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Italo Calvino
(1923-1985)
L’écriture comme vie
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Italo Calvino « Romans » Trad. de l'italien par
Yves Hersant, Christophe Mileschi, Martin Rueff et Roland Stragliati.
Édition d'Yves Hersant, Bibliothèque de la Pléiade, n° 672, 1328 p., rel.
Peau, 104 x 169 mm, Editions Gallimard, 2024.
La récente parution du volume de La Pléiade consacré tout spécialement aux
romans déterminants d’Italo Calvino ne pourra que réjouir les amateurs de
l’un des meilleurs écrivains italiens du siècle passé. Difficile tâche que
d’appréhender l’œuvre aussi prolifique que protéiforme de Calvino, cette
personnalité à la fois secrète et facétieuse des lettres italiennes ayant
si souvent brouillé les pistes de celles et ceux qui cherchèrent à le
saisir. Ainsi que le rappelle Yves Hersant pour cette édition de La
Pléiade : « Imagination et raison, chez Calvino, ont noué une alliance
exemplaire », une alliance faite de détours et autres circonvolutions qui
charmèrent tant l’écrivain dont les premiers pas dans la littérature
furent déterminants avec « Le Sentier des nids d’araignée », un récit
d’une rare sensibilité puisée à l’expérience personnelle vécue par
l’écrivain dans les collines de la Résistance lors de la Seconde Guerre
mondiale. Délaissant l’héroïsme guerrier, il parviendra rapidement à se
saisir de cette acuité sensible qui le caractérisera par la suite,
transgressant allégrement les barrières de la réalité pour atteindre le
surnaturel rapporté au quotidien. Yves Hersant, toujours, tient à
souligner la démarche de l’écrivain recherchant insatiablement des formes
nouvelles en de nouvelles expérimentations qui l’ont rendu célèbre et lui
valurent sa notoriété notamment avec la trilogie « Le Vicomte pourfendu »
- « Le Baron perché » - « Le chevalier inexistant » romans réunis dans ce
volume.
La préface de l’édition des « Romans » de Calvino rappelle de manière
précieuse la démarche de l’écrivain qui expliqua lui-même le processus de
sa création : « Le récit naît de l’image, non d’une thèse que je voudrais
démontrer. L’image se développe en une histoire en suivant sa logique
interne ; l’histoire prend divers sens ou, pour mieux dire, autour de
l’image s’étend un réseau de significations qui restent toujours un peu
fluctuantes, sans que s’impose une interprétation univoque et obligatoire
», cette malléabilité à mille lieues du réalisme pouvant déconcerter tout
autant que fasciner. L’humour et l’ironie formeront de manière récurrente
le fil directeur de l’écriture calvinienne, en une distance propre à de
nouveaux horizons sans cesse en formation. La rencontre de Calvino avec le
mouvement de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) ne fera que
consacrer et asseoir cette démarche déjà engagée. Avec son installation
parisienne dès 1967, ces échanges avec des personnalités telles que
Raymond Queneau mais aussi Roland Barthes encourageront encore l’écrivain
à explorer les structures narratives et les jeux linguistiques. C’est cet
extraordinaire cheminement littéraire, à la fois protéiforme et cependant
cohérent, que propose d’emprunter cette belle édition de La Pléiade depuis
« Le Sentier des nids d’araignée », son premier roman en 1947 jusqu’à son
dernier « Monsieur Palomar » en 1983.
Italo Calvino en Folio...
Insaisissable et protéiforme, tels sont les qualificatifs qui surgissent à
l’évocation de l’œuvre prolifique du célèbre écrivain italien du XXe s :
Italo Calvino. La collection Folio propose justement d’explorer le vaste
parcours de cette œuvre tissée au fil des périodes majeures de la vie du
romancier, passant de la veine néoréaliste de ses débuts à l’inspiration
fabuliste qui marquera sa fameuse trilogie « Nos ancêtres » avec « Le
Vicomte pourfendu », « Le Baron perché » et «Le Chevalier inexistant ».
L’humour de l’auteur italien, bien entendu, avec ce vicomte dont les deux
moitiés du corps séparé par un boulet de canon lors d’un combat contre les
Turcs se mettent à mener leur existence propre en un récit aussi truculent
que profond. Cette trilogie embrasse des angles ainsi inhabituels dont
raffole l’écrivain amoureux des paradoxes lorsqu’un jeune baron décide de
grimper au chêne de son jardin pour ne plus en redescendre après une
dispute familiale… Ces points de vue décentrés sont l’occasion de déployer
l’imagination du romancier en autant de récits picaresques qui marquent le
charme de l’auteur du « Baron perché », mais également du « Chevalier
inexistant », ce dernier récit pouvant servir à la fois d’introduction et
d’épilogue à ce cycle incontournable de l’œuvre de Calvino.
« Marcovaldo » publié en 1963 réunit une vingtaine de nouvelles – genre
qu’affectionnait également l’écrivain – évoquant le rapport d’un pauvre
ouvrier issu de la campagne et obligé de s’exiler dans une grande ville
industrielle du nord au fil des saisons. Une série d’aventures qui
derrière le rocambolesque flagrant pouvant être rapproché d’un Charlot ou
d’un Toto masque à peine les grandes problématiques de la vie
post-industrielle.
Avec « Pourquoi lire les classiques », nous retrouvons, enfin, ce rapport
unique au livre et à l’écriture entretenu toute sa vie durant par Italo
Calvino. Pour quelles raisons lire les classiques, vibrer avec l’Odyssée,
aller au fil des pages de Xénophon à Hemingway, ces œuvres atemporelles
que l’on peut toujours redécouvrir tant leurs propos demeurent
inépuisables sous la plume aussi inspirée d’un écrivain comme Italo
Calvino.
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Nous retrouvons
encore ce désir de lecture avec « Si une nuit d’hiver un voyageur », point
de départ d’une longue digression sur les livres qu’aurait aimé lire
Calvino et que l’écrivain décida de réunir en ces pages, fragments de
romans dans un roman ! Ce souci de décentrage toujours récurrent chez
l’écrivain italien se retrouve encore dans « Monsieur Palomar »,
personnage inventé par Calvino et servant de prétexte à toute une série
d’aventures mettant en avant l’acuité du sens de l’observation, un trait
de caractère si précieux et quasi autobiographique. Enfin, les « Leçons
américaines » constituent en quelque sorte le testament d’Italo Calvino
pour des textes qui auraient dû être donnés à l’université de Harvard s’il
n’avait succombé des suites d’une hémorragie cérébrale dans la nuit du 18
au 19 septembre 1985…
« Cahier de l’Herne Italo Calvino » sous la
direction de Christophe Mileschi et Martin Rueff, L’Herne Éditions, 2024.
Les célèbres
Cahiers de l’Herne dirigés par Laurence Tâcu consacrent un numéro au grand
écrivain Italo Calvino sous la direction de Christophe Mileschi et Martin
Rueff. Cette somme unique sur l’un des plus célèbres écrivains italiens de
la seconde moitié du XXe s. permettra au lecteur de découvrir les
multiples facettes d’un esprit guère enclin à la confession si ce n’est
celle perceptible – plus ou moins masquée – dans ses écrits. Ainsi que le
relèvent les directeurs de cette édition, Calvino a donné lieu à de
multiples malentendus, notamment celui consistant à réduire son auteur aux
seuls titres Le Baron perché et Si une nuit d’hiver un voyageur.
Or, c’est justement ce foisonnement fertile injustement méconnu en France
qui fait l’objet des nombreuses contributions de ce Cahier, contributions
signées par les meilleurs spécialistes de Calvino avec quelque 300 pages
particulièrement passionnantes. La connaissance – notamment celle
littéraire – fit l’objet de toutes les attentions de la part de l’écrivain
italien, et ce, dès son plus jeune âge. Celui qui invitait à « repenser
bien des choses » par le truchement de la littérature n’hésita pas, très
tôt, à multiplier les angles d’approche, parfois de manière déconcertante,
toujours à la recherche de cette acuité optimale de l’observation. Aussi,
ce Cahier s’ouvre-t-il judicieusement sur ce sens inné de l’observation
avec cette première partie intitulée « La vie d’un scrutateur », qu’il
s’agisse des premières sensations héritées de ses parents scientifiques
que de celles de la résistance lors de la Seconde Guerre mondiale, plus
tard reprises avec la fertilité que l’on sait dans son premier récit « Le
sentier des nids d’araignée » paru en 1947.
Les liens d’amitié avec Cesare Pavese, trop tôt disparu, mais aussi Elsa
Morante, Natalia Ginzburg et bien d’autres intellectuels affinent et
aiguisent encore cette soif littéraire de tous les instants. La section
suivante « Calvino et l’espace littéraire » permettra d’apprécier la place
et les multiples contributions de l’écrivain au monde littéraire de son
temps sous les formes les plus diverses allant de la veine initiale
néoréaliste aux espaces fantastiques convoquant fables et allégories avec
une dextérité inégalée. « Le siècle d’Italo Calvino » et « Calvino dans
l’espace des images » achèveront de convaincre le lecteur de l’extrême
réceptivité de l’écrivain à la sensibilité de son époque, sensibilité
qu’il sut traduire en d’inoubliables pages dont ce Cahier vient souligner
avec réussite la richesse.
Italo Calvino : « Le métier d’écrire –
Correspondance (1940-1985) » ; Edition Martin Rueff, traduction Christophe
Mileschi et Martin Rueff, NRF, Editions Gallimard, 2024.
Il est de l’art de la fuite comme celui de la fugue, l’écrivain italien
Italo Calvino excella dans le premier, ainsi qu’il ressort de cette ample
correspondance (1940-1985) réunie par Martin Rueff et traduite par
Christophe Mileschi et Martin Rueff aux éditions Gallimard. Insaisissable,
Calvino y déploie en effet un art éprouvé d’impressions aussi fugitives
que pertinentes dans ses échanges avec les plus grands intellectuels de
son temps. Ainsi que le relève avec justesse dans sa très complète préface
Martin Rueff : « On ne saurait imaginer écrivain moins prompt au déballage
». Ne goûtant guère effectivement aux effusions en tout genre en bon
Italien du nord qu’il était, Italo Calvino ne retint jamais le genre du
Journal intime qu’il tenait en suspicion, le considérant bien souvent
comme un déballage inutile, et lui préférant une vision décentrée,
correspondant à son amour des galaxies et du ciel profond. Car, l’écrivain
excelle, en revanche, dans l’art et la manière d’évoquer la passion
exclusive de toute son existence : la littérature et ce « Métier d’écrire
» qui l’occupa toute sa vie durant. Italo Calvino « écrit pour comprendre
et se comprendre » relève Martin Rueff.
La présente Correspondance révèle, page après page, cet amour immodéré,
chaque lettre conduisant, d’une manière ou d’une autre, à la littérature,
par ses questionnements, ouvertures et passions partagées. L’émotion gagne
parfois le lecteur lorsqu’Italo Calvino évoque le suicide de son maître et
ami Cesare Pavese à Turin, un acte à la fois prévisible et inattendu qui
le laisse désemparé. L’humour est bien souvent la compagne de ces lettres
ciselées. Dans l’une d’entre elles, Calvino confesse sa crainte récurrente
qu’à la publication de chacune de ses œuvres, sa mère botaniste ne relève
une erreur scientifique, ce qui ne manqua pas de survenir lorsque
l’écrivain évoqua des mûriers fructifiant… en plein printemps !
Ce fort volume de près de 800 pages rassemble plus de 300 lettres écrites
par Italo Calvino sur un millier que compte sa correspondance allant de
1940 dès l’âge de 16 ans à la dernière en date du 23 août 1985, l’écrivain
devait en effet disparaître dans la nuit du 18 au 19 septembre de la même
année. |
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Jeux Olympiques en livres
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« L’Olympisme. Une Invention
moderne, un héritage antique. », Collectif, catalogue Officiel de
l’exposition « L’Olympisme. Une Invention moderne, un héritage antique. »
au Musée du Louvre., Co-édition Musée du Louvre / Editions Hazan, 2024.
C’est un réel plaisir que de découvrir aux éditions Hazan « L’Olympisme –
Une Invention moderne, un héritage antique », le catalogue officiel de
l’exposition éponyme présentée au musée du Louvre jusqu’en septembre 24.
Cet ouvrage sous la direction des trois commissaires de l’exposition –
Christian Mitsopoulou, Alexandre Farnoux et Violaine Jeammet – offre, en
effet, un bel éclairage alliant histoire et enjeux de l’Olympisme
d’aujourd’hui, cette « invention moderne, un héritage antique », ainsi que
l’annonce son titre. Appuyé par une vaste iconographie, l’ouvrage de plus
de 300 pages livre une analyse moderne, dynamique et actualisée des Jeux
olympiques, une étude loin d’être dénuée d’intérêts notamment de par la
découverte d’archives inédites.
Le premier volet de l’ouvrage est consacré aux symboles des Jeux
(couronnes, anneaux, drapeaux…) et aux acteurs – comment ne pas rappeler,
en effet, la figure la plus emblématique des Jeux : Pierre de Coubertin ?
– Patrick Clastres revient avec passion dans une première contribution sur
cette « Genèse de l’idée olympique chez Pierre de Coubertin », suivent des
figures également incontournables telles que Michel Bréal pour le
marathon, Gilliéron ou encore D. Vikélas. Après avoir rappelé que Paris
fut trois fois capitale olympique en moins de 125 ans, Christian Le Bas
ferme ce tout premier chapitre en faisant de Paris, capitale des sports,
le berceau même de cet olympisme moderne avant que ne s’ouvre le deuxième
volet, cœur de cette riche étude : « Olympisme entre invention et héritage
».
Un chapitre majeur et captivant couvert par plus de vingt contributions et
abordant des thèmes aussi originaux que porteurs tels les timbres édités à
l’occasion des jeux, les affiches, cartes postales, mais aussi, bien sûr,
les trophées, médailles, les hymnes ou encore des sujets certes plus
classiques, mais tout aussi passionnants notamment l’ « Athlétisme et
entraînement militaire dans le monde grec : complémentaires ou
antagonistes ? » ou « Gestes antiques en scènes »… De riches contributions
que vient illustrer idéalement une iconographie des plus soignées et
choisie.
Le catalogue se referme sur un dernier chapitre consacré à l’ « olympisme
et politique » avec, bien sûr, « Berlin 1936 », mais également des
contributions venant souligner la place des femmes hier et aujourd’hui
dans les jeux Olympiques. Un ouvrage aussi riche que passionnant.
« Quand les Grecs anciens
faisaient du sport » d’Alexandre Farnoux avec la participation de Violaine
Jeanmmet ; Publication officielle de l’exposition éponyme, Co-édition
Louvre Éditions / Editions Hazan, 2024.
Actualité oblige, remontons le temps avec le grand historien helléniste,
Alexandre Farnoux, pour découvrir la manière dont les Grecs anciens
concevaient le sport, une manière inspirée et informée de retourner aux
sources. Évitant les images d’Épinal et autres contrevérités souvent
émises, l’historien replace la pratique sportive – en la détaillant – dans
le contexte plus général de la société grecque en lien avec l’éducation,
la religion, l’armée et la politique. C’est par la méthode rigoureuse qui
le caractérise qu’Alexandre Farnoux nous invite ainsi à reconsidérer les
sources dont nous disposons et notamment ces incontournables pièces que
conserve le Louvre avec ces fameux vases antiques, ou ces multiples
figurines ainsi que les sculptures ayant livré les plus célèbres poses
athlétiques…
L’art grec révèlera alors au lecteur des pans entiers de la conception du
sport dans cette civilisation antique, une conception certes éloignée de
celle qui sera développée plus tard avec la reconstruction de l’idée
moderne de l’olympisme. L’auteur remet ainsi les pendules à l’heure,
écarte les stéréotypes modernes notamment celui d’une « continuité » de
l’olympisme…
Entraînement et compétition caractérisaient en effet la
pratique sportive chez les Grecs, sans que cela constitua pour autant un
divertissement au sens moderne du terme. Plus proche de la notion
d’athlète que de celle du sportif, la pratique ancienne des différentes
disciplines olympiques se préparait avant tout dans un cadre – le gymnase
– qui n’avait rien à avoir avec les stades que nous connaissons… Nous le
constatons, la lecture de ce passionnant essai lève plus d’un voile sur la
pratique sportive dans l’Antiquité grecque, une étude plus
qu’indispensable pour mieux comprendre ce dont nous avons hérité et ce qui
relève plus d’une réinvention…
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« Le sport dans l’art » ; Sous la direction de
Yann Descamps et Georges Vigarello, Éditions Citadelles & Mazenod, 2024.
L’actualité la plus immédiate rend précieuse la présente parution de cet
exceptionnel volume « Le sport dans l’art » aux éditions Citadelles &
Mazenod. Les Jeux Olympiques qui vont s’ouvrir à Paris du 26 juillet au 11
août 2024 ne pouvaient que justifier une telle réflexion sur les rapports
entre sport et art, rapports remontant à la plus haute antiquité justement
du fait des fameuses Olympiades… Yann Descamps et Georges Vigarello ont
dirigé cette somme réunissant les contributions des meilleurs spécialistes
afin de couvrir plus de deux millénaires des arts représentant le sport
sur toute forme de support.
Dès les temps antiques, les plus grands artistes se sont, en effet, saisis
du corps du sportif et du geste sportif. Viennent bien entendu à l’esprit
les plus belles statues d’athlètes sculptées dans le marbre constituant
ainsi l’un des fleurons de l’art grec classique occidental avant qu’il ne
soit repris et adapté par le monde romain. Mais les peintres évoqueront
également sur des vases ces exploits magnifiant le corps représenté selon
des critères esthétiques qui resteront longtemps la référence plastique de
tout sportif.
Cet ouvrage d’art et d’histoire explore de manière chronologique (de
l’Antiquité au XXIe s.) ces rapports étroits entre la performance sportive
et son saisissement par l’artiste sur toute sorte de supports imaginables,
du marbre au manga. Ainsi, au fil des pages, le lecteur pourra découvrir
les exploits mythiques des lutteurs athéniens, mais aussi les tournois de
chevalerie du Moyen Âge, sans oublier le thème si fertile de la chasse, du
tir à l’arc, des jeux de balles, etc. Les activités les plus inattendues
sont également abordées dans cet ouvrage décidément très complet tel ce
saut de cerceaux en pleine Renaissance ! D’une pratique réservée à une
élite au passage de sports étendus au plus grand nombre, l’ouvrage
révèlera combien la perception des artistes saura également évoluer ainsi
qu’en témoignent l’iconographie abondante de cet ouvrage de référence en
la matière.
"Vies en jeux - Leur flamme éclaire l'Histoire"
d'Églantine Chesneau, Editions Vents d’Ouest, 2024.
Voici un album qui devrait retenir l’attention des petits et grands tant
l’approche et l’esthétique retenues invitent à le dévorer des yeux de la
première à la dernière page ! Ce récit graphique conçu à partir du destin
de 16 athlètes qui ont bousculé les règles des Jeux Olympiques débute bien
entendu dans l’Antiquité et Églantine Chesneau, l’auteur, rappelle pour le
lecteur le contexte mythologique et historique qui présida à
l’établissement de ces épreuves. Mais rapidement, nous quitterons ces
temps anciens pour nous focaliser sur le parcours étonnant de ces 16
athlètes, femmes et hommes, qui marquèrent aux XX et XXIe s. ces épreuves
tant sur le plan physique que moral tel l’athlète afro-américain Jesse
Owens aux JO de Berlin 1936, une date fatidique pour un sportif de couleur
et petit-fils d’esclave… Eglantine Chesneau rappelle également par une
mise en planche à la fois minimaliste et pourtant si éloquente les faits
extraordinaires de l’athlète qui osa défier Hitler !
Ces « Vies en Jeux » s’attachent ainsi à rendre le destin singulier de
sportifs tel celui de Lis Hartel aux JO d’été d’Helsinki en 1952 et de
Melbourne en 1956. Cette cavalière de mérite atteinte de poliomyélite
demeura totalement paralysée… Sa détermination et son courage parvinrent
cependant à venir à bout de l’adversité pour finalement non seulement lui
permettre de participer aux JO mais également y rafler des médailles !
Tous ces destins sortant de l’ordinaire sont évoqués avec sensibilité et
humour par l’auteur dans ce récit graphique à la fois captivant et
particulièrement réussi.
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Littérature - Poésie - Romans
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Fouad El-Etr : "L’escalier de la rue de
Seine", Éditions L'Atelier contemporain, 2024.
Empruntons une à une les marches de l’escalier de la rue de Seine à la
suite du poète éditeur Fouad El-Etr en compagnie de son ami l’artiste Sam
Szafran grâce à cet ouvrage paru aux éditions de l’Atelier contemporain.
Réunissant deux textes témoignages, « Esquisse d’un traité du pastel » et
« L’Escalier de la rue de Seine », ce fort volume retrace le parcours
d’une vie et d’une revue passée à la postérité, La Délirante… A la fois
chantre d’une aventure qui relève du récit picaresque tant les défis à
relever semblaient quasi impossibles pour un seul homme, et poète des
temps modernes Fouad El-Etr a toujours été convaincu de sa démarche,
parfois contre vents et marées. Les solides amitiés qui résistèrent à
cette personnalité fougueuse et entière permirent cette aventure digne de
celle d’un Ulysse du XXe siècle. Face aux géants de l’édition moderne, un
homme sut en effet imposer une revue unique en son genre réunissant la
fleur de la littérature (Borges, Brodsky, Cioran, Paz, Schéhadé, Yeats,
etc.) et des arts (Bacon, Balthus, Botero, Szafran…).
Rédigés à cinquante ans d’intervalle, ces deux textes retracent ainsi
cette aventure romanesque de La Délirante et l’amitié qui lia l’auteur à
Sam Szafran. Le fil directeur réside dans ce fameux escalier du 54 de la
rue de Seine, un immeuble de six étages au cœur du quartier de
Saint-Germain-des-Prés où logeait Fouad El-Etr. C’est ce même escalier qui
allait bientôt sur les encouragements du poète éditeur devenir l’atelier
de travail de Sam Szafran, un atelier quasi-hypnotique qui devait se
transformer en labyrinthe prolongeant au siècle passé les gravures
tourbillonnantes des fameuses prisons de Piranèse. Dès la première lettre
datée de 1974, Fouad El-Etr jette les esquisses d’un traité informel du
pastel : « Je me rends compte seulement à quel point la technique du
pastel, que tu es le seul à perpétuer de nos jours avec un tel éclat,
s’est libérée avec le temps d’une destinée de demi-teinte pour se ranger,
avec ses poudres et couleurs, du côté de la peinture. Quel chemin depuis
le profil d’Isabelle d’Este esquissé à la pierre noire par Vinci, et
rehaussé de sanguine, de craie ocre et de blanc, et repris à l’estompe,
jusqu’aux splendides portraits de Chardin et de Perronneau, qui sont de
véritables hymnes au pastel !… ». Fixer l’éphémère grâce au pastel en
un fragile équilibre toujours menacé, telle était la crête envisagée. .
Ce « monologue poudré » est ponctué de réminiscences de Chardin, tout
autant que de perfections évoquées par le poète Francis Ponge. Cette
délicatesse exigeante devient alors omniprésente, page après page, le
lecteur devenant lui-même hypnotisé par tant de nuances encore accentuées
par le mouvement spiralaire récurrent des marches de l’escalier… Ce
vertige ouvrant vers de multiples infinis devient alors l’élan de la
création la plus incroyable, l’escalier formant lui-même une métaphore de
l’existence.
Avec « L’Escalier de la rue de Seine », nous franchissons ainsi les
barrières du temps en revenant dix années auparavant, un soir d’octobre
1965, véritable coup de foudre artistique. Acte de naissance de La
Délirante dont le premier numéro sortira en 1967, cette amitié aura à
braver les intempéries et les aléas politiques et sociaux (mai 68),
économiques (les impossibles financements) tout en poursuivant un
cheminement fécond entre poésie, art et littérature. L’indépendance de
Fouad El-Etr nourrie du dialogue fécond entretenu avec les plus grands
noms des arts et des lettres du siècle passé, sans compter les grands
auteurs plus anciens, donnera naissance à un travail éditorial unique en
son genre dans la grande tradition typographique conjuguant excellence et
raffinement. Un témoignage délectable et inspirant… on ne peut qu’en
remercier l’auteur, Fouad El-Etr.
Philippe-Emmanuel Krautter
Erri De Luca : « Les règles du
Mikado » traduit de l’italien par Danièle Valin, Editions Gallimard, 2024.
« Les règles du Mikado » présidant à la rencontre fortuite
d'un vieil homme et d'une gitane fuyant les siens, tel est le thème du
dernier roman d'Erri de Luca paru aux éditions Gallimard. En une évocation
à la fois pudique et profonde, le narrateur – dont l’auteur n’est jamais
très éloigné – ouvre la main pour recueillir cet oiseau apeuré poursuivi
par les siens. L’accueil, le partage, l’échange, la foi en l’être humain
quels que soient ses secrets, constituent les thèmes récurrents de ce
roman discret à l’image de son auteur. Le vieil horloger – nous ne
connaîtrons pas les noms des protagonistes comme s’en explique le roman en
préface – apprécie la minutie du geste, celle des mécaniques de précision
tout autant que l’habileté à se saisir des fins bâtonnets de bois du
fameux jeu de patience d’origine japonaise. Tout est lié, le destin des
hommes à l’image des parties composant la nature, la moindre modification
provoquant une suite d’effets souvent insoupçonnables, à l’image de cette
jeune femme dont le destin se trouvera étonnamment bouleversé tout autant
que celui de son bienfaiteur… Derrière l’intrigue apparemment simple se
cache une multitude d’analyses sur les situations, les caractères, le
destin et les multiples interactions suscitées par la vie. De Luca dresse
un portrait sensible de ses protagonistes où la poésie n’est jamais
éloignée, un récit initiatique en forme d’accueil de l’altérité qui laisse
une profonde inspiration de liberté après sa lecture dans la belle
traduction de Danièle Valin.
Henry Miller : "Jours tranquilles
à Clichy" ; Traduction de Gérald Robitaille ; Préface de Michael Paduano ;
Photographies de Brassaï, Editions Bartillat, 2023.
Les éditions Bartillat ont eu l’heureuse idée de publier pour la première
fois en français « Jours tranquilles à Clichy » de l’écrivain américain
Henry Miller illustré des photographies du non moins célèbre photographe
Brassaï. Ces récits entre roman et autobiographie d’années passées à
Clichy dans les années 30 du siècle passé relèvent tout autant de
l’impromptu incisif que d’une méditation sur la vie. Avec sa spontanéité
jouissive, le narrateur sait se saisir des petits riens du quotidien
illuminant une journée alors que les amours tarifées, la nuit venue,
scandent le récit selon le rythme libertaire bien connu de l’écrivain
américain. Bien entendu, certains propos seront difficilement admissibles
de nos jours, mais tel n’est pas le cœur de l’ouvrage traduit avec une
rare acuité par Gérald Robitaille qui sait en restituer le souffle
millérien.
À l’image du célèbre « Colosse de Maroussi », Miller sait en ces pages se
saisir de la vie comme d’une flamme entre les doigts, exercice hautement
périlleux où beaucoup ont péché par excès ou trop grande prudence. À la
différence de l’univers blafard, pour ne pas dire glauque d’un Céline
relatant le milieu proxénète de la ville de Londres quelques années
auparavant, Miller parvient à trouver un rayon de soleil dans les camaïeux
de gris de la capitale française. Période féconde de l’écrivain pourtant
dans le plus grand dénuement ainsi que nous le rappelle en postface
Michael Paduono, « Jours tranquilles à Clichy » parvient à restituer une
tranche de l’histoire d’un quartier populaire de Paris dans les 30 (mars
1932 à fin 1933 plus précisément) au 4 rue Anatole Franche à Clichy avec
son ami Alfred Perlès. Un récit haut en couleur, un hymne quasi extatique
à la vie.
Philippe-Emmanuel Krautter
Antoine Sanchez : « Le Pégase »,
Éditions L’Atteinte, 2020.
Il y a toujours quelques pépites littéraires que l’on découvre un peu plus
tard notamment lorsque la maison d’édition est discrète et édite
tranquillement des ouvrages de quelques dizaines de pages sensibles et
tournées vers l’intime et l’humain. Tel est le cas de ce court roman «
Pégase » dont l’auteur, Antoine Sanchez, musicien et écrivain, transcrit
les rythmes des mots de tous les jours des habitués accoudés au zinc ou
assis à une des tables de ce bar-tabac de village, hors du temps, non loin
de l’église et de sa place où joue Norbert, le musicien, que tous
connaissent. Pégase sauvé de sa fermeture par Raymond et Odile est un lieu
hanté par ses habitués, par toutes ces personnalités qui y laissent une
trace journalière, d’une banalité parfois déconcertante, mais qui sont les
meilleures vigies de tout ce qui peut ou pourrait se passer dans le
village. Fins observateurs des autres, ces personnages iconiques de ce
lieu sont eux-mêmes regardés et commentés par les autres. Ils s’inquiètent
du retard de l’un, de la santé de l’autre, de l’absence trop prolongée
d’un tel… Tous ont bien plus de « relief » que ne laissent paraître leurs
rituels quotidiens.
« Au Pégase, il a ceux qui sont là depuis toujours. Le zinc, la bête et ce
verre que l’on brandit en guise de prière, entre soif de joute et
d’immobile. » Au Pégase, il a aussi ceux qui ne feront que passer.
Un café, un petit blanc, un thé, un scotch… si tôt ! Un autre ?
Tient que ce passe-t-il, un brin de déprime, de nostalgie ou de
mélancolie, vas-y parle-nous, raconte… « Ce court texte émaillé de
réflexions philosophiques et métaphysiques, est un vrai petit théâtre,
fait de vies cabossées dont on détourne habituellement le regard » écrit
l’éditeur et de ce fait il n’est plus possible d’entrer dans un bar et de
ne pas observer ce foisonnement de moments de vies qui y passent un court
instant sans imaginer la suite de toutes ces histoires potentielles,
celles qui réjouissent l’imagination des écrivains.
« Les derniers clients sortent leurs billets, leurs pièces, leurs cartes.
Raymond regarde dehors, la nuit, la lumière des lampadaires, des
silhouettes fuyant sous la pluie. Une journée comme une autre. Rien qu’une
journée comme une autre. »
Sylvie Génot-Molinaro
Richard Rognet : « Patienter sous les nuages », NRF,
Editions Gallimard, 2024.
Dans son dernier recueil, le poète Richard Rognet nous convie à «
Patienter sous les nuages », belle invite que le lecteur ne manquera pas
de suivre à la lettre ! L’auteur puise en ces pages inspirées à l’encre
diaphane de ces formes évanescentes par excellence, nous entraînant dans
une contemplation que les temps modernes tendent trop souvent d’occulter.
L’ouverture de ces poèmes en prose se fait sous la forme d’une promenade
où les sens sont aux aguets, prompts à saisir l’insaisissable, frôlements,
ombres, songes… L’écriture se conçoit alors comme viatique à la douleur et
autres peines du monde. Le langage entendu ainsi devient synonyme de vie,
toujours en devenir, jamais révolu.
La poésie de Richard Rognet se veut mouvement, vibrations, parfois
imperceptibles de la nature et du monde. En un élan toujours renouvelé, le
poète tente d’en retenir l’essence, de l’approcher à l’affût, la nature
revêtant alors un autre manteau, non plus accessoire de nos loisirs mais
bien celui incontournable de la vie même. Cette inspiration élégiaque qui
transparaît de cette prose sensible n’a rien de convenu mais relève plutôt
du souffle vital du poète qui y puise notamment ces vers d’une grande
délicatesse dont les dialogues impromptus avec les éléments renforcent
encore notre émerveillement : « J’entre dans la lumière qui fourmille
parmi les arbres, je lui demande quel chemin elle veut bien me proposer
pour que j’aille toucher les ultimes langues de neige qui étincellent sur
les les pentes, j’entre dans la profondeur de la lumière… ».
Philippe-Emmanuel Krautter
« Giocanda » de Nikos Kokàntzis,
traduction du grec par Michel Volkovitch, Mikros Littérature, Éditions de
l’Aube, 2022.
Giocanda est l’œuvre d’une vie et d’un souffle, celui de
l’amour inconditionné et éternel réunissant à jamais deux êtres que
l’Histoire cherchera pourtant à séparer… Nikos Kokantzis livre, en effet,
avec ce témoignage sensible et poignant l’histoire – sa propre histoire –
d’un jeune adolescent dans la ville cosmopolite de Thessalonique où
communautés juives et locales vivaient en harmonie jusqu’à ce que le vent
de la Seconde Guerre mondiale ne vienne balayer à jamais tous ces liens.
Giocanda est une jeune fille juive, voisine de Nikos, l’auteur et
narrateur, les deux adolescents scellant rapidement leur destin en des
liens purs et absolus. Kokantzis, page après page, se remémore ces amours
naissantes, ce rapprochement indéfectible entre deux êtres qui allaient
bientôt – trop tôt – être séparés à jamais. Mais c’était sans compter sur
le travail de mémoire et d’écriture qui allait combler ces vides et
perpétuer ce souvenir passionnel transcendant ainsi les affres du temps.
Nul lyrisme, nul pathos dans l’écriture limpide et poétique de l’écrivain
grec si bien rendue par la belle et sensible traduction de Michel
Volkovitch, mais la présence et la sensualité de ces deux jeunes
adolescents en des pages qui pourraient bien être une définition de
l’amour absolu... Une évocation dont le lecteur ne sortira pas indemne et
qui contribue à perpétuer la mémoire de tous ces êtres brisés par le
destin.
À noter la récente parution du même auteur disparu en 2009 : « Le vieil
homme et l’étrangère » aux mêmes éditions de L’Aube.
Philippe-Emmanuel Krautter
« Pièces roses » et « Pièces
baroques » de Jean Anouilh, Coll. « La Petite Vermillon », Éditions La
Table ronde, 2023.
Si Antigone demeure l’œuvre la plus célèbre de Jean Anouilh, ses
nombreuses autres créations ne sauraient pour autant être négligées
notamment celles dénommées « Pièces roses » ou encore « Pièces baroques »
que le lecteur retrouvera dans ces deux volumes récemment parus dans la
collection « La Petite Vermillon » aux éditions La Table ronde. Des œuvres
empreintes de fantaisie, de légèreté et d’humour, ainsi que leur titre
respectif le laisse présager. L’auteur avait lui-même rangé et regroupé
ses pièces selon cette thématique : « roses », « baroques » ou encore «
Pièces costumées », « Pièces grinçantes », etc. également parues dans
cette collection.
« Humulus ou le muet » qui ouvre le recueil « Pièces roses » sera la
première pièce de Jean Anouilh qui sera représentée en 1932. L’histoire
est celle d’un muet, Humulus, qui ne peut après avoir été soigné prononcer
qu’un seul et unique mot par jour ; Comment en ces circonstances déclarer
son amour ? Pièce courte pleine de fantaisie mais aussi un brin cruelle… «
Le bal des voleurs » qui suit sera l’un des premiers succès de l’auteur
après « Le voyageur sans bagage » et signera une longue coopération entre
Anouilh et Barsacq. Enfin, représentée en 1940, « Léocadia » après « Le
Rendez-vous de Senlis » et qui referme ce volume est probablement la pièce
la plus connue avec une jolie thématique intemporelle, celle du temps et
de la vie…
Le lecteur retrouvera dans le volume « Pièces baroques » trois autres
pièces de théâtre créées dans les années 1960-70 notamment « Cher Antoine
ou l’amour raté » de 1966 ; un huis clos caustique sur fonds d’ouverture
de testament offrant un jeu aussi âpre que pétillant suivi de « Ne
réveillez pas Madame » et du « Le Directeur de l’Opéra », des oeuvres
également pleines d’un humour sans concession sur le monde de la scène et
l’amour…
L.B.K.
« Le Tour du Monde en 80 jours »
de Jules Verne et « Jane Eyre » de Charlotte Brontë, Editions Larousse,
2023.
Quel plaisir de retrouver ces titres de toujours – « Le Tour du monde en
80 jours » de Jules Verne ou encore « Jane Eyre » de Charlotte Brontë – dans
cette collection collector chez Larousse ! Un ravissement qui allie autant
le plaisir des yeux que celui de la lecture avec une mise en page claire,
des caractères lisibles, de belles illustrations et de jolis culs-de-lampe
ou autres ornements ; tout enchante dans ces ouvrages d’antan offerts aux
siècles derniers à Noël aux enfants fortunés ou pour les plus studieux à
titre de récompense, ce que l’on nommait alors « Prix de fin d’année »…
« Le Tour du monde en 80 jours » de Jules Verne, cet incontournable
classique publié pour la première fois en 1872, enchante toujours autant
les grands et plus jeunes avec ces extraordinaires aventures de Phileas
Fogg et de son fidèle domestique ; qui n’a jamais rêvé en tenant entre ses
mains ce fabuleux voyage ? L’un des meilleurs romans de Jules Verne ayant
connu bien des traductions et adaptations… Sa lecture demeure cependant
dès plus jubilatoire !
« Jane Eyre » de l’anglaise Charlotte Brontë, l’aîné des trois « sœurs
Brontë », est, pour sa part, un roman inoubliable qui a bouleversé nombre
de générations depuis le XIXe siècle. Comment oublier, en effet, la vie de
cette orpheline qui subira les affres de sa tante et cousines, avant que,
devenue gouvernante, elle ne tombe amoureuse du père de son élève, Mr.
Rochester, pour le meilleur et pour le pire… Un ouvrage considéré comme le
chef d’œuvre de Charlotte Brontë!
L.B.K.
François de Saint-Chéron : «
Malraux devant le Christ », Editions Desclée de Brouwer, 2023.
On connaît (certes, plus ou moins bien) l’œuvre, la vie ou la pensée de
cette incomparable personnalité éprise de culture et d’art que fut André
Malraux, et François de Saint-Cheron a par son talent et fidélité beaucoup
contribué et œuvré à cette connaissance. Il demeure cependant un point –
plus intime – sur lequel Malraux demeure moins connu, celui de la
religion. Si son attrait pour certaines religions notamment
extrême-orientales et sa fascination pour l’Inde sont plus familières ou
si nous avons tous en mémoire ses fabuleux ouvrages concernant l’art
chrétien (« Le Monde chrétien », « Le Surnaturel »), quelle était
cependant sa position ou croyance face à la religion chrétienne dans
laquelle il était né ? Si Malraux se présentait, ainsi que le souligne
l’auteur, comme agnostique, cette seule affirmation n’épuise cependant pas
à elle seule toute la question, tant s’en faut !
À la lumière de son œuvre et convoquant de nombreux témoignages (lettres,
biographies…), François de Saint-Cheron faisant preuve de pudeur et d’une
belle sensibilité révèle, en effet, au lecteur un Malraux bien plus
complexe et déconcertant : Son attrait ou attachement à certains saints –
on songe à saint Jean l’Evangéliste dont il demandera à une sœur lecture,
en 1944, alors qu’il pensait être fusillé au petit matin, mais aussi saint
François d’Assise ou Lazare – titre d’un récit autobiographique ; Son
respect, ses interrogations ou affirmations à certains de ses amis
notamment au Père Bockel, aumônier de la brigade Alsace-Lorraine, à
Mauriac ou à Bernanos, parfois appuyées ou reprises dans les pages de ses
ouvrages ; Son intérêt, enfin, accordée au Christ, à l’âme, au mal, à la
foi ou transcendance… Croyance, quête ou regret ?
C’est un Malraux effectivement plus intime et bien moins péremptoire que
certains n’avaient voulu le dire que découvriront les lecteurs de cet
ouvrage ; nombre de ses proches ou amis l’avaient pour beaucoup
parfaitement pressenti ou senti. Au-delà de sa réelle connaissance de la
culture chrétienne, Malraux semble, non pas obsédé, mais « hanté » par la
question de la transcendance, « cette part éternelle qui en lui [l’homme]
le dépasse. » écrira-t-il au Père Bockel… Ce n’était peut-être pas pour
rien que le Général de Gaulle lui avait un jour répondu : « Pourquoi
parlez-vous comme si vous aviez la foi, puisque vous ne l’avez pas ? »
L.B.K.
Chris Offutt : « Les Gens des
collines », Coll. « Totem », Éditions Gallmeister, 2023.
Mick Hardin est un enquêteur du CID, la division des enquêtes criminelles
de l’armée, spécialité homicides, en permission dans sa région natale du
Kentucky où vivent sa sœur, Linda, première femme shérif du comté, ainsi
que sa femme Peggy, enceinte et proche d’accoucher. Ce pourrait être le
début d’une histoire toute simple mais il n’en est rien … Mick aime un peu
trop le bourbon et les moments de solitude dans une cabane en bois au
milieu des collines, c’est là que Linda le trouve et lui demande de l’aide
sur une enquête. Mick a participé aux grands conflits militaires
américains et se pose en vétéran respectable mais cela suffira-t-il pour
que les habitants les aident à retrouver le témoin de ce crime et dont
tous connaissent l’identité de la victime ? Et quand bien même, quelqu’un
serait-il prêt à « cracher » le nom du meurtrier... Une course contre la
montre et une enquête serrée se profilent car Mick doit aussi reprendre du
service même avec pas mal de jours de retard et se débattre avec des
différends entre lui et Patty…
Chris Offutt joue sur sa connaissance des gens bruts et méfiants des
collines qui cachent leurs non-dits et leurs secrets. Dans les trois
premières pages du roman, le scénario s’écrit et une tension s’installe. «
…Quelque chose arrêta son regard, une couleur ou une forme qui n’aurait
pas dû être là… Il se redressa pour s’étirer le dos et vit une femme
allongée dans une position disgracieuse, le corps contre un arbre, la tête
pendant vers le bas, le visage tourné. Elle portait une robe élégante. Ses
jambes étaient nues et une chaussure manquait à son pied. L’absence de
culotte le fit douter qu’il puisse s’agir d’une chute accidentelle. Il
s’approcha et reconnut suffisamment ses traits pour savoir son nom de
famille. » Une ambiance western policier actuel, un rythme
cinématographique, des chapitres comme des plans-séquences et un style
clair nous plongent dans les familles du coin et la diplomatie parfois
limite que Mick affectionne pour obtenir ce qu’il veut entendre. Mick ne
voit plus les choses comme tout le monde, trop d’horreurs de guerre dans
son esprit, sans doute, et trop chercher empêcherait de trouver : « …Ne
cherche pas les champignons, regarde là où ils poussent. La nuit, ne
cherche pas la piste d’un animal, va juste là où il n’y a pas d’arbre.
Vois les formes et les couleurs, pas la chose elle-même. » Une porte de
sortie pour l’esprit de Mick, le chant des oiseaux, la beauté des arbres
et de la nature qui l’entourent et où il aime se réfugier.
Heureusement car pour tenir le coup et mener à bien cette enquête, Mick et
Linda vont compter les morts qui jalonneront les routes escarpées des
collines du Kentucky, comme l’intervention d’un agent du FBI, pas vraiment
le bienvenu dans ce comté. Mais il faudra bien faire avec les
susceptibilités de chacune et chacun et les méthodes peu orthodoxes de
monsieur Hardin, le passé de tous et trouver qui manipule qui suivant la
devise de Mick :
« Fais ce qui doit être fait ».
Sylvie Génot-Molinaro
« Je pense à votre destin – André
Malraux et Josette Clotis – 1933-1944 » de Françoise Theillou ; 256 p.,
Coll. « Essai français », Editions Grasset, 2023.
La vie et la personnalité de Josette Clotis, deuxième compagne d’André
Malraux de 1933 à 1944, sont quelque peu moins connues ; on songe en
comparaison, bien sûr, à sa première épouse, Clara Malraux, union dont
naîtra Florence Malraux. André et Josette se rencontre avant-guerre à la
NRF, Malraux est déjà un écrivain connu et il obtiendra le Prix Goncourt
quelques semaines plus tard. Josette, apprenant la nouvelle chez ses
parents en province, ne sera pas peu fière de cet amant… mais André
Malraux est marié, et Clara enceinte de Florence… L’auteur, Françoise
Theillou, s’est appuyée pour écrire cet ouvrage sur de nombreuses archives
dont les journaux intimes de Josette Clotis. Elle nous donne ainsi à lire
cette liaison faite de séparations, d’absences, d’amour et
d’incompréhensions. Heureuse, se morfondant, désespérée, combien de
chambres d’Hôtel, d’heures passées à attendre André...
Ils sillonneront ensemble, séparément ou parallèlement durant les années
de guerre la France du Nord au Sud et du Sud au Nord. Durant ces années,
si Malraux affirme sa personnalité et sa vocation d’écrivain, s’enfermant
pour écrire, Josette, elle, y renoncera ; André deviendra également le
fameux colonel Berger. Malraux n’aura pas toujours, ni même souvent, sous
la plume de Françoise Theillou la part belle. L’auteur, fidèle en cela aux
archives en sa possession, n’a pas entendu travestir la réalité. L’ouvrage
est d’ailleurs complété par de nombreux inédits issus notamment des
papiers personnels de Josette, de billets ou de correspondances d’André
Malraux à Josette ou encore d’un Cahier de préparation également inédit
d’André Malraux.
De ces années de vie côte à côte, naîtront deux fils que le destin ravira
violemment à André lors de leur adolescence dans un tragique accident de
voiture, après lui avoir déjà ravi quelques années auparavant dans un non
moins tragique accident de train ; leur mère, Josette Clotis ; celle qui
durant plus de dix années de 1933 à 1944 n’aura jamais hésité à attendre,
à courir et rejoindre sur les quelques mots d’un message celui qu’elle
n’aura jamais cessé d’aimer, celui qui signait de chats en fil de fer,
André Malraux.
L.B.K.
« Hommage à Philippe Sollers »,
NRF, Editions Gallimard, 2023.
Comment rendre hommage à Philippe Sollers après sa disparition au
printemps 2023 à l’âge de 86 ans ? Qui ne connaît pas Philippe Sollers ?
Mais le connaît-on vraiment ? Derrière les clichés trop souvent véhiculés
plus vite que la lumière se cache un homme épris de liberté, de beauté et
d'amour, éléments d'un ciment imperturbable qui édifia, année après année,
une réflexion majeure et innovante dans notre société en crise de fausses
certitudes. Si l'homme attire ou agace certains, Philippe Sollers ne
laisse assurément pas de glace, mais brûle d'un feu qui jette des
éclaircies dans notre quotidien.
Cet « Hommage à Philippe Sollers » publié aux éditions Gallimard réunit
ses amis, ses connaissances de longue date en autant de rencontres que
l’écrivain suscitait ou accordait toujours avec générosité. Hommage donc
non point à un défunt, mais à un éternel amoureux de la vie qui se
prolongera encore par ces nombreux témoignages laissés en sa mémoire.
« Francis Ponge , Philippe Sollers -
Correspondance. 1957-1982 », Édition de Didier Alexandre et Pauline Flepp,
Collection Blanche, Editions Gallimard, 2023.
Voici réunis en un seul et fort volume publié aux éditions Gallimard
vingt-cinq ans de correspondance entre deux personnalités emblématiques de
la littérature du XXe siècle, Francis Ponge et Philippe Sollers. Cette
parution établie par Didier Alexandre et Pauline Flepp survenant au
lendemain de la disparition de Philippe Sollers, le 5 mai 2023, permettra
d’apprécier la richesse et la verve toujours présente chez l’écrivain
dialoguant avec le poète, son aîné. 37 ans séparent, en effet, ces deux
hommes que l’amitié va réunir, Ponge pressentant rapidement les qualités
littéraires du jeune écrivain qui signe encore sa correspondance par
Philippe Joyaux, son patronyme officiel. Les quinze premières années de
cet échange nourri témoignent du soutien indéfectible de Ponge pour ce
jeune espoir qu’il recommande notamment à Marcel Arland et Jean Paulhan
pour la NRF. Très rapidement, le ton change et du formel « Cher Monsieur »
les différentes lettres seront introduites pas un « Cher Francis » et «
Cher Philippe »… Couvrant la période 1957-1982, cet échange épistolaire –
inimaginable de nos jours à l’heure numérique – reflète les grandes heures
de la littérature et de la culture de la deuxième moitié du siècle
dernier, tout autant que les petits tracas de la vie quotidienne et de
santé. Les livres en maturation transparaissent au fil des lettres,
l’œuvre en genèse des deux écrivains se dessinant parmi les cabales menées
à l’encontre de leur génie respectif. Cinéma, architecture – Sollers
confessant qu’il ne quittera plus la Cappella dei Pazzi de Santa Croce à
Florence !, peinture, musique… tout fait signe pour ces deux âmes éprises
de beauté. Malheureusement, comme toute amitié entière, les heurts ne
manqueront pas, notamment à partir de la rupture accélérée par les
évènements de mai 68, Ponge du côté de l’ordre en place, Sollers tournant
ses regards vers la Chine…
Vient de paraître également aux éditions Gallimard, collection Folio+
Lycée, le dossier programme du bac consacré au texte fondamental de
Francis Ponge « La Rage de l’expression ». Une publication très didactique
présentant toute la richesse de la démarche du poète dans le contexte
historique de son époque. Un dossier pédagogique également passionnant
pour les post-bacheliers !
"Deux vies" d’Emanuele Trevi, récit
traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Prix Strega 2021, Philippe Rey
Éditions, 2023.
« Deux vies » convoque inexorablement une troisième vie qui
leur est intimement associée, celle du narrateur et auteur Emanuele Trevi
qui livre avec cet ouvrage un beau témoignage sur l’amitié et la vie dans
cette édition soignée et traduction inspirée de Nathalie Bauer. Ce récit
qui aurait pu être le sujet d’un roman se trouve être celui d’un survivant
qui avec le recul des années rend témoignage de deux âmes éprises de
littérature et de liberté. Pia Pera et Rocco Carbone, tous deux écrivains,
eurent en commun une vie pleine d’aspirations pour une durée trop
éphémère. À l’image de ces papillons d’un jour, ces deux personnages
illuminèrent la vie de l’auteur qui en ces pages à la fois attendries et
sans concessions sur le caractère de ses deux amis livre un plaidoyer
émouvant sur l’amitié sincère, si lointaine des virtualités digitales. De
quoi est composée cette amitié ? De proximités, mais aussi de distances
parfois, ainsi que le souligne l’auteur, le fameux « Parce que c’était
lui… » n’étant pas un long fleuve tranquille… Nous nous surprenons à
sourire de certains traits de caractère, à verser une larme sur ces
attentes à jamais insatisfaites, ces petits riens qui composent la vie
comme ils émaillent l’espoir. Mais, toujours, revient ce lien indéfectible
qui scande par ses pulsions le souvenir des années passées, ces sourires
et instants radieux passés ensemble et qui ne pourront jamais disparaître
de la mémoire du narrateur, ces flammes d’un amour partagé pour les
lettres et l’écriture même si parfois les avis fort heureusement pouvaient
diverger. Emanuel Trevi livre avec ce témoignage un récit sensible et
poignant, un hommage tout autant à ses amis disparus qu’un Tombeau
poétique perpétuant une antique tradition que l’auteur honore ainsi.
Philippe-Emmanuel Krautter
Robert Walser : « Retour dans la
neige » ; Traduit par Golnaz Houchidar ; Préface de Bernhardt Echte, Zoé
Poche éditions, 2023.
L’écrivain suisse Robert Walser (1878-1956) qui termina ses jours dans un
hospice à Herisau où il résidera 23 ans, sa raison l’ayant quitté, nous a
laissé pourtant de nombreux ouvrages témoignant de sa lucidité et de la
profondeur de ses jugements. À l’image de Nietzsche, peut-être a-t-il
traversé le miroir vers d’autres contrées qui nous paraissent
inexpliquées… Toujours est-il que le présent recueil de nouvelles « Retour
dans la neige » témoigne de son acuité à dresser en quelques pages un
tableau littéraire fait de concision, de détails ciselés en une prose à la
fois légère et percutante, sans oublier cette candeur et surprise au monde
qui se renouvelaient au quotidien chez l’écrivain. « … et il a fallu que
tous les traits si précieux de mon caractère, empreint de la musique de
mes origines, se perdent… (…) et qui sait, l’innocence de la campagne
reviendra un jour jusqu’à moi et alors je pourrai à nouveau me tordre les
mains dans la solitude ».
La belle traduction que livre Golnaz Houchidar de ces vingt-cinq proses
brèves restitue le charme de cette écriture à cette époque charnière de la
vie de l’écrivain venant de quitter Berlin et les avant-gardes pour
rejoindre sa ville natale. En un élan primesautier dans certaines pages,
Walser sait exulter et magnifier la nature qui sera un perpétuel
ravissement à ses yeux. L’écrivain parvient également en quelques lignes à
dresser un portrait d’une rare sensibilité, à contre-courant de ce qui
pouvait être réalisé jusqu’alors (splendide portrait de Madame Scheer).
Cette lucidité indocile ne cessera en ces pages de surprendre le lecteur
qui s’étonnera de son caractère rebelle tout autant qu’il sourira de ses
introspections. Nul dolorisme ni atermoiement chez Walser mais un
perpétuel étonnement aux choses de la vie ainsi que le relève Bernhard
Echte dans sa préface : « Au fil de ces textes, l’innocence du regard,
l’infinie curiosité du flâneur, la pudeur devenue précepte littéraire,
acquièrent une force intemporelle ». Avec « Retour dans la neige », Robert
Walser offrira au lecteur du XXIe s. de brèves et inoubliables pages
sublimant le quotidien.
Philippe-Emmanuel Krautter
"Le Corbeau - E. A. Poe, C.
Baudelaire, S. Mallarmé, gravures de Gustave Doré » ; Broché, 138 x 204
mm, 160 pages, Éditions de l'Escalier, 2022.
Trois incontournables poètes et un non moindre grand graveur pour un même
et seul animal, tel est le choix fait par les éditions de l’Escalier pour
cette mise en rapport originale du célèbre poème d’Edgard Poe « The Raven
» ou « Le Corbeau ». On y retrouve cette atmosphère singulière et irréelle
si chère à Poe. Un poème à la métrique stricte traduit, en effet, non
seulement par Charles Baudelaire, mais aussi par Stéphane Mallarmé, et
même gravé par Gustave Doré…
Ces relectures transversales qu’autorise ce recueil bien mené devraient
attirer l’attention de tous les amateurs de poésie, de traductions, mais
aussi de variations autour d’une même œuvre. À partir de quel point de
rupture le traducteur s’éloigne-t-il, en effet, de l’intention de l’auteur
? Existe-t-il d’ailleurs une intention unique de l’œuvre qui resterait
indissociable de son créateur ? Ces éternelles questions se poseront
irrémédiablement aux lectures successives de ce poème écrit en anglais par
l’écrivain américain Edgard Poe en 1845.
Là où Baudelaire débute par :
« Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et
fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée,
pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un
tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de
ma chambre. « C’est quelque visiteur, — murmurai-je, — qui frappe à la
porte de ma chambre ; ce n’est que cela, et rien de plus. »
Mallarmé propose :
« Une fois, par un minuit lugubre, tandis que je m’appesantissais, faible
et fatigué, sur maint curieux et bizarre volume de savoir oublié, — tandis
que je dodelinais la tête, somnolant presque, soudain se fit un heurt,
comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre,
— cela seul et rien de plus ».
Le lecteur se passionnera ainsi à passer d’une version à l’autre en
l’agrémentant de ses contemplations des gravures de Gustave Doré conférant
à leur tour au poème un éclairage encore autre et nouveau. Cette richesse
et ces ouvertures laissent une petite idée de la fécondité d’un thème,
lui-même emprunté par Poe à Charles Dickens avec le corbeau parlant Grip
dans « Barnaby Bridge » !
Régine DETAMBEL « Sarah quand même
», Editions Actes Sud, 2023.
Susan claque la porte de Sarah Bernard, elle est épuisée par le caractère
de cette artiste, si grande soit-elle, dont elle rêvait d’être la
secrétaire particulière. Durant vingt ans, c’est ce rêve qui est devenu
réalité, Susan sera auprès de Sarah, dans son intimité jusqu’à en
connaître les moindres recoins, ses amours multiples hommes et femmes
(elle en fera l’expérience éphémère), sa famille, ses amis, ses rôles, ses
voyages, ses finances, ses contrats, sa santé, ses passions, ses colères
et son extravagance… Elle sera de tout. Et tout deviendra aussi son
cauchemar. « J’ai une chambre de domestique dans son hôtel de l’avenue
Pereire. Je n’ai plus d’autre chez-moi depuis vingt ans. Je n’ai pas
d’autre argent que celui qu’elle me donne. Je suis la personne la plus
proche de Sarah. Après son fils. Après toute une kyrielle d’autres
esclaves de Sarah. » . Sarah fait d’elle son souffre-douleur et le témoin
de sa très grande liberté. « Je suis donc la dame de compagnie et la
comédienne à domicile qui lui donne la réplique, la copiste ordinaire, la
costumière et la maquilleuse, parfois la cuisinière et même la confidente…
Parce que Sarah déteste être seule… Seule, elle deviendrait suicidaire. Il
lui faut toujours des adorateurs et adoratrices pour passer ses nerfs. »
Cette femme si chérie et admirée serait-elle finalement trop grande pour
ses épaules ? Les contorsions de la vie théâtrale de Madame Bernhardt, ses
déboires avec les nouveaux comédiens et comédiennes qui juste par leur
jeunesse et l’inventivité d’un autre jeu théâtral mettent en péril sa vie
avec un grand V, dévouée corps et âme pour la scène, avec ses
interprétations de personnages masculins ; des rôles qui, certainement,
ont fait avancer une certaine cause des femmes dans ce milieu mais ont
également déclenché et entretenu de la moquerie et presque du rejet. C’est
sans connaître la Bernhardt qui même amputée d’une jambe (son choix
conscient et éclairé, le 22 février 1915) poursuivra jusqu’au bout sa vie
de femme libre. « - Vous jouez depuis combien de temps ? – Depuis que
Victor Hugo m’a offert un diamant. – Et quand est-ce que vous allez
arrêter ? – Jamais.» Si même, parfois, dans un moment de tristesse ou de
désespoir Sarah raconte sa vie à Susan, ce en quoi l’auteur, Régine
Detambel, nous régale d’anecdotes sur sa vie tant historiques que privées.
C’est la version de Sarah qui restera « elle aura toujours été au plein
milieu de sa vie, sans aucun sens de la mort à préparer ou de la nécessité
de s’arrêter pour contempler le chemin parcouru… D’ailleurs non, elle
n’était pas au milieu de sa vie, elle en a toujours été à l’extrémité la
plus piquante, à la pointe violente et capricieuse, fougueuse et
séductrice de la vie. » Écrit Susan dans ce texte rédigé comme un journal
à rebours, de sa première rencontre avec son idole jusqu’à la déchirante
rupture, question de survie… « En arrivant à New York j’ai trouvé le
courage de la quitter. Je file sans un mot. » Là, dans tout ce tourbillon
Susan aurait tellement voulu que Sarah l’aime…
« Je ne veux pas être normale, je veux être extraordinaire. » et « Quand
même » était la devise de Madame Sarah Bernhardt.
Sylvie Génot Molinaro
Sébastien de Courtois : « L'ami des
beaux jours », Collection « La Bleue », Éditions Stock, 2022.
Si nous connaissions le journaliste et talentueux animateur de l’émission
« Chrétiens d’orient » sur France-Culture, Sébastien de Courtois, c’était
sans compter ses qualités de romancier, ainsi qu’en témoigne cet ouvrage «
l’ami des beaux jours » paru chez Stock. Happant le lecteur dès les
premières pages, ce récit d’une rare sensibilité ne pourra laisser
indifférent, tant un véritable scénario de film naît immédiatement et
spontanément dans l’esprit du lecteur de ces pages inspirées. L’histoire
est pourtant banale, celle d’une amitié entre deux jeunes étudiants de
province et d’un amour commun naissant pour une jeune femme de quelques
années plus âgée. Ce trio romanesque conduira le lecteur dans les tréfonds
de l’identité, une quête éperdue de l’être et du soi. Frédéric, « L’ami
perdu », à la recherche duquel le narrateur part sur le tard, posant ainsi
la question de l’altérité, mais aussi de celle de la communion si chère à
Montaigne et à de La Boétie. Et parce que justement c’était lui, Frédéric,
Sébastien le narrateur n’a de cesse de s’interroger tout au long de ces
pages au style incisif et percutant, des mots qui claquent tout autant
qu’ils font couler du miel. Cette introspection à la fois douloureuse et
cathartique questionne le sens de nos vies, entre idéaux et contingences,
passions et abandons… Et si « L’ami perdu » était en réalité le double du
narrateur ? Celui que nous possédons toutes et tous en nous et que nous
oublions trop souvent. C’est Sophie, anima du narrateur, qui le
conduira à cette prise de conscience…
Philippe-Emmanuel Krautter
Cedar Bowers « Astra » Éditions
Gallmeister, 2022.
Astra ! Avec un tel prénom, une petite fille peut-elle vraiment grandir
sur terre avec d’autres personnes de son âge ou bien être une sorte
d’électron libre sans limites entourée d’adultes tout aussi éloignés de la
réalité ? C’est là le récit de Cedar Bowers qui pour son premier roman
brosse le portrait de cette petite sauvageonne devenue adulte et mère à
travers le regard et les sentiments de différentes personnes qui lui ont
été ou qui lui sont proches. Des regards croisés pour comprendre la vie d’Astra
qui a grandi sans entrave dans l’ouest du Canada et qui en gardera toute
sa vie les cicatrices psychiques comme physiques. De petite fille sauvage
à l’adolescente fugueuse, puis à la femme séductrice et néanmoins
vulnérable, chacun la décrit dans un parcours personnel, jusqu’au
témoignage de son fils Hugo qui la vénère. Mais ce portrait de femme nous
livre bien autre chose. Ce récit nous pose cette question qui nous taraude
tous : Connaît-on vraiment et complètement une personne ?
Dès la première phrase du livre, « Raymond Brine ne veut pas penser au
bébé à venir… Il ne veut pas penser aux liens du sang, ni à la filiation,
ni à la tendance irrépressible de l’humanité à surpeupler cette planète
exsangue. » Et pourtant c’est bien lui Raymond, le père d’Astra.
À partir de là, quel sera le futur d’Astra dont Gloria, sa mère, va mourir
trop vite ? Qui va entourer cette enfant dans cette ferme communautaire
nommée Celestial ? Quels seront ses repères à la réalité alors qu’elle n’a
cessé d’entendre cette phrase à la fois poétique mais destructrice de tout
équilibre possible pour une enfant : « N’oublie jamais qui tu es, Astra.
L’étoile du cosmos, l’impératrice des cieux. Tu es libre de tes actes. »
Mais « Elle n’est pas autonome, Raymond. Et tu ne devrais pas lui dire
qu’elle appartient au cosmos. C’est faux. Elle est ta fille. » C’est là la
source de tout ce que va vivre Astra, de ses choix instinctifs d’enfant
comme de ceux qu’elle fera une fois adulte. Astra est-elle une enfant
comme une adulte abandonnée à cette liberté trop grande pour elle ? « Qui
est cette fille, au fond ? Comment est-elle devenue ce qu’elle est ? » Un
constat dérangeant tout autant que fascinant entre mensonges, imagination,
violence, désordres, vérités et résilience. Lire Astra, c’est essayer de
déceler les fissures de son histoire, celles qu’elle-même a racontées avec
des chapitres manquants, d’autres modifiés, avec des phrases bancales et
des mots clés dispersés aux quatre coins de sa vie. Lire Astra, c’est
faire le chemin avec elle en la regardant de loin.
Sylvie Génot Molinaro
Liane de Pougy : « Dix ans de fête
– Mémoires d’une demi-mondaine », Editions Bartillat, 2022.
Les mémoires de la célèbre demi-mondaine Liane de Pougy (1869-1950)
viennent enfin d’être publiées, réunies en volume pour la première fois
par les soins d’Eric Walbecq, spécialiste notamment de Jean Lorrain, aux
éditions Bartillat ; pas moins de dix années du début du siècle précédent
vues par le bout de la lorgnette dorée de celle qui aurait pu être
désignée par Proust de « cocotte » à l’image d’Odette de Crécy dans la
Recherche… Car c’est bien le milieu de ces femmes oscillant entre
mondanités et plaisirs de luxe qui se trouve en ces pages décrit par le
menu détail par une femme qui semblait plus gouter les charmes féminins
que les amours tarifées de ses riches amants !
Les âmes dévotes et sensibles devront peut-être s’abstenir dans ces pages
parfois crues qui évoquent sans pudeur ce que pouvait être le quotidien de
ces femmes faisant vaciller le cœur des plus grandes fortunes de l’époque
et souvent plus attirées par les amours saphiques…
Mais de tels souvenirs pourraient être d’un intérêt limité s’ils ne
faisaient intervenir quelques grands personnages de cette fin du XIXe et
début du XXe s. notamment des écrivains tels Gabriele d’Annunzio ou encore
Jean Lorrain ; ce dernier subjuguera littéralement cette femme pourtant
guère impressionnable et dont le lecteur apprendra quelques révélations
étonnantes !
Celle qui naquit Anne-Marie Chassaigne rendra son dernier souffle en tant
que sœur Anne-Marie de la Pénitence après s’être convertie et avoir
prononcé ses vœux. Toute la vie de Liane de Pougy sera pétrie de
paradoxes, sa dernière chambre d’un palace à Lausanne ayant été par ses
soins transformée en cellule monacale…
Philippe-Emmanuel Krautter
Amos Oz : "Les terres du chacal" ;
Traduit de l'hébreu par Jacques Pinto ; Folio Folio N° 7151 Gallimard,
2022.
Ce recueil de nouvelles de jeunesse signé de l’écrivain israélien Amos Oz
et aujourd’hui réédité en Folio par les éditions Gallimard devrait ravir
les lecteurs fidèles de l’écrivain, mais également ceux découvrant son
œuvre.
L’univers des kibboutz à la fois clos, mais confronté à un extérieur
souvent menaçant constitue la trame de fond de ces courts récits de
jeunesse réunis sous le titre « Les terres du chacal » dans la belle
traduction de Jacques Pinto. L’animal, lui-même, sera également, en effet,
omniprésent dans ces récits trempés à l’encre déjà affirmée du romancier
Amos Klausner, mort en 2018, et plus connu aujourd’hui sous son nom
d’auteur Amos Oz. Ayant rejoint jeune le kibboutz de Houlda, c’est de
l’intérieur que le nouvelliste a pu s’imprégner de ces couleurs, ces
sonorités et senteurs qu’il parvient à rendre avec une rare acuité et une
sensibilité à fleur de peau. Cette hypersensibilité qui irise chaque
description, des plus triviales aux plus complexes, n’écarte pas pour
autant la dureté qui règne dans ces collectivités à l’image de la
description de ce jeune chacal pris au piège en un parallèle saisissant
avec la jeune Galila tombant dans la toile tissée par Matatyanou et dont
elle apprendra le terrible secret dans la première nouvelle « Les terres
du chacal », récit ayant donné son nom au recueil. La stupeur d’instants
de tensions mis en suspens se trouve en écho avec les éléments naturels
eux-mêmes tendus aux extrêmes qu’il s’agisse de la nuit, du jour, du
soleil ou encore de la pluie. Ces points d’intrications extrêmes se
prolongent jusqu’au moment où tout bascule, emportant avec soi le destin
des êtres en une fatalité parfois déroutante. Pour ces courts instants
inouïs d’introspection et de descriptions ciselées, le recueil de
nouvelles « Les terres du chacal » mérite d’être (re)découvert.
Albane Prouvost : « renard poirier
», collection Poésie, 88 pages, La Dogana, 2022.
Albane Prouvost poursuit la longue maturation de son travail poétique.
Ainsi, après « meurs ressuscite », la poétesse a retenu pour titre
de son dernier recueil paru aux éditions de La Dogana, « renard poirier
», une réminiscence du poète russe Ossip Mandelstam et de « le poirier
a tiré sur moi » ou encore « le merisier et le poirier m’ont pris
pour cible »… En un long poème s’étirant tout au long du livre, «
renard poirier » suscite tour à tour étonnement, perplexité et
fascination, à l’image d’une longue litanie répétée à partir de quelques
notes ou mots épars. Passée la surprise, les associations de mots créent
un climat – glacé ou brûlant tour à tour – syntaxique envoûtant, sorte
d’état extatique dans lequel le lecteur se surprend à réciter ces mantras
d’un autre temps. En rapprochant de manière inhabituelle certains mots,
puis en les recomposant encore en autant d’autres manières, de nouvelles
associations surgissent et se créent, des sensations émergent
subrepticement ou submergent, comme celles ressenties à l’écoute de contes
anciens surgis des temps, voir même de certains accents pauliniens :
« les poiriers seront de la neige pour les pommiers
le renard croit le poirier
aussi le poirier croit le renard embrasé
poirier embrasé croit tout pardonne tout
espère tout »
Tel un rite initiatique, le poirier révèle ce qu’il suggérait jusqu’alors,
à l’image de l’identité d’Ulysse aux yeux de son père Laërte lors de son
retour à Ithaque à l’évocation des arbres de son verger dont il lui fit
présent. L’arbre chétif peut il espérer couvrir l’étendue de la neige sans
pleurer ?, questionne Alban Prouvost ; quel départ et quelle arrivée nos
souvenirs enneigés sont-ils capables de susciter comme nouvelles
interrogations ? La longue quête de la poétesse nous invite à dépasser les
contingences et nos propres limites pour élargir notre regard au-delà «
des barrières de fleurs », un merveilleux cheminement en compagnie des
goupils et des poiriers…
Philippe-Emmanuel Krautter
Mario Andrea Rigoni : « Colloques
avec mon Démon », Editions Arcadès Ambo, 2022.
Mario Andrea Rigoni, professeur à l’université de Padoue et grand
spécialiste de Léopardi, était aussi poète. Disparu en 2021 alors qu’il
venait de confier aux éditions Arcadès Ambo son recueil « Colloques avec
mon Démon », il n’aura malheureusement pas eu le plaisir de le voir
publié.
Son pessimisme l’avait rapproché de la pensée de Cioran qui correspondait
à sa vision lucide du tragique de la vie. L’homme de lettres cultivait
également un jardin secret, celui de Calliope. Dans les dernières années
de sa vie, son goût s’exacerba pour les éléments, tectoniques, minéraux,
mais aussi quelque peu plus immatériels tels le vent ou la brume dont il
sut saisir l’impermanence dans des évocations délicates : « Je l’aime
parce qu’il effleure la terre et ne l’habite pas. »…
Au fil des pages de ce recueil, sa poésie s’ouvre aux échos mythiques du
temps, souvenances à peine voilées de ces témoins du passé si présents à
celles et ceux qui peuvent encore y prêter attention. Cette pensée
symbolique qui l’occupa sa vie durant transparaît ici ou là, toujours de
manière diaphane à l’image même de sa poésie. Tendue vers l’infini,
l’écriture poétique de Rigoni n’en dédaigne pas pour autant les gouffres
vertigineux, démarche fragile entre ces extrêmes.
C’est entre ces lignes ténues que parfois se tapit son démon intérieur,
double du poète ou esprit rencontré au fil de ses cheminements antiques ?
Cette éternelle question, le poète se la pose et nous questionne, à nous
d’y réfléchir grâce à ce beau et sensible recueil.
Philippe-Emmanuel Krautter
« Très russe » de Jean Lorrain
suivi de son adaptation théâtrale par Oscar Méténier. Édition établie,
présentée et annotée par Noëlle Benhamou, Honoré Champion Éditions, 2022.
Avec « Très russe », Jean Lorrain (1855-1906) signe son deuxième roman qui
eut, entre autres effet, de provoquer la colère de Maupassant qui crut se
reconnaître sous les traits du ridicule Beaufrilan, amoureux transi et
quelque peu ridicule de la délicieuse Madame Livitinof. Le duel fut évité
in extremis, Lorrain ayant préféré les excuses au fleuret… L’action
se déroule entre Yport et Fécamp, sur la côte normande, lieu de
villégiature de cette société de la fin de siècle. Ce roman fut complété
d’une pièce de théâtre avec la collaboration d’Oscar Méténier, pièce
représentée le 3 mai 1893 au Théâtre d’Application.
Les éditions Honoré Champion offrent ainsi la première édition jointe de
ces deux œuvres grâce à l’heureuse initiative de Noëlle Benhamou. C’est en
effet un délicieux récit que livre en ces pages un Jean Lorrain plus
caustique que jamais sur la société de son temps. Le roman est celui d’une
femme fatale – Madame Livitinof, Sonia pour ses nombreux intimes – autour
de laquelle gravitent des amoureux transis, Mauriat, Beaufrilan sans
oublier le narrateur Jacques Harel.
En hommage à Flaubert et Elémir Bourges, Lorrain souhaitait livrer avec «
Très russe » un récit à la croisée du roman réaliste, du roman décadent et
du dialogue, ainsi que le rappelle Noëlle Benhamou dans son introduction à
cette édition soignée. Ce roman aux multiples références musicales est
également émaillé des nombreux coups de griffe et portraits au vitriol
qu’affectionnait l’auteur de Monsieur de Phocas. L’humour corrosif
du dandy qui en quelques mots parvenait à rabaisser ses adversaires
réussit également en ces pages alertes à dresser le portrait de ses
contemporains et de la société dans lequel il évoluait avec un plaisir
manifeste. Donnant lieu à de véritables pamphlets que Molière n’aurait pas
reniés – Lorrain n’hésite pas à citer explicitement quelques vers du
Misanthrope dans ce récit – « Très russe » sait également saisir les
emportements du cœur de ces âmes souvent tourmentées. Allant de la
diatribe acerbe dans laquelle crut se reconnaître Maupassant jusqu’à ce
touchant portrait du couple âgé, les Alexander, Lorrain enchante en
passant en quelques lignes de l’émotion à l’humour corrosif, ce qui n’est
pas la moindre des qualités de ce roman à découvrir.
Philippe-Emmanuel Krautter
Louis-Ferdinand Céline : « Londres
» ; Edition établie et présentée par Régis Tettamanzi, nrf, Gallimard,
2022.
Inutile de rappeler les conditions pour le moins rocambolesques par
lesquelles ce manuscrit fait enfin l’objet d’une publication des décennies
après sa rédaction, le lecteur se rapportera pour cela à la préface de
Régis Tettamanzi. Au-delà, « Londres » dévoile le laboratoire brut de la
création célinienne, au sens propre et figuré. Non expurgé de ses scories,
l’écrivain qui aimait pourtant lire et corriger jusqu’à l’épuisement ses
manuscrits parvient avec ce récit, se situant juste après « Guerre »
chronologiquement, à rendre les grouillements de ses protagonistes dans la
capitale anglaise pendant la Première Guerre mondiale. Les personnages qui
pour certains d’entre eux apparaîtront par la suite dans les futurs romans
tel Guignol’s band errent, ici, dans les bas-fonds londoniens, de
bordels en bars louches, formant ainsi un univers interlope dans lequel
Céline nage comme un poisson, entre mémoire autobiographique et fantaisie
du romancier. Les traits sont forcés, à l’image du vocabulaire ayant
appelé pour le lecteur moderne un glossaire en fin d’ouvrage… Malgré les
imperfections d’un manuscrit livré tel quel, la verve célinienne
transparaît de ces lignes souvent crues et ardues à lire. Cet élan vital
qui émerge de ces immondices, la lumière qui peut se dégager des états les
plus désespérés, captent l’attention du lecteur jusqu’à ne plus le
quitter, la dernière page tournée… Si cette promenade dans le Londres du
début du XXe siècle passée en compagnie de Ferdinand, la prostituée
Angèle, le souteneur Cantaloup, sans oublier des morceaux d’anthologie
avec Bijou et Borokrom, n’a rien de commun avec celle de Joyce dans le
Dublin d’Ulysse, elle offrira bien des déambulations initiatrices dont le
lecteur ne sortira pas indemne…
A lire également de Céline en Folio :
Philippe-Emmanuel Krautter
« Louis-René des Forêts — La terre
tourne et la flamme vacille » ; édition établie par Guillaume des Forêts
et de Dominique Rabaté ; 21 x 25 cm, 256 p., L’Atelier contemporain
éditions, 2021.
Lorsque le verbe ne parvient plus à traduire l’indicible, pinceau et mines
prennent alors le relais de la plume… C’est tout au moins l’expérience
vécue par Louis-René des Forêts entre 1968 et 1974. Cette longue
parenthèse ouverte par la disparition tragique de sa fille se refermera
avec la publication d’Ostinato, l’une de ses œuvres les plus personnelles
et étroitement associée au style. « Je vois ces tableaux comme des
fragments de rêve » souligne Dominique Rabaté en introduction à ce superbe
ouvrage publié aux éditions de L’Atelier contemporain, catalogue raisonné
de l’œuvre peint de l’écrivain.
Celui qui avait pourtant fait métier et passion d’écrire ne s’est jamais
exprimé sur ce passage – temporaire – à un autre médium afin de confier
ses pensées. Relais impromptus, cette cinquantaine d’œuvres allait occuper
tout son temps d’écriture, sans chercher à en livrer un quelconque
témoignage écrit, sinon celui légué par ces tableaux et dessins. La force
onirique qui se dégage de ce travail singulier ne surprendra pas les
lecteurs familiers de Louis-René des Forêts. Quelques discrètes références
à Matisse dans « Les Avatars de l’autorité », désordres tempétueux à la
Giorgione et détours dans l’inconscient qui ne sont pas sans évoquer
certains dessins du psychiatre suisse Carl Gustav Jung, chaque œuvre fait
sens, au singulier comme au pluriel.
Avec les contributions de Pierre Bettencourt, Pierre Klossowski, Nicolas
Pesquès, Pierre Vilar et Bernard Vouilloux, ce sont les liens ténus entre
écriture et dessin qui sont ainsi étudiés et révélés dans cet ouvrage
remarquablement mis en page avec ses illustrations soignées et son format
large. Page après page, l’univers dressé par Louis-René des Forêts gagne
subrepticement le lecteur, laissant l’impression de paysages déjà vus,
dans sa mémoire ou dans ses rêves. Cette force expressive, dont il ne
manque que la musique tant elle est suggérée, tisse un dialogue non
seulement entre l’artiste et sa toile, mais également entre le lecteur et
ces œuvres. Cette conversation attire en autant de songes qu’elle génère
et l’on se prête à se demander : quel commentaire Louis-René des Forêts
aurait pu donner de cette création ? Cet ouvrage contribue admirablement à
imaginer quelques réponses…
Philippe-Emmanuel Krautter
Stéphan Huynh Tan : « Le Silence
de la Cathédrale », 136 pages, Arcades Ambo Editeurs, 2022.
Il est des lieux comme des personnes qui attirent et voient converger vers
eux toutes les attentions et passions. Notre Dame de Paris compte
assurément parmi ces lieux, et le regrettable incendie de la cathédrale en
2019 a révélé combien cet édifice au cœur même de la capitale suscite
encore de nos jours d’émotions palpables à une époque où pourtant le
patrimoine religieux ne semble plus guère être la priorité. Car Notre-Dame
de Paris dépasse les convictions de chacun, rallie à elle ce que certains
historiens, tel Pierre Nora, ont nommé lieux de mémoire et Notre-Dame n’en
manque assurément pas. C’est à ce puits sans fonds auquel a puisé Stéphan
Huyn Tan, avec ce petit ouvrage soigné, paru aux éditions Arcades Ambo.
L’auteur délaisse quelque peu les chemins déjà bien pratiqués avec la
figure imposante de Victor Hugo et de son célèbre roman. Plus
pérégrination de lettré qu’étude exhaustive, « Le silence de la cathédrale
» emporte son lecteur à la découverte d’une histoire, notre histoire,
gravée dans la pierre et le vitrail, le bronze et le marbre. Chaque infime
partie de cette cathédrale emblématique de la foi qui anima ses bâtisseurs
constitue une page de cet immense livre de pierres que nous n’avons pas
fini de feuilleter. Stéphan Huyn Tan nous en dévoile justement quelques
belles pages, chapitres souvent méconnus de sa longue histoire et que nous
découvrons avec un même plaisir. Et si l’auteur en une conclusion un brin
atrabilaire et bien compréhensible rappelle que la grammaire est elle-même
une cathédrale, l’ouvrage démontre agréablement que la réciproque est
également vraie. Rufus, Catherine, Bernon, tous ces personnages auquel
l’auteur donne vie parlent de et pour Notre-Dame, concert non de louanges
mais de vie, celle qui siècle après siècle a insufflé à l’édifice cette
personnalité qui nous fait la considérer comme une réalité animée.
Depuis l’ecclesia originelle du VIe siècle composée de trois bâtiments
jusqu’à l’incendie de 2019, que de pages lumineuses ou plus sombres se
sont accumulées dans ce Livre ouvert que représente Notre-Dame de Paris.
Le présent ouvrage nous en livre quelques monologues originaux à découvrir
pour sortir des sentiers battus.
Philippe-Emmanuel Krautter
Frédéric Vitoux : « L’Ours et le
Philosophe », Éditions Grasset, 2022.
Avec « L’Ours et le Philosophe », l’académicien Frédéric Vitoux évoque les
relations singulières qui unirent quelque temps deux personnalités du
Siècle des Lumières, à savoir le philosophe Diderot et le sculpteur
Falconet. Sous la forme de digressions, cet ouvrage tisse progressivement
un réseau de liens rattachant ce XVIIIe siècle à la raison et à la
modernité. Le récit alerte et non dénué d’humour n’hésite pas à opérer
régulièrement des allées et venues avec notre époque présente, des
souvenirs personnels de l’auteur tout autant que son rapport à cette
époque révolue où deux fins esprits pouvaient se chamailler – à l’époque
le terme de disputatio convenait mieux – sur la notion de postérité
jusqu’à se brouiller définitivement…
Frédéric Vitoux se délecte manifestement de ces subtilités moins prisées
de nos jours, ces raffinements sur d’infimes nuances qui semblent à mille
lieues de nos réalités augmentées par les réseaux sociaux. Et, pourtant
cette évocation passionnante des liens complexes et sensibles unissant les
deux hommes trouve bien des échos avec l’époque moderne. Quel rapport
avons-nous avec ce qui occupe la plupart de notre quotidien et de notre
vie ? Quel legs souhaitons-nous laisser après notre vie ? Comment
considérer l’absolu et selon quel dessein ? Derrière ces doctes
questionnements file une réflexion alerte et jamais ennuyeuse, Frédéric
Vitoux s’y entend pour évoquer la pensée de Diderot sans jamais perdre son
lecteur médusé par cet esprit volubile face à l’atrabilaire Falconet aux
allures d’ours mal léché.
Nous voyageons de Paris à Saint-Pétersbourg via La Haye au rythme des
calèches, nous ouvrons l’immense ouvrage de l’Encyclopédie que le
philosophe peine à conclure en un siècle où l’absolutisme n’a pas encore
dit son dernier mot. Falconet préparant sa grande œuvre – la statue
équestre de Pierre le Grand - oursifie plus que de raison, au désespoir de
son patient ami. Chaque page avec ses renvois rythmés à notre siècle
transportera le lecteur en une époque révolue qui l’enchantera pour ses
impromptus comme pour ses réalisations magistrales, un temps impensable de
nos jours et sur lequel l’académicien parvient à lever le voile grâce à
cet ouvrage jubilatoire.
Philippe-Emmanuel Krautter
« Jacques-Emile Blanche – Portrait
de Marcel Proust en jeune homme » ; Préface de Jérôme Neutres ; Editions
Bartillat, 2021.
À souligner, en cette année 2022 marquant le centenaire de la mort de
Marcel Proust, la réédition de l’ouvrage intitulé « Portrait de Marcel
Proust en jeune homme » aux éditions Bartillat ; un ouvrage réunissant
quatre textes signés Jacques-Emile Blanche, tous consacrés à l’auteur de «
À la recherche du temps perdu ». Peintre, critique et écrivain,
aujourd’hui certes moins connu que son contemporain, Jacques-Emile Blanche
fut, cependant, un peintre réputé ; on lui doit notamment des portraits de
Liszt, Montesquiou, Gide, Cocteau ou Mauriac… Il est surtout l’auteur du
fameux portrait de Marcel Proust, jeune homme, en 1892 ; un des rares
portraits qui nous soit parvenu de Proust, que ce dernier conserva près de
lui toute sa vie, aujourd’hui au Musée d’Orsay et qui illustre la
couverture de cet ouvrage.
Jérôme Neutres revient dans sa préface sur ces deux destins qui n’ont eu
de cesse de se croiser sans jamais avoir cependant la même trajectoire.
Marcel Proust, de dix ans son cadet, connut enfant Jacques-Emile, fils du
célèbre psychiatre Blanche. Se retrouvant étudiants, ayant des amis en
commun dont Robert de Montesquiou ou encore François Mauriac, ils se
croisèrent et se brouillèrent à maintes reprises ; si leur amitié fut,
ainsi que le souligne Jérôme Neutres, asymétrique, Blanche vouera
cependant une amitié et admiration indéfectibles envers le jeune homme, le
dandy et l’auteur de la Recherche… « Le succès de Proust ne signe-t-il pas
le seul vrai accomplissement de Blanche qui aura été de peindre et de
révéler le plus grand écrivain du XXe siècle ? » interroge le préfacier.
Aussi est-ce avec un intérêt certain que le lecteur pourra découvrir ces
délicieux écrits de Jacques-Emile Blanche.
Deux ont été rédigés du vivant même de Proust dont l’un daté de 1914 ;
publié dans « L’Écho de Paris » à l’occasion de la parution l’année
précédente « Du côté de chez Swann », Jacques-Emile, en visionnaire, y
loue ce premier volume « sans précédent dans notre littérature ». Les deux
autres textes ont été écrits par le critique et ami après la disparition
de Proust ; le premier est un émouvant témoignage paru dans le numéro
spécial de la NRF, « Hommage à Marcel Proust », en 1923 ; le dernier
écrit, plus qu’élogieux et touchant, est extrait de l’ouvrage de Blanche «
Mes Modèles » paru en 1929.
Un portrait et quatre textes qui dépeignent ce même jeune homme à
l’orchidée qu’admira toute sa vie le peintre et écrivain. « (…) Blanche
aura au fond recommencé toute sa vie le portrait de Proust en jeune homme.
Il aura remis régulièrement son plus célèbre tableau sur son chevalet,
pour le décrire et le commenter avec des mots. » souligne encore en sa
préface Jérôme Neutres.
L.B.K.
« Pierre Loti - Le marabout, la
perruche et le singe » ; Collection « Un endroit où aller », Editions
Actes Sud, 2021.
Voici une charmante anthologie de textes courts sur la place des animaux
dans l’œuvre de Pierre Loti qui au fil de ses nombreux voyages a porté une
attention et une curiosité sur ces animaux qui l’ont fasciné, dérangé,
qu’il a espionné, observé, et que lui-même a parfois adopté et soigné.
Toutes ces petites histoires, véritable tour du monde animalier, sont
extraites des grands textes, récits d’aventures, conférences et autres
fragments d’articles de Pierre Loti, réunis ici par Alain Quella-Villéger,
spécialiste de la vie et de l’œuvre de ce grand écrivain et officier de
marine. Souvent les aventuriers, munis d’un carnet de croquis dessinaient
ce qu’ils voyaient de cette faune nouvelle et curieuse pour en compléter
les collections des musées de magnifiques planches colorées… Ici, ce sont
de fabuleuses descriptions et textes que nous livre Pierre Loti, des
écrits qui nous font voyager au plus près de ce l’écrivain aura vécu aux
quatre coins du monde, dans ces terres lointaines et océans pleins de
surprenantes vies. Phoque de Patagonie, baleine des Malouines, chat de
Stamboul, vieux cheval d’Espagne, écureuils de New York, âne d’Égypte,
chouette du désert ou chameaux à Tanger… Que de belles lettres consacrées
aux animaux ! Loti décrit aussi ici un monde écologique dont il ne pouvait
penser qu’un jour il serait en danger de disparition. Qu’il représente des
mondes lointains ou proches, chaque animal convoqué laisse ses empreintes
au fil des phrases et des pages de tous ces voyages qui peuvent bien se
lire chaque soir ou d’une traite, au fil de nos envies de découvertes !
Sylvie Génot Molinaro
Roberto Calasso : « Ce qui est
unique chez Baudelaire » ; Traduit de l’italien par Donatien Grau ; 112
pages, Éditions Les Belles Lettres / Musée d’Orsay, 2021.
Roberto Calasso nous a quittés et chacun a encore en mémoire ces
merveilleuses pages de « La Folie Baudelaire ». Aussi, quel n’est pas
notre réconfort que de découvrir aux éditions des Belles Lettres cet essai
inédit de Roberto Calasso publié sous le titre « Ce qui est unique chez
Baudelaire ». En ces pages, entre courts essais et réflexion, le lecteur
retrouvera la profondeur de pensée de l’intellectuel italien et toute la
singularité du poète. Calasso aimait à ce que les livres se fassent écho (lire
notre interview).
C’est à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Baudelaire que
l’intellectuel avait accepté à invitation du musée d’Orsay et des Belles
Lettres cet essai sous-tendu par des décennies passées en compagnie de
Baudelaire. Comme toujours, l’Italien éblouit par ses analyses. C’est un
Baudelaire intime, « mis à nu » qui à chaque page se dévoile dans ce Paris
du XIXe siècle. Des facettes contradictoires, moins connues, parfois
surprenantes : Le critique d’art et Constantin Guys, peintre de la
modernité ; Le dandy et poète chez Madame Sabatier semi-mondaine, mais
aussi muse ; mais aussi Baudelaire en auteur dramatique… C’est un
Baudelaire unique qui parcourt les rues et faubourgs de la capitale, ceux
qu’immortalisera Charles Meryon. Car ainsi que le souligne l’auteur : «
Baudelaire s’est trouvé vivre au carrefour de la Grande Ville, qui était
le carrefour de Paris, qui était le carrefour de L’Europe, qui était le
carrefour du XIXe siècle, qui était le carrefour d’aujourd’hui ». Un
carrefour sous la plume de Roberto Calasso fascinant, éblouissant.
L.B.K.
Théocrite : « Les Magiciennes et
autres idylles » ; Présentation, édition et traduction du grec ancien de
Pierre Vesperini ; Coll. Poésie/ Gallimard, n°564, Éditions Gallimard,
2021.
Plaisir que de découvrir « Les Magiciennes et autres idylles » du poète
hellénistique Théocrite dans cette nouvelle traduction du grec ancien de
Pierre Vesperini. Théocrite, l’un des plus grands poètes grecs antiques,
offre, ici, en ces textes ou idylles une poésie travaillée d’une belle
variété allant de cette poésie bucolique à laquelle il fut - pour en être
l’inventeur, trop souvent enfermé, à une poésie épique ou sensuelle où se
mêlent chants et dialogues cocasses. Un univers poétique qui fut célébré
aussi bien du vivant de Théocrite que par les plus grands dans toute
l’Europe, on songe notamment à Flaubert ou Leopardi, sans oublier Maurice
Chappaz. Pierre Vespiri, sémiologue et chercheur au CNRS, souligne dans sa
présentation : « Nous avons perdu bien sûr la musique de Théocrite : les
sonorités, les rythmes, le chant même. Mais on peut encore, je crois,
faire passer quelque chose de la beauté du texte. »
Pour cela, le traducteur a fait choix d’une traduction aussi alerte
qu’accessible. Le lecteur d’aujourd’hui croisera ainsi enchanté bergers,
moissonneurs et pêcheurs, mais aussi déesses et dieux dans la lumière et
les reflets antiques si beaux de la Méditerranée. Méditerranée autour de
laquelle le poète grec naquit et vécut. Bien que sa biographie demeure
lacunaire, il semble cependant attesté que ce dernier fut né en effet vers
310 av.J.-C. à Syracuse, et vécut à Cos, puis à Alexandrie.
Cette traduction restitue toute la beauté et la poésie du monde antique.
Vie quotidienne, mythes, dieux et rêves s’entremêlent et chantent
admirablement dans cette poésie lyrique appuyée, ici, pour chaque idylle
par un riche et bien venu appareil critique.
Et ainsi qu’aime à nous le rappeler Pierre Vespiri : « La poésie de
Théocrite concerne tout le monde, parce que le droit à la beauté, comme le
droit au bonheur, est un droit universel. »
L.B.K.
Fouad El-Etr : « En mémoire d'une
saison de pluie », Gallimard, 2021.
Le poète et homme de lettres Fouad El-Etr signe avec « En mémoire d’une
saison de pluie » aux éditions Gallimard un singulier roman. À mi-chemin
entre évocation poétique et réminiscences puisant à un passé immémorial,
ce récit débute par un poème et une adresse d’une jeune fille au poète.
Une jeune fille dont la beauté n’a d’égal que la fraîcheur, cette
fraîcheur qui ponctuera tout le récit où la nature baignée d’une saison de
pluie envahit ces pages inspirées. Des pages entre songes et réminiscences
réunissant hier ou peut-être aujourd’hui, une femme et un homme, un trio à
la fois mystérieux et amoureux « comme dans un rêve »… La dimension
onirique de ce roman saisit le lecteur au détour d’un chemin mousseux aux
parfums de fougères et de roses sublimés par le poète qu’est Fouad El-Etr.
Ce récit sensible désemparera certainement, car ces affinités ne sont
point celles électives auxquelles nous a habitués Goethe mais relèvent
plus d’une poésie initiatique qui sera perpétuée au-delà de la vie des
protagonistes. Cette plongée dans les souvenirs du narrateur happe le
lecteur à l’image des Années de Pèlerinage de Franz Liszt, nature et
sentiment ne faisant plus qu’un. La présence si forte des arbres et de la
forêt, la compagnie si proche de l’eau et ce silence à peine troublé par
les émotions des cœurs composent un cadre à la fois prégnant et
évanescent. Dans cette spirale sans contours, le lecteur se laisse mener
par le poète et narrateur, sans présager une quelconque issue. Le style de
Fouad El-Etr ajoute au charme de cette évocation où la poésie afflue comme
les parfums. Diane, la jeune femme, retrouve les élans mythologiques de
son prénom à l’affut du brame d’un cerf avant de connaître les émois de
l’amour. « Dans la forêt profonde », le narrateur poursuit ses rêves sans
savoir si l’écriture les devançait ou les recueillait. Le lecteur de ce
roman initiatique fera de même, longtemps après avoir tourné la dernière
page…
Philippe-Emmanuel Krautter
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Blaise Cendrars : « J’ai tué »,
Editions Zoé, 2024.
À l’heure des bruits de bottes parcourant la planète, il faudra
redécouvrir aux éditions Zoé ces deux courts textes écrits par le poète et
romancier Blaise Cendrars, à partir de son expérience personnelle du
premier conflit mondial. Celui qui allait devenir l’un des grands
écrivains de langue française du XXe s. n’était encore qu’un jeune homme,
né en Suisse, embrassant la cause française en s’engageant volontaire dans
cette guerre qui allait submerger toutes les valeurs jusqu’alors établies.
Les premières lignes écrites à l’encre de sang décrivent un chaos
généralisé dans lequel même la nature semble dépassée par le déchaînement
de violence. Puis vient le temps redouté de l’attaque, rien n’est
prévisible sinon l’inéluctable. L’absurdité de la guerre se déploie par
l’intensité de l’écriture incandescente de Cendrars, bien plus encore que
ne saura le faire par la suite le 7e art.
Nous accompagnons le narrateur en constatant avec lui le paradoxe aberrant
des moyens gigantesques mis en œuvre lors de ce conflit pour finir par un
combat au corps à corps à la baïonnette dans une tranchée…
Dans le second texte « J’ai saigné », Cendrars évoque avec un réalisme cru
les horreurs de la guerre où il perdit son bras droit. Le poète blessé au
cœur de sa chair réalise « que ma vie m’échappait, s’en allant goutte à
goutte, sans que je ne puisse rien pour la retenir… » Ce texte d’une
densité émotionnelle incroyable déploie l’éventail terrifiant de la
douleur lors de son arrivée à l’hôpital de Châlons-sur-Marne en plein
chaos. Paradoxalement, la peur s’immisce chez le narrateur alors même
qu’il est laissé à son arrivée, nu et seul, sur un brancard dans le hall
de ce lieu baigné d’un silence impensable. Suivront par la suite, des
pages inoubliables sur l’humanité poignante d’une infirmière contrastant
avec la détresse et le désespoir de ces épaves échouées de l’absurdité.
