’époque au nord de l’Italie entre Florence et Venise.

Un grand nombre de dessins réunis de Fra Bartolomeo sont présentés un peu plus loin, des études délicates de jeune homme ou plus enlevées pour ce saint Georges terrassant le dragon. Là, une émouvante étude de saint Jean-Baptiste agenouillé signée Raphaël ou encore ce fastueux Buste d’homme esquissé à traits vifs par le grand Michelangelo aux côtés de feuilles tout aussi réussies de Corrège, Parmesan, Primatice, Sebastiano del Piombo…

 

Federico Barocci (1535-1612), Étude pour la Mise au tombeau, vers 1579-1582 Pierre noire, craie blanche, mise au carreau pour transfert, sur papier bleu. – 259 × 374 mm
Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam. Prêt de la Stichting Museum Boijmans Van Beuningen (ancienne collection Koenigs), inv. I 428

 

En fin de parcours, alors que le vertige d’une telle profusion gagne, l’exposition annonce la génération des dessinateurs actifs à la fin du XVIe s. préfigurant le baroque et le classicisme, le visiteur pourra ainsi encore s’émerveiller des dessins remarquables du Cavalier d’Arpin ou des Carrache, une expérience des plus intenses et fertile à découvrir et redécouvrir jusqu’au 12 janvier 2025.

 


L’exposition pourra être complétée avec profit par le catalogue (en anglais) édité à cette occasion et proposant l’état le plus abouti des recherches sur ces dessins et cette période essentielle de l’histoire de l’art : Italian Renaissance Drawings from Museum Boijmans Van Beuningen, un catalogue officiel sous la direction de Maud Guichané et Rosie Razzall, 296 p. 200 illustrations couleur, 28 × 22,6 cm, broché, en anglais, Londres, Paul Holberton Publishing, 2024.

 

 

Exposition « Chefs d’œuvre de la Galerie Borghèse »

Musée Jacquemart André

jusqu’au 5 janvier 2025.

 

 

Le musée Jacquemart André fait une rentrée plus qu’en beauté ! Car, outre la réouverture attendue après rénovation de sa collection permanente, c’est en effet à une promenade inspirée au cœur du parc de la ville Borghèse à laquelle le musée convie le visiteur parisien de l’exposition « Chefs d’œuvre de la Galerie Borghèse ». Impossible pour celles et ceux qui connaissent l’un des plus beaux musées de la Ville Éternelle de ne pas se sentir dépaysé en retrouvant tous ces chefs d’œuvre dans l’écrin intimiste restauré et repensé du musée parisien. Le lieu romain ouvrant ses bras de verdure à la contemplation romantique de ces heures où Byron, Goethe, Victor Hugo et tant d’autres louèrent les charmes de ces jardins nés d’une folie d’un cardinal du XVIIe - le fameux Scipione Borghese - sur ce qui n’était jusqu’alors que des vignes, se trouve en effet transposé, le temps d’une exposition, dans la capitale parisienne.

 

Raphaël, Dame à la licorne, vers 1506,

huile sur toile appliquée sur bois, 67 x 56 cm,

Galleria Borghese, Rome, © Galleria Borghese / ph. Mauro Coen
 

 

Le cardinal Scipione Borghese, prélat tout puissant et neveu du pape Paul V (1550-1621), eut à cœur de réaliser en ces lieux romains une véritable ambassade des arts les plus en vogue de son temps, ne ménageant ni sa fortune immense, ni ses efforts – parfois guère charitables – pour parvenir à réunir l’une des plus belles collections d’art du XVIIe s. Magies des siècles et des lieux, aujourd’hui, alors que la Villa Borghèse est en restauration, c’est une quarantaine de ses trésors qui ont pu de manière exceptionnelle faire l’objet d’un prêt accordé au musée Jacquemart André, ainsi que le souligne avec une délectation compréhensible le commissaire Pierre Curie en collaboration avec Dr Francesca Cappelletti, Directrice de la Galerie Borghèse. Et quel autre musée, mieux que Jacquemart André pouvait effectivement de par son esprit accueillir en son sein pour quelques semaines ces chefs-d’œuvre de la collection Borghèse ?
Anticipant les musées modernes, la Galerie Borghèse dépasse le cadre de la collection privée tant son commanditaire sut non seulement composer cet ensemble selon un goût très sûr, mais également en concevant un dialogue des arts et des œuvres unique en son genre, ce qu’a souhaité rappeler l’exposition parisienne dès son ouverture avec ces sculptures de Lorenzo Bernini, dit le Bernin, présentées en prélude inspiré.

« Entre 1620 et 1625, Scipion Borghèse va donner à cet artiste tous les moyens afin de réaliser les grandes sculptures monumentales qui demeurent les chefs-d’œuvre incontournables du musée romain » souligne Pierre Curie. Des sculptures qui n’ont pas pu, pour des raisons pratiques bien sûr, être dans leur ensemble transportées, mais dont le musée donne néanmoins la nostalgie avec la fameuse « Chèvre Amalthée » qui a fait le voyage et est présente pour l’occasion entourée de deux autres sculptures du Bernin. Après ce prélude, en réminiscence du faste de Borghèse, la première salle de l’exposition donne la tonalité de ce goût sûr du cardinal en présentant le célèbre « Garçon à la corbeille de fruits » de Caravage, éblouissant de fraîcheur et de virtuosité, probablement le premier autoportrait du peintre introduisant le naturalisme à Rome à cette époque et chef d’œuvre incontournable de la collection Borghèse. Quelle merveille de le retrouver ainsi le temps d’une exposition à Paris !
 

Sandro Botticelli, Vierge à l’Enfant avec saint Jean Baptiste enfant et des anges, XVe siècle, tempera sur panneau, diam. 170 cm, Galleria Borghese, Rome, © Galleria Borghese / ph. Mauro Coen

 

Puis, les signatures les plus célèbres se succèdent salle après salle, le Cavalier d’Arpin et cet admirable tableau « L’Arrestation du Christ » qui aiguisa la convoitise du cardinal au point d’ourdir une saisie guère charitable, mais aussi Bernin, Botticelli, Raphaël, Le Dominiquin, Lotto et bien d’autres prestigieux maîtres en un étourdissant panorama de ce que la Villa Borghèse et la peinture italienne de la Renaissance comptent de plus précieux… Venise, Florence, Bologne, Milan, Rome forment les ateliers les plus actifs et créatifs de cette époque où Scipion Borghèse puisera les trésors qui enrichiront sa galerie, galerie qui continuera à s’embellir au fil du temps en un rayonnement non seulement romain, mais également international, ainsi que le souligne le parcours de l’exposition.

 

Titien, Christ flagellé, vers 1568, huile sur toile,

87 x 62,5 cm, Galleria Borghese,

Rome, © Galleria Borghese / ph. Mauro Coen


Plus étonnant encore, le goût du cardinal pour la beauté et l’esthétisme s’exprimera de manière contrastée puisque ses choix iront de l’art sacré le plus dramatique avec « La Flagellation du Christ » du Titien jusqu’aux plus voluptueuses représentations des Vénus en des connotations plus érotiques que mythologique ; Six Vénus qui viendront refermer avec bonheur cette incroyable exposition restituant la magie d’un lieu et d’un goût de l’un des plus beaux musées, véritable regard transversal au sein de la collection de la Galerie Borghèse …


Catalogue « Chefs-d’œuvre de la Galerie Borghèse » Fonds Mercator, 2024.

 

 

Interview Denis Raisin Dadre

Paris, le 30/05/19.

Lexnews a eu le plaisir de rencontrer Denis Raisin Dadre à l'occasion de la sortie de son splendide livre-disque consacré à Léonard de Vinci et la musique. Fondateur de l'ensemble Doulce Mémoire et grand spécialiste de la musique Renaissance qu'il honore par ses concerts et enregistrements internationalement renommés, Denis Raisin Dadre nous a livré ses confidences sur ce grand maître de la renaissance qui était également un musicien talentueux !

 

 

 

 

uelle a été votre première rencontre avec Léonard de Vinci et quel souvenir avez-vous gardé de ses œuvres ?