Un petit ouvrage à découvrir de toute urgence aux éditions Zoé avec une
préface éclairante de Christine Le Quellec Cottier.
Philippe-Emmanuel Krautter
Anne Rothschild : « Conversations
avec mes arbres » ; Préface de Marc-Alain Ouaknin ; Coll. « La culture
sauvera le monde », 256 p., Editions Le Passeur, 2024.
« Conversations avec mes arbres » est un délicieux ouvrage signé Anne
Rothschild. L’auteur, également graveuse, peintre et sculptrice, y déploie
tel un pin parasol séculaire, jour après jour, sous forme d’un journal, sa
relation privilégiée avec son jardin et ses arbres. Pronoms possessifs,
parce qu’Anne Rothschild entretient effectivement avec la nature qui
l’entoure une profonde et sincère relation intime. C’est aux arbres
qu’elle a pour la plupart plantés qu’elle confie, plus encore qu’aux pages
de ce journal, son cœur, ses joies et tristesses. Égrenant, se souvenant,
peignant de mots pour son lecteur ou elle-même, telles des pétales d’amour
lancées au vent : arbres de hauts jets, les cyprès, micocouliers,
arbrisseaux, arbres à fruits ou exotiques habitant son jardin et que
l’auteur a le plus souvent rapportés de ses voyages…
Le lecteur partagera avec elle plongé dans cette nature luxuriante du sud
de la France bien des plaisirs ; plaisir de la poésie et de la
littérature, Seféris, poésie soufie, Homère ou Virgile, mais aussi plaisir
des références aux grands textes fondateurs des trois religions
monothéistes ; Directrice du service éducatif du Musée d’art et d’histoire
du Judaïsme à Paris, pendant de longues années, Anne Rothschid n’a eu de
cesse de prôner le partage avec l’autre et la paix. Plaisir enfin des sens
: Comment en effet résister à ce soleil et vent du Languedoc ? À cette
pluie d’orage laissant s’épanouir tout le parfum de la terre chaude et
humide ? Comment ne pas savourer ces parfums emplis de sucs et de vie du
sud de la France, ces parfums de figues gorgées de soleil et dont Anne
Rothschild nous transmet en ces pages toutes la poésie, la vie et les
saveurs ; figuiers, vignes, fruits murs des étés, oiseaux et chats, ses
chats enchantent les terrasses et allées de ce jardin…
Le lecteur appréciera également toute la richesse et poésie de la préface
qu’offre à cet ouvrage, à son amie Anne Rothschild, le rabbin Marc-Alain
Ouaknin tel un prélude à la sensibilité et délicatesse du texte.
Pier Paolo Pasolini : « La Divine
Mimesis » ; Traduction de Danièle Sallenave ; Préface de Walter Siti,
Éditions Bartillat, 2024.
Pier Paolo Pasolini a habitué tout au long de sa vie son
public à se décentrer pour ouvrir à un autre regard. Qu’il s’agisse de sa
poésie, de son cinéma ou encore de sa prose, cet inlassable questionneur
du monde bouleverse les cadres pour une remise en question perpétuelle de
nos certitudes. La Divine Mimesis est un bel exemple de cette exigence que
le poète italien imposa non seulement à ses contemporains mais aussi et
avant tout à lui-même. Ce court texte calqué sur le schéma de la Divine
Comédie de Dante fut écrit entre 1963 et 1967 (pour n’être publié qu’en
1975 après sa mort). Au fait de la gloire de l’intellectuel, ce texte
souligne la rupture entre les années 1950 et les années 1960 le conduisant
à passer de la littérature au cinéma, avec comme arrière-plan son intérêt
croissant pour le Tiers Monde où il espérait trouver encore cette culture
et nature originelle vierge de toute contamination occidentale.
Plaquant l’acuité de son regard sur les conséquences prévisibles et déjà
constatables de la société capitaliste et de consommation, Pasolini invite
dans ce texte son lecteur à emprunter le cheminement dantesque, non point
en compagnie de Virgile mais… de lui-même en un dédoublement d’une
redoutable conscience sans ménagement. Comment s’engager ? Comment
échapper au broyage entrepris par cette société qui conduit insidieusement
à l’absence de reliefs, à cette petite bourgeoisie exclusivement mue par
cette soif intarissable de posséder ? Nous retrouvons ainsi deux Pasolini,
celui des années 1950, et celui en crise à l’âge de la quarantaine,
conscient que les trésors qu’il chérissait de la poésie et de la
littérature ne seraient pas suffisants pour apporter des réponses à ses
interrogations.
S’éloignant du Parti communiste italien, il aspire à trouver la lumière
grâce à d’autres médias, le cinéma notamment, dont il saura tirer des
leçons d’une grande force même si, plus tard, il en connaîtra également
les limites (Trilogie de la vie) avant d’entamer son roman initiatique
inachevé Pétrole…
Philippe-Emmanuel Krautter
Piero CALAMANDREI : « Rencontre
avec Piero della Francesca » ; Postface de Carlo Ossola, Collection «
Versions françaises », Éditions Rue D’Ulm, 2023.
C’est bien d’une rencontre avec Piero della Francesca et
non d’une étude académique dont il s’agit dans cet opuscule paru aux
éditions Rue d’Ulm et signé Piero Calamandrei. L’auteur, grand juriste
italien, mais aussi esthète de l’art, livre en effet dans ce récit
émouvant les relations intimes qui l’unissent à la grande œuvre de Piero
della Francesca – la Madonna del Parto - conservée dans le petit village
de Monterchi entre Toscane et Ombrie. À travers ce témoignage très
personnel né d’une rencontre fugace au cours d’une excursion en 1938,
Calamandrei développe le réseau de liens inextricables tissés entre
l’œuvre d’art, symbole à la fois d’un art universel et local, et la
population. Quelques années plus tard, la tempête de la Seconde Guerre
mondiale ravagera bien des lieux en Italie et dans le reste de l’Europe,
ravages dont sortira miraculeusement indemne la fragile fresque gravée
dans le cœur de chaque habitant de Monterchi voyant dans la Vierge à la
fois leur protectrice et leur mère. Car, en observant avec les yeux de
Calamandrei, nous découvrons sur les reproductions insérées dans ce livre
soigné combien la Vierge représente la maternité, cette maternité
universelle qui glorifie le divin par une incarnation unique dans
l’histoire de l’humanité. Marie, mère de Dieu, un mystère dans lequel les
plus grands artistes ont plongé leur pinceau ainsi qu’il ressort de ce
chef-d’œuvre aujourd’hui bien connu. Cette méditation intime et touchante
rassérène à l’heure du relativisme ambiant, une méditation qui comme le
souligne Carlo Ossola dans sa aussi belle que riche postface « va au-delà
du tableau de Piero della Francesca et embrasse toute la condition humaine
»…
Philippe-Emmanuel Krautter
Herman Melville : « Poésies » ;
préface et notes de Thierry Gillybœuf ; Traduit de l'anglais (États-Unis)
par Thierry Gillyboeuf ; Relié, 17 x 23 cm, 592 p., Editions Unes, 2022.
Qui ne connaît Moby-Dick et le fameux capitaine Achab rongé par la
vengeance ou encore Bartleby et sa célèbre sentence « I would prefer not
to » ? Ces œuvres qui ont fait la réputation de l’écrivain américain
Herman Melville (1819-1891), même si leur célébrité fut posthume, ne
doivent pas faire oublier un autre pan plus méconnu de la créativité de
cet esprit ouvert à l’aventure que fut la poésie. Cette dernière occupa en
effet ses temps libres parallèlement à ses fonctions plus que modestes
d’inspecteur des douanes qui ne l’enchantaient guère… Ce vaste champ
poétique n’est, cependant, guère parcouru en dehors des spécialistes et
amateurs de l’écrivain, aussi faut-il saluer l’initiative et la qualité du
travail de traduction réalisés par Thierry Gillyboeuf avec ce fort volume
dénommé simplement « Poésies » et paru aux éditions Unes. Cette
publication soignée propose l’intégralité de la poésie d’Herman Melville
et s’ouvre avec l’impressionnant « Tableaux et aspects de la guerre »
restituant le souffle épique de la guerre de Sécession. Fervent unioniste,
Melville - ainsi qu’il le souligna lui-même, n’a pas cherché à faire œuvre
historique mais à « poser une lyre à la fenêtre et de noter les airs
contrastés que les vents capricieux ont joués sur ses cordes ». Le
traducteur Thierry Gillyboeuf rappelle la dimension homérique transposée
de l’autre côté de l’Atlantique pour cette œuvre à la fois puissante,
émouvante et d’une rare sensibilité. Dépassant de loin les plus belles
réalisations du 7ième art sur ce sujet – on pense notamment au fameux film
de John Ford « Les Cavaliers » en 1959 - « Tableaux et aspects de la
guerre » ne se limite pas à restituer l’aventure « fleur au fusil » de
cette guerre fratricide mais entre au cœur même des passions humaines
comme le fit des millénaires auparavant le rédacteur (ou les rédacteurs)
de l’Iliade.
Après la terre, c’est autour de la mer de retenir l’inspiration poétique
de Melville avec John Marr et autres marins avec quelques marines (1888),
une épitaphe inspirée de celui qui arpenta les mers du globe. Herbes
folles et sauvageons avec une rose ou deux constituera en quelque sorte le
testament de l’écrivain poète, des poèmes d’amour plus introspectifs
dédiés à Lizzie son épouse et soutien indéfectible qu’il réservait à un
nombre limité de connaisseurs. Cette parenthèse à la noirceur de l’âme
humaine qui occupa tant sa création surprend tout autant qu’elle rassérène
le lecteur ému de telles confessions, celles émouvantes du trèfle par
exemple, à milles lieux des cauchemardesques cachalots et jambe de bois…
Il faut découvrir cette poésie restituée avec enchantement et profondeur
par Thierry Gillyboeuf, une redécouverte essentielle sur une part méconnue
d’Hermann Melville.
Philippe-Emmanuel Krautter
Constantin Cavafis : « Poèmes anciens ou
retrouvés » ; Édition bilingue ; Traduit par Gilles Ortlieb et Pierre
Leyris, Coll. « Poésie Seghers », Editions Seghers, 2023.
Constantin Cavafis, une voix inimitable de la diaspora
grecque, fait l’objet d’une nouvelle édition bilingue dans une traduction
inspirée de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris. Poète né à Alexandrie en 1863
de parents grecs, Constantin Cavafis n’aura de cesse d’associer ce legs
hellénique avec celui de la ville dans lequel il résida quasiment toute sa
vie. Après quelques années de jeunesse passée en Angleterre dont le poète
garda l’accent dans sa langue maternelle, Cavafis conciliera en effet
d’antiques réminiscences et désirs des sens en d’intimes évocations,
toutes plus passionnelles les unes que les autres. Pudique et sensuel,
discret et pourtant ouvert à l’altérité, Cavafis embrassa la poésie avec
respect, une attitude qui le porta à réviser toute sa vie ses poèmes et à
en écarter radicalement un grand nombre, fort heureusement pour beaucoup
préservés de la destruction. Les « Poèmes anciens ou retrouvés » publiés
aux éditions Seghers offrent un tableau complet de cet « historien poète »
ainsi qu’il se plaisait à se nommer. Ces pages à l’écriture sensible
traduisent un esprit captant tout autant l’air du désert proche que les
murmures de l’antique parvenus jusqu’à sa plume. Une épigraphe abandonnée
sur une tombe est l’occasion de redonner vie au passé en de vertigineuses
présences alors qu’un miroir placé dans l’entrée d’une riche maison
conservera pour toujours le souvenir ému de la beauté d’un jeune garçon.
La poésie de Cavafis brille discrètement de ses feux comme un saphir à la
tombée de la nuit. Ses scintillements se font rêveries et ses songes plus
vivants encore que les âmes défuntes qu’il évoque délicatement. Les
barrières du temps s’estompent alors que les sens s’exacerbent en une
multitude d’émerveillements. La lecture de ces Poèmes ne pourra laisser
indifférent grâce notamment au remarquable et toujours délicat travail de
traduction de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris qu’il faut, ici, saluer.
Philippe-Emmanuel Krautter
Italo Svevo : « Ma paresse » traduit de
l’italien par Thierry Gillyboeuf, Allia Editions, 2024.
Voici un petit texte peu connu en France et qui pourrait
offrir une belle porte d’entrée à la découverte de l’un des plus grands
écrivains de l’Italie du XXe siècle : Italo Svevo, né à Trieste en 1861,
de son vrai nom Aron Hector Schmitz, qu’il ne goûtait guère. L’écrivain
triestin lui préféra en effet ce nom de plume signifiant littéralement «
Italien Souabe » en raison des racines familiales de ces deux aires
géographiques. Au carrefour de ces cultures, allemandes et italiennes, et
des disciplines qu’il affectionnait (littérature, philosophie avec
Schopenhauer, psychanalyse avec Freud par le truchement de Weiss), Svevo
ne connut guère de succès avec ses premiers écrits, la critique l’ignorant
superbement. Il faudra, en effet, la providentielle rencontre avec James
Joyce à Trieste même (qui devint, par le plus beau des hasards, son
professeur d’anglais particulier), pour que son talent se révèle aux yeux
de l’écrivain irlandais et que ce dernier l’encourage à persévérer dans la
voie.
C’est avec « La Conscience de Zeno » paru en 1923 que l’écrivain connaîtra
la consécration pour ses qualités littéraires, qualités qui pointent déjà
dans « Ma paresse », ce texte d’une soixantaine de pages paru aux éditions
Allia dans une traduction de Thierry Gillyboeuf. À partir du
quasi-monologue du narrateur, un vieil homme au terme de sa vie, « Ma
paresse » offre une véritable introspection sur les tourments du
personnage, notamment ceux liés à son âge, sa santé et virilité… A la
manière d’un laborantin observant l’objet de sa recherche au microscope,
Svevo met en œuvre une rare acuité dans l’analyse du narrateur et de son
entourage, une analyse qui n’écarte rien des sentiments en une modernité
seulement égalée par ses contemporains Proust et Joyce. Ce sens aiguisé de
l’observation, cette autodérision et regard sans concessions sur la
société dans laquelle il évolue étonne, surprend et séduit.
Malheureusement, Svevo devait terminer son trop bref parcours dans la
littérature en 1928 après un fatal accident de voiture.
Philippe-Emmanuel Krautter
Robert de Montesquiou : « DU SNOBISME »
; Préface Le Grand-Paon à l’Œil rose par Gérald Duchemin ; Deux
illustrations par Sarah Elie Fréhel ; Format 12×16 cm, 288 pages, Editions
Le Chat Rouge, 2022.
De Robert de Montesquiou n’est souvent resté que
des caricatures qui, si elles s’avèrent signées par les plus grands noms
de la littérature – Proust, Huysmans, Lorrain, de Régnier, etc., n’en
demeurent pas moins la plupart du temps bien réductrices eu égard à ce que
fut l’écrivain-poète-esthète. Il faut reconnaître que l’homme n’était
guère facile, son caractère le portant à se faire autant d’ennemis que
d’admirateurs, ces derniers étant pourtant nombreux… Robert de Montesquiou
qui revendiquait une prestigieuse ascendance, incluant le fameux
D’Artagnan, était aussi exigeant qu’intransigeant sur les arts, les
lettres et la poésie qu’il chérissait tant. « Souverain des choses
transitoires » tel fut l’un des qualificatifs qu’il s’attribua dans son
fameux recueil de poésie « Les chauves-souris ».
Régnant sur le Tout-Paris de la fin du XIXe s. au début du siècle suivant,
cette âme éprise du beau eut à cœur de lancer nombre de poètes et
d’artistes en un mécénat plus que généreux tel fut notamment le cas pour
le peintre Gustave Moreau ou encore le jeune Marcel Proust qui n’hésita
pas, pourtant et en remerciement, à singer par la suite son généreux
protecteur…
Les éditions Le Chat Rouge ont fort heureusement entendu réparer cette
injuste omission de l’histoire et offrir un portrait à la fois complet et
varié de ce personnage grâce à une introduction enlevée de Gérald Duchemin
et une sélection des aphorismes que chérissait Montesquiou. Cet esprit
curieux de tout rédigea également un grand nombre de notices dont
certaines d’entre elles ont été également réunies pour ce recueil
décidément passionnant : Gustave Moreau, Aubrey Beardsley, Sarah
Bernhardt, Lalique et Gallé, William Blake… Nombreuses seront les facettes
de l’esthète et poète qui seront révélées par cet ouvrage unique en son
genre et dont la lecture permettra de se faire une idée plus juste de
celui qui avouait en son temps :
« Ce que j’ai nommé le bon Snobisme, celui qui consiste à se sentir
amplifié par la fréquentation des êtres de valeur mentale ou morale, c’est
de celui-là qu’on peut dire qu’il faudrait être bien sot pour ne pas le
ressentir et le pratiquer »…
Philippe-Emmanuel Krautter
Odysseas Elytis : "À l'ouest de la
tristesse" précédé de "Les Élégies d'Oxopétra", édition bilingue, traduit
du grec, présenté et commenté par Laetitia Reibaud ; broché 120 p. , 15 x
21 cm, Éditions Unes, 2022.
C’est à un poète encore trop méconnu en France qu’est
consacrée cette belle parution aux Éditions Unes, une édition soignée et
élégante de deux recueils d’Odysseas Elytis, prix Nobel de littérature en
1979. Les deux recueils, « A l’ouest de la tristesse » et « Les Élégies d’Oxopétra
», font en effet l’objet d’une traduction sensible et délicate par
Laetitia Reibaud qui signe par ailleurs une belle introduction en guise de
préface sur le poète grec. Elytis n’est pas un poète facile à lire,
privilégiant l’expérience de la lumière diffractée en une poésie à la fois
solaire et toujours en quête d’éblouissements, même lors des
questionnements les plus ultimes. « A l’ouest de la tristesse » paraît un
avant la mort du poète et il sera difficile de ne pas y lire quelques
testaments jetés ici ou là après une longue vie de poésie. La puissance
tellurique du poète demeure identique en une vitalité qui ne cesse
d’étonner, parvenu à un âge aussi avancé et dépassant les affres des
années de vieillesse. Elytis discerne encore les rivages de Troie tout
autant que ce bleu Ioulita, synonyme d’amours éternelles… Aussi le
poète nous tend un relais toujours aussi vaillant, « la Poésie seule est
ce qui demeure », ces pages inspirées en témoignent, à nous de les saisir.
« Pourtant ce n’est pas toujours en rêve que tous nous cherchons
D’une génération à l’autre cet ambre
Qui adoucissait les liens des hommes
La matière grise inconnue qui savait
Formuler des lois diaphanes ; pour que l’un, tête nue, fixe des yeux
Les vallées de l’autre en lui-même, soit de nuages
Voilées soit au soleil exposées »
Michel Orcel : "LEOPARDI (poésie,
pensée, psyché)", Editions Arcades Ambo, 2023.
Le nom de Michel Orcel est indéniablement associé au poète italien Giacomo
Leopardi (1798-1837), poète plus connu, il est vrai, dans son pays natal
que de ce côté-ci des Alpes. C’est pour réparer cette injustice littéraire
que l’auteur de ces études rassemblées aujourd’hui sous le titre «
Leopardi – Poésie, pensée, psyché » aux éditions Arcades Ambo, n’a eu de
cesse de rappeler et d’analyser les multiples facettes de l’auteur des
Canti dont il livre en ces pages une vision à la fois inspirée et
poétique.
Ayant arpenté l’œuvre de Leopardi, des années durant en tant que
traducteur mais aussi au titre de poète, Michel Orcel nous convie à cette
intimité de la poésie léopardienne ainsi que le relevait Jean Starobinski
: « Et, si techniquement rigoureuses que soient ces études, elles nous
retiendront pour une autre raison encore : nous les lirons comme un
fragment du journal intellectuel (du Zibaldone) d’un poète de notre temps
». L’ouvrage exigeant nous invite, en effet, à nous mettre à l’écoute
par exemple de ce poème l’Infini dont il déchiffre pour nous l’incroyable
composition où toute souffrance – thème récurrent chez le poète – semble
être absente. Cet « ailleurs de la parole », cette voix de l’intériorité
pure, converge vers la poésie en des sommets époustouflants où pensée
lyrique et poésie tissent des dialogues intimes ainsi qu’il ressort de ces
riches études que nous livre aujourd’hui Michel Orcel.
À noter la parution aux mêmes éditions, des esquisses autobiographiques
du jeune Leopardi, « Là sont rassemblés mes souvenirs ».
Philippe-Emmanuel Krautter
Pier Paolo Pasolini : « Dialogues en
public » ; Traduction de François Dupuigrenet Desroussiles avec une
préface de Florent Lahache, Collection « penser-situer », Editions Corti,
2023.
Nous connaissions Pasolini poète, cinéaste, critique, romancier… mais une
autre facette se dévoile avec cette parution « Dialogues en public »,
celle d’un intellectuel de haut vol se prêtant à une correspondance
publique « en direct » dans l’hebdomadaire communiste Vie Nuove entre 1960
et 1965. Sans fards et avec une rare liberté de parole, l’homme de lettres
correspond spontanément avec des mineurs, de jeunes adolescents, des mères
de famille, des catholiques. Cette liberté de ton étonnera autant qu’elle
séduira… Car Pasolini en ces pages ne cède ni à la facilité et encore
moins à la démagogie. A ses correspondants qui lui reprochent parfois un
vocabulaire trop savant et des idées difficiles à saisir, l’intellectuel
répond sans hésiter qu’il leur faut faire un effort, que la condition
ouvrière ne saurait à elle seule justifier de les maintenir à un niveau
élémentaire. Ces lettres qu’il reçoit parvenues de l’Italie entière – à
l’image de ce Tour d’Italie que le cinéaste réalisa pour son enquête sur
la sexualité des Italiens – dressent un portrait vivant des années 60 par
le biais des interrogations des lecteurs du journal communiste.
Et si certains clichés du marxisme de l’époque peuvent, certes, ressortir,
ces échanges révèlent autant la personnalité des correspondants que celle
du prestigieux épistolier qui leur répond. Véritable mosaïque de la pensée
des années 60 vue par un intellectuel engagé, « Dialogues en public » ne
pourra que ravir les amateurs de l’écrivain-cinéaste et de l’Italie de
cette époque.
Joris-Karl Huysmans : « À Rebours
», édition de Pierre Jourde, Folio, Gallimard, 2022.
Avec « À Rebours », J.-K. Huysmans sonne en quelque sorte le glas du
naturalisme de Zola et ses proches porté jusqu’alors aux nues. Ce dernier
lui fit d’ailleurs cet amical reproche lors de la publication de l’ouvrage
en lui faisant remarquer, souligne Huysmans dans sa Préface écrite vingt
ans après le roman, qu’avec ce livre « je portais un coup terrible au
naturalisme, que je faisais dévier l’école… » ; Instillant, sans le savoir
exactement, les germes de ses futurs ouvrages dans chacun des chapitres,
Huysmans avec « À Rebours » pose de nouveaux jalons, rompant avec la
tradition, ce que certains de ses contemporains ne comprendront pas telle
la Revue des Deux Mondes qui compara « À Rebours » aux vaudevilles de
Waflard et Fulgence… Seul Barbey d’Aurevilly fut plus perspicace en louant
l’auteur et en reconnaissant : « Après un tel livre, il ne reste plus à
l’auteur qu’à choisir entre la bouche d’un pistolet ou les pieds de la
croix »…
« A Rebours » ouvre ainsi les fenêtres de la création littéraire pour un
auteur qui estimait étouffer dans son milieu et souhaitait secouer les
préjugés. Autant confesser que Huysmans réussit son pari, balayant
l’intrigue traditionnelle pour ouvrir autour du personnage central de son
héros, Des Esseintes, son roman à l’art, à la musique, la littérature, la
science, la théologie et bien d’autres domaines qui deviendront des
figures à part entière du roman…
Délaissant le naturalisme et ses intrigues traditionnelles et souvent
prévisibles, Huysmans plonge dans les arcanes de la névrose et de
l’esthétisme, des bas-fonds et des sublimes sommets incandescents à la
lumière d’un Baudelaire qu’il vénère et selon une poésie qui place
Mallarmé au panthéon des lettres. Écrit alors que l’auteur n’avait pas
encore opéré sa conversion au catholicisme, « A Rebours » anticipe
également sur un grand nombre d’ouvrages que le romancier écrira par la
suite et les dernières lignes de ce roman atypique font figure d’annonce
sans qu’aucune aile d’ange n’y soit pourtant présente : « Seigneur, prenez
pitié du chrétien qui doute, de l’incrédule qui voudrait croire, du forçat
de la vie qui s’embarque seul, dans la nuit, sous un firmament que
n’éclairent plus les consolants fanaux du vieil espoir ! ». Quels sont-ils
ces consolants fanaux ? Huysmans en une inspiration prémonitoire nous en
montre les faux éclats à partir d’une vertigineuse plongée dans les affres
de l’esthétisme, joyaux pourtant déterminants qui seront repris par la
suite pour la plus grande gloire du Dieu de l’auteur.
Philippe-Emmanuel Krautter
Pierre Voélin : « Quatre saisons,
plusieurs lunes – Les poèmes trop courts », 112 p., 12 x 18 cm, Éditions
Empreintes, 2022.
Combien de lunes ont-elles ciselé ces vers épris de nature comme certains
de liberté ? Le poète Pierre Voélin (lire
notre interview) n’est point ici en quête de bucolisme, ni de cette
forme de poésie japonaise nommée haïku, même si certains chemins
parfois peuvent converger avec ceux de l’auteur de « Quatre saisons,
plusieurs lunes » :
« Juillet sur les bords de l’étang,
la pluie s’avance penchée
mais droit – et digne
le héron solitaire ».
Le poète semble plutôt attiré, telle la phalène vers la flamme, par
l’union de la forme et de l’instant, une quête subreptice qui opère par
touches diaphanes, la clarté n’est jamais loin, même en pleine nuit :
« A chaque lune d’allumer l’incendie !
Une fois le feu lancé, vite,
aux humbles feuillages
de l’éteindre »
Cette saisie de l’instant se manifeste en ces infimes moments du quotidien
que le poète traque tel l’entomologiste aux détours des forêts et jardins,
aux aguets de ces manifestations éternelles du fugitif. Sa démarche tient
également du peintre qui parvient à immortaliser parfois l’impermanence,
quête délicate dans laquelle Pierre Voélin excelle sans affect. Tous les
sens sont à l’affût de ces infimes bribes qu’il réussit à cristalliser
dans ses vers placés sous l’égide de Villon, de La Fontaine, de Nerval ou
encore Jean Grosjean. Une poésie où parfois des nuages se profilent et
quelques angoisses pointent, noirceurs vite dissipées par cette poétique
approche des éléments sublimés par le verbe.
Philippe-Emmanuel Krautter
« Mario Vargas Llosa : « L’appel
de la tribu », Coll. Folio, Gallimard, 2022.
Dans cet ouvrage « L’appel de la tribu », réédité aujourd’hui en Folio,
Mario Vargas Llosa (tout récemment élu à l'Académie française) nous donne à lire le portrait de sept penseurs ou
intellectuels décisifs ayant marqué ses propres convictions libérales. Des
économistes, bien sûr, Adam Smith et Hayek sans oublier Karl Popper, mais
aussi des intellectuels notamment français – on songe à Raymond Aron ou
encore à l’académicien Jean-François Revel ; des penseurs ou philosophes
libéraux également dont Sir Isaiah Berlin ou quelque peu plus connu, et
pour un libéralisme plus culturel, José Ortega y Gasset. Le libéralisme,
la libre concurrence, la liberté des marchés, le seul système ou mode de
pensée (économique, philosophique, moral…) capable, pour l’auteur, de
garantir la liberté et la démocratie : « …ce qui nous a le mieux défendus
contre l’inextinguible « appel de la tribu. », souligne d’emblée dans sa
préface Vargas Llosa.
Un ouvrage roboratif qui, quelles que soient les convictions du lecteur,
laisse à penser, à réfléchir, car derrière le terme même de libéralisme,
se cachent bien des variations, nuances, précisions, paradoxes ou même
contradictions assumées ou non. Sans céder à la facilité, Mario Vargas
Llosa mêle à grands traits et avec un rare bonheur vie et œuvres de ces
grands penseurs formant son panthéon libéral ; des figures majeures
révélant non seulement l’évolution du libéralisme – du père du libéralisme
avec Smith au néo-libéralisme, mais aussi le propre parcours intellectuel
et politique de Vargas Llosa, ce grand écrivain péruvien, Prix Nobel de
littérature en 2010. « Le parcours qui m’a mené du marxisme et de
l’existentialisme sartrien de ma jeunesse au libéralisme de ma maturité… »
écrit encore en sa préface Mario Vargas Llosa.
Sans adopter un style hagiographique, mais sans renoncer pour autant à une
approche parfois subjective ou à des anecdotes cocasses, l’auteur souligne
les thèses, points forts et faiblesses de ces auteurs libéraux ayant
chacun marqué de leur plume leur siècle, du XVIIIe avec Smith jusqu’au
XXe-XXIe siècle pour Jean-François Revel. En contrepoint, des pages ou
critiques des systèmes totalitaires, qu’il s’agisse du nazisme, marxisme,
communisme ou encore des intellectuels de gauche ; Un « appel de la tribu
» qui, selon l’auteur, verra l’individu disparaître englouti dans la masse
; un appel ou des convictions depuis longtemps abandonnées par Mario
Vargas Llosa. Se glissent ainsi dans ces pages, notamment celles
consacrées à Raymond Aron, des lignes acerbes et sans appel à l’encontre
de J.-P. Sartre, celui qui « déjà aveugle, hissé sur un bidon, (…)
pérorait aux portes des usines de Billancourt ».
Quelles que soient les convictions du lecteur, cet ouvrage au style
impeccablement fluide - et dont on ne peut que saluer la traduction par
Albert Bensoussan et Daniel Lefort, se laisse dévoré ou du moins si
agréablement lire.
L.B.K.
« Sénèque - Tragédies complètes" ;
Édition et traduction du latin par Blandine Le Callet, traduction inédite,
Collection Folio classique (n° 7143), Gallimard, 2022.
Si l’on connaît bien Sénèque pour son fameux De
Brevitate Vitae (De la brièveté de la vie), les tragédies du grand
philosophe stoïcien restent, il faut l’avouer, plus méconnues. C’est cette
lacune que vient combler avec bonheur la réunion des « Tragédies complètes
» de Sénèque en Folio par Blandine Le Callet avec une traduction inédite
et un appareil critique complet.
Paradoxalement, ces tragédies jouissaient d’une grande notoriété à la
période de la Renaissance avant de perdre les faveurs du public aux
siècles suivants. Et pourtant, ainsi que le souligne Blandine Le Callet en
préface, « Les tragédies de Sénèque apparaissent, en effet, comme de
véritables manifestes politiques et philosophiques, nourris du stoïcisme
de leur auteur et de son expérience du pouvoir ». Peut-être est-ce
l’une des raisons pour lesquelles ces œuvres parfois subversives ont pu
être écartées à une époque où l’absolutisme voyait d’un mauvais œil toute
critique du pouvoir ? Sénèque connaissait, en effet, intimement les
arcanes du pouvoir et ses noirceurs, cette fameuse « tête hideuse de la
Gorgone » qu’évoquait le théoricien du droit Hans Kelsen. Le philosophe
était le précepteur du jeune Néron qui sut rapidement se départir de la
sagesse de son mentor pour devenir le monstre que l’on sait (même si cette
dérive se trouve quelque peu atténuée par les recherches de ces dernières
années). Témoin vivant des intrigues de cet empereur responsable de folies
(on lui prête le fameux incendie de Rome en 64 dont l’empereur aurait jeté
la responsabilité sur les chrétiens), Sénèque a matière pour composer des
tragédies nourries de ces horreurs, véritable anthologie des sombres
turpitudes dont l’homme peut se rendre coupable.
Bien évidemment, il ne faut pas voir dans ces pièces ayant pour nom «
Œdipe », « Hercule furieux » ou encore « Agamemnon », un goût complaisant
pour le morbide, mais bien une invitation à la réflexion sur la nature de
l’homme et ses dérèglements. Soulignons que la noirceur de ces tragédies
révèle cependant en contrepoint la lumière qui peut entourer celles et
ceux qui consacrent leur vie à la philosophie et aux préceptes stoïciens
d’une vie simple.
En cela, et pour bien d’autres raisons, cette édition des Tragédies
complètes de Sénèque constitue une belle invitation à la sagesse, toujours
d’actualité…
A noter le remarquable travail réalisé par Blandine Le Callet en fin
d’ouvrage avec un précieux et volumineux dictionnaire de la mythologie
plus qu’utile à la pleine compréhension de ces tragédies.
Philippe-Emmanuel Krautter
Raymond Queneau : « Ma vie en
chiffres » ; dessins de Claude Stassart-Springer ; Fata Morga éditions,
2022.
Avec ces quelque vingt-quatre pages consacrées à une digression sur la vie
en chiffres, Raymond Queneau se joue des conventions sociales plus que des
équations dans lesquelles il excellait. Cet amoureux de sciences et de
pataphysique se révélait « à l’étroit dans le sens commun » ainsi que le
résume très justement Pierre Bergounioux en avant-propos à ce petit livre
soigné et illustré par les virevoltants dessins de Claude
Stassart-Springer.
Queneau s’amuse et nous divertit sur notre quotidien souvent trop pesant,
une apesanteur que l’écrivain et cofondateur du groupe Olipo se faisait un
plaisir de cultiver dans ses digressions byzantines. S’évader du quotidien
par le truchement de ses bizarreries, tel pourrait être le credo de
Queneau dans ce court récit.
Lorsque le narrateur se risque à évoquer sa vie selon le filtre des
chiffres, tout paraît soudainement étrange alors qu’il ne s’agit pourtant
que de notre propre quotidien. Le nombre de secondes occupées par notre
travail, les grammes d’azote, de carbone et ses deux croissants
religieusement absorbés chaque jour (5 372 croissants au 29 mars 1957…),
tout prend ainsi un autre éclairage sous la plume de Queneau trempée dans
l’encre numérique. Le tourbillon des chiffres s’emballe, devient prétexte
à quelques rencontres amoureuses que ne renierait pas Cervantes, pour
finalement livrer une autobiographie « trafiquée », le qualificatif étant
faible, même si l’exercice s’avère être d’une redoutable efficacité.
A découvrir dans cette exquise édition de 112 grammes exactement, soit un
peu plus de deux croissants !
Philippe-Emmanuel Krautter
Marcel Proust : « Lettres à Horace
Finally » ; Edition établie par Thierry Laget ; Avant-propos de Jacques
Letertre ; Collection Blanche, Gallimard, 2022.
Horace Finaly compte parmi ces grands banquiers d’affaires de
l’entre-deux-guerres ayant joué un rôle essentiel à la Banque de Paris et
des Pays-Bas. Curieusement, son nom tombé dans l’oubli resurgit
aujourd’hui par le truchement de son célèbre camarade de classe au Lycée
Condorcet, un certain Marcel Proust…
Devenu personnage de roman pour Giraudoux dans « Bella » et pour certains
identifié à Bloch dans la « Recherche », cet ami de toujours, disponible
alors que son agenda ne le permettait guère, aidera Proust dans les
problèmes rencontrés avec son encombrant compagnon de l’époque Henri
Rochat. Sollicitant les relations du banquier pour lui trouver un poste au
lointain Brésil, Finaly s’exécutera généreusement malgré les déconvenues
survenues par l’attitude de l’encombrant personnage, ainsi que le rappelle
Jacques Letertre en avant-propos.
Le présent recueil de cette correspondance inédite s’ouvre sur une lettre
datée de 1920, le reste de la correspondance de jeunesse étant
malheureusement perdue. L’auteur de la « Recherche » s’adresse à son «
cher ami d’autrefois et de toujours » en souvenir des années passées à
Condorcet. Proust au fil des lettres égrène ses chers souvenirs même si
les « espérances ne se réalisent pas », le passé n’étant jamais perdu pour
l’écrivain. La maladie de Proust, cloué maintenant la plupart du temps au
lit, est omniprésente, ce qui ne l’empêche pas pour autant de « caser »
son protégé loin de l’Hexagone grâce à l’influence et relations de son
vieil ami.
Pointent quelques traits d’humour « proustiques » ainsi qu’il se qualifie
lui-même. Rochat se trouve finalement envoyé en Amérique du Sud par Finaly,
au lieu de la Chine initialement prévue. Puis viendront les tendres et
touchants témoignages d’amitié lors du décès de l’épouse tant aimée
d’Horace en mai 1921, témoignages émaillés par les frasques de Rochat au
Brésil, sans oublier les multiples fièvres de la santé déclinante de
Marcel Proust au terme de sa vie. Durant ces derniers mois qui lui restent
à vivre, l’écrivain adressera en avril 1922 un dernier témoignage à son
ami de toujours sous la forme d’un envoi autographe sur la page de garde
du tome I de « Sodome et Gomorrhe » paru le même mois. Dans cette ultime
adresse, Marcel Proust, même s’il « n’aime pas mêler de la littérature à
un souvenir douloureux et vivant en moi » pense une dernière fois à son
fidèle ami sous le signe de l’amitié et du souvenir de sa défunte épouse.
Un vibrant et ultime témoignage un siècle exactement après la disparition
de l’écrivain.
Philippe-Emmanuel Krautter
« André Suarès – Vues sur
Baudelaire » ; Préface de Stéphane Barsacq, Coll. Portraits, Éditions des
Instants, 2022.
Comment ne pas saluer cet ouvrage « Vues sur Baudelaire » qui vient de
paraître aux éditions des Instants regroupant six textes, articles ou
préface, consacrés au poète maudit et signés de la main d’André Suarès ?!
Suarès, écrivain et poète assoiffé de liberté, vouera une admiration
indéfectible à Baudelaire ; il fera partie de son Parnasse avec Mallarmé
et Rimbaud, se disputant la première place avec Verlaine. Suarès sera,
surtout, l’un des premiers écrivains à consacrer au poète et à sa poésie
de véritables analyses ; études qu’il n’hésitera pas à renouveler sa vie
durant – le premier de ces textes paru dans « La Grande Revue » datant de
1911, le dernier de 1940. « Baudelaire est pour lui une figure tutélaire,
presque une obsession. » écrit André Guyaux dans « Le Baudelaire de Suarès
».
Mais, en ces écrits, Suarès n’entend nullement cependant livrer une
biographie ou une chronique nécrologique du poète disparu deux ans avant
sa naissance en 1868. Non, Suarès tourne et retourne autour de Baudelaire,
inaccessible et pourtant si fascinant, comme pour mieux entrer dans son
âme de poète maudit ou dans « ce pays de son génie » écrira Marcel Proust
dans « Contre Sainte-Beuve » ; c’est son « Cœur mis à nu » plus encore que
Suarès souhaite approcher, presque disséquer comme pour mieux en percer le
mystère. Baudelaire, « le plus nu et le plus vrai des poètes, en son temps
» écrira-t-il.
Et si bien des points de contact existent entre eux, Suarès se garde bien
pour autant de faire de mauvaises ou d’orgueilleuses projections ; non,
ici encore, il tourne, soulignant les multiples visages mais tenant ses
distances préférant rapprocher les plus grands astres entre eux : Keats et
Baudelaire, Baudelaire et Wagner. Baudelaire poète, mais aussi critique
d’art, puisqu’il « manifeste en tout cette nature noble et rare, faite
pour les plus hauts entretiens de l’intelligence, et pour les soucis de
l’art. » écrira encore André Suarès.
Convoquant Gracq, Bonnefoy, Pierre Jean Jouve et bien d’autres encore, ce
sont également quelques-uns de ces multiples portraits ou visages de
Baudelaire mais aussi d’André Suarès que Stéphane Barsacq a souhaité
livrer dans sa longue et riche préface. Le préfacier revient ainsi sur ces
incontournables thèmes que sont celui du double, Doppelgänger, si cher à
Dostoïevski, ou encore celui du masque renvoyant à Roger Caillois… mais
comment ne pas également songer à Jean Starobinski…
Dans ces jeux de miroirs, chaque grand écrivain, poète ou penseur ne
semble avoir échappé à cette fascination baudelairienne, à cette « Folie
Baudelaire » ainsi que l’a nommée Roberto Calasso et cet ouvrage
regroupant ces écrits d’André Suarès viennent avec une singulière
puissance en témoigner.
L.B.K.
A noter, également aux éditions des Instants, d’André Suarès : « Sur
Molière suivi de Clowns ».
Dexter Palmer : « Mary Toft ou La
reine des lapins », Éditions Quai Voltaire, 2022.
« Les lecteurs du présent ouvrage auront compris que j’ai traité mon sujet
avec la liberté du romancier : certains personnages incarnent des acteurs
de l’histoire vraie de Mary Toft et d’autres sont inventés… »
Nous voilà prévenus ! Un fameux mélange de réalité et d’imaginaire dans ce
conte réjouissant de Dexter Palmer nous projette dans un contexte
historique vrai, en plein 18e siècle, lorsque les cabinets de curiosités
médicales étaient un spectacle de foire où de pauvres personnes difformes,
naines, siamoises à deux têtes ou souffrant d’autres infirmités régalaient
l’imaginaire des populations des villes provinciales comme des capitales.
Londres in situ, lorsqu’un phénomène incroyable se produisit dans la
petite ville de Godalming et suscita toute l’attention de John Howard,
médecin et chirurgien de son état, ainsi que du jeune Zachary Walsh, le
fils du pasteur et apprenti médecin aux côtés du docteur Howard. Mary Toft
accouche dans d’atroces souffrances d’un lapin morcelé et démembré et
pleurant des larmes de sang d’après les dires de Joshua, son époux, venu
en catastrophe chercher le secours du bon docteur. À cette époque de
croyances et de légendes multiples, les interprétations pouvaient aller
bon train surtout lorsque « l’événement » ce reproduisit à intervalles
réguliers… « Peut-être allons aujourd’hui être témoins d’un prodige. » se
dit John Howard en préparant sa sacoche et embarquant avec lui son
apprenti. Là, Mary donna naissance à un premier lapin et le docteur aura
beau relire ses livres de médecine rien ne pourrait expliquer cette
anomalie de la nature. Le diable serait-il passé par là ? Nul ne saurait
le dire. Les prières ou incantations du pasteur n’eurent aucun effet et
laissent supposer que Mary si elle n’est pas possédée aurait peut-être un
don divin, supposition qui au fur et à mesure des nouvelles naissances de
morceaux de lapins dépassera les frontières de Godalming. Cette curiosité
arrive aux oreilles du Roi Georges qui demande alors expertises et
rapports à différents médecins londoniens dépêchés sur place, et qui
finirent sur ordre royal par faire venir à Londres cette curieuse femme
pour études et observations médicales approfondies. Si elle était déclarée
miraculeuse, qu’au moins cela se passe au plus près du Roi. Ainsi Mary,
son mari, John et Zachary partent pour Londres, après que les journalistes
du British Journal se soient mêlés du sujet en publiant quelques articles,
on pourrait alors dire que c’est ainsi que les ennuis commencèrent pour
John Howard mais également pour Mary Toft.
Dexter Palmer nous fait partager à la fois les recherches et explications
médicales des plus douteuses aux plus sérieuses ainsi que le pouvoir de
l’imagination populaire. Tout le monde veut avoir un avis sur cette
étrangeté, des avis qui baignent dans des croyances et des illusions qui
font la richesse de ceux qui exploitent la crédulité des plus naïfs. On
aimerait tant que ce soit vrai et en même temps, qui, sinon le diable
autoriserait cela ? Réalité, supercherie ou miracle ? « L’affaire Toft
agissait comme une sorte de turbine, attirant à elle vérités et mensonges
et les mélangeant tant et si bien que toutes choses étaient vraies et
aucune ne l’était. » Écrit comme une aventure et enquête étayée de la
véritable histoire de Mary Toft dont l’auteur nous conseille dans une
bibliographie très fournie, la lecture d’articles et de confessions de
Mary Toft alors qu’elle était retenue dans les geôles de la prison de
Bridewell, ce roman/conte raconte dans ce 18e siècle cette éternelle
histoire où les hommes de science, de religion et autres recherchent la
reconnaissance, la notoriété, et ce presque à n’importe quel prix. Et rien
n’interdit d’y trouver une forte résonance actuelle… « En quoi
importe-t-il qu’une assertion ne soit pas prouvée, s’il se trouve assez
d’individus pour croire en sa vérité ? » CQFD
Sylvie Génot Molinaro
Alain Dulot : « Tous tes amis sont
là », Editions La Table ronde, 2022.
« Je ne sais rien de gai comme un enterrement ! » Ainsi commence le
célèbre poème « L’enterrement » de Paul Verlaine.
« C’est alors que du silence jaillit une voix. Une voix de femme, une voix
qui porte, ardente et claire celle-là… Cri déchirant en ce qu’il déchire
le dernier silence, et pourtant cri d’exultation : six mots, six pauvres
mots surgis du fond d’un cœur et jetés au vent et à l’Histoire :- «
Regarde, tous tes amis sont là !... » crie Eugénie Krantz,
l’ex-courtisane, la pocharde de la rue Saint-Jacques, mégère de la rue
Descartes, harpie épiant sa rivale, la femme détruite par les alcools et
les années… ».
Eugénie, dernière compagne de Paul Verlaine, aujourd’hui au cimetière des
Batignolles. Oui, tous les amis de Verlaine, le « Prince des poètes »,
sont là, suivant le cortège mortuaire, ce vendredi 10 janvier 1896, à
travers Paris. Deux jours avant, le mercredi 8, Paul Verlaine surnommé «
le Villon des temps modernes » meurt chez lui au 39 rue Descartes, Paris
où il s’était installé quelques semaines plus tôt avec sa compagne,
Eugénie Krantz. Alain Dulot fait parler les hommes qui ont entouré
Verlaine de son vivant, qui l’on soutenu, aidé financièrement,
affectivement et admiraient son œuvre poétique si nouvelle, si moderne, si
dérangeante, si loin de l’académique… Oui, l’académie où comme Baudelaire,
il ne sera jamais admis, car les mœurs de ce poète n’ont jamais été du
goût des immortels. Qu’à cela ne tienne, l’hommage, le vrai se joue ici, à
travers les rues de Paris, où se masse une foule de gens, des curieux
comme tous ceux et celles qui savaient qui tu étais, toi à qui Victor Hugo
mort dix ans plutôt, écrivait après avoir lu les Poèmes saturniens : « Une
des joies de ma solitude, c’est, Monsieur de voir se lever en France, dans
ce grand dix-neuvième siècle, une jeune aube de vraie poésie. Toutes les
promesses de progrès sont tenues et l’art est plus rayonnant que jamais(…)
Certes, vous avez le souffle. Vous avez le vers large et l’esprit inspiré.
Salut à vos succès. »
L’auteur lui-même, Alain Dulot, se mêle à cette foule qui défile dans ces
rues parisiennes où se sont déroulés tant d’événements de la vie du poète,
sa mère, ses études, ses amours, ses souleries, ses amitiés, ses
publications, les critiques de certains, ses moments intimes ou publics
jusqu’à sa mise en abîmes, ses dérives, la maladie et la mort, celle qui
est si banale qui que l’on soit. L’auteur est aux côtés des amis fidèles,
comme François Coppée, Edmond, Lepelletier, Catulle Mendès, Robert de
Montesquiou, Mallarmé, Frédéric-Auguste Cazals, Albert Cornuty et tant
d’autres qui soutiennent Eugénie et Charles, seul Georges, son fils n’est
pas là… Les fantômes de Rimbaud et Baudelaire survolent la cérémonie, les
discours flottant dans les limbes verts de l’absinthe pour l’éternité.
« Vous êtes prié d’assister au convoi, service et enterrement de M. Paul
Verlaine, poète, décédé le 8 janvier 1896, muni des sacrements de
l’Église, en son domicile, rue Descartes, 39, à l’âge de 52 ans, qui se
feront le vendredi 10 courant, à dix heures très précises, en l’église
Saint-Etienne-du-Mont, sa paroisse. De profundis
On se réunira à la maison mortuaire.
De la part de M ; Georges Verlaine, son fils, de M. Charles de Sivry, son
beau-frère, de son éditeur, de ses amis et admirateurs.
L’inhumation aura lieu au cimetière des Batignolles. »
Ainsi commence ce roman touchant d’Alain Dulot, ainsi s’achève la vie de
Paul Verlaine.
Sylvie Génot Molinaro
John Ruskin : « Écrits naturels »
; Illustrations de John Ruskin ; Préface, traduction et notes de
Frédérique Campbell ; Livre broché, 12 x 18 cm, 224 pages, Éditions
Klincksieck, 2021.
Belle initiative des éditions Klincksieck et Frédérique Campbell que de
rendre disponible ces courts textes du grand poète et critique d’art
anglais John Ruskin (1819-1900). L’auteur, bien connu pour son célèbre «
Les Pierres de Venise », cultivait également un jardin secret avec
l’observation de la nature. La géologie, la botanique et la zoologie
avaient très tôt attiré la curiosité de cet esprit vif à l’analyse
pénétrante. Ces « Écrits naturels » regroupent justement quatre textes
accompagnés d’un appendice mettant en avant cet attrait fécond pour
l’Histoire naturelle. Celui dont le regard aiguisé sur les arts avait
attiré l’attention et l’admiration d’un Oscar Wilde et d’un Marcel Proust
s’intéressait également aux choses de la nature tels les Arachnés, le
rouge-gorge, le crave à bec rouge ou encore les ondes vivantes. Cette
étonnante diversité - dans l’esprit victorien tout en demeurant opposé au
darwinisme ambiant – force l’admiration non seulement pour le fond, mais
surtout la forme, tant le style de ces conférences s’avère ciselé de
manière cristalline, ce qu’a admirablement rendu Frédérique Campbell dans
sa traduction.
Nathaniel HAWTHORNE : “La Lettre
écarlate”, Coll. Totem roman, Éditions Gallmeister, 2021.
Nathaniel Hawthorne naquit en 1804, il publia « La lettre écarlate » en
1850. Il traversa le 19e siècle, avec tous ses événements politiques et
culturels, tout en publiant quelques livres. Celui-ci fut son
avant-dernier et le voici réédité aujourd’hui dans une nouvelle traduction
par François Happe.
Sur la place du marché de cette petite ville de Nouvelle- Angleterre, une
jeune femme Hester Prynne et sa toute jeune petite fille Pearl, font face
à la foule, huées, vilipendées, insultées, mises au banc de cette société
pieuse et puritaine à souhait dans les apparences sociales. Elle aurait
même pu être condamnée à une mort certaine pour son forfait, avoir mis au
monde, en prison, une enfant dont elle continue de taire qui fut le père
alors qu’elle était liée par le mariage avec un homme bien plus âgé
qu’elle et absent depuis son arrivée en Nouvelle-Angleterre. Mais
va-t-elle avouer ? Non, alors elle se retrouve affligée d’une lettre
brodée sur sa robe, une lettre rouge écarlate « Sur le corsage de sa robe,
apparut, en belle étoffe rouge, rehaussée d’une broderie délicatement
élaborée et d’extraordinaires arabesques en fil d’or, la lettre A », plus
brûlante que si elle avait été marquée au fer sur sa peau blanche et
douce, un A comme adultère qu’elle portera visible de toutes et de tous,
reconnaissable comme la pécheresse qui rappellera à tous le péché de
chair… Fantasme pour les uns et les autres, mais bien enfouis dans les
prières et les confessionnaux. Elle partira vivre dans une petite
maisonnette en bordure de forêt où elle éduquera se fille ange ou démon,
et où elle brodera pour les autres, de ses mains agiles de magnifiques
broderies de cérémonies. Elle portera sa lettre bien plus comme un bijou
que comme une marque d’infamie gardant longtemps son secret, celui du père
de son enfant, jusqu’ au jour où son vieux mari réapparut sous le nom de
Roger Chillingworth, médecin de son état. « Je te demande une chose, toi
qui fus ma femme, poursuivit le savant. Tu as gardé le secret de ton
amant. Garde le mien également ! Personne dans ce pays ne me connaît. Ne
souffle à âme qui vive que tu m’as jamais appelé ton mari ! » En jurant,
Hester ira-t-elle au-devant de sa perte, la vengeance de ce mari
sera-t-elle plus déterminée ?
À travers ce récit qui décrit la société de cette époque, le pouvoir de la
religion et les terreurs qu’elle pouvait engendre, l’histoire d’amour
impossible à découvrir, les conséquences de l’inconséquence des troubles
intérieurs de la nature humaine, les choix d’une vie de femme libre,
Nathaniel Hawthorne donne à lire un extraordinaire roman sur fond de
vérité mêlant croyances, mythe, réalité et machiavélisme qui porte l’envie
de vivre ou de mourir à son firmament. Se pourrait-il qu’il s’agisse juste
d’une légende ? Un ouvrage qui fut salué en son temps par Melville, Poe ou
encore James.
Sylvie Génot Molinaro
Paul Valéry : « Regards sur la mer »,
Éditions Fata Morgana, 2021.
Merveilleux opuscule paru aux éditions Fata Morgana offrant à la lecture
l’écrit « Regards sur la mer » de Paul Valéry. Dans une édition soignée et
joliment illustrée par Paul Valéry lui-même, le lecteur retrouvera en ces
pages toute la délicatesse et la poésie de l’auteur. Ce dernier face à la
mer déplie sa pensée suivant vents et marées. Des idées qui naissent de «
l’onde et de l’esprit ». La vie des ports, l’horizon, les brises et les
vents libèrent une poésie au gré non du regard mais des « Regards sur la
mer ». « Comment se détacher de tels regards ? » se demande le poète
poursuivant cette « rêverie à demi-savante ». Magie de la pensée lorsque
les mots rencontrent la houle, les vagues et l’infini… Un merveilleux
texte du poète sétois, publié en collaboration avec le musée Paul Valéry,
et dans lequel se déploie son amour de la mer, du sud et de la
Méditerranée.
« Paul Valéry –
L’homme et la coquille et autres textes », Folio Sagesse, Gallimard, 2021.
Un Folio Sagesse regroupant trois textes, Paul Valery (1871-1945) y
déploie - que ce soit sur les mythes, les rêves ou sur ce fameux
coquillage, toute la finesse et la poésie de sa pensée. Dans « Petite
lettre sur les mythes », lettre adressée à une amie et extraite de «
Variétés II » , l’auteur enchante par son recul et son humour sur cette
délicate question « Qu’est-ce qu’un mythe ?» « L’homme et la coquille »,
texte issu de « Variétés V » entraîne le lecteur dans un délicat
émerveillement, celui que n’a eu de cesse d’appréhender et de comprendre
Paul Valery, la nature et le fonctionnement de la pensée, notamment
lorsque cette dernière s’empare d’un coquillage… « (…) sous le regard
humain, ce petit corps calcaire creux et spiral appelle autour de soi
quantité de pensées, dont aucune ne s’achève… » souligne Paul Valéry.
Louise Labé : "Œuvres complètes"
Édition de Mireille Huchon, Bibliothèque de la Pléiade, n° 661, 736 pages,
ill., rel. Peau, 104 x 169 mm, Gallimard, 2021.
L’identité de la poétesse Louise Labé demeure quelque peu mystérieuse,
cette femme ayant vécu au XVIe siècle et se serait fait passer pour un
homme, militaire de surcroît, afin de suivre son amant au siège de
Perpignan… Mais son œuvre poétique demeure quant à elle plus certaine et
fait aujourd’hui l’objet d’une édition soignée par Mireille Huchon dans la
collection de La Pléiade. Personnage débordant de vitalité et de passions,
Louise Labé a su retranscrire ce goût pour la vie en des poèmes sensuels.
Qui n’a jamais entendu ces quelques vers encore osés à nos oreilles «
Baise m’encor, rebaise-moy et baise » ? Mais la poésie de Louise Labé
ne se résume pas à une truculence impertinente, tant s’en faut. Sa poésie
s’inscrit dans le contexte d’un cercle de lettrés de l’École lyonnaise
comptant des poètes connus tels Maurice Scève et Pernette du Guillet.
Ainsi que le souligne Mireille Huchon en introduction, Louise Labé se fait
écho des chants de Sappho, chants de désir ardent. Quelques digressions
féministes animent la dédicace alors que ses détracteurs eurent tôt fait
de déplorer sa trop grande liberté nuisant à sa réputation. Parallèlement
aux pièces poétiques qui établiront définitivement sa notoriété, ses
œuvres comprennent également des « Escriz de divers Poëtes » rendant
hommage à la poétesse. Le lecteur réalisera ainsi que ce personnage entre
histoire et légende fait l’objet de riches éclairages, tel un diadème
révélant des facettes différentes. Chaque siècle depuis leur redécouverte
au XIXe s. révélera chacune d’entre elles, signe de la complexité du
personnage et de son œuvre.
Le recueil de Louise Labé s’inscrit en une période faste de la fin de
règne de François Ier, protecteur des arts. Cette richesse se ressent à
chaque instant de ces poésies et autres textes dont il importe peu de
traquer la plume exacte. Il demeure en effet que cette poésie ne cherche
qu’à s’épanouir entre références antiques et humanistes. Incandescence et
pénombre alternent dans les Sonnets de Louise Labé ainsi que le révèlent
ces quelques vers :
« Tant que mes yeux pourront larmes espandre,
A l’heur passé avec toy regretter :
Et qu’aus sanglots et soupirs resister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre »
Florilège et portraits accompagnent cette poésie et prose d’avant-garde,
en éclairent la portée, portée d’un siècle ouvert aux novations, telles
celles apportées par la « Belle Cordière » et autres plumes.
Gianfranco Calligarich : « Le
dernier été en ville » ; Traduit de l’italien par Laura Brignon, NRF,
Éditions Gallimard, 2021.
« Le dernier été en ville » signé de Gianfranco Calligarich, écrivain et
scénariste italien, est un roman offrant une puissance d’attachement rare.
Un roman dans lequel on entre dès les premières pages et qui sait à
merveille tenir son lecteur jusqu’à la fin. L’auteur y développe un style
bien à lui, décontracté à l’image de son narrateur, mais non dénué pour
autant de profondeur, et surtout d’humour. Le récit se déroule dans les
années 1960, à Rome, dans cette Rome qui se désillusionne et voit les
années d’insouciance de la Dolce Vita s’éloigner…
Léo Gazzara, d’origine milanaise, vit tant bien que mal de piges dans
quelques journaux romains. Gianfranco Calligarich laisse glisser avec
beaucoup de talent son lecteur dans le désarroi et désœuvrement de son
narrateur. Des journées de déprime faites plutôt de nuits, de bars romains
et d’alcool. Tristesse, mélancolie, angoisses et douleurs hantent ses
jours, et entre intellectuels et cercles mondains, Léo tente de surnager
et de trouver désespérément un sens à sa vie désordonnée…
« Le dernier été en ville », premier roman de Calligarich, traduit
aujourd’hui en langue française par Laura Brignon, fut publié pour la
première fois en Italie en 1973. L’auteur nous promene dans les multiples
quartiers, rues et célèbres places de Rome, dessinant une ville
contrastée, ensommeillée ou brulante, écrasée sous des pluies orageuses ou
immobile… Rome, à la fois énigmatique et sous le sceau de la solitude de
Léo, mais demeurant le point d’ancrage de la dérive du narrateur et du
roman. La Ville Éternelle saura-t-elle pour autant sauver du naufrage Léo
Gazzara ? À moins que ce ne soit la belle mais tout aussi énigmatique,
imprévisible et évanescente Arianna ?
Mais, l’auteur sait qu’un récit n’est jamais aussi simple, que la marquise
sort toujours à cinq heures… Et si la fantasque Arianna bouleverse le
morne quotidien de Léo, c’est aussi pour mieux savoir en disparaître. «
Elle est belle, très cher, et les gens beaux sont toujours imprévisibles.
Ils savent que quoi qu’ils fassent ils seront pardonnés. », lui avait
pourtant dit Viola. Faudra-t-il renoncer pour autant à cet amour éperdu ?
Y survivra-t-il ?
Un récit où l’amour côtoie le vide existentiel, une lutte sans merci entre
désœuvrement et boutades exquises que livre un roman ayant, presque 50 ans
après, gardé toute sa plaisante et puissante force d’attraction.
L.B.K.
Jean d’Amérique : « Soleil à
coudre », Éditions Actes Sud, 2021.
Jean d’Amérique est poète. Son récit transpire cette forme de langage
jusque dans les facettes les plus sombres des hommes. Les personnages de
ce premier roman n’y échappent pas, tant de mots, tant de douleurs, tant
de violence… mais toujours à travers un chemin de poésie, entre romance et
fable moderne, de celle de la bouche qui dit et de l’oreille qui écoute. «
Tu seras seule dans la grande nuit. Ce n’est pas la première fois que
j’entends cette phrase. Elle démange mes veines. J’ai toujours cherché,
cherche encore, à saisir son sens. Papa me la répète souvent, ça coule
dans sa fureur contre moi comme le fil d’un destin tendu à ma gorge. »
C’est ce qui berce l’esprit de cette jeune fille, personnage principal,
que l’on nomme Tête Fêlée. Fleur d’Orange, sa mère, vend son corps pour
subvenir à leurs besoins, boit beaucoup aussi et un jour elle disparaît…
Que restera-t-il de cette mère ? Un fantôme ? Un rêve ? Un cauchemar ?
Va-t-elle avoir la même vie que sa mère ? L’école va-t-elle la sortir de
ce bidonville crasseux ? « Dans ma tête, je refais le cercle de ma vie,
imagine tous les trous où je pourrais m’effondrer pour dormir, me défaire
du monde pour quelques heures. Cela ne suffit pas… La nuit arrose mes
cauchemars jusqu‘au bout du matin.» C’est la violence du bidonville, des
gangs, des cracs qui font faire des actes terribles, et d’un chef, Ange de
Métal, qui n’en peut plus de se croire supérieur et qui entraîne dans sa
chute ceux qui l’admirent autant que ceux qui le craignent. Le père de
Tête Fêlée lui aussi en fait parti. Un jour il va commettre quelque chose
d’irréparable pour le cœur de Tête Fêlée. Un vol, une agression sur une
jeune fille qu’aime profondément Tête Fêlée et qu’elle nomme Lune. «
T’aimer est le plus court chemin vers la vie. J’avance. J’ai, chaud en
moi, le souvenir de chacun de nos regards, chacun de nos battements
communs, reste encore vif en moi, ce moment où l’on s’est frôlées la
semaine dernière, quand tu sortais de la classe au bras de ton père. Et ce
jour où tu t’es réfugiée sur ma poitrine… J’entends encore sonner les
cloches de ton cœur. J’en tremble… »
À quel moment alors tout ce qui fait planer s’écroule pour ne jamais être
de nouveau en suspension dans les airs ou échapper à une réalité trop
dure… Que tout chavire pour toujours…
Se laisser aller à se perdre soi-même dans ce texte et devenir comme Tête
Fêlée, essayer de s’échapper pour survivre, supporter, et puis vivre un
jour peut-être, ailleurs… Ivre de colère et d’amour, ivre de plusieurs
vies en une et chercher la meilleure pour continuer. « Fuir ce monde mal
parti, échapper à ces plaies qui marquent les interstices du rêve, être au
moins un cri dans l’abattoir : je ne périrai pas dans ce sanglant contrat
des hommes… Tu seras seule dans la grande nuit… »
Sylvie Génot Molinaro
« Une femme nommée Shizu » et « Le
fleuve sacré » de Shûsaku Endô ; Traduits du japonais par Minh
Nguyen-Mordvinoff ; Folio, Gallimard.
Voici deux titres qui réjouiront assurément les amateurs
avertis de littérature japonaise : « Une femme nommée Shizu » et « Le
fleuve sacré » de Shûsaku Endô (1923-1996), l’un des plus grands écrivains
japonais du XXe siècle.
« Une femme nommée Shizu » regroupe dix nouvelles, plus ou moins longues,
mais toutes révélant à leurs manières les grands thèmes de prédilection de
Shûsaku Endô. La honte, le remord et le péché ; la vieillesse et la mort ;
la persécution des chrétiens, prêtes occidentaux ou japonais convertis au
christianisme de la fin du XVIe siècle jusqu’à l’ère Meiji, un thème qui
sera au cœur de ses plus grandes œuvres dont certaines seront portées par
de nombreux réalisateurs au cinéma notamment « Silence » adapté par
Masahiro Shinoda et Martin Scorsese. (lire
notre chronique)
L’écrivain japonais n’a eu de cesse, en effet, de regarder, d’approfondir
et ciseler, telles les facettes d’un mystérieux diamant, le sens que
l’homme pouvait apporter à la douleur que celle-ci soit physique ou
psychique, à la foi, la conversion, le pardon, voire au reniement ou à
l’apostasie. Des sujets forts, ancrés dans la chair de l’homme qui
interpellent et questionnent le lecteur à chaque nouvelle… Shûsaku Endô
n’oublie pas non plus l’amour, mais souvent avec ce même absolu qui
l’obsède, tel l’amour de cette femme qui passera sa vie à attendre et à
rêver de l’homme qu’elle aime et qui donne avec beaucoup de justesse son
nom « Une femme nommée Shizu » à ce beau recueil.
Dans « Le fleuve sacré », paru en 1993, Shûsaku Endô change de décors et
de paysage pour l’Inde. Là, un groupe de touristes japonais accompagné de
leur guide vient découvrir l’Inde et le Gange. De voyage touristique, ce
dernier prendra vite les couleurs d’un voyage spirituel où chacun y
interrogera son passé et sa vie. La belle Mitsuko se souviendra de cet
étudiant, devenu depuis prêtre, qu’elle séduisit, jeune, à l’université et
que lâchement elle abandonna ; Kiguchi ne pourra, lui, chasser de ses
pensées ce qu’il dut, pour survivre, accepter de faire pendant la guerre
de Birmanie… Nous retrouvons en ces pages les grands thèmes majeurs de
l’auteur, les dilemmes posés par la vie, le remord et le péché, les
religions et croyances, la mort et l’amour, cette profondeur qui ont fait
toute la notoriété littéraire de Shûsaku Endô. Dans ce pays où le sacré
est partout, où la mort habite les rives du Gange, chacun pourra-t-il
retrouver la paix de l’esprit ? Isobe demeurera-t-il fidèle à la promesse
consentie à son épouse disparue de la rejoindre dans sa prochaine
réincarnation ?... Un grand roman japonais sur les rives du Gange, le
fleuve de la réincarnation.
L.B.K.
Rye Curtis : « Kingdomtide »,
Éditions Gallmeister, 2021.
« J’ai cessé de formuler le moindre jugement sur quiconque, homme ou
femme. Les gens sont ce qu’ils sont, et je ne crois pas qu’il y ait
grand-chose à dire sur la question. Il y a vingt ans, j’aurai pu avoir une
opinion différente, mais à l’époque, j’étais une Cloris Waldrip
différente. J’aurai pu continuer à être la même Cloris Waldrip, celle que
j’avais été pendant soixante-douze ans, si je n’étais pas tombée du ciel
dans cet avion le dimanche 31 août 1986 ? C’est stupéfiant de constater
qu’une femme peut approcher la fin de sa vie et découvrir qu’elle se
connaît à peine elle-même. »
Que s’est-il passé ce dimanche 31 août 1986 ? Juste le crash de ce petit
avion piloté par Terry qui devait emmener le couple Waldrip pour une virée
de quelques jours de vacances où ils n’arriveront jamais… C’est Cloris
Waldrip elle-même qui raconte son épopée, sa survie dans cet endroit si
peu accueillant pendant de longues semaines. Elle se rappelle de tout ou
pratiquement, du moment quand elle a appelé à l’aide avec la radio de
l’avion sans savoir si quelqu’un l’entendrait, les ressources incroyables
qu’elle a trouvées au plus profond d’elle jusqu’à sa sortie de cet enfer
paradis où elle y a rencontré un ange gardien ou un fils de Satan… Qui
sait ?
Il y a un ranger qui aurait vaguement entendu un appel et qui le fait
savoir au ranger Debra Lewis, aimant le merlot plus qu’il n’en faut, mais
qui résolue à la secourir car persuadée que cette Cloris a survécu à
l’accident, et elle y mettra beaucoup d’énergie et de temps, çà du temps
elle en a, mais il y a urgence…
Ce premier roman de Rye Curtis est aussi le récit de plusieurs personnages
qui se cherchent, se télescopent, se séparent ou cherchent à survivre à
leur vie en parallèle de cette vieille dame perdue dans cette montagne du
Montana qui elle aussi cherche à survivre et se découvre si différente de
ce que sa vie d’avant lui proposait d’être. Dépasser ses limites, remettre
en cause son statut de civilisé, devenir une bête sauvage, choisir ou pas
de revenir à la vie avec les cicatrices et blessures qu’auront laissées
ces semaines d’errance. « C’est singulier comme l’esprit humain
s’accroche. Un individu peut s’habituer à une situation, même si cette
situation a pu d’abord lui paraître intolérable. » Roman initiatique, «
Kingdomtide » est un récit parfois bizarre souvent drôle, tendre et
humain.
Sylvie Génot Molinaro
« Les Tortues » de Loys Masson ;
Préface d’Éric Dussert ; Coll. L’alambic, Éditions de L’Arbre vengeur,
2021.
Avec pour seul titre, comme une mortelle ou fatale carapace, « Les Tortues
», c’est un fascinant roman signé Loys Masson, poète et écrivain mauricien
disparu en 1969, que nous proposent aujourd’hui les éditions de « L’Arbre
vengeur ». Paru en 1956, largement salué par la critique, l’auteur relate
par la voix du narrateur l’histoire à la fois incroyable, captivante et
monstrueuse vécue « par l’un des derniers aventuriers que connut notre
monde ».
Une aventure dont se souvient le narrateur maintenant dans ses vanilliers
et qui a commencé lorsqu’il s’est embarqué, encore jeune, à bord de la
Rose de Mahé, un voilier faisant contrebande de tout… Et parce qu’il y eut
alors, plus tard, les Seychelles, parce qu’il y eut aussi cette foutue et
horrible épidémie de variole, parce qu’il fallait bien un alibi au
capitaine Eckardt pour mettre la main sur ce fabuleux trésor… Il est
aujourd’hui avec Bazire le seul survivant. Bazire avec ses deux longs
rictus de chaque côté de sa bouche sans lèvres. Mais, comment reparler
avec lui de cet obsessionnel cauchemar, de cette cargaison, de ces atroces
tortues géantes, cuirasses aux yeux maléfiques ?
Loys Masson, résistant, chrétien et communiste, rédacteur en chef un temps
aux Lettres françaises, adopte pour ce fascinant récit comme pour mieux
saisir et piéger son lecteur un style narratif crescendo, tel le rêve
prémonitoire que fit le narrateur adolescent. « Et soudain tout ce qui
m’entourait, par un détail ou un autre, empruntait une analogie à la
tortue – j’étais assiégé, pressé, enveloppé par un monde de tortues, une
éternité de tortues ; je hurlais et me réveillais. Mais l’angoisse avait
été telle que la fièvre bientôt surgissait. » Lugubres augures que rien
dans le récit ne pourra conjurer...
Les références bibliques y sont nombreuses, et les tortues que le
narrateur hait plus que tout y sont plus horribles et monstrueuses encore
que le serpent. Mais, si nous sommes certes loin de la fameuse et
précieuse tortue de Robert de Montesquieu ou de celle plus littéraire de
Huysmans, on ne saurait cependant à la lecture de ce roman oublier que
Loys Masson était aussi un grand poète, et nombre de passages nous le
rappellent. Bien plus, la force obsessionnelle et fascinante du récit
impose aussi de reconnaître qu’il fut aussi un grand romancier. Aussi,
est-ce fort injustement que Loys Masson soit aujourd’hui quelque peu
oublié. Pourtant, il fut en son temps sans réserve comparé à Herman
Melville – dont il s’inspira pour ce roman, et à Conrad. Avec « Les
Tortues », souligne Éric Dussert dans sa préface, « son importance
s’impose avec fulgurance. On constate que sa littérature est libre et
puissante comme une mer démontée, et que, comme un orage équatorial, elle
balaye les idées préconçues ».
On ne peut donc que saluer cette belle initiative des éditions de l’Arbre
vengeur de rééditer « Les Tortues » et de permettre ainsi aux lecteurs non
seulement de redécouvrir ce roman des plus captivants, mais aussi son
auteur, Loys Masson.
L.B.K.
Peter Swanson : « Huit Crimes
parfaits », Éditions Gallmeister, 2021.
Le crime parfait… C’est bien ce que voudrait concrétiser chaque criminel,
que ce soit un fantasme ou une réalité, non ? Peut-on se retrouver
soi-même pris au piège de ce désir ? C’est peut-être ce qu’il pourrait
arriver au personnage principal du nouveau roman de Peter Swanson dont le
titre « Huit crimes parfaits » sonne déjà comme un gros titre de presse de
faits divers. Seulement, il y a une enquête ouverte sur une possibilité de
crimes en série, qui elle n’a rien d’un article pour journal à ragots… «
La porte d’entrée s’ouvrit et j’entendis l’agente du FBI taper ses pieds
sur le paillasson. La neige commençait juste à tomber et une rafale d’air
lourd s’engouffra à l’intérieur du magasin. La porte se referma derrière
l’employée fédérale. Elle devait être à deux pas lorsqu’elle m’avait
appelé car cela ne faisait pas plus de cinq minutes que j’avais accepté de
la rencontrer. J’étais seul dans la librairie. Je ne sais plus très bien
pourquoi j’avais décidé d’ouvrir ce matin. » Je, c’est Malcom Kershaw,
propriétaire de la libraire Old Devils, spécialisée dans les livres
d’occasion et neufs. Pourquoi l’agent spécial Gwen Mulvey est-elle venue
le rencontrer avec autant d’empressement et si tôt ? « J’aimerais que vous
m’accordiez un peu de votre temps pour répondre à quelques questions –
D’accord – Maintenant, c’est possible ? – Eh bien, oui. » Ce matin,
l’agent Mulvey venait lui demander s’il était au courant de ce qui était
arrivé à Merle Callahan, présentatrice du journal télévisé local,
retrouvée tuée par balle dans sa maison, il y avait déjà un an et demi… Et
Jay Bradshaw ? Et Ethan Byrd ? Apparemment ces trois meurtres restés non
élucidés seraient liés… « Je m’adresse au spécialiste des romans
policiers. Je réfléchis un moment, les yeux levés vers le plafond. – Eh
bien, je dirai qu’ils me font penser à un scénario de fiction, à une
histoire de tueur en série par exemple ou à un roman d’Agatha Christie. »
Voilà que l’enquête est relancée car il y a une forte similitude entre la
liste des romans proposée par Malcolm et ce qui s’était déroulé depuis la
mort de la première victime. « Vous voulez bien me dire pourquoi vous
m’interrogez ? – Elle tira une feuille de son sac en cuir. – Vous
souvenez-vous d’une liste que vous aviez composée pour le blog de cette
librairie, en 2004 ? Une liste intitulée « Huit crimes parfaits » ? »
C’est donc pour cela que Gwen est venue voir Malcolm, comme une sorte
d’expert de ces livres qui sont, nul doute, ces huit préférés et qu’il a
partagés avec des dizaines ou des centaines de lecteurs du blog de la
librairie…
À partir de là, Peter Swanson nous embarque avec lui dans cette enquête
qui va remuer autant de fantômes du passé que de questionnements, dont le
premier : Serait-il possible qu’un tueur s’inspire de cette liste
aujourd’hui ? Si oui, pourquoi ? Dans quel but ? S’agit-il d’un homme,
d’une femme ou de plusieurs criminels… Quel peut en être le ou les motifs
? En 342 pages, ce récit écrit avec l’intelligence du suspens surprend et
fait monter d’un cran chaque nouveau chapitre. Comme les enquêteurs, le
lecteur avance, recule, croit avoir trouvé une solution, voir compris
l’intrigue, et hop, retour à la réflexion, car non, ce n’est pas aussi
évident… Les nerfs à fleur de peau jusqu’au dénouement de l’enquête, c’est
un roman que l’on ne peut quitter…
Sylvie Génot Molinaro
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Mark Haskell Smith : « Mémoires »;
Traduit de l’américain par Julien Guérif, Editions Gallmeister, 2024.
« J’essaye de me convaincre que le changement est la seule constance de
l’existence – Héraclite » écrit Amy Elshof, à la fin d’une lettre destinée
à Olivier, son éditeur. C’est à cette journaliste sans gros revenus, un
peu déprimée, à qui cet Olivier a confié l’écriture de la biographie de
Mark Haskell Smith, lui-même, auteur peu connu, taiseux et semblant être
agoraphobe, vivant en Grèce ou ailleurs, dont la vie pourrait ne pas
sembler très intéressante du point de vue d’un lecteur potentiel. Tout
ceci pouvant se discuter, mais au-delà de cette commande, Amy accepte
surtout pour l’argent et pour voyager sans frais aussi ! « Les écrivains
ont toujours besoin d’argent ? C’est notre talon d’Achille », dira-t-elle.
Là commence alors un polar déjanté, drôle et haletant, fourmillant de
personnages connus, de références de lecture, citations tombées à pique,
de dialogues envolés et caustiques, de situations à rebondissements
surprenants. Enlèvements, courses à travers l’Europe, services secrets ou
pas, CIA ou pas, grands plans de la Tech ou pas, noms familiers des
puissants du web, affaires louches, rumeurs louches, tentatives
d’assassinats… Meurtres… Qui manipule qui ? « J’ai toujours su repérer les
signes avant-coureurs et les mauvais présages. Je sens venir l’orage, et
je m’attends souvent au pire… Dans la vie, on n’est jamais sûr de rien. »,
pensera-t-elle aussi.
Qu’Amy n’ai pas suivi son intuition nous régale en tant que lecteur, car
sans sa soif de curiosité et de l’appât du gain, Mark Haskell Smith
n’aurait pas pu nous embarquer comme auteur et sujet dans cette fiction
qui prend intelligemment en compte certains paradoxes actuels de nos
sociétés. Donc qui est ce Smith ? Que cache-t-il ? Qui sont ceux qui le
poursuivent et pourquoi ? Jusqu’où Amy est-elle prête à aller pour
atteindre ou pas son objectif et acceptera-t-elle les paramètres et dégâts
collatéraux ? Le lecteur suit l’enquête journalistique que mène Amy pour
la biographie commandée mais la bobine du fil de cette histoire lui
échappe et le dérapage semble inévitable… « Mais prenons un peu de recul
et pensons à ce que Nietzsche aurait eu à dire du dilemme auquel je me
trouvai confrontée. Il se demandait si ce qu’on appelle quelqu’un de bien
est l’opposé de quelqu’un de mauvais. S’agit-il de deux caractéristiques
distinctes ou de deux facettes d’une même personne ? Il n’est pas absurde
d’admettre que les gens sont à la fois bons et mauvais… » CQFD non ?
« Avez-vous déjà entendu votre cœur battre à l’intérieur de votre tête ?
C’est exactement ce que j’ai ressenti. J’ai cru que ma vie était terminée.
Ce n’était manifestement pas le cas. »
Sylvie Génot-Molinaro
Yannis Ritsos : « Grécité » ;
Édition définitive ; Texte français de Jacques Lacarrière ; Illustrations
d’Alecos Fassianos. 40 p., 14 x 22 cm, Editions Fata Morgana, 2023.
La poésie de Yannis Ritsos (1901-1990) ne peut laisser indifférent
quiconque aspire à la liberté, celle des mots et de l’esprit. Tendu vers
une quête perpétuelle d’amour et de fierté, héritée de ses ancêtres,
Ritsos ne livre pas une poésie de combat même si un grand nombre de ses
vers ont été repris par le grand musicien Theodorakis comme refrain de la
lutte contre l’oppression, mais bien une ode à l’insoumission. Le verbe de
« Grécité » n’échappe pas à ce souffle libertaire où « ces cœurs ne
peuvent se rassasier que de justice ». Mais réduire le poète à cette seule
dimension – essentielle malgré tout chez lui – serait encore lui faire
injustice, les images retenues, les associations rapprochées concourent à
un souffle unique de la poésie grecque conduisant à ce chant puisé à
l’antique.
« Grécité » se veut la réaction poétique de Ritsos à la dictature des
colonels de 1967 à 1974, régime pourtant si opposé à la démocratie née sur
ces rivages et qui le conduira à être déporté dans les îles de longues
années. Le soleil, la chaleur, la lumière aveuglante bannissent tout
entre-deux : « Ce pays est aussi dur que le silence » et « Quelle épée
tranchera le courage / Quelle clé fermera le portail de ton cœur / Le
portail grand ouvert sur les jardins étoilés de Dieu ? ». Chaque vers de «
Grécité » trouve un écho dans la musicalité des images admirablement bien
rendue par la traduction de Jacques Lacarrière, hellène de cœur sinon de
sang. Nul étonnement dès lors que le rébétiko – ce chant plaintif né dans
les années 20 du siècle passé – ne se soit saisi de cette poésie pour en
tirer de magnifiques mélodies. Un souffle à découvrir dans cette belle
édition illustrée par les dessins du grand peintre grec Alecos Fassionos.
Philippe-Emmanuel Krautter
Frédéric Wandelère : « Divers
ennemis du réveil - Dix-sept poëmes pour Martin Steinrück », Editions
Arcades Ambo, 2024.
Le poète suisse Frédéric Wandelère dont nous avions déjà pu apprécier en
ces colonnes « La Compagnie capricieuse » parue à La Dogana, réunit
aujourd’hui « Dix-sept poëmes pour Martin Steinrück » aux éditions
Arcades Ambo. Goûtant aux instants transitoires entre songes et éveil,
l’auteur explore ces sensations qui rôdent près du sommeil, sans que l’on
sache si elles relèvent du rêve ou de la conscience :
« Dans un
demi-sommeil, je rêve et je ne rêve pas ;
Je tiens un livre en main, relâché ce n’est rien ;
La chose évanouie je la retrouve telle
De l’autre côté de mes yeux clos. »
Sa poésie sait se saisir de cette fugacité qui sied tant à son auteur,
Frédéric Wandelère, et dans laquelle il excelle à rendre les nuances d’un
thé ou d’une porcelaine avec cette même acuité qu’il convoque pour
observer un nuage ou des fleurs. Cette vision ne se veut pas bucolique
pour autant, ce qui pourrait sembler trop convenu, mais privilégie plutôt
un art de l’incertitude propice aux « choses transitoires » chères à
Robert de Montesquiou : « Durer, ne pas durer ; s’éteindre, s’oublier,
renaître. »…
L’éphémère onirique scruté par une attitude vigilante, tel pourrait être
l’un des maîtres mots de ce recueil d’une sobriété secrète. Ces vers sont
telle une armée des songes qui sollicite le poète comme tenterait de le
faire un peintre sur sa toile ; touches discrètes, lavis discrets,
effleurements des mots à la surface des pages.
Philippe-Emmanuel Krautter
Chateaubriand : « Voyage en Italie
», Coll. Folio Classique, Editions Gallimard, 2024.
Chateaubriand a laissé des pages inoubliables nées de ses multiples
voyages, pour certains au long cours (Amérique, Jérusalem…), d’autres plus
proches tel celui effectué en Italie de 1803 à 1804. Ce sont ces
pérégrinations, toujours inspirées, que l’écrivain livre en ces pages en
des notations souvent prises sur le vif – mais aussi parfois héritées de
ses prédécesseurs… Nature, art et société se conjuguent souvent en des
réflexions alternant entre méditations philosophiques et remémorations
historiques. La solitude pointe de temps à autre dans cette campagne
romaine que l’on croirait désertée des ses habitants et où sourdent ici ou
là quelques mélancolies propres à Chateaubriand et voilant quelque peu le
soleil d’Italie. Les ruines omniprésentes, si elles savent encore parler à
l’érudit de la langue latine qu’était Chateaubriand, accentuent encore ce
sentiment de solitude et de silence oppressant. Le voyageur s’émeut à
l’approche de la Ville Éternelle : « la multitude des souvenirs,
l’abondance des sentiments vous oppressent ; votre âme est bouleversée à
l’aspect de cette Rome qui a recueilli deux fois la succession du monde,
comme héritière de Saturne et de Jacob ». Nul effroi pourtant quant à
cette sourde impression, mais plutôt un contraste saisissant entre la
grandeur passée omniprésente rapportée à sa découverte vingt siècles plus
tard. La poésie récurrente dans ces pages atténue cependant les notes
pessimistes qui, à l’image de l’Ecclésiaste, soulignent la vanité humaine
qui ressort de ces ruines… Quelques belles pages encore, moins sombres,
lorsque Chateaubriand entrant dans une petite chapelle esseulée bâtie sur
les ruines de la villa de Varus se mit à prier en silence en communion
avec un autre homme qui lui sembla si malheureux qu’il ne se hasarda à
aucune parole. Chacun de ces pas en terre italienne convoque les siècles
révolus tout autant que les années passées de l’écrivain, une longue
marche initiatique à laquelle Chateaubriand convie son lecteur entre
mélancolie et joie esthétique.
« Pierre loti – Mon mal j’enchante
– lettres d’ici et d’ailleurs (1866-1906) », éditions établie et présentée
par Alain Quella-Villéger et Bruno Vercier, Éditions La Table Ronde, 2023.
Plaisir que de voyager avec Pierre Loti (1850-1923) au travers de ces «
Lettres d’ici et d’ailleurs », sous-titre de cette belle édition établie
et présentée par Alain Quella-Villéger et Bruno Vercier. Une édition des
plus soignées réunissant un choix de lettres, pas moins de 360 allant de
1866 alors que Loti est encore jeune adolescent chez ses parents jusqu’en
1906, année à partir de laquelle ses courriers se font plus rares et
essentiellement liés aux affaires. Des lettres qui livrent - ainsi que le
soulignent les auteurs en leur introduction, un saisissant autoportrait ;
et quel plaisir, en effet, pour le lecteur que de suivre au fil des années
et voyages, d’abord Julien, puis Julien Viaud ou J. Viaud, avant que
naisse pleinement à l’écriture Pierre, et enfin Pierre Loti ou P. Loti.
Après quelques lettres de jeunesse, c’est très vite à partir de la
capitale, puis de l’école navale que commence cette vie faite de voyages,
d’écriture et de poésie… La correspondance de Pierre Loti est
indissociable de sa vie d’écrivain, et ce, de son tout premier livre «
Aziyadé » en 1879 aux « Désenchantées », son dernier ouvrage. Il faut dire
que l’exercice épistolaire était pour Pierre Loti, né au XIXe siècle, «
une habitude, un rite, une sorte de religion même », notent encore à juste
titre Alain Quella-Villéger et Bruno Vercier. L’écrivain n’hésitera
d’ailleurs pas à redemander ses lettres pour les insérer ou les intercaler
dans son journal intime (également publié à La Table Ronde). Aussi, le
lecteur retrouvera-t-il en ces lettres les proches, les amantes et amis de
l’écrivain, croisant Sarah Bernard, Élisabeth de Roumanie ou encore Émile
Zola et bien d’autres encore, partageant ses sentiments, émotions,
tristesses ou deuils…
Par cette belle édition et choix de lettres, c’est non seulement toute la
vie de l’écrivain, de Pierre Loti qui se trouve ainsi donnée à lire, mais
surtout un homme complexe qui se dévoile.
L.B.K.
Mario Rigoni Stern : « Histoire de Tönle
» ; Nouvelle traduction de l‘italien par Laura Brignon, Coll. « Totem »
n°233, Editions Gallmeister, 2023.
Si le nom de Mario Rigoni Stern est injustement peu connu
en France, l’Italie a depuis longtemps, en revanche, célébré cette plume
unique que salua en son temps le grand Primo Levi : « Le fait que Rigoni
Stern existe est en soi miraculeux »… D’où vient ce miracle né ? À la fois
d’une expérience de la vie et d’une sensibilité à fleur de peau qui
transparaît à chaque page de « Histoire de Tönle » dans cette nouvelle
traduction de Laura Brignon. Et c’est avec une plume affinée que
l’écrivain explore en ces pages autant les tréfonds de l’âme humaine que
les moindres aspérités du paysage montagneux de cette province de Vicence
en Vénétie, où il naquit en 1921 à Asiago, et qu’il connaît intimement.
Engagé volontaire en 1938 dans les chasseurs alpins de l’armée italienne,
Mario Rigoni Stern fera, en effet, rapidement corps avec cette montagne
dont il livrera les sentiers et secrets dans ses romans notamment dans
cette « Histoire de Tönle » qui comporte de nombreux éléments
autobiographiques. À l’image du vieux berger, l’auteur s’échappera d’un
camp de prisonniers et rentrera à pied dans son village natal par ces
temps de guerre qui bouleversent les équilibres ancestraux. Ce qui était
naguère acquis est remis en question par la folie des hommes alors que la
nature, imperturbable, perpétue cet éternel cycle des saisons dont
l’auteur livre toute la poésie.
Ce premier opus d’une trilogie du haut plateau saisit littéralement le
lecteur non seulement pour l’évocation de cette nature sublime, mais
également pour les liens puissants qu’elle suscite et fait naître entre
les hommes malgré l’adversité. Un témoignage fort et sensible, rendu avec
poésie par cette nouvelle traduction.
Philippe-Emmanuel Krautter
« Mademoiselle Julie » d’August
Strindberg ; Traduction et notes d’Alain Gnaedig ; Présentation de Ulf
Peter Halberg ; Préface d’August Strindberg ; Coll. « folio Théâtre »,
Folio, 2023.
Nous ne pouvons que recommander cette nouvelle édition dans la collection
« folio Théâtre » de la célèbre pièce « Mademoiselle Julie » du dramaturge
suédois August Strindberg (1849-1912). Outre la riche présentation signée
Ulf Peter Halberg, le lecteur appréciera également la traduction inédite
et les notes d’Alain Gnaedig pour cette œuvre écrite en 1888. Huis clos
dramatique jugé tout d’abord subversif, la pièce connaîtra un succès
croissant au XXe siècle jusqu’à aujourd’hui et donnera lieu à de belles
représentations, mais aussi à de nombreuses adaptations, ballets, cinéma ou
encore TV ; on songe, bien sûr, à Juliette Binoche dans le rôle de Julie…
Aussi, est-ce avec profit que le lecteur trouvera en fin de volume un
riche dossier concernant notamment l’« historique et (la) poétique de la
mise en scène », ainsi qu’une préface signée de la main même d’August
Strindberg exposant sa propre conception du théâtre.
Influencé par Zola, l’auteur a souhaité faire de « Mademoiselle Julie »
une « tragédie naturaliste » ; Grinçante et glauque, la pièce met, en
effet, en scène trois protagonistes dans des dialogues forts et tendus
lors de la nuit de la fête de la Saint-Jean dans un château en Suède :
Mademoiselle Julie, jeune aristocrate, fille du comte, emportée après sa
rupture de fiançailles par les chants de fête entend séduire le domestique
de son père, Jean ; ce dernier succombera-t-il, lui qui fut depuis
toujours amoureux de Mademoiselle ? Enfin, pour témoin, Kristin, la
cuisinière au cœur penchant pour Jean… Séduction, confrontations de
classes, illusions et désillusions et sa fin tragique font de cette pièce
une œuvre forte qui mérite à plus d’un titre d’être redécouverte.
L.B.K.
Sylvain Tesson : « Avec les fées »
Collection Littérature, Éditions Des Équateurs , 2024.
Si Sylvain Tesson confesse ne plus croire aux fées, il leur consacre
cependant ce dernier essai, sous forme de balade celtique poétique.
Paradoxe ? Esprit de contradiction ? Point du tout, mais une quête
inassouvie de ce Graal éternel, celui de la beauté et de ces nuances qui
irisent notre quotidien, quotidien que nous ne savons plus voir, ainsi que
le confiait le poète Maeterlinck cité en exergue : « C’est bien curieux
les hommes… Depuis la mort des fées, ils n’y voient plus du tout et ne
s’en doutent point. » Armé de sources classiques, celtiques et poétiques,
d’un navire et de fidèles compagnons, notre Ulysse des temps modernes part
à la recherche des fées, depuis la Galice espagnole jusqu’au sommet de
l’Écosse en un arc bandé vers ce qui n’a pas encore totalement été dévasté
par la modernité. Avec cette « qualité du réel révélée par une disposition
du regard », l’auteur embarque pour une odyssée qui tient à la fois de
l’introspection et de l’altérité, en un va-et-vient semblable à celle du
reflux marin.
C’est en cabotant de criques en falaises, à la manière des anciens Celtes,
que Sylvain Tesson part à la rencontre du surgissement du merveilleux, ces
fées témoins d’un monde encore préservé de la dévastation. Dans ces
pérégrinations qui tiennent à la fois de la confession poétique et de la
quête éternelle de liberté, l’homme retrouve la beauté et l’adversité, le
saisissement de forces qui le dépassent et simultanément cette osmose avec
les éléments, seul moyen d’échapper au naufrage. Alors que très souvent
les côtes dévastées par la « modernité » rendent impossible toute évasion
de ce genre, c’est sur le fil séparant falaises et flots qu’évolue Sylvain
Tesson en équilibriste du merveilleux…
Cet ouvrage nous emporte avec lui entre embruns marins, quelques rares
rencontres humaines et surtout cette symphonie de varech, basalte, granit
et iode qui ne cesse d’amplifier les accords au fil des pages.
Philippe-Emmanuel Krautter
Honoré de Balzac : « Honorine »
dans une édition établie par Jacques Noiray, Coll. « Folio Classique »,
Éditions Folio, 2023.
« Honorine » est une captivante et longue nouvelle écrite par Balzac en
1842 et qui sera publiée dans « La Condition humaine » en 1845. Retenant,
une nouvelle fois comme dans « La Femme abandonnée », la technique d’un
récit dans le récit, Balzac tient son lecteur en haleine… avec l’histoire
de l’étrange personnalité du Comte Octavio donnée à entendre lors d’une
belle soirée genevoise, à ses hôtes, par son ancien secrétaire, devenu
Consul de France. Il est vrai que le Comte Octavio suscite la curiosité,
lui si calme, muré dans sa droiture et rigueur légendaire telle une ramure
inviolable. Mais le lecteur apprendra grâce au récit de son ancien
secrétaire, Maurice de Hostal, qu’il a été abandonné par sa belle et jeune
épouse, partie pour un fugace amant qui l’a délaissée très vite à son
tour… Histoire presque banale, me diriez-vous, si ce n’est que le Comte,
inconsolable, prêt à tout pardonner pour qu’Honorine revienne, s’ingénie à
la suivre et à lui faciliter la vie en arrangeant et payant sous couvert
de prête-noms sa « liberté ». Jusqu’où sera-t-il prêt à aller pour qu’elle
revienne ? … ira-t-il jusqu’à envoyer auprès d’elle son secrétaire,
Maurice de Hostal, pour la convaincre de revenir ? Et quelle sera l’issue
de ce récit que nous a donné à entendre le consul durant cette douce
soirée genevoise ?
« Honorine » demeure un récit romanesque réjouissant de par la description
de la personnalité des différents protagonistes : Le Comte Octavio, sombre
et haut magistrat, intrigue et retient l’attention de son secrétaire par
la préciosité de sa droiture et son inconsolable obstination ; la Comtesse
fascine, quant à elle, par sa jeunesse, sa sensibilité et beauté, mais
aussi par son orgueilleux effacement, se croyant libre, et jusqu’à la fin,
cet infaillible honneur ; enfin, Maurice de Hostal, ce secrétaire, devenu
consul, notre narrateur, et dont on ne pouvait prévoir un tel dévouement
et fidélité.
Balzac joue avec son lecteur, brouillant les sentiments et multipliant les
angles. On y retrouve, certes, la hauteur d’âme, l’honneur, mais aussi la
passion, la possession, la rigidité des sentiments et des jugements… Et
si, comme toujours, Balzac éblouit par la finesse et la profondeur de sa
plume, « Honorine », ainsi que le souligne d’emblée Jacques Noray dans sa
préface, demeure « sans doute un des textes les plus riches, les plus
ambigus, les plus étranges, les plus inquiétants aussi de « La Comédie
humaine » (…) ». Balzac se vantera d’avoir composé cette longue nouvelle
en seulement trois jours.