Denis Raisin Dadre : "Curieusement, ce n’est pas la Joconde qui a retenu en premier mon attention ! Mon caractère me portait plutôt vers des choses moins connues. C’est à Florence que date cette première rencontre, à une époque où je me rendais très souvent en Italie. C’est son Annonciation qui, la première, m’a frappé. Je découvrais alors un Vinci encore très marqué par la peinture flamande de son époque ainsi que par l’atelier du Verrocchio où il a travaillé dès son plus jeune âge. Si je connaissais déjà ce style de peinture, surtout celui de ses contemporains de la fin du XVe siècle avec ce côté extraordinairement minutieux des arrière-plans, cette première rencontre demeure pour moi associée aux Offices de Florence, et cette Annonciation m’est apparue mystérieuse, comme un grand nombre de ses œuvres d’ailleurs".

Quels sont les motifs qui vous ont poussé à réaliser ce livre-disque sur Léonard alors même que vous avouez qu’il ne nous reste aucun témoignage direct des musiques qu’il pouvait jouer en tant que musicien talentueux ?

Denis Raisin Dadre : "Nous n’avons en effet pas de musique de Léonard lui-même si ce n’est un petit canon, mais c’est également le cas de tous les autres musiciens de lira da braccio de cette fin du XVe siècle, car il s’agissait d’un instrument sur lequel on improvisait. Cette lacune n’est donc pas liée à Léonard, mais à son instrument, cette lyre sur laquelle les musiciens n’ont pas laissé de traces écrites. Ce qui est intéressant et surtout frappant chez Vinci, c’est que beaucoup de ses contemporains parlent de lui et de cette musique qu’il jouait, Vasari bien entendu mais également d’autres sources. Ce n’était pas du tout un amateur et il devait avoir une très haute maîtrise pour avoir été invité à Milan non seulement comme peintre mais également comme joueur de lyre. À Milan, lorsqu’il organise les fêtes du duc, il jouait lui-même de la lyre et improvisait des vers en chantant. Cette période concerne essentiellement ses années de jeunesse jusqu’à sa trentaine. Aussi, me suis-je demandé avec Vincent Delieuvin, Conservateur en chef - chargé de la peinture italienne du XVIe siècle chez Musée du Louvre, s’il n’y avait pas justement une relation dans cette pratique de l’improvisation et cette façon de peindre très spécifique à Vinci".
 

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il existait aux XVe et XVIe siècles des musiques dites expressément « secrètes » qui étaient réservées à des élites, et qui ne sortaient pas des lieux où elles étaient jouées

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Pouvez-vous revenir sur cette belle expression « musique secrète » des peintures de Léonard ?

Denis Raisin Dadre : "Deux références doivent être soulignées quant à cette expression de « musique secrète ». Tout d’abord, une référence musicale très précise, puisqu’il existait aux XVe et XVIe siècles des musiques dites expressément « secrètes » qui étaient réservées à des élites, et qui ne sortaient pas des lieux où elles étaient jouées. La plus connue, même si cela est plus tardif, est celle recopiée par Mozart à la Chapelle Sixtine. Cette pratique de musique secrète a lieu également à la cour de Ferrare où les fameuses dames qui chantaient pour le duc tous les soirs avaient interdiction de les divulguer, ce qui explique qu’elles n’ont pas été éditées. L’autre grand exemple sont les Prophéties des Sibylles de Lassus qui ont été composées dans sa jeunesse et qui n’ont pas été éditées pendant longtemps parce que son commanditaire ne souhaitait pas qu’elle soit divulguée tellement cette musique était exceptionnelle. La seconde référence à cette « musique secrète » vient d’une citation expresse du critique d’art Marcel Biron. Ce dernier avouait ne pas regretter la présence des anges musiciens qui devaient encadrer en un retable de chaque côté la Vierge aux rochers (qui se trouve actuellement à Londres) parce que la peinture de Vinci était une peinture dans laquelle on entendait une musique… «Une musique secrète » ! Cela m’a beaucoup marqué et a constitué le point de départ de cette idée d’enregistrement".

La musique franco-flamande prédomine en ce dernier tiers du XVe s. en Italie, peut-on dire que c’est ce répertoire qu’a pu essentiellement entendre et jouer Léonard ?