L.B.K.
Pierre Bouretz : "Sur Dante",
Coll. « NRF Essais », Editions Gallimard, 2023.
C’est à une lecture de Dante – qui n’aurait pas déplu au célèbre
compositeur Frantz Liszt ! - à laquelle nous convie le philosophe Pierre
Bouretz en un essai aussi passionnant qu’exigeant paru aux éditions
Gallimard. L’auteur nous rappelle que si le grand poète florentin
s’inscrit dans le Moyen Âge (XII°-XIII° siècles), son oeuvre et sa pensée
se projettent, quant à elles, bien au-delà préfigurant en cela déjà les
Temps modernes.
La Comédie n’est pas seulement, en effet, qu’un chef-d’œuvre poétique, ce
que l’on retient habituellement, mais bien le fruit de la pensée d’action
de son auteur prônant, à l’opposé des théologiens de son temps, « une
humanitas universalis » définie par l’unité d’un intellect qui le
rapproche de l’héritage aristotélicien, ainsi que le souligne Pierre
Bouretz. La Comédie peut être ainsi comprise comme un voyage dans
l’au-delà où serait éclairé tout ce que ses contemporains souhaitaient
découvrir à partir de cette expérience dans le pays des morts : «
Auteur impliqué dans son récit, il promettrait enfin de tout raconter de
la façon la plus exacte, établissant un régime de vérité sans exemple dans
le registre de la fiction poétique », relève encore Pierre Bouretz.
Avec cette grande œuvre, il n’est plus question de fiction ni de mythe,
mais de déployer l’éventail des passions : amour, politique, philosophie…
Cette « expérience » proposée par le grand poète italien se veut la plus
étendue possible, et pour cela Dante retient la langue vernaculaire et non
point le latin usuel à son époque parmi les élites. Grâce à des procédés
comme l’emploi de terza rima conférant une musicalité au texte propice à
sa meilleure réception, Dante élargit ainsi encore le cercle de ses
lecteurs. Mais c’est surtout quant à la manière employée pour dévoiler ces
vérités de l’au-delà que réside l’originalité de l’œuvre en ayant recours
à un poète païen en la personne de Virgile, ce qui n’était guère attendu
en son siècle chrétien…
L’essai de Pierre Bouretz montre combien Dante par la forme poétique et la
fiction cherche en fait à transposer les thèses défendues dans ses écrits
politiques et philosophiques (« Banquet », « Monarchia »). Cette pensée
résolument hostile aux abus du pouvoir de l’Église et opposée à cette
ingérence du pape Boniface VIII sur les communes toscanes ne pouvait que
susciter une réaction violente puisque Dante sera condamné à l’exil et ses
biens confisqués. Aussi le legs de Dante doit-il tout aussi bien
s’entendre sur le plan poétique avec la Comédie le classant parmi les plus
grandes œuvres du Moyen Âge, mais également sur le plan philosophique et
politique justifiant selon Pierre Bouretz que le poète soit ainsi placé «
au début d’une histoire des Lumières » pour sa clairvoyance. Un ouvrage
qui invite donc son lecteur à une lecture instructive et vivifiante de
Dante.
Philippe-Emmanuel Krautter
Julien Gracq : « La Maison », postface
de Maël Guesdon et Marie de Quatrebarbes, Coll. Domaine français, 84 p.
Editions Corti, 2023.
Un inédit de Julien Gracq demeure toujours un évènement,
surtout lorsqu’il s’agit d’un manuscrit travaillé selon la légendaire
rigueur de son auteur, en témoignent les deux versions successives en
fac-similé qui accompagnent cette publication aux éditions Corti. Celui
qui avait refusé le prix Goncourt qu’on souhaitait lui décerner en 1951
pour « le Rivage des Syrtes » a probablement rédigé ce court récit dans
les années d’après-guerre, mais celui-ci semble n’avoir trouvé place dans
les publications envisagées alors par Gracq, ainsi que le relèvent dans
leur postface à l’ouvrage Maël Guesdon et Marie de Quatrebarbes.
Les éditions Corti ont historiquement accompagné l'auteur qui avait refusé
que ses livres paraissent en format poche, aussi n’est-il pas surprenant
que ces dernières publient aujourd’hui ce court récit d’une trentaine de
pages enfoui jusqu’à présent dans les archives de l’écrivain. Un texte
court, mais qui concentre de manière serrée et diablement efficace cet art
de la contemplation unique dans lequel excellait l’auteur de « Au château
d’Argol » paru en 1938. En un récit passant progressivement d’un certain
réalisme à un univers presque onirique, Gracq transporte son lecteur en un
cheminement étrange fait d’attractions et de répulsions entremêlées. À
l’image de cette végétation retournée à l’état sauvage, le contraste
saisissant de cette maison que le narrateur pensait abandonnée surprend
tout autant qu’il intrigue. En une conjugaison d’images associant
attirance, effroi, curiosité, sensualité et émoi, « La Maison » déploie un
éventail de sensations dont le lecteur ne ressortira pas indemne, à
l’instar du narrateur…
Philippe-Emmanuel Krautter
Geneviève Haroche-Bouzinac : «
Madame de Sévigné », Coll. « Grandes Biographies », Editions Flammarion,
2023.
C’est une biographie fort plaisante et des plus informées consacrée à
Madame de Sévigné que signe Geneviève Haroche-Bouzinac aux éditions
Flammarion. L’auteur n’en est pas à son premier coup de maître, et a déjà
publié de nombreuses biographies notamment « La vie mouvementée
d’Henriette Campan » ou encore « Louise de Vilmorin, une vie de bohème »,
Grand Prix, entre autre, de la biographie littéraire de l’Académie
française en 2020. Professeur émérite de l’Université d’Orléans, Geneviève
Haroche-Bouzinac est directrice de la revue Epistolaire, c’est donc à une
plume aisée et avertie que s’est vue confiée Marie de Rabutin-Chantal,
marquise de Sévigné.
Et il faut le reconnaître, l’histoire de France, de la Cour et des
campagnes de ce XVIIe siècle prend dans ces jeux d’écriture et de miroirs
des siècles un relief tout particulier plein de saveurs. Il est vrai que
si la marquise de Sévigné eut, par choix après un veuvage précoce, une
existence rangée avant tout tournée vers ses enfants et plus
particulièrement sa fille, Françoise, sa vie n’en fut pas pour autant
terne ! Cette grande épistolière qui sut si bien alterner vie de Cour et
vie de château à la campagne, exerça déjà en son temps par son charme et
son style une fascination constante, multipliant les prétendants et non
des moindres, admirée par les peintres et plus encore célébrée par les
poètes, amie de madame de Lafayette, de la grande Mademoiselle, etc.
Comment une telle fascination pouvait-elle ne pas perdurer jusqu’à nos
jours enchantant par ses lettres des générations !
En compagnie de celle qui naquit le 5 février 1626 à Paris et qui
s’étreindra un 17 avril 1696 au château de Grignan, le lecteur traverse
ainsi véritablement le Grand Siècle, guerres et révoltes, mais aussi
dîners, théâtres, opéras et vie littéraire ou encore entend vanter les
vertus du chocolat ou de l’eau de Vichy…
Ce sera surtout lors du mariage et de l’éloignement de sa fille que le
rôle d’épistolière à la fois intime et publiquement célébré prendra dans
la vie de la marquise de Sévigné toute son importance. Et si ses lettres
se voulaient des divertissements, cette biographie en garde le caractère
avec ses précieuses précisions, ses digressions parfois cocasses, ses «
menus faits et anecdotes » pour reprendre un de ses sous-titres. Bref,
c’est un régal, un voyage dans le faste du Grand Siècle et cette France du
XVIIe siècle ; Mais, comment pouvait-il en être autrement en si bonne
compagnie !
L.B.K.
« La Vie de Léon Tolstoï ; Une
expérience de lecture » d’Andreï Zorine, traduit du russe par
Jean-Baptiste Godon, 250 p., Editions des Syrtes, 2023.
A noter cette biographie inspirée consacrée à « La vie de Léon Tolstoï »
et signée d’Andreï Zorine aux éditions des Syrtes, première biographie
depuis la fin de l’Union soviétique à être traduite en langue française –
ici, par Jean-Baptiste Godon. Un ouvrage allant à l’essentiel sans pour
autant omettre les parts sombres de cette vie faite de convictions et de
passions que fut celle de Lev Nikolaïevitch Tolstoï (1828-1910). L’auteur,
spécialiste de l’histoire de la culture russe, a fait choix à juste titre
de ne pas distinguer le « Tolstoï écrivain » du « Tolstoï homme » ou du «
Tolstoï spirituel ».
Personnalité complexe, changeante, mais aussi sensible qu’engagée et
passionnée, Tolstoï mérite en effet d’être découvert tant en sa qualité de
grand écrivain russe que l’on connaît qu’en sa qualité d’homme, de
philosophe et d’homme spirituellement engagé qu’il était aussi ; lui, qui
perçut « l’absurdité de l’existence », Tolstoï ne pouvait se résigner à
une vie rectiligne sans doutes ni questionnements ou remises en cause.
L’auteur, conscient des difficultés biographiques que revêt cette vie
tumultueuse faite d’élans, de tournants, d’introspection et de
dépressions, a su éviter bien des écueils en multipliant et croisant ses
sources, pour nombres d’entre elles peu connues, voire inédites. C’est
donc toutes les facettes, et par là même, toute la richesse de l’un des
plus grands écrivains russes, personnalité entière, que le lecteur
découvrira en ces pages : un enfant sensible, mais anxieux, un jeune homme
aristocrate ambitieux et versatile, un époux et père aimant mais
difficile, un homme plus qu’engagé aux gouffres profonds, écrivain
novateur et génial, auteur d’une œuvre protéiforme – « La Guerre et la
paix » ; « Anna Karénine » ; nouvelles, contes, etc., pédagogue plus que
de raison, philosophe et prophète controversé. Un Tolstoï qui tenta tant
de fois de s’enfuir et qui s’est « enfui », pour de bon, un jour de
novembre 1910...
C’est cette incroyable, bouillonnante et passionnante vie, « cette pensée
continuellement en mouvement » que nous donne à lire dans un style clair
et concis Andreï Zorine, un défi plus que réussi !
L.B.K.
Blaise Cendrars : « Trop c’est
trop » ; Edition présentée et annotée par Claude Leroy, Folio, Editions
Gallimard, 2022.
Les amateurs de Blaise Cendrars apprécieront assurément cette parution en
FOLIO de ces nouvelles réunies sous le titre « Trop c’est trop »
présentées et annotées par Claude Leroy. Pas moins de dix-sept histoires,
plus vraies que natures, articles de presse, contes, nouvelles et
portraits, un recueil publié au début de 1957 et que l’auteur lui-même
qualifiait de « presse-papier ». On y retrouve ce voyageur infatigable et
ce non moins intarissable conteur que fut Blaise Cendrars. « Au début de
1957, toute la presse s’accorde (…) pour saluer le retour du Cendrars de
l’Homme foudroyé ou de Bourlinguer, tel qu’on l’attendait, fidèle à sa
réputation d’aventurier, d’arpenteur du monde entier et de chercheur d’or.
» écrit Claude Leroy dans sa présentation au recueil.
Et c’est si vrai ! Le lecteur, en effet, s’il est curieux, se laissera
volontiers entraîner dans ces contrées de littérature, ces théâtres
notamment emplis de couleurs que sont les paysages du Brésil ou encore ces
Noëls des quatre coins du monde… Aussi curieux qu’attentif à son époque,
de Brasilia, de Rio à Paris, Blaise Cendrars joue et se joue, enjambant
frontières et espaces, tel un magicien n’ayant qu’une préoccupation celle
de captiver, de transporter et de faire voyager en sa compagnie son
lecteur. « Le voici de retour, tel que l’a façonné une légende de
poète-voyageur…» écrit encore en sa présentation Claude Leroy.
L.B.K.
Yves Bonnefoy : « Œuvres poétiques
», Édition d'Odile Bombarde, Patrick Labarthe, Daniel Lançon, Patrick Née
et Jérôme Thélot, Bibliothèque de la Pléiade, n° 667, 1808 p., Editions
Gallimard, 2023.
Yves Bonnefoy qui nous a quittés en 2016 (lire
l’interview accordée à notre revue) compte parmi les poètes majeurs
des XXe et XXIe siècles. Poète incontournable mais aussi traducteur
apprécié, sans oublier sa plume d’essayiste aussi exigeante qu’inspirée,
Yves Bonnefoy trouve sa pleine consécration avec la parution de ses Œuvres
poétiques dans la collection de La Pléiade aux éditions Gallimard à
laquelle il attachait une grande importance ; une édition établie par
Odile Bombarde, Patrick Labarthe, Daniel Lançon, Patrick Née et Jérôme
Théolot et à laquelle le poète collabora lui-même au seuil de sa vie.
Daniel Lançon et Patrick Née rappellent en avant-propos cette polarité
entre deux lieux qui conduisit Yves Bonnefoy à cet attrait pour
l’ailleurs, « j’ai souvent éprouvé un sentiment d’inquiétude à des
carrefours » confiait-il dans l’incipit de L’Arrière-pays. «
Cette idée d’une réalité supérieure, je la crois inhérente à tout
commencement poétique, en effet. Et plus vite et plus fortement on la
forme, et plus facilement on a chance d’en faire cette critique qui est le
sérieux de la poésie » confiait-il encore lors de notre entretien. Son
attirance pour une autre façon d’appréhender et de vivre la réalité
humaine allait désormais nourrir sa poésie en un perpétuel rêve d’essence
métaphysique tout en insistant sur le fait que « ce rêve n’est pas la
vérité, et la poésie, qui le subit de plein fouet, a pour vocation de
percer à jour cet illusoire. De reconnaître qu’est plus haute lumière ce
que Rimbaud nommait la « réalité rugueuse » ; ou ce que Baudelaire vivait
dans la misère des jours avec celle qui « essuyait son front baigné de
sueur et rafraîchissait ses lèvres parcheminées par la fièvre ».
Cette image d’« un homme au rêve habitué » en référence à Mallarmé
sied particulièrement à la personnalité d’Yves Bonnefoy selon l’essai
ciselé d’Alain Madeleine-Perdrillat en introduction. La lecture de la
chronologie du poète donnera le vertige au lecteur, défilent les années et
les centres d’intérêt multiples du poète, de l’essayiste, du traducteur,
du critique d’art et tant d’autres contributions encore au monde de la
culture et de la pensée.
Adoptant une présentation chronologique des œuvres, le présent volume de
La Pléiade fort de plus mille huit cents pages permet de suivre la
maturation du poète, même si ce choix conduisit à « éclater » certains
recueils de temporalités différentes. Le lecteur pourra ainsi découvrir en
ces pages toute la force poétique de la parole, cette unité de la poésie
comme expérience du monde chère à Yves Bonnefoy, qu’il s’agisse des
premiers recueils « Le Cœur-espace » (1945 et 1961), « Traité du pianiste
» (1946) jusqu’à ses derniers livres « Ensemble encore » et « L’Écharpe
rouge » publiés l’année de sa disparition en 2016. A leur lecture,
l’unicité et le multiple sous-tendent la poésie de Bonnefoy en de nombreux
plans intriqués :
« Et de qui aima une image,
Le regard a beau désirer,
La voix demeure brisée,
La parole est pleine de cendres. »
(« Une pierre » 1993 p. 682)
Ou encore :
« Qui désespère, qu’il entre ici, c’est plus qu’un dieu
Cet absolu qui erra dans la flamme.
Ce fut presque de l’être, ce vent qui prit
Dans la calcination d’une lumière.
Aimez ce sanctuaire, mes amis,
Où se dénouent les signes, c’est presque l’aube ».
(« Après le feu » 2016, p. 1058)
La prose, enfin, accompagnera également les découvertes dans ce précieux
volume ainsi que ses traductions qui sont considérées de nos jours comme
incontournables et dont on se délectera en compagnie de Shakespeare,
Celan, Yeats, Leopardi, mais aussi Pétrarque ou Emily Dickinson, reflets
de l’immense culture et sensibilité du poète au service des autres poètes.
En ce perpétuel travail de résurrection des mots, Yves Bonnefoy nous
invite à cette lucidité créatrice dont il fut le représentant le plus
sensible.
Philippe-Emmannuel Krautter
« Kokin waka shû - Recueil de
poèmes japonais d’hier et d’aujourd’hui » ; Introduction et traduction de
Michel Vieillard-Baron, 520 p., Éditions Belles Lettres, 2022.
Classique parmi les classiques, le Kokin waka shû remonte aux origines de
la poésie japonaise puisque ce recueil fut commandé par l’empereur Daigo
au tout début du Xe siècle… Les éditions Les Belles Lettres et le
traducteur, Michel Vieillard-Baron, professeur à l’Inalco ont eu
l’heureuse idée de rendre disponible cette somme incontournable au lecteur
français.
Ce fort volume constitue en effet l’une des premières compilations de
poésie japonaise réalisée par quatre des plus éminents poètes de cette
époque à savoir: Ki No Tomonori, Ki no Tsurayuki, Ōshikōshi no Mitsune et
Mibu no Tadamine. Par cette décision à la fois culturelle et politique,
l’empereur souhaitait en cette période de renaissance de la poésie
nationale (waka) en souligner l’héritage classique sur laquelle elle
reposait depuis le milieu du VIIIe s. Ce ne sont pas moins de mille cent
onze poèmes qui se trouvèrent dès lors réunis dans ce recueil répondant
pour la plupart d’entre eux à la forme tanka de 31 syllabes. Fait original
à relever, parmi les cent vingt-deux poètes présents dans ce volume,
vingt-six femmes y figurent en bonne place, signe de leur importance dans
le monde lettré à cette lointaine époque.
Contrairement à ce que la forme d’anthologie pourrait laisser penser, ce
recueil répond à une certaine organisation et logique interne, abandonnant
la présentation chronologique pour lui préférer des sections thématiques
telles les saisons si chères à la sensibilité japonaise ; sensibilité
encore extrêmement présente aujourd’hui, ainsi que le relève Michel
Vieillard-Baron dans sa préface. Le lecteur remarquera également la
proximité qui réunissait poésie chinoise et japonaise, le Kokin waka shû
ayant été introduit à l’époque par deux préfaces, l’une rédigée en chinois
par Ki No Yoshimochi et l’autre en japonais par Ki no Tsurayuki.
Pour mieux apprécier la richesse et les évolutions successives de cette
poésie exigeante et néanmoins si inspirante, le lecteur lira avec profit
la très complète étude préliminaire préfaçant le recueil. Un ouvrage
indispensable non seulement à la découverte de la poésie japonaise mais
également à la pleine appréciation de la culture japonaise d’hier et
d’aujourd’hui.
Kamo no Chômei, Urabe Kenkô
Cahiers de l’ermitage, Trad. du japonais par Sauveur Candau, Charles
Grosbois et Tomiko Yoshida. Édition et préface de Zéno Bianu
Extrait de Les heures oisives suivi de Notes de ma cabane de moine
(Connaissance de l’Orient)
Collection Folio Sagesses (n° 7159), Gallimard, 2022.
Ce petit recueil paru dans la collection Folio sagesses livre en seulement
une centaine de pages un concentré de méditation et d’ascèse bouddhique
remarquable. En réunissant en effet les deux maîtres Urabe Kenkô et Kamo
no Chômei, Zéno Bianu qui signe ici une passionnante préface, offre en
effet une belle leçon sur la voie du renoncement menée par ces deux grands
poètes ermites. Abandon des passions, mépris de la haine tout autant que
de la crainte, imaginer sa vie aussi éphémère que la forme d’un nuage dans
le ciel, telle est la précieuse leçon livrée en ces pages inspirantes. Il
ne s’agit pas d’un éloge d’une vie creuse, mais bien du plaisir éprouvé
par la richesse d’une pleine conscience de tous les instants ainsi que le
rappelle Kamo no Chômei : « Depuis que j’ai quitté le monde, et que j’ai
choisi la voie du renoncement, je me sens libre de toute haine comme de
toute crainte ». Place est alors faite à la contemplation du quotidien,
ces petits riens que les deux poètes exaltent et posent au-dessus de tous
les tracas du monde. Des instants précieux pour la plupart du temps
constitués de contemplation de la nature, de gestes du quotidien telle
l’édification pour le moins minimaliste de la fameuse cabane du moine…
Cet ascétisme que l’on retrouve dans le bouddhisme zen n’est pas non plus
sans rappeler celui prôné par le stoïcisme à maintes occasions notamment
dans ce passage où Urabe Kenkô dédaigne ces lieux avec « trop d’objets
autour de soi, trop de pinceaux sur l’écritoire, trop de bouddhas sur
l’autel domestique, trop de pierres, de plantes et d’arbres dans le
jardin… » Antidote à notre quotidien anxieux et surabondant de biens
matériels, cette lecture devrait apporter un vent d’air frais et bien
venu...
Robert Desnos : « Poèmes de
minuit, inédits 1936-1940 » ; Préface de Thierry Clermont, Coll. Poésie
Seghers, 176 p., 135 x 210 mm, Editions Seghers, 2023.
C’est par une confession de Robert Desnos (1900-1945), étonnamment lucide,
que débute la préface de Thierry Clermont aux Poèmes de Minuit
(1936-1940), des poèmes inédits du poète et publiés aux éditions Seghers.
Quelque temps seulement avant d’être arrêté par la Gestapo, puis déporté
avant de mourir du typhus un mois après la libération du camp de
concentration de Theresienstadt, Robert Desnos faisait ainsi remarquer : «
Ce que j’écris ici ou ailleurs n’intéressera sans doute dans l’avenir
que quelques curieux, espacés au long des années. Tous les vingt-cinq ou
trente ans on exhumera dans des publications confidentielles mon nom et
quelques extraits, toujours les mêmes » !
Espérons que la publication de ces inédits datés des dernières années du
poète invalideront ce jugement sévère et permettront à un plus grand
nombre de découvrir le grand poète que fut Robert Desnos. La découverte de
ces inédits inattendus mais si bien venus est due à la sagacité du
passionné des lettres Jacques Letertre qui dirige aujourd’hui la Société
des Hôtels Littéraires. Ce collectionneur et bibliophile impénitent a
acquis de manière quelque peu fortuite ces manuscrits contenant ces
trésors, pas moins de 123 poèmes autographes dont, découverte incroyable,
86 inédits, sans titres et accompagnés de dessins du poète. Desnos s’était
astreint dans ses dernières années à composer un poème chaque soir avant
son sommeil. Dans ces pages souvent sombres et pourtant enclines à
l’ironie, on trouvera aussi quelques saillies prémonitoires tel ce poème
du 9 janvier 1936 :
« Sur cette terre
Moi j’aurai bien rigolé
Pas autant cependant si je ne meurs avant »
Parmi ces traits d’humeur, ou d’humour, c’est selon, cet éternel amoureux
des calembours goûte les évocations farfelues où quelque bizarre animal
débarque soudainement dans un beau salon pour y semer une belle pagaille :
« Fait son entrée – Se vautre sur les canapés – Attise le feu –
Détraque la pendule »… « Drôle d’animal - Joli Salon », conclut
Desnos, un portrait du poète ?...
Des questionnements épars rythment ces pages où animaux, personnages
fantasques ou à peine masqués composent un panthéon éclectique dans lequel
le poète puise son inspiration et se délecte. Ce panthéon s’avère en effet
bien particulier où dérision rime avec émotion, gravité avec légèreté. Au
terme de ce trop court parcours sur terre, le poète notera en guise
d’épitaphe annonciatrice dans l’un de ses tout derniers poèmes : « Moi,
incapable de reculer – Capable de me faire tuer – Plutôt que de céder un
pouce – Pouce Pouce – Je ne joue plus »…
Une spontanéité réfléchie qui séduit et attire irrésistiblement, magie de
Desnos !
Philippe-Emmanuel Krautter
François Gibault : « Céline »,
Nouvelle édition revue et corrigée, Collection Bouquins, 2022.
Les récents développements apportés par la redécouverte pour le moins
rocambolesque des manuscrits disparus de Louis-Ferdinand Céline ainsi que
le décès de Lucette Destouches son épouse en 2019 imposait assurément une
actualisation de la principale biographie parue à ce jour en langue
française et consacrée au célèbre écrivain. François Gibault proche de
Lucette Destouches et exécuteur testamentaire de l’écrivain était mieux
placé que quiconque pour présenter ce long parcours de Louis-Ferdinand
Destouches depuis son plus jeune âge au passage de Choisel jusqu’à ses
dernières années passées, reclus, sur les hauteurs de Meudon avec
perroquet, chiens et épouse…
C’est à un monstre sacré des lettres françaises auquel s’est attaché
Gibault dans cette nouvelle biographie revue et corrigée qui n’écarte
aucun sujet fâcheux comme les accusations de collaboration et autres
pamphlets antisémites que le biographe – avocat convaincu des causes
tendancieuses – souhaitait voir republier par les éditions Gallimard…
La documentation de première main en raison de sa proximité immédiate du
cercle de l’écrivain constitue en premier lieu l’intérêt de cette
biographie des plus complètes avec plus de 900 pages. Mais l’intérêt de ce
fort volume ne tient pas qu’à la qualité de ses sources tant le biographe
tente à faire ressortir toute la cohérence du parcours de Céline en
rapport avec son œuvre, et ce, malgré les impasses empruntées par
l’écrivain et ses contradictions. Souhaitant faire la part des choses
entre l’homme et l’écrivain, François Gibault dresse le portrait d’une
personnalité à la fois complexe et plus humaine que ne l’ont souvent
laissé les impressions rapides de ses caricatures. Resituant les outrances
de l’homme à son époque, Guibault tente d’esquisser la personnalité de
celui qui était à la fois capable de soigner les plus démunis sans
contrepartie financière tout en étant capable de verser dans les délires
antisémites les plus abjects. Céline dans ces pages apparaît avant tout
comme l’un des écrivains majeurs du XXe siècle, ses romans demeurant le
cœur névralgique de ces multiples développements biographiques auxquels
ils sont intimement entremêlés.
Philippe-Emmanuel Krautter
Aldo LEOPOLD : « Almanach d’un
comté des sables », Editions Gallmeister, 2022.
« Il y a ceux qui peuvent vivre coupés de la nature et ceux qui ne le
peuvent pas.» Aldo Leopold est de ces derniers. Impossible pour lui de
vivre hors du système qui nous maintient en vie, ce grand écosystème, et
que l’homme se complait à rendre invivable. Pourtant, la nature se défend
contre cet homme mécanisé et destructeur. Est-ce là un scénario pour un
film ou un livre de fiction ? Est-ce la réalité de notre monde actuel et à
venir… Ce pourrait être une posture de militant écologiste d’aujourd’hui,
et pourtant c’est Aldo Leopold, né en 1877 et décédé en 1948, considéré
comme le père des politiques de protection de l’environnement, qui écrivit
ces textes réunis sous le titre « Almanach d’un comté des sables ».
Il se lève tôt, vit dans la nature, observe tout, des plantes aux animaux,
des étoiles aux levers de soleil et tente de situer la véritable place que
devrait occuper l’homme dans ce monde, en toute modestie, alors que le
grand siècle de l’industrialisation se plaît à l’exploiter et le vider de
sa substance. L’écologie n’est pas une question de petites fleurs. C’est
tenter d’empêcher l’extinction du vivant. Observer, décrire, philosopher
pourquoi pas, écouter, rendre compte, percevoir, contempler et espérer
qu’une véritable prise de conscience mènera sur des chemins plus
respectueux du vivant et par ricochet de nous même, c’est ce que l’on
ressent au long des pages de cet almanach atypique.
Ces textes se lisent comme un traité de non-agression envers la nature et
sous la plume d’Aldo Leopold transpire la poésie, le respect de la nature
pleine et entière, de la plus petite créature jusqu’au cosmos, ressenti
dans chaque cellule de nos corps poussières d’étoiles comme les physiciens
le qualifieront plus tard. Que de résonnances actuelles ! Que de
connaissances et de conscience écologique jamais entendues et considérées
par les politiques, que de temps perdu qui ne se rattrapera jamais. La
lucidité calme de l’auteur invite à réfléchir sur l’orientation hyper
matérialiste de son époque et à opter pour réorienter ses besoins ou à
détourner les biens matériels pour revenir à une meilleure compréhension
de cet équilibre fragile du monde.
Il s’avère plus qu’urgent de mettre en place une éthique solide et
rigoureuse pour ne plus jamais avoir à lire des phrases telles « la
protection de l’environnement marque le pas parce qu’elle est incompatible
avec notre concept abrahamique de la terre. Nous maltraitons celle-ci
parce que nous la regardons comme notre propriété. Le jour où nous la
verrons comme une communauté à laquelle nous appartenons, peut-être
commencerons-nous à en user avec amour et respect. Il n’est pas d’autre
alternative pour qu’elle survive à l’impact de l’homme mécanisé… Le fait
que la terre est une communauté est le concept élémentaire de l’écologie,
mais le fait qu’il faut l’aimer et la respecter est un prolongement de
l’éthique. Que la terre produit une moisson esthétique est un fait connu
de longue date, mais souvent oublié. »
Sylvie Génot Molinaro
« L’art du livre par André Suarès
», Editions Fata Morgana, 2022.
C’est un délicieux opuscule signé André Suarès que nous livrent dans une
édition des plus soignées, avec une typologie choisie et des lettrines
retenues par Louis Jou en 1928, les éditions Fata Morgana. En de petits
chapitres plus réjouissant les uns que les autres, l’auteur y fait l’éloge
de « L’art du livre » ; avec cette passion incommensurable du beau et
cette vison élitiste qui le caractérisent, comparant le livre à une œuvre
architecturale des plus hautes, c’est une réflexion élégiaque sur le livre
que le lecteur savourera ; remontant à la spécificité et beauté des
incunables, soulignant l’évolution inévitable de l’imprimerie et du livre,
c’est aussi une pensée visionnaire des plus surprenantes que nous donne à
lire l’auteur.
Un petit bijou pour amoureux patenté de beaux livres, pour artisans
imprimeurs et éditeurs sincères !
L.B.K.
Philippe Sollers "Graal"
Collection Blanche, Gallimard, 2022.
Ni disciple des Monty Python, encore moins un vénérateur des Chevaliers de
la fameuse table, Philippe Sollers, ou tout au moins le narrateur de son
dernier roman, ne part pas en quête du Graal, mais l’a trouvé depuis bien
longtemps… C’est en terre atlantide, jadis prospère et de nos jours cachée
sous des immensités d’incertitudes et de révisionnismes, que se trouve la
source de ce continent disparu « mais toujours actif atomiquement, et
génétiquement dans l’ombre ». Comme à l’accoutumée, Sollers avance dans
l’ombre, en plein soleil. Ce nouvel Atlante amoureux des îles sait que ces
dernières sont reliées à ce royaume éternel, source vitale où puise ce
jouisseur absolu. Mais nulle trivialité dans ces évocations – même si
quelques détails dont Philippe Sollers a le secret pourront émoustiller ou
choquer, c’est selon. Le propos est ailleurs et sert une voie, la fameuse
voie, non rectiligne qui mène à la mort après avoir vraiment vécu.
Être « l’unique roi de son royaume », avoir cette chance de parler une
langue intérieure à l’heure de l’assourdissement général, sans oublier les
initiations matriarcales, telles sont les directions qui mènent à ces
continents disparus, éternel retour. Le roman confie à qui peut encore
entendre et surtout lire : l’Atlante se ressent comme immémorial et
cultive le secret comme le silence sans oublier son immense mémoire,
qualités qui font cruellement défaut à notre amnésique quotidien. L’amour
comme la foi composent ces espaces où le verbe se fait chair et
habitavit in nobis ainsi que le rappelle saint Jean. Cette présence
nourrit les plus grands artistes depuis les premiers temps de l’humanité,
dès les premières grottes ornées. Nulle bondieuserie dans la pensée de
Sollers, mais dans notre monde « dégraalisé », un mystère joyeux demeure
que cultive l’auteur, ces pages en témoignent.
Philippe-Emmanuel Krautter
Jean-Yves Tadié : « Proust et la
société », Éditions Gallimard, 2021.
C’est à la recherche d’un Proust dans son temps, dans sa société auquel
nous convie Jean-Yves Tadié avec cet ouvrage « Proust et la société » qui
vient de paraître aux éditions Gallimard. L’auteur nous dévoile, tour à
tour, un Marcel Proust sociologue, géographe, historien ou encore
psychologue. Le lecteur retrouvera ainsi Proust dans son milieu avec ses
domestiques mais aussi le dandy regardant la société et « le peuple ». En
ce tournant du siècle, on découvre également un Proust bien ancré dans le
monde de la finance même si ses placements seront souvent malheureux et
que l’écrivain se dit plus d’une fois exagérément ruiné… L’auteur revient
ainsi sur les rapports que l’écrivain entretenait avec l’argent.
Mais, pour cet ouvrage, Jean-Yves Tadié ne s’est pas limité à nous révéler
un Marcel Proust en son temps, il a également entendu faire dialoguer
cette société contemporaine avec celle-là même de A la Recherche du
temps perdu. Ce monde que dépeint et fit vivre avec sa sensibilité et
ses émotions l’écrivain en des pages mémorables, modifiant, changeant noms
et lieux tout en leur laissant une certaine part de réalité. Ce n’est pas
un regard, mais des regards que livre la Recherche. Ainsi, Jean-Yves Tadié
analyse-t-il « La France de 1871 et la famille de Marcel Proust » ou ces «
Figures de la modernité », que l’on retrouve tout au long de la
Recherche et que Marcel Proust, Alfred Agostinelli, mais aussi
Albertine, connurent en leur temps. L’auteur ne souligne-t-il pas en son
introduction que Marcel Proust fut « un prodigieux observateur, et,
d’après les souvenirs de ses amis, dans les salons, les restaurants, voire
les maisons closes, un enquêteur infatigable ». La Recherche rend
compte d’une société, celle dans laquelle l’écrivain non seulement évolua,
celle qu’il observa, scruta, mais aussi celle qu’il écrivit et imagina.
Or, « la société décrite et analysée par Proust, parce qu’elle est
représentée de manière symbolique, est encore vivante, et même « créatrice
». Les structures profondes échappent au temps et aux modes. Il y a une
mode des modes qui, elle, ne se démode pas. », ajoute Jean-Yves Tadié.
Qu’il soit boursicoteur peu chanceux, technophile amoureux, géographe des
lieux…, c’est le portrait d’un Marcel Proust moins connu, parfois inédit
que convoque en ces pages Jean-Yves Tadié, et ce, pour le plus grand
plaisir du lecteur.
L.B.K.
« André Suarès – Ports et rivages
– Anthologie » ; Edition établie, présentée et annotée par Antoine de
Rosny, 384 pages, « Les cahiers de la NRF », 2021.
Ravissement que de trouver réunis dans ces « Cahiers de la NRF » les
écrits ayant pour fil directeur les « Ports et rivages » dans l’œuvre
d’André Suarès. Deux mots qui à eux seuls évoquent bien des facettes de
l’écrivain ; Les ports comme liens d’attache, telle Marseille, sa ville
natale à laquelle il restera attaché, mais aussi les rivages, inséparables
des ports, appels du large et de liberté. Suarès n’eut de cesse
affectivement de chérir cette liberté dont il paya lourdement le prix
toute sa vie. Si André Suarès fut épris de connaissances, d’art, de
livres, s’il fut portraitiste, essayiste, visionnaire, s’il eut aussi pour
passion la musique, l’écrivain - bien qu’établi à Paris, voua également un
amour immodéré pour la mer. On songe, à l’Italie avec « Le voyage du
Condottière » et à Venise ; On songe à la Bretagne avec « Le Livre de
l’Émeraude » et, bien sûr « Marsiho », sa ville natale. N’a-t-il pas écrit
« La mer est mon horizon : ailleurs je ne respire plus ». Et ne se
définissait-il pas dans « Le voyage du Condottière » comme un « homme de
la mer avant tout ».
Mais, cette quête de beauté si chère au poète, d’horizons et d’infini,
d’indépendance qu’offrent « Les Ports et les rivages » ne saurait se
limiter à ses œuvres les plus connues, l’écrivain fut en effet l’auteur
sous divers pseudonymes de plus d’une centaine de livres, d’écrits publiés
dans des revues, sans oublier ses carnets et une abondante correspondance.
Aussi est-ce tout le mérite de cette belle anthologie, présentée et
annotée par Antoine de Rosny, professeur de lettres classiques et membre
du comité d’André Suarès que de mettre en valeur et nous encourager à
découvrir ces joyaux de l’écrivain. Ce sont des « Ports et rivages »
célébrés, contrastés, opposés, mais aimés ; Bretagne et Provence… Mais,
aussi des ports rêvés, ceux des mers grecques et de la Sicile…
Des textes et poèmes choisis et accompagnés d’un riche appareil critique
dans lesquels le lecteur retrouvera ce style inimitable qui fut celui
d’André Suarès (1868-1948). Cette incomparable « sensibilité mise à
peindre le vert Océan breton ou à décliner à l’envi l’inégalable bleu
méditerranéen ! » écrit Antoine de Rosny dans sa présentation.
L.B.K.
Sibilla Aleramo : « Une femme »,
Éditions des Femmes, 2021.
« Depuis que j’avais lu une étude sur le mouvement féminin en
Angleterre et dans les pays scandinaves, ces réflexions se développaient
dans mon esprit avec insistance. J’ai immédiatement éprouvé une
irrésistible sympathie pour ces créatures exaspérées qui protestaient au
nom de la dignité de toutes, jusqu’à supprimer en elles les instincts les
plus profonds : l’amour, la maternité, la grâce. Presque sans m’en
apercevoir, mes pensées s’étaient arrêtées jour après jour sur ce mot :
émancipation… »
Une vie se dessinait avec une certaine évidence pour cette jeune fille
mais un événement totalement involontaire de sa part va tout bouleverser,
l’amour inconditionnel qu’elle portait à son père et réciproquement, ses
relations avec sa fratrie, son avenir même. Elle si curieuse de tout et
qui semblait ne surtout pas vouloir répéter le schéma de vie de sa mère,
qui doutait de la réalité de dieu dans une Italie du nord du début du XXe
siècle, elle qui comprend vite que dans son milieu provincial et étriqué,
aucune chance d’indépendance ne lui sera accordée. Cela lui prendra des
années et des années, luttant contre un mari tyrannique et élevant au
mieux son fils, des années de soumission et de révolte, des années de
dépendance et de soif de liberté, des années de réflexion pour arriver à
écrire. Et écrire lui fut salutaire, lui fit même gagner sa liberté totale
certes au prix d’un sacrifice énorme, d’un renoncement innommable, d’un
abandon dans la souffrance. Mais lorsque la vie lui souffle à l’oreille
que sa place n’est pas dans ce modèle et que seule elle peut défier et
s’émanciper de celui des hommes, alors il n’y a plus une minute à perdre,
la vie trop courte lui montre la voie, celle qui fera de son avenir celui
d’une femme autrice, politisée, d’une liberté intellectuelle qui la
portera au rang international par ses écrits et ses luttes sociales. « Mon
passé me semblait désormais avoir été commandé par une volonté
impitoyablement sagace. Tout n’avait-il pas été disposé en effet pour
préparer l’avenir ? »
Cette autobiographie publiée en 1906 après avoir quitté son mari et son
fils prouva à chaque lectrice – et lecteur - que la liberté de pensée et
d’agir en son âme et conscience pouvait être une véritable révolution et
un mouvement réellement féministe en marche. « Qui avait donc le courage
d’admettre certaines vérités et d’y confronter sa vie ? Pauvre petite vie
mesquine et aveugle, à laquelle on tenait tant !… Chacun tenait son
mensonge avec résignation…Les révoltes individuelles étaient stériles ou
pernicieuses : les révoltes collectives étaient encore trop faibles,
presque ridicules face à l’effroyable puissance du monstre à abattre !
Puis je commençais à me demander si la femme n’avait pas une part active à
la misère sociale… » Sibilia Aleramo (1876/1960) est devenue une femme
libre et active dans un homme exclusivement masculin et a ouvert, très
certainement, la porte à bien d’autres femmes qui ont pris acte que
l’émancipation était une volonté personnelle à mettre en marche quoi qu’il
arrive.
Sylvie Génot Molinaro
« La Grande Grammaire du français
» ; Sous la direction d’Anne Abeillé et Danièle Godard, Éditions Actes Sud
- Imprimerie Nationale Éditions, 2021.
Véritable évènement dans le paysage éditorial français, la sortie de la
Grande Grammaire du français (GGF) marque une étape essentielle quant aux
outils disponibles sur ce sujet toujours délicat. Il n’est en effet un
secret pour personne que la langue française s’avère complexe à maîtriser.
Qu’il s’agisse de sa langue maternelle ou d’une langue secondaire, le
français fourmille de subtilités délicates à mémoriser et autres pièges
rendant son apprentissage souvent difficile. Mais ce sont ces difficultés
qui ont concouru à sa richesse et ces multiples finesses autorisent une
variété infinie de nuances dont la littérature s’est saisie avec la
réussite que l’on sait. Fort de cette importance, les contributeurs de
cette imposante grammaire en deux forts volumes sous la direction d’Anne
Abeillé et Danièle Godard, en collaboration avec Annie Delaveau et Antoine
Gautier offrent pour la première fois aux amoureux de la langue française
un outil suffisamment ample et vaste expliquant toutes les virtualités de
la syntaxe de la langue écrite, mais aussi parlée et contemporaine.
L’ouvrage n’a pas exclu parallèlement aux règles classiques
les usages plus originaux constatés, faisant ainsi de cette recherche
collective un véritable conservatoire de la langue. La GGF, ainsi qu’il
faudra désormais la nommer, établit avec brio un état des lieux de la
recherche et des usages depuis le milieu du XXe siècle jusqu’à nos jours,
les débats ne manquant pas actuellement quant à certains usages en cours…
Aussi la manière d’écrire des SMS, des billets d’un blog ou encore les
diversités régionales sur l’usage du français sont des points abordés sur
ces 2 628 pages en 20 chapitres. 30 000 exemples offrent un ensemble d’une
étonnante richesse sous la forme de glossaire, index, tableaux, schémas,
fiches et autres courbes mélodiques. La version numérique parallèle permet
même d’écouter des exemples sonores !
Le lecteur ne lira bien évidemment pas cet ouvrage en deux volumes de la
première page à la dernière, mais on ne saurait lui recommander de
découvrir l’introduction passionnante consacrée à cette vaste question : «
Qu’est-ce que le français ? ». Il découvrira alors le vaste rayonnement de
cette langue très largement employée au-delà de l’Hexagone et de
l’Outre-mer. Cette richesse posant une autre question « le » ou « les »
français ? Les variations régionales et sociales peuvent laisser pencher
vers une vision plurielle à partir de racines communes. Autre découverte,
la version numérique parallèle à l’édition papier. Disponible soit en
version eBook enrichies (ou PDF Web) soit en ligne, la GGF pouvant être
consultée sur smartphone, tablette et ordinateur dans la mise en page
originale de la version imprimée. La recherche d’un mot ou d’une notion
rend bien entendu cet outil particulièrement précieux pour les étudiants,
chercheurs et tout amoureux de la langue française.
Fruit d’un travail d’une trentaine d’années d’un collectif de 59
linguistes français et étrangers, la GGF établit ainsi pour la première
fois en France un véritable outil scientifique de la langue française.
Dante - « La Divine Comédie »,
Trad. de l'italien par Jacqueline Risset. Édition publiée sous la
direction de Carlo Ossola avec la collaboration de Jean-Pierre Ferrini,
Luca Fiorentini, Ilaria Gallinaro et Pasquale Porro, Bibliothèque de la
Pléiade, n° 659, 1488 pages, rel. Peau, 104 x 169 mm, Gallimard, 2021.
Dante Alighieri (1265-1321) dont nous fêtons le 700e anniversaire de sa
disparition, témoigne à la fois des oppositions politiques de son temps
(la lutte fratricide des guelfes à Florence), mais aussi de l’élévation de
cette âme au-delà des contingences lors de son long exil. L’amour demeure
au centre de cette œuvre gigantesque et foisonnante, celui magnifié pour
la belle Béatrice et qui conduit le narrateur en un chemin souvent
tortueux et périlleux dans les méandres de la vie et de la mort, en trois
étapes de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis.
Dans cette chronique où la poésie s’entrelace aux dénonciations les plus
triviales de son temps, Dante compose une ode annonciatrice de l’humanisme
et conjuguant l’universalité du savoir. Cette poésie omniprésente de celui
que l’on présente souvent comme le « père » de la langue italienne se
trouve encore soulignée par une langue ouverte aux différentes influences,
savantes ou régionales, de son temps comme en ses références antiques en
compagnie de Virgile. Cette atemporalité de Dante confère à son œuvre
cette magie qui dépasse les époques et touche le lecteur avec cette même
acuité qu’une fresque de Michel-Ange, une musique inspirée des psaumes ou
encore de Casella… Ainsi que le souligne Carlo Ossola dans sa préface : «
La Comédie n’est pas un poème mystique, ce n’est pas un itinéraire
sapiential ou initiatique, ni même une simple dette de fidélité envers
Béatrice : c’est un accessus – aussi impraticable et limité soit-il – à la
joie du regard. ». Cette œuvre inclassable convoque chaque lecteur a une
appropriation, lente et exigeante, à emprunter personnellement cet
itinéraire pour une connaissance de la vie et de l’après. Les premiers
mots de la Comédie sont restés célèbres et témoignent de cet examen
personnel : « Au milieu du chemin de notre vie – je me retrouvai par une
forêt obscure, car la voie droite était perdue. » À la recherche de cette
voie droite – symbole de l’espérance chrétienne – Dante offre de multiples
rencontres les plus étonnantes souvent, troublantes d’autres fois. Le
lecteur se nourrit de ces visions tantôt béatifiques, tantôt horrifiques,
le 7e art n’a qu’à bien se tenir. Grâce à la belle traduction de
Jacqueline Risset, le lecteur pourra progressivement franchir ces étapes
et s’approcher des sens cachés de l’œuvre à l’image de ceux suggérés par
le peintre Botticelli dans ses inoubliables illustrations de la Comédie.
Didier Ben Loulou : « Une année de
solitude », Arnaud Bizalion Éditeur, 2021.
« Une année de solitude » en compagnie du photographe Didier Ben Loulou
offre le temps de porter un regard à la fois introspectif et renouvelé sur
la vie. A l’image de cet amandier en fleurs sur la terre esseulée donné à
voir en couverture de l’ouvrage, ce sont des promesses riches de sens qui
effleurent dans ces pages d’une rare profondeur. Le photographe croise le
poète et la quête incessante de cette âme éprise d’absolu le conduit à la
conjonction de la lettre et de l’image, croisée des chemins de laquelle
nous sommes nés, à l’aune de la civilisation.
Point de sublimation artificielle mais une rare acuité sur le réel, ce qui
ouvre les portes de la mémoire, celle des lieux toujours renouvelés et
pourtant éternellement les mêmes. Ce paradoxe n’effraie pas l’artiste qui
veille en Didier Ben Loulou et que ses photographies rappellent. L’homme
retrouve la nature en ce qu’elle possède de plus fort, cet humus qui donne
naissance et reprend la vie en un cycle aussi implacable que les amours
défuntes. Sur une année, Didier Ben Loulou consigne en son journal ces
bribes esseulées, le sens à donner à son travail, à sa vie, en une
sensibilité à la fois profonde et cachée.
En cette quête de l’indicible, le photographe sait capter ces ondes qui le
traversent, frontières toujours ténues entre profane et sacré si chères à
Mircea Eliade. Dans les campagnes de Jérusalem, tout comme dans les
ruelles de la Ville Sainte, ces signes croisent le chemin de cette âme
blessée qui réapprend à vivre, renaissance dont la profondeur des
photographies témoignent même si, pour une fois, ces dernières sont
absentes de ce journal mais omniprésentes entre les lignes. C’est à ce
cheminement auquel nous convie avec discrétion et poésie Didier Ben
Loulou, une lente pérégrination dans les confins de notre for intérieur,
un voyage intime et captivant.
Philippe-Emmanuel Krautter
Michel Leiris : « Journal
(1922-1989) » ; Nouvelle édition Jean Jamin, revue et augmentée ; 1056 p.,
103 ill., sous couverture illustrée, 140 x 205 mm, Collection Quarto,
Éditions Gallimard, 2021.
Difficile de classer Michel Leiris, lui qui fut simultanément poète,
écrivain, ethnographe et avant tout le témoin en alerte de son temps. Le
témoignage qu’il laissa d’ailleurs à l’égard de son Journal s’avère
symptomatique de cette difficulté de classement, alors même qu’il connut
dans ses enquêtes ethnographiques le travail de fichiers de l’ethnologue :
« Un livre qui ne serait ni journal intime ni œuvre en forme, ni récit
autobiographique ni œuvre d’imagination, ni prose ni poésie, mais tout
cela à la fois. Livre conçu de manière à pouvoir constituer un tout
autonome à quelque moment qu’il soit interrompu, par la mort s’entend.
Livre, donc, délibérément établi comme œuvre éventuellement posthume et
perpétuel work in progress » (Journal, 26 septembre 1966). Les éditions
Gallimard ont eu l’heureuse initiative de proposer cette œuvre inclassable
dans la collection Quarto, ce témoignage allant de 1922 à 1989, un an
avant sa disparition. L’intellectuel curieux de tout se souciait plus des
autres que de son propre travail : « D’une certaine façon, je suis
l’antihéros de mes écrits dits autobiographiques. Que voit-on, en effet,
au centre de ceux-ci ? Un homme des plus quelconques, à la vie des plus
quelconques, mais qui simplement sait se regarder et se raconter »
(Journal, 18 novembre 1983). Et là réside certainement la qualité de
l’auteur de ces notes prises au quotidien, une lucidité sans fards, ni
masques, au gré de ses découvertes, de ses rencontres et discussions.
Pourtant l’intellectuel « sait se regarder et se raconter » à l’image
d’une enquête au long cours, l’objet de cette dernière étant ses humeurs,
son goût immodéré pour les beaux costumes et vêtements sur mesure, ce soin
apporté au paraître plus profond qu’il ne peut sembler de prime abord
ainsi que le relève Jean Jamin qui le connût de 1976 à 1990 au musée de
l’Homme. Entre poésie, confessions, ethnographie et autobiographie sans
oublier les innombrables curiosités artistiques, Leiris consigne dans ce
Journal ce qui fait signe, avec lui-même et dans le siècle dans lequel il
s’inscrit. Ce souci extrême de l’attention vigilante surprend et séduit,
sans réserve lorsque l’auteur lors d’un Tour d’Espagne en cargo en 1935
note : « Retrouver la source première… ». Phrase qui l’obsède comme un
début poème… Leiris reste persuadé qu’il faut amadouer l’écriture en
croyant à une certaine bonté des choses et des mots et, à défaut,
s’abstenir ! Fort heureusement, sa perspicacité lui permet d’amadouer et
de fléchir ces résistances. Si la poésie ne coule pas à flot - ce que ne
souhaite pas Leiris - une complicité certaine se fait au fil des années,
une poésie qui devient vite synonyme de liberté ainsi que le souligne
Philippe Sollers qui releva chez lui cette phrase programmatique : « Je ne
peux vivre que dans l’antithèse et le changement. » C’est ce que reflètent
ces 1056 pages de notes éparses, avec parfois un seul titre de livre
consigné, d’autres fois des idées plus complexes développées telles ces
équations mathématiques pour le moins étranges sur les rapports entre le
Moi, la Société et la Nature… (p. 285). Entre ces consignations, des
rêves, beaucoup de rêves qui souvent en disent plus sur leur auteur que
les notes diurnes.
Philippe-Emmanuel Krautter
« Charles Juliet : « Pour plus de
lumière ; Anthologie personnelle – 1990-2012 », Préface de Jean-Pierre
Siméon, Collection Poésie/Gallimard, NRF, Éditions Gallimard, 2021.
En ces temps de sortie de crise et de lueur d’été, il faut découvrir ou
relire la poésie de Charles Juliet. Pour ce faire, paraît aux éditions
Poésie Gallimard une belle anthologie personnelle de 1990-2012, « Pour
plus de lumière », un choix de poèmes extraits des nombreux recueils et
minutieusement retenus par le poète lui-même. Présentés selon un ordre
chronologique, la progression de cette anthologie reflète le cheminement
du poète sur les sentiers escarpés et ardus tant des mots que de la vie.
Issus du recueil « Affûts » de 1990, ils empruntent « L’Autre chemin » de
1991, allant du « Pays du Silence » (1992) ou d’ « A voix basse (1997)
jusqu’au recueil « Moisson » de 2012.
Les titres confient à eux seuls cette réticence aux mots trop faciles, aux
mots qui viennent, qui habitent ou hantent les vers mis à nu par le poète.
« Tu ne sais / où aller / comment t’y prendre / quel mot / quel geste/
pourrait / convenir / et ce qui / se propose/ d’emblée/ tu le rejettes/ tu
gis / au plus / opaque / de ce qui / récuse / toute / réponse »
(Fouilles – 1997).
La poésie de Charles Juliet puise, en effet, sa force et profondeur dans
ce rapport aux mots fait de délicate retenue, d’extrême prudence et de
sourde méfiance, mais aussi de cette invincible confiance en la poésie et
l’écriture.
« attendre attendre / demeurer inerte / laisser s’approfondir / le
silence / mais la faim ronge / s’exacerbe / voudrait me contraindre / à
forcer le seuil / ne rien tenter / ne rien forcer / et d’un mouvement
feutré / suspendre l’affût » (Moisson)
Et si la poésie de Charles Juliet peut paraître épurée, et à tort
minimale, aucun de ces qualificatifs ne permet cependant de dire avec
justesse, ainsi que le souligne en sa préface Jean-Pierre Siméon, la
profondeur et le relief de la poésie de Charles Juliet. Celle-ci puise
telle une encre sans fond à la douleur d’écrire, à la source même de
l’être :
« Et à chaque voix nouvelle, remonter là où elle prend sa source. De
déchiffrer ce qu’elle nous livre de l’être qui nous parle. » (« À voix
basse »).
Affronter cette réticence en un combat incessant même si le poète se sent
à la dérive ; Pourtant sur cette crête, allant de décennie en décennie, ce
sont de belles « avancées », telles des « Moissons » « Pour plus de
lumière », qui rythment les vers et poèmes de Charles Juliet ;
« oui, échapper au temps / à ce qui alourdit / nous tient reclus /
pouvoir nous déployer / dans l’immense » (Moisson – 2012).
LBK
François MAURIAC : « Le Bloc-notes
» - Tome 1 & 2 - Préface de JEAN-LUC BARRE, Coll. Bouquins La Collection,
Éditions Robert Laffont, 2020.
François Mauriac compte assurément parmi les classiques de la littérature
française du siècle dernier. Mais son travail journalistique se trouvait
jusqu’à cette monumentale parution dans la Collection Bouquins quelque peu
plus confidentiel. Si les lecteurs plus âgés pouvaient encore se souvenir
des chroniques régulières tenues par le célèbre éditorialiste à l’Express,
puis au Figaro, les plus jeunes ignorent souvent tout de son fameux «
Bloc-notes », pourtant tant apprécié. Cet esprit vif et acerbe sut
rapidement imaginer, en effet, son propre style, devenu depuis un
classique et imité, celui de l’écrivain-journaliste. Doté d’un jugement
critique sans concessions, quel que soit le parti politique visé, ses
analyses touchaient la plupart du temps au cœur non seulement des pouvoirs
en place, mais aussi les institutions dont il avait décidé de dénoncer les
abus et incompétences.
Mauriac bénéficiait de soutiens indéfectibles de personnalités importantes
tels Pierre Mendès France ou le Général de Gaule. Revendiquant sans
complexe sa foi chrétienne, il pouvait assumer une certaine « vocation
d’irriter », ainsi que le souligne Jean-Luc Barré dans sa préface à ces
deux volumineux volumes. Paradoxalement, si sa poésie et ses romans
peuvent sembler à certains avoir quelque peu vieilli, son travail en tant
que journaliste – même sur des faits pourtant ne relevant plus que de
l’Histoire – a en revanche pris, pour sa part, toute son épaisseur.
Point de travail sur le terrain, ni d’enquêtes pour ces notes régulières,
mais une appréhension du monde et de la société associée à l’acuité de son
jugement et de sa subjectivité en une subtile alchimie. Aussi n’est-il pas
étonnant de trouver chez cet esprit que l’on aurait pu croire conservateur
une farouche défense de la décolonisation… La justice et la charité
participèrent de toutes ses dénonciations, bien avant les vagues des
réseaux sociaux. Journaliste engagé à une époque où cette qualité exigeait
du courage et pouvait même s’avérer physiquement périlleuse, François
Mauriac compta parmi ceux qui savaient dire « non ».
Que peut trouver le lecteur du XXI siècle dans ces près de 2 700 pages ?
Une formidable aventure de l’esprit sur le long terme, deux décennies
d’histoire française allant de 1952 à 1970. Dans cet élan journalistique,
l’écrivain transparaîtra bien entendu de temps à autre : « Si vaniteux que
soit un auteur, il s’étonne toujours si ce qu’il écrit porte loin et porte
haut » ; Avec la belle parution de ces deux volumes du Bloc-Notes que
François Mauriac se rassure…
Philippe-Emmanuel Krautter
Michel Orcel : « L’Anti-Faust ;
suivi d’un Sonnet et de deux Idylles de Leopardi », Éditions Obsidiane,
2020.
Que guette le poète Goethe du haut de sa fenêtre romaine donnant sur le
Corso ? La lumière ? L’inspiration ? Une avenante Romaine ? Seul le
peintre et son ami Tischbein pourraient nous le confier, lui qui sut
saisir sur le vif cet instant immortalisé ornant la couverture du dernier
recueil de poésie « L’anti-Faust » de Michel Orcel… C’est à cette
ouverture d’un monde intérieur, habité et fertile, auquel convient
également ces poèmes inédits de Michel Orcel, dont l’œuvre vient d’être
tout récemment couronnée par le Grand Prix de poésie de l’Académie
française. Nos lecteurs connaissent bien l’inlassable traducteur de Dante,
l’amoureux de l’Italie avec Gabriele d’Annunzio, l’énigmatique passionné
du Coran ou le chantre de l’Opéra italien, mais avec ce dernier ouvrage,
c’est le poète qui se dévoile en des vers où pointe le regard qui se
retourne sur les traces laissées par la vie.
Nul désenchantement, nul larmoiement, mais une lucidité à la fois fragile
et confiante. L’ironie pointe parfois à l’égard de ses aînés, la gravité
aussi avec le lit funèbre. Les étoiles apparaissent ambiguës, elles dont
les reflets vibrants retiennent le regard, tout autant qu’ils le
questionnent. L’Anti-Faust participe de ce regard critique, celui
qui interpelle la connaissance, et le savoir sans limites. L’homme rebelle
sait, qu’à l’image de l’Ecclésiaste, tout n’est que vanité alors que le
limes de nos certitudes se lézarde sous la plume du poète.
Des poèmes où s’entremêlent des liens à jamais indissociables, des
strophes qui apostrophent sans concession et des vers, sans noir
désespoir, ni folle inquiétude, échos de L’infini silence et de
Leopardi :
« Tu es inquiète ? Sois rassurée :
le temps se dissipe comme tes charmes ;
te restent peu de jours à pleurer. »
(Sur une métaphore du Maître et Marguerite)
Philippe-Emmanuel Krautter
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BEAUX
LIVRES
et CATALOGUES D'EXPOSITION
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« Marco Polo, Le Livre des
merveilles » ; Sous la direction de Marie-Thérèse Grousset, Marie Hélène
Tesnière et Jean Richard ; Cartonné, 24.5 x 32 cm, 240 p., 150 ill.,
Éditions In Fine, 2024.
« Marco Polo, Le Livre des merveilles », un titre loin d’être usurpé car
c’est sans conteste un ouvrage aussi magnifique que passionnant qui vient
de paraître aux éditions In Fine à l’occasion du 700e anniversaire de la
mort du célèbre voyageur vénitien (1254-1324). Le lecteur y découvrira,
ainsi que l’annonce son titre, un des ouvrages enluminés les plus
merveilleux et célèbres du Moyen-Âge : Ce fabuleux livre (inséré dans le «
Livre des merveilles ») écrit et enluminé au XIIIe siècle et qui conte les
extraordinaires voyages et surtout découvertes de Marco Polo en Orient.
L’auteur, Rustichello da Pisa, compagnon de captivité du célèbre
explorateur, fut fait prisonnier par les Génois à la toute fin du XIIIe
siècle. Il est vrai que la vie du célèbre marchand et diplomate vénitien,
haute en couleur puisqu’il fut le premier à ouvrir la voie vers l’Asie
dans le dernier quart du XIIIe et première moitié du XIVe siècle, se prête
particulièrement bien tant au récit qu’à son illustration.
C’est la transcription intégrale de ce manuscrit avec ses enluminures
extrait du « Livre des Merveilles » dont l’original est conservé
actuellement à la BNF de Paris (Ms.fr.2810) que le lecteur pourra,
émerveillé, découvrir en ces pages dans une traduction de Marie-Hélène
Tesnière, conservateur général au département des Manuscrits de la
Bibliothèque nationale de France ; un récit captivant digne des plus
grandes épopées – mais pouvait-il en être autrement !, présenté, ici, par
Marie-Thérese Gousset, chargée de recherche au service des manuscrits
médiévaux du Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de
France.
L’ouvrage publié aujourd’hui aux éditions In Fine offre également une
description des 84 scènes enluminées réalisées par le non moins célèbre
maître Boucicaut et son atelier, suivi d’un instructif essai de Jean
Richard, historien et archiviste paléologue, Professeur à l’Université de
Dijon. C’est donc un beau voyage que nous proposent avec cet ouvrage les
éditions In Fine car, ainsi que le souligne Jean Richard : « Marco Polo,
toutefois, ne propose pas seulement d’émerveiller ses lecteurs – ou
auditeurs – en les éblouissant par l’énumération de tout ce qui peut
paraître étonnant. Il veut aussi leur faire connaître la réalité du monde
qu’il a lui-même découvert. D’où le titre qu’il a donné à son livre : « le
Devisement du monde ».
Une belle initiative de publication qui enchantera bien des lecteurs et
qui ne peut qu’être saluée.
« Miró, un brasier de signes » ;
Catalogue officiel de l’exposition éponyme au musée de Grenoble en
partenariat avec le Centre Pompidou sous la direction de Sophie Bernard et
Aurélie Verdier, Éditions In Fine, 2024.
À retenir le riche catalogue officiel accompagnant l’exposition consacrée
à Joan Miró (1893-1983) au musée de Grenoble en partenariat avec le Centre
Pompidou. Intitulé à juste titre « Un brasier de signes », reprenant ainsi
l’expression de son biographe le poète Jacques Dupin, l’ouvrage sous la
direction des deux commissaires Sophie Bernard et Aurélie Verdier livre
tant au regard qu’à la lecture une très belle mise en perspective de
l’œuvre de l’artiste catalan. Jean-Christophe Bailly revient dès les
premières pages dans sa contribution sur cette origine : « Brève excursion
au Pays de Miro », avant qu’Aurélie Verdier ne s’attache, pour sa part, à
l’enfance de l’artiste et les premières années de son parcours artistique
entre Barcelone, Montroig et Paris.
Le lecteur découvrira, ainsi, au fil des chapitres et pages
l’extraordinaire liberté créatrice de l’artiste. C’est dans le milieu des
années 1920 que Joan Miró trouvera au contact des surréalistes notamment
Robert Desnos et Michel Leiris avec ses « Peintures de rêve » la
reconnaissance artistique et développera toute sa poétique avant le
tournant décisif de 1956 avec son installation à Palma de Majorque ;
Sophie Bernard retient notamment pour sa contribution cet angle original
et fécond du « Langage d’Éros – Surréalisme, inconscient, élan vital et
féminin dans l’œuvre de Miró », alors que Juan José Lahuerta offre, quant
à lui, un beau focus sur « « Anti-peinture et « danseuses espagnoles » de
Joan Miró ».
À partir de 1960, enfin installé dans son atelier de Majorque, Miró
renouvelle alors son langage plastique et poétique ; c’est dans ces années
1960-1961 que seront peints les trois grands « Bleu » I, II et III. Habité
d’une grande puissance intérieure créatrice, il n’aura alors de cesse de
créer, peindre, mais aussi sculpter, appréhendant la céramique, la résine
ou encore les vitraux, etc., avec cette extraordinaire énergie tellurique
ou cosmique, une énergie comme puisée de l’île… et qu’il le mènera à
enchaîner jusqu’à sa disparition à Palma de Majorque en 1983 les
expositions tant nationales qu’internationales.
L’ouvrage donne, enfin, à voir en seconde partie l’ensemble des œuvres de
Joan Miró provenant de la collection du Centre Pompidou, offrant ainsi au
regard et à l’analyse les grandes périodes et l’évolution créatrice de
l’artiste. Un catalogue aussi riche qu’incontournable.
« L’art des icônes » de Tania
Velmans, Citadelles & Mazenod éditions, 2023.
Un ouvrage incontournable signé de la spécialiste internationale de l’art
byzantin, Tania Velmans, vient de paraître aux éditions Citadelles &
Mazenod. Ce sera l’occasion de comprendre combien le mot icône se laisse
plus difficilement appréhender qu’il n’y paraît de prime abord. Son
orthographe, en premier, marque sa singularité par rapport à la peinture.
Ce substantif féminin peut revêtir un accent circonflexe lorsqu’il est
écrit par les académiciens, mais le perd aussi vite chez de nombreux
auteurs qui n’hésitent pas à l’omettre suivant en cela la réforme de
l’orthographe ! L’étymologie nous apprend, en revanche, sans équivoque que
le mot vient du grec eikôn qui renvoie à l’idée d’image, de statue ou de
portrait. L’icône est ainsi une représentation religieuse sous forme
picturale déposée sur un panneau de bois (ce qui la distingue des fresques
également peintes), représentation qui acquière alors une valeur
symbolique et sacrée.
Mais l’auteur dans cette somme didactique remarquable souligne dès les
débuts de son propos combien il est nécessaire d’entrer dans la
compréhension de cet art bien particulier au risque de perdre des pans
entiers de sa signification. Si au 1er siècle de notre ère, et
probablement à l’époque même de Jésus, des icônes auraient commencé à
circuler représentant le Christ et par la suite la Vierge, ces images ne
nous sont malheureusement pas parvenues, non seulement en raison de la
fragilité même de leur support, mais surtout en raison de l’iconoclasme.
Ainsi que le rappelle Tania Velmans dans un chapitre consacré à cette
question, cette doctrine s’opposera farouchement au culte des icônes aux
VIII° et IX° siècles et conduira à la destruction d’un très grand nombre
de peintures sacrées.
Ces pratiques iconophobes démontrent ainsi que cette
création laisse rarement indifférent. Ferveur pieuse devant laquelle le
croyant se signe, porte même parfois des gants pour la toucher, l’icône
est beaucoup plus qu’une représentation religieuse, attitude vénérée dans
la tradition orthodoxe, plus éloignée de la sensibilité catholique et
protestante.
L’auteur explore ainsi la sacralisation progressive de cette image mobile
byzantine tout en rappelant ses fonctions. Les plus anciennes icônes
parvenues jusqu’à nous remontent au VI° siècle, c'est-à-dire au Bas-Empire
et correspond à la fin de l’Empire romain. Les références littéraires que
l’on peut retrouver avant cette date semblent plus concerner des icônes «
descriptives » que réellement sacrées. C’est donc à partir du VI° siècle
que l’art de l’icône prend son essor avec un culte de plus en plus marqué.
Elles ne sont plus des objets de mémoire mais de véritables entités de
dévotion à part entière. Elles pourront même être miraculeuses dans
certains cas, notamment celles qui sont estimées comme n’étant pas faites
de la main de l’homme (acheiropoiètos). Le christ pantocrator
(tout puissant) ou encore la Vierge Hodigitria (qui montre le chemin)
entreront dans les canons les plus anciens de l’art de l’icône. Après la
période macédonienne caractérisée par des canons artistiques très stricts,
le XI° siècle va en effet glisser vers un style plus austère, chargé
d’accentuer l’aspect spirituel des représentations peintes. Le XII° siècle
infléchira cette évolution avec des représentations plus chaleureuses
telle la très belle Vierge Eléousa peinte à Constantinople, si célèbre par
les nombreuses reproductions qui en seront faites et qui évoque une mère
pleine de tendresse à l’égard de son petit enfant lové entre ses bras. La
solennité de la représentation s’efface en effet pour ouvrir à une
dimension de miséricorde particulièrement émouvante. Le styles des
Comnènes analysé par l’auteur souligne combien l’art des icônes en ce XIIe
s. connaît un style délicat et une force d’expression encore jamais
réalisés ainsi qu’il ressort de l’icône « Le Miracle de Chonae »
appartenant au monastère Sainte-Catherine du Mont Sinaï.
Au terme de cette somme remarquable, le dernier chapitre retrace le
rayonnement de l’icône non seulement dans l’espace mais aussi selon les
siècles, témoignant ainsi de l’importance de cet art trop souvent méconnu.
« Poésies d’Emily Dickinson –
Illustrées par la peinture moderniste américaine » ; Edition bilingue
anglais/français ; Traduction et notes de Françoise Delphy ; Préface de
Lou Doillon ; Direction scientifique de l’iconographie et introduction
d’Anna Hiddleston ; Relié sous coffret illustré, 412 pages, 24.5 x 33 cm,
Editions Diane de Selliers, 2023.
Quel plus grand plaisir que de retrouver la poésie d’Emily Dickinson dans
cette magnifique édition illustrée par les plus grands artistes de la
peinture moderniste américaine de la première moitié du XXe siècle. Quels
artistes pouvaient, en effet, mieux dialoguer avec l’une des plus grandes
poétesses américaines du XIXe siècle ? À cette poésie empreinte à la fois
de légèreté et de profondeur, d’audace et de mélancolie, d’irrévérence et
d’éternité, c’est effectivement avec la même musique, rythmes, mais aussi
silences que viennent répondre ces immenses paysages, l’éternité de ces
ciels et larges horizons dans ce bouleversement des couleurs… Des œuvres
signées, ici, par plus de 60 artistes américains dont Edward Hopper,
Charles Burchfield, Georgia O’Keeffe ou encore Charles Burchfield dont
l’aquarelle « Butterfly Festival » aux milles papillons multicolores
offrent un écrin de choix pour le coffret de cette édition d’exception : «
Au nom de l’Abeille – / Et du Papillon – / Et de la Brise – Amen ! ».
Rockwell Kent, « Azopardo River », 1922,
huile sur toile, 86,7 × 111,8 cm The Phillips Collection,
Washington
Une poésie de lumière et d’ombre, ainsi que le souligne dans son
avant-propos l’éditrice Diane de Selliers : « L’aube, le crépuscule, la
vie et la naissance, les saisons, les vagues de l’âme, la mort,
l’aspiration à l’éternité. » Le lecteur retrouvera, en effet, dans ce
dialogue œuvre / Poésie toute l’irrévérencieuse sensibilité et modernité
de la poésie d’Emily Dickinson dans un choix de pas moins de 162 poèmes
présentés en anglais et traduits pour cette édition avec cette même
sensibilité par Françoise Delphy, spécialiste d’Emily Dickinson. Un
merveilleux et fructueux dialogue que relève d’emblée Anna Hiddleston dans
son introduction « Des mots à la peinture : Emily Dickinson et le
modernisme américain ».
Georgia O'Keeffe, Grey Blue and Black - Pink Circle, 1929,
huile sur toile, 91.4x121.9 cm, Dallas museum of art,
Dallas
Au fil des pages, c’est en effet toute l’émotion de
l’univers d’Emily Dickinson que le lecteur ressentira ; cette étrange
intensité que traduisent les majuscules intempestives, les tirets et les
merveilleux vers courts mêlant légèreté et d’éternité de cette poétesse
dont nous connaissons en fait si peu de choses, relève encore Diane de
Selliers : « Tant de mystères planent sur la vie et la personnalité d’Emily
Dickinson, femme hors du commun recluse dans la petite ville de Amherst à
l’ouest de Boston, dans le Massachusetts, où elle mourut en 1886… ».
Edward Hopper, Railroad Sunset, 1929, huile sur toile,
74.5x122.2 cm, Whitney museum of American art, New York
C’est un monde singulier, une vision propre à elle seule
que nous offre, en effet, Emily Dickinson, mais qui paradoxalement résonne
et trouve cet étrange écho en chacun de nous… « C’est comme si je
demandais l’Aumône, / Et que dans ma main étonnée / Un Étranger mettait un
Royaume / et que j’en sois abasourdie - / C’est comme si je demandais à
l’Orient / s’il y avait un Matin pour moi / Et qu’il lève ses Digues de
pourpre / Et me fracasse l’Aube ! »
Ainsi que le note Lou Moillon en sa préface : « Lire Emily Dickinson,
c’est découvrir un monde auquel on n’a pas accès, qu’on a le sentiment
d’avoir connu, d’avoir perdu, un éden duquel nous avons été bannis. »
“ Werner Bischof - Unseen Colour »
; Edition établie par Ludovica Introini and Francesca Bernasconi; Version
anglaise, 184 p., 102 illus. couleur, 21 x 24 cm, en collaboration avec
MASI Lugano et Fotostiftung Schweiz, Winterthur, Scheidegger & Spiess,
2023.
Les éditions Scheidegger & Spies offrent avec le présent volume consacré
au grand photographe suisse Werner Bischof (1916-1954) un aperçu
représentatif et complet de son travail allant de la photographie de mode
jusqu’aux prises de vue des plus déshérités, sans oublier ses fameux
reportages en noir et blanc d’après-guerre et guerre d’Indochine…
L’ouvrage réalisé avec soin met en avant ses premières photographies
couleur pour lesquelles le photographe aborde un autre aspect de son œuvre
où pointent les meurtrissures de l’après-guerre, mais aussi quelques
rayons de couleurs au détour d’un champ ou d’une encadrure de porte…
Bischof dans ses négatifs laisse percevoir à la fois un monde en
dévastation mais également toutes les espérances d’un lendemain meilleur.
La photographie de mode, bien sûr, est annonciatrice d’un monde que le
photographe ne connaîtra pas (il disparaît en 1954) mais dont ses œuvres
sont la préfiguration en jouant des effets de cadrage et de luminosité
sortant du classicisme et saturant avant l’heure les couleurs. L’ouvrage
est éclairé par de passionnantes études signées Clara Bouveresse,
historienne de la photographie française, Peter Pfrunder, directeur du
Fotostiftung Schweiz à Winterthur, et Luc Debraine, directeur du Musée de
la caméra suisse à Vevey.
Le lecteur pourra ainsi découvrir la manière dont le
photographe avait recours à divers types d’appareils ainsi que leurs
différentes techniques. Mais l’ouvrage séduira également pour ces univers
à jamais révolus, des témoignages sensibles d’une époque en transition et
que Bischof sut saisir avec une rare acuité artistique à la fois
remarquable et inoubliable.
« Zao Wou-ki – Catalogue raisonné
des peintures – Volume II – 1959-1974 », Co-édition Fondation Zao Wou-ki /
Editions Flammarion, 2023.
On ne peut que souligner et se réjouir de la parution du deuxième volume
du catalogue raisonné des peintures – 1959-1974 - de Zao Wou-ki sous la
direction de Françoise Marquet-Zao et Yann Hendgen. Un volume plus
qu’attendu depuis 2019, date de parution du premier volume couvrant les
années 1935 à 1958. Absolument splendide, avec une iconographie
exceptionnelle qu’exigeait assurément la création du célèbre artiste
chinois, ce beau livre offre en première partie un riche corpus des œuvres
de cette période accompagné de fructueuses contributions signées notamment
Melissa Walt, Yann Hendgen, directeur artistique de la Fondation Zao
Wou-Ki, ou encore Stephen Chao, neveu de l’artiste. Des textes offrant
pour chaque période de 1959-1974 des éclairages passionnants et parfois
inédits.
1959-1974, quinze années marquées par la reconnaissance internationale de
l’artiste et durant lesquelles « s’exprimant désormais dans un langage
pictural cohérent et mature, élaboré au cours des décennies précédentes,
il occupe une position stable sur la scène mondiale. », écrit Ankeney
Weitz dans sa préface. Âgé de 40 ans, marqué par la rupture avec sa
première femme et rentrant d’un tour du monde, c’est en effet la
reconnaissance qui désormais l’attend dans son nouvel atelier de Paris.
Ce sont des œuvres exceptionnelles que cet ouvrage donne à voir, souvent
sur de pleines pages ; des œuvres puissantes tels cet « Hommage à Henri
Michaux » de 1963 ou encore cette toile de 1973, « Hommage à René Char ».
Des toiles dans lesquelles l’énergie semble capturée non seulement à
jamais, mais à l’infini. Zao Wou-Ki dira n’avoir maîtrisé la peinture à
l’huile que dans ces années 1960… Reste que l’artiste n’aura eu de cesse
de chercher cette vision métaphysique du monde propre à lui, faite de
souffle, de vibrations et de poésie… Une œuvre qui fera de Zao Wou-Ki l’un
des plus grands représentants de l’abstraction.
« Louis Lagrenée (1725-1805) » de
Joseph Assémat-Tessandier, Editions Arthéna, 2023.
Le peintre français Louis Lagrenée couvrant de son art tout le XVIIIe
siècle fait l’objet d’une belle publication aux éditions Arthéna sous la
plume de Joseph Assémat-Tessandier, auteur lui ayant consacré une thèse
remarquée. Il fallait, il est vrai, une monographie captivante afin de
mieux faire connaître cet artiste souvent injustement méconnu et pourtant
à la belle carrière officielle, peintre d’Histoire, reçu à l’Académie
royale et directeur de l’Académie de France à Rome. C’est ainsi vœu exaucé
!
Louis Lagrenée connaîtra, en effet, un parcours « classique » avec un Prix
de Rome en 1749 et plus de 150 tableaux présentés au Salon du Louvre de
1755 à 1789. Cette carrière florissante en tant que peintre, mais aussi
décorateur et portraitiste s’inscrivit dans le mouvement rococo qui
s’imposa sous le règne Louis XV et qui se caractérise par son raffinement
et ses thèmes de prédilections pour les sujets galants et autres
évocations pastorales. Le classicisme et l’antique tiennent, cependant,
également une place importante dans l’œuvre de l’artiste où portraits,
scènes mythologiques et autres allégories sont l’occasion pour ce dernier
de déployer son art à la fois délicat et raffiné ainsi que le lecteur
pourra le constater et l’admirer dans ces pages avec des œuvres notables
telles « Les Amours de Psyché et de Cupidon » ou encore « Mars et Vénus ».
Soulignons encore que le rayonnement de Louis Lagrenée dépassera largement
les frontières du royaume pour s’élargir jusqu’à la Cour de Russie où
l’artiste connaîtra également la consécration en devenant le peintre
officiel de la tsarine Catherine II. Sa longévité le portera à peindre
jusqu’au terme de sa vie et à transmettre son art à de jeunes générations
d’artistes.
Surtout, et ainsi qu’il ressort de ce riche ouvrage exhaustif, de
nouvelles et belles découvertes ces dernières années d’œuvres considérées
comme perdues, mais aussi des études préparatoires et autres carnets de
croquis ont permis de préciser et d’augmenter encore l’ampleur de son
catalogue.
Artiste à la renommée internationale et emblématique du XVIIIe siècle,
Louis Lagrenée compte assurément parmi les artistes majeurs de ce siècle
et cet ouvrage permettra au lecteur d’en apprécier toute la richesse
notamment grâce à une iconographie remarquable accompagnant un catalogue
complet.
« Le Lin, fibre de civilisation(s)
» sous la direction d’Alain Camilleri, Editions Actes Sud, 2023.
Voici un bel hommage rendu au lin, cette plante également synonyme du fil
et du tissu auxquels elle donne naissance après un long processus de
culture et de techniques. Comment cette frêle plante aux teintes bleutées
si caractéristiques en plein cœur de l’été dans nos campagnes a-t-elle
plus se frayer un tel chemin au fil des millénaires et des civilisations ?
C’est le sujet de ce livre aussi beau qu’informé grâce à la collaboration
des meilleurs spécialistes sur la question. À l’heure des multiples
questionnements sur une agriculture raisonnée, le lin occupe une place de
choix tant ses multiples vertus font de lui une plante d’avenir. Et
pourtant, son histoire ne date pas d’hier si l’on songe à son importance
déjà dans l’économie égyptienne pharaonique. Chaque pan de l’histoire a su
tisser un maillage séré avec le lin ainsi que le découvrira le lecteur
dans ces pages allant de la préhistoire jusqu’à nos jours. Mais cet
ouvrage ne se veut pas qu’une seule histoire du lin – ce qu’il offre déjà
avec réussite – mais entend aussi livrer une réflexion actuelle sur
l’engouement que le lin suscite auprès des créateurs, stylistes et
designers sans oublier l’art de vivre qu’il véhicule. Un bel ouvrage
informé et captivant retraçant les enjeux que cette petite plante dénommée
le lin n’a pas fini de susciter !
« Noël Coypel - Peintre du roi »
sous la direction de Guillaume Kazerouni & Béatrice Sarrazin, 28 X 24 CM,
352 p., Snoeck éditions, 2023.
C’est au peintre du XVIIe siècle, quelque peu tombé dans l’oubli, Noël
Coypel qu’est consacrée cette vaste somme aux éditions Snoeck à l’occasion
des expositions qui lui sont consacrées au Château de Versailles et musée
des Beaux-Arts de Rennes. Ainsi que le relève en préface Laurent Salomé,
Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon : Si
Coypel fut négligé, ce n’est cependant ni en raison d’un talent médiocre,
ni d’un rôle secondaire dans les chantiers monumentaux entrepris durant le
règne du Louis XIV qu’il servit fidèlement. Il fut, il faut l’avouer,
injustement éclipsé par Le Brun et peu aimé de Mansard. Son style bien
différent de ses contemporains tout en s’inscrivant dans l’air du temps,
celui de à l’école de Bologne et de l’influence du grand maître Nicolas
Poussin, n’est pourtant pas dénué de paradoxes et de singularité, ainsi
qu’il ressort de la lecture de ce riche ouvrage collectif réalisé sous la
direction des spécialistes de Coypel, Bénédicte Sarrazin et Guillaume
Kazerouni, également co-commissaires des expositions.
En retraçant, en premier lieu, le cercle du peintre académique et ses
années de formation, le catalogue souligne l’héritage du paysage bolonais
– et ses couleurs – ainsi que l’influence de Charles Errard qui repèrera
rapidement le talent et la propension du jeune artiste à s’inscrire dans
la politique de grands décors du Grand Siècle. Ainsi vont se succéder de
grandes commandes auxquelles Coypel participera activement : le parlement
de Rennes avant de s’illustrer par les grandes réalisations des
différentes demeures royales (Tuileries, Versailles, Meudon…) que Béatrice
Sarrazin analyse dans le détail de ces pages.
La dimension religieuse fait l’objet également d’une section passionnante
sous la plume de Guillaume Kazerouni avec une impressionnante série
d’œuvres développant un traitement original de la transcendance tout en
s’inscrivant dans des critères formels traditionnels.
Le catalogue se termine par une section consacrée à une part méconnue et
néanmoins importante de l’artiste à la manufacture des Gobelins, Coypel
ayant également consacré son art à celui de la tapisserie avec des cartons
et maquettes somptueux analysés par Clara Terreaux et Arnaud Denis. Enfin,
Guillaume Kazerouni vient conclure cette somme indispensable à la
compréhension de Noël Coypel avec des pages dédiées aux dernières années
de sa vie, années qui malgré les relégations seront marquées par des
œuvres brillantes et loin d’être mineures faisant de cet artiste une
personnalité bien singulière et d’une longévité artistique exceptionnelle.
« Passion Partagée - Une
collection d’art africain constituée au XXIe siècle », Bruno Claessens,
Michel Vandenkerckhove , Didier Claes, Hughes Dubois (photography) ;
Relié, 384 p., 31 x 28 cm, Fonds Mercator, 2023.
L’art africain fait l’objet ces dernières décennies d’une
exploration et belle mise en valeur tendant à lui restituer toute sa
richesse et ses multiples variations. Car l’appellation même au singulier
« d’art africain » demeure encore bien trop réductrice ainsi qu’en
témoigne ce somptueux livre d’art paru aux éditions Fonds Mercator et
réalisé par Bruno Claessens, Michel Vandenkerckhove , Didier Claes et
Hughes Dubois pour la photographie. La rencontre de passionnés, celle du
collectionneur Michel Vandenkerckhove et du marchand d’art Didier Claes, a
en effet donné naissance à cet ouvrage servi par une iconographie
remarquable signée en noir et blanc par Hughes Dubois. Les œuvres
dialoguent entre elles, une conversation qui n’aurait pas déplu à un
certain André Malraux…
Si les traces écrites de la culture africaine font souvent défaut, les
multiples œuvres d’art ainsi présentées et qui ont su tant inspirer les
artistes au début du siècle passé forment le musée témoin de la grandeur
de ces civilisations pour nombre d’entre elles disparues. Ces quelque deux
cents objets réunis dans ce livre d’art révèlent en effet au-delà de la
collection d’Anne et Michel Vandenkerckhove les richesses encore
insoupçonnées du continent africain, au-delà des clichés encore trop
présents des arts dits « traditionnels ».
Cette statue Mumuye en bois du Nigeria à l’équilibre
parfait, cette figure de reliquaire Mahongwe en bois et métal du Gabon à
l’ovalité matricielle renvoient aux notions les plus sacrées de ces
civilisations dotées d’une si riche cosmographie. Les masques, les
fétiches sans oublier les sublimes sculptures des Lega de l’est de la
République du Congo manifestent non seulement la dextérité de leurs
artistes mais témoignent également de la richesse de la pensée symbolique
africaine. Raffinement artistique et mythologies constitutives se
conjuguent avec un rare bonheur au fil des pages de cette collection
inspirée.
« Portraits : architectural
parables » de François Charbonnet et Patrick Heiz, 656 pages, Editions
Park Book, 2023.
Première parution consacrée au célèbre cabinet d’architecture Mad In, cet
ouvrage signé François Charbonnet et Patrick Heiz, les fondateurs, devrait
être fortement salué, et ce à plus d’un titre !
En premier lieu, « Portraits : architectural parables » offre une mise en
perspective originale des idées et perceptions en matière d’architecture
et de design au fil du temps ayant influencé ou orienté les nombreux
projets et réalisations du célèbre cabinet d’architecture et design
suisse. L’ouvrage est, en effet, parti du postulat que tout projet repose
avant tout sur les pensées ou perceptions visuelles l’ayant précédé. Ce
sont ces extraordinaires métamorphoses qu’ont souhaité retracer les
auteurs et fondateurs, François Charbonnet et Patrick Heiz, au travers de
multiples et riches thèmes porteurs.
Aussi n’est-il pas étonnant, en deuxième lieu, que « Portraits :
architectural parables » offre une extraordinaire iconographie des plus
variées mariant plans, photographies et célèbres toiles en passant même
par des extraits de la Recherche ! L’ouvrage de plus de pages 650 fait
appel et s’appuie, en effet, sur une incroyable documentation et
information issues aussi bien de projets architecturaux, de l’histoire de
l’art, de la littérature ou encore de notre cadre vie au quotidien…
Surtout, à la lecture de ce fort volume, à la présentation, reliure et
format allongés, sobres et originaux, le lecteur découvrira l’ensemble ou
plutôt la méthodologie et process de penser protéiformes retenus par le
célèbre cabinet d’architecture et design suisse Made In. Refusant tout
système fermé et approche exhaustive, l’ouvrage a fait choix de donner à
lire une façon de penser et de concevoir foisonnante et des plus fécondes.
Une approche et méthodologie de conception que François Charbonnet et
Patrick Heiz ont su développer et transmettre dans leur enseignement au
Département d'architecture de l'ETH Zurich ainsi qu’à l'Accademia di
architettura de Mendrisio.
Pour toutes ces raisons, cet original, riche et fertile ouvrage devrait
retenir l’attention de plus d’un professionnel ou curieux et figurer au
titre de livre de référence dans toute bonne bibliothèque !
« Chess Design » de Romain
Morandi, Norma Editions, 2022.
Véritable hommage esthétique au noble jeu dont les origines se perdent
dans la nuit de temps, « Chess design » présente une documentation
exceptionnelle sur le jeu d’échecs avec près de 300 échiquiers parmi les
plus précieux ou célèbres. En couvrant de manière exhaustive plus d’un
siècle de création de l’Art nouveau dès 1895 à l’an 2000, Romain Morandi,
historien de l’art et propriétaire de la galerie portant son nom, signe un
ouvrage que ne pourra que faire date. L’ouvrage présente en effet
l’évolution des formes et des designs de ce jeu réunissant un échiquier et
16 pièces par joueur de formes aussi variées que celle de la créativité
des artistes présentés en ces pages. Chess Design fait ainsi la preuve que
l’art a su s’inviter dans cette pratique souvent jugée élitiste jusqu’au
siècle dernier et qui par sa démocratisation a autorisé une multiplicité
des formes et même des couleurs dans un univers pourtant singulièrement
codifié. Ainsi que le relève Romain Morandi dans sa préface : «
l’échiquier symbolise la prise de contrôle, non seulement sur des
adversaires et sur un territoire mais aussi sur soi-même ».
Fort de ces enjeux, les plus grands artistes allaient s’emparer de cette
discipline mondialisée et souvent représentée par des personnalités qui
deviendront des stars. Bois, verre et céramique se verront compléter par
des matériaux inusuels en ce domaine tels l’acier, le plastique et même
des matériaux composites, sans parler bien entendu du numérique. Les plus
grands noms de l’art et du design laisseront le témoignage de leur
créativité, on pense bien entendu à Marcel Duchamp et Man Ray, mais aussi
Calder, Vasarely, et plus proche de nous Damian Hirst.
Les passionnés d’échecs ou amateurs de beaux objets jetteront assurément
leur dévolu sur cette mine d’information aussi plaisante à regarder grâce
à sa riche iconographie que passionnante à lire !
« HIROSHIGE - Les éventails d'Edo
- Estampes de la collection Georges Leskowicz » ; Textes de Christophe
Marquet avec la collaboration de Toshiko Kawakane ; Fondation Jerzy
Leskowicz ; 288 p., 198 illus., 35 x 24 cm ; Reproduction des estampes au
format d’origine, In Fine Éditions, 2022.
Le maître de l’estampe japonaise Hiroshige (1797-1858) est passé à
l’immortalité depuis le milieu du XIXe siècle pour son habileté à saisir
tout aussi bien des paysages qui l’ont rendu célèbre que de courtes scènes
que nul autre artiste ne réussira à concurrencer. Les estampes pour
éventails constituent une part souvent méconnue et plus rare de l’œuvre de
ce grand artiste. Aussi est-ce avec curiosité et plaisir que le lecteur
pourra découvrir cet ouvrage paru aux éditions In Fine consacré aux
éventails d’Hiroshige dits « d’Edo » offrant de magnifiques reproductions
d’estampes au format d’origine.
Ce livre d’art restitue toute la magie des éventails plats en bambou (uchiwa)
du dernier imagier d’Edo avec cette habileté à se saisir d’infimes scènes,
règne de l’éphémère si cher à l’esprit japonais. Ces estampes faisant
partie de la collection Georges Leskowicz sont présentées en ces pages
pour la première fois par Christophe Marquet et Toshiko Kawakane, ces
spécialistes replaçant ici ces œuvres précieuses et rares dans le contexte
de l’histoire de la gravure pour éventails au Japon.
Que l’on retienne la lecture savante proposée par ces auteurs ou bien une
découverte au fil des pages en un plaisir purement esthétique, le lecteur
appréciera le raffinement du trait, l’équilibre toujours saisissant des
couleurs, cette habileté à suggérer un quotidien transcendé par la beauté
de la nature en autant de scènes délicatement composées…
Si nous pensions bien connaître l’œuvre du grand maître de l’estampe
japonaise de la première moitié du XIXe s., cet ouvrage se chargera de
manière esthétique de nous faire la preuve du contraire !
« African Modernism - The
Architecture of Independence. Ghana, Senegal, Côte d'Ivoire, Kenya, Zambia
» ; Sous la direction de Manuel Herz avec Ingrid Schröder, Hans Focketyn
and Julia Jamrozik ; Photographies de Baan et Alexia Webster ; 640 pages,
23,5 x 32 cm, 2nd édition, Park Books 2022.
Rapidement épuisé après sa sortie en 2015, cet ouvrage consacré à la
modernité africaine fit l’objet d’un accueil unanime et reçut de
nombreuses récompenses : Lauréat du FILAF d'or, premier prix des meilleurs
livres sur l'art en 2015 au FILAF (Festival international du livre et du
film d'art), désigné également comme étant l’un des plus beaux livres
suisses de 2015, lauréat du DAM Architectural Book Award 2016… Cette
reconnaissance justifiait ainsi une nouvelle édition sur un sujet souvent
méconnu et donnant à lieu à bien des réductions postcoloniales. Car, ainsi
que le démontrent les auteurs de cette somme remarquable, le continent
africain recèle des trésors d’architecture des années 50 et 60, période
clé de son histoire caractérisée par l’accès à l’indépendance de la
plupart de ces États.
Contrairement à l’idée reçue, ces pays et notamment ceux faisant l’objet
de ces analyses – à savoir le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Kenya et la
Zambie – ont su exprimer leur identité par des créations architecturales
d’envergure. Ce modernisme africain s’est ainsi manifesté de la manière la
plus créative qui soit par des bâtiments aussi ambitieux que talentueux,
point de rencontre entre ce nouvel élan et les cultures locales. Les
auteurs présentent et analysent dans ces pages abondamment illustrées une
centaine de réalisations avec leur descriptif, images, plans de sites et
d’étage. Les prises de vue réalisées par Iwan Baan et Alexia Webster sont
pour la plupart d’entre elles récentes et permettent de se faire une idée
du projet initial sans pour autant en masquer leur état actuel, souffrant
souvent de l’épreuve des temps à l’image de biens de nos édifices
occidentaux…
Véritable somme consacrée à l’urbanisme et l’architecture postcoloniaux, «
African modernism » fait entrer de plain-pied le lecteur dans un univers
foisonnant de créativité ne donnant qu’une envie, celle de découvrir ces
réalisations sur site !
Les auteurs :
Manuel Herz dirige son propre studio de design et d'urbanisme à Bâle et
à Cologne. Il est professeur assistant à l'Université de Bâle. Ingrid
Schröder est architecte et directrice du programme MPhil en architecture
et design urbain à l'Université de Cambridge. Elle a été nommée directrice
de l'École d'architecture de l'Architectural Association à Londres en mai
2022 et assumera ce poste en août 2022. Hans Focketyn dirige sa propre
agence d'architecture à Bâle et enseigne en tant que professeur à l'école
d'architecture, de bois et de génie civil de l'Université des sciences
appliquées de Berne à Berthoud, en Suisse. Julia Jamrozik est architecte
et professeure adjointe à l'École d'architecture de l'Université de
Buffalo à Buffalo, NY. Conçu par Marie Lusa.
« Jean Bardin (1732-1809), le feu
sacré » ; Catalogue sous la direction d’Olivia Voisin, 304 p., Editions Le
Passage, 2022.