Denis Raisin Dadre : "Entendre, c’est certain ! Car, après une longue période de recherche sur les manuscrits, j’ai pu avoir une idée assez précise des musiques de son époque lorsqu’il était dans l’atelier de Verrocchio à Florence. Il est même assez étonnant de constater cette omniprésence de la musique franco-flamande sans trouver une seule référence italienne ! Il suffisait que Vinci entre dans une des églises de Florence pour qu’il entende ce répertoire franco-flamand. Par contre, lorsque Léonard jouait de la lira da braccio, il s’inscrivait dans ce grand mouvement d’indépendance de la musique italienne contre cette mainmise de la culture bourguignonne. Ses improvisations sur la lyre n’avaient rien à voir avec ces classiques établis par les grands maîtres franco-flamands".


Le début du XVIe s. voit la naissance en Italie du premier livre de frottole et l’apparition de musiciens italiens, prélude à la grande période du madrigal. En quoi ces nouveautés seront-elles importantes pour la musique italienne ? Comment un peintre tel que Léonard pouvait-il juger ces nouveautés ?


Denis Raisin Dadre : "J’ai puisé quelques pièces dans ces livres de frottole (brève chanson profane italienne, à l’honneur de la fin du XVe siècle jusqu’au milieu du XVIe s. ndlr) qui constituent des témoignages de l’art de la lira de Vinci. Il s’agit de morceaux où il est indiqué « Personetti », c'est-à-dire servant à l’improvisation, des sources absolument rarissimes du début du XVIe siècle concernant cette pratique née à la fin du XVe siècle avec une dizaine de grilles dont on se servait pour réciter -« recitare » - à la lyra, véritable témoignage de l’art de Léonard. D’autre part, nous savons que Léonard a été très sollicité par Isabelle d’Este qui était la sœur de Béatrice, elle-même « grande patronne » de la frottole résidant à Milan".

Trois femmes puissantes sont ainsi à l’origine de l’émergence d’un art proprement italien dans les cours : Isabelle, donc, et sa sœur Béatrice d’Este sans oublier la duchesse d’Urbain. En encourageant les musiciens et cette pratique de l’art de la frottole au début du XVIe siècle, nous assistons dans les manuscrits à cette évolution vers des « proto madrigaux » avant le fleurissement à part entière de l’art du madrigal dans les années 1530. Léonard de Vinci a vu l’émergence de cet art protégé par ces femmes exceptionnelles. Il est certain que cet esprit novateur a puissamment inspiré et correspondu avec l’art de Léonard non seulement dans la peinture, mais également vis-à-vis de la musique qu’il pratiquait. La lira est un instrument d’expérimentation par excellence puisqu’on ne joue pas de musique écrite. De nombreuses recherches musicologiques ont d’ailleurs lieu actuellement sur cet art et je pense que cela va permettre d’expliquer comment nous sommes passés de la première mise en musique de l’Orfeo de Poliziano au XVe siècle à l’Orfeo de Monteverdi, en 1607. La lira, instrument d’Orphée et de l’aède grec qui récitait un texte, est sans aucun doute un des très grands moteurs de l’émergence de l’opéra. Avec la lyra, seul le chant est accompagné de l’instrument, alors que dans toute la musique du XVIe s., la polyphonie prédomine avec la superposition de plusieurs voix répondant à des règles complexes. On a longtemps sous-estimé l’importance de la lyra et il ne faut pas oublier que, naguère, le public pleurait littéralement sur les places de Florence où étaient jouées et récitées ces épopées".


La technique du peintre, notamment son fameux sfumato, rejoint-elle certains effets et ornementations posés par la musique notamment avec la lira ?

Denis Raisin Dadre : "Je me suis permis de faire cette comparaison – et cela n’a évidemment aucun caractère scientifique – car c’est un ressenti qui m’a beaucoup frappé. Il est très troublant de constater que la lyre autour de la voix crée un halo sonore qui n’a rien à voir avec la façon dont on écoute la musique habituellement, d’autant plus que cet instrument n’a pas de basse. Ordinairement, lorsque vous écoutez de la musique, vous trouvez toujours une basse et des accords. Or avec la lyre, il n’en est rien. De plus, cet instrument se place au-dessus de la voix de l’homme ; en terme d’octave, la lyre est, en effet, plus aiguë que la voix d’un homme. Ce système qui est à l’inverse de notre écoute habituelle avec un accompagnement au-dessus et sans basse crée une sorte de « sfumato sonore » qui estompe les lignes ainsi que notre écoute…"
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C’est une époque d’une extraordinaire complexité notamment en terme musical avec des citations permanentes, des thèmes entrecroisés, des jeux contrapuntiques absolument fous

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Une très grande liberté présidait dans la composition et ses déclinaisons en « jeux intellectuels », est-ce là encore un parallèle avec les nombreuses variations, corrections et évolutions apportées par le peintre à ses œuvres toute sa vie durant ?