Le présent catalogue publié par les éditions Le Passage propose au lecteur
une découverte, celle d’un peintre du XVIIIe siècle trop souvent
injustement méconnu, et pourtant auteur de nombreuses œuvres d’art
déterminantes à la veille de la Révolution. Accompagnant l’exposition du
musée des Beaux-Arts d’Orléans, cet ouvrage nous fait entrer au cœur même
de la création artistique en cette fin du XVIIIe siècle dans le contexte
des Lumières et d’un Ancien Régime qui s’estompe. Jean Bardin, peintre de
talent et reconnu à son époque sait également dispenser son art au plus
grand nombre, notamment dans le cadre de l’École gratuite de dessin à
Orléans alors qu’il avait atteint l’âge de 53 ans. Ce pédagogue hors pair,
ainsi que le souligne les nombreuses études que le catalogue réunit, sut
en effet transmettre non seulement l’art de la peinture d’histoire que
nous retrouvons dans les nombreuses reproductions couleur qui ornent avec
bonheur cet ouvrage, mais également de magnifiques évocations d’art sacré
dans lequel le peintre excellera également. Remportant le prix de Rome,
Bardin dont le goût assuré correspond aux standards de son époque saura
aussi réaliser des toiles prestigieuses telle sa grande œuvre, le cycle
monumental des sept Sacrements pour la chartreuse de Valbonne, dans le
Gard. Virtuosité, précision du trait et magnificence de la couleur dans
l’esprit de Nicolas Poussin qu’il vénéra sa vie durant caractérisent l’art
de Bardin ainsi qu’il ressort de ce riche catalogue qui aura entre autres
mérites – et non des moindres - de rappeler la mémoire d’un peintre qui
inventa un nouveau langage préfigurant le siècle à venir.
Jean-David Jumeau-Lafond :
“Martine de Béhague, une esthète à la Belle Époque”, Flammarion, 2023.
Le Nirvana, yacht privé de Martine de Béhague, 80 m de long, a sillonné
les mers lointaines afin d’assouvir cette soif d’absolu qui anima toute sa
vie cette richissime collectionneuse d’œuvres d’art. On prêtait à la
Comtesse Martine d’acquérir une œuvre d’art par jour au temps de la Belle
Époque… Cette passion remonte à loin, sa mère comme son père ayant eu
également un goût de la beauté, legs précieux pour leur enfant. Tout est
objet, pour cette femme curieuse et intrépide, de découvertes au fil de
ses multiples voyages : tableaux, archéologie, bibliophilie, architecture…
La Méditerranée formera notamment l’un de ses champs de recherche, avec
une attirance certaine pour l’antique. Tout en connaissant les grands de
ce monde, artistes et écrivains tels Henri de Régnier, Marcel Proust ou
encore Paul Verlaine, cette personnalité atypique cultivait les
contrastes. Éprise de beauté, elle aimait à préserver sa solitude et
appréciait par-dessus tout un cercle restreint d’habitués. Cette quête
d’esthète constituait la raison même de sa vie ainsi que le souligne
Jean-David Jumeau-Lafond. Peut-être a-t-elle recherché dans ces œuvres
d’art ce qu’elle n’avait su préserver de son mariage qui fut un échec ? Sa
fantaisie la poussait à chérir cette liberté qui devait primer sur tout,
et sa curiosité s’étendait à un large registre de créations, sans pour
autant être une collectionneuse invétérée. Son hôtel particulier rue
Saint-Dominique était le symbole de ses multiples attirances et abritait
différents salons consacrés à ses nombreuses passions où l’antique se
disputait aux beaux arts. Son rapport aux œuvres n’était pas celui du
spécialiste, mais relevait plus d’une quête d’absolu jamais atteint. Ainsi
que le relève Valentine de Ganay en préface, Martine de Béhague n’a jamais
cessé de faire des choix très personnels, qualifiés pour certains
d’éclectisme, choix qui pourtant ont composé un ensemble certes subjectif
mais qui a cependant rejoint celui des grands passionnés de l’art depuis
l’aube des temps. Cet ouvrage refait vivre cette véritable odyssée grâce
aux très nombreux documents inédits réunis par la sagacité de l’historien
de l’art Jean-David Jumeau-Lafond, une pérégrination aux multiples visages
qui ne pourra que susciter la curiosité et l’intérêt du lecteur.
« Martine Martine » Yves Gagneux –
Catalogue raisonné tome II, 24,5 x 31 cm, 280 pages, Éditions du Regard,
2022.
Avec ce deuxième tome paru aux éditions du Regard, Yves Gagneux,
conservateur général du patrimoine et directeur de la Maison Balzac, et
Guillaume Daban nous convient à cette belle découverte l’œuvre de
l’artiste Martine Lévy. Née à Troyes en 1932 dans une famille de
collectionneurs, c’est très tôt qu’elle se trouve initiée à l’art auquel
elle consacrera toute sa vie. Plus connue sous son nom d’artiste Martine
Martine, son œuvre sera protéiforme, qu’il s’agisse des médiums employés
allant du dessin au pastel, en passant par la gravure et l’huile sans
oublier la sculpture, des thèmes multiples qui inspireront un catalogue
impressionnant dont ce deuxième volume venant compléter l’inventaire.
Comment caractériser le travail de Martine Martine avec ce deuxième opus
du Catalogue raisonné servi par une édition soignée et remarquable ? Par
delà la diversité des thèmes et des séries, Martine Martine appréhende ses
sujets dans sa globalité, avant d’en livrer par de multiples séries un
nombre impressionnant de facettes tel qu’il ressort de ces premiers
carnets traitant des portraits de sumotori dont la rondeur et la vigueur
des visages ont su capter l’œil de l’artiste.
À la manière du théâtre kabuki, Martine Martine esquisse
quelques traits marquants qui parviennent à restituer la vitalité et la
profondeur de ces instants saisis presque sur le vif. En autant de petites
vignettes, ces carnets déstructurent le sujet afin de se l’approprier et
de donner vie à une nouvelle représentation. Les carnets III & Mémoires
III allant de 2003 à 2013 prolongent cette démarche et prennent comme
nouveau champ de recherche Balzac dont Martine Martine livre une multitude
de portraits et de lavis, répétant inlassablement cette exploration de la
physionomie, devenant elle-même œuvre d’art. Tenant presque de la démarche
initiatique, ce geste quasi obsessionnel envoûte le lecteur et le conduit
à une certaine extase, à l’image des compositions d’un Philip Glass ou de
Steve Reich. Au terme de ce parcours singulier et fascinant, le lecteur
aura le sentiment d’entrer dans l’intimité de la création de Martine
Martine, ce qui n’est pas le moindre des attraits de ce superbe Catalogue
raisonné.
« Maurice Calka – Le sculpteur du
design » de Xavier de Jarcy, Editions Albin Michel, 2022.
C’est avec un vif intérêt que le lecteur découvrira cette belle et
première monographie consacrée à Maurice Calka (1921–1999) et signée par
le journaliste Xavier de Jarcy aux éditions Albin Michel. De ce «
sculpteur de design » ayant marqué l’histoire de l’art de la deuxième
moitié du XXe siècle, chacun a bien entendu à l’esprit son fameux bureau «
boomerang », objet du design pop iconique des années 1969, tout en
couleurs et rondeurs et qui illustre la couverture de ce beau livre. Mais,
Maurice Calka est aussi et surtout un génial artiste pluridisciplinaire
donnant à voir une variété de réalisations et matériaux incroyables allant
de la sculpture au design urbain ou encore à l’architecture. Qui ne se
souvient également, à la simple évocation de son nom, de ces fameux
papillons géants de Vanves venus si agréablement égayer le « périph’ »
parisien en 1981 ?
Véritablement artiste inclassable, sculpteur, designer, dessinateur,
architecte et urbaniste, l’œuvre de Maurice Calka ne saurait laisser
indifférent. Aussi, est-ce avec bonheur que les amateurs de design, mais
aussi tout collectionneur ou curieux d’art découvriront cet ouvrage soigné
avec son format carré et ses couleurs acidulées. Devant tant
d’expériences, de matériaux et de réalisations, l’auteur, Xavier de Jarcy,
a fait choix d’une approche chronologique allant des jeunes années de
l’artiste à « L’école Calka »… Des places ou bâtiments publics aux
intérieurs plus intimistes, l’artiste n’a eu, en effet, de cesse d’innover
et de surprendre. Remportant le Premier Grand Prix de Rome de sculpture en
1950, Maurice Calka se fait connaître avec un nouvel art urbain dès les
années 60. Optant pour une « Sculpture pour tous », l’artiste saura
s’imposer avec des sculptures, bas-reliefs ou encore fresques que ce soit
à Clamart ou encore Reims. Les multiples places publiques réalisées par
l’artiste retiendront également, bien sûr, l’attention, tant ces dernières
s’enchaînent avec une diversité et couleurs à couper le souffle ; on songe
à Saint-Louis de La Réunion, à Paris, à la place des Gradins de Torcy en
1975… Et puis, comment oublier, Maurice Calka, architecte ou designer ?
Comment oublier cette fabuleuse Renault 5 Cacharel de la fin des années
1970 ?
Et, oui, Maurice Calka, c’est tout cela et il fallait assurément une telle
monographie complète et incontournable pour rendre hommage à ce grand
artiste de la deuxième moitié du XXe siècle.
« Proust, la fabrique de l'œuvre »
sous la direction d’Antoine Compagnon, Guillaume Fait et Nathalie Mauriac
Dyer, catalogue d’exposition BNF, 240 pages, Gallimard, 2022.
Vaste entreprise que d’explorer la fabrique de l’œuvre de Marcel Proust !
Mais, une heureuse initiative entreprise aujourd’hui sous la direction
d’Antoine Compagnon de l’Académie française à l’occasion de l’exposition
éponyme actuellement à la BnF. A l’image d’un abécédaire littéraire des
plus nourris, le présent catalogue présente de A à Z, la création
littéraire proustienne avec des entrées aussi variées et pittoresques que
« Water-closet », « Zut, zut, zut, zut » ou « Kapitalissime »… Derrière
l’apparent farfelu de certaines de ces thématiques se trouve cependant
développé avec brio et passion le véritable laboratoire d’écriture de
l’auteur de La Recherche. Ainsi que le relèvent Antoine Compagnon,
Guillaume Fait et Nathalie Mauriac Dyer « la vision de l’écrivain au
travail dans ses manuscrits s’impose aussitôt au lecteur », évoquant les
fameuses paperoles qui accompagnaient ce travail souvent long et répété de
rédaction se nourrissant de multiples références croisées. Comment
cependant recoller tous ces morceaux accumulés par ce long processus de
composition ? Quelle relation entretenait l’écrivain avec le temps, ce
fameux « Temps », tout au long de la genèse de l’œuvre à accomplir ?
Comment avons-nous reçu ce legs un siècle après et que faire de ces
multiples manuscrits constituant la création proustienne ? C’est à ces
questions auxquelles répond avec précision et clarté ce riche catalogue
illustré, bien sûr, par de nombreuses reproductions des manuscrits de
Marcel Proust, mais aussi de photographies d’époque et autres œuvres
d’art. Pour les amateurs du célèbre écrivain, mais aussi pour les esprits
curieux souhaitant vagabonder de page en page dans l’immense laboratoire
de la création littéraire d’A la recherche du temps perdu, cet abécédaire
réservera bien des agréments et exquises surprises.
« L’Épopée de Gilgamesh »
illustrée par l’art mésopotamien, direction scientifique de l’iconographie
et introduction d’Ariane Thomas, photographies de Jean-Christophe Ballot,
traduction de l’arabe d’Abed Azrié, volume relié sous coffret, 24,5 x 33
cm, 280 pages. Éditions Diane de Selliers, 2022.
Les éditions Diane de Selliers offrent au lecteur l’un des plus anciens
témoignages de l’humanité avec « L’Épopée de Gilgamesh », une source
antique de plus de quatre mille ans et dont certains épisodes tel celui du
Déluge, du passeur ou encore celui du serpent ont été repris par nombre de
civilisations antérieures. Nous sommes en Mésopotamie, berceau de notre
humanité avec l’agriculture et l’écriture, et ce héros légendaire que fut
Gilgamesh, roi de la dynastie d’Ourouk, qui connaît par delà les multiples
aventures affrontées toutes les émotions d’un mortel aspirant à
l’immortalité…
Ainsi que le souligne la spécialiste Ariane Thomas, directrice du
département des Antiquités orientales du musée du Louvre, cette geste
remarquable se divise en deux parties, celle d’un roi jeune et intrépide,
ami indéfectible d’Enkidou, auquel arrivent toute sorte d’aventures, puis
une deuxième partie avec la mort de son ami, une période marquée par le
chagrin et les doutes avant de partir en quête de l’immortalité…
Cette épopée incroyable concentrant un éventail saisissant de sentiments,
reliant passé et présent, propose ainsi une lecture universelle du destin
humain et de la quête du sens de la vie. À la différence du mythe qui
développe le caractère surhumain de ses personnages, l’épopée retient
quant à elle le caractère humain – trop humain – du personnage de
Gilgamesh qui sera soumis à un parcours initiatique tel celui d’Ulysse
dans l’Odyssée. Véritable genèse de la philosophie dans ses derniers
développements, « L’Épopée de Gilgamesh » anticipe par certains de ses
aspects ce que les philosophies hellénistique et romaine développeront
notamment avec le stoïcisme.
Au terme de son parcours, Gilgamesh atteint une certaine sérénité, celle
d’un homme qui a compris que le destin n’appartient pas aux rêves futurs
et incertains ainsi que le soulignera plus tard le philosophe Sénèque,
mais dans cette vie à l’instant présent dont il nous faut cueillir les
fruits, ici et maintenant…
Il fallait pour ce récit si précieux un écrin à la hauteur et, comme à
l’accoutumée, Diane de Selliers a réuni un trio de choix notamment en la
personne de Jean-Christophe Ballot qui livre en ces pages de véritables
œuvres d’art photographiques accompagnant le texte de l’Épopée. Ses prises
de vue en noir et blanc révèlent et accentuent la richesse des œuvres
millénaires des antiquités orientales notamment du musée du Louvre et
autres collections mondiales grâce au savant éclairage sur ces œuvres
apporté par Ariane Thomas. Gabriel Bauret, auteur de plusieurs livres sur
la photographie, souligne cette double richesse du texte et de l’image,
richesse qui peut s’apprécier simultanément ou bien successivement. Enfin,
palme doit être rendue à la belle traduction offerte par le poète et
chanteur Abed Azrié, né à Alep, qui a su se saisir à partir de traductions
arabes du souffle épique de ce texte immémorial.
Un voyage au long cours proposé par les éditions Diane de Selliers et dont
les étapes initiatiques ne manqueront pas de passionner les lecteurs de
cet ouvrage qui rend un bel hommage à cette civilisation qui inventa
l’écriture.
« Wang Keping » de Virginie
Perdrisot-Cassan, Aline Wang et Anne-Laure Buffard ; Relié, 224 pages, 23
x 30 cm, 250 illustrations, Editions Flammarion, 2002.
Beaucoup se réjouiront de cette première monographie en français consacrée
au sculpteur chinois Wang Keping. L’ouvrage co-écrit par Virginie
Perdrisot-Cassan, historienne de l’art, Aline Wang, directrice du studio
Wang Keping, et Anne-Laure Buffard, directrice adjointe de la galerie
Obadia, offre au regard et à l’analyse une riche et belle mise en
perspective de la carrière et de l’œuvre de Wang Keping avec un éclairage
en particulier sur ses œuvres de maturité.
Les sculptures de Wang Keping livrent un langage singulier autour de
thèmes et de formes qui se jouent, se nouent et s’enroulent tels ces «
couples » ou ces oiseaux aux formes épurées et arrondies. Mais, « Mes
oiseaux ne sont pas des oiseaux – souligne Wang Keping – se sont du bois,
des sculptures. Mes oiseaux sont des contes, de l’imagination.»
Affichant une nette préférence pour le bois, il fut très tôt surnommé « Le
Maître du bois ». Cette prédilection pour le bois, quelle que soit
l’essence, ne le quittera plus, et se retrouve encore dans ses œuvres de
maturité, des sculptures monumentales en bois, donc, mais également en
bronze telle cette sculpture « Lolo » en bronze pour la fondation Camignac
de 4 mètres de hauteur. L’ouvrage revient également sur ce choix du bronze
dès la fin des années quatre-vingt par l’artiste ; Wang Keping que le
lecteur retrouvera notamment dans la fonderie suisse en 2009.
Aujourd’hui internationalement reconnu, rappelons que Wang Keping fut un
des fondateurs du mouvement d’avant-garde chinois, The Stars Art Group, à
la fin des 1970. L’artiste, exilé politique, arrivé en France en 1984,
acceptant les influences respectives de Brancusi, de Zadkine mais aussi de
Zao Wou-Ki ou encore de Gao Xinglang, a su très tôt imposer son propre
style, cette profonde force de vie aux variations infinies.
« Monet » de Ségolène Le Men, 320
illustrations couleur, Relié sous jaquette et coffret illustrés, 29 x 33,5
cm, pages 456, Editions Mazenod & Citadelles, 2022.
Cette somme unique en langue française consacrée à l’ambassadeur de
l’impressionnisme que fut Claude Monet ne pourra que réjouir les amateurs
d’art et amoureux du peintre de Giverny. Tout ou presque a été réuni en
cet ouvrage d’exception de taille imposante (456 pages) afin de retracer
la longue vie fertile de celui qui à juste titre a été présenté comme le
père de l’art moderne. En ces pages illustrées avec soin par une abondante
iconographie de plus trois cents illustrations couleur, Ségolène Le Men,
professeur émérite d'histoire de l'art a l'université Paris Nanterre et
membre senior de l'Institut universitaire de France, parvient à se saisir
de cette immense icône de la peinture en une approche renouvelée et
convaincante.
L’ouvrage retrace en effet les tout débuts du jeune artiste au Havre
lorsqu’il signait encore Oscar ses caricatures, pan méconnu de l’art du
futur maître et qui témoignait déjà de l’acuité de son regard… Ségolène Le
Men insiste justement sur ces premières années souvent passées sous
silence et qui ont eu pourtant leur importance pour l’évolution ultérieure
de l’artiste. Notamment les influences de Boudin et Jongkind, les
premières impressions laissées par la nature saisies dans ce dessin
annonciateur « Les Bords de la Lézarde » où le crayon noir sur papier gris
anticipe les futures inspirations du peintre dans son traitement des ondes
et du végétal. Les fameuses Marines de Boudin, ce jeu subtil des nuages et
de la mer concourront eux aussi à ce rapport unique que Monet entretiendra
entre sa main le paysage et la toile. Ces initiations tissent en effet
progressivement un maillage complexe de références que l’artiste usera à
l’envi dans de multiples séries passées à la postérité depuis : les
Meules, la gare Saint-Lazare, la cathédrale de Rouen avant les hypnotiques
variations de Giverny.
Ce regard formé aux multiples effets et impressions du plein air sera par
la suite enrichi d’autres rencontres et sources d’inspirations ainsi qu’il
ressort de son attrait irrépressible pour les arts de l’extrême orient
sans oublier la photographie et les premières heures du cinéma… Cet
ouvrage se trouve également éclairé par la confrontation de sources
multiples grâce à l’abondante correspondance du peintre, les témoignages
de ses contemporains, l’ami de toujours, Georges Clemenceau, sans oublier
Mirbeau, Zola, Proust.
Au final, c’est un Claude Monet plus familier que nous livre Ségolène Le
Men, mais aussi un artiste inaccessible lorsque son art le transporte en
d’infinies variations. Une somme indispensable pour mieux approcher non
seulement Claude Monet, mais également de manière plus générale
l’Impressionnisme auquel il a livré ses plus belles œuvres.
« Albrecht Dürer – Gravure et
Renaissance » ; Collectif, Château de Chantilly / BNF, Editions In f=Fine,
2022.
Le fort riche catalogue qui accompagne l’exposition consacrée à Albrecht
Dürer (1471-1528) au Jeu de Paume du Château de Chantilly entrainera son
lecteur non seulement dans l’immense œuvre de l’artiste, mais aussi sur
les routes de la Renaissance ; car, admirer l’œuvre gravée du Dürer qui
fut également orfèvre, dessinateur et peintre, c’est aussi parcourir
l’Europe de la Renaissance en ce tournant du XVe au XVIe siècle. L’artiste
dut, en effet, toute sa vie durant non seulement parcourir les chemins et
cours d’Europe pour trouver commanditaires et commandes, mais eut
également un goût personnel prononcé pour le voyage. C’est donc une belle
mise en perspective que livre l’ouvrage replaçant l’immense créativité de
l’artiste au cœur des échanges et changements, non seulement artistiques
mais aussi politiques et religieux, de son époque.
Ainsi, après les années de formation de l’artiste dans l’effervescence
artistique de Nuremberg - « La fabrique d’un artiste », à l’aube de 1500,
le lecteur découvrira-t-il un premier et long chapitre consacré à « Dürer
en Italie à l’heure de la gravure » : Dürer et l’artiste Jocopo de Barbari
qu’il admire et rencontrera probablement à plusieurs reprises. L’artiste
vénitien transmettra à Dürer la passion de l’étude des proportions, mais
aussi Dürer et Raphaël, Dürer et Leonard de Vinci, ou encore l’artiste à
Venise où il rencontra un véritable succès ; « Ici, je suis un prince »,
écrira-t-il… Venise marquera effectivement un tournant dans l’œuvre de
l’artiste avec des œuvres exceptionnelles telles « la Fête du Rosaire ou «
le retable Landauer »…
Dans un deuxième temps, le lecteur découvrira le graveur, « chez lui »
dans son atelier, une étape essentielle ouvrant sur les maîtres allemands
notamment Martin Schongauer mais aussi sur les artistes issus de son
atelier notamment Hans Baldung Grien, Hans Wechtlin ou encore Lucas
Cranach. Dürer maîtrisera toutes les techniques de la gravure (bois,
burin, eau-forte et pointe sèche).
Mais surtout, avant de se refermer sur l’artiste aux Pays-Bas notamment
lors de son établissement à Anvers, ce riche catalogue de plus de 280
pages et largement illustré s’arrête sur la reconnaissance du graveur de
son vivant - « Dürer à son sommet », avec cette représentation du monde
qui lui fut si chère ; Une représentation du monde qui fit de lui ce
graveur incomparable et universel et qui marqua à jamais non seulement son
époque mais sut rayonner jusqu’à nous…
« 6 Months in the fridge – Travels
throught Northern Europe » ; Photographie de Michael Königshofer ; Relié,
208 pages, Version anglaise, Éditions teNeues, 2021.
C’est à un fantastique voyage dans le Grand Nord de l’Europe, en
Scandinavie, auquel le photographe Michael Königshofer nous invite avec
bonheur. « 6 months in the fridge » précisément ! Une aventure avec pour
seule étoile, l'étoile Polaire et le cercle polaire de l’arctique…
Le lecteur suit ainsi avec plaisir et curiosité cet extraordinaire
photographe australien en Norvège, en Islande, en Écosse jusqu’au
Groenland. La splendeur des paysages émerveille, Michael Königshofer ayant
su, en effet, restituer par son objectif toute la beauté et magie de ces
somptueuses terres du nord de l’Europe.
Pour Mikael Königshofer comme pour son lecteur, chaque jour ou page de ces
contrées lointaines enneigées et glacées offre son lot de découvertes et
surprises. Car au-delà de la beauté des paysages, c’est aussi un lointain
habité fait de rencontres que nous conte Mikael Königshofer. Habitants,
traditions et cultures y sont également capturés et racontés avec passion
par ce talentueux photographe qui avoue avec humour avoir toujours froid
même en Australie !
Appuyé par un riche texte et de cartes, pêcheurs, artisans ou encore
surfers, mais aussi art et architecture s’y dévoilent, parfois en de
saisissants contrastes, dans de grandioses et époustouflants paysages de
Scandinavie. Tout le talent du photographe Michael Königshofer au service
de la splendeur du grand froid du nord de l’Europe.
« Simon Hantaï » - Catalogue de
l'exposition Fondation Louis Vuitton sous la direction d’Anne Baldassari,
29 x 30.5, 370 pp., Fondation Louis Vuitton / Gallimard, 2022.
Avec cet impressionnant catalogue consacré à Simon Hantaï et publié à
l’occasion de l’exposition qui se tient à la Fondation Louis Vuitton, Anne
Baldassari offre une somme inégalée sur l’artiste dont nous fêtons cette
année le centenaire de la naissance. L’impressionnante rétrospective
qu’abrite la Fondation Vuitton méritait effectivement un tel hommage.
L’ouvrage au format généreux réunit non seulement deux entretiens précieux
pour entrer dans l’œuvre de l’artiste avec les témoignages de son épouse
Zsuzsa Hantaï et de Daniel Burren, mais aussi de nombreuses contributions
notamment de Jean-Luc Nancy, Georges Didi-Huberman, Jean Louis Schefer
ainsi qu'une chronologie de la vie de Simon Hantaï par Anne Baldassari.
Né en 1922 en Hongrie et naturalisé français, ce « Souabe errant » ainsi
qu’il se qualifie fréquemment n’aura de cesse de partir à la recherche de
significations, une errance toujours questionnée au fil de son riche
parcours évoqué en ces pages. C’est en France qu’il réalisera l’essentiel
de son oeuvre dont plus de 130 sont reproduites, ici, en un large format.
Suivant un parcours chronologique, l’ouvrage défile une à une les pages
des grandes évolutions marquant le travail de cet artiste insatiable et au
regard scrutateur. « On ne peint que pour Dieu » aimait à rappeler le
peintre d’origine catholique, une ferveur et un élan qui se matérialisera
par de larges aplats et « déplis » de couleurs profondes et éclatantes.
Ainsi que le souligne Georges Didi-Huberman, Hantaï déploie dans ses
œuvres une mémoire familiale profonde, élargie par le recours à la
couleur, anamnèse par des surfaces successives de couleurs.
Ce catalogue nous fait entrer de manière éclatante dans la richesse de
cette œuvre protéiforme, peintures à signes, monochromes, mariales,
Catamurons, Panses, Meuns, etc. Un véritable parcours initiatique éclairé
par des œuvres d’autres artistes ayant compté dans le développement de
Simon Hantaï tels Henri Matisse ou Jackson Pollock.
Nombreuses seront les découvertes à la lecture de ce précieux catalogue
qui complètera idéalement la remarquable exposition actuellement à la
Fondation Louis Vuitton Paris.
« Tokyo pourpre – Une nuit dans le
Tokyo undergroud » de Jean-Christophe Grangé avec les photographies de
Patrick Siboni, Éditions Albin Michel, 2021.
C’est une poésie pourpre et singulière qui est née de cette féconde
rencontre entre le célèbre auteur français de thriller Jean-Christophe
Grangé et le photographe Patrick Siboni. Cette étrange atmosphère pourpre
est celle d’un Tokyo underground que l’écrivain, passionné par le Japon, a
découvert lors de ses recherches pour la « La terre des morts ». « La
nuit, Tokyo est rouge » écrit l’auteur, et c’est ce Tokyo rouge, écarlate,
qu’arpentent chacun avec leur sensibilité Jean-Christophe Grangé avec sa
plume et Patrick Siboni avec son objectif.
C’est, en effet, à la rencontre d’un Tokyo moins connu auquel nous convie
tant l’écrivain que le photographe avec cet ouvrage. Tokyo de la fin de
journée lorsque la nuit s’avance doucement et offre les « Premières
rencontres », la femme japonaise, la table, etc. Puis, lorsque la nuit
d’Extrême-Orient enveloppe la ville, la pluie, les lumières qui s’allument
et le dernier train qui s’éloigne… Car Tokyo jamais ne dort et se révèle
encore tard dans la nuit au-delà des clichés ; lorsque s’ouvre un autre
monde, lorsque néons, enseignes, stations de métro s’illuminent tout de
rouge et se répondent tel « Un battement sourd, un murmure organique, un
magnétisme intime, qui vous attire et vous effraie à la fois » écrit
encore Jean-Christophe Grangé.
Un ouvrage livrant en un format à l’italienne un étrange Kaléidoscope de
Tokyo du crépuscule jusqu’à l’aube dans une envoûtante déclinaison du
rouge avec ses secrets et passions ; sourde alors le rouge écarlate, cogne
et bat le rouge sulfureux et éclate ce rouge d’un « Tokyo pourpre »
profond et secret, car « Tokyo la nuit recèle de milliers de secrets, et
parcourir ses rues, jusqu’au bout de l’aube, s’apparente à une quête de
tous les extrêmes, envoûtante, inouïe, inoubliable. » écrit
Jean-Christophe Grangé livrant un « Tokyo pourpre » underground jusqu’au
bout de la nuit.
« Modigliani »de Thierry Dufrêne ;
Relié sous coffret illustré, 330 illustrations, 29 x 42 cm, 324 pages,
Editions Citadelles & Mazenod, 2022.
Les qualificatifs ne manqueront pas pour évoquer la toute dernière
parution « Modigliani » aux éditions Citadelles & Mazenod. Exceptionnelle,
cette biographie de Thierry Dufrêne l’est assurément à plus d’un titre, à
commencer pour son généreux format 29x42 et la richesse de l’iconographie
rassemblée. Mais l’ouvrage consacré à l’un des plus grands artistes du XXe
siècle apparaît, dès les premières pages, comme l’une des synthèses les
plus inspirées sur le peintre et le siècle dans lequel il s’est inscrit.
Thierry Dufrêne revisite le mythe de l’artiste maudit qui a longtemps
caractérisé le parcours et l’œuvre d’Amadeo Modigliani. Le biographe a
multiplié les questionnements sur la genèse de son œuvre, réinterrogeant
non seulement ses origines italiennes, mais également ses sources
d’inspirations allant de Michel-Ange aux masques africains.
Si, bien entendu, la place et le rôle joués par les
artistes de Montmartre et de Montparnasse sur le jeune Amedeo seront
déterminants, l’admiration pour Toulouse-Lautrec mais aussi les approches
de Gauguin, Degas et encore Cézanne ne sauraient être négligés. Le lecteur
comprendra rapidement que le musée imaginaire de Modigliani est complexe
et touffu, à l’image de la société qui se dessine, progressivement sous
ses yeux, au tournant du siècle. Paris et les femmes resteront au cœur de
son œuvre, ses portraits « sculptées » sur la toile révélant – sans s’y
soumettre pour autant – toutes les influences artistiques de ses aînés,
Picasso en tête.
L’ouvrage parvient à force de démonstrations éclairantes appuyées par une
iconographie convaincante à faire surgir l’extrême originalité et
complexité de l’œuvre de Modigliani. Nombreux sont les courants de
l’histoire de l’art qui trouvent en l’artiste une convergence lumineuse,
renouvelant les thèmes abordés en de multiples inspirations. Tels ces
inoubliables portraits de femmes, Jeanne, Hanka ou encore Lunia dont les
reproductions en grand format soulignent la luminosité de la palette de
Modigliani. Les réalités sociales de son époque se trouvent ainsi
sublimées par le regard posé par l’artiste, un regard métamorphosé pour sa
dernière période (1918-1919) après un long séjour sur la Côte d’Azur…
Un ouvrage d’exception qui ne pourra que faire date dans la bibliographie
de Modigliani, autant pour la force rhétorique de ses développements que
pour sa beauté de livre d’art.
« Far Far East – A tribute
to faraway Asia”; Textes d’Alexandra Schels ; Photographies Patrick
Pichler ; 272 pages, Version : Anglais / Allemand, Éditions teNeues, 2021.
C’est une splendide invitation au voyage que nous proposent Alexandra
Schels et Patrick Pichler avec « Far Far East », un ouvrage nous
entraînant sur les chemins de huit pays d’Extrême-Orient : Sri Lanka,
Chine, Mongolie, Japon… Le lecteur parcourt ainsi en compagnie des auteurs
les nombreux chemins et paysages de l’Asie, chaque pays dévoilant ses
espaces, sa culture et ses traditions.
Que ce soit les textes d’Alexandra Schels ou les magnifiques photographies
de Patrick Pichler, chaque chapitre invite, en effet, à la découverte, à
la curiosité avec pour fil directeur cette « Ode au ralentissement ». Car,
en ces pages, aussi belles les unes que les autres, ce sont des traditions
différentes, des contrées lointaines, déserts ou métropoles que nous
découvrons avec émerveillement. Sur plus de 260 pages avec des
photographies souvent époustouflantes pleine-page ou double page, chaque
pays révèle ainsi sa singularité ; hautes montagnes du Népal, métropoles
de la Corée du Sud, nomades de Mongolie…
Que cela soit à pied ou par train, c’est l’Asie avec ses sentiers de
montages, ses rivages et baies, ses villes et habitants au travers huit
pays différents qui livre en ces pages toute sa beauté et ses secrets… Un
bel hommage à l’Asie.
« Beatriz Milhazes » ; Sous la
direction de Hans Werner Holzwarth ; Edition trilingue français/anglais
/allemand ; 26 x 34 cm, 580 pages, Éditions Taschen, 2021.
Comment résister à cet univers d’explosion de couleurs ? C’est, en effet,
une magnifique invitation à entrer dans cette fabuleuse galaxie de
couleurs brésiliennes que propose cette splendide monographie consacrée à
l’artiste Beatriz Milhazes et parue aux éditions Taschen. Cette somme de
plus de 500 pages sous la direction de Hans Werner Holzwarth offre au
regard toute la puissance de lumière et de couleurs du pays natal de cette
artiste brésilienne hors du commun.
Alternant entre abstraction et symboles ou scènes de vie brésiliennes, les
toiles de Beatriz Milhazes transmettent une énergie rare, une force de vie
incroyable qui la caractérise et a fait la signature de l’artiste. Nées
sous l’influence d’Henri Matisse ou encore de Bridget Riley, ces œuvres
livrent en effet une exubérante chorégraphie envoûtante de couleurs. Mais,
l’œuvre de Beatriz Milhazes sait aussi se faire plus musique et
s’assombrir sous le vent de la mélancolie. C’est cette richesse et
complexité que le lecteur découvrira dans ces merveilleuses pages,
l’ouvrage actualisé réunissant pas moins de 300 œuvres de l’artiste
jusqu’aux plus récentes. Explorant les différentes étapes de la carrière
de Beatriz Milhazes, les multiples motifs ou encore les matériaux auxquels
elle a eu recours, l’ouvrage propose une analyse approfondie de l’œuvre de
cette artiste brésilienne qui a su s’imposer dès les années 1980.
Un travail mis en perspective par de riches contributions, notamment celle
de l’historien d’art David Ebony, mais aussi par un entretien accordé par
l’artiste elle-même à Hans Werner Holzwarth, entretien dans lequel Beatriz
Mihlazes dévoile ses méthodes de travail ou revient sur le contexte
culturel de ses œuvres. Une belle analyse complétée par un dictionnaire
des principaux motifs de Beatriz Milhazes réalisé par Adriano Pedrosa
auquel vient s’ajouter une biographie complète et actualisée par Luiza
Interlenghi.
« Antoine Schneck » de Pierre Wat
; Relié cartonné, 25 x 32 cm, 180 illustrations, 292 pages, Éditions In
Fine, 2021.
C’est un très bel ouvrage que consacrent les éditions In Fine à l’artiste
français Antoine Schneck. Signé de l’historien d’art Pierre Wat, également
critique d’art et professeur d’université, l’ouvrage tout de noir vêtu,
ainsi qu’il se devait pour Antoine Schneck, livre une splendide mise en
perspective de son travail et réalisations. Antoine Schneck, photographe
plasticien, a en effet toujours privilégié pour ses dernières à la fois
les fonds noirs et les séries. Ainsi concernant son travail sur les
portraits, ce dernier a-t-il toujours retenu au-delà du fond noir une
approche directe du visage lui permettant une extrême expressivité et une
parfaite mise en lumière. L’artiste avoue s’être souvent inspiré pour ses
techniques de l’histoire de l’art, et plus particulièrement de l’histoire
même de la peinture.
Mais, ses recherches ne se sont jamais enfermées dans le seul travail du
portrait, si expressif soit-il. Antoine Schneck a également, au gré de ses
voyages et pérégrinations, consacré de célèbres séries aux oliviers
millénaires, mais aussi aux fleurs, aux arbres ou encore aux carburants.
Pour son travail, l’artiste souligne avoir très tôt adopté le numérique
lui offrant à la fois un large potentiel et une grande qualité, n’hésitant
pas à retravailler la palette graphique. N’ayant de cesse de renouveler
recherches et trouvailles, Antoine Schneck a ainsi eu recours pour ses
derniers travaux notamment au collodion humide.
Et, c’est justement « A Rebours », d’aujourd'hui à 2006 que le plasticien
photographe a souhaité revisiter son travail. Un choix révélant, ainsi que
le souligne Pierre Wat dans son introduction, que « le fil directeur qui
unit tant de pratiques et de lieux, c’est Antoine Schneck lui-même,
autrement dit la vie d’un homme qui vient s’incarner en autant de
pratiques, des déplacements, et d’expériences vécues. » L’ouvrage s’ouvre
ainsi en 2021-2020 sur le studio de l’artiste et cette série de portraits
lors de son voyage au Kenya jusqu’à 2006. Plus de 15 ans d’un beau chemin
fait de rencontres, d’altérité et de photographies captivantes voire
fascinantes.
Les investigations de l’artiste et son chemin de vie de photographe
plasticien offrent, il est vrai, au regard une large et belle diversité de
séries – allant des chiens célèbres aux gisants de la Basilique
Saint-Denis en passant par les soldats de la Première Guerre mondiale du
sommet de l’arc de Triomphe. Portraits, animaux et objets se côtoient
ainsi dans cette splendide monographie dans un savant bonheur, celui des
rencontres, voyages et expériences de l’artiste, des séries toujours
marquées par la griffe même d’Antoine Schneck, par la force et l’acuité de
son regard.
« L'Âme de la Champagne –
Artisanat d’art et haute gastronomie » de Philippe Mille ; Photographe :
Anne-Emmanuelle Thion ; Relié pleine toile avec fer à chaud, 288 pages,
24x30 cm, Éditions Albin Michel, 2021.
Lorsqu’ un chef talentueux conjugue son art à celui d’un terroir de
plusieurs millénaires, cela donne un beau livre, véritable ode au produit
et à l’artisanat d’art de la Champagne. Philippe Mille à la tête du
restaurant deux étoiles les « Crayères » à Reims signe en effet un livre
qui parvient à atteindre cette alchimie toujours délicate entre beau livre
et recettes, culture et histoire, artisanat et patrimoine…
Véritable écrin aux recettes sélectionnées avec soin par le chef, cet
ouvrage s’avère aussi appétissant qu’esthétique grâce aux magnifiques
photographies d’Anne-Emmanuelle Thion qui ont su capter toute la
délicatesse et le raffinement de l’art de ce grand chef, ce qui n’est
jamais un exercice des plus faciles. Philippe Mile nous propose en entrée
un plat aussi singulier qu’évocateur des plaines crayeuses caractérisant
la campagne champenoise avec cet Esprit de craie et couteaux, un plat que
l’on imagine à la fois soyeux et d’une longueur en bouche rehaussé par les
bulles de Chardonnay et la mousseline de chou-fleur… À ce met délicat et
créatif, de subtils accords sont proposés avec un Champagne Barons de
Rotschild 2010 dont la minéralité ne peut que souligner la structure du
plat conçu par le chef, du grand art.
Entre chaque recette, des pages également inspirantes mettent en avant
l’art de la Champagne tels les inoubliables vitraux de la cathédrale de
Reims, l’argile donnant naissance aux superbes poteries de l’artisan
Jean-Luc Pirot, qui à leur tour inspire un nouveau plat au chef avec ces
pommes de terre en croûte d’argile. Chaque page fait écho à la créativité
et à l’inspiration en un labyrinthe sensoriel inépuisable.
C’est un magnifique voyage que nous propose cet ouvrage en un splendide
condensé des richesses de la Champagne, culturelles, architecturales,
artisanales, et bien sûr, gastronomiques. Le chef Philippe Mille, pourtant
originaire de la Sarthe, a su transmettre assurément avec ce bel ouvrage
une part de l’âme de la Champagne !
« Les ébénistes de la Couronne
sous le règne de Louis XIV » de Calin Demetrescu ; 448 p. , 24 x 28 cm,
plus de 400 illustrations couleur, Relié au fil sous couverture plein
papier, La Bibliothèque des Arts, 2021.
Les liens étroits unissant le Roi Soleil aux artistes sont bien connus de
nos jours et nul n’ignore que le jeune monarque sut très tôt se servir de
ce goût personnel afin de renforcer son pouvoir. Parmi ces arts,
l’ébénisterie tient une place de choix, le mobilier royal s’avérant une
pièce essentielle dans la décoration des différents lieux royaux, le plus
connu se situant bien sûr à Versailles. Fort de ce domaine porteur, Calin
Demetrescu a réalisé un travail de recherche particulièrement fertile sur
plus de dix ans.
C’est le fruit de ces études qui a donné naissance à cet ouvrage paru aux
éditions La Bibliothèque des Arts aussi remarquable que précieux pour la
qualité de son étude. L’auteur après avoir étudié des centaines de
documents d’archives, pour la plupart inédits, propose en effet avec ce
splendide livre de 448 pages abondamment illustré une somme de référence
sur les ébénistes de la Couronne durant le règne de Louis XIV.
Ces hommes ayant travaillé pour le Garde Meuble de la Couronne et les
Bâtiments du Roi, appellations d’alors officielles, composent en fait un
réseau de métiers différents et complémentaires allant de l’ébéniste à
part entière, en passant par le marqueteur, le bronzier, l’ornementiste,
etc. Tous les pays sont convoqués afin de nourrir le rang de ces artisans
venus du Royaume mais aussi d’Italie ou des pays du nord de l’Europe.
Calin Demetrescu, historien de l’art et spécialiste réputé en ce domaine,
offre ainsi dans cet ouvrage à la fois didactique et détaillé un état de
la recherche et des découvertes d’œuvres majeures. Des noms célèbres comme
celui d’André-Charles Boulle font l’objet de nouvelles propositions, sans
oublier des artistes importants comme Domenico Cucci, Alexandre-Jean
Oppenordt…
Après avoir livré un aperçu de l’époque et des métiers du meuble à Paris,
essentiel à découvrir afin de mieux comprendre le contexte historique de
cette recherche, l’ouvrage développe les méthodes de travail et
d’attribution avant d’analyser la production du mobilier royal. La
deuxième partie s’attache aux biographies des ébénistes majeurs de Louis
XIV, Boulle, Armand, Campe, Cucci, les Gaudron, Gole, Macé… avec pour
chacun une biographie, l’analyse de l’atelier et collaborateurs sans
oublier leurs œuvres. Pour conclure, cette somme de référence ouvre sur la
fortune, la réussite sociale et les collections des ébénistes de la
Couronne parachevant ainsi de manière exhaustive et plaisante cette
analyse des artistes ébénistes du monarque absolu.
« Travellers’Tales – bags Unpacked
» de Pierre Le-Tan et Bertil Scali ; Relié, 448 p., Version anglaise ou
française, Editions Thames & Hudson / Louis Vuitton, 2021.
Ce sont de fabuleux récits de voyageurs que nous proposent aujourd’hui les
éditions Louis Vuitton dans une publication, comme toujours, des plus
soignée. Signée Pierre Le-Tan et Bertil Scali, les auteurs ont entrepris
avec une mise en page attractive et un humour décapant d’évoquer pour nous
le voyageur dans tous ses états, « Bags Unpacked », pour le plus grand
plaisir des lecteurs.
On y retrouve, bien sûr, les sublimes malles de voyage Louis Vuitton qui
ont fait la réputation de la célèbre enseigne. Une incroyable collection
de récits et de malles arborant le célèbre monogramme Louis Vuitton d’hier
à aujourd’hui. On raconte même que certains y avaient logé leur lit ! Ce
sont ainsi pas moins de cinquante récits de voyageurs, tous plus
extravagants et mondains les uns que les autres, de véritable contes, des
« Travellers’Tales » allant des aventuriers et fortunés voyageurs du XIXe
siècle aux artistes, acteurs et stars d’aujourd’hui. Un rare bonheur.
Le lecteur voyagera ainsi dans cette escapade pétillante en compagnie de
Sarah Bernhardt, Paul Poiret ou Karl Lagerfeld, d'Henri Matisse à Jeff
Koons sans oublier Sharon Stone et Madonna. Entrecoupés d’anciennes
publicités ou plutôt « réclames » de l’incontournable enseigne lorsqu’il
s’agit de voyages, chaque récit nous conte une expérience unique,
farfelue, loufoque mais toujours d’une rare élégance. Que n’ont pu, en
effet, contenir toutes ces malles Louis Vuitton ayant parcouru le monde…
Celle de Eugénie de Montijo, de Luchino Visconti, d’Audrey Hepburn ou plus
près de nous de Keith Richards ? Des secrets de voyages en ces pages
délicieusement partagés.
Un voyage au long cours de plus de quatre-cents pages aussi séduisant que
cocasse que viennent illustrer les dessins frais et épurés,
reconnaissables entre tous, de Pierre Le-Tan.
« L’Abstraction » d’Arnauld Pierre
et de Pascal Rousseau ; Sous coffret, 28.8 x 34.5 cm, 400 p., Éditions
Citadelles & Mazenod, 2021.
C’est une publication incontournable que les Éditions Citadelles & Mazenod
nous proposent avec ce superbe volume entièrement consacré à «
L’Abstraction ». Ce mouvement artistique né au début du siècle dernier en
occident et qui sut s’affranchir des codes figuratifs et mimétiques
représentant jusqu’alors le réel. Naissent ainsi les formes, couleurs,
lignes et mouvements de ce mouvement dénommé « Abstraction » tel que nous
le rappelle si joliment le coffret de cette splendide publication avec les
œuvres de Robert Delaunay et d’Helen Frankenthaler. Par ces codes
esthétiques, « L’Abstraction » impose un nouveau langage visuel auquel
sont convoqués aussi bien artistes, philosophes que scientifiques.
Cet ouvrage sans précédent offre une vision « grand-angle » unique à la
fois analytique et internationale de cet extraordinaire mouvement
artistique ayant marqué le XXe siècle. Avec une vaste et belle
iconographie, ce volume coécrit par Arnauld Pierre, professeur d’histoire
de l’art à Sorbonne Université, et Pascal Rousseau, professeur de l’art
contemporain à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et à l’École des
beaux-arts de Paris, livre en effet une synthèse d’une rare richesse de ce
mouvement artistique à nul autre pareil. L’Abstraction fut dans l’histoire
de l’art une véritable révolution, un changement sans précédent de
paradigme marquant une rupture majeure. Loin d’être une simple aventure
stylistique, les auteurs soulignent combien l’abstraction fut comparable à
la Renaissance florentine au XVe siècle.
C’est cette fabuleuse évolution que nous retracent magistralement étape
par étape Arnauld Pierre et Pascal Rousseau dans ce fort volume, remontant
aux prémices de l’abstraction, de ses origines, ses pionniers avec, bien
sûr, Kandinsky et Piet Mondrian, jusqu’à l’art contemporain et parcourant
le monde de l’Europe à l’Amérique latine jusqu’au Japon. Aucun angle de
cet extraordinaire mouvement dépassant largement l’histoire de l’art n’a
été en ces pages négligé que ce soit ses racines remontant au milieu du
XIXe siècle, sa mondialisation ou encore les évolutions technologiques du
cinéma au numérique. Les formes, couleurs et lumière de Kupka ou encore de
Picabia, éblouissent. L’imaginaire s’emballe grâce aux dérèglements des
formes et structures des années 1960 – 1980. Des œuvres majeures les plus
emblématiques de l’abstraction aux expérimentations cybernétiques de ces
dernières décennies, le lecteur ébahi vogue dans l’univers de
l’abstraction. Les formes, couleurs et concepts prennent sous ses yeux vie
l’entrainant pour son plus grand plaisir dans ce fabuleux monde qu’offre «
L’Abstraction ».
Une remarquable entreprise menée par deux grands spécialistes qui ne
pourra par son analyse et sa richesse que s’imposer en ouvrage de
référence.
« O’Keeffe » de Camille Viéville ;
Relié sous coffret, 32.5 x 27.5 cm, 325 illustrations couleur, 384 pages,
Editions Citadelles & Mazenod, 2021.
A souligner la splendide monographie consacrée à Georgia O’Keeffe, artiste
moderniste majeure du XXe siècle, aux éditions Citadelles et Mazenod. Une
artiste américaine internationalement saluée de son vivant, mais qui
demeure étrangement et injustement trop peu connue en France.
Signé Camille Viévielle, spécialiste de l’art contemporain, ce superbe
ouvrage nous ouvre (enfin) les portes de son immense œuvre. Poussant
toujours plus loin ses recherches, laissant éclater son expressivité, les
formes et les couleurs, c’est une œuvre foisonnante que nous a laissée, en
effet, Georgia O’Keeffe (1887-1986).
Au plus près de son travail par son analyse et son abondante et magnifique
illustration, l’ouvrage aborde la jeunesse et les premières années de
l’artiste avant d’entraîner littéralement son lecteur dans chacune des
grandes périodes O’Keeffe. Du modernisme New Yorkais des années 1920,
entre figuration et abstraction, des années minimales de l’après-guerre
aux années 60 durant lesquelles elle s’imposera en pionnière de l’art «
hard edge » en passant par ses tableaux aux fleurs reconnaissables entre
tous ou encore ses paysages néo-mexicains, les toiles de l’artiste
fascinent. Des toiles grandioses aux formes voluptueuses, aux couleurs
éclatantes ou profondes, quelque soit la période considérée, O’Keeffe
s’impose et se démarque avec cette force picturale incroyable. Comment
oublier la sensualité de ses fleurs, la volupté ronde de ses paysages, la
puissance de ses toiles ?
Une force de vie que l’on retrouve également dans son quotidien et sa
propre vie. Georgia O’Keeffe fut, en effet, non seulement l’une des plus
grandes artistes nord-américaines du XXe siècle, mais aussi une femme
exceptionnelle, indépendante et libre. Et si Georgia O’Keeffe affirma à la
fin de sa vie : « Je suis fatiguée de ma propre histoire, de mon mythe »,
Camille Viéville ajoute, à juste titre, en conclusion de ce superbe
ouvrage : « Pourtant ce mythe aux multiples facettes – la pionnière du
modernisme, la femme forte et indépendante, la solitaire du désert – n’a
cessé de grandir depuis les années 1960-1970, notamment au travers d’une
nouvelle génération d’artistes ».
Une monographie exceptionnelle, aussi grandiose que l’œuvre de Georgia
O’Keeffe, et qui ne peut que s’imposer en ouvrage de référence.
« Borders » ; Photographies de
Jean-Michel André et texte de Wilfried N’Sondé ; Relié, 24 x31.7 cm, 110
p., Éditions Actes Sud, 2021.
C’est un ouvrage puissant et à nul autre pareil que nous livre aujourd’hui
aux éditions Actes Sud le photographe Jean-Michel André accompagné du
texte de l’écrivain Wilfried N’Sondé. Fruit d’une réflexion et d’un
travail de quatre années, Jean-Michel André entend donner à voir ou plus
précisément à se souvenir, ici, du visage de l’autre au sens de Levinas,
celui que trop souvent nous ignorons ou ne voulons pas voir. Migrants,
immigrés, sans-abris, femmes ou hommes en vie, habités de désespoir,
espoir et de rêves. Jean-Michel André, artiste de la Galerie Sit Down, n’a
eu de cesse depuis plus de vingt ans dans sa création photographique
d’interroger les territoires, les limites, la mémoire et l’oubli. Oubli du
visage de ces hommes de dos encapuchonnés assis au milieu de nulle part
regardant le lointain de l’horizon…
Aussi n’est-il pas étonnant que le dernier ouvrage du photographe «
Borders », sans être ni un témoignage et encore moins un reportage, livre
au-delà des splendides photographies une réelle et belle réflexion
photographique, une profonde réflexion trouvant son plein écho à la fois
dans les paysages esseulés, désolés, et dans les textes forts de Wilfrid
N’Sondé. Wilfrid N’Sondé, écrivain, musicien-compositeur et chanteur,
mène, lui aussi pour sa part, une œuvre littéraire ancrée sur l’exil, la
marginalité et notre rapport à l’autre. Le photographe Jean-Michel André
et l’écrivain Wilfrid N’Sondé ne pouvaient pas dès lors ne pas se
rencontrer. Le destin les a fait se croiser à l’Institut français de Tunis
et débuter ce fructueux dialogue qu’ils nous offrent aujourd’hui de
découvrir dans ce bel ouvrage.
Un dialogue profond et poétique puisant également sa force dans une mise
en page originale et pensée, alliant aux écrits de W. N’Sondé sur feuille
volante la superposition des petits et grands formats photographiques. Le
lecteur découvrant, lisant, tournant, revenant, ne peut dès lors que
plonger littéralement dans une belle et longue méditation. La lune sur
Voie lactée se montre, s’efface pour mieux réapparaître… Les textes
s’envolent et se décalent, les frontières deviennent floues,
l’espace-temps se modifie au gré des photographies et des textes. Dunes
perdues et esseulées, crêtes arides et blessées, lorsque la mer devient
noire et que les ciels s’assombrissent. Loin de vouloir un énième
témoignage, les auteurs ont souhaité gommer toute localisation ou
chronologie. C’est à un vertige source d’écho et de résonnance qu’invite
cet ouvrage dans une étrange et belle alchimie de désespoir et de poésie.
Un bel ouvrage qui résonne longtemps encore après avoir été refermé…
« Avant-Garde as Methode –Vkhutemas
and Pedagogy of Space – 1920-1930 »; Sous la direction d’Anna Bokov, avec
les contributions de Kenneth Frampton et d’Alexander Lavrentiev ; 24 x 31
cm, 664 p., 1045 illustrations, Éditions Park Books, 2021.
À souligner la parution aux éditions Park Books d’un ouvrage complet et
unique en son genre, extrêmement bien documenté, entièrement consacré aux
méthodes d’enseignement des Vkhutemas en Union Soviétique durant les
années 1920-1930.
Ces instituts d’art et de technologie supérieurs moscovites, à l’instar du
Bauhaus, furent les premiers à souhaiter dispenser un enseignement
artistique et technologique à très large échelle, nommé « la méthode
objective ». Anna Bokov, architecte et historienne d’architecture, revient
sur cet enseignement expérimental et ces années moscovites durant
lesquelles l’Avant-Garde s’imposa comme méthode à part entière.
A travers une multitude de chapitres, de riches
contributions et une abondante iconographie, l’auteur a souhaité explorer
les diverses facettes de cet enseignement associant aux valeurs
traditionnelles académiques celles plus novatrices de l’ère industrielle.
Un enseignement à large échelle fondé avant tout sur une nouvelle approche
pédagogique reposant autant sur l’expérimentation en atelier que sur les
échanges réciproques entre enseignants et étudiants. Les différentes
structures des Vkhutemas, ayant développé cette nouvelle approche
d’enseignement artistique et technologique, furent par la suite largement
intégrés au programme officiel soviétique de ces années 1920-1930. Fort de
plus de 600 pages, de programmes, photographies et illustrations,
l’ouvrage retrace ainsi avec précision le développement et les objectifs
pédagogiques mis en œuvre par les Vkhutemas, centre de l’avant-garde
soviétique, que ce soit le constructivisme, le rationalisme ou encore le
suprématisme.
Anna Bokov souligne, enfin, combien les Vkhutemas ont su développer « L’Avant-Garde
comme Méthode », notamment par une pédagogie spécifique de l’espace et de
l’architecture. Une expérimentation pédagogique qui déboucha sur de
nombreux projets et réalisations architecturaux et urbains.
« SUR LES CHEMINS DU PARADIS » ;
Catalogue de l’Exposition éponyme au musée Les Franciscaines de Deauville,
éditions Hazan, 2021.
Le catalogue de l’exposition « Sur les chemins du Paradis » publié aux
éditions Hazan vient inaugurer le nouveau pôle culturel « Les
Franciscaines » de la ville de Deauville. Cette réflexion convoquant le
témoignage des trois religions sur le paradis s’appuie sur l’image et
l’art au carrefour des cultures. Thierry Grillet, le commissaire de cette
exposition ouverte sur une dimension plurielle, entend inscrire cet
évènement dans le dialogue entretenu par les promesses du paradis de ces
différentes religions. Ainsi que le souligne le maire de Deauville,
Philippe Augier, en avant-propos « L’exposition elle-même Sur les chemins
du paradis est en soi une déclaration, un appel à la tolérance et à la
compréhension mutuelle ».
Le processus de la croyance, de la foi, les difficultés de la vie à la
recherche d’un espace d’espoir sont autant de dimensions permettant
d’aborder cette notion, celle de la représentation du paradis dans les
trois monothéismes, de manière plurielle et fertile. Le catalogue souligne
ainsi par le moyen de l’art contemporain ce questionnement fondamental de
l’homme, telle cette toile monumentale de Miguel Rotschild, représentant
une voûte céleste réalisée à partir d’un cliché d’une région de l’univers
pris par un télescope, et qui ouvre la partie consacrée au catalogue de
l’exposition.
Ces Visions plurielles du Paradis sont analysées de différents points de
vue, internes ou extérieurs, aux trois religions, l’Islam, le Judaïsme et
le Christianisme. L’Histoire, la politique, les intérêts des diverses
autorités religieuses en fonction des époques influencent et « façonnent »
un paradis aux multiples contours, ainsi qu’il ressort de ce catalogue à
la riche iconographie.
Cet ouvrage offre ainsi une synthèse et un témoignage actif sur ces
visions du paradis en une approche didactique éclairée par la vision des
artistes conviés pour cette exposition. Ces derniers allant des classiques
jusqu’aux artistes les plus contemporains, du Livre des morts de l’Égypte
antique jusqu’à la disparition du couple adamique avec Incarnation de Bill
Viola.
« Maurice Denis – Amour » ;
Catalogue d’exposition sous la direction de Catherine Lepdor et Isabelle
Cahn, 227 x 286 mm, 192 p., Éditions Hazan, 2021.
Le présent catalogue propose de plonger dans l’œuvre peint du grand
artiste Maurice Denis à l’occasion d’une exposition qui au musée cantonal
des Beaux-Arts de Lausanne et avant la réouverture du Musée Maurice Denis
à Saint-Germain-en-Laye. L’univers subtilement esquissé dans chacune des
toiles du peintre invite le lecteur à une contemplation à la fois mystique
et amoureuse de la vie sous toutes ses facettes et qui rayonne de ses
œuvres. Bien que saisissant au fil de ses pinceaux une vie bucolique qui
se présentait devant lui, avec sa famille au Prieuré comme dans ses lieux
de villégiature en Bretagne, Maurice Denis fut cependant loin d’être un
peintre béat. C’est, en effet, à une certaine abstraction et à la théorie
de l’art auxquelles s’est consacré ce peintre insatiable des techniques et
des moyens de rendre la réalité, son fameux jugement sur l’art étant resté
célèbre et répété à l’envi : « Se rappeler qu’un tableau – avant d’être un
cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est
essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain
ordre assemblées ».
Ce sont l’amour et la religion qui viennent scander les toiles réunies à
l’occasion de l’exposition de Lausanne, une belle invitation à entrer au
cœur de la création du célèbre Nabi, et l’ouvrage propose dans sa première
partie, à travers ces œuvres, de mieux appréhender cette part théorique du
peintre qui attachait la plus grande importance à l’harmonie des formes et
des couleurs au point d’atteindre une dimension symbolique qui force
encore l’admiration un siècle après son expression. Les nombreuses
références explicites ou implicites à la foi de l’artiste transparaissent
et confèrent toute leur profondeur à ces œuvres aux lectures multiples.
Mais Maurice Denis s’avère être aussi un artiste de son temps. Aussi le
catalogue souligne-t-il également les variations de son art en fonction du
milieu artistique dans lequel il évoluait, entre la période Nabi et les
œuvres symbolistes, sans oublier son retour à un certain classicisme.
Couvrant une période allant de 1888 à la veille de la Première Guerre
mondiale, ce catalogue réunit dans la deuxième partie d’admirables œuvres
telles la fameuse « Tache de soleil sur la terrasse » datant de 1890, les
« Arabesques poétiques pour la décoration d’un plafond » dont l’univers
semble si proche des plus belles compositions de Claude Debussy, mais
aussi « La Dormeuse au jour tombant », la touchante « Procession sous les
arbres » et tant d’autres compositions puisées à l’inspiration la plus
profonde.
Un très joli et riche catalogue des plus inspirants.
« The Julius Baer Art Collection
», 22 x 29 cm, 404 p., 358 illustrations, Editions Scheidegger & Spiess,
2021.
Le splendide ouvrage entièrement consacré à la Collection d’art Julius
Baer publié aux éditions Scheidegger et Spiess réjouira les amateurs d’art
contemporain et trouvera assurément bonne place dans toutes bonnes
bibliothèques d’art. La Collection Julius Baer comprend aujourd’hui, en
effet, pas moins de 5 000 œuvres. Qu’il s’agisse de Jean-Antoine Fehr,
Jean Tinguely, Yves Netzhammer, Thomas Huber et bien d’autres artistes
majeurs, la curiosité du lecteur de ce volumineux ouvrage ne pourra que
trouver satisfaction à découvrir les œuvres originales de ces artistes
suisses d’art contemporain. Internationalement reconnus ou donnés de nos
jours au titre de talents émergents, chacun de ces artistes (Nelly Bàr,
Roma Signer, Thomas Hubert…) a su par sa singularité retenir l’intérêt de
la Collection Julius Baer et ses amateurs d’art avertis. Une diversité
inouïe, peintures, dessins, collages, photographies, vidéos et
installations trouvent, en effet, en ces pages une place de choix dont
l’iconographie choisie de plus de 350 illustrations, offrant de nombreuses
pleines pages, voire doubles pages, rend parfaitement compte.
De nombreux et courts textes, notamment de Samuel Gross, de Barbara
Habetur, Hans Rudolph Reust… viennent également éclairer artistes et
œuvres présentés. Des textes eux-mêmes introduits par des écrits signés
entre autres de Barbara Staubi, historienne de l'art et conservatrice de
la Julius Baer Art Collection ou encore Giovanni Carmine, et proposant un
véritable dialogue entre l’art, l’institution et la Collection Julius
Baer.
Publié à l’occasion du cent trentième anniversaire de la Bank Julius Baer
fondée en 1890 à Zurich, ainsi que le souligne Raymond J. Bär, petit fils
d’Ellen Weyl-Bär, en sa préface, c’est véritablement un grand angle unique
qu’offre au regard ce magnifique ouvrage sur l’ensemble de la Collection
Julius Bauer. Un panorama de plus de 400 pages d’autant plus précieux que
la présentation de cette dernière fait habituellement l’objet d’une
rotation régulière dans les divers établissements de la banque pour des
raisons compréhensives d’accrochage.
Quel plaisir, donc, de pouvoir pour l’amateur d’art contemporain à son gré
découvrir et contempler l’ensemble de cette formidable et incroyable
collection qu’est la Collection Julius Baer !
« Picasso-Méditerranée » ;
Collectif sous la direction d’Émilie Bouvard, Camille Frasca et Cécile
Godefroy ; 18.8 x 23.5 cm, 400 illustrations, 448 p., Editions In Fine,
2021.
C’est un magnifique ouvrage consacré à l’œuvre de Pablo Picasso et la
Méditerranée que nous proposent aujourd’hui les éditions In Fine. Optant
pour une approche transversale, avec pour fil d’or le bleu azur de la
Méditerranée, c’est en effet un voyage original tout picassien que nous
offre au regard cet ouvrage collectif aux riches et nombreuses
contributions. Sous la direction d’Émilie Bouvard, Camille Frasca et
Cécile Godefroy, cinq escales attendent le lecteur : de l’Espagne, terre
natale du peintre avec Guernica, bien sûr, mais aussi Malaga, jusqu’au Sud
de la France, en passant par la Grèce, la mythologie, la Crète et les
Cyclades, l’Italie ou encore le Maghreb et le Proche-Orient.
Ce riche ouvrage « Picasso- Méditerranée » est l’aboutissement de
rencontres de 2017 à 2019 à l’initiative du Musée national Picasso-Paris
de plus de quarante-cinq expositions et soixante-dix institutions ayant eu
pour objectif de présenter des approches singulières et renouvelées de
l’œuvre de Picasso. Ainsi, entre ports d’attache et ouvertures multiples
vers les horizons de l’œuvre du peintre, l’ouvrage dévoile bien des liens
ténus, connus ou parfois découverts, qu’entretint Pablo Picasso avec la
Méditerranée. Véritable dialogue entre le peintre, ses œuvres et ses lieux
de prédilection teintés du bleu méditerranéen, ce collectif entend tout à
la fois relever de l’Atlas de géographie, du livre d’art par sa riche
iconographie de plus 400 illustrations que du dictionnaire ou du guide de
voyage.
Voguant sur cette approche transversale, le lecteur optera selon son
humeur pour un long et beau voyage en compagnie d’un des plus grands
peintres du XXe siècle ou préférera parcourir ces pages par escapades
rejoignant ici ou là Pablo Picasso devant son chevalet. Ainsi, pourra-t-il
retrouver le peintre dans « L’atelier du midi » de la France, à
Aix-en-Provence, Antibes, Mougins ou encore Cannes et La Californie, sans
oublier Vallauris et l’atelier Madoura, Vauvenargues et tant d’autres
lieux encore… S’entrecroisent, ici, œuvres, photographies, amis,
rencontres, mais aussi thèmes - cinéma, cuisine méditerranéenne, et
surtout ces cartes blanches venant émailler ces 450 pages et donnant cette
saveur particulière à l’ouvrage.
« Picasso – Méditerranée », un collectif réservant par son approche
transversale, dynamique et singulière, et sa riche iconographie, bien des
découvertes et de jolies escales méditerranéennes jalonnant l’ensemble de
l’œuvre de Picasso.
"Le Livre de Kells" de Bernard
Meehan ; 275 illustrations couleurs, relié en toile sous jaquette
illustrée, 25 x 32 cm, 256 p., Editions Citadelles & Mazenod, 2020.
Le livre de Kells compte assurément parmi les plus beaux manuscrits du
Moyen Âge. Ce trésor conservé au Trinity College de Dublin fut
probablement réalisé au cours du IX° siècle dont il célèbre la splendeur à
la veille de l’an Mil. Ses enluminures ont largement contribué à la
notoriété mondiale de ce témoin de l’âge d’or des manuscrits occidentaux.
La présente étude menée par Bernard Meehan fait entrer le lecteur dans les
arcanes secrets du Livre de Kells dont l’auteur est l’un des spécialistes
incontestés.
Par son format généreux 25 x 32 et à la reproduction en taille réelle de
plus de 80 folios sur les 340 que compte le manuscrit, il est désormais
loisible de plonger littéralement au cœur de cette source inestimable du
christianisme irlandais proposant les quatre évangiles ornés de leurs
superbes enluminures. Bernard Meeham ne se limite pas à restituer la seule
beauté esthétique de cette précieuse source, mais accompagne ces
somptueuses images d’une riche étude de fond permettant de mieux
comprendre non seulement la réalisation technique de ce chef-d’œuvre, mais
également le contexte historique et religieux dans lequel il s’inscrit.
Le lecteur du Livre de Kells pourra désormais, par ce splendide ouvrage,
tourner un à un les plus beaux folios de ce manuscrit livrant un
témoignage unique sur les quatre évangélistes en ce tournant historique du
Moyen Âge, ainsi que de nombreux passages bibliques déterminants. Dès les
premières pages, les nombreux entrelacs des enluminures témoignent de cet
héritage croisé entre l’antiquité et les premières royautés issues des
invasions barbares.
La finesse des lettrines, l’humour et le soin apporté à émailler le texte
de personnages et figures étranges ou symboliques afin de mieux rappeler
le lecteur à l’étude même du texte, la graphie parfaite de l’écriture
manuscrite réclamant un compte d’heures inconcevable à notre époque, font
du Livre de Kells un exemple exceptionnel de la culture médiévale au
tournant du millénaire. Il n’est donc pas étonnant que cette source
remarquable compte parmi les emblèmes de la culture irlandaise, et plus
largement occidentale. Ainsi que le relève Bernard Meeham, l’attraction
qu’exerce le Livre de Kells tient surtout à ce qui ne se voit pas, mais se
trouve suggéré par le manuscrit.
À la fois familier en ses multiples références chrétiennes, il dévoile
également par bribes des aspects étranges, voire inconnus, de la
symbolique préromane aux nombreuses réminiscences celtiques. Ce trésor de
l’art irlando-saxon, connu également sous le nom de Grand Évangéliaire de
saint Colomba, n’a pas fini de susciter interrogations, surprises, et
ravissements, à l’image de cette merveilleuse étude livrée par ce livre
d’exception publié aux éditions Mazenod !
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Jean-Jacques Audubon : « Le Grand Livre
des Oiseaux », Sous la direction de Roger Tory Peterson et Virginia Marie
Peterson ; 30,5 x 38,1 cm, Éditions Citadelles & Mazenod, 2023.
Lorsque l’on évoque les plus belles représentations des oiseaux du monde
au XIXe siècle, le nom de Jean-Jacques Audubon (1785-1851) vient
immédiatement à l’esprit, cet artiste français nous ayant laissé
d’admirables – et si reconnaissables – planches ornithologiques uniques en
leur genre. C’est à ce prestigieux legs que s’est attaché cette
publication monumentale des éditions Citadelles & Mazenod sous la
direction de deux spécialistes, Roger Tory Peterson et Virginia Marie
Peterson, avec cet ouvrage exceptionnel de près de 700 pages en un
généreux format XXL. Cette remarquable somme regroupe 554 illustrations
couleur sous étui illustré et est accompagnée d’un portfolio très soigné
de 5 reproductions d’Audubon.
Les « Oiseaux d’Amérique », car tel est son titre, compte
parmi les fleurons du genre, l’artiste ayant de 1827 à 1838 publié ces 435
planches passées depuis à l’immortalité. Bien entendu, de nos jours, c’est
avant tout la qualité esthétique qui retiendra l’attention, avec des
planches d’une grande précision aux délicates couleurs chatoyantes, chaque
animal étant replacé dans son cadre naturel tel ce flamand rose
s’abreuvant au bord de l’eau ou encore ces chouettes Harfang perchées sur
leur arbre… La qualité d’exécution force l’admiration avec ce regard porté
notamment sur certaines espèces aujourd’hui disparues, rendant ce
témoignage encore plus précieux.
Audubon livre ainsi un somptueux ouvrage réunissant 1065 oiseaux de la
Floride à l’Arctique, oiseaux des mers comme des marais, impressionnants
ou très discrets. L’artiste a souhaité à l’époque qu’ils soient
représentés à taille réelle et ce souci d’exactitude confère à cet ouvrage
une dimension scientifique de premier plan pour cette époque où la
photographie n’existait pas encore, les premiers daguerréotypes n’étant
datés que 1839… Le lecteur découvrira également grâce aux nombreuses
notices préparées avec soin les habitudes de vie de ces oiseaux marins,
charognards et autres plongeurs des lacs, sans oublier les oiseaux des
forêts et prairies…
Une somme aussi belle à admirer que passionnante à lire.
« L’Olympisme. Une Invention
moderne, un héritage antique. », Collectif, catalogue Officiel de
l’exposition « L’Olympisme. Une Invention moderne, un héritage antique. »
au Musée du Louvre., Co-édition Musée du Louvre / Editions Hazan, 2024.
C’est un réel plaisir que de découvrir aux éditions Hazan « L’Olympisme –
Une Invention moderne, un héritage antique », le catalogue officiel de
l’exposition éponyme présentée au musée du Louvre jusqu’en septembre 24.
Cet ouvrage sous la direction des trois commissaires de l’exposition –
Christian Mitsopoulou, Alexandre Farnoux et Violaine Jeammet – offre, en
effet, un bel éclairage alliant histoire et enjeux de l’Olympisme
d’aujourd’hui, cette « invention moderne, un héritage antique », ainsi que
l’annonce son titre. Appuyé par une vaste iconographie, l’ouvrage de plus
de 300 pages livre une analyse moderne, dynamique et actualisée des Jeux
olympiques, une étude loin d’être dénuée d’intérêts notamment de par la
découverte d’archives inédites.
Le premier volet de l’ouvrage est consacré aux symboles des Jeux
(couronnes, anneaux, drapeaux…) et aux acteurs – comment ne pas rappeler,
en effet, la figure la plus emblématique des Jeux : Pierre de Coubertin ?
– Patrick Clastres revient avec passion dans une première contribution sur
cette « Genèse de l’idée olympique chez Pierre de Coubertin », suivent des
figures également incontournables telles que Michel Bréal pour le
marathon, Gilliéron ou encore D. Vikélas. Après avoir rappelé que Paris
fut trois fois capitale olympique en moins de 125 ans, Christian Le Bas
ferme ce tout premier chapitre en faisant de Paris, capitale des sports,
le berceau même de cet olympisme moderne avant que ne s’ouvre le deuxième
volet, cœur de cette riche étude : « Olympisme entre invention et héritage
».
Un chapitre majeur et captivant couvert par plus de vingt contributions et
abordant des thèmes aussi originaux que porteurs tels les timbres édités à
l’occasion des jeux, les affiches, cartes postales, mais aussi, bien sûr,
les trophées, médailles, les hymnes ou encore des sujets certes plus
classiques, mais tout aussi passionnants notamment l’ « Athlétisme et
entraînement militaire dans le monde grec : complémentaires ou
antagonistes ? » ou « Gestes antiques en scènes »… De riches contributions
que vient illustrer idéalement une iconographie des plus soignées et
choisie.
Le catalogue se referme sur un dernier chapitre consacré à l’ « olympisme
et politique » avec, bien sûr, « Berlin 1936 », mais également des
contributions venant souligner la place des femmes hier et aujourd’hui
dans les jeux Olympiques. Un ouvrage aussi riche que passionnant.
« Chagall – La Fontaine – Les
Fables » par Ambre Gauthier ; Relié, 26 x 31 cm, 240 pages, 100
illustrations, Editions Hazan, 2023.
Comment ne pas succomber à cette belle publication en grand format parue
aux éditions Hazan des Fables de Jean de La Fontaine illustrées par Marc
Chagall ? Un bijou de l’édition que l’on doit initialement au célèbre
marchand d’art, Ambroise Vollard ; ce dernier réalisa, en effet, en 1926
l’une de ses « plus tenaces ambitions d’éditeur » en demandant au non
moins célèbre artiste russe d’illustrer ce monument du patrimoine
littéraire français, les Fables de La Fontaine. Pour cet ambitieux projet,
Marc Chagall réalisera alors plus d’une centaine de gouaches en couleurs
préparatoires au travail sur gravure, offrant ainsi un véritable et
incomparable dialogue inédit ! Car, il s’agit bien d’un magnifique
dialogue à nul autre pareil entre l’un de nos plus célèbres poètes et
fabulistes et le non moins reconnu artiste russe que fut Marc Chagall.
C’est cette fabuleuse rencontre que nous offrent aujourd’hui les éditions
Hazan au travers de gouaches, gouaches et crayons, gouaches et aquarelle,
avec pour certaines, et ce pour la première fois, leur correspondance en
gravure. Comment en lisant chaque fable ne pas, dès lors, laisser son
imagination s’envoler vers ces ciels d’un bleu infini avec ces animaux
multicolores, ce « Coq et le Renard » tout de couleur ou encore ce loup
rose à pois blancs du « Loup et la Cigogne » ? Des couleurs qui éclatent
comme pour ce « Lion amoureux » et que les aplats gris griffés des
gravures viennent rehausser plus encore. Les Fables trouvent un écrin
fabuleux à leur dimension dans cette nature singulière et omniprésente.
Une nature qui « unifie les compositions, légère et subtile comme l’air
ambiant, permettant aux espaces et aux temps de fusionner, de glisser
paisiblement d’un tableau à l’autre, d’un univers à l’autre » note en son
introduction « Les vibrations multicolores du noir et blanc » Ambre
Gauthier, spécialiste de Marc Chagall.
Une splendide publication qui se veut, à juste titre, un très bel hommage
à cette rencontre.
« Jean Delpech – L’œuvre de guerre
» sous la direction d’Hélène Boudou-Reuzé ; Préface d’Arianne
James-Sarazin ; 28 x 22 cm, 328 p., Editions InFine, 2023.
C’est un bel ouvrage dédié à l’œuvre de guerre de Jean Delpech (1916-1945)
que nous proposent les éditions InFine. Un ouvrage long format
exceptionnel réunissant l’ensemble de ses gravures et dessins consacrés à
la Seconde Guerre mondiale. Jean Delpech, graveur de renom, a en effet
représenté de manière quasi-obsessionnelle de 1938 à 1945 toutes les
images de guerre, mais aussi d’occupation et de libération qui se sont
imposées à lui durant ces années de conflit. Delpech observe tout, regarde
et regarde encore... C’est un véritable témoignage d’une époque sombre et
déchirée qu’a entendu laisser par une œuvre atypique l’auteur, Jean
Delpech, et sur laquelle reviennent dans de riches contributions Hélène
Boudou-Reuzé, assistante de conservation et chef de projet au musée de
l’Armée, et Laétitia Desserière, chargée des collections de dessins au
département iconographie du musée de l’Armée. Foisonnement de détails,
mais aussi d’associations et de traumatismes, ces œuvres retiennent
indéniablement longuement l’attention… Une « Obsession du dessin » et un «
infatigable graveur », des thèmes incontournables pour appréhender l’œuvre
de guerre de Jean Delpech que développe également dans deux essais
Laétitia Desserrière.
Né au Viêtnam au début du siècle dernier, les œuvres de Jean Delpech
retracent ses années où il sera, d’abord, lors de son service militaire,
soldat dans le 15e bataillon de chasseurs alpins de 1938 à 1939, puis
soldat dans l’armée française durant la guerre, avant de devenir
correspondant de guerre en Allemagne en 1945 ; une personnalité complexe
et un parcours sur lesquels revient Brigitte Delpech.
Le lecteur découvrira, en seconde partie de l’ouvrage, un catalogue de
l’ensemble de cette œuvre graphique de guerre – plus de 700 estampes et
dessins conservés au musée de l’Armée. Un catalogue ordonné de manière
thématique et qu’accompagnent encore de nombreux textes dont « La guerre
imaginée », « Trophées et monuments », « Delpech reporter de guerre » ou
encore « œuvres d’après-guerre » ...
« L’Album de Marie-Antoinette –
Recueil des vues et plans du Petit Trianon – 1781 », « Étude et
commentaires » par Elisabeth Maissonier, coédition Château de Versailles /
Éditions In fine , 2023.
Quelle plus belle présentation pouvait-on souhaiter pour ce merveilleux «
Album de Marie-Antoinette » dédié aux Petit Trianon et à ses jardins que
celle des éditions In Fine !
Parcourant du regard, le coffret cartonné de cet « Album de
Marie-Antoinette » orné d’un dessin représentant le belvédère du Petit
Trianon et la grotte du jardin anglais, le lecteur songe déjà… avant
d’ouvrir et de découvrir d’un côté le « Recueil des vues et plans du Petit
Trianon » de 1781, et de l’autre, à droite, une « Étude et commentaires »
réalisés par Elisabeth Maisonnier.
Rappelons que c’est en 1774 que Louis XVI devenu alors roi de France offre
à Marie Antoinette le Petit Trianon commandé par son grand-père Louis XV
et achevé moins de dix années auparavant en 1768. Marie-Antoinette
entreprendra de suite d’en redessiner les jardins. Ce sera alors une
succession de véritables décors végétaux dans l’air de la Cour qu’elle
fera exécuter ; des jardins dans le style « anglo-chinois » dans lesquels
prendront vie grottes, temples, belvédère et l’émerveillement des fêtes
royales… Marie-Antoinette commandera à Richard Mique, son architecte,
plusieurs grands recueils. C’est la splendide reproduction de l’un de ces
recueils aquarellés et illustrés par les aquarelles de l’artiste Claude
Louis Châtelet, celui précisément personnel de Marie-Antoinette, que le
lecteur aura le plaisir de parcourir …
Un voyage dans le temps, au Petit Trianon, à Versailles et même au-delà
dont Elisabeth Maissonier, conservatrice au Château de Versailles, nous
livre une étude aussi riche et passionnante que merveilleuse par sa vaste
iconographie. Aquarelles, dessins, plans et œuvres peintes viennent
continuer le plaisir des yeux. Une étude, plus-value indéniable et des
plus fructueuses, permettant au lecteur de comprendre et d’appréhender
pleinement tout le symbolisme et la place du Petit Trianon et de ses
jardins en cette fin de XVIIIe siècle.
« Peintures chinoises » de Xinmiao
Zheng et Hongxing Zhang, 32 x 42 cm, 210 illustrations, 272 pages,
Editions Citadelles & Mazenod, 2023.
Rares sont les beaux livres sur la peinture chinoise en langue française,
les estampes japonaises accaparant souvent plus l’attention. Et pourtant,
la présente publication aux éditions Citadelles & Mazenod, « Peintures
chinoises », offre une splendide démonstration de la préciosité et
somptuosité millénaire de cet art trop souvent ignoré des occidentaux. Un
de ses meilleurs spécialistes, Xinmiao Zheng, directeur du musée du Palais
à Pékin, accompagné de Hongxing Zhang, signe cet ouvrage exceptionnel tant
par son iconographie que sa mise en page avec pas moins de 210
illustrations, sans oublier le large éventail couvert allant du début de
notre ère jusqu’au XIXe s.
Monde lettré et artistes noueront rapidement au cours de cette longue de
l’histoire des liens si étroits qu’ils influenceront la réalisation même
de ces œuvres raffinées où chaque détail fait signe. Véritable cheminement
intérieur et spirituel, ces peintures manifesteront ainsi très tôt les
traits caractéristiques de la peinture chinoise où calme et sérénité
s’immiscent au sein même de la nature en de multiples symboles. Le pin,
les montagnes, les barques esseulées sur un lac prendront ainsi autant de
valeur, si ce n’est plus, que la représentation souvent discrète de
personnages, exception faite des peintures de personnage et hauts
dignitaires de la cour.
Avec un généreux format et sa somptueuse présentation, cet ouvrage en
reliure chinoise et sous coffret satin illustré convie le lecteur à entrer
dans un monde feutré et délicat à nul autre pareil où l’art de la peinture
suggère également un art de vivre.
« Le Nu » d’Alexis Merle du Bourg
; 26 x 37,5 cm, 320 ill., 352 p., Editions Citadelles & Mazenod, 2023.
Le nu compte assurément comme l’une des représentations les plus anciennes
dans l’histoire – et même de la préhistoire - de l’art. Parfois privilégié
au dépend du paysage et de la nature, d’autres fois vilipendé au nom de
valeurs s’y opposant, le nu laisse rarement indifférent, suscitant
convoitises, passions, haine ou encore détestations… Sujet passionnant
auquel est justement consacré ce monumental ouvrage tant par ses
dimensions que par l’impressionnant grand angle retenu.
Cette somme remarquable signée par l’historien de l’art
Alexis Merle du Bourg étudie en effet les origines de cet art et ses
mythes fondateurs, la nudité de l’Eden et celle prisée des Grecs venant en
premier à l’esprit. Formes originelles encore pures mais déjà non dénuées
d’enjeux comme pour Aphrodite et Phryné, sans oublier le fameux Jugement
de Pâris… Chaque époque antique porte un nouveau regard sur la nudité,
qu’il s’agisse de la période hellénistique, bientôt touchée par les
influences de l’orient ou de celle du christianisme et des ambivalences
dans la représentation du corps dans la Bible.
L’ouvrage somptueux par le choix de sa riche iconographie offre un
dialogue toujours renouvelé entre le texte d’une clarté lumineuse et les
plus belles œuvres d’art retenues par l’auteur, qu’il s’agisse de la
sculpture ou de la peinture. Chaque période ouvre sur une réflexion
portant sur l’homme, les artistes traduisant la plupart du temps l’esprit
qui prévalait en leur temps ainsi qu’il ressort de cette renaissance
humaniste ou encore de ce baroque revisitant l’antique en d’incroyables
audaces. Les pages consacrées à Rubens et à Poussin passionneront
également le lecteur tant l’interprétation de l’auteur concourt sans
hésitation à ce que le lecteur redécouvre ces œuvres. Nombreuses seront
encore les découvertes avec cet ouvrage passionnant tel le Nu à l’épreuve
de la modernité qui témoigne de la richesse de ce sujet qu’explore avec
brio cet ouvrage de référence.
« L’art des jardins en Europe » de
Yves-Marie Allain et Janine Christiany, 24,5 x 31 cm, Ouvrage broché avec
rabats, 632 pages, 544 illustrations, Citadelles & Mazenod, 2023.
C’est une véritable somme sur l’art des jardins en Europe que nous
proposent Yves-Marie Allain et Janine Christiany avec cette publication
exceptionnelle de plus de 600 pages. L’ensemble du continent européen se
trouve appréhendé en un seul ouvrage à la riche iconographie (544
illustrations) par ces deux spécialistes offrant chacun une analyse propre
à leur parcours professionnel. Le jardin est depuis la nuit des temps
l’objet d’une riche symbolique – le fameux jardin d’Eden – et n’a cessé
depuis ses origines d’être l’objet de réflexions, passions et pouvoirs… Ce
sont ces intrications complexes qu’analysent les auteurs du présent
ouvrage aussi beau qu’instructif sur cet art des jardins que l’on pensait
à tort bien connaître et qui, après lecture, révèlera bien des facettes
méconnues. L’histoire, la philosophie, la religion tout autant que les
sciences ont été depuis longtemps convoquées parallèlement aux
connaissances scientifiques requises pour concevoir un jardin. Cette
symbolique manifeste dans bien des jardins de l’Ancien Régime tel celui
incontournable du Château de Versailles traduit les enjeux réunis dans un
grand nombre de conception de jardins en Europe. L’ouvrage aborde en
premier lieu l’ensemble de ces aspects de l’art du jardin où architectes,
jardiniers, pépiniéristes, horticulteurs mais aussi théoriciens sont
convoqués par les commanditaires, qu’ils soient officiels ou privés.
Quelle évolution peut ainsi être soulignée entre les jardins de la
Renaissance et ceux des années 1930 ! Car il est possible de parler de
style ainsi que le soulignent les auteurs à l’image de la mode
vestimentaire ou alimentaire. Le jardin forme un univers éphémère qui
demeure rarement identique quelques décennies après sa création, s’il ne
disparaît pas peu après… Aussi, ce tour d’Europe des 170 jardins
d’exception qui ont bravé le temps apparaîtra pour le lecteur qu’il soit
amateur ou professionnel un témoignage rare et précieux, des fameux
jardins d’Alhambra au non moins fabuleux de Claude Monet à Giverny, sans
oublier bien entendu Versailles, Lisbonne et le palais Fronteira, la villa
Borghèse à Rome et bien d’autres écrins uniques et oubliables qu’il sera
loisible de visiter en feuilletant les pages de ce remarquable et
inspirant ouvrage.
« Turner » de John Gage, traduit
de l’anglais par Hélène Tronc et Odile Menegaux, Coll. « Les Phares »,
Editions Citadelles et Mazenod, 2023.
Sublime, tel est incontestablement le qualificatif qui
convient !
Sublime, bien sûr, par son sujet, puisque entièrement consacré à l’un des
plus grands artistes anglais du XIXe siècle, le peintre, aquarelliste,
dessinateur et graveur, J.M.W Turner.
Sublime, également, par la qualité de l’ouvrage lui-même, tant par sa
remarquable iconographie que par sa mise en page avec son grand format et
ses multiples et appréciables pleines voire doubles-pages.
Sublime, enfin, par la qualité du texte de cette monographie signée John
Gage et traduite de l’anglais par Hélène Trone et Odile Menegaux.
Comment, en effet, ne pas succomber à la beauté et richesse de l’œuvre de
Turner ? Comment, face à des toiles telles que « Fusées et signaux de
détresse pour prévenir les vapeurs des bas-fonds » de 1840 ou encore «
L’incendie des Chambres des Lords et des Communes » de 1834, ne pas
ressentir ce sentiment d’infinité ?
L’auteur a retenu pour cet ouvrage une approche thématique permettant de
cerner, mieux qu’une stricte chronologie ou biographie, les traits
marquants révélant tant l’évolution de l’œuvre que le caractère même du
peintre anglais. Le lecteur découvrira ainsi un Turner paysagiste et
théoricien de la couleur incontestable, une spécificité que le peintre a
développée tout au long de sa vie au travers de ses nombreux voyages, mais
qu’il a également su imposer à la Royal Academy. Turner, largement
soutenu par son père, fut introduit très jeune, en effet, dans les cercles
influents de la peinture anglaise et entra à un âge précoce dans cette
haute institution. Appuyé par de nombreux mécènes, cela lui valut une
réputation largement saluée de son vivant notamment par le célèbre
critique d’art Ruskin, mais aussi, ainsi que le souligne J. Gage, enviée
en retour par de nombreux rivaux.
Il en fallait, cependant, plus pour décourager ce peintre au caractère
certes introverti mais trempé, surtout doué d’un sens de l’observation
rare et d’une curiosité insatiable, « Un esprit merveilleusement divers »,
selon les mots de son contemporain Contestable et titre du dernier
chapitre de cette dynamique monographie. La richesse de l’œuvre de Turner
est, il est vrai, incomparable, lui qui sa vie durant n’eut de cesse de
rendre au mieux la lumière et l’atmosphère, une quête de liberté qui
marqua par son œuvre autant le romantisme qu’il annoncera
l’impressionnisme ou encore l’abstraction. Cependant, à ce constat, J.Gage
ajoute malicieusement et à juste titre : « L’interprétation moderniste
de Turner est devenue courante et même une tradition bien établie. Elle
est pourtant bien insuffisante pour saisir l’ampleur et l’originalité de
son art ». Que dire de plus ?
« Histoire & médecine » d’Alexis
Drahos, relié sous coffret, 352 p., Editions Citadelles & Mazenod, 2022.
Livre d’art ? Livre de sciences ? Le dernier ouvrage paru aux éditions
Citadelles & Mazenod conjugue avec un rare bonheur et sous la plume
d’Alexis Drahos les deux approches en une synthèse des plus éclairantes
sur les origines de la médecine depuis l’Antiquité vue par l’art. En un
véritable parcours au fil des siècles illustré par les plus grandes œuvres
d’art, « Art & médecine » explore en effet pour la première fois en langue
française les liens entretenus entre les deux arts. Le corps humain, tour
à tour secret puis dévoilé au gré des découvertes anatomiques, n’a cessé
de fasciner les artistes qui ont cherché à en capter les mystères dans
leurs créations. Le lecteur apprendra ainsi que des scènes de dissection
avaient déjà été saisies par des artistes dès l’Antiquité et bien avant
les fameuses études de Léonard de Vinci…
L’œuvre d’art n’a pas qu’une fonction esthétique dans ses
rapports à la médecine et bien souvent elle a été un moyen de consigner
les connaissances et d’en diffuser les savoirs. Rivalisant de dextérité
avec les médecins, ces artistes œuvrent, pour certains d’entre eux, selon
une véritable démarche scientifique dans leurs représentations du corps
humain, même si les sciences invalideront seulement ultérieurement
certaines de leurs conclusions. Ce sont toutes les disciplines médicales
dont nous pouvons ainsi suivre les évolutions au fil des dessins,
gravures, peintures et autres écorchés en cire… Les pathologies s’invitent
également en ces pages parfois dérangeantes, mais révélant les progrès des
sciences. Que de chemin parcouru en effet entre les redoutables saignées
de l’Ancien Régime et nos transplantations cardiaques !
L’un des multiples intérêts de cet ouvrage passionnant sera d’offrir une
sélection des plus inspirées des œuvres maîtresses de l’histoire de l’art,
l’auteur étant sur le sujet intarissable qu’il s’agisse de Léonard de
Vinci ou de Damien Hirst, d’Erasistrate de l’école d’Alexandrie ou des
leçons d’anatomie sous le pinceau de Rembrandt. Chaque siècle témoigne de
son rapport au corps et à ses pathologies – une mise à jour des plus
actuelles inclut même la terrible Covid-19, l’acuité du regard de
l’artiste n’étant souvent pas moindre que celui de l’homme de sciences
ainsi qu’en témoigne ce bel et riche ouvrage qui n’aurait probablement pas
déplu à Nicolas Bouvier, fasciné par de telles représentations, ni au
grand historien de la pensée, Jean Starobinski, qui sut si brillamment
lier les arts.
« The Magic of Japanese Zen
Gardens » de Thomas Kierok ; Avant propos de Shunmyo Masuno ; 160 p., 110
Illustrations, 23,5 x 23,5 cm, Editions Benteli, 2022.
C’est bien de « magie », de notre point de vue occidental, dont il s’agit
lorsque nous contemplons la perfection d’un jardin zen japonais. Cette
harmonie conjuguée à une précision infaillible de chaque détail conduit à
une sérénité difficilement comparable aux créations paysagistes
occidentales. Il est vrai que vu d’un esprit japonais, tel celui du grand
moine bouddhiste zen japonais Shunmyo Masuno qui signe la préface de ce
bel ouvrage, il ne suffit pas de dresser quelques pierres entourées de
sable ratissé et bordées d’érables pour parler de jardin zen… Cela demeure
plus complexe que cela et c’est tout le mérite de cet ouvrage et de son
auteur, le photographe Thomas Kierok d’avoir perçu cette dimension
spirituelle et d’avoir su la restituer avec bonheur et beaucoup de talent
sur la pellicule.
En conjuguant philosophie japonaise et aménagement paysager, le jardin zen
cherche à atteindre cette pleine conscience et accomplissement que l’on
retrouve dans la méditation zen sur un zafu. Au fil des saisons, Thomas
Kierok s’est imprégné de ces véritables jardins zen à Kyoto pour en
suggérer les impermanences et variations subtiles chères à tout méditant
zen. La nature pour le bouddhisme est censée contenir Bouddha lui-même
ainsi que ses enseignements, ce qui laisse une petite idée de l’importance
de leur ordonnancement… En rapprochant ces photographies des plus
inspirantes d’un florilège délicat de la poésie zen, et grâce à une
conception tout autant irréprochable du livre relié japonais, Thomas
Kierok parvient à nous faire partager cette « magie » des jardins zen
d’une splendide manière !
« Textiles africains » de Duncan
Clarke, Vanessa Drake Moraga et Sarah Fee, traduit de l’anglais par
Jean-François Allain et Christian Vair, Éditions Citadelles & Mazenod,
2022.
Absolument magnifique ! Tel est ce superbe volume consacré aux « Textiles
africains » paru aux éditions Citadelles et Mazenod. Avec son large
format, ses plus de 440 pages et ses 300 illustrations pour beaucoup
pleines pages, l’ouvrage sous la direction de Duncan Clarke avec Vanessa
Drake Moraga et Sarah Fee offre une réelle mise en lumière de cet art du
textile inégalé. Une mise en lumière inédite et de toute beauté qui ne
pourra que réjouir et combler collectionneurs et curieux. Des textiles
présentés géographiquement tous plus époustouflants les uns que les autres
issus de collections publiques ou privées et pour beaucoup d’entre eux
jamais montrés. On s’émerveille de tant de couleurs si chatoyantes, de
tant de motifs, de variété de matières et de techniques…
Mais cet ouvrage à nul autre pareil ne se limite pas par son incomparable
iconographie à flatter l’œil et les sens, il livre aussi au lecteur une
belle analyse appuyée par des notices, photographies et cartes, que ces
textiles soient anciens, de collection ou plus récents, que ce soient des
vêtements du quotidien, des parures talismaniques ou encore des tentures
nuptiales… Parcourant l’Afrique d’ouest en est jusqu’à Madagascar, ce sont
les particularités de tissage de chaque région, de chaque peuple, qui y
sont ainsi, page après page, dans toute leur beauté déployées.
Coton, laine, soie, mais aussi perles ou écorces, couleurs et matières les
plus diverses se font, ici, tableaux. Une créativité ayant influencé bien
des artistes peintres ou plasticiens - on songe à Klee, bien sûr, ou
encore à Matisse, mais aussi et surtout aux plus grands couturiers…
Un art du tissage africain unique et éblouissant que l’on parcourt et
découvre émerveillé de tant de créativité, de couleurs et de motifs.
« Poussin & l’amour - PICASSO |
bacchanales | POUSSIN » ; Catalogue sous la direction de Nicolas
Milovanovic, Mickaël Szanto, et Ludmila Virassamynaïken, In Fine Editions,
2022.
Le catalogue « Poussin & l’amour » paru aux éditions In Fine est
assurément à la hauteur du peintre et de l’exposition qui lui est
actuellement consacrée au musée des Beaux-Arts de Lyon. Cette monumentale
somme dirigée par les trois commissaires fait, en effet, l’objet d’une
présentation originale avec sa conception recto verso.
D’un côté, le lecteur découvrira la remarquable exposition « Poussin &
l’amour », exposition qui a retenu un angle original et pourtant
omniprésent dans l’œuvre du peintre français. En effet, dès son arrivée à
Rome en 1624 - et même quelques années auparavant – Poussin vouera une
part importante de son art à de majestueuses toiles développant tous les
thèmes possibles de l’amour, certains dépassant largement les standards de
la morale de l’époque au lendemain de la Contre-Réforme. Nicolas
Milovanovic, Mickaël Szanto, et Ludmila Virassamynaïken, les auteurs de ce
riche catalogue et commissaires de l’exposition ont entendu retracer de
manière éclairante toutes ces facettes méconnues et sous-estimées du
peintre souvent présenté comme le peintre philosophe. Si cette dimension
initiale ne saurait lui être enlevée, il s’avère à la lecture des
captivantes contributions réunies en ces pages que Nicolas Poussin tout en
approfondissant œuvre après œuvre l’analyse de ses sujets a su également
se saisir d’une certaine légèreté appréciée de ses richissimes clients
romains dont certains d’entre eux comptaient de prestigieux princes de
l’Église… C’est ainsi un Poussin dévoilé que Pierre Rosenberg commente
dans sa contribution soulignant qu’avec cette dimension méconnue le
peintre entendait tout de même renouer avec le monde du passé, mythologie
et éros réunis ! Cette toute puissance de l’amour intègre ainsi une
palette étendue d’affects allant de l’érotisme des corps lascifs livrés au
regard jusqu’à la passion folle conduisant à la mort. Le catalogue analyse
tour à tour ces multiples facettes de l’œuvre de Poussin avec ces corps
désirés, l’ivresse dionysiaque, l’amour et la mort, un voyage étonnant et
palpitant au cœur même de l’atelier de l’un des plus grands peintres dont
ce remarquable ouvrage dévoile un pan méconnu de la créativité.
Le revers de ce monumental catalogue, comme un « autre côté du miroir »,
est consacré à la seconde exposition du musée des Beaux-Arts de Lyon , «
PICASSO | bacchanales | POUSSIN ». Un regard mettant en lumière
l’influence majeure qu’eut le peintre du XVIIe siècle, Poussin, sur le
peintre espagnol du XXe s. Un prolongement offrant une belle ouverture et
réflexion.
« Raphaël. L’œuvre complet.
Peintures, fresques, tapisseries, architecture » de Michael Rohlmann,
Frank Zöllner, Rudolf Hiller, Georg Satzinger ; Relié, avec pages
dépliantes, 29 x 39,5 cm, 720 pages, Editions Taschen, 2023.
Raphaël (1483-1520), surnommé le « Prince des peintres » par Giorgio
Vasari, fait l’objet d’une exceptionnelle parution dans la collection XXL
des éditions Taschen. Il fallait en effet une publication de taille pour
rendre le plus bel hommage qui soit à cet artiste italien réputé pour le
raffinement de son trait et la précision de ses dessins. Après avoir
bénéficié de l’apprentissage de deux maîtres de choix, Le Pérugin et
Pinturricchio, ainsi que de son propre père Giovanni Santi, le jeune
Raphaël, disparu trop tôt à l’âge de 37 ans, allait participer à la
transformation de l’art de la Renaissance par des œuvres éclatantes. Très
rapidement, Raphaël saura, en effet, se distinguer de ses sources
d’inspiration notamment de son maître Le Pérugin, mais aussi de Léonard de
Vinci et de Pinturicchio, pour être la source première de lignes
harmonieuses d’inoubliables « Vierge à l’enfant », et ce dès son séjour
florentin ; Des représentations qui contribueront à bâtir sa réputation.
Le génie de Raphaël allait s’exprimer en effet durant toute sa vie
d’artistes auprès des plus grands mécènes et protecteurs avec cette quête
incessante de perfection de dessins soignés ce dont témoignent les œuvres
réunies par cette exceptionnelle édition grand format.
Des plus grands formats avec ses immenses décors romains
pour le pape Jules II, puis Léon X, dans les chambres du Vatican réalisées
à la fin de sa vie jusqu’au plus petit tableau tel les « Les Trois Grâces
» (17 x 17 cm) du musée Condé de Chantilly, chaque création de l’artiste
met en œuvre un processus inlassable d’essais successifs pour parvenir à
la composition future. Pour ces raisons, Raphaël gagnera la réputation
d’être le peintre du détail par excellence dont le génie resplendira par
cette harmonie irréprochable née de cette combinaison du trait, de la
géométrie, de l’espace et de la lumière.
Cet équilibre caractérise cette grâce inimitable et ce
style Raphaël identifiable immédiatement, et qui devait à jamais marquer
l’histoire de l’art. Incontestablement l’un des artistes majeurs de la
Renaissance italienne, Raphaël fait ainsi l’objet d’une parution tout
aussi exceptionnelle qui fera date avec la réunion en un seul volume de
toutes ses peintures, fresques, projets architecturaux et tapisseries.
Cet ouvrage XXL, rend ainsi hommage au créateur de la
fameuse Madone Sixtine, et autres inoubliables fresques du Vatican, un
catalogue raisonné établi par une équipe d’experts de l’œuvre de l’artiste
replacé dans le contexte de la Renaissance italienne. Incontournable !
« Intérieurs : chez les plus
grands décorateurs et architectes d’intérieur » ; Collectif sous la
direction de William Norwich ; Relié, 250 ill. couleur, 25 x 29 cm, 272
pages, Editions Phaidon, 2022.
Passionnant ! Qui n’a jamais, en effet, rêvé d’entrer subrepticement chez
les plus grands décorateurs et architectes d’intérieur de notre époque? Ce
souhait, c’est William Norwich qui l’exhausse en dirigeant cet ouvrage
dénommé « Intérieurs » aux éditions Phaidon. Sous sa direction et
introduction, ce sont, en effet, pas moins de soixante intimités de
décorateurs ou architectes d’intérieurs contemporains réputés
internationalement qui sont dévoilés ainsi au lecteur.
De Jacques Garcia, chez lui, à Paris, à Teo Yang en passant par Charlotte
Moss ou encore Joy Moyler ou Joseph Dirand, que d’idées, créations et
inventivité ! Une diversité de personnalités et de lieux inouïs propices
assurément à l’inspiration que l’on soit professionnel, amateur de
décoration ou tout simplement curieux… Avec plus de 250 illustrations
couleur, c’est en effet une multitude d’art de vivre, d’élégance et
d’intimité que ce bel ouvrage livre au regard indiscret du lecteur.
Camaïeux et foisonnement d’objets à Los Angeles chez Jeef Andrews,
foisonnement de matières chez Paola Navone à Milan, matériaux nobles et
style épuré chez Teo Yang ou à Milan encore chez Vincenzo de Cotiis…
Maisons de rêve ou rêvées telle celle de Michèle Nussbaumer, chaque
découverte d’intérieur s’accompagne pour plus de précisions d’opportuns
éléments biographiques, d’analyses ou commentaires. Qu’il s’agisse
d’appartements ou de Palazzo, de lofts ou vieilles bâtisses, chaque
intérieur offre en ces pages curieuses et indiscrètes son intimité et ses
secrets… Styles, couleurs et goûts se côtoient dans une impressionnante et
passionnante palette. Monocouleur, blanc pour Will Cooper (ASH NYC), noir
chez William Sofield à New York, ou chatoiement des couleurs chez Laura
Sartori Rimini à Londres. Lieu secret ou ouvert, expérimental, laboratoire
ou strictement privés, surprenants ou prévisibles, chaque personnalité,
chaque architecte et décorateur de notre siècle se révèle au travers de
ses choix de style, de couleurs, d’objets et associations.
Un réel régal d'intimité !
Meret Oppenheim : « Mein Album", broché, 324
pages, 22 x 33 cm, Version All. /Anglais, Editions Scheidegger, 2022.
Si l’artiste suisse-allemande Meret Elisabeth Oppenheim (1913- 1985) est
mondialement connue pour ses œuvres créées à partir de détournement
d’objets, sa vie et intériorité – pourtant d’une richesse incroyable –
sont demeurées plus secrètes jusqu’à la publication de ce bel ouvrage par
les éditions Scheidegger à partir d’un album que tint l’artiste intitulé «
Depuis l’enfance jusqu’à 1943 » ainsi que de quelques notes privées.
Ce document
exceptionnel reproduit avec soin pour cette édition permet d’entrer dans
le laboratoire de la création d’Oppenheim, cette plasticienne issue du
mouvement surréaliste aux côtés d’André Breton à partir des années 1920 ;
un laboratoire composé de situations du quotidien tel « Le déjeuner en
fourrure », fameuse sculpture surréaliste passée à la postérité. La
présente publication tient à la fois du journal et de l’œuvre d’art en
tant que telle. En ces pages labyrinthiques, l’artiste réunit
photographies, objets et notes en compagnie de pensées et de concepts qui
préluderont à de nouvelles créations. Cet atelier en album permet d’entrer
pleinement dans la pensée créatrice de cette femme hors du commun.
Reproduit dans son intégralité et dans son format original, cet album a
fait l’objet d’une traduction en langue anglaise pour cette édition. De
touchantes évocations des premières années de jeunesse, les premiers
dessins enfantins avant ceux d’une artiste en devenir, et déjà cette
propension à questionner les formes et à remettre en question les
conventions… Puis viennent les premières rencontres à Paris avec André
Breton, Max Ernst avec qui elle entretiendra une liaison pendant une
année, la découverte du haschich et de la vie d’artiste durant son séjour
à l’hôtel d’Odessa…
Chaque page remarquablement reproduite en fac-similé redonne vie à ces
années de créativité sans limites, un document vibrant et essentiel à la
compréhension de cette artiste jusqu’alors secrète.
Leonhart Fuchs : « Le Nouvel Herbier » ; Relié
avec livret, 23 x 37 cm, 892 pages, Editions Taschen, 2022.
Exceptionnelle que cette nouvelle édition du mythique Herbier de Leonhart
Fuchs en un impressionnant format (23 x 37) livrée par les éditions
Taschen ! Le célèbre botaniste bavarois avait en effet réalisé une
véritable somme en réunissant pas moins de 1543 plantes décrites par le
détail et illustrées par des planches inoubliables, aujourd’hui
disponibles grâce à cette édition de près de 900 pages. Soulignons encore
que cette luxueuse réédition à partir de l’original possédé par Fuchs en
personne et mis en couleurs à la main réunit plus de 500 illustrations,
unique témoignage de cet inventaire fabuleux réalisé par le botaniste
présentant notamment des plantes et fleurs encore inconnues du Nouveau
Monde tel le fameux tabac appelé à un avenir certain en occident…
Dans un opuscule joint au fac-similé du Nouvel Herbier, Klaus Dobat
introduit l’apport de Fuchs pour la science en montrant combien son
travail méticuleux fait de lui le précurseur de la botanique moderne tout
en soulignant son rôle essentiel pour la médecine de son temps, Fuchs
ayant été un professeur de médecine réputé. Gagné aux thèses de la
Réforme, il dut quitter la ville de Munich où il exerçait pour se réfugier
à Ingolstadt. Son œuvre maîtresse, Das Kraüterbuch, conjugue botanique et
médecine, les deux disciples étant considérées alors comme proches.
Werner
Dressendörfer analyse quant à lui l’apport des plantes médicinales
décrites par Fuchs au regard de la médecine des plantes modernes. Mais le
plaisir le plus manifeste résidera sans conteste pour le néophyte à
feuilleter page après page cette somme incomparable pour la beauté de ses
planches, l’harmonie des couleurs apposées par la main de l’auteur et le
soin apporté à chaque infime détail des plantes décrites, faisant de cet
Herbier non seulement l’auguste témoin d’une époque mais également une
œuvre d’art à part entière…
Stephane Mirkine : « Mirkine par Mirkine -
Photographes de cinéma », 400 pages, 251 x 317 mm, Editions Flammarion,
2022.
Lorsque le 7e art rencontre l’art de la photographie, cela donne un beau
livre, celui de Stéphane Mirkine parti à la redécouverte de son grand-père
Léo, le photographe des stars, sans oublier son père Yves ayant repris
lui-même l’héritage de Léo en poursuivant son travail. C’est cette belle
affaire de famille qui se trouve à la une d’une exposition au Musée
Masséna de Nice et de cette œuvre unique élaborée à partir de près de 200
films des années 30 aux années 80.
Les portraits des stars les plus en vue pris sur le vif comme sur les
plateaux font revivre les grandes heures du cinéma au XXe siècle. Après
avoir rappelé le parcours de cet émigré russe parvenu en France à l’âge de
9 ans, ce sont les années 30 qui verront les débuts de la carrière de Léo
Mirkine avec Abel Gance, Autant-Lara, Duvivier et autres Jean Renoir. Les
grands noms du cinéma commencent à imprimer sa pellicule à un rythme
effréné, von Stroheim, Michel Simon, Mistinguett… Chaque décennie
apportera son lot de clichés de légende, le photographe ayant une capacité
à saisir non seulement la beauté rayonnante de nombre de ses actrices et
acteurs mais surtout d’en révéler les multiples facettes qui inscriront
leur nom en lettre d’or au grand écran.
Ce beau livre de 400 pages réserve ainsi d’inoubliables pleines pages avec
des photographies remarquables pour leur maîtrise du noir et blanc et des
contrastes. Qu’il s’agisse de portraits étudiés ou de clichés pris sur le
vif, l’art des Mirkine, père et fils, rayonne tout au long de ces pages
dont leur descendant peut s’enorgueillir d’avoir honoré la mémoire !
« Face au soleil – Un astre dans les arts » ;
Collectif, catalogue officiel de l’exposition « Face au soleil » du 14
septembre au 29 janvier 2023 au musée Marmottan Monet, Paris ; Relié, 22 x
25.5 cm, 140 ill., 240 pages, Editions hazan, 2022.
Voilà un bel ouvrage d’art propice à illuminer et réchauffer notre hiver !
Le catalogue « Face au soleil – un astre dans les arts » paru aux éditions
Hazan et qui accompagne l’exposition éponyme actuellement au musée
Marmottan Monet propose, en effet, ainsi que son titre le suggère, de
contempler le soleil dans la vaste galaxie des arts. Un programme
ambitieux remontant le temps depuis l’antiquité jusqu’à nos jours et
livrant les multiples représentations de cet astre à nul autre pareil.
Avec une présentation d’Érik Desmazières, directeur du musée Marmottan
Monet, et sous la direction de Marianne Mathieu, directrice scientifique
du musée Marmottan Monet de Paris, et de Michael Philippe, conservateur en
chef du musée Barberini de Posdam, l’ouvrage collectif nous entraîne dans
un voyage interstellaire inédit. Marianne Mathieu retrace cette
représentation dans le cours du temps et des siècles de l’art et souligne
combien c’est une « longue histoire qui lie les artistes à l’astre qu’ils
n’ont cessé de représenter, pour de multiples raisons depuis la plus haute
antiquité. » Et effectivement, de l’Égypte au XXIe siècle que
d’années-lumière parcourues !
Mikael Philipp s’arrête en introduction précisément sur cette «
Physionomie du soleil de l’antiquité au XVIIIe siècle ». Proposant de
riches contributions et analyses, l’ouvrage souligne également, sous la
plume d’Hendrik Ziegler, combien la métaphore solaire a pu revêtir bien
des dimensions politiques avant que Michael F. Zimmermann laisse le
lecteur voir tout de face le soleil avec pour point d’orgue, bien sûr, la
célèbre et incontournable toile de Monet, « Impression, soleil levant »
datée de 1872. Un tournant majeur dans l’histoire de l’art et du soleil
que Marianne Mathieu approfondira également avec cette approche spécifique
- « Monet / Fromanger, poétique de la couleur » - ou encore Marianne
Alphan avec un focus tout particulier sur l’artiste contemporaine
américaine Vicky Colombet.
L’ouvrage offre ainsi une belle place à la représentation du soleil au XXe
siècle. Un éblouissement notamment au tournant du XXe siècle que le
lecteur retrouvera développé sous la plume d’Oliver Schuwer, mais aussi
sous celle de Sarah Wilson avec des noms aussi prestigieux que Signac,
Derain, Maurice Denis, Munch, Miro, mais aussi Kupka, Sonia Delaunay,
Calder…
Un beau et riche catalogue d’art complété par des pages consacrées à «
L’évolution de l’astronomie et système solaire du XVIe siècle à nos jours
» signées Donald W. Olson et Marilynn Olson.
« Faces Of Africa », Photographies de Mario
Marino ; 27.5 x 34 cm, Editions teNeues, 2021.
Avec ce dernier ouvrage, le photographe Mario Marino, internationalement
primé, livre au plaisir du regard de splendides et époustouflants visages
de l’Afrique. Non un visage, mais bien des visages au pluriel, « Faces of
Africa », révélant toute la spécificité et beauté de régions reculées de
l’Afrique, d'Éthiopie, de Tanzanie, du Soudan et du Kenya. Des corps
magnifiques ornés de bijoux, habillés de peintures, des visages aux
regards saisissants… C’est un travail de longue haleine que nous offre
Mario Marino avec cet ouvrage ayant exigé de nombreux voyages sur plus de
huit ans ; Chaque peuple que ce soit d’Ethiopie, du Kenya, qu’il s’agisse
des Karo, des Arbore ou encore des Borana, offre à chaque fois pour le
photographe une véritable rencontre, une rencontre singulière avec
l’Afrique.
Pas moins de 200 photographies, couleurs ou en noir et blanc ainsi
rassemblées viennent souligner de la plus belle manière les traditions et
cultures de ces peuples et tribus d’Afrique aujourd’hui toujours plus
menacés par le tourisme et le monde moderne. Des portraits pour la
majorité pleine page et révèlant cette beauté altière à nulle autre
pareille. On y retrouve ce merveilleux dialogue entre cette Afrique,
berceau de l’humanité, et le photographe Mario Marino ; L’objectif de ce
photographe hors pair sachant mieux que quiconque capter ces sourires,
regards, visages, corps et silhouettes de cette Afrique encore vivante. Un
dialogue, érigé en signature, et que le talentueux photographe entend en
ces magnifiques pages partager. Un plaisir inégalé.
« Fernand Léger ; La vie à bras-le-corps » » ;
Collectif, Catalogue officiel de l’exposition éponyme du musée Soulages
Rodez, Editions Gallimard, 2022.
Avec sa couverture jaune, le catalogue d’exposition consacré à Fernand
Léger (1881-1955) attire immanquablement et à juste titre l’attention! En
effet, c’est un beau et riche catalogue qui accompagne en cette année 2022
l’exposition consacrée à ce grand peintre de la révolution cubiste par le
musée Soulages à Rodez. Divisé en trois judicieuses et porteuses
thématiques, l’ouvrage offre une belle mise en perspective de l’œuvre
peint de cet artiste hors-norme ayant marqué le XXe siècle.
En premier lieu, « La ville moderne » avec son machinisme retiendra, bien
sûr, l’attention avec ces grandes toiles incontournables du peintre des
années 20, lui qui découvrit la capitale en pleine effervescence de ce
début de siècle. Un attrait et une époque analysés par Julie Guttierez. Le
deuxième volet de ce catalogue largement illustré de reproductions et
photographies revient sur les liens rattachant Fernand Léger au « Monde du
travail » et à son engagement. « Mécanicien », ainsi que le souligne
Ariane de Coulondre dans sa contribution en référence à la célèbre toile
du peintre de 1918 ; « Un chef d’œuvre de composition synthétique, buste
arrondi et tubulaire, géométries en aplats de couleurs, expression
décomplexée du travailleur de force » écrit dans sa préface Alfred Pacquement, Président du musée Soulages. Fernand Léger est effectivement
avant tout le peintre de son temps, lui qui réalise la célèbre affiche de
l’exposition de 1951 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, « Les
constructeurs ».
Le troisième tempo du catalogue est, quant à lui, consacré aux loisirs, «
Au temps des loisirs » pour reprendre le titre de l’écrit de Maurice
Fréchuret, un riche chapitre très largement appuyé par les œuvres de
l’artiste avec notamment le thème récurrent du cirque ou encore celui des
cyclistes…
Enfin, cette riche étude se poursuit avec une analyse signée Benoit Decron
et mettant judicieusement en parallèle les œuvres de Fernand Léger et de
Pierre Soulages. Deux artistes majeurs qui se sont rencontrés à la sortie
de la Seconde Guerre mondiale et dont les œuvres – ainsi qu’en témoigne ce
catalogue, traversent le temps, nous étonnant toujours par leur force et
leur modernité. Une belle mise en perspective qui se referme sur la vie et
le parcours du peintre normand qui gagna la capitale à dix-neuf ans,
s’exilera aux États-Unis avant de revenir en France… Une vie aux «
Couleurs de la vie », ainsi que le souligne Nelly Maillard, ou « La vie à
bras-le-corps », titre évocateur de ce riche catalogue.
Jacques Mercier : « L'Art de l'Éthiopie » ; 334
pages, 26,5 x 31,2 cm, Editions Place des Victoires, 2021.
Alors qu’ils sont incontournables et remontent à l’aube du christianisme,
les arts de l’Éthiopie ne disposaient curieusement pas de monographie
retraçant de manière exhaustive leur importance. C’est chose faite – et
bien faite – dorénavant avec l’ouvrage réalisé par Jacques Mercier.Ce
spécialiste a en effet mené depuis plus d’un demi-siècle des études sur
plus de 350 églises, sans oublier les riches collections de ce pays
souvent méconnues de l’occident. Le résultat s’avère éblouissant dans tous
les sens du terme et étonnera très certainement plus d’un lecteur. Toute
personne ayant eu la chance de se rendre dans ce beau pays a pu se re
rendre compte de la prégnance et de la force du christianisme dans cette
société.
Associant origines légendaires et avérées, cette riche histoire se
conjugue à une foi toujours aussi fervente puisant à des racines
millénaires notamment celles de la légendaire reine de Saba à la source de
la Bible éthiopienne. Entre légende et histoire, l’Ancien Testament évoque
ainsi le fameux épisode de la reine de Saba, nommée Melket Hava (1 Roi 10,
1-13), Reine de Midi dans l’Évangile de Luc (11, 31), et Balkis dans le
Coran. Conquise par la sagesse du légendaire roi Salomon, cette reine
décida d’abandonner les dieux qu’elle vénérait jusqu’alors et rapportera
dans son pays, la future Éthiopie, le culte du Dieu d’Israël et peut-être
même l’Arche de l’Alliance. La légende veut, par ailleurs, qu’elle eut un
enfant de Salomon nommé Ménélik 1er, premier empereur d’une longue
dynastie qui ne s’éteindra qu’au XXe s.
Mais, c’est véritablement au IVe siècle de notre ère que le christianisme
deviendra en cette contrée africaine la religion prédominante. Au milieu
du IVe siècle, l’empereur Constance II demanda, en effet, aux rois d’Axoum
de présenter officiellement leur évêque nommé Frumentius à Alexandrie afin
de vérifier que leur foi était bien conforme au reste de l’Empire romain.
Le royaume d’Axoum se situait sur les hautes terres du plateau abyssin, à
la croisée des riches routes commerciales entre l’Inde et la Méditerranée.
L’hellénisme et
la langue grecque étaient parvenus jusqu’en ces lieux au sud de l’Égypte
et des croix retrouvées datant du IVe siècle confirment le développement
de la religion chrétienne en ces terres reculées, même si les divinités
traditionnelles resteront cependant toujours présentes, soit concurremment
ou le plus souvent associées à la nouvelle religion. Depuis cette époque,
bien que l’histoire du développement du christianisme en Éthiopie demeure
quelque peu méconnue, l’Église chrétienne éthiopienne fut rattachée à
l’Église d’Alexandrie, un rattachement qui perdurera jusqu’au XXe s. La
langue éthiopienne conservera jusqu’à nos jours cette mémoire biblique et
sera souvent à l’origine de nombreux traits culturels de ce pays africain
riche de légendes et d’histoire en nourrissant largement l’inspiration
d’artistes offrant de splendides peintures religieuses abondamment
illustrées dans cet ouvrage d’art (la période couverte allant des origines
jusqu’au Siècle d’or). De nos jours encore, le christianisme en Éthiopie
demeure très actif, particulièrement depuis la fin de la dictature
militaire en 1991, et représente 60 % de la population. À ce titre seul et
sans oublier la remarquable somme réunie par Jacques Mercier, cet ouvrage
ne peut que prendre place parmi les sources de référence sur l’Éthiopie.
« The Jaguar Book » de René Staud ; 304 pages,
Editions teNeues Verlag, 2022.
C’est un hommage mérité adressé à l’une des marques iconiques des voitures
de luxe que publient les éditions teNeues avec cet ouvrage somptueux. Le
seul nom de Jaguar évoque, en effet, instantanément des carrosseries
rutilantes, des intérieurs feutrés aux fragrances de cuir… Depuis cent
ans, la marque britannique est synonyme d’élégance et de raffinement, un
raffinement discret et non ostentatoire.
Le photographe René Staud retrace ainsi cette incroyable histoire marquée
par des dates clés avec la fameuse Type E des années 30 sans oublier
d’autres voitures toutes aussi réputées que la XK 140 ou encore la SS90.
Cette aventure relatée par ce passionné de voitures de luxe se trouve mise
en scène de manière époustouflante par 175 illustrations aussi somptueuses
les unes que les autres, faisant participer le lecteur à cette fascination
toujours renouvelée pour la marque Jaguar jusqu’à notre époque
contemporaine avec le dernier modèle tout électrique. Dimension sportive
et univers du luxe se côtoient dans ces pages de rêves où les fameuses
icônes du grand écran avec James Bond viennent encore ajouter au mythe
Jaguar.
C’est toute l’aventure de la marque au fameux félin qui se trouve ainsi
racontée dans ce livre d’art qui marquera l’histoire de l’édition
consacrée au monde automobile.
Texte en anglais et allemand.
« Emma Kunz Cosmos - A Visionary in Dialogue with
Contemporary Art » de Yasmin Afschar; Version Anglais / Allemand ; Relié,
248 pages, en collaboration avec the Aargauer Kunsthaus, Aarau, Editions
Scheidegger & Spiess, 2021.
C’est à l’univers fascinant de l’artiste suisse Emma Kunz (1892-1963)
auquel convie ce remarquable ouvrage paru aux éditions Scheidegger &
Spiess et qui a reçu le prix récompensant le plus beau livre allemand de
2021. Ce personnage singulier fut à la fois une artiste et une guérisseuse
reconnue pour ses dons de télépathie en Suisse. Cette singularité l’a
conduite à exprimer sa sensibilité en d’étonnants dessins géométriques, à
l’architecture envoutante et conduisant à une vision dépassant celle du
monde sensible. Aux frontières des mandalas ayant inspiré son compatriote
et psychanalyste Carl Gustav Jung, son travail ne saurait laisser
indifférent. L’iconographie soignée pour ce beau livre réalisé à
l’occasion de la grande exposition qui lui a été consacrée à l’Aargauer
Kunsthaus en Suisse met en rapport le travail d’Emma Kunz avec celui de
nombreux artistes contemporains livrant parallèlement leurs propres
créations. Le personnage, secret et vivant retiré à l’écart de la scène
artistique a ainsi exploré de multiples sujets dont la médecine, la
nature, le surnaturel, l’animisme… Cet intérêt décloisonné l’a conduit à
élargir encore ses perceptions et à les traduire en d’étonnantes
architectures renvoyant à l’organisation du cosmos tout autant qu’aux
méandres de nos cerveaux.
L’ouvrage propose un véritable dialogue entre le travail de l’artiste et
celui d’artistes contemporains réunis pour l’occasion tels Agnieszka
Brzezan´ska, Joachim Koester, Goshka Macuga, Shana Moulton, Rivane
Neuenschwander et Mai-Thu Perret. Accompagné d’essais sur l’ésotérisme
dans l’art contemporain, cet ouvrage ouvrira assurément de nouveaux
horizons pour le lecteur dans cette remarquable publication.
« Pierre Decker – Médecin et collectionneur » de
Gilles Money, Camille Noverraz et Vincent Barras, Édition BHMS, 2021.
C’est un splendide ouvrage – entre biographie, monographie et catalogue –
consacré au célèbre collectionneur d’art suisse Pierre Decker (1892-1967)
qui vient de paraître aux éditions BHMS. Pierre Decker, chirurgien et
professeur d’université de renom qui donna et donne encore aujourd’hui son
nom à de nombreux hôpitaux, sût, également et parallèlement à sa carrière,
réunir avec passion et un goût très sûr une prestigieuse collection
essentiellement constituée d’estampes de Dürer et de Rembrandt. Léguée à
sa mort à la Faculté de médecine, cette exceptionnelle collection a été
transférée et est aujourd’hui au Cabinet cantonal des estampes de Vevey.
Réalisé par des historiens, Gilles Monney, historien d’art, Camille
Noverraz, historienne de l’art et Vincent Barras, historien et médecin,
l’ouvrage livre non seulement un catalogue inédit et complet des estampes
de cette fabuleuse collection, mais donne aussi un beau portrait de ce
personnage hors pair, élégant aux petites lunettes rondes. Ainsi, après
avoir fait « Entrer dans la collection », confiant au lecteur notamment la
conception de l’art de Decker, une conception inséparable de la beauté, le
lecteur pourra-t-il découvrir au travers de nombreux documents pour
certains inédits l’extraordinaire fonds Pierre Decker. Car, le
collectionneur ne réunit pas seulement de son vivant des œuvres de Dürer
et de Rembrandt, mais aussi des artistes contemporains. Cependant, c’est
l’ensemble des estampes que le lecteur pourra surtout en ces pages
découvrir et admirer en leur format original.
Appuyé également par de riches analyses allant de l’histoire de l’art à
l’histoire de la médecine, des études transversales qui assurément
n’auraient pas déplu au célèbre et regretté historien de la pensée que fut
Jean Starobinski, l’ouvrage offre parallèlement une belle mise en
perspective des relations étroites que peut entretenir la médecine avec
les collectionneurs et inversement.
Ce sont ainsi de riches et captivants thèmes - « Philosophie de la
chirurgie », « La chirurgie, art ou science ? » ou encore « La culture
fondement d’un humanisme médical » - que cet ouvrage propose à la
curiosité et à la réflexion.
Une analyse faisant de ce bel ouvrage, bien plus qu’un catalogue des
estampes de la collection Pierre Decker. Au-delà de cette riche et
passionnante étude, l’ouvrage constitue assurément l’un des plus beaux
hommages qui puissent être rendus à ce grand homme d’art et de sciences.
« Vincent Peters – Selected works » ; Relié, 160
pages, 177 photographies noir et blanc, Éditions teNeues, 2021.
On ne présente plus le célèbre photographe de mode Vincent Peters. Ses
photographies pour Vogue, Dior, Yves Saint-Laurent, Glamour, etc., ont
fait depuis longtemps sa renommée. Aussi faut-il saluer l’initiative des
éditions teNeues de publier ce splendide ouvrage réunissant une sélection
des meilleurs travaux de Vincent Peters. C’est avec un souci méticuleux du
détail, de la précision et de l’éclairage que ses photographies ont su non
seulement séduire, mais également s’imposer sur la scène internationale.
Photographiant les plus grandes stars dont Monica Bellucci, Scarlett
Johansson ou Penélope Cruz, recourant parfois à la photographie
analogique, ses réalisations sont aujourd’hui incontournables et présentes
sur le marché de l’art.
Mais, au-delà de la diversité de ses réalisations, l’intemporel est
probablement ce qui caractérise le mieux l’œuvre du photographe. Aussi
n’est-ce pas un hasard si ce magnifique et unique volume regroupe des
clichés en noir et blanc, un choix de sélection qui vient accentuer plus
encore la signature du photographe Vincent Peters. On songe notamment aux
portraits de Laetitia Casta ou d’Emma Watson... Des portraits grand
format, dont certains ont marqué les mémoires à jamais. Rien de répétitif,
mais une recherche toujours renouvelée pour chaque star avec cette
distance intimiste, cet éclairage choisi qui ont fait ses meilleurs
clichés. Charlize Theron, Carolyn Murphy quelques portraits d’hommes
aussi, dont John Malkovich ou encore Edward Burns, un choix de portraits
noir et blanc qui témoignent de l’immense talent du photographe Vincent
Peters.
C’est une réelle splendide mise en perspective, un angle par lequel le
photographe Vincent Peters se révèle dans toute son exigence et rigueur de
travail qu’offre cet album. Cette œuvre où « L’inconscient rencontre la
conscience dans l’acte même de photographier » souligne Vincent Peters en
exergue de cet exceptionnel ouvrage.
« Les Toits de Paris » du photographe Laurent
Dequick, 32 x 25 cm, 120 pages, Éditions Chêne, 2021.
On ne résiste pas à ce superbe livre dans son coffret aux pages pliées en
accordéon et offrant au regard les plus belles vues sur les « Toits de
Paris ». On pourrait passer des heures à les observer, les détailler, les
scruter. Entre ciel et terre, « Les toits de Paris » sont inimitables et
le photographe Laurent Dequick dans des panoramas grandioses et
époustouflants nous les laisse admirer de l’aurore au crépuscule. Des
toits bleu-gris, en zinc faisant miroiter leurs reflets sous la pluie ou
le soleil, en ardoise se confondant avec l’horizon, les « Toits de Paris »
ont inspiré les plus belles chansons et poésies… Il est vrai que « Les
Toits de Paris » sont si reconnaissables sans jamais pourtant être tout à
fait les mêmes, laissant deviner, çà et là les monuments incontournables
de la capitale. Un régal !
« Antoine Coysevox – Le sculpteur du Grand Siècle
» d’Alexandre Maral et Valérie Carpentier-Vanhaverbeke ; Relié, 24 × 32
cm, 580 pages, 976 illustrations, Arthena Éditions, 2021.
Antoine Coysevox (1640-1720), d’origine lyonnaise, compte assurément parmi
les plus grands noms de la sculpture française du Grand Siècle. À la tête
de l’Académie royale de peinture et de sculpture dès 1703, son riche
parcours émaillera de ses inoubliables créations les célèbres châteaux de
Versailles et de Marly. Au service du roi Louis XIV dont il contribuera à
célébrer l’aura par le truchement des arts, Coysevox fait aujourd’hui
l’objet d’une superbe monographie sous la plume d’Alexandre Maral et
Valérie Carpentier-Vanhaverbeke aux éditions Arthena.
L’ouvrage est en effet à la hauteur de l’artiste avec ses 580 pages et 976
illustrations, pour nombre d’entre elles pleine page. Ainsi que le relève
Laurent Salomé en avant-propos, cet ouvrage magistral qui célèbre le trois
centième anniversaire de la disparition du sculpteur réussit le tour de
force de présenter à la fois l’artiste de la Cour et de la ville, le
monumental et le portrait intime. Car Coysevox excelle dans cette
diversité, son art ne se limitant pas aux fastes de la couronne et du
pouvoir dont il parvient même dans cette magnificence à capter
subrepticement certains instants d’intimité (Louis XIV agenouillé à
Notre-Dame portant sa main devant son cœur en signe de piété). Geneviève
Bresc-Bautier, directrice honoraire du département des Sculptures du musée
du Louvre, met en avant dans sa préface cette propension de Coysevox à
être le sculpteur de l’art officiel, mais non pas un « sculpteur officiel
». Après François Girardon, c’est ainsi au tour d’Antoine Coysevox de
bénéficier d’une étude non seulement exhaustive, mais également
passionnante, les auteurs réussissant à saisir et à exposer cette latitude
qu’eut le sculpteur à développer son génie tout en s’insérant dans des
cadres classiques. Cette liberté étonnante pour l’époque et encouragée par
le monarque se développera notamment par le truchement des nymphes et
autres faunes de Marly, ces portraits intimes que l’on jugerait animés
d’un souffle encore perceptible. Coysevox sait rendre la grandeur du faste
royal et des puissants de son temps, mais il parvient aussi à se saisir de
ce « je-ne-sais-quoi » qui insuffle vie à ses créations.
« La
Genèse de la Genèse », Illustrée par l’abstraction, de la création du monde
à la tour de Babel ; Les onze premiers chapitres de la Genèse présentés en
français, en hébreu et en translittération. Nouvelle traduction de l’hébreu,
notes et commentaires de Marc-Alain Ouaknin ; Introduction de Marc-Alain
Ouaknin ; Préface de Valère Novarina, 1 volume relié, 384 pages, 19 x 26 cm,
La Petite Collection, Éditions Diane de Selliers, 2022.
Le livre de la Genèse, primus inter pares, jouit depuis les temps les plus
anciens de cette importance, prééminence constitutive de la naissance de
l’univers, une naissance ou Genèse qu’évoquent en une beauté inouïe ces
pages. Premier livre de la Torah et de la Bible, sa poésie n’a d’égale que
ses principes qui pendant longtemps ont pris une valeur littérale
d’explication du monde. Si, cette conception n’est, certes, plus prise à la
lettre (à l’exception de certains regrettables mouvements contemporains
créationnistes), ses récits et enseignements demeurent néanmoins enracinés
dans l’inconscient collectif de nos contemporains et la source d’eau vive de
millions de croyants, Juifs, Chrétiens d’occident et d’orient. Il suffira
pour s’en convaincre de revenir à l’étymologie même du mot Genèse, Beréshit
ou « Entête » pour les Hébreux, et que saint Jérôme traduira, pour sa part,
par « In principio ». Le monde ne se conçoit que par ces principes premiers
« à la tête » de toute autre chose ou être…
Aussi, quelle belle et heureuse idée de faire dialoguer ce mystère,
inexplicable pour la raison, avec la peinture abstraite, un choix inspiré
retenu pour cette exceptionnelle édition de la Genèse à partir d’une
nouvelle traduction de l’hébreu signée Marc-Alain Ouaknin.
Ce splendide livre d’art et de foi maintenant disponible
dans La Petite Collection des éditions Diane de Selliers rend témoignage à la magnificence du récit
unique de La Genèse. La Genèse, texte fondateur des traditions juives et
chrétiennes, comprend précisément sept jours pour la création du monde. Si
le style et la diversité de ces chapitres laissent plutôt penser à une
pluralité de rédacteurs s’échelonnant du VIIIe s. au IIe siècle av. J.-C.,
la tradition aime à en attribuer la paternité à Moïse… La présente édition a
retenu les onze premiers chapitres, un choix judicieux dans la mesure où la
composition comme souvent dans la littérature hébraïque part du général vers
le particulier avec la création de l’univers, l’humanité, les luttes
fratricides, le déluge et le recommencement… Les influences culturelles ont
été fort grandes pour la genèse de cette Genèse, s’inspirant de sa proximité
avec la culture du Proche-Orient, et dont la Bible recueillera de nombreux
traits revisités par l’inspiration de ses rédacteurs, on songe notamment au
Déluge trouvant leur antériorité dans la culture sumérienne et l’épopée d'Atrahasis
reprise par celle de Gilgamesh.
Fort de cet héritage immémorial, Marc-Alain Ouaknin, philosophe et rabbin,
propose pour cette publication d’exception une nouvelle traduction à partir
de la langue hébraïque en associant rigueur de la langue et poésie, syntaxe
hébraïque et authenticité de la langue biblique.
Cette poésie biblique est encore accentuée par la mise en
page retenue et la reproduction du texte hébreu et de la translittération au
regard du texte français. Une présentation pensée et des plus soignées
offrant une nouvelle poésie, celle de la lettre et de sa graphie, les plus
grands calligraphes témoignant qu’il n’est pas nécessaire de connaître une
langue pour en apprécier sa poésie… L’impression de dialogues et de liens
inextricables qui dépassent leurs auteurs se trouve enfin sublimée par les
choix au soin tout aussi méticuleux d’œuvres de l’abstraction, telles ces
Constellations de Picasso, Une courbe libre vers un point de Kandinsky,
Braque et L’oiseau noir et l’oiseau blanc, Mondrian, Poliakoff et bien
d’autres dont, étrangement, les œuvres semblent être « éclairées » par le
texte de la Genèse « révélant » ainsi un dialogue des plus féconds .
Régulièrement, s’imposent aussi dans cette belle partition des « silences »
avec des textes non moins inspirants de philosophes ou d’artistes dont,
notamment, Vladimir Jankélévitch ou encore Marcel Duchamp ; Des « reprises
de souffle » venant approfondir encore l’appréhension et la lecture du Livre
de la Genèse ouvrant ainsi à une des plus belles méditations…
Une « Symphonie biblique », ainsi que la nommait autrefois le grand André
Chouraqui et qu’introduit Valère Novarina dès sa préface. Amoureux du mot et
de la langue, Valère Novarina explore avec le lecteur ces intrications
secrètes qui nourrissent le premier des premiers livres de la Bible. Une
lecture par une autre porte, celle de la Parole comme rythme, pulsation
universelle qui irradie ce texte premier. Un ravissement !
Philippe-Emmanuel Krautter
« Bonnard – Les couleurs de la lumière » ; sous
la direction d’Isabelle Cahn, de Guy Tossatto et Sophie Bernard ;
Cartonné, 175 illustrations, 320 pages, Editions In Fine, 2021.
À souligner, la parution à l’occasion de l’exposition au musée de Grenoble
consacrée au célèbre peintre Pierre Bonnard d’un fort et beau catalogue
intitulé « Bonnard – Les couleurs de la lumière » aux éditions In Fine.
Ce titre approprié « Les couleurs de la lumière » tisse - à l’image du
bonheur qui caractérise le peintre - le fil conducteur de cet ouvrage
réalisé sous la direction d’Isabelle Cahn, de Guy Tossatto et Sophie
Bernard. Appuyé d’une vaste iconographie, reproductions, affiches et
photographies, l’ouvrage offre en première partie de riches essais livrant
de belles clés de lecture pour appréhender l’œuvre de Bonnard. On songe à
ces célèbres toiles aux intérieurs intimes et aux fenêtres ouvertes, aux
nus féminins ou encore à ses fameux chats…
Bonnard fut un peintre ayant toujours eu, par le prisme de la lumière et
des couleurs, un rapport très subjectif au temps et à l’espace ainsi que
le soulignent dans leur écrit tant G. Tosatto qu’Isabelle Cahn avec cet «
arrêt du temps » qui le caractérise. Y sont également abordés les thèmes
des objets ou du jaune si chers à l’artiste, « Un art du paradoxe » que
développe dans sa contribution S. Bernard.
Des textes révélant toute la singularité de Pierre Bonnard, cet artiste
qui fut un temps Nabis et qui admirait tant Claude Monet. C’est
d’ailleurs, à quelques kilomètres de Giverny - Giverny où il rencontrera à
plusieurs reprises le père de l’Impressionnisme, que le peintre achètera
une propriété en 1912, à Vernonnet précisément.
L’ouvrage se poursuit, en seconde partie, par le catalogue des œuvres de
Bonnard selon « Les couleurs de la lumière » propres aux lieux de sa vie.
Ainsi, retrouve-t-on le Grand Lemps et les couleurs pour le peintre des
étés en famille, mais aussi bien sûr, les « Lumières de Normandie » ou
encore celles « Sous le soleil du midi » notamment du Cannet où le peintre
s’établit en 1926. Le Cannet que le lecteur pourra découvrir grâce au
porte-folio réalisé par Bernard Plossus.
Lumière, reflets, diffractions et couleurs nimbent, scintillent ou
miroitent dans l’œuvre de Pierre Bonnard comme autant de sensations,
vibrations et émotions.
Un beau et riche catalogue qui viendra compléter toute bonne bibliothèque
d’art.
« Paravents japonais » sous la direction
scientifique d'Anne-Marie Christin, édité par Claire-Akiko Brisset et
Torahiko Terada ; 35 x 25 cm, 280 pages, 250 illustrations couleur,
Reliure japonaise, impression métallisée dorée pour l'illustration de
couverture et le coffret à rabats illustré, Citadelles & Mazenod, 2021.
Véritable évènement éditorial, la parution des éditions Citadelles &
Mazenod consacrée à l’art des byobu, plus connus sous le terme occidental
de paravents devrait non seulement séduire les spécialistes de l’art
japonais traditionnel, mais également susciter l’admiration de tout
amateur d’art. L’ouvrage réalisé sous la direction scientifique
d'Anne-Marie Christin et édité par Claire-Akiko Brisset et Torahiko Terada
bénéficie en effet d’une véritable recherche scientifique faisant de cette
somme en langue française une référence en la matière. Pour cela, ce sont
plus de cent chefs-d’œuvre qui ont été réunis en une splendide
iconographie afin de présenter dans toute sa beauté cet art ancestral du
Japon.
Cet ouvrage à la présentation luxueuse avec sa couverture métallisée
dorée, fruit de l'expertise scientifique d'une équipe franco-japonaise
explore, en effet, cet art étonnant qui n’a pas d’équivalent en d’autres
pays. À l’image des nombreux arts traditionnels du Japon, le savoir-faire
et la minutie des meilleurs artisans ont été convoqués afin d’ériger cet
objet initialement pratique en une véritable œuvre d’art, support de la
créativité des artistes les décorant. La conception même du paravent offre
cette alternance entre plis et déploiements, faces cachées ou visibles,
suggérant ainsi tout un jeu de renvois et références complexes.
Dès l’époque Nara au VIIIe siècle jusqu’à nos jours, le paravent au Japon
a fait l’objet d’une réflexion à part, bien distincte de celle de la
peinture, de la calligraphie ou de l’estampe. Objet incontournable des
temples et demeures aristocratiques, le paravent masque autant qu’il
suggère en une variété presque infinie de motifs et de représentations au
fil des siècles ainsi qu’en témoignent les superbes illustrations
présentées en un généreux format 35 x 25. Sur ces mobiliers fruits d’un
assemblage de châssis de bois recouverts de papier, les plus grands
artistes apposeront leur signature tels Sôtatsu, Kôrin, Rosetsu ou encore
Hokusai…
Cet art sera l’occasion également de déployer sur ces larges surfaces de
plusieurs mètres parfois de longues évocations d’œuvres littéraires
incontournables du Japon tel Le Dit du Genji en une multitude de scènes
familières aux lettrés les admirant. Cet art permettra également d’évoquer
à l’envi les thèmes favoris du bouddhisme japonais avec ces scènes épurées
où pins, bambous, prunus, monts enneigés ou encore de stoïques hérons
posent les jalons d’une culture où chaque détail fait signe. Un ouvrage
clé afin d’entrer dans l’art du Japon.
« Leyli et Majnûn » de Jâmi ;
Illustré par les miniatures d’Orient ; Traduction du persan, notes et
introduction de Leili Anvar ; Direction scientifique de l’iconographie et
introductions d’Amina Taha-Hussein Okada et Patrick Ringgenberg ; 180
miniatures persanes, mogholes, indiennes, ottomanes et turques du XIVe au
XIXe siècle ; Glossaire et repères chronologiques ; 1 volume, relié, sous
coffret. 24,5 × 33 cm, 432 pages, Éditions Diane de Selliers,2021.
C’est à l’univers fascinant de la plus belle poésie persane auquel nous
convie ce merveilleux volume « Leyli et Majnûn » de Jâmi publié par les
éditions Diane de Selliers. Cet ouvrage, véritable livre d’art, s’avère
dès les premières pages plus qu’un beau livre. Puissante ode à l’amour, ce
texte connu des spécialistes et amoureux de la poésie persane se trouve
désormais proposé par cette splendide édition à un plus large public, un
public qui devrait spontanément tomber sous le charme de la beauté de ce
récit amoureux perdu dans les sables d’Arabie…
Le récit trouble en effet le lecteur car à l’image des quêtes éperdues qui
ont jalonné la littérature occidentale, l’aveu public de son amour pour
une jeune fille va conduire un jeune poète à un désespoir que certains
qualifieront de folie, « majnûn » en persan. Folie d’amour, quel thème
inspirant de nos jours où calcul et raison prévalent si souvent. En ces
pages admirablement enluminées d’une iconographie des plus inspirantes
avec ces miniatures d’orient, la poésie se décline en autant de grains de
sable du désert. Fluides, passionnées, insaisissables et pourtant
omniprésentes, ces amours métamorphosent Majnûn au point que son être, à
l’image de son âme, s’en trouve bouleversé.
Tels les fous de Dieu qui quittaient la société pour
l’isolement du désert, le poète à qui l’amour de Leyli se trouve interdit
se réfugie dans les sables d’Arabie où il guettera les reflets de sa
bien-aimée. Cette absence conduit au fil des jours à une présence, cette
présence absolue de l’amour qui s’apparente rapidement à l’amour divin
avec lequel il se confond. Ainsi que le souligne Leili Anvar dans sa
préface « La poésie de Jâmi est douce parce qu’elle a pour vocation de se
mêler au souffle de la vie, murmurant à l’oreille de l’âme une mélodie à
nulle autre pareille. C’est aussi pourquoi l’on ne peut parler d’amour
qu’en termes poétiques et que le chant le plus suave est celui de l’Amour.
»
A l’image du Cantique des Cantiques dans la Bible, ce récit bouleverse le
lecteur car il le conduit dans les tréfonds de ses émotions les plus
intimes, se demandant qu’est-ce qui détermine une vie ? Cette dernière
peut-elle être conditionnée à l’amour de l’autre ? Toutes ces questions
qui interrogeront l’homme, jusqu’à ce que la psychanalyse ne s’en
saisisse, se trouvent au cœur de cette poésie persane mémorable, telle
cette gouache du début du XVIe siècle évoquant Majnûn dans les bras de
Leyli, le jeune homme apparaissant sous les traits d’un ascète au visage
et au corps émaciés par sa retraite. Le pouvoir de l’amour transcende
ainsi toutes les contingences de la vie, y compris celles de la beauté, de
la richesse et des honneurs du monde.
« Georges de La Tour » de Jean-Pierre Cuzin ;
Relié sous jaquette et coffret illustrés, 32.5 x 27.5 cm, 390 ill.
couleur, 384 pages, Editions Citadelles &t Mazenod, 2021.
La vie de Georges de La Tour est toujours demeurée, pour les historiens,
lacunaire. Encore aujourd’hui sa vie et son œuvre demeurent un mystérieux
puzzle. Mais quel merveilleux mystère cependant ! Aussi n’est-ce pas
étonnant que Jean-Pierre Cuzin, historien de l’art réputé, ait souhaité
proposer dans ce splendide ouvrage paru aux éditions Citadelles et Mazenod
un pertinent et nouvel éclairage sur l’œuvre de ce fantastique peintre. Et
comme on le comprend ! Comment ne pas être en effet fasciné par ces
éclairages, ces ambiances, ces clairs obscurs ? on songe à « La Madeleine
pénitente » qui orne le coffret de l’ouvrage ou encore au « Saint Joseph
charpentier ». Des œuvres dont l’auteur nous donne également à voir de
beaux détails ou des radiographies pour mieux appuyer ses thèses et
analyses.
Oublié à sa mort au XVIIe, pendant presque trois siècles, Georges de La
Tour est assurément un « rescapé ». Il y a un siècle encore, aucune
histoire de la peinture ne le mentionnait, souligne Jean- Pierre Cuzin en
son introduction. La reconnaissance de Georges de La Tour relève donc d’un
miracle ou plus exactement d’une chaine ininterrompue de miracles dus à de
géniales et multiples audaces, intuitions, persévérances et hasards. Une
incroyable redécouverte qui se poursuit encore aujourd’hui avec bonheur
grâce à ce riche ouvrage. C’est véritablement à une enquête alerte,
vivante et passionnante à laquelle le lecteur est convié.
Appuyé par une vaste et magnifique iconographie, l’auteur réévalue en
effet en ces pages œuvres et archives, réexamine celles attribuées et les
copies, et livre au regard des dernières recherches, chapitre après
chapitre, une passionnante biographie renouvelée de l’artiste. Sous la
plume de Jean-Pierre Cuzin, Georges de La Tour nous apparaît, retrouve
ainsi vie dans son époque, ses œuvres reprennent place dans cette vie
d’artiste qui peignit pendant une quarantaine d’années. Ainsi, après les
années de jeunesse et de formation, le lecteur pourra suivre le peintre de
son début de carrière à sa venue à Paris et reconnaissance dans les années
1630-1640. Les grandes toiles de l’artiste de 1640-1645 y sont également
largement analysées notamment la célèbre « Adoration des bergers » avant
que Jean-Pierre Cuzin n’aborde les dernières années du peintre.
Si ses œuvres nocturnes sont les plus connues, ses œuvres diurnes ne
sauraient cependant être oubliées. Car, ainsi que le souligne l’auteur, la
carrière du peintre n’est pas sans évolution ni volte-face ou
contradictions avec des œuvres extrêmement variées et déconcertantes.
N’évitant aucune difficulté, fort de nombreuses études de toiles ou
détails, Jean-Pierre Cuzin n’hésite pas à souligner incohérences et
contradictions, problèmes et incertitudes que soulèvent encore de nos
jours l’œuvre et la biographie d’un tel artiste. Mais, conscient de ces
incontournables difficultés – du caractère périlleux de l’entreprise,
écrit-il -, Jean-Pierre Cuzin a su par cet ouvrage de référence relever ce
beau défi de redonner à Georges de La Tour toute sa grandeur. Une gloire
longtemps oubliée, mais pourtant incontestable en ces pages !
« Jésus dans l'art et la littérature » de
Pierre-Marie Varennes ; coédition Magnificat et Éditions de la Martinière,
2021.
Pierre-Marie Varennes a su se saisir dans ce beau livre coédité par
Magnificat et les éditions de La Martinière du mystère de l’Incarnation ;
un thème fort mis ici en perspective par le filtre de l’art et de la
littérature. Grâce à une belle iconographie de 150 chefs-d’œuvre d’art
sacré et 50 grands textes de la littérature, cet ouvrage, en touches
successives, nous rapproche page après page à la fois de la richesse des
images du Christ livrées par les plus grands artistes tout en proposant au
lecteur d’approfondir son propre regard grâce à d’inspirantes méditations
et lectures. Si la lectio divina est bien connue des fidèles épris
de la richesse des Écritures, l’exercice suggéré par Pierre-Marie Varennes
s’en rapproche quant à lui grâce à l’art. Quelle âme n’a en effet ressenti
une émotion certaine face à ce regard puissant du Rédempteur ni tremblé
face à la douleur du Christ en Croix ? L’ouvrage guide le lecteur dans ce
chemin de l’art en rappelant les grands courants artistiques, mais aussi
leur singularité quant à l’art sacré. Ainsi que le souligne l’historien de
l’art Edwart Vignot dans sa préface, cet ouvrage réunit à lui seul un
florilège d’images porteuses de sens, la reproduction en vis-à-vis du
tableau « Le Portement de croix » du peintre Le Greco en témoigne. Un bel
et riche ouvrage qui guide, suggère et accompagne le lecteur dans sa
propre réflexion de la transcendance sous l’angle de la beauté.
« Pour un Herbier » de Colette, illustré par
Raoul Dufy ; Relié, couverture cartonnée pleine toile, marquage et
vignette Grand in-quarto, 33 x 23 cm, 96 p., Éditions Citadelles &
Mazenod, 2021.
Les amoureux des lettres, des arts et de la nature ne pourront que saluer
cette belle et heureuse initiative des éditions Citadelles & Mazenod de
rééditer aujourd’hui le splendide ouvrage écrit par Colette et illustré
par Raoul Dufy. « Pour un herbier » fut initialement publié en 1971 dans
une édition de luxe par les célèbres éditions Mermod.
Grâce à cette belle publication à l’identique, nous pouvons aujourd’hui
redécouvrir toute la finesse et l’amour de Colette pour la nature et les
herbiers. Un herbier consacré aux fleurs et dialoguant, ici, avec toute la
délicatesse des formes et couleurs de Raoul Dufy. Un fac-similé enchanteur
réalisé à partir de l’édition originale conservée à la bibliothèque de
l’Institut national d’histoire de l’art, plus précisément à partir de
l’exemplaire réservé à l’artiste et aux collaborateurs appartenant à la
collection Jacques Doucet.
Colette aimait cet ouvrage réjouissant les sens et dont chaque page est un
émerveillement. Une délicatesse et une fraîcheur offertes dans une édition
soignée aux dessins à la mine de plomb et aux aquarelles pleines pages.
Les fleurs s’y épanouissent sous la palette du peintre et trouvent sous la
plume de l’écrivain leur plus délicat parfum.
Le
lecteur dans cette promenade printanière y découvrira au détour des pages
la douceur d’un vase du muguet ou la fraîcheur des lys, des pavots, d’un
gardénia en un monologue à nul autre pareil ou encore ces anémones
devenues si rares de nos jours…
Lorsque l’une des plus célèbres femmes des lettres françaises rencontre
pour le plus grand plaisir des sens l’un des plus enchanteurs des
aquarellistes… une merveille !
« À la table de Flaubert » de Valérie Duclos avec
les photographies de Guillaume Czew ; 21 x 28 cm, 128 p., Éditions des
Falaises, 2021.
C’est à une jolie promenade à la fois littéraire et gourmande à laquelle
nous convie Valérie Duclos avec cet ouvrage « À la table de Flaubert »
paru aux éditions des Falaises. Accompagné et superbement illustré par les
photographies de Guillaume Czew, ce sont les goûts et l’appétit de vie du
célèbre écrivain et tout l’art de vivre normand qui sont ainsi mis à
l’honneur.
Le lecteur pour son plus grand plaisir y retrouvera ainsi des recettes
données dans les œuvres de Gustave Flaubert, et dont certaines ont été
pour l’occasion créées ou revisitées par des chefs contemporains normands.
Ainsi, dégusterons-nous la « Tourte de caille » de Madame Bovary, le «
Rumsteack au caramel de framboise » de Salammbô ou encore la « Soupe à
l’oignon » de Bouvard et Pécuchet. Recettes, repas, dîners, tables et
scènes de vie, tous ces savoureux moments flaubertiens revivent, en ces
pages, comme par magie.
Valérie Duclos souligne en son introduction qu’elle entend bien convier
ses lecteurs non seulement à une escapade gourmande mais aussi « à une
ballade littéraire, culturelle, architecturale, normande (…) » Des
ambiances où vécut l’écrivain, Rouen, Croisset, ou des lieux normands
décrits par Flaubert lui-même. Références littéraires, paysages et style
normand, recettes plus tentantes et alléchantes les unes que les autres,
le lecteur ne peut que se laisser agréablement entraîné dans cette
escapade épicurienne.
Des plaisirs de table en compagnie de Flaubert aussi joliment présentés
que savoureux. Comment y résister ?
« La Normandie de Flaubert », Collectif,
Association des Amis de Flaubert et de Maupassant, Photographies d’Éric
Bénard, Éditions des Falaises, 2021.
En cette année qui marque le deux centième anniversaire de la naissance de
Gustave Flaubert, comment ne pas parcourir la Normandie, sa Normandie ?
Normand de par sa mère, né à Rouen, il passa principalement sa vie au
Croisset où il mourut en 1880. Certes, le célèbre écrivain fit de
multiples allers-retours à Paris, mais il préférait s’enfermer dans cette
maison du Croisset, lieu de prédilection où il écrivit ses œuvres. C’est
d’ailleurs, en cette Normandie natale, que Flaubert plaçât ses œuvres
majeures, que ce soit « Madame Bovary », d’« Un cœur simple » situé à
Pont-L'Évêque jusqu’à « Bouvard et Pécuchet » ayant également pour cadre
le Calvados… A Croisset en Normandie, il aimait aussi y inviter ses amis,
le jeune Maupassant ou encore Tourgueniev qui se fit souvent attendre.
Ainsi que le souligne Yves Leclerc, président des Amis de Flaubert et de
Maupassant, en son introduction l’écrivain fut « trois fois normand ». A
ce titre, un ouvrage dédié à « La Normandie de Flaubert » s’imposait !
Paru aux éditions des Falaises sous l’égide de l’Association des amis de
Flaubert et de Maupassant, c’est un plaisant ouvrage collectif, riche et
joliment illustré par les photographie d’Éric Bénard, que le lecteur
pourra découvrir. De « La Normandie au temps de Flaubert » aux lieux de
mémoire d’aujourd’hui en passant par cette Normandie littéraire qui habite
ses œuvres ou encore la visite du « Pavillon de Flaubert à Croisset »,
seul vestige de la propriété de Flaubert, l’ouvrage se parcourt aussi
agréablement qu’une belle escapade ou un roman.
« Le Renouveau de la Passion - Sculpture
religieuse entre Chartres et Paris autour de 1540 » ; Catalogue
d’exposition au Musée national de la Renaissance - Château d'Écouen sous
la direction de Guillaume Fonkenell, Editions In Fine éditions, 2020.
Le catalogue de l’exposition du Musée de la Renaissance propose une
passionnante évocation de l’univers de la sculpture gothique au milieu du
XVIe siècle. Au tournant de la Renaissance une véritable mutation de la
sculpture religieuse s’accomplit en effet entre Paris et Chartres. Face à
la persistance de l’art gothique en France, des artistes vont ainsi
développer un nouveau langage formel qui sera qualifié de « classique ».
Des artistes comme Jean Goujon souhaitent dès lors renouveler l’art sur un
plan formel ainsi que ses trois œuvres commandées pour
Saint-Germain-L’Auxerrois, les décors de la façade du Louvre et pour la
fontaine des Innocents à Paris en témoignent. Une certaine distance
temporelle se trouve marquée, avec un retour aux standards de l’Antiquité
et le souhait de représenter les Évangélistes au temps des Romains.
Le catalogue montre bien comment un autre artiste comme François Marchand
a su également illustrer cette évolution, de Chartres où il commença sa
carrière, jusqu’à Paris en sculptant le tombeau de François Ier. En un
retour à l’antique et une proximité avec la Renaissance italienne, une
violence passionnelle et une véritable virulence émotive peuvent être
perceptibles dans les œuvres de cet artiste, signe de cette profonde
mutation.
Ce catalogue richement illustré fait la brillante démonstration que ces
sculpteurs du XVIe s. ont su par la puissance plastique de leurs œuvres
conjuguer d’une manière repensée la dignité et le drame de la Passion du
Christ.
« Alfred Sisley - Catalogue raisonné des
peintures et des pastels » de Sylvie Brame et François Lorenceau ; 560 p.,
25 x 32 cm, Illustrations : env. 1100, relié sous jaquette couleur,
Bibliothèque des Arts, 2021.
Les éditions La Bibliothèque des Arts viennent de consacrer un catalogue
raisonné de l’œuvre du peintre Alfred Sisley appelé à faire date. Les
auteurs, Sylvie Brame et François Lorenceau, offrent en effet avec cette
somme bénéficiant des dernières recherches sur le peintre un ouvrage
essentiel non seulement pour les spécialistes mais également pour tout
amoureux de l’Impressionnisme. En renouvelant et amplifiant l’édition
originelle parue en 1959 par François Daulte avec le concours de Charles
Durand-Ruel, le présent ouvrage réunit en 560 pages pas moins de 1012
tableaux et pour la première fois les 71 pastels du maître
impressionniste.
Anglais de naissance et français de cœur, Alfred Sisley décide de poser
son chevalet à l’extérieur pour livrer ces tonalités fraiches et
évanescentes d’une nature qu’il ne cessera d’observer notamment en Ile de
France. Il ressort de ces évocations intimes des rives de la Seine, à
l’ouest de la capitale, une attraction secrète qui le ramènera toute sa
vie durant sur ces lieux où l’harmonie se conjugue à la vibration de
l’air. Sylvie Patin, conservateur général honoraire au musée d’Orsay,
souligne en introduction que si Sisley n’avait pas rencontré le succès
escompté de son vivant alors même que son talent était apprécié de ses
pairs, sa notoriété viendra après sa mort.
Les témoignages abondent en effet après sa disparition de la gaieté, de
l’entrain et fantaisie du personnage qui allait connaître très tôt cette
attraction inexorable du paysage et de la nature notamment à Bougival et
Louveciennes où il résida. Lui qui commençait toujours une toile par le
ciel ne cessa d’en admirer les incessants reflets sur les ondes du fleuve
jouxtant sa résidence. Souvent associé à Monet pour cette magie des flots
qu’il sut rendre avec une rare acuité dans ses multiples peintures à
l’huile mais aussi ses pastels, la magie Sisley opère spontanément en
feuilletant les pages de ce somptueux catalogue critique. Surgissent en
effet comme par enchantement des paysages encore vierges des ravages
opérés par la modernité dont il reste encore quelques rares bribes dans
les boucles de la Seine. Ces paysages surpris sur le vif consentent à
livrer dans ces compositions ce témoignage sensible qui anima le peintre
tout au long de sa vie, même lorsque cette dernière l’éloignera de cette
région pour d’autres horizons notamment à Moret-sur-Loing où il terminera
ses derniers jours dans la gêne matérielle et avant même d’avoir été
naturalisé par l’État français…
« Salammbô » ; Catalogue, cartonné, 352 pages,
ill., 240 x 320 mm, Gallimard, 2021.
L’incipit du roman « Salammbô » de Gustave Flaubert « C'était à Mégara,
faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. » est passé à la
postérité pour des générations de lecteurs depuis sa date de publication
en 1862… Fruit d’un travail titanesque qui demanda des années de
préparation à son auteur, « Salammbô » fut non seulement l’occasion de
redonner vie à la cité antique, source de tous les rêves de
l’orientalisme, mais aussi d’explorer en profondeur les passions humaines.
Le catalogue qui vient d’être publié par les éditions Gallimard est à la
hauteur de cette immense fresque à l’occasion de l’exposition qui va se
tenir au MUCEM à partir de cet automne.
Ainsi que le souligne Sylvain Amic en introduction à cette somme
abondamment illustrée de plus de 350 pages, Flaubert présente son dernier
roman cinq après le scandale de « Madame Bovary » qui valut un procès à
son auteur. L’écrivain partit sur place en 1857 et récolta une masse
impressionnante de matériel pour une histoire qui allait se dérouler trois
siècles avant Jésus-Christ. L’auteur souhaita visiblement quitter son
siècle après les tourments occasionnés par « Madame Bovary », pour mieux
plonger dans les arcanes de l’Histoire, une fois de plus, méticuleusement
explorées. Son ami Guy de Maupassant s’interrogeait : « Est-ce là un roman
? N’est-ce point plutôt une sorte d’opéra en prose ? »… La question mérite
d’être posée tant Flaubert déploie dans « Salammbô » à la fois la voix de
ses protagonistes et les couleurs de la scène en un tourbillon proche de
l’art lyrique, ce dernier lui rendant par la suite hommage en étant la
source d’inspiration de nombreuses créations.
Le présent catalogue explore toutes les facettes de cette gigantesque
œuvre qui épuisa son auteur au point de le décourager. Flaubert fait œuvre
d’historien en travaillant sur les sources historiques à sa disposition,
et ira même jusqu’à lire les études médicales les plus poussées de son
temps sur les effets de la faim et de la soif pour ses protagonistes dans
le défilé de la Hache…
Après avoir rappelé la situation historique de Carthage avant Flaubert et
la genèse de l’ouvrage, le catalogue offre de passionnantes sections sur
l’influence du roman sur les arts, notamment pour la peinture, mais aussi
la musique sans oublier le cinéma. Illustré par une foisonnante
iconographie témoignant des liens étroits entre l’œuvre et les arts, ce
catalogue vient ainsi souligner le génie littéraire de Flaubert, et ce, de
la plus belle manière.
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Architecture |
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“Shigeru Ban. Complete Works 1985 –Today” de Philip Jodidio, édition:
Multilingue (Allemand, Anglais, Français) ; Relié, 30.8 x 39 cm, 696 p.,
Editions Taschen, 2024.
L’architecte japonais Shigeru Ban est connu internationalement pour ses
créations originales à base de carton permettant la réalisation
d’habitations d’urgence destinées notamment aux réfugiés de catastrophes
(Fukushima, Ukraine…). Alliant engagement certain et véritable implication
dans l’architecture urbaine contemporaine, le travail de Shigeru Ban dépasse
très largement ces quelques clichés réducteurs de son immense création ainsi
qu’en témoigne cette somme inédite qui vient de lui être consacrée. Les
éditions Taschen sous la plume de Philip Jodidio rendent hommage en effet au
grand architecte avec un ouvrage aussi imposant qu’inspirant. Couvrant tous
les travaux de Shigeru Ban de 1985 à nos jours, cet ouvrage explore cette
pensée altruiste récompensée par le Pritzker Prize pour «sa curiosité, son
engagement, son esprit infiniment novateur, son œil infaillible et sa
sensibilité aiguë.»
Car, en effet, l’architecte japonais parvient à entrecroiser beauté et
nécessités essentielles, fait rare dans le domaine de l’architecture où les
ego prennent souvent le dessus. Shigeru Ban depuis ses premiers travaux
parvient à se saisir de l’essence des matériaux pour en restituer non
seulement les lignes primordiales mais également essentielles à la vie
souvent malmenée par la modernité. Il suffit pour s’en convaincre d’admirer
ces vues imprenables sur la nature, ses architectures alliant bois et
carton, l’omniprésence des lignes primordiales à toute vie… À la fois solide
comme un chêne et souple comme le roseau, chaque structure d’une
architecture signée Shigeru Ban manifeste cette adaptation au réel,
l’architecture redonnant souvent vie à des matériaux jusqu’alors dédaignés
par ses pairs.
En feuilletant les pages de cette remarquable édition, nous découvrons alors
un univers fascinant composé de transparences, de constructions en tubes de
papier, de maisons dont les structures traditionnelles s’estompent à l’image
de la Curtain Wall House à Tokyo et la Wall-Less House dans la campagne de
Nagano… L’ouvrage met en évidence cette extrême créativité au fil des années
allant du Campus Swatch-Omega en Suisse à l’Île Séguin en France sans
oublier Haesley Hamlet en Corée du Sud et surtout ces toilettes
transparentes de Tokyo rendue célèbres par le film Perfect Days ( film
chroniqué dans ces colonnes). Shigeru Ban transcende les éléments pour mieux
en sublimer leur essence en harmonie avec l’espèce humaine notamment les
plus fragiles d’entre eux. Une démarche rare, un esprit inspiré…
À noter le 10 juillet 2024 la venue exceptionnelle de
l’architecte Shigeru Ban au Taschen Store de Paris pour la signature de son
livre de 18h30 à 19h30 au 2 rue de Buci 75006 Paris. |
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« Atlas de l’Architecture
contemporaine » sous la direction de Chris van Uffelen ; Traduit de
l’anglais par Jean-François Cornu ; Editions Citadelles & Mazenod, 2022.
Splendide et impressionnant ! Tels sont assurément les meilleurs
qualitatifs pour cet « Atlas de l’architecture contemporaine » paru aux
éditions Citadelles et Mazenod. Une nouvelle édition, dix ans après la
première, toujours plus attendue dans le domaine tant de l’architecture
que de l’édition et qu’il convient de saluer.
Couvrant les cinq continents regroupés, ici, en trois grands chapitres, de
l’Europe-Afrique aux Amériques en passant par l’Asie et l’Australie, cette
cartographie de l’architecture contemporaine offre non seulement une vue
d’ensemble mais aussi et surtout une riche réflexion sur l’évolution en
une décennie de la manière dont l’homme moderne entend habiter la planète
terre. « On y retrouve une même diversité de projets et de techniques mais
on y retrouve aussi les questions essentielles qui se posent actuellement
» souligne Chris van Uffelen en sa préface.
Avec une extraordinaire iconographie, photos, plans et pas moins de 280
projets, ce sont ainsi l’évolution, centres d’intérêt, matériaux de nos
habitats, lieux publics, religieux ou culturels, mais aussi espaces de
travail qui sont, en ces chapitres, exposés et analysés. Soulignons
notamment le « 175 Haussmann », cet impressionnant complexe réunissant
derrière une façade Haussmann deux immeubles des plus modernes, et ce, à
quelques mètres de l’Étoile à Paris. Des réalisations architecturales à la
fois spectaculaires, étonnantes ou déroutantes mais reflétant également
notre environnement et notre quotidien. Un panorama instructif et
époustouflant ! On songe à l’Arena d’Aix-en-Provence, au nouveau campus
urbain de l’Université Bocconi à Milan ou encore au Centre culturel de
Kadokawa au Japon… (Pour une fonctionnalité optimale, outre un index des
architectes en fin d’ouvrage, sont précisés pour chaque réalisation, en
haut de page, l’architecte ou bureau d’étude, sa destination, son année de
réalisation, ville et pays.)
Parcourant ainsi la planète monde et offrant au regard sous la direction
de Chris van Uffelen les plus splendides réalisations architecturales de
ces dix dernières années, cet « Atlas de l’architecture contemporaine »
dans sa nouvelle parution constitue indéniablement une somme
incontournable, un ouvrage de référence qui réserve aux lecteurs,
professionnels, amateurs, passionnés ou tout simplement curieux de notre
monde de bien belles découvertes et surprises.
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« L’architecture moderne de A à Z » ; 696 pages,
version française, Editions Taschen, 2022.
Incontournable ! Tel est assurément le qualificatif qui sied le mieux à ce
fort ouvrage entièrement consacré à l’architecture moderne et paru aux
éditions Taschen. Appuyé par une splendide iconographie, l’ouvrage offre
aux architectes, professionnels, mais aussi à tout passionné ou amateur
d’architecture une vaste connaissance de l’architecture des XIX et XXe
siècles.
Avec plus de 300 entrées, ce sont en effet à la fois les plus grands
mouvements de l’architecture moderne, mais aussi les plus grands
architectes des deux derniers siècles que le lecteur retrouvera ou
découvrira en ces pages rangés pour une efficacité accrue selon un ordre
alphabétique. Et que de découvertes tant pour les yeux que l’esprit !
Cette somme offre, ainsi, pour chacune des figures majeures de
l’architecture, une brève biographie et surtout une description des œuvres
emblématiques. Des noms internationalement reconnus, mais aussi parfois
injustement moins connus. On y découvre aussi avec curiosité pour nombre
d’entre eux leur photographie ou portrait. C’est l’architecte Aalto qui
ouvre cette bible se refermant presque 700 pages plus loin avec Zumthor
Peter. Chaque nom nous entraîne de par ses réalisations d’une capitale
l’autre ou encore vers une autre région du monde…
Mais le lecteur pourra également se référer selon les différentes entrées
aux nombreux courants ou styles ayant marqué l’histoire de l’architecture
durant ces deux derniers siècles. Bâtiments publics, institutions, églises
ou encore résidences privées cohabitent, ici, soulignant l’extraordinaire
essor et dynamisme de l’architecture moderne. Art nouveau,
constructivisme, expressionnisme…
Des pages magnifiques présentant le plus souvent sur de pleines pages les
plus grandes créations architecturales modernes de notre monde.
Extraordinaire !
Un ouvrage aussi splendide que complet qui ne pourra que trouver sa place
dans toute bonne bibliothèque.
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Jean Dethier et Jean-Louis Cohen : « Habiter la
terre L'art de bâtir en terre crue : traditions, modernité et avenir »,
Nouvelle édition compact - 512 pages, 216 x 279 mm, Couleur, Flammarion, 2022.
Le retour à la terre pour la construction de nos habitats ne relève plus
d’espoirs, de doux rêveurs et autres post-soixante-huitards en mal
d’écologie… Ces aspirations naguère moquées se trouvent fort heureusement
depuis plusieurs années enfin prises au sérieux en raison de la prise de
conscience des réalités écologiques qui s’imposent, avec plus de nécessité
et d’urgence que jamais, à notre époque.
Il s’agit toujours d’une action militante qui anime les auteurs Jean
Dethier, essayiste, architecte et activiste, et Jean-Louis Cohen,
historien de l’architecture, professeur au Collège de France et à la New
York University. Certains lecteurs se souviendront de l’impressionnante
exposition que Jean Dethier avait consacrée à ce thème en 1981 au Centre
Pompidou, mais pour les plus jeunes et curieux ou convaincus, c’est une
admirable synthèse de référence qui est aujourd’hui proposée avec ce livre
d’art de plus de 500 pages et 800 photos et dessin au format généreux 24 x
31 cm.
Le propos est décloisonné, si l’on peut dire, aux cinq continents et à
travers les temps puisqu’un chapitre entier est consacré à l’histoire des
logiques constructives au fil des siècles. C’est un véritable plaidoyer
qui est en ces pages inspirantes ainsi proposé au lecteur, une réflexion
qui ne fait pas pour autant l’impasse des difficultés et limites de cet
art traditionnel. Car nous réalisons bien rapidement en découvrant ces
réflexions que notre époque « moderne » a étonnamment fait l’impasse d’une
des techniques les plus anciennes de l’homme pour édifier son habitat,
suivant en cela le modèle laissé par un grand nombre d’espèces du monde
animal.
Or, nos deux
auteurs entendent bien réconcilier nos contemporains avec ce génie créatif
qui outre ses qualités techniques, esthétiques et économiques, témoigne
d’une approche écologique incontestable pour celles et ceux en ayant fait
l’expérience.
Il suffira pour
s’en convaincre d’avoir un jour édifié un mur en torchis au lieu et place
de parpaings… Isolant, respirant, recyclable et solide, la terre ne se
limite pas à des architectures « frustes » et sommaires, mais s’offre à la
créativité des architectes qui ont fait la preuve de leurs créativités
contemporaines rappelées dans ces pages superbement illustrées.
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« Carlo Mollino - Architect and
Storyteller » ; 24 x 32 cm, 456 pages, 502 color and 45 b/w illustrations,
Park Books, 2021.
Designer d’intérieur, photographe et architecte réputé, Carlo Mollino a
inscrit son nom en lettres d’or dans le design du siècle passé. Le fort et
riche volume publié par les éditions Park Books présente la synthèse de
son travail en tant qu’architecte sous la plume de Napoleone Ferrari et
Michelangelo Sabatino. Enrichi de contributions par Guy Nordenson et
Sergio Pace, ce beau livre se veut non seulement instructif sur cette
personnalité légendaire mais également des plus esthétiques grâce aux
photographies inspirées de Pino Musi.
Né en Italie avec le début du siècle en 1905, Carlo Mollino a laissé son
nom à la postérité grâce à ses nombreuses créations de meubles de nos
jours très recherchées. Ses polaroïds aux photos osées pour l’époque
constituent également une autre facette du personnage… Mais le présent
ouvrage s’attache à un aspect de la production du designer plus méconnu
avec ses multiples contributions à l’architecture. Si l’homme n’a réalisé
que peu de projets, ses idées sur l’architecture et ses nombreuses œuvres
sur papier laissent imaginer la fertilité de sa pensée créatrice.
Grâce à une superbe mise en page et une iconographie impressionnante, la
créativité Mollino se dessine page après page et laissera pantois tout
amoureux d’architecture. Que dire en effet sinon son admiration pour le
fameux Teatro Regio et la Chambre de commerce de Turin ? Mais aussi le
Torino Horse Riding Club sans oublier la station Lago Negro dans les Alpes
italiennes ? Toutes ces novations surprennent non seulement pour leur
modernité, l’architecte appartenant manifestement au courant moderniste,
mais aussi pour leurs prouesses témoignant des affinités de Mollino avec
le surréalisme. Le lecteur se délectera de ces créations toutes plus
étonnantes les unes que les autres si l’on songe aux époques qui les
virent naître. À la découverte de ces admirables créations, on ne pourra
regretter qu’une chose, que bien de ces projets soient restés à l’état de
croquis et de papiers si prometteurs…
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"Archetypes" de David K. Ross ;
Photographies de David K. Ross, Sous la direction de Reto Geiser avec les
contributions de Reto Geiser, Sky Goodden, Ted Kesik et Peter Sealy ;
Relié, 120 pages, 21 x 28 cm, Éditions Park Books, 2021.
Les archétypes ne sont plus l’apanage de la psychologie et de la pensée
jungienne ainsi que le démontre ce brillant ouvrage réalisé par l’artiste
canadien David K. Ross et agrémenté de superbes photographies de l’auteur.
Au croisement de la photographie, du film et de l’installation, son
travail conduit en effet à la création d’étonnantes maquettes
architecturales sublimées par un éclairage nocturne des plus
spectaculaires… La pénombre révèle en effet les détails des structures,
souligne les effets de matière pour en dégager des signes infimes
conduisant à une autre vision primordiale de l’architecture.
Ce travail passionnant se trouve ainsi présenté en ces pages étonnantes,
des pages qui suscitent l’envie de découvrir ces créations dans la réalité
de leur installation. Ces fragments architecturaux constituent dès lors un
véritable laboratoire de proto-architecture, témoins silencieux mais
néanmoins évocateurs de tout ce que l’homme a su mettre en œuvre dans
l’édification de bâtiments liés à son environnement.
De manière plus pragmatique, ce travail créatif offre également l’avantage
de pouvoir isoler une part infime d’une future réalisation architecturale
et d’en présenter les grandes lignes avant sa mise en œuvre. Ces
instantanés architecturaux deviennent ainsi autant de réalités en devenir,
en alternative aux créations virtuelles qui dominent de nos jours les
cabinets d’architecture. Aux confins de l’art et de l’architecture, ces
maquettes en préludant aux réalisations à venir constituent de véritables
objets de création à part entière, à découvrir dans cet ouvrage assurément
novateur.
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Bjarne Mastenbroek : « Dig it!
Building Bound to the Ground » ; Relié, 19,3 x 27,1 cm, 1390 pages,
Éditions Taschen, 2021.
Le rapport étroit et presque intime entretenu entre le sol, les fondations
et l’édifice architectural fait l’objet d’une publication remarquable de
la part des éditions Taschen sous la plume de l’architecte néerlandais
Bjarne Mastenbroek explorant au sens propre et figuré les liens unissant
l’architecture et le site qui l’accueille.
Partant du principe fondamental de la rareté de la terre, ce dernier
demeure persuadé que l’avenir passera par une conception et gestion plus
éclairées de cette ressource limitée pour l’avenir de l’humanité. Cette
dimension rarement abordée avec une telle acuité conduit ainsi cet esprit
résolument tourné vers une architecture écologique à une approche fine et
sensible non seulement du sol, mais aussi de son environnement, sa
configuration et ses interactions avec le milieu.
C’est son riche parcours qui a ainsi conduit Bjarne Mastenbroek à
l’écriture de cette somme impressionnante de 1390 pages et 2,5 kg,
véritable roc sur lequel l’auteur développe son approche à partir des
origines de la construction dans l’humanité. Appuyé par une iconographie
tout aussi exceptionnelle grâce aux photographies d’Iwan Baan, cet ouvrage
accompagne le lecteur dans cette compréhension globale de l’acte d’édifier
que l’homme a depuis l’aube des civilisations initié dans des
environnements parfois hostiles ou singuliers.
Au fil des pages, quelle que soit la configuration du sol et des lieux,
nous réalisons que les architectures du passé ont rarement fait l’impasse
de ces « fondations » naturelles que représente l’environnement, tirant
parfois profit de situations naturelles défavorables. C’est certainement
là, l’apport de cet ouvrage essentiel que de montrer au lecteur du XXIe s.
combien l’histoire récente des dernières décennies semble prouver qu’en
occultant ou ignorant cette dimension incontournable, l’architecture peut
conduire aux pires impasses, si ce n’est à des désastres. En renouant avec
cette harmonie des sols et environnements, Bjarne Mastenbroek démontre
ainsi avec maestria comment l’architecture de demain pourra renouveler ce
lien toujours ténu entre l’homme, son habitat et la terre qui les abrite.
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« Duplex Architects - Rethinking
housing » ; 416 pages, Park Books Éditions, 2021.
À souligner, en matière d’architecture, la parution d’une riche
monographie entièrement consacrée aux conceptions et réalisations des
bureaux d’études « Duplex Architects » situés en Suisse et en Allemagne.
L’ouvrage sous la plume de Nele Dechmann offre un focus des plus
intéressants sur le projet de cinq logements en Suisse, allant du « Studen
Housing » au « Living at the Edge of Town » de Limmatfeld en passant par «
Vivre avec le Bruit » dans le quartier de Buchegg ou encore « Bien plus
que le logement » de l’aire Hunziker. L’approche et la conception
particulières propres au bureau d’études « Duplex Architects » créé en
2007 initialement à Zurich sont ainsi, en ces pages, au travers de ces
cinq réalisations, largement exposées et détaillées.
Appuyée par de nombreuses photographies dont celles de Ludovic Balland
auxquelles s’ajoutent de multiples plans et visualisations, l’étude livre
au lecteur à la fois une vision globale, précise et innovante de
l’approche urbanistique retenue par « Duplex Architects ».
À cette approche première de développement urbain, « Duplex Architects »
apporte également une forte attention et exigence aux nouvelles formes de
vie en commun. Importance de la communauté, importance des lieux de
collaborations et de partages jalonnent ainsi les conceptions
architecturales résidentielles.
Des exigences de conception que viennent avec pertinence souligner de
nombreuses contributions d’experts et architectes, dont celles des
associés fondateurs du cabinet Anne Kaestle et Dan Schürch. Un ouvrage qui
ne peut que retenir l’attention.
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« Contemporary Japanese Architecture » de Philip
Jodidio Relié, Édition multilingue: allemand, anglais, français, 24,6 x
37,2 cm, 448 pages, Éditions Taschen, 2021.
Le pays du Soleil Levant a démontré depuis plus d’un demi-siècle que son
architecture avait su suivre et anticiper les tendances les plus
contemporaines de l’architecture moderne. Si l’Exposition universelle
d’Osaka en 1970 a en quelque sorte accéléré ce processus, on ne compte
plus depuis le nombre d’architectes majeurs japonais ayant signé les plus
belles créations tels Tadao Ando, Shigeru Ban, Kengo Kuma ou encore Junya
Ishigami… Pas moins de sept architectes japonais ont remporté le Pritzker
Prize, signe de la vitalité de l’architecture japonaise contemporaine.
Les
éditions Taschen publient aujourd’hui un splendide ouvrage signé Philip
Jodidio, ouvrage à la hauteur de ces réalisations ambitieuses, véritables
traits d’union entre passé et modernité, nouvelles technologies et
écologie. Riche d’une créativité qui surprend à chaque réalisation, le
Japon fascine toujours autant lorsque l’on fait défiler les pages de ce
livre d’art aux généreuses dimensions. Philip Jodidio rappelle les grandes
lignes artistiques qui caractérisent les créations de Tadao Ando,
appréciées dans le monde entier pour leur synthèse réussie entre orient et
occident, de Kengo Kuma (Stade national du Japon pour les derniers JO),
Kazuyo Sejima (Musée Kanazawa d’art contemporain du 21e siècle) et bien
d’autres jeunes architectes associant avec une créativité désarmante
virtuosité et écoresponsabilité.
Trouver et exploiter l’espace au Japon, pays dont la majeure partie du
territoire est occupé par les montagnes, a toujours été un défi lancé par
l’homme. A l’heure de la mondialisation et de la crise écologique, ce
questionnement est plus que jamais au cœur de la réflexion des architectes
japonais. Une interrogation redoublée par les nombreux désastres qu’a
connu le Japon ces dernières décennies, qu’il s’agisse sur le plan
sismique tout autant que nucléaire. Comment concevoir de nouvelles
architectures en un pays si densément peuplé et touché par la force des
éléments ? Tel est le défi relevé avec intelligence et art par ces
créateurs des temps modernes et que ce magnifique livre d’art à
l’iconographie soignée célèbre de la plus belle manière !
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PHILOSOPHIE - SOCIETE - ESSAIS - PSYCHANALYSE |
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«
Contre-offensive - Agir et résister dans la complexité » de Miguel Benasayag
et Bastien Cany, Le Pommier éditions, 2024.
Comment agir dans la complexité ? Résister lorsque les fondements des
sociétés dans lesquelles nous avons eu l’habitude de vivre longtemps sans
orages vacillent ? C’est à ces questions et à bien d’autres encore
auxquelles cet ouvrage tente d’apporter sinon des réponses définitives –
impossibles à poser – tout au moins des pistes d’engagement. Le philosophe
et psychanalyste Miguel Benasayag avec Bastien Cany montre combien notre
époque se trouve marquée par une complexité qui ne parvient plus à reposer
sur le seul postulat du progrès mis à mal ces dernières années. Le chaos
tente de se substituer au toujours plus, et le relativisme ambiant ne
propose plus de solutions… « La solution devient partie intégrante du
problème » soulignent les auteurs alors que l’humanisme hérité de la
Renaissance occidentale bute sur de nouvelles concurrences : monde animal,
nature, migrations, etc. Face aux relectures souvent masquées d’un
capitalisme vertueux épris soudainement d’écologie, une radicalité nouvelle
défend une vision plus complexe dans laquelle l’individu ne peut plus être
conçu sans les liens dont il dépend.
En partant de la proposition du philosophe Rodolfo Kusch sur la manière d’«
habiter le présent » ou Estar siendo, l’ouvrage pose la question «
Au nom de quoi résister ? », non point dans l’optique d’une
contre-offensive révolutionnaire de plus ayant montré ses limites - Miguel Benasayag est bien placé pour les avoir vécues dans sa chair (lire
nos entretiens) – mais plutôt d’un « décentrage » sans recherche d’une
justice finale. Écartant les courants militants depuis les campus américains
pour une déconstruction de l’universalisme colonial, posant ainsi un
relativisme culturel caricatural de plus, Benasayag cherche ailleurs les
voies de l’agir qui abandonneraient le mythe de l’homme « normal » dont le
désir est continuellement marqué par le manque. Son regard le conduit alors
à s’écarter de cette pensée de l’ingénieur omnipotent créant encore de nos
jours les prisons « sans barreaux » dans lesquelles nous nous jetons
volontairement (I.A, smartphones, algorithmes, etc.) pour leur préférer une
puissance des savoirs et des expériences situées, à savoir une pensée locale
et un agir également local. Nous retrouvons ainsi ce thème fertile chez le
philosophe de l’Agir dans la complexité qui écarte toute pensée globale au
profit d’une territorialisation des savoirs et des situations concrètes
alors que « le scientisme prétend faire de la science une dimension
abstraite et déterritorialisée ».
Sans adhérer pour autant au mythe du « bon sauvage », Miguel Benasayag
souligne combien la situation est beaucoup plus complexe que cette vision
béate réductrice. Le cœur de l’action s’articule à partir de micro-résistances au caractère restreint et sans programme global, « ce qui
signifie concrètement lutter contre la destruction, sans recours à
l’imaginaire d’un modèle alternatif et sans tomber dans l’illusion de
vouloir maîtriser le devenir des situations » (p. 141). Se décentrer
afin de tenir compte de l’altérité du réel – sans pour autant suivre des
cours de chamanisme en 10 leçons – la véritable puissance résidant sur le
plan horizontal de la base, à partir d’expériences et projets ainsi que le
démontrent le vécu des occupations des terres au Brésil et en Argentine ou
encore le troc en pleine crise argentine de 2001. Faire l’expérience
d’autres rapports au monde, ici et maintenant, plutôt que de s’enfermer dans
les tours de cristal de l’analyse rationnelle, telles sont les pistes de
réflexion avancées par cet ouvrage qui propose de « s’engager sans y croire
» pour un réel engagement, une « Contre-offensive » et un « Agir dans la
complexité »…
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Carl
Gustav Jung : « Sur l’interprétation des rêves » et « Rêves d’enfants –
Séminaire de 1936-1941 », Collection « Espaces libres », Editions Albin
Michel, 2024.
A noter dans la collection « Espaces libres » aux éditions Albin Michel ces
deux ouvrages consacrés à l’interprétation des rêves issus de séminaires
dirigés par Carl Gustav Jung (1875-1961) dans les années 1936-1941 à Zurich.
Dans le premier volume présenté par le regretté Michel Cazenave, dénommé «
Sur l’interprétation des rêves », l’analyste suisse revient lors de ces
séminaires sur l’importance des symboles et des mythes pour l’interprétation
des rêves, mais aussi sur sa divergence de méthode d’interprétation quant à
celle de Freud. Sans jamais, cependant, rejeter la méthode freudienne qu’il
connaissait particulièrement bien pour avoir été le disciple de l’analyste
autrichien, ni même celle de son confrère Adler, C. G. Jung précise la
sienne en termes de méthode concentrique et par « amplificatio ». Le
lecteur retrouvera dans ce volume des parties de séminaires consacrés plus
particulièrement aux rêves de personnages antiques dont nous avons encore
traces notamment « Le commentaire sur le songe de Scipion » de Macrobe, mais
aussi ceux du savant italien Jérôme Cardan à la Renaissance ou encore de la
martyre sainte Perpétue. Dans un fructueux dialogue entre ses meilleurs
élèves dont Madame Marie-Louise von Franz, le grand analyste affine sa
réflexion et méthode tout en constatant et soulignant l’importance déjà
également accordée aux mythes et symboles dans l’antiquité jusqu’au XIXe et
début XXe siècle pour interpréter des rêves et visions. C’est donc autant
une riche étude comparative des méthodes qu’une féconde histoire de
l’interprétation des rêves que le lecteur pourra découvrir dans ce volume.
Le second volume, également présenté par Michel Cazenave, est quant à lui
plus particulièrement centré, ainsi que l’annonce son titre, sur
l’interprétation des rêves d’enfants. Réuni pour la première fois en un seul
et même volume, l’ouvrage offre une réflexion et analyse également menées
par Carl Gustav Jung durant ses séminaires à Zurich de 1936-1941 et mettant
en évidence l’importance dès le plus jeune âge des mécanismes et dynamisme
de l’inconscient et de l’imagination dans les rêves d’enfant. Le lecteur y
retrouvera ainsi analysée selon l’approche jungienne toute la puissance de
l’inconscient et des rêves. Un ouvrage ouvrant bien des portes et battant en
brèche le présupposé et malentendu selon lequel l’analyste suisse ne se
serait occupé que très peu des enfants.
L.B.K. |
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« René
Girard – Quand les Choses commenceront… » - Entretiens avec Michel Treguer,
Editions Arléa, 2023.
C’est à un riche, passionnant et long dialogue avec l’un des plus grands
penseurs, René Girard (1923-2015), auquel nous convie Michel Treguer. Un
ouvrage dans lequel le lecteur retrouvera, certes, les thèses majeures du
penseur, sa théorie du mimétisme ou celle du bouc émissaire, bien sûr, mais
aussi et surtout René Girard en tant qu’homme et croyant. Michel Treger mène
à bâtons rompus cette rencontre unique réunissant pour cela deux entretiens
qu’il avait lui-même réalisés du vivant du philosophe et qu’il a pour
l’occasion récrits, entretiens auxquels ont été ajoutés « d’autres
conversations entre René Girard et Jean-Claude Guillebaud » et pour plus de
lisibilité encore « des textes (reformulés) anciens ou récents » de René
Girard.
Au fils des pages, presque trois cents, René Girard accepte volontiers de
préciser, nuancer ou encore d’affiner sa pensée, et par là même de se
dévoiler – avec, cependant, toujours cette retenue et cet humour qui le
caractérisent. Ainsi, revient-il sur les mythes fondateurs, sur le
christianisme, le religieux, la transcendance ou la foi, mais aussi sur les
victimes, la victimisation, le racisme, etc., explicitant ou ajustant ses
thèses au plus près de notre siècle et de l’actualité. Car, Michel Treger,
avec courtoisie mais aussi persévérance, le pousse parfois dans ses
retranchements… Ainsi, ose-t-il lui demander : « J’insiste : pourquoi votre
thèse demande-t-elle l’hypothèse de Dieu ? Je ne suis pas loin de penser
qu’elle l’affaiblit ! » Et René Girard s’excusant presque d’avoir peut-être
mal formulé sa pensée, reprenant et poursuivant inlassablement son
raisonnement, expliquant notamment sa position quant à la Révélation et sa
croyance en tant que chrétien catholique… Et c’est bien, au-delà du grand
penseur, un René Girard intime, que le lecteur découvrira ; un René Girard
acceptant d’éclairer et d’exposer au plus près de sa pensée ses thèses et
positions et, plus que tout, de proposer une lecture qui « pourrait se
révéler utile le jour où se dissiperont les malentendus dont elle fait
l’objet. » ; ce que tente assurément d’atteindre ou de provoquer ce
captivant ouvrage, fruit de longs entretiens menés avec René Girard.