Denis Raisin Dadre : "C’est une époque d’une extraordinaire complexité notamment en terme musical avec des citations permanentes, des thèmes entrecroisés, des jeux contrapuntiques absolument fous. Ce rapport intellectuel à la musique n’a pu que séduire Léonard de Vinci qui lui-même était un esprit complexe, érudit et scientifique. À son époque, on parle véritablement d’une science de la musique, et nous savons combien ce génie a fréquenté de nombreux mathématiciens qui étaient eux-mêmes des musiciens. Lorsque vous lisez les traités de musique de cette période, vous avez souvent l’impression de lire un traité de mathématique…"


Quel regard portez-vous sur la dimension religieuse de certaines des œuvres de Léonard de Vinci ?


Denis Raisin Dadre : "Je crois que c’est quelque chose de très original chez Léonard de Vinci, ne serait-ce que par les thèmes traités comme celui de sainte Anne avec la Vierge, thème assez rare dans la peinture. La première chose qui me frappe chez Léonard, c’est que nous sommes vraiment aux antipodes d’une peinture qui exalterait la puissance de l’Église, à la différence d’un Tintoret ou d’un Véronèse au XVIe siècle qui se dirigeront, eux, plus vers des choses « baroques » exaltant cette puissance institutionnelle. L’intimité des tableaux de Léonard semble à mon avis l’élément marquant de son art sur le plan religieux. Un dialogue est en quelque sorte instauré entre celui qui regarde et le tableau. Ce genre relève d’ailleurs plus de la dévotion privée que de l’art officiel. Il est d’ailleurs troublant de constater cette ambiguïté entre profane et religieux, sainte Anne et sa fille laissent l’impression d’avoir le même âge, son saint Jean-Baptiste apparaît sous les traits d’un joli jeune homme… Léonard de Vinci fait preuve d’une liberté absolue dans la manière dont il évoque ces personnages sacrés. Je fais d’ailleurs un parallèle quant à cette liberté avec le Caravage dont les peintures religieuses apparaîtront souvent scandaleuses car n’obéissant pas aux normes de son époque. Cette approche religieuse est poussée à son paroxysme avec la Cène et cette agitation extrême des disciples que personne n’avait osé représenter ainsi auparavant. Dans la musique de la même époque, cette intrication sacrée profane est usuelle, et même permanente, avec des musiques sacrées écrites sur des chansons profanes. Un grand nombre de musiques sacrées existait avec un double texte : un soprano ayant recours au latin d’un Requiem pendant que le ténor récitait une chanson. Cette distinction entre sacrée et profane n’existait pas à cette époque. Ce qui me frappe surtout pour Léonard de Vinci, c’est cette liberté quant à l’institution. C’est quelqu’un qui toute sa vie a fait ce qu’il voulait. Le meilleur exemple étant peut-être Isabelle d’Este qui n’a jamais réussi à obtenir son tableau alors même qu’elle n’a eu de cesse de relancer Léonard à ce sujet !"

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Je crois que nous avons retrouvé cette immense tendresse et douceur dans la musique, à l’image de celle omniprésente dans les œuvres de Léonard de Vinci.

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Qu’avez-vous ressenti dans la pénombre de l’abbaye de Noirlac lors de l’interprétation de ce programme composant votre dernier enregistrement ?

Denis Raisin Dadre : "Je dois avouer que ce programme a été certainement l’un des problèmes les plus compliqués de toute mon existence ! Tout d’abord, ces tableaux sont très intimidants, et ce d’autant plus que je ne souhaitais pas présenter une version purement intuitive, mais aussi une proposition scientifique à partir de recherches sur les musiques de cette époque. Et je dois avouer, comme souvent dans ces situations les plus compliquées, qu’il peut y avoir des miracles ! Soudainement la musique « apparaît » avec un lien très fort avec ces tableaux dont les reproductions étaient devant nous. Je crois que nous avons retrouvé cette immense tendresse et douceur dans la musique, à l’image de celle