L.B.K. |
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Stephen
R. Covey : « Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils
entreprennent », édition enrichie, First Éditions, 2024.
Est-il encore besoin de présenter « Les 7 habitudes » de
Stephen R. Covey, cet ouvrage best-seller avec plus de 40 millions de
lecteurs et qui compte parmi les livres les plus vendus au monde ? Au-delà
du succès éditorial et de la reconnaissance internationale de l’auteur, il
peut sembler néanmoins nécessaire, voire urgent, de se replonger au cœur de
la pensée de Stephen Covey à l’occasion de cette édition anniversaire –
trente années déjà ! - enrichie de textes inédits de son fils Sean Covey qui
a eu à cœur de prolonger le travail de son père.
L’ouvrage part du postulat que nous pouvons en partie diriger notre vie et
rendre celle des autres meilleures à partir de la fameuse approche
gagnant/gagnant, une approche pas toujours facile à mettre en œuvre, surtout
de ce côté-ci de l’Atlantique… Comment se concentrer sur ce qui importe le
plus à toute vie ? De quelle manière mener une vie de services tant sur le
plan professionnel que privé ? Comment gérer l’adversité sans pour autant
perdre sa propre identité ? Toutes ces questions trouvent réponses dans cet
ouvrage qui offre une synthèse de pensées souvent millénaires, laïques et
religieuses, à partir desquelles l’auteur a proposé une démarche positive et
exigeante sur la construction de soi.
Tout commence par la détermination de sa mission (le but de chaque vie), la
détermination de ses rôles et la conduite de ses priorités en une approche
gagnant/gagnant, afin de passer de la dépendance à l’indépendance pour
finalement atteindre l’interdépendance. L’auteur nous explique chacune de
ces étapes, conciliables avec n’importe quelle conviction religieuse ou
laïque, nous offrant de nombreux exemples sur la manière de contrôler notre
vie tout en laissant place à la fantaisie et aux découvertes non
programmées.
Une démarche rigoureuse, certes, mais indispensable à une pleine liberté
retrouvée, celle de notre vie… |
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Friedrich Nietzsche - Œuvres - Tome III - Ainsi parlait Zarathoustra et
autres récits" ; Édition publiée sous la direction de Marc de Launay avec la
collaboration de Dorian Astor ; Bibliothèque de la Pléiade, n° 668, 1376
pages, rel. Peau, 104 x 169 mm, Editions Gallimard, 2023.
Il faut (re)découvrir la pensée de Friedrich Nietzsche (1883-1885), ce
philosophe trop souvent incompris – voire trahi, cette pensée complexe
reposant sur les origines tout en souhaitant se départir des carcans de
l’Histoire. Considéré souvent comme antisémite en raison de sa récupération
posthume par le régime nazi et des torts causés par sa sœur cédant à ces
sirènes brunes, Nietzsche ne cessa pourtant de s’opposer aux ennemis du
peuple juif, sa rupture avec Wagner en témoigne ainsi que cette analyse
d’une lucidité impressionnante en 1878 : « dans presque toutes les
nations actuelles – et cela d’autant plus qu’elles adoptent à leur tour une
attitude plus nationaliste – se propage cette odieuse littérature qui entend
mener les Juifs à l’abattoir, en boucs émissaires de tout ce qui peut aller
mal dans les affaires publiques et intérieures » (Humain, trop humain).
Le philosophe est de tous les combats : contre l’héritage platonicien tout
en étant un farouche opposant au christianisme et plaidant la « mort de Dieu
»… Nous le voyons, cette pensée originale ne se laisse pas appréhender
facilement au risque de passer à côté de sa richesse ; c’est justement tout
le mérite de ce troisième et dernier volume des œuvres de Nietzsche de la
collection La Pléiade sous la direction de Marc de Launay avec la
collaboration de Dorian Astor que de nous inviter à ce trésor plus souvent
cité que lu.
C’est un héritage dont nous n’avons pas encore fini d’apprécier la
profondeur ainsi que le souligne Marc de Launay qui dirige cette édition : «
Ainsi parlait Zarathoustra inaugure la dernière période de l’évolution
philosophique de Nietzsche, et entend être l’amorce d’un nouveau style où
l’exposé théorique ne rechigne plus à s’acquitter d’une dette enfin reconnue
à l’égard de l’élément poétique qui fait la substance même du langage ».
C’est, en effet, le célèbre ouvrage « Zarathoustra » qui ouvre ce volume, un
texte majeur du philosophe dont les origines remontent à l’époque de son
séjour à Bâle au début des années 1870 avant sa conception dix ans plus tard
de 1883 à 1885 après avoir conclu Le Gai Savoir où l’auteur avait
pris date avec ses lecteurs sur cet énigmatique Zarathoustra et le concept
de l’Éternel retour. Ce texte jugé comme essentiel par Nietzsche lui-même
avait été longuement mûri lors de marches interminables, même si sa
rédaction témoigne d’une tension et d’une force qui ne pourront que
surprendre alors même que ce livre sortit quasiment dans l’anonymat lors de
sa parution. Le très vif succès rencontré par « Ainsi parlait Zarathoustra »
ne surviendra, en effet, qu’après la mort du philosophe allemand (un texte
qui inspirera d’ailleurs Richard Strauss pour son sublime poème
symphonique). Anecdote surprenante, Nietzsche aurait achevé sa première
partie alors même que son ancien ami avec qu’il s’était violemment brouillé,
Richard Wagner, rendit son dernier souffle à Venise… Le présent volume
inclut, par ailleurs, concernant cette relation passionnelle deux écrits de
Nietzsche : « Le Cas Wagner » et « Nietzsche contre Wagner ».
Le « poète-prophète » qu’il souhaitait établir avec le personnage de
Zarathoustra fruit d’une « pensée la plus abyssale » selon les termes de
Nietzsche fut malgré tout un échec malgré les concepts essentiels qu’il
lèguera du « Surhomme », tristement détourné et de l’ « Éternel retour »,
souvent incompris.
Un volume essentiel mettant en valeur toute la richesse des œuvres du
philosophe allemand comprenant également : « Par-delà bien et mal », « Pour
la généalogie de la morale », le « Crépuscule des idoles », « L’Antéchrist
», « Ecce homo ». |
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Jean
Cottraux : « Sortir des émotions négatives », Editions Odile Jacob, 2023.
C’est un véritable et redoutable vadémécum que nous propose Jean Cottraux,
auteur déjà d’une vingtaine ouvrages dont le fameux « La force avec toi »,
avec cette dernière parution « Sortir des émotions négatives » aux éditions
Odile Jacob. Dans un premier temps, Jean Cottraux distingue pour plus de
clarté et compréhension les émotions des sentiments ; une distinction
souvent négligée et qui lui permet de préciser que « le côté obscur des
émotions est celui où sont tapis les mauvais sentiments : ceux qui
pourrissent la vie et que l’on préfère cacher (…) ». Après avoir ainsi
rappelé ce que sont les émotions, les sentiments, passions et humeurs,
l’auteur livre au lecteur un réel programme en huit points de gestion des
émotions négatives. Dénommé PAEN, ce dernier opte pour une approche
dynamique en proposant un programme d’autogestion de nos émotions négatives.
Appuyé par de nombreux tableaux clairs et précis, Jean Cottraux précise que
ce programme « vise à ce que chacun d’entre vous puisse devenir son propre
thérapeute en puisant dans les méthodes bien validées de la thérapie
cognitive et comportementale. »
Jean Cottraux prend soin de compléter et d’illustrer ce programme par deux
autres chapitres, tout aussi majeurs et d’une efficacité certaine exposant,
une à une, « les émotions destructrices pour soi » (angoisse, culpabilité,
la tristesse, etc.) , ainsi que « les émotions négatives pour les autres »
(la colère, l’envie, le mépris, etc.), une approche non autocentrée, donc,
et des plus appréciables distinguant notamment l’envie de la jalousie. Dans
un style clair et concis et au gré de ces chapitres, le lecteur pourra ainsi
pour chaque situation négative envisagée appréhender pleinement point par
point la force de celle-ci, son origine, ses conséquences, et surtout les
solutions et conseils pratiques et efficients pour y faire face. Car, c’est
bien de « Sortir des émotions négatives » dont il s’agit pour pouvoir enfin
se tourner et développer de réelles émotions positives telles que la joie,
le bien-être, la sérénité, mais aussi la créativité...
Un ouvrage qui permettra à chacun de comprendre ses propres émotions
négatives - que celles-ci soient strictement personnelles ou suggérées
collectivement par des jeux de pouvoir et de manipulation - afin de trouver
de nouveaux ancrages, socles d’émotions positives. |
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René
Girard : « La Conversion de l’art » ; Préface de Benoît Chantre et Trevor
Cribben Merril ; Editions Grasset, 2023.
Cet ouvrage regroupe des textes du grand et regretté penseur Renée Girard
disparu en 2015 ; Huit textes précisément - dont cinq de jeunesse, allant de
1950 à 1980 complétés par deux entretiens (extraits) qu’il accorda.
Initialement ce recueil dont R. Girard signa l’avant-propos en 2008
accompagnait une conversation filmée avec Benoît Chantre – « Le sens de
l’histoire », réalisée à l’occasion de l’exposition « Traces du sacré » au
centre-Pompidou de Paris et envers laquelle l’auteur de « Mensonge
romantique et vérité romanesque » entendait se démarquer et opposer une
forte réserve. R. Girard souhaitait par cet ouvrage faire entendre, et
surtout, comprendre « sa méfiance originaire à l’égard de l’art moderne »
dont l’épuisement reposait, selon lui, sur la violence du sacrifice, à
l’instar du religieux archaïque. Pour cela, il retint ces huit textes
marquant la progression de sa pensée, des écrits pour la majeure partie
consacrés à la littérature et allant de son départ d’Europe en 1947 et son
arrivée aux États-Unis jusqu’à la fin des années 80.
Si avec le texte « Où va le roman ? » publié en 1957, R. Girard semble
encore croire à un renouvellement du roman, et au-delà des textes de 1953
consacrés à Saint-John Perse qu’il admire et comprend en arrivant aux
États-Unis ou encore celui consacré à André Malraux, le lecteur retrouvera
déjà en germe dans ces écrits toute la puissance de sa pensée et de sa
théorie mimétique. En ce sens est évocateur ce texte de 1957 consacré à Paul
Valéry et à Stendhal dans lequel le penseur souligne déjà ce « Moi-pur » de
Valéry et sa préférence pour l’égotisme stendhalien.
Girard refuse tout snobisme littéraire ou artistique et, pour l’auteur de «
La violence et le sacré », l’artiste moderne est rongé par la rivalité.
L’article de 1978 consacré à Proust en fait l’éclatante illustration tant
l’auteur de la Recherche est pour Girard « le plus grand théoricien des
miroitements du Moi ». Narcissisme, désir et rivalité imprègnent ces pages,
mais ce sera, surtout, avec des études consacrées à Hölderlin, à Nietzsche
ou encore à Wagner que le penseur confirmera ses intuitions et affirmera sa
théorie. « Leur instabilité - étant selon R. Girard, symptomatique de la
conscience moderne dans son rapport ambivalent au sacré. » On songe, ici, à
l’article de 1986 « Nietzsche et la contradiction ».
La littérature romanesque suppose, pour Girard, afin de se détacher de
l’esthétique, une « conversion romanesque ». Cette dernière étant, dira R.
Girard en 1998, « au cœur de son parcours intellectuel et spirituel ».
Celui-ci avait d’ailleurs tenu à refermer son avant-propos en 2008 en ces
termes : « Je ne voudrais pas qu’on prenne ce livre pour un simple essai
d’esthétique. Cette jouissance m’est étrangère. » Car, ce qui importe à
l’auteur de « Mensonge romantique et vérité romanesque », c’est bien cette «
conversion de l’art », et ce dernier ajoutera : « L’art ne m’intéresse en
effet que dans la mesure où il intensifie l’angoisse de l’époque. Ainsi,
seulement il accomplit sa fonction qui est de révéler. » Un propos qui
structure toute sa pensée et par lequel Bernard Chantre et Trevor-Cribben
Merril ouvrent aujourd’hui la riche préface de cet ouvrage indispensable à
la compréhension de l’élaboration et formation de la pensée de ce grand
penseur que fut René Girard.L.B.K. |
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Bernard
Perret : « Violence des dieux, violence de l’homme ; René Girard, notre
contemporain », Coll. Seuil La couleur des idées, 368 p., 2023.
Un ouvrage incontournable aux éditions du Seuil, tel est assurément
l’ouvrage de Bernard Perret, « Violence des dieux, violence de l’homme »,
consacré au grand penseur Français René Girard (1923-2015), ainsi que
l’indique son sous-titre « René Girard, notre contemporain ». L’auteur,
auteur déjà de « Penser la foi chrétienne après Girard » (Ad Solem ),
conscient de l’immense apport de René Girard, mais aussi de ses limites, n’a
nullement souhaité par cette parution proposer une pure synthèse ou même un
essai consacré à l’œuvre du penseur, mais bien une réelle mise en perceptive
des apports majeurs de Girard que ce soit sa thèse centrale de la théorie du
désir mimétique, de la rivalité, de la violence ou encore du sacré… Bernard
Perret a opté pour cela pour une approche dynamique par le prisme de la
violence en cinq parties, la première étant consacrée, comme il se devait
pour une telle étude, à un rappel clair et concis d’une centaine de pages à
la progression de la pensée de Renée Girard. Une évolution mise en lumière
suivant la chronologie des publications majeures du penseur, allant de «
Mensonge romantique et vérité romanesque » (1961) au « Bouc émissaire » de
1982 ou de « Les origines de la culture » de 2015 en passant, bien sûr, par
« La violence et le Sacré (1972) ou encore « Des choses cachées depuis la
fondation du monde » de 1978 ; Une première approche qui n’entend nullement
être une simple brève synthèse des théories girardiennes, mais qui en
souligne d’ores et déjà les avancées, revirements ou rejets mais aussi les
zones d’ombre ou se prêtant à la critique.
Ce n’est qu’après ces mises au point que l’auteur revient sur les points de
contact de la pensée de Girard avec d’autres domaines ou sciences, relevant
autant les influences du penseur, ses refus ou ses distorsions. Une nouvelle
approche avec pour axe la violence et permettant à Bernard Perret
d’approfondir ou de préciser certaines prises de position ou nuances de
Girard face au jeu des questionnements ou critiques et de proposer une «
anthropologie de la théorie mimétique au-delà de Girard ». Balayant les
neurosciences avec notamment les neurones miroirs, la psychanalyse et le
rejet de la conception objectale du désir de Freud, ou encore la sexualité,
l’auteur s’arrête plus spécifiquement sur les grands thèmes girardiens :
Ainsi, de la violence du Sacré et de la culture ouvrant un riche dossier
ethnologique, « Girard contre le structuralisme » ou encore de la
transformation du sacré violent en valeurs transcendantes, un thème
également cher à Girard, qui le conduira à souligner toute « la singularité
judéo-chrétienne » et à adopter une pensée apocalyptique ; une conversion,
critiquée ou dénoncée, mais parfaitement assumée par le penseur, et qu’il
convient d’apprécier dans toutes ses acceptions.
L’ouvrage se « referme », enfin, sur un dernier et cinquième chapitre
soulignant l’actualité et portée de la théorie mimétique girardienne tant
pour aujourd’hui que pour demain ; Un chapitre conclusif des plus porteurs….
L.B.K. |
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«
Jankélévitch », Cahier de L’Herne dirigé par Françoise Schwab, Pierre-Alban
Gutkin-Guinfolleau et Jean-François Rey, Editions L’Herne, 2023.
C’est un dense et captivant Cahier que nous proposent les éditions de
L’Herne avec cette dernière livraison consacrée au philosophe Vladimir
Jankélévitch (1903-1985). On y retrouve dès les premières pages un beau
portrait « grandeur nature » de celui que ses intimes appelaient « Janké »,
cet homme à la mèche folle et au timbre de voix si inimitable ; un portrait
appuyé par des textes évocateurs signés notamment Mauriac, Françoise Schwab,
Pascal Bruckner ou encore Edgar Morin, mais aussi des écrits du philosophe
lui-même ou entretiens que viennent également appuyer de nombreuses lettres.
Indissociable de l’homme, le lecteur y redécouvrira également le professeur
de philosophie qu’il fut et qui marqua cette génération qui aimera tant
l’appeler « Maître » ; on songe avec délices au regretté Lucien Jerphagnon
dont quelques lettres, aussi courtes que savoureuses, viennent témoigner de
ce mélange de respect, de fidélité et de malice qu’ils partageaient…
Homme, Professeur, ami, et bien sûr, philosophe : philosophe « des marges ou
des à-côtés » ainsi qu’il le soulignait lui-même, parfois donné pour
initiés, mais devenu aujourd’hui incontournable tant son absence désole et
laisse un vide irrémédiable. Découvrir ou relire Jankélévitch demeure
toujours un plaisir inépuisable dont ce Cahier de l’Herne témoigne. C’est ce
philosophe de morale aux mille paradoxes, ce philosophe de l’insaisissable,
de l’ineffable, du « Je ne sais quoi » et du « Presque rien » que le lecteur
découvrira par le prisme de ses thèmes majeurs et privilégiés : la musique,
« la moitié de ma vie » dira-t-il – et comment ne pas citer son « Fauré »,
son « Liszt » ?, mais aussi le temps, l’irrévocable et irrémédiable,
l’ironie, la mort, le pardon sans oublier, surtout, l’amour… Des thèmes
forts ayant marqué cette vie faite de convictions, de mémoire, de «
conscience juive » et d’engagement.
Un Cahier de L’Herne qui se laisse dévorer de A à Z ou picorer telle une
gourmandise au grès de ses attentes, questionnements ou humeurs. Lui, qui
aimait à rappeler que « la vérité est équivoque, contradictoire, elle se
dément elle-même. On ne peut l’atteindre, très partiellement, fugitivement,
qu’à demi-mot, grâce à une illusion, à une influence de la voix. » Et
comment ignorer ou manquer, justement, cette voix inoubliable ?
L.B.K. |
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« Vivre
crescendo » de Stephen R. Covey et Cynthia Covey Haller, First éditions, 2023.
Le parcours de Stephen R. Covey peut être synonyme de son approche
gagnant/gagnant qu’il a contribué à diffuser dans le monde entier. Sa vie
professionnelle tant que personnelle repose en effet sur cette idée que nous
pouvons en partie diriger notre vie et rendre celle des autres meilleures. À
la fin de sa vie, cet auteur prolifique et mondialement reconnu (lire notre
interview) souhaitait parfaire encore sa pensée en abordant quelques
questions qui lui tenaient à cœur. C’est le résultat de ces interrogations
menées par Stephen R. Covey et complété aujourd’hui par sa fille Cynthia dans «
Vivre crescendo ».
Un ouvrage comportant de nouveaux paradigmes sur notre retraite de la vie
professionnelle qui ne doit jamais être synonyme d’un retrait de la vie.
Comme à son habitude, l’auteur part de cas concrets qu’il soumet dans ces
pages à notre analyse, des cas qui permettent de se concentrer sur ce qui
nous importe le plus à toute vie, à savoir mener une vie de service de la
même manière, avec la même implication que celle menée dans une vie
professionnelle. Cela ne va pas de soi à l’heure où de nombreux salariés se
trouvent « débarqués » la cinquantaine atteinte, engendrant ainsi le
sentiment de ne plus servir à rien. Comme à l’accoutumée, Stephen R. Covey
nous enseigne qu’il faut avoir une nouvelle vision que l’auteur décrit pour
chaque âge et étape de la vie.
Le titre même de l’ouvrage est d’ailleurs dérivé de son propre énoncé de
mission : « Live Life in Crescendo » c’est-à-dire vivre pleinement sa vie,
rejoignant ainsi en quelque sorte le précepte phare des stoïciens. Cette
idée de crescendo s’oppose à la tendance commune de repli et d’égoïsme
souvent constatée l’âge venant. À l’image des sociétés traditionnelles, les
années passant deviennent alors une richesse à faire partager au plus grand
nombre. Quels que soient nos compétences et savoir-faire, il est toujours
loisible et souhaitable, selon l’auteur, de les partager au plus grand
nombre, dans son environnement familial, personnel ou professionnel. C’est à
un véritable plaidoyer pour la vie auquel se livre dans ce dernier ouvrage
posthume Stephen R. Covey (ici, avec sa fille Cynthia Covey Haller), une
belle leçon de vie à partager au plus grand nombre ! |
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«
L'analyse des rêves : notes du séminaire de 1928-1930. Vol. 1 & 2 » de Carl
Gustav Jung, collection poche Espaces libres, Albin Michel, 2022.
Un petit trésor - étonnement indisponible en français jusqu’à la présente
édition - vient de paraître chez Albin Michel : « L’analyse des rêves »
notes du séminaire de 1928-1930 » de Carl Gustav Jung. Dans cette somme en
deux volumes réunis ici, préfacée et traduite de l’anglais par Jean-Pierre
Cahen, la matière vivante du grand psychiatre suisse sur les rêves se trouve
livrée sans retenue grâce aux notes réunies et rassemblées par les
participants lors de ce séminaire ; notes que Jung accepta de voir
reproduites dans un premier temps dans le cercle restreint du Club
psychologique qu’il avait créé à Zurich.
Alors que le célèbre psychiatre suisse était au fait de sa maturité à l’âge
de 53 ans en 1928, ce séminaire fait à la fois figure d’une réflexion « sur
le vif » - le grand analyste encourageant son auditoire à s’impliquer dans
les commentaires et à apporter à son propre témoignage – mais aussi très
aboutie. Aboutie car, une fois de plus, Jung témoigne dans ces pages de sa
grande perspicacité et culture dans la manière d’aborder l’analyse des
rêves, et ce d’une autre manière que celle qui était jusqu’alors menée sous
l’angle freudien.
Avec ces deux volumes, le lecteur comprendra progressivement, page après
page, la valeur non seulement intrinsèque de chaque rêve, mais surtout sa
mise en rapport avec son symbolisme, ses liens avec la mythologie et les
religions. Il s’agit, ainsi que le souligne Jean-Pierre Cahen dans
l’introduction, « d’un enseignement clinique, pratique, concert, continu,
d’une densité exceptionnelle ». Les maladresses des participants, les
hésitations et parfois même les impasses ne sont pas expurgées de son
contenu, témoignant ainsi de la confiance en soi du grand penseur qui
n’avait pas souhaité reprendre la rédaction de ces pages spontanément
réunies.
Les pages et les pensées défilent ainsi à partir de l’analyse « en direct »
des rêves successifs d’un patient suisse que Jung suivait. Se profile alors
une évolution, non seulement chez ce même patient, mais également chez les
participants du séminaire, preuve s’il en était besoin du bien-fondé de la
démarche jungienne démontrée en ces pages de la plus éclairante manière. Une
lecture stimulante et déterminante pour toute réflexion sur les fonctions du
rêve. |
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Gilles
Antonowicz : "Isorni - Les procès historiques », 208 pages, Éditions Les
Belles Lettres, 2021.
Si le nom d’Isorni est quelque peu sorti de la mémoire collective en France,
ce défenseur des causes politiques et avocat des communistes sous
l’Occupation a pourtant tenu une place privilégiée dans l’univers judiciaire
de notre pays. Gilles Antonowicz, lui-même avocat réputé, a su se saisir de
cette personnalité hors normes qui accepta tout aussi bien de défendre un
personnage comme Brasillach ou Pétain à la Libération que les causes perdues
d’avance des minorités pendant la Seconde Guerre mondiale.
Jacques Isorni n’a pas cherché le sensationnel en défendant les causes
impossibles, mais s’est surtout attaché à se placer « du côté des
prisonniers ». Après Maurice Garçon à qui l’auteur a consacré une biographie
remarquée en 2019, c’est au tour d’un autre ténor du barreau en la personne
d’Isorni de nourrir cet essai haut en couleur qui transportera le lecteur
dès les premières pages aux heures sombres de l’Occupation… Au lendemain de
la guerre, les difficultés sont loin d’être terminées et le brillant avocat
déplacera son champ d’action « de l’autre côté » en prenant la défense de
personnalités jusqu’alors victorieuses et soudainement placées au rang
d’accusés présumés coupables. Une fois cette période trouble passée, la
tension ne se relâchera pas avec les années de décolonisation et la guerre
d’Algérie. Chaque décennie offre à Jacques Isorni de plaider les causes
impossibles grâce à ses plaidoiries inoubliables et cette conviction
indéfectible soulignée même par ses détracteurs. Ce sont ces grandes heures
du barreau que Gilles Antonowicz nous fait revivre de manière passionnante,
lui qui les connaît de l’intérieur et parvient à les éclairer d’une plume
captivante.Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Héraclite »
de Jean-François Pradeau, Collection Qui es-tu ? 136 pages, Éditions du
Cerf, 2022. La didactique collection « Qui es-tu
? » des éditions du Cerf parvient à faire revivre en à peine plus d’une
centaine de pages Héraclite, un des philosophes antiques dont la pensée ne
nous est parvenue que sous forme fragmentaire. L’auteur, spécialiste
incontesté du philosophe présocratique, nous fait remonter le temps à une
vitesse vertigineuse, près de vingt-six siècles, afin de mieux découvrir ce
« marginal illustre » ainsi qu’il le nomme en introduction.
Si seule une centaine de phrases d’Héraclite ont pu parvenir jusqu’à nous,
ses contemporains, puis les auteurs anciens qui transmettront par la suite
son oeuvre, soulignaient déjà la force de sa pensée mais également la
complexité de certains de ses discours. Les quelques rares informations dont
nous disposions encore de nos jours sur Héraclite proviennent de Diogène
Laërce dans ses « Vies et doctrines des philosophes illustres » et qui ouvre
ce petit ouvrage d’une clarté remarquable, l’auteur étant professeur de
philosophie ancienne à l’université Jean-Moulin de Lyon (Lyon-3) et ayant
publié une trentaine de traductions commentées et une dizaine de
monographies savantes sur le sujet. Mais que le béotien se rassure, avec ce
petit ouvrage, nul hermétisme universitaire, mais une présentation aussi
claire que possible sur la nature de l’âme et du primat du feu, essentiel
dans la pensée du philosophe ermite, guère compris de ses contemporains.
Au terme de cette riche évocation de la pensée d’Héraclite, le lecteur
s’approchera au plus près de cette tentative de connaissance totale de la
réalité qu’avait recherchée toute sa vie le philosophe, une fin en soi, mais
également un moyen à garder tout au long de sa vie afin de vivre au sens
plein du terme. Une belle initiation à la sagesse antique ! |
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«
Lucrèce ; La naissance des choses » ; Edition bilingue établie par Bernard
Combeaud ; Préface de Michel Onfray ; Editions Mollat / Bouquins, 2021.
Plaisir que de lire « La Naissance des choses » ou « De rerum natura » du
poète Lucrèce dans cette édition bilingue établie par le regretté Bernard
Combeaud (1948-2018) et parue aujourd’hui dans la collection Bouquins. Texte
majeur de la littérature antique, Bernard Combeaud a souhaité pour cette
édition revenir à sa version originelle et retenir la rigueur de traduction
de la métrique latine. Un choix tout à son honneur et qui a reçu le prix
Jules-Janin de l’Académie française en 2016. « La Naissance des choses » ou
« De la Nature des choses », seul et unique livre connu du poète latin
comporte plus de sept milles vers. Bernard Combeaud, bien que reconnaissant
qu’il existe de très talentueuses traductions, avoue cependant que « fasciné
depuis longtemps par ce génie si proche de Dante ou d’Hugo, j’avais caressé
l’idée de traduire sur frais le poème de La Nature », ajoutant : « Rendre en
prose un poème étranger est une opération du même ordre qu’adapter un roman
pour le cinéma ou que transposer une partition pour un autre instrument que
celui pour lequel elle avait d’abord été composée : dans les deux cas, on
change alors non de langue seulement, mais bien de langage ». Comment ne pas
acquiescer ?
De Lucrèce, lui-même, poète-philosophe du 1er siècle avant notre ère, on ne
connaît que très peu de choses, si ce n’est qu’il eut pour maître Épicure et
que cela est donc toujours une réjouissance extrême que de lire et relire en
ces vers les principes d’un monde épicurien selon le poète latin. Une
philosophie « praticable » ainsi qu’aime à le rappeler Michel Onfray qui
signe, ici, la présentation de cette édition. Une présentation sous forme
d’un échange « A bâtons rompus » entre le philosophe normand et Bernard
Combeaud, mais interrompu malheureusement par la disparition de ce dernier.
Un échange fécond revenant sur les sources, sur Epicure et Lucrèce, sur le
poète et les Dieux…
Un seul, long et inachevé, poème condamné par saint Jérôme et autres pères
de l’Eglise mais qui fut, souligne Bernard Combeaud en son avant-propos,
célébré par Cicéron lui-même : « Les poèmes de Lucrèce sont bien ce que tu
m’écris : ils brillent de toutes les lumières du génie, sans que l’art y
perde, tant s’en faut » écrivait l’orateur romain à son frère. Ce qui
conduit Michel Onfray à penser que « La volonté de recourir au miel du vers
pour faire passer le vinaigre de la sagesse épicurienne fait
philosophiquement sens : Lucrèce s’adresse au plus grand nombre, ce faisant,
il élargit avec bonheur le public de la philosophie. » Un bonheur que
Bernard Combeaud a par cette traduction su si bien renouveler. Bernard
Combeaud a qui nous devons également les « Œuvres complètes » du poète
Ausone.L.B.K. |
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Frédéric Lenoir « Jung – Un voyage vers soi »,
Albin Michel, 2021.
Frédéric Lenoir signe chez Albin Michel une biographie consacrée au célèbre
psychanalyste suisse Carl Gustav Jung (1875-1961) alerte, informée, et
surtout, bien venue en France, pays longtemps dominé par le courant freudien
grâce notamment à Marie Bonaparte, puis majoritairement lacanien. Au-delà
des prises de position, malentendus – et bien qu’un vaste travail d’édition
ait été entrepris par le regretté Michel Cazenave, il est heureux que
Frédéric Lenoir offre de nouveau aujourd’hui les clés d’entrée nécessaires à
l’œuvre de Jung. Car si certains apports du psychanalyste sont connus – on
pense notamment aux archétypes, à l’inconscient collectif, son legs demeure
cependant riche et complexe, voire ésotérique. C’est là, cependant,
confondre ses recherches personnelles et ses découvertes et apports en
matière de psychanalyse, alors que le célèbre psychanalyste fut ainsi que
l’écrit l’auteur dès son introduction un fantastique « éveilleur et
visionnaire », soulignant que « Jung n’a cessé de rappeler que c’est de
l’intérieur de la psyché humaine que se trouvent à la fois les solutions
d’un avenir meilleur et les pires dangers pour l’humanité et la planète ».
Or, en notre période troublée par tant de crises sanitaire, économique,
sociale…, les apports et découvertes du célèbre psychanalyste gardent sur
nombre de points toute leur pertinence et actualité.
Frédéric Lenoir livre, ici, une biographie didactique, distinguant selon les
parties et les chapitres les grandes périodes de la vie du psychanalyste, sa
rencontre et rupture avec Freud, ses voyages, amours et amitiés, et les
points sensibles ou grandes notions de la psychologie analytique : Le Moi et
le Soi, l’individuation, l’homo religiosus, synchronicité, des
notions également chères à Mircea Eliade. Jung en consommant sa rupture avec
Freud fut l’un des premiers psychanalystes à prendre en compte la dimension
spirituelle. Cependant, bien que renonçant à être le dauphin de Freud,
considérant que la libido ne saurait être réduite à la sexualité, Jung ne
reniera jamais – contrairement à ce que l’on pense souvent, pour autant
l’apport du père de la psychanalyse.
Qui plus est, Frédéric Lenoir n’élude en ces pages aucun point délicat
notamment la question de la position de Jung durant la Seconde Guerre
mondiale et plus particulièrement durant les années 1933-1939 ; une position
demeurée floue et ayant conduit nombre d’analystes à écarter l’apport et
l’œuvre de Jung. Indéniablement, Frédéric Lenoir a entendu s’impliquer dans
cette biographie n’hésitant pas à plusieurs reprises à donner son opinion et
à utiliser le « je ». Tant l’œuvre du psychanalyste que l’homme – et ses
indissociables lieux de prédilection, Küsnacht, Bolligen, y sont présentés
avec un réel intérêt et une jolie affinité.
Un ouvrage plaisant et didactique offrant les clés indispensables pour
aborder la pensée du grand psychanalyste Carl Gustav Jung et proposant,
ainsi que l’indique son titre, « Un voyage vers le soi ».
Parallèlement à cette publication, deux œuvres de Carl Gustav Jung
paraissent dans la collection de poche Espaces libres Psychologie des
éditions Albin Michel « L’Âme et le soi – Renaissance et individuation »
ainsi que « Aiôn – Etudes sur la phénoménologie du soi ».
L.B.K. |
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Focus
Le regard des photographes de l'AFP édition spéciale 2020, La Découverte,
2021.
Chaque année l’Agence France Presse rassemble ses photographies les plus
marquantes afin de résumer une année. Mais cette année passée n’est
assurément pas à l’image des autres années puisque 2020 a connu l’incroyable
pandémie du Coronavirus qui sévit encore aujourd’hui.
Aussi n’est-il pas étonnant que les premiers clichés marquants soient
consacrés à ce qui allait mobiliser la planète entière. Un homme en train
d’agoniser sur un trottoir en Chine alors que personne ne souhaite le
toucher du fait du virus, le marché « maudit » de Wuhan d’où tout serait
parti, un hôpital de campagne « sorti de terre » en quelques jours comme
seul peut le faire le pouvoir chinois…
Dans ces photos des plus grands photographes de l’AFP, c’est le tragique qui
se dispute à la démesure ; des barricades tentent, en vain, de confiner les
quartiers, une autre vie s’organise, de manière futuriste sur une planète en
apnée, mais devenue pourtant notre quotidien depuis… Alors que se comptent
les morts et destins tragiques, la vie continue néanmoins avec parfois ses
représentations théâtrales presque surréalistes dans une maison de retraite,
des balcons qui dans le monde entier deviennent des lieux de sociabilisation…
Esthétiques, éloquentes, étonnantes, stupéfiantes, les qualificatifs pour
ces clichés pris par les plus grands photographes de l’AFP ne manquent pas
pour cette information en images de tout premier plan d’une année qui aura
marqué la planète entière. |
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Grand
Atlas 2021 sous la direction de Frank Tétart, cartographie : Cécile Marin,
éditions Autrement, 2020.
Impression d’être perdu dans la multitude des rapports de puissance au
niveau planétaire ? Sensation de ne plus percevoir les enjeux de la
mondialisation à l’heure du COVID-19 ? Ce Grand Atlas réalisé sous la
direction de Frank Tétart apportera bien des éclaircissements et réponses à
ces questions légitimes. Avec l’aide de plus de 100 cartes, 50 infographies
et documents pour comprendre le monde, ce Grand Atlas va au-delà des
ouvrages de ce genre en ajoutant une dimension analytique indéniable afin de
mieux discerner les tensions, enjeux et défis internationaux. Réalisé en
partenariat avec Courrier international et franceinfo, ce Grand Atlas permet
non seulement de comprendre le monde du XXIe siècle mais offre également des
rappels précieux sur l’Histoire telle cette rubrique consacrée à la peste
noire qui toucha l’Europe au XVe siècle, la guerre de Sécession, la
naissance de l’État libre d’Irlande, de l’Europe ou encore la construction
du mur de Berlin… Réunissant les analyses des meilleurs spécialistes
français dans diverses disciplines (géographes, économistes, politologues…),
ce livre abondamment illustré par de remarquables cartes adaptées par Cécile
Marin conjugue graphisme didactique et développements analytiques afin de
mieux comprendre le monde d’aujourd’hui et de demain. |
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« Les
nouvelles figures de l'agir - Penser et s'engager depuis le vivant » Miguel
BENASAYAG, Bastien CANY, Editions La Découverte, 2021.
Le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag vient de publier avec le
journaliste Bastien Cany un ouvrage sur « Les nouvelles figures de l’agir »
à l’heure des biotechnologies et autres pandémies. Ce thème de l’agir occupe
le philosophe depuis longtemps déjà, mais cette notion délicate se trouve
posée de nouveau à l’acmé d’un environnement conflictuel. Paradoxalement,
alors que les situations qui nous entourent obscurcissent notre ciel de
menaçants nuages, nos contemporains semblent pris d’un vent de panique qui
les conduit à une paralysie certaine empêchant toute action. Ce n’est
pourtant pas les informations – la surinformation même – qui manquent pour
éclairer tant soit peu notre entendement. Alors quelle sorte d’entrave
retient l’action ? C’est à cette question à laquelle s’attache cet ouvrage
exigeant et stimulant, une réflexion qui implique notre manière de percevoir
le monde et nos représentations de la réalité, souvent masquées au profit
d’une prétendue connaissance technologique et omnisciente. Ni technophobes
ni technophiles, c’est une voie médiane pensée que nous suggèrent les
auteurs. La voie, non point d’une issue, illusoire, mais d’une réaction à
cette paralysie passe par notre rapport aux autres, à la nature et à la
culture afin d’accepter la complexité pour mieux composer à partir d’elles.
Les liens tissés dans ce paysage sont la plupart du temps ignorés, si ce
n’est niés par nos contemporains. Allant au-delà de l’universalisme, mais
aussi de tout relativisme, il y urgence à excentrer l’humain ; il y a
urgence selon Miguel Benasayag et Bastien Cany à s’engager dans cette
démarche au risque de passer à côté de l’humain dans les années à venir.
Replaçant sa philosophie de la situation et de l’action dans le contexte
exacerbé que nous connaissons ces dernières années, les auteurs démontrent
la différence que nous ne faisons pas toujours au quotidien entre
information et compréhension, cette dernière impliquant le corps entier,
avec toutes ses fragilités. Passant allègrement de la philosophie à la
neurobiologie, deux disciplines dans lesquelles l’auteur offre depuis
longtemps des analyses aussi vivifiantes que stimulantes, Miguel Benasayag
n’est jamais là où on l’attend. Et nous devrions peut-être retenir cette
agilité de dépasser les paradoxes pour atteindre cette flexibilité évitant
la résignation actuelle. Le progrès n’est plus le maître mot de nos sociétés
contrairement à ce que les intégristes des technologies clament de leurs
chapelles… Entre catastrophisme convaincu et foi aveugle en un avenir
improbable, il existe une voie médiane, transversale, qui passe par une
nouvelle prise de conscience de nos corps, avec toutes leurs imperfections,
non point par une pleine conscience illusoire, mais en conciliant toutes nos
contradictions en une puissance d’agir. Afin d’éviter la dislocation de
l’humain, l’écrasement du présent par la tyrannie du smartphone,
l’infatuation du je en d’infinis selfies, la voie est loin
d’être rectiligne, mais l’incertitude omniprésente de nos quotidiens vaut
bien ces stimulants détours !
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Carl G.
Jung : « Les sept sermons aux morts », Coll. Carnets, Éditions de l’Herne.
Cet opuscule, « Les sept sermons aux morts », du psychanalyste suisse Carl
G. Jung est un écrit personnel s’inscrivant « en marge » de ses ouvrages
théoriques sur la psychanalyse. Daté de 1916 et rédigé en trois nuits dans
un état extatique, le psychanalyste y décrit ou consigne pour lui-même une
expérience intérieure qui fut pour lui d’une force inouïe et qu’il gardera
secrète. C. G. Jung écrira à son sujet dans sa biographie « Ma vie » : « Il
faut prendre cette expérience comme elle a été ou semble avoir été. Elle
était probablement liée à l’état d’émotion dans lequel je me trouvais alors
et au cours duquel des phénomènes parapsychologiques peuvent intervenir. Il
s’agissait d’une constellation inconsciente et je connaissais bien
l’atmosphère singulière d’une telle constellation en tant que numen d’un
archétype (…) »
Cette expérience d’une force intérieure particulière intervint deux ans
après la rupture de Jung avec Freud qui l’amena à faire un important et
profond retour sur lui-même et à affronter rêves et inconscient. Dans « Les
sept sermons aux morts », Jung relate une vision qu’il eut par le biais d’un
philosophe du IIe siècle, Basilide, lui révélant ce qu’est le plérôme ou
monde céleste.
« Les sept sermons aux morts » peuvent donc apparaître extrêmement étranges
et déroutants à celui qui découvre l’œuvre du psychanalyste par ce texte.
Ainsi que le souligne l’avant-propos, « De fait, on ne saurait nier qu’ils
posent à la compréhension maintes énigmes. » Pourtant, nul doute que cette
expérience intérieure, si étrange soit-elle, fut l’une des pierres
angulaires de l’élaboration de la psychanalyse analytique.
Ce texte fut longtemps considéré à tort comme un écrit d’inspiration
purement gnostique. Or, s’il est vrai que C. G. Jung s’intéressera de près
aux sources gnostiques (comme à de nombreuses autres sources), cette
expérience intime marquera bien au-delà tant l’homme que le théoricien et
père de la psychanalyse analytique. En témoigne ce qu’écrivit Jung lui-même
au sujet des « Sept sermons aux morts » dans « ma vie » : « Car les
questions auxquelles, de par mon destin, je devais donner réponse, les
exigences auxquelles j’étais confronté, ne m’abordaient pas par l’extérieur
mais provenait précisément du monde intérieur. C’est pourquoi les
conversations avec les morts, les « Sept sermons aux morts », forment une
sorte de prélude à ce que j’avais à communiquer au monde sur l’inconscient ;
ils sont une sorte de schéma ordonnateur et une interprétation des contenus
généraux de l’inconscient ».
A ce titre, cet écrit personnel ne saurait être aujourd’hui, 60 ans après la
mort de Carl G. Jung, occulté de toute approche de la psychanalyse
analytique, et il faut saluer les éditions de l’Herne d’avoir eu
l’initiative de publier cet écrit. Un texte comportant par ailleurs deux
autres écrits « Le problème du quatrième » et « La psychanalyse analytique
est-elle une religion ? » également insérés dans cette nouvelle édition.
L.B.K. |
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«
Arthur Schopenhauer – La fin du monde, voilà mon salut. – entretiens » ;
Coll. Du côté des auteurs, Editions établie et présentée par Didier Raymond,
Editions Le Passeur, 2021.
Schopenhauer au faîte de sa notoriété accorda un certain nombre
d’interviews. Certes, si elles demeurent moins connues que ses œuvres
majeures – « Le monde comme volonté et comme représentation », elles
méritent pourtant qu’on s’y arrête. À ce titre, il faut saluer l’initiative
des éditions Le Passeur d’avoir publié dans sa collection « Du côté des
auteurs » ces savoureux entretiens augmentés de mémoires ou souvenir
rapportés par ses disciples ou admirateurs. Ces entretiens et portraits sont
d’autant plus intéressants qu’ils offrent au lecteur un autre éclairage,
parfois très inattendu, sur la personnalité du philosophe. En ces pages,
transparait en effet plus l’homme que le philosophe. Or, ainsi que le
souligne Didier Raymond dans sa préface : « Tout ce que l’on peut apprendre
sur la personnalité de Schopenhauer peut éclairer certains aspects de son
œuvre ». Un point de vue que partageait le philosophe lui-même, la
biographie ne pouvant être, selon lui, séparée d’une œuvre. Ainsi, ce
dernier écrira-t-il notamment « On peut tout oublier excepté soit même,
excepté son propre être. En effet, le caractère est incorrigible. » Un
jugement qui influencera Nietzsche, mais que Schopenhauer ne s’appliquera
cependant guère à lui-même. Or, ce sont justement des portraits, attitudes
et postures au travers d’entretiens et souvenirs rassemblés et révélant
chacun à leur façon la personnalité et certains traits de caractère de
Schopenhauer que nous donne à découvrir cet ouvrage.
Schopenhauer, la célébrité enfin venue, accorda volontiers des interviews et
y prit même un certain plaisir. Étudiant ses gestes et effets, il prenait un
malin plaisir parfois à effrayer ou choquer ses interlocuteurs. Des postures
et prises de position que le lecteur retrouvera dans trois entretiens,
accordés deux ans avant sa mort, en 1858. Celui avec C. Challemel-Lacour,
tout d’abord, professeur, d’un pessimiste tout schopenhauerien, lors d’une
rencontre avec le philosophe à Zurich, suivi de ceux accordés à Fréderic
Morin et au conte L.-A. Foucher de Careil. Schopenhauer s’y montre
volontiers loquace, alternant entre séduction et provocation et livrant des
réponses parfois cocasses ou inattendues.
À ces trois entretiens, le lecteur pourra également retrouver avec bonheur,
en seconde partie, les mémoires concernant le philosophe de son principal
disciple, Frauenstoedt. Ce dernier fut très proche de Schopenhauer,
entretient avec lui une correspondance suivie jusqu’à la mort du maître, fit
connaître et divulgua largement sa pensée avant que Schopenhauer ne lui
lègue l’ensemble de ses manuscrits et lui donne tout pouvoir sur les
éditions à avenir. Viennent s’ajouter à ces souvenirs ceux de Karl Boehr,
fils d’un ami du philosophe, qui le rencontra à deux reprises en 1856 et 58,
et ceux d’un étudiant – Beck – lui ayant rendu visite en 1857.
Enfin, des vers inédits du philosophe viennent clore cet ouvrage offrant
ainsi bien des facettes, parfois fort méconnues ou inattendues, du célèbre
philosophe.L.B.K. |
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Platon
: « Œuvres complètes » ; Edition sous la direction de Luc Brisson, 2200 p.,
168 x 245 mm, Broché, Éditions Flammarion, 2020.
Proposer une édition réunissant la totalité des dialogues de Platon est une
entreprise suffisamment audacieuse et rare pour être soulignée. Lorsqu’en
plus, ces sources essentielles de l’Antiquité et de la culture classique se
trouvent être introduites et commentées par un appareil critique de toute
première qualité, c’est alors un argument supplémentaire pour faire de cette
édition le texte de référence qui fera assurément date en français.
Luc Brisson, directeur de recherche au CNRS n’est plus à présenter et ses
travaux sur Platon ont contribué à mieux faire connaître le grand philosophe
de l’antiquité souvent plus cité que lu… Or, justement, grâce à cette
monumentale édition des œuvres complètes de Platon, c’est le geste
philosophique par excellence qui se trouve au cœur de ces 2200 pages, à
savoir le questionnement incessant sur ce qui constitue l’homme et la cité,
ainsi que l’abandon de toutes idées reçues et une critique de la
sophistique.
À partir de la figure centrale de Socrate qui le conduira à la philosophie -
notamment avec son dernier geste face à ses accusateurs - Platon encourage
son lecteur à la méthode dialectique, une interrogation et un dialogue
ininterrompus sur ce qui semble être acquis. Ainsi que le souligne Luc
Brisson en introduction, Platon est « le philosophe par excellence » celui
qui donna au terme « philosophie » le sens qu’il a encore de nos jours.
L’autonomie de la pensée, l’amour de la sagesse comme quête essentielle de
l’individu et fondement de la cité, le dualisme de l’âme et du corps… autant
d’idées essentielles parvenues jusqu’à nous et qui trouvent leurs fondements
dans la pensée platonicienne.
Cette édition réunit non seulement la totalité des dialogues de Platon, mais
a également intégré la traduction inédite des œuvres apocryphes et
douteuses, des sources également précieuses afin de mieux comprendre comment
s’est constituée la tradition platonicienne après la disparition du
philosophe en 348/7 alors qu’il travaillait à la rédaction des « Lois ».
Soulignons, enfin, que cette édition, loin d’être réservée aux seuls érudits
et spécialistes de la philosophie antique, a été conçue, grâce aux
introductions à chacune des œuvres, pour s’adresser également à nos
contemporains, celles et ceux pour qui l’interrogation sur l’homme et la
cité demeure au cœur de leurs préoccupations, une question toujours
d’actualité !
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Jacques
Attali : « L’économie de la vie », Éditions Fayard, 2020.
C’est un ouvrage d’actualité, comme toujours très informé, des plus
instructifs et d’une urgente nécessité que nous propose Jacques Attali avec
« L’économie de la vie ». Un ouvrage pour comprendre non seulement le monde
d’aujourd’hui, ce qui nous est arrivé, mais aussi et surtout celui de
demain, celui encore envisageable ou ceux malheureusement également
probables si…
Après avoir dressé, de manière concise, l’histoire des épidémies et
pandémies d’hier à nos jours, et souligné la multiplication croissante de
celles-ci ces dernières décennies faisant non présager, mais bien prévoir
une pandémie mondiale – ce que l’auteur avec d’autres n’avait précédemment
pas manqué d’avertir – Jacques Attali revient sur ce que l’humanité entière
en cette année 2020 a vécu ; sur ce que nous avons réellement vécu, la crise
sanitaire, le confinement, et sur un plan économique, cet arrêt brutal et
décidé quasi mondial de l’économie et qui aurait pu être selon lui évité à
l’exemple de la Corée du Sud, si nombre de gouvernants n’avaient, avec plus
ou moins de sincérité, opté pour suivre celui de la Chine.
Mais après ? C’est à cette interrogation essentielle, celle du choix encore
possible du monde de demain, celui de nos enfants, qui demeure au cœur de
cet ouvrage et des préoccupations de l’auteur. Car, s’il est nécessaire de
tirer les leçons de cette pandémie ayant bouleversé nos vies, écrit-il,
encore faut-il également comprendre ce qui nous attend ; « Une crise
économique, philosophique, idéologique, sociale, politique, écologique,
stupéfiante, presque inimaginable ; plus grave en tout cas qu’aucune autre
depuis deux siècles », souligne Jacques Attali.
Il y a dès lors plus que jamais urgence à comprendre les enjeux de ce qu’il
nomme « L’économie de la vie ». Ces enjeux qu’impose et imposera le choix –
peut-être encore possible - d’un monde vivable ou du moins plus vivable que
d’autres. Livrant une vue d’ensemble, il y développe les multiples défis et
choix - santé, eau, éducation, choix écologiques… - que suppose dès
maintenant ce passage d’une « économie de survie » à une « économie de la
vie », de l’économie au social, de l’éducation à la culture, de la
nourriture à l’habitat, peu de points essentiels n’échappent à l’acuité de
l’auteur. À défaut, ce sont d’autres mondes qui malheureusement sauront
inexorablement s’imposer. Jacques Attali n’ignore pas, en effet, ni ne cache
ou sous-estime, ce qui nous attend si nous ne prenons conscience de
l’extrême urgence de ces choix vitaux, climatiques, économiques, sanitaires
et sociaux… de cette « Économie de la vie ».
Et « Se préparer à ce qui vient », annonce le bandeau de l’ouvrage, qui
peut, en effet, sciemment y renoncer ?
L.B.K. |
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Arthur Schopenhauer – Parerga et Paralipomena » ; Edition établie et
présentée par Didier Raymond ; Traduction de l’Allemand par Auguste Dietrich
et Jean Bourdeau, 1088 p., Collection Bouquins, Éditions Robert Laffont, 2020.
S’il y a bien un philosophe qui bouscule, c’est assurément Arthur
Schopenhauer. Rares sont ceux qui n’y ont trouvé réponses, échos,
oppositions ou franches réfutations à leurs pensées, doutes ou
questionnements. Pourtant, la renommée de ce grand philosophe allemand qui
ne saurait laisser indifférent, fut, de son vivant, bien tardive. Il lui
faudra, en effet, affronter une longue traversée du désert, bien qu’ayant
déjà publié la majorité de ses grands ouvrages, avant que le succès ne soit
au rendez-vous. Celui-ci lui sera donné, moins d’une dizaine d’années avant
sa disparition survenue en 1860, lors de la parution de «Parerga et
Paralipomena », soit plus de trente ans après celle sans succès du « Monde
comme volonté et représentation ». Ce ne sera, en effet, qu’en 1851, avec la
publication de ces deux volumes, sa dernière œuvre, qu’Arthur Schopenhauer
sera enfin salué et reconnu à sa juste valeur par ses contemporains. Or,
c’est justement cette œuvre foisonnante aux multiples thèmes que nous donne
aujourd’hui à lire la Collection Bouquins dans cette édition établie et
présentée par Didier Raymond, professeur à l’Université Paris VIII et
spécialiste de Schopenhauer. Et si la traduction littérale du titre grec
signifie « Accessoires et Restes », il faut avouer qu’il s’agit là de très
savoureux suppléments venant compléter son œuvre maîtresse !
« Parerga » s’ouvre par trois livres majeurs – « Les écrivains et le style »
; « La langue et les mots » ; « La lecture et les livres ». D. Raymond
souligne combien ces textes « ont exercé une énorme influence sur des
auteurs aussi différents que Nietzsche, Proust ou Wittgenstein. ». Suivent
les grands thèmes schopenhaueriens, la religion, la philosophie, le droit et
la politique, la métaphysique, le beau et l’esthétique… Une philosophie à la
fois éthique et métaphysique, « deux choses que l’on a à tort – pour le
philosophe – séparées jusqu’ici… » Des thèmes dans lesquels se glissent
pêle-mêle des considérations sur le suicide ou sur l’éducation, des pages
parfois surprenantes notamment sur le bruit qui lui était insupportable ou
encore ce bref « Essai sur les apparitions et les faits qui s’y rattachent
».
C’est une philosophie qui se veut praticable – « pour bien s’en tirer »
aimait-il à écrire - exposée dans un style clair et accessible que nous
propose en ces pages, comme toujours, Schopenhauer en opposition avec les
philosophies conceptuelles de ses prédécesseurs. Une philosophie de la vie
comme subsistance ou survie pour ce philosophe d’un pessimisme radical et
ayant fait sienne la célèbre phrase de Bichat « La vie est l’ensemble des
forces qui résistent à la mort ». Schopenhauer offre cette pensée mûrement
réfléchie, ne craignant ni les critiques ni les oppositions, en témoignent
ces « Remarques de Schopenhauer sur lui-même ». Bataillant contre la haine,
la bêtise, l’égoïsme, le désir ou encore la vengeance source d’une plus
grande souffrance que celle du repentir, des thèmes forts que l’on
retrouvera au XXe siècle brillamment développés par Vladimir Jankélévitch.
Certes, si certaines de ses positions peuvent susciter opposition, voire
indignation, tel son « Essai sur les femmes », d’une misogynie peu
acceptable de nos jours, bien d’autres de ses réflexions demeurent, en
revanche, pour cet homme né à la fin du XVIIIe siècle (1788), d’une profonde
pertinence, notamment ses prises de position contre l’esclavage et la traite
des Noirs ou encore contre la maltraitance des enfants. Rien n’interdit au
lecteur, selon les fragments, de hurler, sourire ou de rire aux éclats. Si
Schopenhauer est un philosophe génial, nul n’a dit pour autant « parfait » !
Misanthrope à l’excès – il est vrai – (pour qui « l’homme n’est pas
seulement un animal méchant par excellence », mais bien une espèce non
seulement bestiale mais démoniaque), mais aussi colérique, pessimiste à
souhait, intransigeant, méfiant à l’extrême… il a surtout pour lui, en
contre point, cette curiosité insatiable et cette fantastique énergie
intellectuelle qui en font son charme et en fondent toute sa valeur ; Cette
lucidité implacable et sans concessions, fruit d’une féconde réflexion
soumise jusqu’à la limite de la contradictio. D’une lucidité tragique mais
ne se complaisant nullement dans le malheur, sa philosophie est comme sa «
vie dans le monde réel – écrira-t-il – une boisson douce-amère ».
Schopenhauer était conscient de sa valeur, celle-là même que nul ne lui
conteste aujourd’hui, celle d’être un des plus grands philosophes. Surtout,
Arthur Schopenhauer demeure de par la réflexion et les confrontations qu’il
peut susciter, un des philosophes les plus stimulants. Comment, dès lors, en
ces temps de confinement, y résister ?!
L.B.K. |
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Jean-Louis Servan-Schreiber : « Avec le temps… », Dessins de Xavier Gorce,
Éditions Albin Michel, 2020.
Le temps aura toujours été une composante importante dans la vie du patron
de presse et essayiste Jean-Louis Servan-Schreiber et, ses 80 ans dépassés,
cette acuité ne s’est pas estompée mais affinée. À l’heure où les projets
d’avenir ne sont plus la priorité, c’est la vie dans l’instant présent qui
compte maintenant dans le quotidien de l’auteur. Cette vie a d’ailleurs
toujours été au centre des priorités de Jean-Louis Servan-Schreiber, lui
conférant une certaine sacralité et lui faisant détester tout ce qui est
susceptibilité de la menacer, ou pire, de la nier. À défaut d’embrasser une
transcendance qui lui a semblé toujours lointaine, l’auteur a donc tout misé
sur la vie et son pari, c’est de la vivre jusqu’à son terme, bel impératif
philosophique ! Pour mener cette mission de tous les instants, rigueur et
discipline sont au programme, une exigence que certains pourront trouver
certes peut-être trop contraignante, c’est une question de priorités… Car en
lisant « Avec le temps… », le lecteur comprendra qu’il faut s’exercer à
vivre de peur de laisser ces instants filer inexorablement, sans s’en rendre
compte. Or cette leçon ne s’apprend guère sur les bancs de l’école ni dans
les universités, mais au quotidien, démarche philosophique s’il en faut.
L’injonction socratique « Connais-toi toi-même » invite à prendre le temps
de ce discernement. Sénèque ne dit pas autre chose lorsqu’il rappelle : «
Être heureux, c'est apprendre à choisir. Non seulement les plaisirs
appropriés, mais aussi sa voie, son métier, sa manière de vivre et d'aimer
». Jean-Louis Servan-Schreiber n’a pas oublié ces leçons du passé, tout en
s’imposant de vivre au présent, aujourd’hui encore plus qu’auparavant. Face
au relativisme ambiant amplifié par les réseaux sociaux et les réactivités
de tout bord, et aux processus de déconstruction sapant toutes les repères
jugés intangibles jusqu’à récemment, il importe de se retrouver, cultiver
cette intimité avec soi-même pour mieux se comprendre ainsi que nos
semblables. Distance avec tout ce qui trouble la vie et proximité avec tout
ce qui la nourrit, telle est l’attitude encouragée par Jean-Louis
Servan-Schreiber à la veille du grand âge, une réflexion livrée avec
humilité et qui pourra retenir l’attention de celles et ceux qui n’auront
pas encore atteint ce stade de la vie.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Pier
Paolo Pasolini : « Entretiens (1949-1975) », Édition établie par Maria
Grazia Chiarcossi, traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio,
présentation éditoriale par Aymeric Monville, Éditions Delga, 2019.
Les passionnés de l’écrivain Pier Paolo Pasolini se réjouiront de découvrir
cette sélection d’entretiens pour la plupart inédits en français dans cette
édition établie par Maria Grazia Chiarcossi, grande spécialiste de
l’écrivain, ayant notamment préparé son œuvre complète en Italie. Mais ce
livre pourra également être une belle porte d’entrée dans l’univers
pasolinien pour les néophytes, ces pages abordant les très nombreux thèmes
récurrents de son œuvre. Car Pasolini, et c’est un aspect souvent méconnu en
France, était très attaché à son statut de journaliste, il contribua
d’ailleurs jusqu’à la veille de son assassinat en 1975 à collaborer à de
nombreux journaux et revues culturelles, n’hésitant pas à prolonger dans ces
articles sa vision engagée du monde et de la société, allant jusqu’à la
polémique si nécessaire. Le cinéma sera bien entendu omniprésent dans la
première partie, ce qui permettra au lecteur français de placer quelques
jalons supplémentaires dans sa connaissance du cinéaste. Mais la politique,
sans oublier la poésie, constituent les fils directeurs de sa pensée, une
action militante et de résistance face au rouleau compresseur de la pensée
unique consumériste qu’il ne cessa sa vie durant de dénoncer et qui lui
coûta peut-être la vie. Contrairement à ce qui a souvent été avancé, le
polémiste fait preuve d’un grand respect pour son contradicteur, allant même
jusqu’à accepter de se mettre à sa place, Pasolini ayant toujours reconnu
qu’il était issu d’un milieu petit-bourgeois bien différent des petites gens
qu’il décrivit dans ses films et romans. Pasolini surprend, choque, et
surtout bouscule nos idées reçues, n’hésitant pas à se placer là où on ne
l’attendait guère comme lorsqu’il défendit les policiers d’origine
prolétaire agressés par les étudiants bourgeois en 1968… Marxiste et
parallèlement fasciné par une certaine transcendance diluée dans les milieux
pauvres qu’il décrivit, amoureux du verbe et de la poésie et apôtre de
l’argot le plus rude des banlieues romaines, Pasolini suggère une attitude
face à ce « rouleau compresseur impérialiste », des interrogations trouvant
une actualité la plus sensible aujourd’hui encore, plus de 45 ans après,
ainsi que le souligne Aymeric Monville dans sa présentation de l’ouvrage.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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"Dictionnaire amoureux de l'Allemagne" de Michel MEYER, format : 132 x 201
mm, 880 p., Plon éditions, 2019.
À l’heure du trentième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, il
manquait assurément un Dictionnaire amoureux de l’Allemagne. C’est chose
faite sous la plume inspirée de l’écrivain et journaliste Michel Meyer.
Auteur de nombreux ouvrages sur un pays souvent plus méconnu que réellement
familier, Michel Meyer suggère de découvrir « son » Allemagne, celle qu’il a
eu l’occasion tout au long de sa riche carrière de parcourir, commenter,
dialoguer ; Une Allemagne avec laquelle il a su nouer une histoire de cœur
qui débute non loin de ses frontières en France à Schirmeck, petite ville de
la vallée vosgienne où il naquit en 1942. Hölderlin et Goethe sont cités en
exergue, comme invitation inspirée pour découvrir cette nation à la croisée
des chemins depuis la plus haute antiquité. Une Allemagne plurielle,
assurément, par ses nombreuses identités remontant bien au-delà des peuples
germaniques décrits par Tacite, mais aussi par ses paradoxes et les
tourments de sa longue Histoire. Impossible d’échapper aux repères initiaux
de l’auteur notamment la Seconde Guerre mondiale vécue en un espace
géographique plus que sensible à quelques kilomètres d’un camp de
concentration visité quelques années après la chute du nazisme. Malgré cela,
l’attraction est intacte. Car même si Michel Meyer s’est posé la question au
tournant du dernier millénaire « le démon est-il allemand ? », la sirène de
la Lorelei continue à fasciner et à attirer inexorablement vers elle, tous
ceux qui cèdent à son chant… Alors consentons sans entraves à découvrir en
amoureux cette Allemagne suggérée par Michel Meyer, en commençant cette
escapade par l’entrée « Adenauer », premier chancelier d’après-guerre, une
lourde responsabilité si l’on songe à ce que l’Europe avait subi du fait de
son sinistre prédécesseur. Suivent les fameuses « Affinités électives »
chères à tous les lecteurs de Goethe qui sut saisir comme nul autre ce qui
fait et défait les unions entre les êtres, des liens ténus et
indéfinissables et qu’il parvint pourtant à si bien évoquer. Le lecteur
pourra, selon son humeur, poursuivre page après page, avec les « Allemandes
» célèbres comme Gretchen, singulière comme Lou Andreas von Salomé. Il
pourra aussi ouvrir ce volumineux dictionnaire au gré de son inspiration ou
du hasard, et redécouvrir cette incroyable « Chute du Mur » vécue en direct
par le journaliste dans la nuit du 9 novembre 1989… Le Dictionnaire amoureux
de Michel Meyer réserve également de beaux développements aux artistes,
poètes et écrivains qu’il chérit : Hölderlin, Goethe – nous l’avons
souligné, mais aussi Rilke ou encore des noms plus proches de nous comme
Karl Lagerfeld récemment disparu. Chaque entrée peut être considérée comme
une proposition d’appréhender une nation, une civilisation, une culture,
avec avant tout cet esprit allemand que ce Dictionnaire amoureux célèbre
avec passion.Philippe-Emmanuel
Krautter |
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Miguel
Benasayag « La théorie des algorithmes » conversation avec Régis Meyran,
Éditions Textuel, 2019.
Ainsi que le souligne Régis Meyran en ouverture de cette conversation avec
le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag (voir
notre entretien), il existe une autre alternative au « pour » ou «
contre » la machine infernale qui s’introduit, aujourd’hui, de plus en plus
dans le discours actuel. C’est cette direction d’une autre alternative vers
laquelle le philosophe s’oriente, une autre direction, plus urgente encore
et sans concessions sur les risques encourus par l’aveuglement du tout
technologique, le nouvel âge de l’IA, l’Intelligence Artificielle. Préférant
la pensée rhysomique chère à Deleuze et Guattari et les chemins de traverse
pour aborder ces questions essentielles, l’entretien part du postulat
qu’être pour ou contre est déjà dépassé, les algorithmes étant déjà
omniprésents aujourd’hui dans notre quotidien et dictent déjà, moins
sournoisement qu’impérieusement, un grand nombre de traits de notre vie…
Miguel Benasayag n’hésite pas à rappeler que des études scientifiques ont
déjà démontré une « atrophie » de la zone du cerveau correspondant à
l’orientation du fait de l’usage intensif du GPS par des chauffeurs de taxi
! La question serait plutôt : que devons-nous faire, à partir de cette
réalité, pour préserver notre dimension humaine et celle des générations à
venir dans les prochaines années ? Comment ne pas perdre ce qui fait
l’humain, fonctionner ou exister ?
Le philosophe avertit tout d’abord le lecteur de l’inanité de considérer «
intelligent » ce qui n’est que le fruit de calculs programmés. La complexité
humaine est ailleurs que dans cette « puissance » élevée au rang de la
performance, alors que le propre de l’humain (et du vivant) se situe bien
au-delà, avec le désir, l’erreur, les hésitations, passions, sans oublier la
conscience et l’inconscience, tout cela s’inscrivant dans un corps, notre
corps. « C’est le vivant qui crée du sens, pas le calcul », rappelle Miguel
Benasayag. Cette mathématisation du monde est, certes, ancienne dans nos
sociétés et s’est introduite avec le rationalisme et les mathématiques
concurrençant à l’époque le projet divin. Le philosophe avertit cependant
que la complexité du vivant ne saurait être réductible au plus complexe des
calculs. Aussi savants et perfectionnés que soient ces algorithmes, il leur
manquera toujours une dimension masquée qui leur résistera, cette dimension
humaine, singulièrement humaine ; Ce que démontrent et confirment dès à
présent déjà un grand nombre d’erreurs reconnues par la médecine moderne
notamment dans le domaine des antibiotiques. « Ne pas confondre la carte
avec le territoire ! », souligne Miguel Benasayag et jeter à la poubelle 90
% de l’ADN considéré comme inutile car non réductible ou résistant au
codage, tel que le souhaitent un grand nombre de biologistes aujourd’hui. Au
risque, un jour, de se réveiller et de comprendre (trop tard ?) que cette
part « irréductible » de notre ADN avait une utilité, son utilité…
Loin de toute pensée organiciste, le lien, la relation et l’interaction sont
au cœur du vivant, cette « singularité du vivant » chère à Miguel Benasayag
et que n’appréhende pas l’IA aujourd’hui. « Nous sommes les contemporains de
la centralité de la complexité […] il nous est impossible de prétendre à une
prévision complète », souligne-t-il.
Or, aujourd’hui, des responsables de tout bord (économie, science, finance,
politique…) sont sur le chemin de déléguer consciemment les fonctions de
toute décision à la machine. Or, le présent immédiat n’occupe qu’à peine 10
à 15 % de nos pensées (une latitude qui laisse une grande place au passé et
à l’avenir), alors que l’IA promet une efficacité de présence à 100 %, une
performance qui ne peut que plaire aux marchés boursiers et aux partisans de
l’efficacité à tout prix. Le corps se trouve dès lors pris dans l’engrenage
d’un régime immatériel qui lui dicte et impose ses règles. Celles d’un
individualisme exacerbé et de relativisme reposant sur l’idée de plaisir
poussé à l’extrême. Le danger ne concerne pas seulement que le corps et le
vivant, mais aussi le politique et le social, ces domaines étant désormais
de plus en plus soumis aux diktats des algorithmes à la disposition du
politique et des décisionnaires. À terme, la démocratie se retrouve remise
en cause par ce schéma algorithmique donné pour infaillible au profit d’une
tyrannie résultante de ce tout pouvoir algorithmique.
Les prochains combats à mener par des multiplicités agissantes ne seront
peut-être plus sur les barricades, mais dans les arcanes des
microprocesseurs de nos ordinateurs…
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Denis
Ramseyer : « Les Kouya de Côte d’Ivoire, un peuple forestier oublié. »,
Co-édition Musée Barbier-Mueller / Editions Ides et Calendes, 2019.
C’est au cœur de la forêt ivoirienne à la rencontre du peuple Kouya que nous
entraîne avec cet ouvrage enrichissant, et présentant un intérêt
ethnologique des plus vifs et urgent, Denis Ramseyer, ethnologue-archéologue
et historien, chargé d’enseignement à l’Université de Neuchâtel.
Le peuple Kouya est un petit peuple forestier de Côte d’Ivoire. Petit par sa
taille, car il ne comporte que vingt milles individus et encore. Mais, petit
que par sa taille seulement ! Car s’il demeure peu connu du reste du monde,
cette ethnie de Côte d’Ivoire mérite pourtant de l’être tant ses modes de
vie, croyances et traditions offrent une belle découverte et étude
ethnologique. Fiers de leurs traditions, les Kouya sont avant tout un peuple
de forestiers, un peuple parlant une langue comptant parmi les plus
menacées, et à ce titre déclarée telle en 2001.
Car, l’alerte est donnée. En effet, si le monde fascinant des Kouya a déjà
malheureusement en grande partie disparu, ce dernier est aujourd’hui plus
encore menacé. Confronté à de nombreuses situations inextricables, ce peuple
risque, si nous n’y prenons garde, non plus seulement d’être oubliés, mais
bel et bien de disparaître à jamais…
Après avoir, en effet, subi l’arrivée des missionnaires chrétiens, les Kouya
doivent depuis le début du XXIe siècle, affronter les changements
climatiques. À ces changements viennent s’ajouter les nombreux conflits
ayant marqué, chaque décennie de notre siècle, la Côte d’Ivoire et plus
particulièrement la région au cœur de laquelle vivent les Kouya. À tout
cela, s’ajoute, qui plus est, une déforestation dévastatrice due au
développement de la culture du cacao, elle-même s’accompagnant de l’arrivée
de migrants bouleversant l’équilibre social déjà fragile. Ethnie de
forestiers menacée de toute part pour laquelle l’auteur tire depuis de
nombreuses années déjà la sonnette d’alarme. Depuis 1971, en effet, année
lors de laquelle Denis Ramseyer découvre ébahi la Côte- Ivoire et cet
attachant peuple Kouya, ce dernier n’a cessé de réunir, assembler notes,
enquêtes, reportages photographiques, des travaux que ce dernier ouvrage
donne largement à voir et à découvrir. Aussi, est-ce à une enrichissante,
mais aussi urgente rencontre ethnologique à laquelle nous invite l’auteur.
Une étude approfondie, richement étayée et illustrée de 150 illustrations
couleur, qui ne pourra qu’intéresser ethnologues ou spécialistes de
l’Afrique, mais aussi séduire tout amoureux de Côte-d'Ivoire, des Kouya… ou
de la terre et de ses habitants tout simplement !
À noter que ce dernier ouvrage vient compléter les précédents travaux de
Denis Ramseyer : Reportage photographique en 1972, enquête ethnologique en
1975, étude ethnoarchéologique 1998, étude sur la transformation de la
société et de son environnement en 2016.
L.B.K. |
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Jean-Michel Oughourlian : « Optimisez votre cerveau ! ; Neurones miroirs :
le mode d’emploi », Edition Plon, 2019.
Un livre instructif, accessible et passionnant, pour ne pas dire
indispensable !, sur nos relations personnelles, familiales ou
professionnelles, écrit par le Professeur Oughourlain, neuropsychiatre et
professeur de psychologie à la Sorbonne.
Dans ce livre, tout part du mimétisme. Rien d’étonnant à cela lorsqu’on sait
que le Professeur Oughourlian est spécialisé dans la psychologie mimétique.
Collège et ami de René Girard, il nous explique dans un langage clair le
rôle déterminant du mimétisme (notre cerveau reptilien) en son rapport avec
nos deux autres cerveaux, que sont le cerveau émotionnel et le cerveau
cognitif.
Le cerveau mimétique par un automatisme déconcertant n’a de cesse d’imiter –
modèle/rival /rival-obstacle. Qui plus est, ce cerveau mimétique se met en
branle au moindre signal perçu, des neurones-miroirs infaillibles et
incessants, donc, qui ne nous quittent pas d’un pouce avec plus ou moins
d’heureux bonheurs. Une imitation à laquelle notre deuxième cerveau
émotionnel, par une impressionnante fidélité, viendra au plus vite emboiter
le pas, et renforcer en ajustant notre humeur, nos sentiments et émotions.
Notre cerveau cognitif, ce troisième cerveau, viendra, enfin, coiffer le
tout. C’est simple.
C’est simple, mais n’allons pas si vite pour autant ! Et si on
court-circuitait ce processus de base ? Le Professeur Oughourlian nous
explique, en effet, que s’il est certes difficile de déconnecter
l’automatisme mimétique de notre premier cerveau, reste que « l’on peut
toujours choisir le chapeau que prend notre cerveau cognitif ! » ; Haut de
forme, casquette de hooligan ou chapeau du rire ? Tel est l’enjeu de cet
ouvrage plus que passionnant et que clôt une poste-face d’Emmanuel Gavache
tout aussi convaincante…
C’est, en effet, par une meilleure compréhension du mimétisme et de son
ressort sur l’inter-individualité que l’auteur, en sa qualité de
neuropsychiatre, nous explique comment fonctionne le cerveau lors des crises
et conflits qu’ils soient familiaux ou professionnels, individuels ou de
groupe. Le premier pas consistera à comprendre et démêler ce mimétisme ayant
déterminé en quelque sorte les cartes et règles avec lesquelles chacun de
nous avance ; Sachant que tout mimétisme ne saurait être, bien sûr, négatif
et que les exemples positifs ne manquent heureusement pas.
A la base de tout, on l’aura compris, il y a le désir, ce désir mimétique de
ce que l’autre a, possède, est, ou même et surtout de ce que l’autre désir.
Dans la lignée de René Girard qu’il aime à citer ou de Jean-Pierre Dupuy («
La jalousie ; une géométrie du désir », Seuil, 2016), Jean-Michel
Oughourlian nous démêle, de chapitre en chapitre, cet impressionnant
écheveau tissé de liens mimétiques. Pouvoir, influence, suggestion, pub,
réseaux sociaux, etc., et même mimétisme inversé, jalonnent cet essai. Des
mimétismes positifs ou négatifs auxquels personne n’échappe, certes, mais
que l’on peut approcher et quelque peu appréhender afin de « supprimer la
suggestion, l’asservissement au mimétisme rival », souligne l’auteur.
Cela passe avant tout par accepter l’idée que les conflits, maladies,
névroses, proviennent de ce mimétisme /rivalité directe ou inavouée avec «
son rival », ce modèle inversé qu’il convient de démasquer, et qui n’est pas
pour autant et toujours en tant que tel un « ennemi ». Le mimétisme le plus
universel engendre, quoique certain en dise, la jalousie avec pour
pathologie l’envie lorsque « le rival devient ennemi », suivie de sa mise à
mort dans son exacerbation extrême, souligne encore Jean-Michel Oughourlian.
Notre cerveau mimétique est, en effet, imperméable, et seule l’intervention
raisonnée de notre cerveau cognitif ralliant à lui le cerveau émotionnel
parviendra à le canaliser. De là, l’apport essentiel de cet ouvrage : rendre
accessible une meilleure compréhension de ce processus mimétique et de ce
qui se joue, permettant de dompter ou d’apprivoiser ce fameux cerveau
mimétique.
Un ouvrage qui se lit d’un trait, et auquel on ne peut souhaiter qu’un
mimétisme de bon aloi ; Alors, bonne lecture !
L.B.K. |
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«
L'Absolue Simplicité » Lucien JERPHAGNON, Michel ONFRAY (Préface),
Collection : Bouquins, Robert Laffont éditions, 2019.
Faisant suite aux deux précédents volumes parus dans la collection Bouquins,
« L’absolue simplicité » offre au lecteur quelques-uns des autres
plus beaux livres de l’historien de la philosophie (lire
notre interview) bien connu pour la fulgurance de ses analyses et la
vivacité de son jugement. Michel Onfray livre en ouverture à ce troisième
volume un témoignage sensible et poignant sur son « vieux maître » et sur la
magie des enseignements dont il reçut chaque parole comme un legs précieux.
La fausse désinvolture des cours de ce grand maître permettait, en effet, de
toucher à cœur de jeunes âmes peu versées sur l’Antiquité et ses leçons.
C’est ainsi que cette magie Jerphagnon opéra chez tous celles et ceux qui
ont eu le privilège de rencontrer ce bel esprit – un brin malicieux parfois
!, et que Michel Onfray évoque avec émotion en ouverture à ce beau et riche
nouveau volume de la collection Bouquins. La diversité de ses enseignements
ne changea en rien la limpidité de ces changements, les saillies de ses
analyses et la sagacité de ses témoignages sur cette Antiquité qu’il
chérissait tant, jusqu’à ses péplums qui le faisaient éclater d’un rire
complice…
« L’absolue simplicité » regroupe certains des titres incontournables
de Lucien Jerphagnon, tels Julien dit l’Apostat, Les Dieux ne sont
jamais loin, Augustin et la sagesse, mais aussi des textes moins
connus comme ces transcriptions de certains de ses cours, notamment au Grand
Séminaire de Meaux ou encore des conférences ou émissions de radio qui
témoignent de l’absence de frontières dans les domaines appréhendés par
cette pensée fertile. Sa fidélité indéfectible à son maître le philosophe
Vladimir Jankélévitch force également le respect dans ces pages d’«
Entrevoir et vouloir » réunies en 1969 et augmentées en 2008 ; des pages
magnifiques révélant, à elles seules, tout l’art de son auteur de « livrer »
sans altérer une pensée dans toute sa richesse et complexité comme pouvait
l’être celle de Vladimir Jankélévitch ; Ce « métaphysicien mystique,
comme je suis devenu un agnostique mystique ! » - souligne Lucien
Jerphagnon, et de poursuivre : « Peut-être était-ce pour cela que j'avais
énormément apprécié « Janké » comme nous l'appelions ! » (entretiens
Lexnews)…
Peut-on encore être surpris par cette pensée hors-norme et fulgurante de
Lucien Jerphagnon ? Une telle question se pose-t-elle en ces décennies d’un
nouveau siècle, d’un nouveau tournant ? Les lecteurs de ses chroniques
politiques pour la Revue des Deux-Mondes des années 1990 ne pourront, en
effet, que retrouver ce rare bonheur de percevoir de nouveau ce léger accent
que ce Bordelais impénitent aimait à accentuer d’un clin d’œil complice. Une
complicité offerte au lecteur entre deux jugements assénés toujours avec
justesse, s’amusant des galipettes de Greenpeace, des gamineries de la
presse, et des impôts que le penseur n’a jamais vu baisser de toute sa
longue vie… sans oublier cette interminable nuit dont parlait Catulle et que
nous fait revivre ce grand maître que fut Lucien Jerphagnon; Un esprit
toujours sur la brèche qui poursuit sa quête, ne cessant de susciter de
nouvelles interrogations chez ses lecteurs, des questionnement toujours
aussi actuels, nécessaires, et peut-être plus urgents que jamais.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Roland
Jaccard : « L’enquête de Wittgenstein. », Éditions Arléa, 2019.
Avec « L’enquête de Wittgenstein », le philosophe Roland Jaccard
signe un opuscule, ô combien ! vivifiant, voire décapant. Wittgenstein,
philosophe viennois (1889-1951), contemporain de Freud, demeure – il est
vrai, plus connu en théorie des sciences pour ses ouvrages en logique
mathématique qu’en philosophie pour son « Tractatus-logico-philosophicus
». Cependant, bien qu’injustement boudé de nos jours, il n’est pourtant pas
sans attraits et un intérêt piquant à le redécouvrir ; Une incitation à
laquelle Roland Jacquard s’est employé, en ces pages, avec toute la vigueur
et la justesse qu’exige le philosophe viennois. Il faut avouer que tant
l’homme que le penseur, ayant étudié à Cambridge auprès de Russell, ne sont
pas si simples ; Qu’on en juge : Influencé par Schopenhauer, Nietzsche,
Weininger, Krauss, il a gardé du premier un nihilisme de génie, et du
second, cette puissance de volonté qui lui évitera à maintes reprises de
commettre l’irréparable ; le tout avec un singulier mélange de Kierkegaard
qu’il lira, appréciera et dont il partagera un temps la Norvège. Toute sa
vie durant, avec cette espèce de fougue nihiliste qui le caractérisa,
Wittgenstein se demandera : « Qu’est-ce qu’un homme ? » Une quête
philosophique qui le poursuivra et qui justifie pleinement le titre de cet
ouvrage : « L’enquête de Wittgenstein ».
Intransigeant à l’extrême, sans concession envers lui-même, n’aimant et ne
comprenant que l’excellence, sa devise sera – pour reprendre encore un des
titres de Roland Jacquard, « Le néant ou le génie ». Et si cela est
clairement dit et énoncé, reste que... car, il faut avouer que la complexité
de la pensée de Wittgenstein est de génie, et derrière l’enquête du
philosophe, c’est bien Roland Jacquard lui-même qui mène pour son lecteur
celle-ci ; une entreprise audacieuse en si peu de pages, mais Roland
Jacquard sait lui aussi frapper fort, là où cela répond. N’épargnant ni les
qualités ni les faiblesses du philosophe (ni celles de son lecteur), ce
dernier trace à coup d’énergiques traits de plume les entrelacs de la vie et
de la philosophie de Wittgenstein. Ayant fréquenté les mêmes bancs de lycée
qu’Adolf Hitler qu’il haïra, il affichera un certain antisémitisme bien
qu’ayant lui-même une ascendance juive ; Snob, aristocrate, solitaire, il
n’aura de cesse pourtant de se reprocher son manque d’empathie pour le
peuple ; Homosexuel aimant les bas-fonds, mais méprisant ses penchants ; Il
sera toute sa vie tiraillé entre « les brûlures de l’enfer et les délices
du paradis » ; une aimantation des extrêmes en un mélange d’Oscar Wilde
et Pier Paolo Pasolini…. Se jugeant un véritable monstre lui-même, l’usage
répété du mot « diable » semble en ces pages presque digne d’un traité de
démonologie ! Certes, les prises de position de ce philosophe grand joueur
d’échecs ne sauraient être, bien sûr, prises telles quelles ; Mais, n’est-ce
pas ce que Wittgenstein aurait exigé lui-même, lui, qui entendait tout
critiquer et doutait tout autant de tout… Certes, l’exigence d’excellence de
Wittgenstein n’est pas à simple portée de main en notre époque où la
médiocrité s’affiche sans complexe, ni même peut-être enviable, reste que
cet ouvrage donne, en un tour de force, les clefs de « L’Enquête de
Wittgenstein ».L.B.K. |
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Friedrich Nietzsche « Œuvres » Tome II Trad. de l'allemand par Dorian Astor,
Julien Hervier, Pierre Klossowski, Marc de Launay et Robert Rovini. Édition
publiée sous la direction de Marc de Launay avec la collaboration de Dorian
Astor, Bibliothèque de la Pléiade, n° 637, 1568 pages, rel. Peau, 105 x 170
mm, Gallimard, 2019.
Après un premier volume réunissant « La naissance de la tragédie » et
« Considérations inactuelles », la collection de La Pléiade vient de
publier le deuxième volume consacré aux œuvres du philosophe allemand
Friedrich Nietzsche comprenant notamment deux écrits majeurs, « Humain
trop humain » et « Le Gai Savoir » sous la direction de Marc de
Launay avec la collaboration de Dorian Astor. De 1876 à 1882 s’ouvre pour le
philosophe une période féconde sous fond de crise profonde. Cette crise,
prélude à la disparition totale de sa conscience dans les dernières années
de sa vie, n’affectera paradoxalement pas la créativité de l’auteur, comme
si elle constituait un rappel permanent de sa fragilité et donc de l’urgence
de la transcender par une intense réflexion. Nietzsche a toujours cherché à
réduire cette fracture antique entre âme et corps et ne pouvait alors
sous-estimer justement les affections dont il était sujet ainsi qu’il le
souligne dans Aurore : “Aussi loin que quelqu’un puisse pousser la
connaissance de soi, rien pourtant ne peut être plus incomplet que son image
de l’ensemble des pulsions qui constituent son être. A peine s’il peut
nommer les plus grossiers par leur nom. » Durant cette période
déterminante de sa vie, Nietzsche se libère de ses déterminismes, tout au
moins de l’emprise de Wagner et des contraintes de la philologie, discipline
dans laquelle il excellait pourtant. « Tuant le père » et abandonnant
ses doux rêves de musicien, c’est au « métier » de philosophe qu’il
consacre alors toutes ses fragiles forces, renonçant pour cela à ses
obligations professionnelles en tant qu’enseignant. « Humain trop humain
» cristallise en ses pages ce « monument d’une crise » vécu par le
philosophe. Véritable passage initiatique, l’abandon du mouvement wagnérien
ouvre à de nouveaux horizons, bien éloignés de cette régénération pourtant
tant espérée de la culture allemande par le génie du musicien. Le voyage à
Sorrente, et la maladie, encouragent le penseur à un repli sur soi, à une
attitude plus philosophique que théoricienne, reléguant ainsi le mythe et la
métaphysique loin de ses préoccupations. Une attitude fondée sur l’histoire
et l’immanence prélude à la publication de « Humain, trop humain »
dont la dédicace à Voltaire est significative, ce livre marquant
définitivement la rupture avec ses relations wagnériennes dès lors
radicalement hostiles. Les convictions et la métaphysique se lézardent au
profit d’une recherche effrénée de la vérité qui passe par le scepticisme,
et donc les révisions du jugement, sous forme d’aphorismes passés à la
postérité. Nietzsche observe en effet : « Ce n’est pas le monde comme
chose en soi, mais le monde comme représentation (comme erreur), qui est si
riche de sens, si profond, si merveilleux, portant dans son sein bonheur et
malheur ». 1882 marque la première édition du « Gai Savoir », son
titre puisant aux sources médiévales des troubadours et ménestrels pour un
esprit libre. Convalescent et heureux de l’hiver passé à Gênes, Nietzsche se
sent prêt à produire une pensée élevée, servie par un style ciselé. Mais il
ne faut pas faire du Gai Savoir une réflexion hédoniste et encore
moins paisible, le philosophe au marteau fait preuve d’un travail critique à
l’encontre des préjugés et autres morales idéalistes qui témoigne de sa
puissance. Ce livre préfigure également l’annonce de la mort de Dieu et du
nihilisme : « Gardons-nous de penser que le monde serait un être vivant.
» C’est ainsi à un nouvel infini auquel appelle le philosophe : « Le
monde au contraire nous est redevenu infini une fois de plus : pour
autant que nous ne saurions ignorer la possibilité qu’il renferme une
infinité d’interprétations ». Avant que des nuages ne viennent jeter un
voile sur cette pensée singulière de la fin du XIXe siècle, ces pages
resplendissent de cette volonté de puissance caractéristique du philosophe
allemand et si souvent mal interprétée, c’est un, parmi les nombreux
attraits, qui encouragera les lecteurs à découvrir ou relire cette pensée
fertile grâce à cette édition traduite de l’allemand par Dorian Astor,
Julien Hervier, Pierre Klossowski, Marc de Launay et Robert Rovini, et
servie par un appareil critique facilitant sa lecture. |
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Friedrich Nietzsche Correspondance, tome V : Janvier
1885 - Décembre 1886 trad. de l'allemand par Jean Lacoste. Édition de
Giorgio Colli et Mazzino Montinari, Notes du traducteur Collection Œuvres
philosophiques complètes, Série Correspondance, Gallimard, 2019.
Poursuivant la remarquable entreprise de l’édition de la correspondance de
Nietzsche, le dernier volume paru couvre deux riches années 1885 et 1886.
Traduit de l’allemand par Jean Lacoste, cette édition établie par Giorgio
Colli et Mazzino Montinari fait défiler les jours et les mois qui pour le
philosophe ne se ressemblent pas, avec au début de cette année 1885 un 1er
janvier passé au lit, et la hantise des nausées avant chaque repas… Le corps
souffrant de Nietzsche est à considérer dans le contexte de la solitude qui
le touche, mais celle-ci n’entame pourtant pas la production de son œuvre
avec le livre IV de Ainsi parlait Zarathoustra et Par-delà bien et
mal, sans oublier de nombreuses rééditions… Nice, Bâle, Venise qu’il
retrouve avec un plaisir non caché même si le froid et son estomac sont
encore des motifs de tracas. Les inquiétudes du grand penseur sont
touchantes parfois entre sa chemise de nuit trop courte ou ses chaussettes
qui ne vont pas ! « Ce n’est qu’entre gens partageant les mêmes idées que
l’on peut s’épanouir, telle est ma conviction ; mon malheur est que je n’ai
personne de ce genre et ce n’est pas pour rien que j’ai été si profondément
malade et le suis en moyenne toujours ». Nietzsche souhaite ardemment la
compagnie – toujours trop rare à ses yeux – d’esprits libres et ce n’est
qu’un petit cercle de familiers qui entretiendra une correspondance nourrie
avec le philosophe allemand. Ce sont aussi des années de deuil avec la mort
du grand musicien Franz Liszt qui lui rappelle cruellement l’univers
wagnérien, Cosima sa fille ayant épousé Richard Wagner. Nous quittons le
philosophe à la fin de cette année 1886, il ne lui reste plus que deux
années avant que la folie ne le gagne, ce 3 janvier 1889 à Turin… |
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Vladimir Jankélévitch : « Philosophie morale », édition réalisée par
Françoise Schwab, Coll. Mille et une pages, Éditions Flammarion, 2019.
Le philosophe Vladimir Jankélévitch, disparu il y a maintenant 34 ans, est à
l’honneur cette année ; après une exposition à la BnF François Mitterrand à
Paris, c’est au tour des éditions Flammarion de lui consacrer un fort volume
dans la collection « Mille et une pages » regroupant des textes du
philosophe sur la morale, dont certains peu connus. Vladimir Jankélévitch a
laissé une immense œuvre dont certains ouvrages ont à jamais marqué une
génération ; De « L’Ironie » jusqu’au « Le je-ne-sais-quoi et Le
presque rien » paru en 1980, le philosophe avec son énergie a su
interroger bien des postures et démasquer plus encore peut-être nombre
d’impostures. Mais dans cette immense œuvre, nombreux sont les textes
demeurés plus confidentiels ou connus d’un cercle d’initiés. Aussi, une
telle somme consacrée à ces écrits sur le thème de la morale, tel qu’elle a
sous-tendu l’ensemble de son œuvre philosophique, vient-elle idéalement
compléter les écrits plus classiques publiés et réédités du philosophe.
Cette édition établie par Françoise Schwab a fait choix de retenir des
textes allant des premiers livres de morale du philosophe dont sa thèse
complémentaire consacrée à « La valeur et signification de la mauvaise
conscience » de 1933 jusqu’à celui consacré au « Pardon » paru en
1967. Plus de 30 ans d’une intense réflexion dans lesquels sont venues
s’engouffrer les plus profondes blessures et douleurs. Laissant au fil des
années et des textes derrière lui en retrait les idéologies empreintes de
romantisme et d’irrationalisme, c’est une pensée d’une profondeur
fulgurante, incomparable, profondément voire viscéralement liée à l’action,
à la volonté de l’action qui se révèle dans ces écrits. Une pensée poussée
par le philosophe du «devenir » jusqu’à ses derniers retranchements,
les plus imprévisibles et infimes jusqu’à « l’impensable » ou ce «
presque rien ». Une construction de « l’irréversible » ne
laissant rien passer dans le tamis de cette réflexion serrée sur la morale,
aucun préjugé, aucune posture, et laissant la pensée à jamais autre, là où
le temps, la mort, et surtout l’amour se rejoignent. Un recueil incluant : «
La mauvaise conscience » ; « Du mensonge » ; « Le mal » ;
« L’Austérité et la vie morale » ; « Le pur et l’impur » ; «
L’Aventure, l’ennui, le sérieux » ; « Le Pardon », à
l’exclusion de « L’ironie », de « L‘alternative » et « Du
traité des vertus ». Sept livres de philosophie morale où idéologie,
généralisation ou synthèse n’ont pas leur place, mais livrant une pensée
paradoxale dont témoigne plus encore peut-être le dernier livre sur le «
Pardon », déjouant vaines certitudes et compromis, et donnant primauté à
la conscience et à la vie. Des écrits où les prédilections du philosophe
pour la poésie et la musique dont celle du tout aussi virtuose et fougueux
Franz Liszt, trouvent également un terrain fertile. Certains de ces écrits
sont plus connus, d’autres ont été remaniés ou augmentés par le philosophe
notamment à l’occasion de conférences, mais tous nous parlent de l’homme, de
« l’homme comme être moral », de cet « être-limite qui n’a pas de limite,
mais franchit celle que l’instant lui impose. »
Et pour ceux qui redouteraient d’ouvrir ce fort volume, on ne peut que
laisser entendre la voix inimitable de cet immense philosophe que fût
Jankélévitch : « En somme la conscience ne dit pas autre chose que ceci :
tout ne peut pas se faire ; certaines actions, en dehors de leur utilité,
parfois même contre toute raison, rencontrent en nous une résistance
inexplicable qui les freine ; quelque chose en elles ne va pas de soi. Telle
est l’hésitation de l’âme scrupuleuse devant la solution scabreuse. La
conscience est l’aversion invincible que nous inspirent certaines façons de
vivre, de sentir ou d’agir ; c’est une répugnance imprescriptible, une
espèce d’horreur sacrée. Mais on ne fait pas sa part au démon du scrupule
une fois qu’il a pris possession de notre âme : « Le diable a tout
éteint aux carreaux de l’auberge ! » »
L.B.K. |
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Miguel Benasayag « Fonctionner ou exister ? »
Éditions Le Pommier, 2018.
Quelques jours avant sa mort, le 2 novembre 1975, Pier Paolo Pasolini avait
accordé un dernier entretien au journaliste Furio Colombo, article que l’écrivain-poète-cinéaste
italien avait souhaité terminer par écrit et auquel il avait donné pour
titre « Nous sommes tous en danger ». « Les quelques personnes qui ont
fait l’Histoire sont celles qui ont dit non, et non les courtisans et les
valets des cardinaux. Pour être efficace, le refus doit être grand et non
petit, total, et non pas porter sur tel ou tel point, « absurde », contraire
au bon sens ». À plus de quarante années de distance, Miguel Benasayag
dresse une situation qui a pris acte de cette prescience qui est devenue
réalité. Sommes-nous condamnés à ne plus que fonctionner ? L’altérité chère
à Miguel Benasayag ne peut subsister que par une unité complexe de
l’existence et du fonctionnement, et non de l’hégémonie de cette dernière. À
l’heure où les algorithmes visent à modeler le vivant, les Anciens sont
devenus des vieux inutiles que l’on cache, ce qui faisait jusqu’alors la
valeur constitue aujourd’hui une déficience, faute de bien « fonctionner »…
Nous entrons depuis plusieurs années dans une vision manichéenne du monde,
en une alternance binaire gagnant / perdant, sans intermédiaires ou autre
possibles. Nos vies présentes sont faites de raccourcis, autant sur les
bureaux de nos ordinateurs que vis-à-vis de nos valeurs, de nos existences,
de la vie tout simplement. Réactionnaire et technophobe Miguel Benasayag ?
Pour les partisans du transhumanisme et de l’utilitarisme du vivant,
probablement, mais dans une situation de complexité et d’union des
contraires, assurément pas.
Il est vrai que le tragique s’est tari en oubliant que le singulier ne
saurait se concevoir sans ses interactions avec l’ensemble. En un monde où
les relations sont de plus en plus stérilisées à l’image des couloirs
d’hôpitaux, on se sent concerné ou pas, on like ou pas, la pleine
conscience (mal) comprise par les occidentaux n’a que faire d’une
catastrophe climatique ou humaine lorsque sonne l’heure dite de sa
méditation quotidienne… Pour éliminer cette négativité qui fait partie
intégrante du tragique de la vie, l’homme a la solution : lui substituer le
transhumanisme des sociétés postorganiques, plus de vague à l’âme, plus de
bleu au cœur, mais la promesse virtuelle d’un monde sans faille et d’une
immortalité assurée. Conjoint écarté car ne « correspondant » plus, familles
oubliées pour passer à autre chose, liens rompus pour soigner son petit soi
ronronnant, nous ne sommes plus en danger, le mal est déjà fait et
constatable quotidiennement. Miguel Benasayag ne souligne pas les risques
mais les réalités déjà présentes, la tendance à l’artefactualisation
du vivant ne concernent pas seulement que des prothèses, certes utiles, mais
touchent bien plus encore de plein fouet le vivant à part entière, une
initiative qui plus est laissée aux bons soins des machines et des
logiciels. Il faut suivre l’auteur dans ces pages inspirées qui à l’image du
film Soleil Vert laisse entrevoir ce vers quoi nous allons et que
nous sommes en train d’oublier, Big data s’occupant déjà de nos mémoires.
Cauchemar ? Certainement. Des solutions ? Une résistance de tous les
instants afin de sortir de notre petit moi, tout en acceptant notre
fragilité, nos failles, qui élargissent contrairement ce qu’on en pense trop
souvent - notre cercle et constitue notre richesse, notre singularité, «
nous sommes les mêmes tant que nous changeons », rappelle le philosophe
dans l’un de ses (apparents) paradoxes dont il a le secret. La situation
exige le courage de l’existence, un agir situationnel dans le cadre d’une
singularité du vivant chère à l’auteur, qui n’est pas reproductible,
sauf à la nier. Nous sommes prévenus, n’attendons pas encore.
Philippe-Emmanuel Krautter
A lire
l'interview de Miguel Benasayag |
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Ok-Kyung Pak : « Les plongeuses Jamnyo de Jeju en Corée », Éditions Ides et
Calendes, 2019.
« Les plongeuses Jamnyo de Jeju en Corée » est une étude
anthropologique singulière puisqu’elle nous invite à découvrir l’univers
secret et peu connu de l’extrême sud-ouest de la péninsule coréenne, et plus
précisément l’île de Jeju. Cette dernière est également appelée l’île aux
trois abondances - les vents, les pierres et les femmes, une appellation
trouvant sa justification en ces lieux arides où curieusement les hommes
sont peu nombreux. Pour affronter le sol volcanique et les vents puissants,
il fallait la force d’âme de femmes courageuses, début d’une légende
matrilinéaire et d’une réalité constatée au fil des temps. C’est dans cet
environnement atypique que l’anthropologue Ok-Kyung Pak a ainsi entrepris,
en 2016, une étude de terrain qui l’a conduite à étudier plus
particulièrement ces plongeuses en apnée, une activité habituellement
réservée aux hommes dans les autres sociétés. C’est ainsi l’univers
singulier de cette Île, de ses habitants, et surtout de ses plongeuses
nommées Jamnyo que Ok-Kyung pak nous offre de découvrir, une analyse
appuyée par plus de 130 illustrations, cartes, schémas et photographies
couleur.
Or, ici, c’est par leur seul souffle et une ceinture lestée de plomb que ces
femmes risquent leur vie à chaque plongée pour pêcher 15 jours par mois
ormeaux, conques, varech… Chaque journée compte 4 à 7 heures de plongée,
chacune durant près de 2 mn jusqu’à 20 mètres de profondeur, ce qui est un
exploit physique étonnant et pourtant anonyme. Car en ces lieux, il n’est
point question de compétition ou de grand bleu, mais de l’intime conviction
d’appartenir à un ancêtre commun, la déesse-mère Seolmundae Halmang pour qui
chaque plongeuse réalise un rituel chamanique lors des plongées. Leur vie
est d’ailleurs entendue également en un sens collectif puisque le fruit de
chaque plongée est partagé et toute idée de pêche intensive écartée. Cette
approche communautaire, étroitement liée aux éléments naturels dont la mer
constitue la force la plus manifeste, offre un rare témoignage de ces temps
anciens où l’homme n’avait point comme seul horizon le profit intensif. Au
XXIe siècle à des milliers de kilomètres de nous existe encore une société
malheureusement en déclin en raison de la pollution des mers et du
développement industriel qui perpétue cet étonnant héritage ainsi qu’en
témoigne cette belle étude ! |
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Metin
Arditi Dictionnaire amoureux de l’Esprit français éditions Plon & Grasset,
2019.
Audacieux et téméraire en nos temps troublés que d’aborder le thème de l’Esprit
français illustré en page de couverture d’un Cyrano arborant la cocarde
multicolore ! Et pourtant cette initiative n’a rien de politique puisqu’elle
est le fait de l’écrivain suisse d’origine turque Metin Arditi, envoyé
spécial de l’UNESCO pour le dialogue interculturel, ce à quoi cette plume
s’adonne avec un plaisir jubilatoire dans ce Dictionnaire amoureux
des éditions Plon & Grasset. Partant de cette idée de séduction dont on
affuble souvent les Français, l’écrivain talentueux ayant signé de nombreux
romans dont Le Turquetto, La Confrérie des moins volants, L’enfant qui
mesurait le monde… transporte les lecteurs de ce Dictionnaire dans des
entrées qui ne manquent pas d’audace, telles les entrées proches -
alphabétiquement s’entend – comme Céline et Dreyfus avec
l’antisémitisme en toile de fond… Quel que soit le choix effectué par
Metin Arditi, le plaisir manifeste demeure non point de cerner, mais de
révéler par petites touches l’Esprit français, ce dernier se matérialise par
une mosaïque de points de vue, indispensables selon l’auteur pour répondre
au vœu de Molière : « Je voudrais bien savoir si la grande règle de
toutes les règles n’est pas de plaire ». La beauté compte certainement
parmi cette identité, beauté multiple et variable qu’elle se manifeste dans
l’art d’Édith Piaf ou de Marcel Proust, des Jardins à la française ou de
Brassens. Les grands écarts certes ne manquent pas avec l’entrée
Jambon-beurre qui suit celle du Jacobinisme et précède
Jankélévitch. Ce sont justement dans ces contrastes que le tableau de
cet Esprit insaisissable peut certainement le plus facilement se laisser
dévoiler, la France aime et cultive les contrastes jusqu’aux conflits et
oppositions comme l’avait déjà relevé Jules César dans sa Guerre des
Gaules, et plus récemment le Général de Gaulle dans ses Mémoires…
En découvrant au fil des pages et de ses thèmes ce Dictionnaire amoureux vu
par un « étranger » si familier de la France, l’envie prend immédiatement de
prolonger chacune de ces entrées, d’en faire des pistes de lectures et
découvertes supplémentaires pour ne point passer à côté de cet Esprit
français que restitue si admirablement Metin Arditi dans ces pages
truculentes ! |
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Pier
Paolo Pasolini « Écrits corsaires » traduction de Philippe Guilhon 288 pages
- 140 x 200 mm, collection Champs arts Flammarion, 2018.
Pier Paolo Pasolini a assurément pris au pied de la lettre le titre donné à
ces articles réunis dans un livre « Écrits corsaires » et aujourd’hui
publiés en français dans la collection Champs arts Flammarion avec une
traduction de Philippe Guilhon. Corsaire est, en effet, bien
l’attitude adoptée par l’écrivain italien et pour l’occasion essayiste
polémique, dans ces articles sans concessions parus dans la presse jusqu’aux
derniers mois avant sa mort. Le lecteur retrouvera dans certaines
contributions le regard lucide de celui qui n’écarta pas les paradoxes les
plus inattendus ; le poète hors convention avoue ainsi, bien que n’aimant
pas ces jeunes gens aux cheveux longs qu’il décrit, se rallier finalement à
leur cause lorsqu’ils font l’objet d’une attaque de la part de la société
bourgeoise bien pensante de son époque. Pasolini ne choisit pas la voie
facile, n’est en aucune manière partisan du choix médian, mais adopte le ton
de la polémique, du combat même, avec sa plume acérée qui lui a valu tant
d’inimitiés jusqu’à sa mort, dans l’opposition politique à ses idées jusqu’à
la gauche italienne… Adepte de la microrésistance, apôtre des arts dans
lesquels il excelle avec une facilité déconcertante, Pasolini pointe et fait
mouche en bien des domaines qu’il aborde dans ces pages. Du fameux article
sur La disparition des lucioles, métaphore de l’extinction du parti
communiste, jusqu’au fascisme des antifascistes, Pasolini se trouve
là où on l’attend le moins, décalage toujours fécond qui invite à de
nouveaux points de vue, un regard lavé des conventions. Si certains textes
sont conjoncturels, la réflexion mise en œuvre peut la plupart du temps être
reprise dans bien d’autres contextes actuels, dont Pasolini avait si
distinctement prévu l’évolution de manière confondante. Pointent
régulièrement dans ces pages alertes, non seulement l’analyste de son temps,
mais aussi le poète qu’il ne cessa d’être, l’écrivain parfois, le cinéaste
dans d’autres contextes encore, car pour Pasolini, les arts n’étaient en
rien questions de disciplines, mais de vie, cette vie qu’il mena intensément
jusqu’à son terme pour mieux en explorer les confins. |
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Nietzsche
« Sur l’invention de la morale » présentation par Arnaud Sorosina, édition
avec dossier, Garnier Flammarion, 2018.
Quel rapport entretenons-nous avec les valeurs comme le bien, le mal, la
bonté, la justice ? Nietzsche invite le lecteur à s’interroger à leur
sujet et à mieux considérer leur origine, moins naturelle qu’elle ne
pourrait paraître selon le philosophe. La religion, bien entendu, apparaît
vite au banc des accusés pour le philosophe critique de la culture
occidentale. La faute et la culpabilité sont responsables des maux de
l’homme moderne qui cherche l’oubli dans le remords et la veulerie, une
approche qui ne sera pas étrangère à la psychanalyse quelques décennies
plus tard. Arnaud Sorosina, par sa présentation, accompagne le lecteur
dans sa découverte de ce livre de Nietzsche. Le texte est ainsi précédé
d’une introduction éclairante quant à l’évaluation faite par le philosophe
des valeurs : leur origine, leurs développements au cours de l’Histoire
par la religion, ainsi que leurs méfaits sur l’homme qui a perdu à cause
d’elles sa noblesse et sa santé. Peut-on se libérer de la morale ? Belle
interrogation qui accompagnera le lecteur tout au long de ce texte à
redécouvrir en nos temps troublés. |
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Jean-Jacques Bedu : « Les Initiés ; De l’an mil à nos jours », Collection
Bouquin, Robert Laffont, 2018.
Somme considérable, incontournable ! L’ouvrage « Les Initiés de l’an mil
à nos jours » signé Jean-Jacques Bedu ne peut, en effet, que faire date
et s’imposer, de par l’imposant travail présenté, en ouvrage de référence.
Un joli défi relevé, et ce à bien plus d’un titre.
Audacieux, en premier lieu, l’ouvrage, dans un style volontairement
accessible, propose au lecteur pas moins de 2000 ans d’histoire d’initiés,
de courants et traditions initiatiques avec plus de 115 entrées ou noms
d’initiés, avec pour chacun, sa vie et son parcours condensés, certes, mais
jamais de manière lapidaire. On y trouve, bien sûr, Avicenne, Hildegarde,
Ibn d’Arabi, Maître Eckhart, Léonard de Vinci, Swedenborg, Papus et Péladan
ou encore Krishnamurti, et bien sûr, pour un tel ouvrage, René Guenon…
Retenant, par souci de clarté, un ordre chronologique, regroupant ces
initiés en 4 grandes périodes – L’an mil ; La Renaissance ; Le Grand Siècle
au Siècle des Lumières ; le XIXe siècle ; et le XX siècle débordant sur le
XXIe siècle, soit de leur éclosion à aujourd’hui. L’auteur balaye tant
l’occident que l’orient ou l’extrême orient, mettant ainsi en évidence les
grands courants dans lesquels viennent s’inscrire ces initiés de tous les
temps et époques : alchimie, magie, kabbale, Soufisme, Théosophisme,
Templiers, Rose-croix, Franc-maçonnerie, occultisme, etc. Courants
entremêlant tant les grandes religions et ses différentes doctrines que les
sociétés secrètes ou l’occultisme, hermétisme, prophétisme, etc.
Audace, aussi, d’avoir su allier dans ce dédale d’initiés, de sensibilités
multiples et croisées ,un riche travail de qualité à une approche accessible
et claire dans un style fluide fort plaisant, faisant de cette somme un
ouvrage se lisant comme un roman, enchaînant aventures, légendes et destins
hors normes. Que de vies, de destins… d’initiés ! On songe à Blake, à
Nicolas de Flamel et « son » livre si cher à C.G. Jung.
A ces titres, l’ouvrage ne peut que séduire un large public, chercheurs,
universitaires, lecteurs souhaitant être initiés ou tout lecteur curieux ou
avide de vies romanesques. Dans ces initiés, un grand nombre de noms
séduira, aussi, les littéraires tels Rabelais, Cyrano de Bergerac, Novalis,
Goethe, Gérard de Nerval, Victor Hugo, Villiers de l’Isle-Adam, Huysmans, ou
encore les amateurs d’art avec notamment William Blake, Joséphin de Péladan
ou de musique avec Mozart.
Non dénué d’humour, Jean-Jacques Bedu n’hésite pas, d’ailleurs, à ouvrir son
ouvrage avec Gerbert d’Aurillac, un non-initié, et à terminer cette longue
histoire d’initiés à travers les âges et les siècles avec Steve Jobs ! Mais,
l’auteur ne manque pas, non plus, avec pertinence de sens critique et de
prises de position souvent bien venues. Le texte consacré à Louis Massignon
est très beau et très justement présenté. Jean-Jacques Bedu n’hésite pas,
également, à douter, à souligner, mettre à plat ou purement et simplement
écarter. Eh ! oui, parmi ces initiés se cachent parfois quelques imposteurs
ou légendes inopportunes ; on songe notamment à Rabelais ou à Victor Hugo.
Soucieux cependant d’objectivité, l’auteur sait aussi mettre en balance son
scepticisme avec le poids des légendes, mythes ou à renvoyer les
controverses entretenues dos à dos, notamment pour Nostradamus, invitant par
là même ses lecteurs à se tourner vers la biographie informée donnée pour
chaque entrée. L’ouvrage comporte, par ailleurs, en fin de volume de très
riches orientations biographiques thématiques, ainsi qu’un très complet
index des noms fort utile ou encore un glossaire.
Y a-t-il encore des initiés en 2018 ? Nous l’avons souligné, l’auteur
termine par un clin œil avec Steve Jobs ; que l’on soit séduit ou non par ce
dernier choix (n’a-t-il pas plus initié qu’il n’a été initié ?), il demeure
que la question reste entière et d’actualité, révélant tout l’intérêt et le
mérite de cet ouvrage consacré aux « Initiés de l’an mil à nos jours
».
L.B.K. |
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Pasolini's Bodies and Places (en anglais) Michele Mancini and
Giuseppe Perrella N° 241, relié, 640 pages, 22 × 21 cm, anglais, Benedikt
Reichenbach, Editions Patrick Frey, 2017.
Pasolini's Bodies and Places est un ouvrage à la fois savant mais
parfaitement accessible à tout amateur du cinéma et de l’univers pasolinien.
À partir d’hypothèses de travail exprimées au début du livre par l’écrivain,
poète et cinéaste Pier Paolo Pasolini, les auteurs de cet ouvrage, Michele
Mancini et Giuseppe Perrella, ont réuni 1734 reproductions de scènes de ses
films, archivées et analysées à partir de thématiques centrées sur les corps
et les lieux. Véritable cartographie anthropologique s’étendant sur trois
continents (Europe, Afrique et Asie), cette réflexion retient cette attitude
chère à Pasolini d’établir des chemins et des correspondances entre les
borgate de Rome, le Tiers-Monde et les villes soumises au développement
néocapitaliste. Ces archives offrent ainsi un témoignage unique sur de
véritables univers disparus ou appelés à disparaître et fixés à jamais par
la caméra et le regard critique de ce visionnaire que fut Pasolini. À partir
de classifications détaillées de postures, expressions du visage, gestes,
grimaces, sourires, rires et bien d’autres encore, c’est un véritable
laboratoire d’analyses anthropologiques que proposent les auteurs à partir
des films du cinéaste. Le lecteur habitué à l’univers pasolinien retrouvera
alors bien des correspondances avec les écrits majeurs de Pasolini, les
frontières entre les arts s’effaçant sous son regard. Les cultures des
périphéries émergent alors, subrepticement, au détour d’un cadrage, ici pour
souligner un détail ethnique, là, pour évoquer une attitude à jamais
révolue. Les lieux si importants pour Pier Paolo Pasolini rythment la caméra
et ses mouvements, qu’il s’agisse d’un environnement fermé comme une prison,
un hôpital ou un bar, ou encore ouvert comme le désert ou le mont des
Oliviers… Une fois de plus, les mutations imprègnent la pellicule, de
manière express ou sous-entendue selon les films. L’aliénation culturelle
broyée sous la mondialisation conduit à une uniformité des corps et des
lieux, une tendance à l’extrême opposé au cinéma et à l’œuvre de Pasolini,
tel est le mérite de l’analyse de ces pages. Une bibliographie et
filmographie complètent cette somme incontournable pour tout passionné de
l’œuvre de Pasolini. |
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Élisabeth Roudinesco « Dictionnaire amoureux de la Psychanalyse », Édition
Plon/Seuil 2017.
L’historienne et psychanalyste Élisabeth Roudinesco signe le «
Dictionnaire amoureux de la Psychanalyse » aux éditions Plon. Après son
célèbre « Dictionnaire de Psychanalyse » dont on ne compte plus les
rééditions qu’elle rédigea avec Michel Plon en 1997, l’auteur précise avoir
hésité pour cette nouvelle et autre entreprise. Mais, Élisabeth Roudinesco
avoue également avoir « toujours aimé les dictionnaires. Ils recèlent un
savoir qui ressemble à un mystère », écrit-elle en incipit de son texte
introductif à ce « Dictionnaire amoureux de la Psychanalyse ». Et
effectivement, Élisabeth Roudinesco nous livre par cet ouvrage un véritable
dictionnaire amoureux, empreint de toute la subjectivité de l’auteur, et
dont les mots-clés ou entrées surprendront agréablement le lecteur. Pas de
mots classico-magiques de la psychanalyse, pas de grands concepts ou noms
trop incontournables pour liste d’entrées, mais des noms de ville, beaucoup
de villes, Berlin, Buenos Aires, Francfort, Rome, Vienne, Zurich, etc., dans
lesquelles s’inscrivent des choix et enchaînements révélant toute la
distance et l’audace de l’auteur. « Des territoires réunis de façon
arbitraire », souligne Élisabeth Roudinesco, abordant ce vaste
territoire de la psychanalyse par des thèmes aux prises directes avec la
société de ce début de siècle : éros, amour, famille, désir, bonheur, les
animaux et, bien sûr, l’argent avec celui notamment qui fâche, contre ou
entre psychanalystes, et si ce n’est Freud, c’est donc Lacan… Et même si
Jung n’a jamais en tant que tel acquis sa maison de Bolligen mais l’a bel et
bien bâtie, ce qui l’eut privé de nombre d’analyses et inspirations, le
lecteur sourira à l’évocation de certaines entrées telle « Sherlock Holmes
», surprenantes avec « Philippe Roth » ou les « Présidents américains ».
Parfois les mots s’assombrissent sous les destins notamment de « Marylin
Monroe » ou deviennent graves. La femme y trouve une belle place avec des
entrées telles que le « Deuxième sexe » ou tout simplement « femmes » pour
celle qui avoue n’avoir – en partie grâce à sa mère – accordé la place qui
se devait à Beauvoir que tardivement. L’enfance, enfin, ne pouvait être
omise, et lui sont accordées de nombreuses pages de ce territoire aux
multiples rives. C’est bien à un voyage d’une subjectivité tout amoureuse en
ce territoire parfois choisi, parfois rejeté ou maudit, mais toujours
fascinant de la psychanalyse auquel nous convie Élisabeth Roudinesco, «
un voyage au cœur d’un lac inconnu situé au-delà du miroir de la conscience.» |
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Jean-Louis Servan-Schreiber "L'Humanité, apothéose ou apocalypse ?" Fayard,
2017.
Jean-Louis Servan-Schreiber réfléchit depuis des décennies au sens de nos
vies et de la vie, qu’il s’agisse de l’emploi du temps que nous lui
réservons, tout aussi bien que du sens que nous lui assignons. Avec ce
dernier livre « L’humanité », l’auteur prend encore plus de recul, une
distance facilitée par l’âge et ce sentiment que notre époque est plus que
jamais touchée par le « court-termisme » comme il le nomme. N’ayant plus le
temps de réfléchir au passé, souffrant du présent et redoutant d’envisager
le futur, nous sommes de nouveau dans la situation que soulignait déjà en
son temps Sénèque dans son De Brevitate Vitae, malades de notre temps
et de nos vies. Et pourtant, Jean-Louis Servan-Schreiber ne compte pas parmi
ces pessimistes invétérés qui inondent de leurs prédictions tragiques
l’environnement médiatique. Relevant, avec raison, combien le XXe siècle a
pu être à l’origine de formidables progrès pour une grande partie de
l’humanité, sans pour autant oublier ses laissés-pour-compte et tout en
soulignant l’individualisme galopant qui en a résulté, jamais l’humanité
jusqu’à aujourd’hui n’a eu autant d’impact sur son environnement et ses
semblables. Faut-il s’en inquiéter, faut-il s’en réjouir ? Apothéose ou
apocalypse ? Telles sont les interrogations soulevées avec humilité par cet
éternel scrutateur de notre société, un questionnement nourri par le
témoignage d’un certain nombre de personnalités telles Jacques Attali, André
Comte-Sponville, Roger Pol Droit, Marcel Gauchet, Pascal Picq ou encore
Edgar Morin…
L’accélération des moyens technos-scientifiques laisse l’impression d’une
accélération du temps dont nos contemporains ne cessent de souffrir, ce dont
a témoigné avec acuité l’auteur dans ses précédents ouvrages. Mais,
aujourd’hui, se posent de nouveaux problèmes : que faisons-nous de ces
progrès ? Ne sont-ils pas susceptibles d’aller jusqu’à la transformation de
l’humain si l’on pense aux avancées de la génétique et du transhumanisme ?
Saurons-nous faire face à cet écart grandissant entre une partie de
l’humanité ayant plus que le nécessaire, et une partie plus grande encore de
cette même humanité qui réclame de n’être pas exclue de ce progrès ? Sans
prétendre avoir les réponses à ces questions de fond, l’ouvrage invite à
élargir notre regard sur notre époque, dépasser le rythme effréné des
news alarmistes qui empêchent le recul et la réflexion, prendre une
partie de ce temps si cher à Jean-Louis Servan-Schreiber pour penser à notre
avenir, au-delà d’un clivage optimistes-pessimistes.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Lucien Jerphagnon « L’au-delà de tout » préface du
cardinal Poupard, Collection Bouquins, Robert Laffont, 2017.
Six ans déjà que Lucien Jerphagnon nous a quittés, et pourtant son sourire
malicieux et son regard pétillant semblent encore si présents ! Ce grand
spécialiste de la philosophie antique et médiévale aimait à se présenter
comme un historien de la philosophie, et non en philosophe, n’ayant pas de «
jerphagnonisme » à proposer comme il le rappelait d’un clin d’œil
complice. Né en 1921, Plotin et saint Augustin, entre autres, n’avaient
aucun secret pour lui. La collection Bouquins, après le premier
volume Les Armes et les Mots réunissant les titres les plus connus de
l’auteur vient de lui consacrer un deuxième volume intitulé « L’au-delà
de tout » et réunissant des titres méconnus s’inscrivant dans la période
1955-1962. C’est la pensée intime d’un esprit à la fois jaillissant et
secret qui se révèle au fil de ces pages à la saveur incomparable. Ainsi que
le rappelle le cardinal Poupard qui signe la préface de ce fort volume, si
la pensée et les convictions spirituelles de Jerphagnon ont pu évoluer au
cours de son riche parcours, il demeure certaines convictions de fond,
immuables, et que résume à elle seule, de manière évocatrice, la phrase
d’André Malraux mise en exergue par Jerphagnon lui-même de son essai « Le
Mal et l’Existence » : « Tous les grains pourrissent d’abord, mais il
y a ceux qui germent… Un monde sans espoir est irrespirable. » André
Malraux, L’Espoir, ouvrage qui ouvre aujourd’hui ce recueil.
Le thème du mal et de la souffrance qu’il engendre est récurrent depuis
l’aube de l’humanité croyante, et bien souvent un argument avancé pour
critiquer l’idée même de transcendance. Si Dieu est amour, comment peut-il
accepter que sa création subisse le mal ? Plutôt que de partir de cette
traditionnelle opposition amour / mal, Lucien Jerphagnon souligne combien il
s’agit là d’un mystère qui ne saurait être réduit à une « explication
» rationnelle, mais à une interrogation sur la propension de l’homme à se
diviser. L’auteur développe le fameux exemple de Job dans la Bible, comme
l’illustration de l’impuissance de l’homme à comprendre les maux qui peuvent
s’abattre sur lui, des épreuves souvent initiatiques qui invitent à un
rapprochement de la source transcendante, au lieu de l’en éloigner, ce qui
arrive parfois. Prolongeant sa réflexion sur le mal, Lucien Jerphagnon étend
son analyse notamment au philosophe Pascal auquel il consacrera un premier
essai « Pascal et la souffrance », complété par un autre titre «
Pascal », et enfin « Le Caractère de Pascal », chacun de ces
ouvrages explorant la position philosophique de celui qui estimait que
l’homme est inévitablement malheureux en raison de sa nature même mue par un
mécanisme absurde le poussant à être inconstant et misérable. Seule la
rencontre du Crucifié, le Dieu humilié, peut confondre le mal et réduire à
néant les misères de l’homme. La lecture de ces essais ne peut être
dissociée de cette période bien particulière de l’auteur – longtemps tue et
ignorée du public, période durant laquelle il fut ordonné prêtre en 1950
avant de quitter les ordres dix ans plus tard, une parenthèse de vie sur
laquelle il garda un silence absolu. Ce deuxième recueil démontre, s’il en
était encore besoin, que l’on a encore beaucoup à apprendre sur et de ce
grand maître, Lucien Jerphagnon.
Philippe-Emmanuel Krautter
(à
lire notre interview
de Lucien Jerphagnon)
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Histoire, Ethnologie,
Essais... |
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"Pérégrinations dans la Gaule romaine et dans les provinces des Alpes et de
Corse" de Jean-Claude GOLVIN et Gérard COULON, 224 p., Éditions Errance &
Picard, 2024.
L’admirable travail graphique mené sur l’Antiquité par Jean-Claude Golvin
depuis de nombreuses années déjà n’est plus à présenter tant il a été
plébiscité par la critique et le grand public. Ce nouvel ouvrage vient
confirmer une nouvelle fois la qualité et la précision de ses recherches.
Premier spécialiste au monde de la restitution par l’image des grands sites
de l’Antiquité, Jean-Claude Golvin, architecte et directeur de recherche au
CNRS, s’est associé de nouveau pour cet ouvrage avec Gérard Coulon,
conservateur en chef du patrimoine et spécialiste du domaine gallo-romain.
Ce sont de bien belles « Pérégrinations dans la Gaule romaine et dans les
provinces des Alpes et de Corse » que nous proposent ainsi les deux
chercheurs aux éditions Errance en une somme aussi agréable à contempler que
passionnante à découvrir. Car l’image et le texte se complètent idéalement
en se répondant de manière complémentaire avec ces près de 140 aquarelles
toujours aussi surprenantes de réalisme et de précision, sans même insister
sur leur indéniable qualité esthétique.
Nourries d’une impressionnante documentation archéologique, ces restitutions
font littéralement revivre ces pages de notre Histoire ancienne en abordant,
comme si nous étions un voyageur du jour, les provinces de Narbonnaise,
Lyonnaise, Aquitaine, Gaule Belgique, Germanie ou encore Corse Alpes. Les
villes défilent, certaines plus impressionnantes que d’autres, telles
l’antique Arelate ou Arles moderne avec son fameux cirque restitué par le
crayon inspiré de Jean-Claude Golvin… Le fameux Pont du Gard est en
construction un peu plus loin, Vaison-la-Romaine (Vasio) affiche une
prospérité éclatante quant à son urbanisme.
Le lecteur sera bien surpris de découvrir des villes qu’il pensait pourtant
bien connaître comme l’antique Lutetia (Paris) ou bien Lugdunum (Lyon) dont
seuls quelques vestiges témoignent encore de nos jours de la splendeur de
leur architecture antique. Ce sont bien d’inspirantes et passionnantes
pérégrinations que nous offrent nos deux auteurs avec ce splendide ouvrage,
un livre qui redonne vie à des paysages depuis longtemps disparus, mais bien
présents dans notre Histoire et mémoire… |
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Mathieu
Lours : « Les Cathédrales dans le monde – Entre religion, nation et pouvoir
», Folio histoire n°338, 352 p., 2024.
C’est une passionnante et riche étude consacrée aux « Cathédrales dans le
monde » que livre Mathieu Lours dans ce Folio histoire inédit. L’auteur,
spécialiste des cathédrales, de l’histoire des religions et du patrimoine
religieux, dresse en ces pages un tableau transversal et complet des
fonctions et pouvoirs des cathédrales de par le monde, d’hier à aujourd’hui.
Une histoire non seulement religieuse, mais aussi et surtout géopolitique.
Si, en tant qu’édifice, la cathédrale trouve ses fondements dans l’antiquité
tardive, étrangement, le mot même de « cathédrale » désignant la principale
église d’un diocèse n’est apparu dans la langue française que tardivement,
bien après ce temps que l’on nomme aujourd’hui « le temps des cathédrales ».
Le nom, proprement dit, tel que nous l’employons de nos jours apparaît, en
effet, seulement au XVIIIe siècle, et ce n’est qu’à la fin de l’époque
moderne que la cathédrale devient un « édifice mémoriel et identitaire »,
ainsi que le souligne Mathieu Lours dès son introduction. « Dès » et non «
dans » son introduction, car l’ouvrage va bien plus loin en déroulant de
manière claire et accessible toute l’évolution, le rôle et le poids des
cathédrales au fil de l’Histoire et des continents. Que sait-on en effet des
cathédrales aujourd’hui au XXIe siècle ? S’élèvent-elles encore ?
Reconstruction de Notre-Dame de Paris mise à part, qu’en est-il ailleurs, en
Afrique, en Russie ou au Moyen-Orient ? Au-delà du pouvoir et des nations,
c’est toute la captivante question de la mondialisation des cathédrales qui
se trouve ainsi posée et analysée, un terrain d’étude fructueux et peu
exploré jusqu’à maintenant. Le lecteur appréciera tout particulièrement le
riche et documenté chapitre venant clore l’ouvrage : « Cathédrale et nations
à l’heure des défis du monde contemporain ».
L.B.K. |
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Patrick
Boucheron : « Les colonnes de San Lorenzo », Collection Fléchette, sun/sun
éditions, 2024.
La collection Fléchette des éditions sun/sun inaugure une série de petits
ouvrages, véritables instantanés dans lesquels dialoguent en une mise en
page soignée et esthétique des images tirées des Archives de la Planète
créée par le célèbre collectionneur Albert Kahn au tournant du XXe siècle et
des auteurs contemporains.
L’historien Patrick Boucheron déjà présenté dans ces colonnes, notamment
pour ses brillantes recherches sur Ambroise de Milan, converse ainsi en ces
pages avec cette autochrome des colonnes de la Basilique San Lorenzo au sud
de Milan. Cet entretien entre l’image et l’historien tient à la fois de la
confession, du dialogue amoureux et de la mémoire.
Entrelaçant souvenirs personnels et réminiscences
échappées de l’Histoire, Patrick Boucheron fait en effet preuve une fois de
plus d’une virtuosité déconcertante, déplaçant son lecteur en ces lieux que
l’auteur arpenta tant de fois, lui donnant presque à revivre ces espaces
naguère foulés par Ambroise de Milan et Augustin d’Hippone… Au fil des pages
quelques portraits s’esquissent, avec délicatesse, tel ce personnage de
Rosetta dont nous apprendrons l’identité qu’au terme de ce parcours dans la
permanence des lieux malgré les disparitions…
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Une autre
histoire des samouraïs - Le guerrier japonais entre ombre et lumière » de
Julien Peltier, 368 pages, Perrin Editions, 2023.
Bushido, seppuku, ronin et autres chanbara n’ont guère de
secrets pour Julien Peltier, grand spécialiste reconnu de l’histoire des
guerriers japonais samouraïs. Si ces termes peuvent nous paraître bien
abscons, l’auteur se fait fort dans cette somme de 368 pages de nous initier
à leur compréhension en une étude à la fois complète et didactique. Julien
Peltier a retenu comme sous-titre « entre ombre et lumière » alors que nous
pouvions penser à tort que ces héros du pays au Soleil Levant n’avaient
connu que la gloire du fait de leur courage et de leurs nombreux faits
d’armes. Mais cette étude a choisi de lever certains mythes et a privilégié
une analyse plurielle pour ces soldats d’élite qui pouvaient tout aussi bien
servir les volontés autocratiques du shogun que terminer comme d’obscurs
hommes de main…
L’auteur débute son ouvrage par une très utile chronologie ainsi que par les
origines de ces redoutables guerriers, avec Tairan no Masakodo (900 ?-940)
que certains considèrent comme le « premier samouraï ». Bras armé de
l’empereur, personnage souvent indiscipliné et pourtant doté d’un code de
l’honneur infaillible, le samouraï accompagnera longtemps le pouvoir en
concentrant en sa personne bien des moyens de contrainte. Si nous avons en
mémoire les fameux samouraïs évoqués dans l’inoubliable film de Kurasawa, le
cinéma japonais et plus tard le manga présenteront d’autres facettes moins
reluisantes de ces guerriers d’élite qui pourront parfois servir aux basses
œuvres. Qu’il s’agisse de leur sexualité, souvent masculine, ou de la
renaissance le temps bref d’un coup de force tel celui de l’écrivain Yukio
Mishima, le mythe du samouraï a encore de beaux jours devant lui ainsi qu’en
témoigne cette belle et riche étude proposée Julien Peltier aux éditions
Perrin. |
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Pindare
: « Œuvres complètes » ; Traduction, annotation, présentation et préface de
Jean-Paul Savignac ; 564 p., relié 18 x 25 cm, Français, Grec ancien, coll.
Classiques favoris N° 10, Éditions Les Belles Lettres, 2023.
Qui connaît encore l’œuvre de Pindare, ce poète naguère loué de toute la
Grèce, avant d’inspirer la Renaissance ? Les éditions Les Belles Lettres ont
confié au grand spécialiste des lettres classiques Jean-Paul Savignac - déjà
présenté dans ces colonnes pour ses travaux sur les Gaulois - le soin
d’établir les Œuvres Complètes dans la belle édition sur papier bible « Les
Classiques favoris » dirigée par Maxence Caron. À l’approche des Jeux
olympiques de 2024, il ne sera pas inutile de (re)découvrir ses Odes
Victoriales adressées aux vainqueurs des Jeux. Cette poésie lyrique chorale
dont Pindare fut l’un des maîtres incontestés plongera le lecteur dans le Ve
siècle av. J.-C. de sa Béotie natale aux portes de Thèbes en – 518, puis
dans toute la Grèce dont il parcourra les hauts lieux, devenant notamment
l’hôte des princes de Thessalie et du roi de Macédoine.
C’est l’art du traducteur que de restituer ce souffle antique qui associa
naguère le poète à un dieu. L’exercice est plus que périlleux pour celles et
ceux connaissant le grec ancien, il relève de la gageure. Comment transcrire
vers à vers le texte du poète ? Jean-Paul Savignac a pris le parti de
renouveler les précédentes traductions en recourant à toutes les subtilités
de la langue française, quitte à bousculer quelque peu l’approche classique
et suivre avec quelques hardiesses la progression du discours dans le grec
même. C’est ainsi par le truchement d’images qui, pour certains, seront
provocations et pour d’autres la « langue du songe » qu’il tente d’approcher
au plus près la langue du poète, réputée pour sa complexité. Que
découvrirons-nous dans ces pages singulières portées par le souffle de la
parole ? La valeur de l’athlète se conjugue à celle des dieux. Plus que la
prouesse sportive, les qualités morales du vainqueur l’emportent, ainsi
qu’en témoignent ces vers :
« Sauveur Haut-nuageux Zeus qui hantes la crête ktonienne
et bénis l’Alphée large coulant et la sainte caverne idéenne,
suppliant de Toi, je viens à même les lydiennes Te Héler, les flûtes,
Te demandant d’armorier de nobles cœurs cette cité,
et que toi, Vainqueur Olympique, que les chevaux poseidâniens
réjouissent, tu portes ta vieillesse allègre jusqu’à la fin,
tes fils, Psaumis, à tes côtés. Que celui qui abreuve bonheur et santé
et, content de ses biens, y ajoute l’éloge,
Ne cherche pas à devenir Dieu ».
Au terme de la lecture de cet ouvrage, jouissive parce que nourrie à ces
heures glorieuses où les Jeux n’étaient pas encore devenus ce qu’ils sont
depuis un siècle, le lecteur ne pourra que comprendre pourquoi Pindare
inspira tant de poètes et fins lettrés tel Ronsard qui le prit pour modèle.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Atlas
des guerres – Moyen-Âge, Occident, Byzance et Orient du Ve au XVe siècle »
de Loïc Cazaux, Coll. « Atlas des guerres », Tome 2, 192 pages, Editions
Autrement, 2024.
On retiendra volontiers pour ses atouts et qualités cet « Atlas des guerres
au Moyen-Âge » signé Loïc Cazaux, agrégé, docteur et professeur en histoire
médiévale, et paru aux éditions Autrement. Deuxième titre de cette nouvelle
série dénommée « Atlas des guerres », l’ouvrage offre une féconde analyse
transversale et comparative pour aborder au mieux cette période allant du Ve
siècle au XVe siècle. Prenant appui – comme son titre l’indique, sur de
nombreuses cartes, schémas et focus clairs et pédagogiques, l’ouvrage
s’ouvre sur « Les nouveaux royaumes germaniques en Europe occidentale à
partir du Ve siècle », puis traverse « Les royaumes européens face aux
guerres féodales du Moyen-Age central », avant d’envisager « L’expansion de
l’Empire turc ottoman du XIIe siècle au début du XVIe siècle » pour se
refermer sur la fin de la guerre de Cent Ans.
Évitant bien des écueils ou idées préconçues sur cette période
incontournable de l’histoire, ni image d’Épinal ni moyen Âge obscur, c’est
une analyse, en effet, globale ayant pour clef de lecture la guerre, les
batailles et les conflits que ce dernier livre au lecteur. La bataille de
Roncevaux, les Vikings, les croisades, la bataille de Bouvines, les
chevaliers Teutoniques, la guerre des Deux-Roses, pour ne retenir que
quelques titres témoignent et révèlent l’évolution du monde sur plus de dix
siècles. Distinguant le haut, moyen et bas moyen Âge, c’est tout autant en
effet l’évolution de l’Occident latin, de l’Orient ou encore de Byzance qui
se dévoilent ainsi à la compréhension. L’ouvrage propose ainsi véritablement
une géopolitique comparée des espaces médiévaux, une approche claire et
didactique permettant une meilleure compréhension du monde non seulement
d’hier, du Moyen-Âge, mais aussi de celui d’aujourd’hui. |
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«
Pompéi » de Pascal Charvet, Stéphane GOMPERTZ, Annie Collognat, Bouquins,
2023.
Au lecteur qui penserait tout connaître de la légendaire ville sortie des
cendres, cet ouvrage lui est destiné ! Les très nombreuses découvertes
archéologiques réalisées ces dernières années grâce aux grands travaux
entrepris par l’État italien et l’Union européenne révèlent en effet de
nombreuses et nouvelles facettes de cette cité plurielle au carrefour de
Rome et de l’Orient. La date fatidique du 24 octobre 79 et le témoignage de
Pline le Jeune évoquant l’éruption fatale du Vésuve pour la cité romaine,
témoignage rappelé en avant-propos de l’ouvrage sont éloquents quant à
l’ampleur de la catastrophe : « On voyait des hommes à qui la peur de la
mort faisait supplier la mort elle-même »…
La luxuriance du paysage idyllique de Pompéi, sa douceur et la clémence de
son climat contrastent avec cette tragédie digne de la fin des temps ainsi
que la perçurent les contemporains de cette dramatique éruption mettant un
terme à l’histoire de Pompéi. Un terme remis fort heureusement en question
par ce stimulant ouvrage collectif qui redonne vie à ces habitants et à leur
vie quotidienne, à ces ruelles, jardins, thermes et même lupanars dans
lesquelles nous pouvons encore déambuler grâce à ces fabuleuses promenades
proposées dans cet ouvrage, 37 promenades précisément sans oublier le
dictionnaire de vies des Pompéiens qui ajoute encore à cette « proximité »
malgré les siècles qui nous séparent d’eux.
Vie et non point désastre, vitalité et non destructions, voici ce qu’offre
ce fort volume de 1152 pages abondamment illustré et nourri des analyses des
meilleurs spécialistes sur la célèbre cité antique. Une promenade hautement
dépaysante et instructive dans l’Histoire et la géographie antiques. |
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Henri
Pirenne : « Histoires de l’Europe - Œuvres choisies », Quarto Gallimard,
2023.
Le nom d’Henri Pirenne (1862-1935) est étroitement associé à l’étude des
origines de l’Europe et de sa lente construction. Cet éminent historien
belge compte parmi les chercheurs incontournables de la fin du XIXe et début
du XXe s., ce pourquoi la collection Quarto des éditions Gallimard vient de
lui consacrer un fort volume réunissant ses œuvres principales. Médiéviste
réputé, formé à l’historiographie allemande, sa méthode l’a porté à
renouveler le champ de ses recherches notamment à partir de deux axes
essentiels : l’histoire urbaine et la part grandissante de l’Islam à partir
du VIIe siècle. À l’image d’un Marc Bloch ou d’un Lucien Febvre, ses
contemporains, Pirenne explore avec une puissance de travail phénoménale
l’Europe médiévale dans son ouvrage – probablement le plus connu - «
Histoire de l’Europe » publié au terme de la Première Guerre mondiale,
partant de la fin du monde romain et des royaumes barbares jusqu’à la
Renaissance et la Réforme.
Avec « Les villes du Moyen Âge » rédigé en 1927, Henri Pirenne retrace en
une synthèse particulièrement éclairante l’émergence des villes du Moyen Âge
avec ses cités et ses bourgs, la renaissance du commerce avec ses marchands
avant la formation des plus grandes villes et l’essor de la bourgeoisie.
Mais, le maître ouvrage de Pirenne demeure certainement son « Mahomet et
Charlemagne » publié après sa mort en 1937. Avec un angle plus que novateur
à l’époque, l’historien étudie un domaine souvent sous-estimé à l’époque à
savoir l’expansion de l’Islam dans toute la Méditerranée…
D’autres ouvrages complètent ce Quarto notamment « Méthodologie de
l’Histoire » réunissant des articles et discours de l’historien allant de
1886 à 1931, « Économie et Société » avec des textes de maturité sur le
capitalisme, l’Instruction des marchands au Moyen Âge, les vins de France…
Pour finir, des articles et discours sur la Nation belge ont été réunis,
témoignant également de l’engagement de l’historien dans son temps. |
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«
L’envers du Grand Siècle – Madame Palatine, le défi du Roi-Soleil » de
Thierry Sarmant, 350 p., Coll. « Au fil de l’Histoire », Editions
Flammarion, 2024.
Comment ne pas souligner la parution chez Flammarion de ce captivant ouvrage
« L’envers du Grand Siècle – Madame Palatine, le défi du Roi-Soleil » signé
Thierry Sarmant, historien, conservateur général du patrimoine aux Archives
nationales et auteur déjà de plusieurs biographies remarquées. Prenant appui
sur les destins croisés de Louis XIV et de Madame, sa belle-sœur, la
princesse palatine, l’auteur nous offre un éclairage aussi plaisant
qu’instructif. Car, des plus informés, mais loin d’être rébarbatif et non
dénué d’humour et de clins d’œil, cet ouvrage livre au lecteur une multitude
de précisions et détails sur la vie de Cour sous le règne du Roi-Soleil.
Lignées, protocole et intrigues… allant des plus grandes questions du
pouvoir et de la puissance du royaume jusqu’aux menus détails des sentiments
et vies intimes, nous découvrons en effet par le jeu des destinées et liens
croisés du Roi-Soleil et de Madame Palatine bien des enjeux et par, là-même,
« L’envers du Grand Siècle ».
Mœurs, goûts et divertissements, art, lecture et bibliothèques ou religions,
Louis et sa belle sœur, bien que très proches, ont peu de goût ou points de
vue communs, sans directement s’opposer, leurs opinions divergent le plus
souvent… La seconde épouse de Philippe, duc d’Orléans, frère cadet du roi,
est en effet une princesse franche, directe et spontanée ainsi que l’atteste
sa correspondance qui fait d’elle l’un des témoins privilégiés de ce règne.
Et, si le roi apprécie sa compagnie et aime surtout chasser avec elle, il
n’en sera pas toujours ainsi et bien des turbulences et ombrages marqueront
cette relation de plus de quarante années…
De cette fructueuse confrontation entre les prises de position du monarque
français et celles souvent plus tranchées de l’Allemande Élisabeth-Charlotte,
c’est véritablement la vie de Cour, de Versailles, Marly ou encore
Fontainebleau, celle des salons dorés jusqu’aux antichambres et couloirs
dérobés, du faste du règne de Louis XIV aux facettes moins connues de ce
XVIIe siècle finissant qui revivent sous la plume de Thierry Sarmant. |
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« 30
ans après… Soljenitsyne en Vendée », Philippe de Villiers, Dominique
Souchet, Hervé Louboutin et Benoît Castillon du Perron, Éditions L’Enchanteur,
2023.
Il y a des moments où l’Histoire elle-même rencontre la Grande Histoire ;
tel fut assurément le cas lorsque, Il y a trente ans, en 1993, Soljenitsyne,
« l’homme du Goulag », après des années d’exil aux USA, vint en France.
Réhabilité quelques années auparavant par Gorbatchev, il rentrera en Russie
au printemps 1994. Mais, auparavant, en ce mois de septembre 1993, l’auteur
de « L’Archipel du Goulag » et du « Pavillon des cancéreux », fut l’invité
d’honneur de Philippe de Villiers en Vendée, alors même que l’ancienne
région du Bas-Poitou commémorait le bicentenaire du soulèvement des Vendéens
de 1793 ; 1793, rappelons-nous : la Terreur ! En Vendée, la rébellion
s’organise autour de l’ancien officier de la Marine Royale, Charrette. Elle
sera réprimée dans le sang, un effroyable massacre qui hante encore les
mémoires et dont témoignent les vitraux de l’Église des Lucs-sur-Boulogne.
Soljenitsyne avait enfant lu l’histoire de ces Vendéens, de la révolution et
de la terreur, et c’est avec émotion qu’en cette année 1993, alors âgé de
presque 75 ans, il visite la Vendée, découvre la ville du Puy-du-Fou et
inaugure, le 25 septembre 1993, le Mémorial des Lucs-sur-Boulogne… Dans son
discours, le Prix Nobel de littérature soulignera tout le symbolisme et les
parallèles qu’évoque pour lui cette révolte paysanne vendéenne ; un discours
qui marqua les esprits…
Aujourd’hui, en 2023, « 30 ans après… », Philippe de Villiers, Dominique
Souchet, Hervé Louboutin et Benoît Castillon du Perron se souviennent de ce
jour où l’Histoire s’entrechoqua et où les mémoires se firent plus encore
Mémoire… Le lecteur retrouvera dans cet ouvrage, largement illustré de
photographies, le discours d’Alexandre Soljenitsyne, mais aussi ceux d’Alain
Decaux et de Philippe de Villiers, suivis pour cette édition de plusieurs
textes témoignant aujourd’hui de cette rencontre, de ces rencontres avec
l’Histoire.L.B.K. |
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Caroline Fourgeaud-Laville : « Grec ancien express » ; Illustrations de
Djohr, Révisions d’Adrien Bresson et de Dorian Flores, Coll. « La vie des
Classiques », Éditions Les Belles Lettres, 2023.
Avec cet ouvrage « Grec ancien express », la langue d’Homère et d’Eschyle
retrouve en quelque sorte vie grâce à une méthode aussi plaisante que
rigoureuse. En revisitant l’aspect souvent austère et rebutant de nos
grammaires d’antan, l’auteur, Caroline Fourgeaud-Laville, Docteur ès
lettres, promouvant l’apprentissage du grec ancien en classes primaires,
offre une véritable méthode associant parole et fondamentaux grammaticaux.
Progressive et sous forme de leçons (pouvant être menées seul ou avec un
enseignant), cette méthode initie également à la culture grecque antique
souvent indissociable de la langue même.
En 24 étapes de 50 minutes chacune, cet apprentissage répondra aux diverses
attentes, qu’il s’agisse d’une démarche de culture générale, d’apprentissage
scolaire ou d’une révision de connaissances anciennes.
Zoé, Ulysse et Socrate seront les interlocuteurs privilégiés pour des
dialogues vivants conçus par l’auteur pour chaque leçon grammaticale, une
manière ludique et efficace de se (re)mettre au grec ancien dans la bonne
humeur ! |
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Démosthène : « Discours » sous la direction de Pierre Chiron avec la
collaboration de Vincent Azoulay, Matthieu Fernandez, Camille Rambourg et
Frédérique Woerther, 1344 pages, Editions Les Belles Lettres, 2023.
Beaucoup d’idées préconçues ont circulé - et circulent encore - sur le grand
orateur grec Démosthène (384-322 av. J.-C.) La monumentale édition de ses «
Discours » qui vient de paraître aux Belles Lettres ( 1 344 pages) sous la
direction de Pierre Chiron devrait assurément contribuer à une plus juste
évaluation de la place tenue non seulement par l’éminent orateur athénien,
mais aussi de son rôle politique, reconsidéré, sans oublier sa dimension
philosophique également présente dans son important corpus. Les auteurs ont
pour cette nouvelle édition entrepris un important travail de traduction,
l’option inédite retenue étant notamment de rendre plus lisible et surtout
plus audible le style et la pensée de celui dont l’éloquence est passée à la
postérité depuis le IVe siècle avant notre ère. Choix a également été fait
de présenter pour cette édition l’intégralité des 63 discours selon un ordre
chronologique.
Cet angle judicieux présente l’immense mérite de rendre beaucoup plus
lisible l’évolution de la pensée de Démosthène, une pensée forcément
influencée par les succès mais aussi les vicissitudes qui parsemèrent son
parcours. Farouche partisan de la liberté, Démosthène usa de l’éloquence non
point comme une fin en soi mais comme moyen de préserver cet espace menacé à
l’heure de la conquête de son pays par Philippe de Macédoine auquel il
s’oppose dès son premier discours. Contre la servitude et la soumission du
peuple, l’orateur souligne les failles de la démocratie à Athènes au IVe
siècle. Il est vrai que dès son jeune âge, orphelin, Démosthène eut à lutter
contre l’adversité et ses tuteurs qui dilapidèrent ses biens. Il fallut
cette pugnacité précoce pour lui permettre de forger progressivement de
nouvelles armes sur l’art de convaincre les Athéniens de sortir de leur
apathie face au péril macédonien grandissant.
Rien n’échappe à sa vigilance et le citoyen lucide incite et encourage ses
contemporains à renforcer une armée en déshérence et à combattre la
corruption qui gagne même les rangs athéniens. Sa célèbre opposition face à
un autre grand et célèbre orateur, Eschine, acquis à la cause macédonienne,
demeure un morceau d’anthologie, ce qui n’empêchera pas la défaite des
armées grecques à Chéronée.
Cet esprit combatif qui fut sa force sera, cependant, également cause de sa
chute : Démosthène, alors qu’Athènes subit une défaite cuisante, reconnaît
lui-même, en effet, sa part de responsabilité dans le fameux Discours sur la
couronne daté de 330, exigeant d’être lu pendant trois heures d’affilée…
Le lecteur de cette dernière et remarquable édition pourra à loisir retenir
une lecture chronologique ou passer d’un sujet à l’autre. Par ces célèbres
Discours, Démosthène a couvert non seulement les thèmes politiques et
judiciaires qui ont bâti sa réputation mais également des discours de
cérémonies et autres développements philosophiques (grandeur de l’homme et
de ses valeurs morales) témoignant ainsi de la richesse de l’oralité de leur
auteur. La profondeur de sa pensée n’a d’égal que cet amour fou qu’il ne
cessa de porter à sa cité dont la grandeur reste indissociable de la
liberté. |
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« Aux
origines de la monnaie » ; Sous la direction d’Alain Testart, Éditions
Errance & Picard.
Les éditions Errance & Picard ont eu l’heureuse initiative de publier une
réflexion collective à la fois ardue et néanmoins nécessaire sur les
origines de la monnaie. Cet élément du quotidien, ô combien trop présent
dans nos vies, n’a pas été depuis l’aube de l’humanité de soi, tant s’en
faut, et son apparition pose encore aujourd’hui de multiples questions sur
son rôle et place.
Ainsi que le souligne Alain Testart en introduction, la monnaie a une double
nature : son aspect « sonnant et trébuchant », tout d’abord, qui nous est
familier et qui l’assimile aux pièces de métal plus ou moins précieuses
selon les époques et les lieux. Mais la monnaie peut également prendre la
forme des matériaux les plus divers servant à quantifier les échanges entre
les hommes, cette dernière forme étant celle qui intéresse plus
particulièrement ce passionnant dossier. Nos sociétés modernes ont en effet
du mal, même à l’heure des cryptomonnaies, à abandonner toute référence aux
valeurs « matérielles » qu’elles fassent référence à l’argent ou à l’or. Ces
étalons demeurent ancrés dans nos consciences, signe de la prégnance de la
monnaie et de son origine.
Cette dernière sous la forme de pièces semble être apparue au VIe av. J.-C.
en Lydie en Asie Mineure pour rayonner rapidement en Perse, en Grèce et
jusqu’en Gaule. Mais l’ouvrage cherche surtout à explorer ce qu’était la
monnaie avant « les monnaies » dites « en pièces », une longue histoire qui
se perd dans la nuit de temps et que cette réflexion collective entend
remonter. Alain Testart analyse ainsi dans le détail la monnaie non
métallique comme moyen d’échange et de paiement dans les sociétés
primitives. Jean-Jacques Glassner s’intéresse, pour sa part, à la question
d’une monnaie en Mésopotamie au IIIe millénaire avant notre ère, alors que
Bernadette Menu étudie sa place dans la société égyptienne sous les
pharaons. Un dernier développement sur la monnaie chinoise clôt cet ouvrage
passionnant qui nous fera porter un autre regard sur les petites pièces de
notre porte-monnaie ! |
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«
Histoire Auguste et autres historiens païens » ; Édition et traduction du
latin par Stephane Ratti, 1328 pages, 104 x 169 mm, Collection Bibliothèque
de la Pléiade (n° 665), Gallimard, 2022.
Le IVe siècle romain de notre ère connaît un tremblement jusqu’à ses
fondations. La religion minoritaire, naguère combattue jusqu’en ses
catacombes, deviendra l’unique religion officielle de l’empire par volonté
de l’empereur Théodose le 8 novembre 392. De Constantin à Théodose près d’un
siècle suffira, en effet, à bouleverser les piliers de la culture romaine.
C’est dans ce contexte pour le moins troublé que s’inscrivent les historiens
antiques du présent volume traduits et édités par Stéphane Ratti, lui-même
historien et que nos lecteurs connaissent bien pour avoir collaboré à notre
revue.
D’emblée, le spécialiste de l’antiquité donne le ton : « Les historiens
réunis dans ce volume sont tous païens », une indication précieuse
permettant de mieux apprécier le regard et témoignages d’hommes concernés au
premier plan par le vacillement des traditionnelles valeurs romaines. Alors
que ces lettrés ont été nourris au fond antique de la Rome éternelle, le
nouvel ordre chrétien leur impose de nouvelles valeurs et un fondement
sensiblement différent de ce qu’ils avaient connu jusqu’alors. C’est sous
ces empereurs nouvellement chrétiens – par choix stratégique ou par vertu –
que les auteurs antiques réunis dans cet ouvrage occuperont des postes
officiels et « s’avancent masqués » ainsi que le souligne Stéphane Ratti en
sa présentation.
Depuis Hermann Dessau à la fin du XIXe siècle, ce texte énigmatique de
l’Histoire Auguste a fait couler beaucoup d’encre, l’élève de Mommsen
estimant, en effet, que derrière ces différents auteurs de biographies des
empereurs se cacherait un seul et même historien ayant emprunté différents
pseudonymes… Stéphane Ratti rappelle que parmi tous les prétendants à la
paternité de l’Histoire Auguste, Nicomaque Flavien l’Ancien, aristocrate,
préfet du prétoire d’Italie, figurerait en première place, cette plume
acerbe et souvent ironique n’hésitant pas à se lancer dans de sévères
diatribes, moquant tour à tour les Pères de l’Église et même les Évangiles !
Et c’est peut-être l’un des charmes de ce recueil atypique que d’offrir un
regard décentré et critique sur son temps, exercice toujours périlleux pour
l’époque. A l’évidence et pour conclure, il ne faudra pas prendre l’ «
Histoire Auguste et autres historiens païens »pour un livre d’Histoire au
risque de sévères déconvenues, tant les incohérences et anachronismes sont
nombreux. Cependant, l’un des attraits d’une lecture contemporaine de cette
somme réside certainement – pour les non spécialistes – dans le style
littéraire et les frontières ténues entre histoire et écrit romanesque que
révèlent ces pages toujours passionnantes qu’a su rendre vivantes et alertes
Stéphane Ratti dans cette nouvelle traduction.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Donatien Grau : « La mémoire numismatique de l’Empire romain », Editions Les
Belles Lettres, 2022.
Avec cette riche et volumineuse étude, Donatien Grau nous introduit à la
découverte d’un monde merveilleux et insoupçonné, celui de l’histoire de
l’Empire romain à partir de ses monnaies, véritable source rarement visitée.
Alors que les textes littéraires et épigraphiques s’avèrent souvent
fragmentaires et sujets à discussion, cette masse monétaire qui dort
injustement dans nos musées a pourtant tant à nous dire ainsi que le
démontre cette somme d’une remarquable clarté pour un sujet aussi aride.
Le grand historien de cette période, Alexandre Grandazzi, qui signe la
postface ne s’est pas trompé en relevant combien Donatien Grau, par cette
quête historique d’une rare ampleur, parvient à faire « parler » ces
multiples pièces de monnaie en un véritable ensemble à considérer dans sa
globalité. Fruit de la rigueur romaine, le monnayage provient en effet
directement de l’autorité étatique en un temps et un espace donnés évoluant
selon les chronologies des conquêtes. Cet ensemble unique peut grâce à
l’éclairage donné par l’auteur nous parler et nous apprendre ou confirmer
une multitude d’enseignements à la fois économiques, sociaux, mais aussi
politiques ou encore culturels.
Il apparaît ainsi que la monnaie impériale romaine peut être perçue comme un
discours de ce même pouvoir impérial avec ses instruments rhétoriques, tout
comme un instrument de mémoire. Conviant pour cela de multiples disciplines
telles la philologie, l’iconographie ou encore l’analyse littéraire, cet
immense corpus des monnaies impériales, qui à n’en pas douter fera date,
livre de nouvelles pages d’histoire avec ses vicissitudes (damnatio memoriae)
comme ses heures de gloire (victoires et conquêtes).
Un ouvrage qui offre un nouveau et passionnant regard sur les monnaies
antiques romaines impériales. |
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« Le
Grand Atlas des dragons et Chimères » ; Collectif ; Cartonné, 21.5 x 29.3
cm, 176 pages, Coll. Histoire, Editions Glénat, 2021.
Les dragons et autres chimères ont de tout temps fasciné les hommes et
habité leur imaginaire. Aussi est-ce une heureuse découverte que de
parcourir les pages de ce « Grand Atlas » dédié à ces mythiques créatures
aux éditions Glénat.
Extraordinaires ou réels, les dragons et chimères présents dans la
quasi-totalité des civilisations sont multiples, extrêmement variés et
sources dès lors de bien des malentendus. Comment les connaître et les
reconnaître ? Certains semblent même avoir mis leur légende au service de la
ruse pour mieux encore nous tromper et nous dérouter. Ainsi connaissez-vous
Le Dragon de Beowulf ou encore le Quetzacoaltl ?
L’ouvrage, appuyé par une vaste iconographie, fourmille de légendes et
d’informations sur ces fantastiques créatures que sont les dragons et
chimères. Mais, ce « Grand Atlas » ne se limite pas à cette seule approche –
déjà riche – et a également étendu son étude aux relations étroites qu’ont
toujours entretenues les dragons et les hommes. Une deuxième partie
instructive dans laquelle on pourra découvrir « Le dragon médecin », mais
aussi ceux de la peinture ou encore plus proche de nous « Les dragons de l’heroic
fantasy ». Le lecteur pourra même découvrir que certains dragons existent
peut-être même pour de vrai !
La dernière partie, enfin, de ce fantastique ouvrage est consacrée à cette
histoire souvent méconnue, celle de la « dragonologie ». Eh, oui, les
dragons et autres chimères, c’est toute une histoire, une histoire qui
méritait bien un « Grand Atlas » ! |
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Marcel
Detienne : « La notion de Daïmon dans le pythagorisme ancien », Les Belles
Lettres éditions, 2021.
En offrant une nouvelle édition de cet ouvrage désormais classique paru pour
la première fois en 1963, les Belles Lettres rendent un hommage mérité au
célèbre et regretté helléniste Marcel Detienne disparu en 2019. Cet
historien anticonformiste fut très tôt remarqué en analysant la notion de «
daïmon » successivement en une dimension initiale religieuse puis
philosophique. Cette étude exigeante se trouve être la plus parfaite
démonstration de la méthode de l’auteur qui n’hésitait pas à reconnaître la
dette qu’il avait contractée auprès de chercheurs guère en vogue dans
l’université tel Georges Dumézil. Croisant, comparant et rapprochant des
domaines souvent éloignés au regard des disciplines habituellement plus
rigides, l’historien et anthropologue comparatiste sut briser les barrières,
ce qui lui fit apprécier très tôt la démarche structuraliste adoptée par
Claude Lévi-Strauss.
En recherchant ce qui rapproche les notions primitives du daïmon – que l’on
traduira par facilité par « démon » - de celles du pythagorisme, Marcel
Detienne rappelle tout d’abord que cette notion recouvre différentes
significations pouvant aller du domaine agricole à celui des rêves en
passant par celui de la vengeance, différentes facettes d’une expérience
religieuse des vivants à l’égard du monde invisible. L’helléniste dans ces
pages érudites analyse cette transition entre un premier plan « mythique » à
un stade philosophique et rationnel qui sera le fait des premiers
pythagoriciens. Plus que Xénocrate, disciple de Platon et auteur d’un essai
sur la démonologie rationnelle, Marcel Detienne souligne combien la pensée
religieuse du pythagorisme apportera des développements décisifs sur la
question en passant d’une notion équivoque à un concept univoque. Les VIIe
et VIe siècles connaitront ainsi une mutation décisive de la conscience
religieuse selon l’auteur avec Pythagore et ses disciples. Grâce à ces
penseurs, il sera possible de distinguer des démons « bons et pleins d’amour
pour les hommes », esprits provenant d’hommes ayant eu de leur vivant une
vie vertueuse. Cette pratique de la vertu confèrera à ces entités
intermédiaires une force inférieure à celle des dieux mais supérieure à
celle des hommes qu’ils pourront guider et aider.
Cet essai, incontournable, démontre de manière éclatante comment une pensée
philosophique peut s’élaborer à partir d’une pensée religieuse et ainsi
modifier « substantiellement » le concept initial. |
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John
Scheid, Nicolas Guillerat et Milan Melocco : « Infographie de la Rome
antique » ; 23 x 29, 128 p., Éditions Passés /Composés, 2020.
Impressionnant, tel est le premier sentiment qui gagne le lecteur de cette
monumentale « Infographie de la Rome antique » ! En 128 pages, cet ouvrage
nourrit l’ambition d’appréhender des milliers de km2 de territoire, des
millions d’habitants, ainsi qu’une succession de régimes allant des
premières royautés jusqu’à l’empire implosant de son poids à la fin du Ve
siècle en passant par la République… Un tel exploit n’eut été possible sans
la science du grand historien de la Rome antique John Scheid accompagné pour
cette tâche immense par Milan Melocco, et conjugué au génie graphique de
Nicolas Guillerat. Combien de générations soupireront de ne pas avoir eu
plutôt un tel outil en classe…
Fort heureusement, cette didactique entreprise est désormais accessible
grâce à ce que l’on nomme la datavisualisation. Derrière ce terme un brin
barbare se cache une réalité bien connue, celle des organigrammes et autres
représentations graphiques permettant de mettre en évidence les multiples
données chiffrées de manière organisée, sous forme de cartes, organigrammes,
plans, cartes… L’effet visuel est une réussite, le monde romain lève
progressivement le voile de sa complexité, et cette succession de faits et
d’évènements trouve une cohérence et un fil évolutif grâce à l’érudition des
auteurs. Le plan de la Rome antique laisse apparaître ses monuments les plus
célèbres en une vue détaillée, les multiples régimes politiques se trouvent
schématisés, alors que les complexes institutions politiques, juridiques et
administratives, dont nous avons en grande partie héritées, sont présentées
avec clarté.
L’ouvrage limité pourtant à 128 pages parvient à entrer dans l’explication
détaillée de la composition des fameuses légions romaines, équipements et
tactiques. Les commentaires clairs et incisifs soulignent l’essentiel et
accompagnent la lecture des données graphiques, page après page.
Après une telle lecture, le monde romain antique malgré la complexité du
long terme et de ses différentes facettes semble presque familier, une
réussite à mettre au crédit des auteurs manifestement inspirés par l’ampleur
de la tâche !Philippe-Emmanuel
Krautter |
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« Atlas
historique du Proche-Orient ancien », sous la direction de Martin Sauvage,
XXII + 218 pages, Relié, 30.6 x 38.3 cm, Belles Lettres éditions, 2020.
Au regard de la richesse et de l’importance du thème traité, le
Proche-Orient, il fallait assurément un ouvrage en conséquence. Un pari que
relève avec brio cet « Atlas historique du Proche-Orient ancien » ! Près de
20 000 ans déterminants pour l’humanité sont, en effet, couverts par cet
Atlas d’envergure, aussi bien sur la forme que le fond. D’un format généreux
(30,6 x 38,3 cm) afin de profiter de la clarté des cartes représentées,
mettant en valeur le relief, soulignant les fleuves et frontières, cet Atlas
historique fait en quelque sorte revivre l’histoire des hommes et des
civilisations dans cette région clé du monde antique.
Les sujets de fond abordés sont également à la hauteur de cette
présentation, avec le concours d’une cinquantaine de contributeurs, experts
reconnus et jeunes chercheurs mettant en commun une somme impressionnante de
connaissances, et livrant ainsi le dernier état de la recherche sur ces
thématiques riches et fertiles. Il est bien connu de nos jours combien des
éléments clés de toute civilisation, telle notamment l’écriture, sont nés
dans cette région même du monde, au sud de l’Irak. Ces premiers signes
cunéiformes furent en effet conçus afin de comptabiliser notamment les
récoltes de céréales, dont le fameux épeautre, nées de la sédentarisation
des hommes dans ces régions.
Géographie, géologie, météorologie et végétation, tous ces facteurs ont
concouru et concourent aux faits historiques et aux développements
ultérieurs. C’est l’une des leçons d’ailleurs les plus fascinantes de cet «
Atlas historique du Proche-Orient ancien » - en plus de livrer de
somptueuses cartes – que d’offrir une réelle mise en relation de disciplines
souvent distinctes et encore trop cloisonnées pour le néophyte. À partir de
ces fondamentaux parfaitement représentés en des cartes d’une lisibilité
exemplaire, le lecteur pourra découvrir la lente constitution de
civilisations bâtisseuses avec ses premières grandes villes entraînant
conquêtes et empires, dynasties et royautés.
Tour à tour macroscopiques ou faisant un focus sur une région bien précise,
les cartes de cet Atlas font défiler une à une les pages de l’humanité dans
cette région clé du monde, une belle leçon d’histoire et de géographie. |
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Susan
Woodford : « Comprendre l'art antique » ; Traduction de l’anglais par
Camille Fort, Coll. L'art en poche, 176 p., 140 x 216 mm, Couleur, Broché,
Éditions Flammarion, 2020.
Dans la collection « L’art en poche », Susan Woodford est parvenue avec «
Comprendre l’art antique » à concentrer plus de deux mille ans d’art
antique, partant des Grecs jusqu’aux Romains. Jetant les bases de
l’occident, ces deux civilisations apporteront, en effet, jusqu’à la
Renaissance qui s’en réclamera, des créations artistiques incontournables
dans l’histoire de l’art. Ainsi que le souligne l’auteur dès l’introduction
de cet opuscule très pédagogique, l’art en ces périodes se doit de prendre
en compte des nécessités pratiques extrêmement coûteuses, notamment celles
qu’imposent la sculpture et la peinture, aussi l’art antique se voit-il
réservé à des fonctions importantes liées au pouvoir. L’auteur, Susan
Woodford entend surtout démontrer que l’art antique romain ne saurait être
ramené sans nuances à l’art grec, un art ayant lui-même emprunté à l’art
égyptien... C’est cette compréhension de l’art antique que le lecteur pourra
au fil des pages découvrir.
Si les Grecs empruntent, en effet, aux Égyptiens leur technique pour
sculpter la pierre, c’est cependant pour mieux s’en départir.
Progressivement, les formes sculptées s’animent comme pour ces statues de
femmes drapées d’étoffes souples, les décors s’organisent pour constituer
une narration de plus en plus complexe où l’architecture tient sa place. La
peinture s’invite également dans l’art grec, les artistes étant à l’origine
de représentations sous la forme de tableaux avec leurs formes arrondies. De
nouvelles narrations sont inventées sur les amphores, se faisant souvent
l’écho de la poésie orale…
Même si certains auteurs ont contesté l’idée d’un art romain en tant que tel
en raison de l’importante reprise du modèle grec, il demeure que
progressivement, les artistes romains parviendront à imposer de nouvelles
créations soulignant les vertus romaines. L’art est en effet accepté chez
les Romains à partir du moment où il possède un usage social et moral. De
Fabius, premier artiste romain au IIIe s. av. J.-C., aux sculptures de
qualité de plus en plus dégradées du IIIe s. de notre ère, l’ouvrage retrace
les évolutions, influences et dérives d’un art contrasté selon sa finalité
officielle ou privée avec la nobilitas. Dans ce dernier cas, les peintures
ornant les villas romaines rivalisent de beauté et de décors somptueux, et
dont certaines sont parvenus intacts jusqu’à nous (Pompéi, musée national de
Rome,…).
De tous les débris occasionnés par les ravages du temps depuis la fin de ces
civilisations, il serait trompeur de penser que l’art antique se résume à
quelques colonnes ou sculptures, et ce petit ouvrage clair et accessible en
fait la plus parfaite démonstration ! |
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Alain
Schnapp : « Une histoire universelle des ruines - Des origines aux Lumières
» ; 744 p., Colle. La Librairie du XXIe siècle, Editions Seuil, 2020.
Les ruines, pour Alain Schnapp, l’auteur de cet excellent ouvrage, ne sont
pas synonymes de désolation, tant s’en faut pour cet historien et
archéologue réputé. Le questionnement sur les ruines de l’auteur également
d’une remarquable « Histoire des civilisations » présentée dans ces
colonnes, trouve son prolongement avec ce fort et beau volume pour le monde
ancien.
« Une histoire universelle des ruines » explore cette attraction pour notre
passé suscitée par ces vestiges de civilisations disparues et dont le
rayonnement transparaît encore à partir de ces restes laissés en témoignage.
Le goût pour les ruines est fort ancien, et même si le philosophe stoïcien
Sénèque avouait au Ier siècle de notre ère un mépris certain pour cette
attirance qu’il jugeait inutile. Notre société occidentale dès les
humanistes et les siècles suivants voueront, en effet, un culte certain à
leur encontre, tel Diderot dans son poème en prose, ou encore les
inoubliables descriptions laissées par Chateaubriand.
Que nous racontent ou murmurent ces témoignages du passé, souvent rongés par
le temps ? En un curieux retour de la culture à la nature, déjà relevé par
Georg Simmel, lorsque ces matériaux s’effritent et se confondent aux
éléments, les ruines révèlent l’impermanence de notre condition humaine et
de ses créations. Le rapport entretenu par les civilisations avec leurs
ruines sont sources d’autant de significations et constitue alors un objet
de recherche infini pour Alain Schnapp.
Ces assemblages de pierre et autres matériaux ont souvent plus à nous dire
que leur seule architecture. La ruine ne peut se concevoir que selon le
regard que l’on porte sur elles souligne Alain Schnapp, et l’exemple des
pyramides d’Égypte ou des alignements de Stonehenge, indépendamment de leur
monumentalité, n’ont de sens qu’à partir du moment où il est encore possible
de les interpréter. Les différents monuments étudiés dans cet ouvrage aux
magnifiques illustrations provoquent chez ceux qui les regardent tout un
réseau de dialogues plus ou moins étendus selon leur état. De la ruine aux
décombres, en passant par les vestiges, ce sont ces voix si chères à Malraux
qui demeurent alors plus ou moins audibles, et que l’historien et
archéologue Alain Schnapp explore dans ces pages en de lumineux
développements. Chaque époque révèle ainsi, selon le sort qu’elle réserve à
ses ruines, son identité.
Du Néolithique jusqu’aux confins de la terre, cet ouvrage fait défiler ces
témoignages, parfois fugaces, à peine lisibles ou au contraire monumentaux,
en soulignant ce qu’ils ont encore à transmettre, un souvenir adressé aux
temps présents et futurs. Ce dialogue avec les ruines donne lieu à des
paradoxes saisissants comme pour cette première image d’une vue d’un temple
d’Angkor enserré par les lianes d’un ficus plus géant que l’édifice, ou
encore ces « Méditations sur les révolutions des empires » proposées par
Volney en une prière laïque.
Cette belle aventure universelle des ruines ne pourra que combler le
lecteur, tant pour sa science que sa poésie, un parcours sur le long terme
qui suscitera à n’en pas douter à un questionnement quant à notre propre
rapport aux ruines, et à celles que nous laisserons aux générations futures…
Philippe-Emmanuel Krautter |
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«
L'Antiquité retrouvée », 4e édition, revue et augmentée, de Jean-Claude
Golvin, Aude Gros de Beler, Éditions Errance, 2020.
Le travail de Jean-Claude Golvin n’est plus à présenter, lui, ce talentueux
architecte et directeur de recherche au CNRS qui a su majestueusement
redonner vie de la plus belle manière qui soit à l’Antiquité grâce à ses
aquarelles soignées. Il ne s’agit point là de vues d’artistes, plus ou moins
romantiques, auquel le passé nous avait habitués. C’est en une véritable
connaissance intime et scientifique du terrain – Jean-Claude Golvin a dirigé
pendant dix ans le Centre franco-égyptien de Karnak – que son travail trouve
ses sources. Alliant rigueur archéologique au talent de dessinateur,
l’Antiquité reprend vie sous la plume aquarellée de l’auteur.
Approfondissant le concept de « restitution », Jean-Claude Golvin souligne
que proposer au XXIe siècle une image la plus fidèle possible du site de
Delphes, du temple d’Amon à Karnak ou encore du Colisée de Rome ne peut se
réaliser qu’à l’aide de sources fiables et nombreuses telles que des
dessins, textes anciens, mosaïques et bas-reliefs, sans oublier les vestiges
archéologiques parvenus jusqu’à nous.
C’est dans l’appréhension et le traitement de ces milliers de données,
forcément parcellaires et souvent dispersées, que réside l’art de synthèse
et de rigueur de l’auteur pour ces magnifiques dessins. Sans se perdre dans
les méandres des ruelles de la Rome antique, Jean-Claude Golvin parvient
cependant à en rendre la richesse. Et si les personnages n’apparaissent que
très rarement, et en taille à peine visible, c’est pour mieux mettre en
évidence la vie des édifices et des sites qui livrent un témoignage
suffisamment évocateur du génie de ces civilisations.
« L’Antiquité retrouvée » mérite bien son titre en redonnant vie
admirablement à une centaine de sites parmi les plus fameux de l’Antiquité
sur près de trente siècles, de 2500 av. J.-C au Ve siècle de notre ère. Le
talent de Jean-Claude Golvin, appuyé par les textes éclairants d’Aude Gros
de Beler, réside assurément dans cette vision d’ensemble rendant
immédiatement lisible la complexité de ces architectures antiques.
C’est un fabuleux voyage dans le temps et dans l’espace que nous offre ce
passionnant ouvrage !
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Tout
César - Discours, traités, correspondance et commentaires » Jules CÉSAR,
Alessandro GARCEA (Traducteur, Directeur d'ouvrage), Collection Bouquins,
Robert Laffont éditions, 2020.
Assurément cette dernière publication aux éditions Robert Laffont fera date
en langue française car, étonnamment, il n’était pas possible jusqu’à
présent de disposer en édition bilingue de tous les écrits de l’un des plus
grands stratèges et personnalité politique de l’Antiquité, Jules César.
On oublie trop souvent qu’en plus d’avoir été le conquérant de la Gaule et
d’une grande partie du monde méditerranéen, à l’image de son illustre
prédécesseur Alexandre le Grand, Jules César fut également un historien dont
les écrits sont également passés à la postérité. Et, c’est justement l’objet
de ce volume de la prestigieuse collection Bouquins que de rassembler en 960
pages l’intégralité des écrits de Jules César, et ce, en version bilingue
latin et français.
Le lecteur sous la conduite éclairée d’Alessandro Garcea, grand spécialiste
de la littérature latine, aura grand intérêt de débuter sa lecture par
l’éclairante introduction résumant en une vingtaine de pages les grands
traits de celui qui atteint non seulement la magistrature suprême au sommet
de l’État, mais eu également l’intuition d’en dépasser les limites. La
politique de la ratio anime en effet l’action de Caius Iulius Caesar, né le
12 juillet 100 av. J.-C. d’une famille d’ancienne noblesse. Curieusement,
son action sera largement critiquée par des auteurs latins tels Tite-Live,
Plutarque, Suétone ou encore Dion Cassius. La personnalité et l’ampleur de
l’action de ce personnage hors-norme ne pouvaient, en effet, que susciter
l’inquiétude de ses contemporains à l’encontre de celui qui bouleversera non
seulement les frontières de l’Empire romain, mais également ses structures
politiques et culturelles. Contrairement à l’image laissée par ses
détracteurs, César eut aussi à cœur d’ouvrir la connaissance au plus grand
nombre et non plus à une seule élite, faisant de Rome un grand centre
intellectuel, nous sommes loin de l’image moderne – et trompeuse – d’un
dictateur.
Ce vaste ensemble réunit, enfin, les Commentaires, extraits des discours,
traités et correspondance conservés par les Anciens. Le lecteur pourra bien
sûr goûter aux charmes intrinsèques de la « Guerre des Gaules » dépassant en
ampleur les plus grandes fresques du cinéma hollywoodien, mais surtout y
découvrira la dimension littéraire de celui qui ne fut pas qu’un stratège
politique et militaire, en un parallèle saisissant avec le général de
Gaulle.
La traduction d’Alessandro Garcea met en évidence ce style césarien qui
transcende les formules historiques pour atteindre un genre révélant une
éthique et une rigueur à la source d’une éloquence stylistique remarquable,
ainsi qu’en témoigne cette belle édition.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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"Aux
origines, l’archéologie - Une science au cœur des grands débats de notre
temps" de Jean-Paul DEMOULE, La Découverte, 2020.
Jean-Paul Demoule offre avec ce dernier essai une porte d’entrée idéale et
accessible au monde à la fois circonscris mais aussi ouvert de
l’archéologie. Circonscris, car l’archéologie est de nos jours une science
aux frontières bien précises et aux méthodologies rigoureuses et éprouvées,
loin des approximations des siècles précédents. Ouvert également par son
champ d’investigation considérablement vaste, étendu à l’exploration et
compréhension de notre passé et des sociétés qui l’ont caractérisé.
Archéologue réputé, ancien président de l’INRAP et professeur à la Sorbonne,
Jean-Paul Demoule milite depuis longtemps pour que sa discipline soit
comprise par le plus grand nombre grâce à des publications et interventions
toujours saluées pour leur pédagogie et leur engagement. C’est cette même
implication qui se trouve au cœur de cet essai passionnant qui intéressera
non seulement les puristes de la discipline, mais aussi par son propos
élargit un vaste public cultivé qui appréciera cette mise en relation avec
les nombreuses problématiques sociétales, y compris idéologiques. Le
sous-titre de ce livre s’avère d’ailleurs des plus évocateurs : « une
science au cœur des grands débats de notre temps ».
Dès l’introduction, Jean-Paul souligne cette double fonction de
l’archéologie : scientifique et idéologique. Alors que la théologie n’est
plus guère présente que dans les Séminaires et Instituts spécialisés,
l’archéologie a été convoquée – souvent même manipulée – à des fins
idéologiques et rhétoriques pour mieux justifier tel passé ou telle «
identité nationale »… L’auteur, dans un premier temps, s’attache à cette
absence de neutralité axiologique manifeste à certains stades de
l’archéologie lorsqu’il s’est agi de « manipuler » l’histoire notamment en
France avec l’identité nationale, les fameux Gaulois et autres invasions
barbares intéressant certains présidents de la République et responsables
politiques. À l’image de certaines sciences dures telles la génétique et la
médecine qui en d’autres situations plus tragiques ont pu être « manipulées
» par des régimes iniques afin de justifier l’idée de race et d’inégalité
entre elles, l’archéologie peut également servir des desseins moins nobles
que la seule connaissance, ainsi qu’il ressort des nombreux exemples
détaillés rapportés par l’auteur.
Jean-Paul Demoule élargit son propos également au-delà de nos frontières
nationales, en soulignant combien sa discipline peut se trouver déviée de sa
mission première par des idéologies ultralibérales mettant souvent en péril
non seulement une archéologie préventive manquant la plupart de moyens
financiers, mais menaçant également la préservation d’un patrimoine
fragilisé par des enjeux qui la dépassent tel qu’il ressort de cet essai vif
et engagé.
Mais, il n’est pas trop tard pour être optimiste, conclut cependant
Jean-Paul Demoule. Et tel est bien le grand mérite de cet ouvrage,
soulignant et alertant pour mieux prévenir et enrayer les mauvais usages
faits de l’archéologie. |
Art, Culture, Essais... |
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Roberto
Longhi : « Le Caravage », traduit de l’italien par Gérard-Julien Salvy, 272
p., Editions du Regard, 2024.
C’est à une remarquable confrontation à laquelle est convié le lecteur de
l’ouvrage maître de Roberto Longhi (1890-1970), celle de l’art du Caravage
soumis au regard critique du grand historien de l’art italien. Cet éminent
spécialiste du peintre lombard lui a en effet consacré quasiment la plus
grande partie de son énergie et de ses études et a très largement contribué
à livrer le rayonnement de son style sur ses contemporains et successeurs.
Cette place du Caravage dans le parcours critique de Roberto Longhi débute
avec l’étude sur le « Garçon mordu par un lézard » du peintre qui initie
cette passion, ce qui n’empêcha pas parallèlement l’historien de
s’intéresser quelque temps au futurisme…
A une époque où seules les peintures toscanes et vénitiennes prédominaient,
quelle place pouvait dès lors encore occuper un artiste venu de Lombardie ?
Ce fut le génie de Longhi de démontrer justement l’intérêt révolutionnaire
du maître lombard, en tant que tel, certes, mais surtout et également pour
ses successeurs et pour l’histoire de l’art en général. Cet ouvrage
essentiel dans la bibliographie de l’historien de l’art - fort heureusement
traduit en français par Gérard-Julien Salvy aux éditions du Regard,
permettra au lecteur d’observer la manière unique de Longhi d’étudier Le
Caravage, le peintre observant, comme cela n’avait jamais été réalisé
jusqu’alors au XVIIe s., l’âme de ses contemporains et l’essence des choses.
Pier Paolo Pasolini ne s’était pas trompé alors qu’il était étudiant en
histoire de l’art à Bologne et suivait avec assiduité les cours de Longhi :
« Longhi était nu comme une épée hors du fourreau. Il parlait comme personne
ne parlait. […] Pour un jeune garçon opprimé, humilié par la culture
académique, par le conformisme de la société fasciste, c’était la
révolution. La culture que le maître révélait et symbolisait proposait une
voie nouvelle par rapport à l’entière réalité connue à ce jour ».
Cet anticonformisme de Longhi qui allait tant séduire et influencer alors le
cinéaste et poète se manifestera à de nombreuses reprises dans les études de
l’historien de l’art, notamment dans cette magistrale monographie sur
Caravage. Il est en effet le premier à souligner le style direct et
naturaliste du maître lombard, à mettre en évidence son regard poétique et à
analyser la place primordiale de la lumière dans cet ordonnancement
novateur, ce dont rendent parfaitement compte ces pages au style souvent
polémique.
Ce fort et riche volume de 272 pages abondamment illustré des œuvres du
peintre regroupe des textes déterminants consacrés tant aux artistes ayant
influencé Caravage qu’à sa propre influence sur ses successeurs qui seront
rangés dans le courant « caravagisme », qu’il s’agisse des peintres du
cercle immédiat de l’artiste à Milan ou des nombreux artistes plus lointains
ou postérieurs qui seront influencés par son originalité et modernité,
notamment en France.
Le lecteur retrouvera en fin d’ouvrage notes, catalogue complet des œuvres
du peintre, ainsi qu’une bibliographie et un index qui feront de cette
édition une référence incontournable pour toute étude sur le célèbre peintre
italien.
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Jean-Pierre Luminet : « Les Nuits étoilées de Vincent van Gogh », 160 p.,
2023.
C’est un petit livre carré absolument passionnant signé Jean-Pierre Luminet
que nous proposent les éditions Seghers. Un ouvrage mené telle une enquête
et entraînant son lecteur sur les traces de Vincent van Gogh et du
firmament. Eh, oui, rien que cela ! L’auteur a, en effet, souhaité en
partant des chefs d’œuvre du peintre célébrant les étoiles tout simplement
remonter le temps et retrouver les étoiles de la célèbre « Terrasse de café
le soir » ou encore celles de la non moins célèbre « Nuit étoilée », des
toiles réalisées à Arles en 1888…
Pour ce beau défi, s’appuyant sur la correspondance de l’artiste, l’auteur
est retourné sur les lieux mêmes où le peintre avait posé son chevalet,
Arles, Saint-Rémy-de-Provence, le Rhône… juxtaposant œuvres, plans et
photographies. C’est en 1888 que van Gogh part, en effet, s’installer en
Provence. Là, il s’émerveille tant de la lumière du sud que de celle du ciel
étoilé de Provence.
Mais surtout, et là réside tout l’attrait de cet ouvrage, Jean-Pierre
Luminet n’a pas hésité à solliciter le concours de la science et des
logiciels pour retrouver les « vrais » ciels que l’artiste a pu contempler
et lui ayant inspiré ses plus grands chefs d’œuvres ; d’où le titre de ce
captivant ouvrage « Les Nuits étoilées de Vincent van Gogh » ! Il faut dire
que l’auteur a plus d’un atout pour surprendre et réjouir son lecteur :
astrophysicien, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, il sait de quoi il
parle… Mais c’est aussi en poète, avec cette poésie des étoiles et de
l’infini, que Jean-Pierre Luminet nous dévoile ces fameuses « Nuits étoilées
de Vincent van Gogh ». |
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«
Modigliani – Un peintre et son marchand » ; Catalogue officiel de
l’exposition éponyme au musée de l’Orangerie, Co-édition Musée de
l’Orangerie/Flammarion, 2023.
Catalogue officiel de l’exposition « Modigliani – Un peintre et son marchand
» au Musée de l’Orangerie - Paris, l’ouvrage par son riche contenu réjouira
tout autant ceux n’ayant avec regret pu se rendre à cet événement que ceux
désirant en garder mémoire et souvenirs. Ainsi, outre le catalogue complet
des œuvres exposées et présentées, ici, sur de pleines pages, des portraits
essentiellement, le lecteur pourra également découvrir quatre fructueux
essais mettant en lumière tant les œuvres de cette période réalisées par
l’artiste que sa rencontre et relation avec son marchand, Paul Guillaume, en
1914. Modigliani est arrivé six ans auparavant à Paris et s’est consacré à
la sculpture après avoir rencontré Constantin Brancusi. Mais, sous
l’influence et les encouragements de P. Guillaume, Modigliani reviendra en
fin de compte à la peinture pour s’y consacrer dorénavant exclusivement…
Cécile Girardeau, conservatrice au musée de l’Orangerie, revient dans sa
contribution « Amadeo Modigliani, un peintre à Paris » sur les débuts de
Modigliani et l’influence de l’effervescence artistique parisienne de cette
époque, avant que Simonetta Fraquelli, historienne de l’art et commissaire,
souligne, pour sa part, les liens privilégiés unissant l’artiste et son
marchand. Il est vrai que nombre d‘intérêts artistiques communs liaient les
deux hommes notamment la poésie, la littérature ou encore les arts africains
auxquels Yaëlle Biro consacre son essai. C’est en 1918 et avec Guillaume
Apollinaire que Paul Guillaume lancera la revue « Les Arts à Paris » dont le
lecteur retrouvera quelques couvertures et pages, et dans laquelle jusqu’à
sa mort, il promut artistes et écrivains. Enfin, dans une passionnante
recherche Marie-Amélie Senot a recours à la science pour éclairer et
appréhender le projet artistique de Modigliani.
Illustré également de photographies d’époque, ce catalogue trouvera à
l’évidence bonne place dans toute bibliothèque. |
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« Le
Musée absolu » ; Relié, 23,8 x 30,5 cm, 1 640 Ill., 584 p., Editions Phaïdon,
2023.
Ce n’est pas un musée imaginaire, mais bien plus puisque c’est un musée
absolu - « Le Musée absolu » que les éditions Phaïdon nous proposent dans
cette nouvelle édition ; un ouvrage remarquablement complet, ordonné et
idéal pour permettre à tout à chacun de choisir justement son propre musée
imaginaire ! Avec son grand format, ses plus de 500 pages et pas moins de 1
640 illustrations, l’ouvrage réalisé avec le concours de conservateurs,
d’historiens de l’art, d’artistes et critiques d’art, nous invite à visiter
la collection d’art la plus vertigineuse du monde, allant de « L’art de
l’âge de Pierre » à « L’art depuis le milieu du XXe siècle » en passant par
les arts de l’Asie, du Japon, les arts de l’Islam ou encore l’Afrique.
Divisé en sections selon les périodes ou les domaines, le lecteur pourra
parcourir bien des contrées, des espaces temps et des artistes : La Rome
antique, la Renaissance italienne ou du Nord, le baroque ou rococo, etc.,
aucun domaine ne gardera ses secrets et le lecteur aura tout à loisir de
choisir au gré des pages ses domaines de prédilection.
Avec un plan « de visite » présenté non en chapitres mais en galeries tel un
musée, chaque section ou galerie renvoie à une couleur déterminée que l’on
retrouvera sur le profil de l’ouvrage en onglet pour plus de facilité.
Chaque domaine abordé propose selon sa propre table des matières des
présentations et analyses détaillées des arts concernés ; ainsi sous
l’onglet rose, le lecteur retrouvera-t-il les arts de la Chine et de la
Corée avec des développements sur les bronzes rituels chinois antiques, les
bronzes mystérieux de Sanxingdui ou encore les Jades chinois ; au titre «
d’expositions » des focus y sont même régulièrement développés parallèlement
aux nombreuses œuvres et artistes présentés selon les domaines.
Un ouvrage soigné et didactique devenu un classique incontournable et
offrant au fil de ses pages ou des salles de ce fabuleux « Musée absolu »,
une porte d’entrée complète et idéale pour aborder l’histoire de l’art. |
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« Yao Jui-Chung » par Sophie McIntyre ; Version
anglais, 192 ill. couleur et 27 n&blc, 30 x 24 cm, Editions Scheidegger &
Spiess, 2023.
C’est une belle monographie consacrée à l’artiste taïwanais Yao Jui-Chung
que nous proposent les éditions Scheidegger and Speiss. Artiste aux
multiples expressions, mais aussi écrivain et conservateur, Yao Jui-Chung a
su s’imposer sur la scène internationale de l’art contemporain et de la
photographie ; pionnier dans tous les domaines, que cela soit la
photographie, la peinture ou encore les multiples installations, Yao Jui
Chung est devenu un artiste incontournable et indissociable de son pays dont
la renommée n’est plus à faire.
Dans son format allongé, l’ouvrage propose sous la direction de Sophie
Mcintyre, spécialiste de l’art taïwanais, une riche mise en perceptive sur
les trois dernières décennies de la carrière et de l’œuvre de l’artiste.
Avec plus de 200 illustrations et reproductions, le lecteur y retrouvera les
œuvres peintes réalisées par Yao Jui-Chung de 2007 à 2022, mais aussi son
œuvre photographique et visuelle pour la période 2000-2020, ainsi que nombre
de ses expositions.
Des œuvres qui retiennent immédiatement l’intérêt tant par leur singularité
que par leur engagement. Monde sociétal, politique, historique et religieux
jalonnent dans un esprit libre et critique l’ensemble de l’évolution
artistique de Yao Jui-Chung. Que ce soit dans son œuvre en noir et blanc, ou
dans celle aux couleurs luxuriantes, le regard ne cesse d’être surpris par
tant de diversité et de créativité. La dérision y est omniprésente et
s’invite dans une créativité aussi bien tournée vers le présent, le
politique et la société que vers le passé, la religion et les mythologies ou
encore un « pré-apocalyptique futur »… un regard artistique que le lecteur
retrouvera développé dans l’entretien de Yao Jui-Chung avec le critique
d’art et directeur artistique du MAXXI à Rome, Hou Hanru.
Un ouvrage qui ouvrira bien des horizons. |
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«
Rochus Lussi - Dûnne Haut thin skin » ; Relié, 400 p., 410 ill. couleurs et
34 en N&Blc, 21 x 26.5 cm, Version anglais/allemand, Editions Scheidegger &
Spiess, 2023.
C’est un fort et très bel ouvrage que les éditions Scheidegger et Spiess
consacrent à l’artiste suisse Rochus Lussi. Une œuvre singulière, ouverte,
tournée vers l’humain sous toutes ses formes, de la vie à la mort
pourrait-on dire. Certes, si quelques œuvres ou installations sont
consacrées au règne animal, l’angle de frappe de cet artiste, né en 1965,
réside dans la captation de l’humain, de l’existence de l'humain en tant
qu’animal grégaire ; L’humain, l’homme, la femme, l’enfant ou le nourrisson
pris dans les mailles de l’existence avec ses congénères. Avec une
sensibilité à fleur de peau propre à l’artiste, ces œuvres, sculptures,
dessins, installations extérieures ou intérieures ne sauraient laisser
indifférents. Y sont perceptibles tout autant la solitude, les faiblesses,
les désorientations, le mimétisme ou formatage, mais aussi la singularité de
ce qui fait l’humain. Personnages en série, visages vides, déshumanisés,
mais également divisés, écartelés, la mort y côtoyant la vie, la survie ou
l’absence…
Évoluant au fil du temps, Rochus Lussi questionne, interroge, scrute plus
que le spectateur ne le questionne. C’est un beau parcours ou voyage au sein
d’une œuvre de plus de trente années qui mérite amplement d’être connue que
nous propose cette belle monographie appuyée par de riches contributions et
analyses consacrée à Rochus Lussi. |
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« Monet
en pleine lumière » ; Collectif sous la direction de Marianne Mathieu,
Éditions Hazan, 2023.
Accompagnant l’exposition du Grimaldi Forum Monaco, l’ouvrage « Monet en
pleine lumière » a souhaité célébrer le père de l’Impressionnisme sous la
lumière du fameux rocher de Monaco et de la non moins renommée Riviera lors
de son premier séjour, il y a 140 ans. Et quel plaisir jamais tari de
retrouver Claude Monet dans cette période essentielle des années 1880 de sa
longue carrière, une trajectoire infaillible retracée également en ces pages
et offrant au lecteur une belle mise en perspective… Mais, ce sont surtout
les jeux de lumière, de bleus et d’azur, ces ambiances à nulles autres
pareilles de la Riviera qui retiendront l’attention. Loin déjà de la lumière
des plages de Deauville, de Trouville ou des bords de Seine, loin encore des
effets si magiques de Giverny, ces toiles des années 1880, quelques peu
moins connues, imposent pourtant leurs charmes, beauté et caractères… Sous
la direction de Marianne Mathieu, les œuvres de Monet de cette période se
laissent, en effet, pleinement apprécier ; des œuvres, en ces pages,
appuyées par de riches contributions, des documents d’archives ou encore des
photographies d’époque. De Monaco à Antibes en passant par Bordighera,
Dolceacqua ou encore Cap Martin, c’est un voyage en compagnie de « Monet en
pleine lumière » auquel nous convie ce bel et riche ouvrage. |
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«
Tiziano 1508. Agli esordi di una luminosa carriera » ; Catalogue de
l’exposition Venezia, Gallerie dell’Accademia, sous la direction de Roberta
Battaglia, Sarah Ferrari et Antonio Mazzotta, (italien), Editions Mandragora,
2023.
La Gallerie dell’Accademia de Venise consacre au peintre Le Titien une
exposition majeure quant à ses œuvres de jeunesse. Le catalogue de cet
évènement publié aux éditions Mandragora permettra de se faire une idée de
l’importance de cet angle original retenu par Sarah Ferrari, Antonio
Mazzotta et Roberta Battaglia à partir de l’œuvre emblématique du peintre «
l’archange Raphaël et Tobie » datant de 1508, une peinture déterminante pour
la suite du brillant parcours de l’artiste.
Ces quelques années du début du XVIe siècle à Venise font ainsi l’objet
d’analyses approfondies dans ce catalogue en écho avec l’exposition,
renouvelant le regard porté sur le jeune Tiziano par le filtre de 17 œuvres
autographes confrontées à celles de ses contemporains tels son maître
Giorgione, mais aussi Sebastiano del Piombo, Francesco Vecellio ou encore
Albrecht Dürer.
Ainsi que le soulignent les riches contributions réunies dans ce catalogue,
l’an 1508 marque assurément le point de départ de la carrière publique de
Titien qui le conduira en quelques années seulement à devenir le peintre
officiel de la Sérénissime. L’analyse des œuvres de jeunesse, la décoration
du Fondaco dei Tedeschi, les pérégrinations du jeune Titien entre Venise,
Ferrare et Padoue sont ainsi étudiées en début d’ouvrage avant de proposer
au lecteur des analyses des œuvres majeures présentées de l’artiste, telles
la Nativité, le Triomphe du Christ, la Madonna con il Bambino ou encore
Judith avec la tête d’Holopherne. |
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«
L’automne par les grands maîtres de l’estampe japonaise » réalisé par Anne
Sefriou ; Coll. « Chefs-d’œuvre de l’estampe japonaise », 17.2 x 24.6 cm,
Editions Hazan, 2023.
Les éditions Hazan célèbrent les saisons avec les grands maîtres de
l’estampe japonaise. L’ouvrage consacré à « L’Automne » offre
particulièrement un plaisir inégalé ! Avec son coffret et sa reliure en
accordéon, celui-ci livre en effet par le prisme de soixante œuvres signées
des plus grands maîtres japonais, non seulement toutes les couleurs
chatoyantes de l’automne, mais aussi toute la poésie et symbolique
extrême-orientales attachées à cette saison à nulle autre pareille. Les plus
grands maîtres de l’estampe, Hokusai, Hiroshige, mais aussi Hasui ou encore
Harunobu, signent ces estampes uniques où les couleurs et les « Rafales
d’automne », pour reprendre un titre de Sôseki, nous entraînent en une
rêverie infinie… Lorsque les érables se parent de rouge ou de jaune, lorsque
les kimonos des jeunes femmes se teintent des couleurs des chrysanthèmes et
que le vent d’octobre fait ployer les bambous… C’est toute la poésie des
songes d’automne que le lecteur retrouvera dans ces pages aux soixante
estampes… L’ouvrage est accompagné d’un livret explicatif réalisé par Anne
Sefriou, auteur de nombreux livres d’art notamment consacrés au domaine des
estampes japonaises. |
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PAOLO
PORTOGHESI Sguardo, parole, fotografie edizioni dell’Accademia Nazionale di
San Luca, 2023.
Le catalogue officiel de l’exposition à l'Accademia Nazionale di San Luca
sous la direction de Francesco Cellini et Laura Bertolaccini permet de
découvrir et d’apprécier les liens intimes qu’entretenait Paolo Portoghesi,
grand architecte italien disparu en mai 2023, théoricien et professeur
d'architecture de l'université La Sapienza de Rome, avec la culture
architecturale internationale, et plus précisément ici son admiration pour
le grand architecte baroque Francesco Borromini dont il était l’un des
éminents spécialistes.
Dès son plus jeune âge, Portoghesi a en effet exploré par ses photographies
en noir et blanc - dont 72 sont reproduites dans l’exposition et le
catalogue - l’œuvre de Borromini en une passionnante enquête critique. C’est
dans les années 60 que Portoghesi débute cette vaste exploration en un
nombre impressionnant de clichés à travers de multiples lieux emblématiques
tels Sant'Ivo alla Sapienza, San Carlo alle Quattro Fontane, San Giovanni in
Laterano, la Casa dei Filippini, Sant'Agnese in Agone, Palazzo Falconieri,
le Collegio di Propaganda Fide ou encore l’église de Sant'Andrea delle
Fratte…
Avec des appareils Rolleiflex ou Hasselblad tenus à la main sans trépied,
Portoghesi sut saisir des angles inédits qui étonnent encore de nos jours
ainsi qu’il ressort des pages de ce catalogue avec ces contrastes lumineux
accentués par les jeux d’ombre. Dans cet ouvrage richement illustré par ces
photographies extraordinaires, le lecteur pourra également découvrir
l’écriture de Portoghesi révélant toute la richesse de son vocabulaire et la
magie opérée par le baroque de Borromini.
Une exploration dans l’univers fascinant de la pierre et de l’architecture
baroque transfigurée par un de ses plus passionnants analystes !
(Exposition organisée par Francesco Cellini et Laura Bertolaccini, avec la
collaboration de Maria Ercadi, sous le Haut Patronage du Président de la
République italienne. Toutes les photographies et reproductions du livre
Paolo Portoghesi de Francesco Borromini exposées ou publiées dans le
catalogue ont été aimablement fournies par Giovanna Massobrio Portoghesi). |
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« All
Under One Roof - Revolutionising Basel’s Military Barracks” sous la
direction de Claudia Mion ; 22.5 x 33 cm, 224 p.; 181 illus. couleur et 50
b/w; Version Allemand / Anglais, Editions Park Books, 2023.
Les éditions Park Books livrent avec « Die Revolutionierung der Basler
Kaserne » ou « All Under One Roof - Revolutionising Basel’s Military
Barracks » une étude complète de la récente reconversion de la caserne
militaire de Bâle sur les rives du Rhin par le jeune cabinet d’architectes
bâlois Focketyn del Rio.
Appuyé par une vaste iconographie, l’ouvrage offre en effet une riche
analyse de cette réhabilitation de l’ancienne caserne de Bâle en un centre
culturel dynamique et vivant. Achevé en 2022, le kHaus propose aujourd’hui
plus de 3 000 m2 qui ont ainsi été aménagés en salle de théâtre, espaces et
salles de travail... Une reconversion décidée il y a une dizaine d’années,
en 2013 précisément, et menée sous l’élan créatif et dynamique de jeunes
architectes, ceux du Focketyn del Rio Studio à Bâle, ce jeune cabinet
d’architecture ayant en effet remporté le concours pour cette réhabilitation
en 2013, soit tout juste six mois après son ouverture !
Le lecteur pourra par cet ouvrage au format idéalement allongé découvrir
l’ensemble du process année après année de cette vaste et belle réalisation
architecturale ; Plans d’études, plans extérieurs et plans intérieurs étage
par étage, étapes de réhabilitation, photographies et interviews rythment
les différents chapitres de cette féconde étude.
Aujourd’hui, parfaitement intégrée à la ville de Bâle, cette reconversion
offre aussi une belle illustration de ce que peuvent apporter, bien au-delà
de Bâle et du Rhin, les diverses réhabilitations urbaines. À ce titre, cette
riche étude offre autant une fructueuse mise en valeur qu’une belle mise en
perspective. |
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Didier
Ben Loulou : « Judée », Éditions La Table ronde, 2023.
A la seule évocation du mot « Judée », la mémoire se libère avec ces
paysages brulés par le soleil, ces peuples de la Bible, Ammonites, Edomites,
Samaritains, pour certains disparus, d’autres encore présents, ayant tracé
en lettres d’espérance une partie de son histoire… Ce sont ces déserts de
Judée où l’ocre se dispute au beige, terre d’ombre, terre de Sienne que le
photographe Didier Ben Loulou nous propose de parcourir avec ce dernier
album dans lequel la vie, la mémoire, les angles et ces couleurs inimitables
font la signature, aujourd’hui internationalement reconnue, du photographe.
La pierre omniprésente dans ces espaces comme dans l’œuvre artistique du
photographe constitue le sceau du secret, celui qu’il appartient patiemment
de comprendre pour mieux saisir le destin de tant de civilisations en ces
terres. Un chemin en apparence esseulé, des graminées tendant leurs tiges
vers le ciel comme des orants, des ciels chargés annonciateurs de présages,
partout une végétation calcinée des attentes des hommes… Et pourtant,
parfois, au détour d’un chemin, le photographe capte l’improbable couleur
pourpre d’une tunique antique abandonnée, non partagée… Nombreux seront en
effet les symboles laissés avec parcimonie par ces photographies inspirées
de Didier Ben Loulou, telle cette grenade à la fois synonyme de fertilité et
de charité dont les grains se dispersent aux quatre vents. Les éléments sont
omniprésents dans ces pages parfois rudes et austères tels ce feu qui dévore
les broussailles ou ce vent que l’on devine sur les ramures de ces
vénérables oliviers.
La Judée ne fait pas que marquer le paysage mais cisèle aussi les corps de
celles et ceux qui y vivent depuis l’aube des temps. Peaux craquelées de
soleil, regards songeurs en pleine lumière, pieds momifiés par la terre.
C’est une Judée habitée, vivante, que nous livre au regard le photographe,
terre habitée d’hommes et de femmes, de chèvres, de nuages, du souffle du
vent ; terre, surtout, de mémoire, cette mémoire des pierres, quête patiente
et inlassable…
La Judée de Didier Ben Loulou transporte ses lecteurs plus loin encore que
les vastes horizons car l’artiste nous propose par ses photographies un
véritable voyage intérieur, quelques fruits sur l’étal d’une marchande, et
partout cette vie qui se passe de discours… |
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« John
Ruskin – Turner » ; Traduction et présentation de Philippe Blanchard, Coll.
Studiolo, Éditions de L’Atelier contemporain, 2023.
Les passionnés d’art et de littérature, les amoureux de Proust et d’Oscar
Wilde, savent combien sont d’une richesse aussi incomparable qu’intemporelle
les écrits de John Ruskin (1819-1900) notamment ses écrits sur Turner. Mais
comment retrouver ces derniers dans cette incommensurable somme que nous a
léguée l’écrivain et critique d’art anglais, auteur des célèbres « The
stones of Venice - Les Pierres de Venise » ? Aussi faut-il saluer cette
heureuse initiative des éditions de l’Atelier contemporain d’avoir regroupé
et agencé en un seul et même volume l’ensemble des écrits de Ruskin
consacrés exclusivement à Joseph Mallord William Turner, l’un des plus
grands artistes anglais du XIXe siècle avec John Constable.
Rappelons que Ruskin voua toute sa vie une passion sans faille pour le
célèbre artiste anglais qu’il découvrit à l’âge de treize ans lorsqu’on lui
offrit pour son anniversaire un livre de poèmes de Rogers principalement
illustré par Turner. Une passion précoce qui fit de lui un collectionneur
insatiable ; « Mes folies turnériennes » écrira Ruskin lui-même cinquante
ans plus tard dans « Praeterita » ! Et comment ne pas le comprendre face à
ces œuvres - dont une trentaine de reproductions jalonne ce « Studiolo » -
reconnaissables entre toutes, mais si fugaces ou évanescentes qu’elles en
demeurent pour le commun des mortels, au-delà de l’émotion visuelle,
indescriptibles…
Dans cet ouvrage intitulé simplement « John Ruskin / Turner », le lecteur
retrouvera avec ce plaisir toujours renouvelé, bien sûr, de larges passages
issus des « Modern Painters – Les peintres modernes », cette somme majeure
et unique que Ruskin entreprit initialement pour défendre l’artiste et qu’il
n’aura de cesse de compléter, de parachever sa vie durant, mais le lecteur
découvrira aussi des textes moins connus, extraits d’essais ou de catalogues
également consacrés au peintre. À noter que chaque chapitre, texte ou
extrait est introduit, présenté et replacé dans son contexte par Philippe
Blanchard préfacier et traducteur des écrits de Ruskin pour cette édition.
Agencés, selon un ordre choisi, judicieux, le lecteur percevra ainsi au
travers des thèmes de prédilection de Ruskin, la vérité, la nature,
l’imitation, le paysage, la mer et les bateaux…, cette spécificité,
subtilité et sensibilité qui ont fait le génie du célèbre peintre,
aquarelliste, dessinateur et graveur anglais, J.M.W. Turner.
Ruskin, lui-même très bon dessinateur, partagea bien des points communs avec
Turner : outre leur goût pour les voyages, tous deux présentaient surtout
une curiosité insatiable doublée d’une acuité des plus aiguisées. Aussi
n’est-il pas étonnant que le critique d’art ait si bien compris la
sensibilité du célèbre peintre et qu’il demeure encore aujourd’hui
incontestablement, ainsi que le souligne dans sa riche préface Philippe
Blanchard, « la voie royale pour accéder à la peinture de Turner ».
L.B.K. |
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« 300
Femmes peintres – Cinq siècles de femmes peintres » ; Collectif ; Préface de
Rebecca Morrill, Simon Hunegs et Maia Murphy ; Editions Phaidon, 2022.
Les éditions Phaidon ont eu l’heureuse idée de regrouper en un seul et même
volume pas moins de trois cents artistes peintres femmes ayant, chacune à
leur manière, marqué l’histoire de l’art !
Couvrant cinq siècles et traversant plus de soixante pays à travers le
monde, cet ouvrage demeure une somme unique. Alison M. Gingeras, écrivain,
commissaire d’exposition et conservatrice que l’on ne présente plus, se
réfère dans son introduction, bien sûr, pour appréhender le rôle et la place
des femmes - que cela soit en littérature et surtout en art - à l’une des
premières femmes de lettres Christine de Pizan au Moyen-âge ou encore plus
proche de nous, au XXe siècle, à l’historienne de l’art Linda Nochlin,
auteur notamment, en 1971, du fameux ouvrage « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de
grands artistes femmes ? ».
Issue ou représentant des mouvements ou courants très divers, chaque artiste
peintre est présentée en ces pages par un texte clair et concis et une œuvre
majeure. On songe ainsi à Mary Cassatt, à Marie Laurencin, à Judith Leyster
ou encore Frida Kahlo… Mais, le lecteur découvrira aussi aux côtés de ces
femmes peintres célèbres, des artistes reconnues plus tardivement, voire peu
connues ou injustement méconnues. Des femmes peintres d’hier qui nous disent
par leurs œuvres et vie leur siècle, mais aussi des artistes contemporaines,
d’ici ou de l’autre côté du globe, pour certaines à valeur montante et qui
nous entrainent à regarder vers demain et l’avenir…
Pour plus de facilité, l’ouvrage a retenu un ordre alphabétique complété
d’un glossaire par styles, mouvements et termes techniques. Le lecteur sera
étonné en découvrant au fil des pages la diversité et créativité ayant animé
ces femmes peintres d’hier et d’aujourd’hui, chacune ayant participé et
contribué de par son origine, son époque et style à écrire l’extraordinaire
histoire de la peinture. |
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«
Soliloques d’un peintre » ; Édition établie et présentée par Christine Gouzi
; 16 x 20 cm, 1104 p., L’Atelier contemporain Éditions, 2022.
Véritable somme réunie par Christine Gouzi sur le peintre Georges Rouault
(1871-1958), « Soliloques d’un peintre » prendra une place de choix dans la
bibliographie consacrée à celui qui fut le contemporain de Matisse, Derain,
Camoin et Manguin, ces « fauves » du Salon d’Automne de 1905. Ce mouvement
nommé fauvisme marquera en effet les esprits en ce début du XXe siècle en
donnant la primauté à la couleur sur le dessin. Artiste complet, peintre,
dessinateur, céramiste, graveur, illustrateur, Rouault sut également tenir
une plume et a laissé une production littéraire souvent méconnue que cet
ouvrage réunit de manière exhaustive avec ces 1104 pages.
Celui qui avait un faible pour les laissés pour compte, les gens du cirque,
sans oublier l’univers sacré, a en effet livré de nombreux témoignages sur
ses contemporains ; Gustave Moreau, bien entendu qui fut son maître à
l’École des Beaux-Arts, mais également Léon Bloy, Suarès, Huysmans.
Théoricien de l’art mais aussi poète, cet artiste fut décidément doué en de
multiples disciplines où la sagacité de son regard savait dépasser les lieux
communs.
Christine Gouzi, avec la collaboration d’Anne-Marie Agulhon, a accompli pour
cette parution inédite un travail de titan en réunissant l’ensemble de ces
articles pour la plupart d’entre eux dispersés et couvrant une période
allant de 1896 à 1958. C’est une véritable « rage d’écrire » qu’évoque
Christine Gouzi en introduction rappelant que Georges Rouault tenait
l’écriture pour une nécessité presque aussi grande que la peinture, ce qui
laisse une petite idée de la place occupée par cette nécessité vitale.
Écrivant la plupart du temps la nuit alors qu’il était insomniaque, le
peintre cherchait ainsi à apaiser ses craintes et doutes grâce à cette
écriture cathartique. Laissant ses témoignages sur des papiers épars et de
diverses natures, la production littéraire de Rouault n’a pas facilité le
présent travail d’édition remarquablement réalisé. Replacés dans leur
contexte, ces écrits, dont de nombreux inédits, témoignent de l’engagement
protéiforme de cet homme épris d’absolu dont la poésie fut loin d’être la
portion congrue.
Ces « Soliloques d’une peintre » devraient passionner toute personne éprise
non seulement d’art, mais également de découvertes, telles celles qui
animèrent toute sa vie cet esprit curieux et engagé que fut Georges Rouault. |
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Jean-Gabriel Causse : « L’étonnant pouvoir des couleurs », Flammarion, 2022.
L’influence des couleurs sur nos humeurs est aujourd’hui bien connue, mais
en connaissons-nous pour autant tous les tenants et aboutissants ? C’est
pour répondre à nos multiples interrogations en ce mystérieux domaine que
Jean-Gabriel Causse nous livre analyses et découvertes les plus récentes
dans ce passionnant ouvrage « L’étonnant pouvoir des couleurs » aux éditions
Flammarion. L’auteur, designer, conseiller et membre du Comité Français de
la Couleur, a fait choix de proposer une riche approche thématique allant de
la relaxation à la mémorisation en passant par le marketing ou encore
l’apprentissage... De captivants thèmes savamment développés souvent avec
humour et confirmant « L’étonnant pouvoir des couleurs » sur nos
comportements et perceptions. Couleurs et pharmacologie, couleurs et odorat,
couleurs et vente en ligne sans oublier un chapitre entier consacré au choix
des couleurs même. Alors violet, bleu ou orange ? Harmonie, énergie, calme
ou liberté ? Eh ! Oui, « voir la vie en rose est une réalité
scientifiquement prouvée » et « on travaille mieux dans la couleur »
souligne Jean-Gabriel Causse.
Préalablement à ces thèmes, l’auteur nous invite à découvrir les couleurs,
leur perception, leur nombre et température, sans oublier ces étranges
illusions d’optique. Et même si les couleurs n’existent pas en tant que
telles, mais par notre regard, que ce soit de A à Z ou en zapping, ce livre
regorge d’informations et réflexions étonnantes, ludiques et instructives.
Êtes-vous sûr que le rouge soit une couleur chaude ? Et sommes-nous
réellement plus forts habillés en rouge ? Et le vert n’est-il pas
étonnamment la couleur la plus légère ?
Plus de 200 pages, un sommaire riche de plus 40 thèmes pour un captivant
ouvrage assurément haut en couleur… De quoi répondre à plus d’une
interrogation et bien plus encore ! |
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« Top
secret – cinéma & Espionnage » sous la direction de Matthieu Orléan et
Alexandra Midal, 288 p., 176 x 242 mm, Broché, La Cinémathèque française /
Flammarion, 2022.
Passionné et passionnées d’espionnage et du 7e art, cet ouvrage est pour
vous ! Innombrables sont, en effet, les films traitant de ce thème porteur
qui ont su réunir non seulement un nombre d’acteurs ahurissant depuis le
cinéma muet et noir et blanc jusqu’à nos jours mais également, de l’autre
côté de la toile, un nombre non moins croissant d’amateurs du genre… Fort de
ce constat, cette publication qui constitue le catalogue de l’exposition se
tenant actuellement à la Cinémathèque française jusqu’en mai 2023
transportera le lecteur dans les coulisses de ces films où agents secrets,
agents doubles et parfois même triples redoublent de sagacité pour tromper
l’ennemi et parvenir à recueillir les informations convoitées par les
puissances pour lesquelles ils travaillent en service commandé.
La palette du genre apparaîtra impressionnante en lisant ce catalogue plus
que complet et réunissant des textes passionnants signés notamment de
Pauline Blistène, de Luc Boltanski, Bernard Eisenschitz et bien d’autres
encore. « Top Secret » explore ainsi cet univers bien particulier qui
possède ses propres codes, parfois totalement fantaisistes au gré des
scénaristes, d’autres fois calqués sur la réalité. Impressionnante est la
liste des réalisateurs prestigieux qui se sont laissés convaincre par ce
genre, parfois considéré à tort comme mineur, Fritz Lang, Alfred Hitchcock,
Kathryn Bigelow, Brian De Palma, John Huston ou Laura Poitras feront la
preuve grâce à leur art du contraire à travers des films de légende.
À souligner enfin que ce catalogue à l’iconographie remarquable a retenu
fort à propos la forme d’un abécédaire avec des interviews inédites de
cinéastes et d’acteurs, des textes témoignant de la diversité de ces films
selon la situation géopolitique qui les a vus naître. Véritable bible du
film d’espionnage, « Top Secret » figurera assurément en bonne place dans
toute bibliothèque de cinéphile ! |
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« Dear
to Me - Peter Zumthor in Conversation” ; Edited by Peter Zumthor, 18
booklets in slipcase, 444 pages, 9 color illustrations, 12.5 x 21 cm,
Editions Scheidegger & Spiess, 2021.
Une importante exposition réalisée en 2017 intitulée « Dear to me » et
organisée par le célèbre architecte suisse Peter Zumthor a donné lieu à
l’édition de cet exceptionnel ouvrage publié par les éditions Scheidegger &
Spiess. Exceptionnel quant à la qualité tout d’abord des personnes qui y ont
concouru puisque Peter Zumthor a su s’entourer de personnalités aussi
diverses qu’avec Anita Albus, Aleida Assmann, Marcel Beyer, Hélène Binet,
Hannes Böhringer, Renate Breuss, Claudia Comte, Bice Curiger, Esther Kinsky,
Ralf Konersmann, Walter Lietha, Olga Neuwirth, Rebecca Saunders, Karl
Schlögel, Martin Seel, Rudolf Walli et Wim Wenders… Cette profusion
artistique a ainsi nourri cet ouvrage lui-même original quant à sa forme
avec pas moins de dix-sept livrets ou conversations réunies, ici, en un
luxueux boitier.
L’esthétique sobre et raffinée, enfin, qui préside à cette édition met
idéalement en valeur la remarquable qualité de ces conversations qui ont été
réunies convoquées, recueillies et rassemblées en ces pages par les soins de
Peter Zumthor. C’est dans le cadre alpin de l’atelier du célèbre architecte
que ces personnalités de tous horizons du monde de la culture sont venues
débattre de thèmes aussi divers que la philosophie, le cinéma, la
littérature, l’histoire, l’art, la photographie, etc. Ces dialogues révèlent
ainsi les grandes approches contemporaines des arts avec comme fil directeur
l’architecture reliant ces diverses disciplines. Les conversations libres et
passionnantes stimulent l’esprit et la créativité, ce qu’avait souhaité
avant tout le célèbre architecte pour ces rencontres dont le lecteur pourra
retrouver l’essence en ces ballades intellectuelles fascinantes servies par
une iconographie des plus inspirantes. |
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« Vita
Nuova - Nouveaux enjeux de l’Art en Italie 1960 – 1975 », MAMAC Snoeck
éditions, 2022.
La créativité de l’art italien de la deuxième partie du XXe siècle reste
encore à explorer en France où elle demeure quelque peu méconnue.
L’exposition qui vient de se tenir au musée d’Art moderne et d’Art
contemporain (MAMAC) de Nice est venue avec bonheur y contribuer ainsi que
le présent catalogue publié par les éditions SnoecK.
Deux décennies italiennes - du début des années 1960 jusqu’au milieu des
années 70 - ont connu en effet une rare effervescence dans les arts qu’il
s’agisse du cinéma, de la littérature, de la peinture sans oublier la
photographie et bien d’autres arts encore dont les pages de cet ouvrage
abondamment illustrées témoignent. Rome, Milan, Turin, Gênes sont autant de
pôles créatifs ayant réuni en ces années foisonnantes de nombreux artistes
qui tenteront, chacun à leur manière, de traduire les profondes mutations
vécues par la société italienne à cette époque. L’industrialisation, les
médias, la société de consommation opèrent en effet des changements radicaux
– pour certains irréversibles - dans le quotidien des Italiens, ce que
dénonça très tôt le grand intellectuel Pier Paolo Pasolini dans ses
multiples créations. Les corps, la nature font ainsi l’objet d’une relecture
d’un grand nombre de ces artistes qui proposeront de nouvelles approches
tout autant dans la photographie que la peinture, et autres multiples
installations qui tenteront d’appréhender ce modernisme envahissant.
Au-delà des instabilités politiques et sociales, ces créateurs persistent et
ouvrent les portes de la modernité tels Giosetta Fioroni, Mario Schifani,
Franco Angeli, etc. Cette vision pluridisciplinaire retenue par l’exposition
et le catalogue qui l’accompagne rend parfaitement compte de cette
complexité qui s’installe en ces années phares, complexité qui n’a pas fini
d’entrelacer ses questionnements… |
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«
Buchner Bründler—Buildings II » de Ludovic Balland, 528 pages, 295 color and
816 b/w illustrations and plans, 23 x 27 cm, Editions Park Books, 2022.
Les noms de Daniel Buchner et Andreas Bründler ont largement émergé dans le
monde de l’architecture suisse depuis que ces deux créateurs bâlois ont eu
l’heureuse idée de créer leur studio en 1997. Emblématique de la jeune
génération suisse d’architecture, Buchner Bründler Architects a su
rapidement se distinguer par d’impressionnantes créations, des créations à
nulles autres pareilles présentées et commentées dans ce deuxième volume
entièrement consacré à la décennie 2010-2020.
Une quinzaine de projets font ainsi l’objet d’une analyse détaillée dans ces
pages aussi inspirantes qu’instructives et agrémentées de près de 1500
photographies, croquis, plans et visualisations. Qu’il s’agisse de nouvelles
constructions ou de restaurations, le style Buchner Bründler se définit et
s’impose, page après page, par ses concepts propres aux deux architectes de
spiral of Infinity ou encore d’espaces virtuels posant de manière pertinente
la question des rapports entretenus par toute construction avec son
environnement.
Conçu à la manière d’un « cabinet de curiosités », ce fort volume concentre
en ses pages toute l’étendue de la créativité des deux architectes, qu’elle
s’exprime à petite échelle en des volumes réduits ou au contraire sur une
large échelle en Suisse comme en Allemagne. Cette analyse est également
complétée par l’étude d’une cinquantaine de projets non réalisés. Ces
projets restés à l’état de plans offriront à n’en pas douter une source
d’informations et d’inspiration à de nombreux architectes ainsi qu’à toute
personne cherchant une voie originale et créative pour un projet de
construction.
Enfin, ce beau livre sera assurément en tant que tel source d’inspiration et
d’esthétique à l’image de cette métamorphose entreprise sur la Casa Mosogno
en Suisse au cours des années 2014-2018.
Contributions de Tibor Joanelly, Urs Stahel, Franziska Schürch, Oliver
Schneider et Ludovic Balland. Préface de Daniel Buchner et Andreas Bründler. |
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«
Sumi-e » de Koike Shozo, Editions Nuinui, 2019.
Véritable bible de la peinture japonaise sumi-e, l’ouvrage consacré à cet
art par le maître japonais Shozo Koike (qui vit en Italie où il dispense son
art) s’avèrera incontournable à celles et ceux souhaitant s’initier à cette
pratique picturale.
Épurée et allant à l’essentiel, la peinture sumi-e rejoint les sources du
zen dans cet art minimaliste de l’évocation de la nature, faunes et autres
objets du quotidien. Pratiquée avec seulement un pinceau, une pierre d’encre
de Chine et du papier japonais, celle-ci se trouve en ces pages expliquée en
termes clairs et didactiques par l’auteur qui n’hésite pas à en rappeler les
étapes, planche après planche.
Quelques traits épurés évoquent spontanément une forêt de bambous sous la
neige, un prunus en fleurs ou encore des montagnes éloignées en autant de
sujets de cet art hérité de la Chine et de la dynastie Tang (618-907). Ce
sont les moines bouddhistes zen japonais qui introduisirent cette pratique
dans la culture de leur pays, et depuis à l’origine de merveilleuses
créations. Tout est question de souffle et de posture mais aussi de
tranquillité d’esprit, à l’image d’une méditation zazen. Une pression du
bras en trop et le trait s’épaissit excessivement, à l’inverse un
effleurement trop léger sera insuffisant pour suggérer le paysage souhaité.
Ce sont aux techniques de base de cet art subtil auquel nous convie cet
ouvrage très pédagogique et agrémenté de nombreuses illustrations
indispensables au pratiquant. |
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« L'Impressionnisme » de Valérie Mettais, Coffret
l'essentiel, 18,4 x 25,7 cm,
192 pages, Éditions Hazan, 2022.
Le coffret « L’Impressionnisme » réalisé par Valérie Mettais est parvenu à
concentrer en moins de 200 pages une belle synthèse aussi attractive que
didactique de ce courant majeur de la peinture né dans le dernier tiers du
XIXe siècle. Poursuivant la présentation originale de la collection en
format « accordéon » associant une sélection de 55 œuvres majeures
représentatives de l’art de l’impressionnisme, ce coffret est publié à
l’occasion de l’exposition « Le décor impressionniste - Aux sources des
Nymphéas » au musée de l’Orangerie.
Parvenant à évoquer les œuvres de personnalités aussi différentes que Monet
et Renoir, Pissarro ou Degas, cet ouvrage toujours agréable à déplier
permettra au lecteur de rapidement constater ce qui unit tous ces artistes
épris de nature et de couleurs ; Une attraction commune pour la libération
des formes et un désir partagé d’évoquer les sensations nées d’impressions
au contact de la nature. Ce livre est complété par une notice sous la forme
d’un cahier joint détaillant l’origine des œuvres et en rappelant les
notions essentielles.
Un beau voyage sous la forme d’une exposition temporaire chez soi. |
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"Le
bonheur dans la littérature et la peinture" de Pascal Dethurens ; 221 x 280
mm, 192 pages, Editions Hazan, 2022.
Vaste sujet que le bonheur ! Sujet fécond surtout lorsqu’il est recherché
tant dans la littérature que dans la peinture… Une quête pleine de couleurs
et de surprises dont s'est saisi Pascal Dethurens et qu’il nous fait
partager avec cet attrayant catalogue paru aux éditions Hazan.
Le bonheur, cette notion qui a animé les philosophes dès la plus haute
antiquité n’a, il est vrai, cessé d’inspirer aussi bien les artistes que les
historiens, écrivains, romancier ou essayistes… C’est à cette quête croisée
et belle aventure, tâche ardue, cependant, à laquelle s’est attaché Pascal
Dethurens, professeur de littérature comparée et spécialiste des liens entre
arts et littérature. Ce bel ouvrage servi par un long et riche texte et par
une iconographie aussi inspirante qu’évocatrice transporte le lecteur dans
ces liens ténus entre sentiment de plénitude prêté au bonheur et création en
occident. Convoquant Marc Aurèle, Roger Caillois, Mircea Eliade... en regard
de Matisse, Bonnard, Léger et tant d’autres, l’ouvrage s’égrène tel un
sablier empli de sable précieux…
Instant rare et souvent fugace, le bonheur fait tour à tour l’objet
d’adulation ou de méfiance selon les courants de pensée au fil des siècles.
La subjectivité entre ainsi au cœur de cet état délicat proche, parfois, de
la nostalgie. Réminiscences éparses d’instants précieux, états de plénitude
face à l’immensité de la nature, émerveillements du quotidien le plus
infime, chaque occasion – grande ou petite – peut ouvrir au bonheur ainsi
qu’en témoignent les œuvres d’art et extraits d’œuvres littéraires réunis
par l’auteur. Si le lecteur veut un exemple concret, qu’il s’attarde sur ce
premier tableau reproduit dès les premières pages de l’ouvrage, une œuvre de
Pierre Bonnard, peintre de l’hédonisme et qui parvient à saisir si justement
ces quelques fractions d’éternité sur « La Terrasse à Vernonnet » en 1939,
plénitude des couleurs et de la lumière dont « La fête de Saint-Nicolas » de
Jan Sten à la page suivante constitue l’habile contrepoint avec cette
adorable petite fille serrant sa poupée comme un trésor unique…
Bonheur d’aimer, plaisir des dieux, intimité ou extase, nature sublimée,
plénitude spirituelle, tels sont quelque un des thèmes abordés dans cette
réflexion délicatement menée par un auteur lui-même inspiré ! |
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«
Napoli – Super modern »; Sous la direction du LAN - Local Architecture
Network, de Benoit Jallon, d’Umberto Napolitano et du Laboratoire R.A.A.R. ;
24 x 30 cm, 232 pages, Éditions Park Books, 2020.
Avis aux amoureux de l’Italie, Naples, et bien sûr, aux architectes, la
parution aux éditions Park Books de ce riche ouvrage entièrement consacré à
l’évolution architecturale moderne de Naples dans les années 1930 à 1960. Un
angle de vue architectural rarement étudié et que cet ouvrage sous la
direction de Benoît Jallon, associé fondateur du LAN (Local Architecture
Network) à Paris et de Umberto Napolitano appartenant également au LAN,
révèle avec autant de passion que de précisions.
Avec une iconographie exceptionnelle, notamment les photographies du célèbre
photographe français Cyrille Weiner, cet ouvrage apporte bien des éclairages
sur la construction moderne de cette ville italienne à nulle autre pareille.
Ainsi si Umberto Napolitano revient sur la genèse de cette modernité, Cyril
Weiner souligne la « Douce assimilation » de cette évolution architecturale
des années 1930 à 1960. Avec ses nombreuses contributions, dont celles
également de Manuel Orazi et de Guianluigi Freda, ses plans et détails
architecturaux, c’est un regard et surtout une riche analyse que propose «
Napoli – super modern » sur cet aspect moderne moins connu de cette
métropole portuaire unique du sud de l’Italie.
Une féconde étude d’ensemble appuyée également par un « Atlas » de dix-huit
bâtiments majeurs de Naples datant de 1930 à 1960 comportant plans,
élévations et coupes notamment le fameux « Cube d’or » ou encore le Teatro
Mediterraneo ; Un « Atlas » accompagné et éclairé par les textes d’Andréa
Maglio qui signe également « Of a « Conciliatory » Modernity : Naples
1930-1960 ». |
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"
Camées et intailles, l’art des pierres gravées " de Philippe Malgouyres,
Hors série Découvertes, Gallimard / L’Ecole des Arts Joailliers, 2022.
A l’occasion de l’exposition consacrée à l’art des pierres gravées à L’École
des Arts Joailliers de Paris, les éditions Gallimard publient sous la plume
de Philippe Malgouyres une heureuse synthèse sur cet art trop souvent
méconnu. La pratique de tailler une pierre précieuse ou semi-précieuse
remonte à la plus haute antiquité et n’a cessé de gagner en raffinement
depuis ainsi qu’en témoigne ce numéro Hors-série Découvertes abondamment
illustré. L’auteur, conservateur en chef du patrimoine au département des
objets d’art du musée du Louvre et spécialiste de la glyptique – art de
graver les pierres – souligne combien ces pièces pour certaines
exceptionnelles sont nées du dialogue entre la pierre et la main de l’homme.
Relevant la difficulté quant à leur classement, souvent fantaisiste et moins
rigoureux que pour les espèces vivantes, l’ouvrage rappelle combien ces
imprécisions ont su nourrir une poésie certaine dont ces créations
témoignent au fil des siècles. Depuis le IIIe millénaire av. J.-C., ces
pierres provenant majoritairement d’Inde, feront l’objet de techniques, s’il
en était besoin, le degré de maîtrise et d’excellence atteint par de
nombreux graveurs. Rappelant les fonctions et usages de ces bijoux dès le
Proche-Orient antique, ce petit ouvrage aux inoubliables photographies
transportera le lecteur en un délicat voyage où poésie minérale et art ont
su composer les plus belles créations. |
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« Johan
Celsing – Buildings Texts » ; Sous la direction de Pamela Johnson avec les
contributions de Claes Caldenby, Johan Celsing et Wilfried Wang ;
Photographies de Ioana Marinescu ; Relié, Editions Park Books, 2021.
Johan Celsing a su s’imposer comme l’un des plus talentueux architectes
suédois contemporains. Une telle monographie entièrement consacrée à Johan
Celsing et à l’ensemble de son œuvre était donc vivement attendue. C’est
aujourd’hui chose faite avec ce fort volume de plus de 400 pages « Johan
Celsing – Buildings Texts » sous la direction de Pamela Johnson et publié
aux éditions Park books.
Johan Celsing, né en 1955, a, en effet, travaillé sur des créations très
diverses, allant de musées, bibliothèques, galeries, institutions publiques
à des habitats privés, et même des églises ou lieux de prières. Au fil des
pages de ce riche volume, le lecteur découvrira cependant une ligne
directrice et une conception homogène que le grand architecte n’a eu de
cesse de suivre. Il faut donc saluer cette belle et complète monographie
réunissant l’ensemble des travaux de Johan Celsing, aujourd’hui directeur du
Johan Celsing Architektkontor comprenant des studios basés à Stockholm et
Malmö. Johan Celsing est également professeur d'architecture au KTH Royal
Institute of Technology de Stockholm.
Appuyés par les photographies de Ioana Marinescu, plans, projets et
réalisations – plus de 600 illustrations, se succèdent au grès des
nombreuses contributions de ce fort beau volume dont celles de Claes
Caldenby et de Wilfried Wang soulignant le caractère intemporel des
créations de Johan Celsing. Le lecteur découvrira également des écrits
passionnants signés de Johan Celsing lui-même. Une riche monographie
incontournable qui devrait s’imposer en ouvrage de référence. |
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« L’Art
en Mouvement ; Immersion dans le réseau de transport parisien » d’Anaël
Pigeat ; Photographies de Philippe Garcia ; RATP / Éditions La Martinière,
2022.
Le métro parisien a fait entrer notamment ces dernières décennies l’art.
Mais, connaît-on pour autant ces œuvres d’art qui jalonnent, ici ou là, les
stations et couloirs de métro de la capitale ? A-t-on déjà pris le temps de
les regarder et d’en connaître l’histoire ? C’est pour répondre à ces
légitimes interrogations que la RATP en collaboration avec les éditions La
Martinière viennent de publier « L’art en Mouvement », un attrayant ouvrage
revenant sur une vingtaine d’œuvres présentes sur les lignes du métro d’Ile
de France. Des œuvres d’art du passé, emblématiques, telles ces entrées de
station dans le pur style Art nouveau signées Hector Guimard et encore
tellement aimées de nos jours... Mais, aussi des œuvres proposant « Des
dialogues avec la ville » d’artistes français et du monde entier ; on songe
à Françoise Schein à la station Concorde, au Nautilus de François Schuiten
pour la station des Arts et Métiers ou encore à Carlos Sarrabezollers à la
station Richelieu-Drouot. Appuyé par les belles photographies de Philippe
Garcia, chaque sous-chapitre consacré à un artiste revient sur plusieurs
pages sur l’œuvre, sa genèse et son histoire. Indiquant station et lignes de
métro, ces sont de véritables « Voyages intérieurs » et « Ouvertures sur le
monde », des mondes à explorer, que livrent au regard ces œuvres d’art
signées notamment Hugues Reip sur la ligne 4 ou les « Energies » de
Pierre-Yves Trémois dans la gare d’échange du RER de Chatelet-Les Halles ou
encore Philippe Baudelocque à la station du même nom.
Un séduisant ouvrage offrant une jolie et instructive immersion dans cette
culture toute métropolitaine. |
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« Milan
- Au coeur de la création contemporaine » de MARIE-ASTRID ROY ; Préface de
Béatrice Trussardi, Tommaso Trin ; collection 10+100, Ateliers Henry Dougier,
2022.
La Collection 10+100 des Ateliers Henry Dougier accueille un nouveau titre
consacré à la ville de Milan en Italie signé Marie-Astrid Roy. L’auteur,
passionnée d’Italie et vivant dans la capitale lombarde, a décidé pour le
plus grand bonheur des amoureux de la ville de la mode et de la culture de
nous faire profiter de ses adresses et lieux incontournables à partir de 10
artistes et 100 lieux iconiques de son choix ainsi que le veut le titre de
la collection.
Avec cet ouvrage passionnant et abordant autant de chemins de traverse que
la ville peut en susciter, nous découvrons une autre Milan au fil de ses
créateurs tels Stefano Boeri, Giacomo Moor, Anna Franceschini et bien
d’autres encore ayant accepté de livrer leur témoignage sur la ville ; des
visions non seulement d’artistes mais également de Milanaises et de Milanais
d’adoption ou de naissance.
Fort de ces témoignages, le guide propose cinq parcours afin de (re)découvrir
100 lieux, pour certains emblématiques tel le Mudec, pour d’autres plus
secrets notamment l’Armani/Silos… Dans tous les cas, c’est une autre ville
qui s’ouvre au lecteur avec sa modernité et ses traditions cohabitant en une
harmonie sans cesse revisitée, l’auteur sachant mieux que quiconque en faire
partager la magie et nous donner l’envie de découvrir son charme et ses
trésors qui pour certains remontent à la plus haute antiquité.
Un guide précieux à emporter sans faute avec soi pour son prochain voyage en
Lombardie ! |
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«
Claude Monet – fragments d’une vie » de Gérard Poteau ; Relié, 16 x 22 cm,
200 pages, Éditions des Falaises, 2021.
Avec « Claude Monet - fragments d’une vie » Gérard Poteau nous invite à
entrer dans l’intimité du Père de l’impressionnisme. L’ouvrage débute avec
les quatre-vingts ans de cette stature hors du commun, dans sa demeure, à
Giverny. Comment effectivement ne pas entrer dans l’intimité de Claude Monet
sans évoquer cette demeure rose ? Giverny avec sa salle à manger jaune, sa
cuisine bleue et surtout son jardin, ses ponts japonais et ses fameux
nymphéas, aujourd’hui célébrés dans le monde entier.
Dans un style très agréable, Gérard Poteau– déjà auteur de récits
biographiques, livre ici un intime portrait du peintre : Monet et « Camille
et Alice » ses épouses, ses amis et rencontres. Illustré de toiles du
maître, mais aussi par de nombreuses photographies, ce récit qui se veut
entre biographie et roman s’appuie notamment sur la vaste correspondance de
Claude Monet. Le lecteur retrouvera ainsi le peintre dans son atelier, dans
son jardin dont il dessina les allées et choisit les essences et presque
chaque fleur. On se surprend même à s’inviter à ce fameux « déjeuner » et «
à attendre les deux coups de gong qui annoncent l’heure du repas chez les
Monet »…
Une jolie immersion tant dans l’œuvre que la vie de l’un des plus grands
peintres de l’histoire de l’art. |
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« Paul
Signac – l’air du large » de Marina Ferretti Bocquillon ; Relié, 22 x 16.5
cm, 80 pages, Éditions des Falaises, 2021.
Dans le même esprit de jolies escapades, Marina Ferretti Bocquillon nous
convie avec ce petit ouvrage à une croisière maritime au grès des toiles et
marines de Paul Signac. L’auteur, spécialiste du célèbre peintre,
responsable notamment des Archives Signac, sait combien ces thèmes, les
ports, la mer et les bateaux ont été des thèmes chers à l’artiste. Un amour
de la mer et des couleurs que Paul Signac néo-impressionniste chérira pour
ses œuvres toute sa vie, de la Normandie à la Méditerranée, mais aussi la
Bretagne ou encore l’Italie et Venise. Fécamp, Port-en-Bessin, Saint-Briac,
Portrieux, Concarneau, Antibes ou Constantinople, chaque œuvre surprend par
ses variations, ses transparences et jeux de lumière. Antibes sous un arc en
ciel, Saint Tropez sous ou après l’orage… Ainsi que le souligne l’auteur : «
Apôtre de la pureté des teintes, Paul Signac a dédié son existence à l’étude
de la couleur ». Ce dernier signera d’ailleurs un essai et traité
chromatiques aujourd’hui conservé aux Archives Signac. Se révèlent ainsi au
regard, page après page, toile après toile, toute la subtilité et les
variations, reflets et couleurs de la palette de Paul Signac que ce soit en
qualité de peintre, d’aquarelliste ou dessinateur.
Un bel et agréable « Air du large » ! |
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« Julie
Manet – la Mémoire impressionniste » ; Catalogue de l’exposition éponyme -
musée Marmottan Monet sous la direction de Marianne Mathieu ; Relié, 22 x
28.5 cm, 324 pages, 250 illust., Editions Hazan, 2021.
« La mémoire impressionniste » ! Quel plus joli et pertinent titre pouvait
être retenu pour cette superbe et unique monographie consacrée à Julie Manet
(1878-1966), catalogue accompagnant l’exposition éponyme actuellement au
musée Marmottan Monet. Julie Manet se trouva en effet au centre même de ce
fabuleux mouvement dénommé « l’impressionnisme » qui allait bouleverser
l’histoire de l’art. Qu’on en juge ! Julie fut la fille unique de Berthe
Morisot et seule nièce d’Édouard Manet, frère de son père Eugène Manet. Elle
posera très tôt pour les plus grands peintres de Renoir aux peintres
impressionnistes dont Monet ou encore Degas sans oublier, bien sûr, sa mère
Berthe Morisot, avant de devenir elle-même une artiste accomplie et une
collectionneuse avertie. « Julie rêveuse » ou « Julie Manet au chapeau
liberty » peinte par sa mère, Berthe Morisot, en 1894 et 1895 ou par Pierre
Auguste Renoir, « Julie Manet à la robe rose et au chapeau à fleurs de
pommier » en 1899… « Un art naturel de la pose » que développe Dominique
D’Arnoult.
L’ouvrage sous la direction de Marianne Mathieu retrace au travers de riches
contributions la vie de cette figure incontournable de l’impressionnisme :
son enfance, orpheline à treize ans, son mariage, mais aussi sa vie
d’artiste et de femme. Julie Manet s’engagea à faire connaître les œuvres de
sa mère et de son oncle. Elle voua un amour immodéré à l’art, et c’est avec
passion qu’elle réunira une belle et vaste collection avec son mari Ernest
Rouart, fils d’Henri Rouart. Son journal qu’elle tiendra de 1893 à 1899
révèle, ainsi que le souligne Claire Gooden dans sa contribution, une belle
qualité de jugement. C’est cette vie faite de toiles, tableaux et de dessins
que le lecteur découvrira en ces pages. Julie Manet sera, en effet, toute sa
vie entourée des plus grands noms et œuvres de l’impressionnisme à commencer
par sa mère, Berthe Morisot, première peintre impressionniste. Que de
rencontres pour cette femme qui à la fin de vie, toute de noire vêtue,
n’aura quasiment jamais quitté l’immeuble familial de la rue Villejuste !
Avec plus de trois cents pages, ce sont ces années et tournant de siècle que
l’ouvrage traverse, livrant ainsi au lecteur mille et une facettes de Julie
Manet.
Appuyé par une vaste iconographie, de nombreux documents et photographies
pour nombre inédits, cet ouvrage offrant la première monographie dédiée à
Julie Manet ne peut indéniablement que s’imposer au titre d’ouvrage de
référence. Incontournable ! |
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«
Comment regarder un tableau » de Françoise Barbe-Gall, Éditions Chêne, 2021.
C’est un ouvrage fort utile, voire précieux, que signe Françoise Barbe-Gall
aux éditions Chêne : « Comment regarder un tableau ». Qui, il est vrai, ne
s’est jamais senti, un jour, dérouté devant une toile ? Or, partant du
postulat que regarder et appréhender une œuvre s’apprend, que l’œil et le
regard peuvent s’éduquer, l’auteur, historienne de l’art et enseignante,
livre en ce fort volume didactique et passionnant de plus de 300 pages une
multitude de clés pour mieux regarder et saisir un tableau. Une
problématique que l’auteur connaît mieux que quiconque puisque cette
dernière a fondé l’association CO.RE.TA , comprenez « COmment REgarder un
TAbleau », pour laquelle elle assure et donne de nombreuses conférences.
Françoise Barbe-Gall a en effet à cœur de transmettre et de rendre
accessibles ces clés de lecture permettant à tout un chacun d’aiguiser à son
rythme et selon ses expériences son regard. Car « apprendre à regarder un
tableau suppose, avant toute chose, que l’on veuille bien, littéralement, en
croire ses yeux. » souligne l’auteur. C’est cette expérience aussi féconde
qu’indispensable que nous livre ainsi l’historienne de l’art dans ce
captivant ouvrage. Appuyé par une riche iconographie, l’ouvrage propose, en
effet, une progression réfléchie en six chapitres allant d’« Une simple
réalité » à « La douceur d’un tableau » en passant par « Les déformations du
visible » ou encore « La confusion des apparences ».
L’auteur n’entend pas cependant, en ces pages, bannir nos impressions
premières, mais bien à partir de ces dernières nous apprendre à saisir
pleinement le sens d’une œuvre, notamment « Deviner ce qui n’est pas dit »,
« renoncer aux évidences » ou encore « Prendre le temps de se tromper »...
Pour cela, sur le fondement de plus de 40 tableaux et artistes majeurs de
l’histoire de l’art (Giotto, Botticelli, Raphaël, mais aussi Bacon, Soulages
ou Rothko, etc.), l’ouvrage livre une analyse claire et pédagogique de
chaque œuvre allant d’une vision d’ensemble à l’étude des détails
signifiants, offrant ainsi au lecteur une fructueuse mise en perspective
didactique ou une clé de lecture, tel que « Découvrir l’essence d’un
caractère », « Voir naître la lumière » ou « Apprendre l’attente »…
À ces thèmes-clés d’étude, viennent s’ajouter en correspondance pour chaque
point abordé 42 pages de « Post-scriptum » comprenant repères et tableaux
chronologiques, historiques ou culturels permettant au lecteur curieux
d’aller plus loin et d’aiguiser plus encore son regard.
Un ouvrage aussi riche que plaisant pour accompagner ses escapades
culturelles. |
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«
Impressionnisme ; De Giverny à la Norvège » de Hayley Edwards Dujardin,
Collection «Ça, c’est de l’art », éditions Chêne, 2021.
Pour une approche toujours plaisante et surprenante, il faut retenir dans la
fameuse collection « Ça, c’est de l’art » l’ouvrage « Impressionnisme ; De
Giverny à la Norvège. » d’Hayley Edwards Dujardin aux éditions Chêne. Un
ouvrage didactique relevant le défi de présenter en 40 notices les plus
grands peintres et œuvres de l’impressionnisme tout en offrant au lecteur
bien des surprises et étonnements. Hayley Edwards Dujardin, historienne de
l’art et de la mode, sait en effet plus que tout autre surprendre et capter
la curiosité. Anecdotes, détails, repère chronologique foisonnent à chaque
page faisant ainsi revivre l’un des plus grands mouvements artistiques de
l’histoire de la peinture. Sait-on par exemple que Pissarro sera le seul
impressionniste à participer aux huit expositions des impressionnistes ? En
revanche, Manet, bien que désigné par ces derniers de chef de file, ne se
considérait pas impressionniste et ne participera pour sa part à aucune de
leurs expositions…
Des incontournables aux plus inattendus, les thèmes privilégiés (les meules,
la plage, les cathédrales, etc.), les lieux (Giverny, La Montagne
Sainte-Geneviève, La Ciotat, etc.) et œuvres majeures défilent délivrant à
chaque page leurs secrets, précisions historiques, influences ou clins
d’œil. Ainsi si l’on retrouve en fin d’ouvrage, en 1895, Monet en Norvège,
le lecteur pourra aussi dans ces rendez-vous inattendus croiser dans la «
Loge aux Italiens » Eva Gonzalès ou encore à la « Gallery of HMS Calcutta »
Jacques Joseph devenu James Tissot…
On découvre ou redécouvre, l’œil s’enchante devant cette incroyable lumière
à nulle autre pareille, ces couleurs et impressions qui ont fait de ce
fantastique mouvement nommé impressionnisme, au-delà du foisonnement des
individualités, l’un des courants majeurs de l’histoire de l’art. |
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« Rouge
: de Pompéi à Rothko » de Hayley-Jane Edwards-Dujardin, collection « Ça,
C'est de L'art », Chêne éditions, 2021.
Avec ce dernier ouvrage paru aux éditions Chêne, Harley Edwards-Dujardin
enquête sur l’une des couleurs les plus anciennes, le rouge. Une couleur
associée aux premières représentations de l’homme sur les parois des
grottes.
Selon une formule déjà classique pour cette collection, grâce à 40 notices,
l’auteur retrace le parcours pour le moins singulier de cette couleur la
plus éclatante et repérable qui soit. Couleur des passions et des extrêmes,
elle fut l’apanage des empereurs romains à partir de la pourpre obtenue à
partir d’un coquillage, le précieux murex, tout comme celle des prostituées,
un destin décidément à part… Rares sont les artistes à n’avoir pas succombé
à ses charmes, qu’il s’agisse des décorateurs des villas pompéiennes ou,
plus proche de nous, Rothko. Ses nuances ont laissé des noms poétiques,
pourpre, garance, sépia, ocre, cinabre… Son aire géographique couvre le
Nouveau comme l’Ancien Monde, les divers continents ayant rapidement perçu
ses richesses et promesses. Neuf nuances de rouge sont en ces pages
rappelées : écarlate, magenta, vermillon, bordeaux, tomate, garance, carmin,
ocre rouge, et bien sûr le pourpre.
L’ouvrage abondamment illustré débute par les fameuses mains de Cueva de las
Manos en Patagonie qui transporteront le lecteur instantanément 11 000 ans
av. J.-C. ! Les belles coupes antiques de la Grèce au VIe siècle av. J.-C.
témoignent quant à elles de la virtuosité des artistes athéniens avec ces
figures rouges sur fond noir. La peinture plus proche de nous est également
abondamment illustrée dans ces pages avec Van Eyck, Van der Weyden, le
Titien, Bronzino, ainsi que Georges de La Tour, fameux pour ses rouges
flamboyants.
Pour chaque artiste, une double page présente l’œuvre retenue, une synthèse
complète ainsi que quelques anecdotes toujours instructives et attrayantes,
faisant de cet ouvrage une passionnante aventure dans le monde des couleurs. |
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"Les
Nymphéas de Claude Monet" de Cécile Debray, Collection Beaux Arts, 218 x 312
mm, 208 p., Éditions Hazan, 2020.
Porte incontournable afin d’entrer dans l’univers de la création de Claude
Monet, les nymphéas – plus communément nommés nénuphars – semblent à la fois
familiers et pourtant si complexes sous le regard du père de
l’impressionnisme. Cécile Debray s’est attachée à ce monument de la peinture
en partenariat avec le musée de l’Orangerie où se trouve conservée la
remarquable collection de Nymphéas de Monet. C’est à une vision d’ensemble
de ce cycle auquel convie cet ouvrage passionnant qui bénéficie d’une
iconographie tout spécialement réalisée à cette occasion. Par un savant jeu
d’agrandissements, le regard entre littéralement dans l’intimité de la
composition grâce au saisissant travail de Fanette Mellier. La fascination
suscitée par ce travail à la limite de l’obsession chez l’artiste a depuis
longtemps gagné le public qui ne cesse de se presser à la découverte de
cette rencontre à nulle autre pareille entre végétal et univers aquatique.
Le foisonnement des formes et des couleurs se confond avec celui de la
palette de l’artiste à un point tel qu’il devient difficile de percevoir qui
en a été le modèle…
Majesté de ces toiles monumentales où l’infime prend valeur de témoignage
lorsqu’il pointe à l’occasion d’une discrète floraison. Cécile Debray
parvient en introduction à faire partager cette abstraction dans des
analyses à la fois accessibles sans leur ôter leur complexité. Les infimes
vibrations de la lumière sur le végétal, ses échos sur l’onde et ses
innombrables reflets composent une litanie éternelle que le peintre n’aura
de cesse d’explorer tout au long de sa vie. Comment saisir cette fugacité ?
Par quel moyen interrompre le temps afin de capter ces frémissements
imperceptibles pour la plupart d’entre nous ? C’est à cette magie auquel
convie cet ouvrage remarquable, aussi beau qu’inspiré, une évasion à lui
seul à découvrir au plus vite. |
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«
Istanbul - Montparnasse ; Les Peintres Turcs de L’École de Paris » de
Clotilde Scordia avec une préface d’Annie Cohen-Sohal, Éditions Déclinaison,
2021.
Si les cercles des peintres parisiens des années de l’après-Seconde-Guerre
Mondiale sont connus pour leur extrême vitalité, plus méconnus demeurent
cependant - et à tort - « Les Peintres Turcs de l’École de Paris ». Une
lacune que vient combler aujourd'hui avec bonheur cet ouvrage intitulé «
Istanbul Montparnasse » signé Clotilde Scordia aux éditions Déclinaison.
Ces peintres de l’École de Paris, tous contemporains de l’arrivée au pouvoir
de Mustafa Kemal Atatürk et de la République de Turquie, furent pourtant
largement célébrés en Turquie dans ces années d’après-guerre. Clotilde
Scordia a fait choix de nous faire découvrir les œuvres de onze de ces
artistes turcs majeurs. Onze « Peintres en quête de modernité » ayant choisi
la France à la fin de la guerre, ainsi que le souligne l’auteur en son
premier chapitre, avant de revenir sur les œuvres respectives de chacun de
ces peintres.
Parmi eux, deux femmes retiendront l’attention pour leur dynamisme,
détermination et modernité ; Fahrelnissa Zeid, une « personnalité
flamboyante » aux œuvres colorées, et Tiraje Dikman, livrant une œuvre plus
abstraite sous influence surréaliste. Mais le premier à avoir quitté en ces
années d’après-guerre son atelier d’Istanbul pour venir s’installer à Paris
fut Fikret Moualla en 1939. Ce dernier, reconnu déjà dans son pays natal
ainsi que de l’autre côté de l’Atlantique à New York, fut remarqué pour ses
célèbres cafés parisiens dans lesquels sa vie nocturne sulfureuse trouva
inspiration. Il fut rejoint à Montparnasse en 1946 par Nejad, puis par d’Avni
Arbas, et en 1947 par Salim Turan…
Tous ces artistes quittèrent leur atelier d’Istanbul pour venir rejoindre
les peintres et les cercles créatifs et féconds de Montparnasse.
Participants aux expositions consacrées à l’art turc du Musée d’art moderne
de Paris et du musée Cernuschi, ces peintres surent, au-delà des critiques
de l’époque, rapidement s’imposer en peintres majeurs notamment grâces aux
galeristes et collectionneurs. Chaque chapitre consacré à ces onze «
Peintres Turcs de l’École de Paris » offre au regard des œuvres chatoyantes
ou d’une profondeur sombre.
Aujourd’hui, Clotilde Scordia nous propose, au travers ces onze monographies
richement illustrées, de (re)découvrir ces « Peintres Turcs de L’École de
Paris ». À ce titre, on ne peut, ainsi que le souligne Annie Cohen-Sohal
dans sa préface, que l’en féliciter. |
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«
Espagne abandonnée » de Fran Lens, Paco Quiles & Carlos Sanmillán, 208 p.
297mm x 210mm, Editions Jonglez, 2020.
C’est une Espagne désolée, moins connue, marquée par la mémoire du temps et
de l’histoire que nous livre au regard ce superbe ouvrage photographique, «
Espagne abandonnée », paru aux éditions Jonglez. Issu du travail
photographique de Paco Quiles, Fran Lens et Carlos Sanmillan, chaque
chapitre, page et photos offrent, en effet, une découverte d’une autre
Espagne, loin des clichés habituels, celle d’une Espagne dont la mémoire ne
veut pas mourir…
Les auteurs appartiennent tous au célèbre et fameux groupe « Abanbonned Span
», un groupe s’étant donné pour tâche de faire revivre et de garder traces
de ces villages, places ou autres lieux désertés, abandonnés, parfois
laissés en ruines. Le célèbre Don Quichotte aimait à voir d’autres réalités
que celles des autres mortels, sublimant ce qui était vulgaire, comme avec
la douce Dulcinée ou ses fameux moulins… Notre trio sans chercher cependant
querelle à des chimères s’éloigne des autoroutes touristiques pour prendre
des chemins de traverse, au détour d’une église abandonnée, d’une masure
esseulée, compagne de lierres envahissants. La beauté n’est pas la seule
conviée dans cet ouvrage remarquable par la qualité de son témoignage,
d’anciennes friches industrielles laissent encore percevoir les espoirs que
des femmes et des hommes plaçaient dans la modernité, et ce qu’il en est
resté, gravas, cheminées fort heureusement sans fumée…
Le constat, parfois quelque peu amer, n’est cependant pas toujours
pessimiste avec ces magnifiques photographies réunies dans cet ouvrage, la
voûte céleste laisse encore percevoir ses constellations d’étoiles, même sur
une masure abandonnée, des lieux somptueux n’attendent que le baiser d’un
prince charmant, peut-être celui d’un lecteur, de cet ouvrage inspiré. |
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« L’Eau
par les grands Maîtres de l’Estampe japonaise » par Jocelyn Bouquillard ;
Coffret avec cahier explicatif, 12 x 17.5 cm, 226 p., Éditions Hazan, 2021.
La fameuse collection « Les grands Maîtres de l’Estampe japonaise » aux
éditions Hazan s’enrichit d’un nouveau titre « L’Eau par les grands Maîtres
de l’Estampe japonaise » du XVIIIe siècle et XIXe siècle. Un thème
effectivement porteur et privilégié des Maîtres japonais ; qui ne songe dès
à présent à la célèbre vague d’Hokusai ? Ponts, rivières, cascades ou
simplement pluie sans oublier la neige, cet élément naturel a donné lieu aux
plus belles et célèbres estampes, des estampes signées notamment Hokusai, ou
encore Kuniyoshi. Dans son coffret et sa reliure japonaise en accordéon, cet
ouvrage sous la direction de Jocelyn Bouquillard, responsable des
collections d’estampes de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et auteur
notamment de « Hiroshige en 15 questions » et de « Les trente-six vues du
Mont Fuji d’Hiroshige » également aux éditions Hazan, offre en effet au
regard toutes les expressions de cet élément omniprésent au pays du Soleil
levant, lacs, océan, cascades… Plus de soixante estampes célébrant chacune à
leur manière l’eau. Communion et spiritualité s’y mêlent que ce soit dans la
poésie des fines pluies, dans la puissance ou bouillonnements des flots et
vagues ou dans les courbes et arabesques des rivières. Chaque estampe
retenue révèle à elle seule toute la virtuosité des grands Maîtres japonais
des siècles passés. Accompagné d’un livret introductif et explicatif livrant
dates et précisions sur chacune des estampes représentées, ce coffret vient
compléter à merveille cette collection enchanteresse. |
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Loustal
: « Aux Antipodes » ; dessins, 180 p., Editions la Table ronde, 2020.
C’est un voyage « Aux antipodes » plein de charme et de poésie que nous
propose le dessinateur Loustal dans cet ouvrage aux pages enchantées dans
leur format paysage et paru aux éditions La Table ronde. Loustal nous conte
également chemin faisant sa découverte, enfant, de ces contrées lointaines,
son désir d’imaginaire et de dessin, et son aspiration enfin à voyager et à
acquérir son propre style. Les dessins de Loustal, passant du fusain aux
couleurs, ne sont pas seulement une belle invitation à voyager, ils
captivent et entraînent dans des rêves d’ailleurs et des songes infinis.
Rien d’étonnant à cela puisque le dessinateur sait plus que quiconque partir
de ses dessins au fusain pour laisser en fin de compte voguer sa propre
imagination et ses couleurs, aquarelle ou huile. Son style épuré offre en
ces paysages lointains bien plus qu’un pur dépaysement, il se colore en ces
pages une joie, une candeur, quelque chose de paisible, parfois nostalgique
voire d’esseulé…
Ainsi, glisse-t-on dans ces paysages de la « Terre de Feu », mélange de cap
lointain, de paysages marins, et d’épaves… On se surprend à rêver après
Brasilia, au soleil des plages de Floride, à la douceur des Îles Canaries
(hors saison, précise le dessinateur !). Et puis, le bleu se fait plus gris,
plus mélancolique lorsque l’on aborde l’Islande avant de retrouver les
couleurs éclatantes de soleil de l’Italie ou de la Grèce. A chaque dessin,
c’est une poésie singulière, épurée qui s’offre au regard, une poésie où
dominent le fusain et le bleu lointain des rivages d’un imaginaire infini.
Les dessins de Loustal sont une magie, ils racontent, disent, dévoilent,
laissent s’envoler souvenirs et voguer les rêves d’ailleurs aussi loin que
le souhaite le lecteur… |
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«
Histoire vivante de l’impressionnisme » de Valérie Mettais, Collection «
Beaux-Arts », Éditions Hazan, 2021.
C’est à une véritable « Histoire vivante de l’impressionnisme » que nous
convie Valérie Mettais, historienne de l’art. Rien de figé, en effet, dans
cet ouvrage paru aux éditions Hazan nous offrant toute l’aventure et la
diversité de couleurs des palettes de ces peintres qui furent désignés par
dérision « Les impressionnistes ». Un mouvement de fond, qui allait
bouleverser la trajectoire de la peinture. Pour capter ce formidable
foisonnement artistique, l’auteur a opté pour une approche chronologique,
décennie par décennie, de 1863 à 1905. Un choix judicieux qui permet à
Valérie Mettais de recontextualiser un mouvement artistique majeur trop
souvent à tort coupé de tout. Printemps 1863, c’est le salon dit « des
refusés », un succès et le début d’une longue et belle histoire… À la
Closerie des Lilas, Monet, Sisley, Renoir se rebiffent contre cet académisme
décidément trop académique. Ils sortent des ateliers pour le plein air ; ce
sera la Normandie, mais aussi les berges de la Seine, Chatou et sa
Grenouillère qu’immortalisera Renoir… S’appuyant sur une vaste iconographie,
les impressionnistes, au fil de l’eau et des pages s’affirment, se dévoilent
et s’imposent. Les années, les peintres et les destins se croisent. Ainsi
que le souligne Valérie Mettais en son avant-propos : « Cet ouvrage n’est
pas une histoire de l’impressionnisme en ce sens qu’il ne se concentre par
sur ses seuls et prétendus adeptes (…), mais accueille aussi ceux qui l’ont
accompagné et ceux qui ont croisé sa route, l’ont enrichi, suivi ou dépassé.
» Degas, Pissarro, Caillebotte ou encore Émile Bernard, Paul Sérusier, mais
aussi Manet, Cézanne et ses horizons. On y croise aussi Gauguin « Dans la
maison jaune » et les couleurs de Van Gogh. Le moulin de la galette enchante
Toulouse-Lautrec et le Moulin-Rouge tourne ses ailes et les têtes. Chacun de
ces peintres marquera à leur manière, de par leur singularité, leurs
perceptions et couleurs, ce que l’on appellera dorénavant l’impressionnisme…
En 1905, les impressionnismes enthousiasment et enthousiasmeront le monde
entier ouvrant ainsi leurs portes à l’avenir…
Un ouvrage riche et alerte qui fourmille de détails et d’anecdotes offrant
une réelle et belle « Histoire vivante de l’impressionnisme ». |
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«
Églises abandonnées » de Francis Meslet, Editions Jonglez, 2020 ».
Au-delà du triste constat que pose tout édifice en déshérence, l’ouvrage de
Francis Meslet nous place cependant au-delà, face à notre propre rapport à
l’égard de l’histoire et de la culture, indépendamment de nos convictions
religieuses. L’auteur a, pour cela, mené une véritable enquête sur huit
années, enquête qui l’a emmené aux quatre coins de l’Europe où il a pu
saisir avec son appareil photographique ces insolites et désolés instantanés
d’abandons et de pesants silences… Quoi de plus triste, en effet, qu’une
église vidée de tout son sens, celui de la réunion, de la fraternité et du
partage, même si cette église doit avant tout s’entendre en un sens plus
spirituel que matériel…
L’auteur et photographe a choisi avec cet ouvrage saisissant de livrer un
réel et beau témoignage éloquent, celui d’une Europe qui a depuis longtemps
perdu ses racines chrétiennes et se débat avec cet héritage que certains
jugent encombrant si l’on en juge l’incurie et l’inaction à l’égard de ces
bâtiments en totale déshérence. Au-delà du silence qui pourrait à la rigueur
encore convenir à des lieux sacrés, c’est surtout le péril de leur
disparition définitive qui interpelle. Ces lieux non entretenus prennent
l’eau, leur structure se fragilise et à terme s’écroulent d’eux-mêmes ou par
mesure de sécurité font l’objet de mesures radicales.
Curieusement l’actuelle pandémie nous a livré de tels spectacles de
désolation avec une place Saint Marc vidée de ses touristes… Soudain, la
question du sens prend toute sa valeur, surtout lorsqu’il s’agit de lieux de
foi. Les photographies de Francis Meslet parlent d’elles-mêmes, elles qui
prennent à témoin le lecteur lorsque le cœur et le toit d’une chapelle du
Piémont sont mis à nu, ouverts à quatre vents… Ces statues d’une église
bourguignonne semblent attendre les fidèles, en une patiente éternité… Le
végétal et la nature reprennent aussi leur droit sur ces pierres de la foi,
faut-il voir là un signe ?
On ne peut qu’espérer que cet ouvrage émouvant par son sujet, « Les Églises
abandonnées » contribue à apporter une nouvelle pierre, celle d’une réponse
respectueuse de l’Histoire et des cultures… |
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Alain
Vircondelet : « De l’or dans la nuit de Vienne selon Klimt », Éditions
Ateliers Henry Dougier, 2021.
« Le Baiser » du célèbre peintre autrichien Gustav Klimt, œuvre emblématique
d’une époque et d’un esprit, fait l’objet d’un essai séduisant d’Alain
Vircondelet, historien de l’art et biographe talentueux. Publié dans la
belle collection « Le roman d’un chef-d’œuvre » aux éditions Atelier Henry
Dougier, cet ouvrage sort des sentiers battus et offre un plaisant regard
transversal sur une œuvre d’art, roman à elle seule.
S’inscrivant dans le mouvement de l’Art nouveau et de la Sécession de
Vienne, Klimt a surpris indéniablement ses contemporains par ses toiles sur
fond d’or, véritables ponts entre tradition byzantine, Ravenne, Venise et
symbolisme de la fin du XIXe siècle. Par quelle alchimie, cependant, cette
œuvre envoûte-t-elle autant celles et ceux qui la découvrent ? Telle est la
quête passionnante que mène Alain Vircondelet sur cette icône souvent
réduite à un fougueux transport amoureux. Si l’amour semble bien en effet au
cœur de cette composition, l’or irradiant l’œuvre invite également à la
pureté et à l’absolu du désir inaltérable. Face à la fascination exercée par
ce tableau depuis un siècle, Alain Vircondelet cherche à lever les voiles
jetés sur « Le Baiser » et à en révéler les différents éclats. Les ors
sertissent la rencontre d’un homme et d’une femme au cœur d’une prairie
fleurie, cadre idyllique si ce n’est le vide qui commence à attirer les
amoureux à leur insu. Fragilité et insouciance cohabitent ainsi dans cet
espace plus sacralisé qu’il n’y paraît de prime abord.
Émilie Flöge, muse de Klimt, se trouve évoquée sur le tableau, une styliste
appréciée qui concevait les tissus représentés dans l’œuvre. Amour sacré,
amour profane, thème de prédilection de Titien et autres peintres de la
Renaissance, trouvent ici un écho repensé, loin des représentations
romantiques erronées de cette œuvre. L’or tente d’enchâsser pour l’éternité
l’évanescence des corps et de la vie à la veille de la pénombre qui guette
Vienne et le monde ; Une dimension religieuse possible du tableau, ainsi que
le suggère avec intelligence et passion Alain Vircondelet dans cet ouvrage
aussi attrayant que stimulant.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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«
Follement drôle – Wahnsinnig Komisch » ; Sous la direction du Dr Anne-Marie
Dubois et du Dr Thomas Röske ; Couv.cartonnée, 19 x 26.5 cm, 160
illustrations, 232 p., Bilingue français-allemand, Editions In Fine, 2020.
Voilà, enfin, un ouvrage qui vous mettra de bonne humeur ! Intitulé «
Follement drôle », ce dernier donne, en effet, à voir les collections du
Musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne (MAHHSA) et la collection
Prinzhorn de l’hôpital universitaire allemand de Heidelberg. Réunies pour la
première fois en ces pages à l’occasion de l’exposition éponyme au MAHHSA
jusqu’au printemps 2021, ces collections viennent illustrer avec bonheur que
« la « folie »ne se conjugue pas nécessairement avec le « drame » ».
Ici, les œuvres présentées riment avec drôlerie, humour et plaisanterie,
voir avec caricature, et révèlent la distanciation que peuvent avoir
certains malades. Nez rouges, portraits caricaturés et sens du dérisoire
s’entremêlent. Des œuvres singulièrement drôles qui surprennent tant pas
leur identité propre que par leurs points de contact au-delà des époques. On
y retrouve ainsi comme des fils conducteurs la caricature, le grotesque, la
grivoiserie ou encore la distanciation à l’égard des institutions
psychiatriques. Des traits-unions ayant dicté la présentation des œuvres et
les chapitres de l’ouvrage. Sous la direction du Dr Anne-Marie Dubois,
directrice scientifique du MAHHSA et du Dr Thomas Tüske, directeur du
Prinzhorn Collection Museum, et appuyé par de nombreux textes et
contributions, l’ouvrage propose également une éclairante analyse tant des
œuvres que de ce « follement drôle » qui les anime.
À ce titre, les collections respectivement de Sainte-Anne réunie à partir
des années 1950 et Prinzhorn constituée en 1900 sont emblématiques de ce que
peuvent révéler et offrir à voir ces œuvres singulières et ici colorées de
drôleries. |
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Tim
Cornbill : « Le grand livre de la photo urbaine », 235 x 255 mm, 192 p.,
Éditions Dunod, 2020.
La photographie urbaine a acquis ses lettres de noblesse au siècle passé
grâce aux travaux précurseurs d’artistes comme Atget, Brassaï,
Cartier-Bresson. Mais connaît-on véritablement ce qui la compose, la
caractérise et la constitue ? C’est à cette délicate tâche à laquelle s’est
attelé avec rigueur et pédagogie Tim Cornbill dans cet ouvrage concis sur un
sujet pourtant sans frontières… Diurne ou nocturne, avec ou sans habitants,
noir et blanc ou couleur, la liste est quasi infinie des multiples
variations auxquelles se prête la ville pour le photographe ayant décidé
d’en faire son sujet. Tim Cornbill a choisi dans ces pages de dévoiler cette
passion qui l’anime depuis fort longtemps et qui le porte à braquer son
objectif de Paris à New York, en passant par Berlin, Dubaï ou Barcelone...
Chaque lieu possède son identité, et ce bien au-delà de la mondialisation
galopante. Une singularité urbaine peut fort heureusement poindre encore de
nos jours à la condition de respecter certaines règles que l’auteur rappelle
et détaille. Ainsi, comment choisir les bonnes focales, les lieux propices,
la météo pour la lumière et les couleurs ou encore gérer les perspectives ?
Cet ouvrage, riche d’enseignements, aborde tous ces points essentiels, et
bien d’autres encore, avec un nombre impressionnant de conseils pratiques
pour réussir ses plus belles photos urbaines. L’ouvrage offre au regard en
plus du travail de l’auteur commenté lui-même, les œuvres de huit autres
artistes majeurs de la photographie urbaine, tels Brassaï, Martin Parr,
Cartier-Bresson, Sebastien Weiss… Au-delà, et grâce à aux conseils pratiques
de Tim Cornbill, c’est une approche artistique nourrie par l’esprit même des
lieux urbains qui vient animer les œuvres des plus grands photographes.
Un ouvrage unique livrant une véritable philosophie de la photographie. |
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« Eyes
that Saw – Architecture After Las Vegas », Collectif; 14 x 21 cm, 197
illustrations, 504 p.; Stanislaus von Moos and Martino Stierli, Scheidegger
& Spiess Editions, 2020.
« Eyes that Saw » intéressera assurément plus d’un architecte, historien
d’art ou créateur puisque cet ouvrage propose une riche et instructive étude
sur l’héritage encore présent de nos jours du « Learning from Las Vegas ».
Ce dernier paru dans les années 1970, fruit du travail mené par Robert
Venturi et Denise Scott Brown, fut un immense et immédiat best-seller qui a
su imposer jusqu’à aujourd’hui au titre de référence incontournable en
matière d’architecture des années 70. Robert Venturi et Denise Scott Brown y
livraient, en effet, leur étude menée avec Steven Izenour sur le thème de
Las Vegas à la Yale School of Architecture.
Aujourd’hui, plus de quarante ans après, ce ne sont pas
moins de quatorze experts, architectes, historiens de l’art et artistes qui
livrent au lecteur dans ces quelque 500 pages de « Eyes that Saw -
Architecture After Las Vegas » leur analyse de cette influence incontestable
et incontestée du « Learning from Las Vegas » sur notre quotidien. Apportant
chacun leurs propres vues selon des angles différents appuyés par plus de
190 illustrations, c’est l’ensemble du vaste rayonnement du « Learning from
Las Vegas » qui se dévoile, ainsi, au lecteur que ce soit en matière
architecturale, de design mobilier urbain ou encore dans le domaine des arts
visuels.
Le lecteur y découvrira également des archives et documents provenant de
Venturi, Scott Brown & Associates de l'Université de Pennsylvanie, ainsi
qu’une chronologie médiatique illustrée de l’influence du « Learning from
Las Vegas » de par le monde entier.
Une étude collective riche et instructive offrant une réelle et belle mise
en perspective du rayonnement dans le monde du « Learning from Las Vegas »
depuis maintenant presque un demi-siècle. |
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«
Jean-Michel Wilmotte Muséographie, Architecture De Musée, Scénographie,
Galeries, Ateliers D’artistes » ; Contributions de Jean-Jacques Aillagon,
Taco Dibbits, Françoise Mardrus, Luis Monreal, Jean-Michel Wilmotte ;
Édition reliée et toilée, bilingue français/anglais, 22 x 30 cm, 376 p., 300
illustrations, Éditions SKIRA, 2021.
Jean-Michel Wilmotte compte assurément plusieurs casquettes à son actif.
Architecte, urbaniste, mais aussi designer, cet esprit insatiable de
curiosité surprend depuis le milieu des années 70 pour l’étendue, la
diversité et la qualité de ses réalisations dans des domaines aussi
différents que l’architecture, l’architecture d’intérieur, la muséographie,
le design, l’urbanisme… Électron libre, son esprit créatif n’a de cesse
d’étonner et de forcer l’admiration par ses réalisations imposantes comme
celles plus discrètes. Rien n’est acquis sauf l’ouverture d’esprit, sans
cesse remise sur le métier comme pour le stade Allianz Riviera. Le soin
apporté à chaque détail, même le plus infime, la conjugaison des sources
d’inspiration et des cultures et une attraction immodérée pour l’art
composent son univers ainsi qu’il ressort de ce bel ouvrage paru aux
éditions SKIRA et présentant les plus audacieuses réalisations de Wilmotte &
Associés. L’entretien de Jean-Michel Wilmotte avec Taco Dibbits (Directeur
du Rijksmuseum Amsterdam) permettra également de se faire rapidement une
idée de ce créateur impénitent. Les 300 photographies réunies offrent elles
aussi un bel aperçu de l’ampleur et de la qualité des créations réalisées
tel l’Hôtel Lutetia récemment rouvert à Paris, le siège londonien de Google,
le stade de Nice ou encore le Centre Spirituel et Culturel Orthodoxe Russe
sans oublier les innombrables muséographies réalisées.
Cet éclectisme ne doit pas cacher la griffe Wilmotte faite de cette délicate
alliance de sobriété et de transparence afin de valoriser les espaces et le
rapport entretenu entre le visiteur et les œuvres d’art notamment pour ses
réalisations pour le musée du Louvre dans l’Aile Richelieu et le département
des Arts premiers au Pavillon des Sessions. Tout visiteur de la collection
Pinault à La Dogana de Venise se souvient en effet de cette habileté à jouer
des contrastes entre l’espace, le volume, les ouvertures et la lumière. La
muséographie et la scénographie sont des arts à part entière et Jean-Michel
Wilmotte démontre par son inspiration que ses réalisations nourrissent de la
plus belle manière qu’il soit le rapport d’un objet à son espace. |
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Stefano
Zuffi : "Le Caravage par le détail", version compacte, 156 x 196 mm, 288 p.,
Éditions Hazan, 2021.
L’œuvre du Caravage s’avère être aussi foisonnante que complexe, à l’image
du peintre dont le destin tragique éclaire un grand nombre de ses
compositions. Aussi, Stefano Zuffi a-t-il conçu « Le Caravage par le détail
» comme un ouvrage clair et accessible, afin d’entrer au cœur de cette
création d’un des plus grands peintres de son temps.
Retenant une approche qui a fait le succès de la collection, c’est par le
détail d’œuvres aussi célèbres que Bacchus, Méduse, David et Goliath, Judith
décapitant Holopherne, et La Diseuse de bonne aventure, que le lecteur se
familiarisera avec l’univers de Caravage dès les premières pages de
l’ouvrage. La vie de Michelangelo Merisi, plus connu sous son nom d’artiste,
Le Caravage, s’apparente au clair-obscur dont il façonne ses toiles : une
lutte éternelle entre la lumière d’une inspiration foudroyante et la
pénombre des affres vécus par le peintre toujours en lutte avec lui-même et
ceux qui croiseront sa vie. Né en 1571 à Milan, la période romaine de
Caravage sera essentielle pour celui qui « …était venu au monde pour
détruire la peinture », souligna abruptement Nicolas Poussin. Si cette
appréciation témoigne de l’effet révolutionnaire que fit ce peintre sur ses
contemporains et ses successeurs au XVIIe siècle, elle révèle aussi
l’ampleur de la tempête artistique qu’initia, en effet, le jeune et fougueux
peintre sur la peinture italienne. Adepte du clair-obscur qui allait envahir
toutes ses toiles comme pour mieux révéler l’âme de ses représentations,
l’artiste s’imposera comme le plus grand peintre naturaliste de son temps,
avec cependant un naturalisme bien singulier pour l’époque.
Si l’artiste mena souvent un parcours solitaire, ce dernier ne sera pas
néanmoins sans relation avec les cercles intellectuels de son époque. Alors
que le fougueux peintre entretint des rapports souvent conflictuels avec
certains de ses contemporains, tel le peintre Annibal Carrache, Le Caravage
sut également nourrir des rapports fructueux avec les poètes et musiciens
qui viendront inspirer des œuvres comme celle du fameux Joueur du Luth. Les
mécènes notamment le marquis Giustiniani (1564 - 1637) et le cardinal
Francesco Maria del Monte (1549 - 1627) auront, eux aussi, une grande
importance dans le parcours du Caravage en étant à l’origine de nombreuses
commandes.
L’artiste se fait remarquer très tôt pour son art à peindre d’après un
modèle vivant, une manière qui aura d’ailleurs une influence déterminante
sur ses contemporains et successeurs. Au lieu de copier les maîtres, il
s’essaie avec le talent qui sera le sien à des représentations personnelles
atypiques comme celle du Petit Bacchus malade, œuvre qui marque la rupture
avec son maître le Cavalier d’Arpin dont il quittera l’atelier après huit
mois seulement. Ce naturalisme va se développer pendant ces riches et
fertiles années romaines jusqu’à ce que le peintre fuyant son destin de
toiles en rixes, achève cette période romaine avec le meurtre suite à une
bagarre avec Ranuccio Tomassoni en 1606, ce qui lui vaudra une peine d’exil.
Ce sera alors Naples, Malte…et la mort au terme de cette fuite incessante.
Stefano Zuffi a privilégié une présentation des œuvres du peintre délaissant
l’ordre chronologique au profit de thèmes récurrents tels les natures
mortes, les lames étincelantes, les cinq sens, les têtes tranchées, les
corps, etc. Comme à l’accoutumée, de gros plans sur de nombreux détails
révèlent la création caravagesque de manière lumineuse et pédagogique
offrant ainsi un ouvrage passionnant. |
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«
Pierre Matisse & Joan Miró ; Ouvrir le feu – correspondance croisée,
1933-1983 » ; Édition établie, annotée et présentée par Élisa Sclaunick, 16
x 20 cm, 792 p., L’Atelier contemporain éditions, 2020.
Si le nom d’Henri Matisse est mondialement connu, celui de son fils Pierre
est resté plus confidentiel et réservé à l’univers des marchands d’art du
XXe siècle, monde auquel il appartenait. Son action inlassable à faire
connaître des peintres comme Chagall ou Miró qui s’avéreront être des icônes
de l’art moderne a été, pourtant, majeure bien que quelque peu méconnue du
grand public. Cette ample et volumineuse correspondance entretenue entre le
marchand d’art, Pierre Matisse, et le peintre espagnol Joan Miró (1893-1983)
publiée par les éditions de l’Atelier contemporain offre à la fois une mise
au point et une mise en perspective des plus fructueuses.
Cet ensemble épistolaire dépasse, en effet, rapidement les relations
d’affaires pour dresser un tableau évocateur, vu de l’intérieur, du monde de
l’art de cette époque. À l’image de l’action entreprise par Pablo Picasso,
Pierre Matisse reste persuadé que seule une action engagée peut assurer une
meilleure diffusion des œuvres créées par ces artistes pour la plupart
encore méconnus. C’est une relation amicale, mais surtout d’initiés qui va
ainsi se tisser au fil des pages dès 1933.
Le début de cette correspondance dévoile un peintre espagnol aspirant à une
reconnaissance internationale, passant par les États-Unis, et bien sûr, New
York, où Matisse possède une galerie reconnue en raison de ses relations
dans le monde de l’art. Ainsi que le souligne Élisa Sclaunick qui a établi
l’édition de cette correspondance, Pierre Matisse encouragera et sera le
spectateur privilégié de la fabrique de l’œuvre du peintre espagnol : « Joan
Miró rend précisément compte de la progression de son travail, de sa
manière, de la façon dont il crée. Il est plaisant de voir se dessiner un
mythe forgé notamment par Michel Leiris amusé du contraste entre cet artiste
et son voisin de la rue Blomet, André Masson : Joan Miró est très ordonné,
très organisé dans son travail, capable de prévoir son travail à l’avance,
de suivre le rythme qu’il s’est fixé, comme il le répète souvent à Pierre
Matisse, peut-être pour rassurer en lui le marchand désireux de faire des
expositions et de réaliser des ventes ». Et effectivement, Joan Miró tient
rigoureusement dans ces lettres le journal de sa création dont les nombreux
détails précisent non seulement sa manière de travailler, mais surtout la
vision de son œuvre en création justifiant le temps passé à son travail pour
son marchand.
Rapidement, à la fin des années 30, Pierre Matisse disposera de l’essentiel
de l’œuvre peint de Miró et confiera avec un jugement d’une rare acuité «
qu’il y a tout lieu de croire que le marché le plus important pour votre
œuvre se trouve ici et que nous arrivons à le développer, c’est ici qu’il
faut faire le grand effort »… Au fil des années, les relations gagnent en
profondeur et en amitié, sur un ton plus direct, Pierre Matisse confiera
sans détour à son ami peintre ce qu’il pense être le mieux pour son œuvre et
son image, indépendamment de toute considération marchande : « On vous
engage dans des chemins où votre dignité souffre et votre réputation en
sortira endommagée. Il est temps de freiner et de refuser à vous prêter à ce
jeu », note-t-il dans une lettre du 30 septembre 1954 à l’occasion de ses
relations avec Aimé Maeght. Ce que nous considérons en ce XXI° siècle comme
des « classiques » de l’art moderne, notamment les céramiques de Miró sont
encore balbutiants, ainsi qu’en témoignent ces échanges épistolaires,
l’artiste s’inquiétant d’un possible faible intérêt pour ces dernières de la
part du marchand d’art.
Une correspondance riche et féconde dans laquelle la complicité qui unit les
deux hommes converge pour établir la reconnaissance d’une œuvre originale et
unique, présentée et commentée « en direct » au fil des pages. C’est
véritablement au cœur de l’atelier de Miró, mais aussi de celui du monde de
l’art du XXe siècle que ces échanges s’échelonnant sur cinquante ans nous
convient, dévoilant au lecteur plus qu’une époque, une évolution
déterminante dans l’histoire de l’art.
Philippe-Emmanuel Krautter
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«
Potential Worlds – Planetary Memories & Eco-fictions »; Textes de Benjamin
H.Bratton, TJ Demos, Reza Negarestani et Jussi Parikka; Introduction de Suad
Garayeva-Maleki et Heike Munder ; 18 x 23,5 cm, 272 p., 1ère édition,
Éditions Scheiddeger & Spies, 2020.
« Potential Worlds » réunit un vaste ensemble d’œuvres récemment montrées
dans le cadre de plusieurs expositions notamment à Zurich (au Migros Museum
für Gegenwartskunst) et à Bakou (au YARAT Contemporary Art Space). Œuvres de
pas moins de trente-six artistes venus du monde entier, chacune d’elle a à
cœur de révéler les désastres subis par la nature et notre environnement.
Collages, montages, clichés ou installations, etc. Ce sont des œuvres de
conviction, originales, singulières et d’une extrême variété dénonçant
toutes à leur manière l’exploitation sans limites des richesses et
ressources de notre univers et ces indéniables conséquences écologiques et
sociales.
Avec des textes signés Benjamin H.Bratton, TJ Demos, Reza Negarestani et
Jussi Parikka, chaque auteur entend accompagner ces œuvres fortes et mettre
en perspective, chacun avec leur propre regard, les différentes façons de
concilier la nature, l’avenir et notre environnement. Des approches tant
écologiques que posthumanistes dans lesquelles l’art a un rôle essentiel à
jouer en tant qu’expérience tant technologique, scientifique et sociale
telle notamment l’adaptation artistique des nouvelles technologies.
L’ouvrage, introduit par Suad Garayeva-Maleki, commissaire et directrice du
YARAT Contemporary Art Space Migros, et Heike Munder, directeur artistique
du Museum für Gegenwartskunst, se propose avant tout de rechercher au
travers de ces différentes annexions et exploitations de notre environnement
quelle serait la meilleure – et peut-être la plus protectrice - définition
de la nature qui pourrait dès lors, et dès aujourd’hui, en être dégagée.
Une approche engagée nous interrogeant, bien sûr, sur la crise
environnementale que notre monde actuel connaît et visant à orienter notre
regard vers la nature de demain, celle que souhaiterions. |
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Susie Hodge : « Petite histoire de l’art moderne et
contemporain ; chefs d’œuvres, mouvements, techniques » ; Broché, 148 x 210
mm, 150 illustrations, 224 p., Coll. « Petite histoire de », Éditions
Flammarion, 2020.
Susie Hodge, historienne, auteur de nombreux ouvrages et artiste elle-même,
nous livre, dans la collection « Petite histoire de », une collection
aujourd’hui bien connue aux éditions Flammarion, une fort attrayante
introduction à l’histoire de l’art moderne et contemporaine.
L’ouvrage a retenu quatre grandes divisions, partant des grands mouvements
ou styles ayant marqué l’art moderne et contemporain (du réalisme aux
YougBritish Artists) jusqu’aux différentes techniques que ces arts ont su
retenir et développer dont notamment « l’impasto », le Ready-Made, les
matériaux industriels ou encore l’art vidéo. Deux chapitres essentiels entre
lesquels viennent s’intercaler pour mieux les illustrer les plus grands
chefs œuvres et les thèmes classiques ou majeurs, offrant ainsi au lecteur
un large éventail d’artistes et d’œuvres choisi et illustré. Chaque section
pouvant être abordée et lue séparément, et comportent des renvois forts
utiles vers les autres parties
L’auteur réussit ainsi le pari d’expliquer de manière claire et concise
l’art moderne depuis Courbet, puis l’art contemporain jusqu’à nos jours avec
notamment l’installation de Yayoi Kusama. Une évolution majeure pour
laquelle Susie Hodge a su également sans en brouiller le sens mettre en
évidence les différences influences, interactions et connexions.
Chaque partie offre, en effet, pour chaque mouvement, chefs d’œuvres, thèmes
ou techniques, présentés sous forme de fiche, les différents points de
repère, associations ou liaisons indispensables à une pleine appréhension
(date, auteurs associés, lieux, etc.) de l’art moderne et contemporain.
Un ouvrage présentant un large panorama de l’art moderne et contemporain
plus que clair et pédagogique, aussi plaisant qu’indispensable ! |
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Charlie
Koolhaas : "City Lust - London Guangzhou Lagos Dubai Houston », texte en
anglais, relié, 412 p., 354 illustrations couleur, 20.5 x 30 cm, Scheidegger
Éditions, 2020.
C’est hors et bien loin des sentiers battus auquel nous convie le dernier
ouvrage de l’artiste Charlie Koolhaas. L’auteur invite en effet à un
dialogue incessant entre mots et images par le filtre des grandes villes
dans lesquelles elle a vécu ou travaillé. Les confrontations engendrées par
la mondialisation et les traits culturels originels de ces mégapoles ne
cessent d’interroger son regard, qu’il s’agisse de Londres, Dubaï ou
Houston, des métropoles pourtant différentes mais qu’une culture mondiale
tend aujourd’hui à rapprocher. Il ne s’agit pas ici d’un plaidoyer, ni d’une
diatribe sur la mondialisation, mais d’un témoignage vécu de l’intérieur,
source de ces nombreuses créativités pouvant surgir de ces grandes
tendances.
À l’image des nouvelles solidarités qui peuvent naître des
plus grandes fractures sociales et économiques, de nouveaux regards peuvent
aussi provoquer des fulgurances inattendues parmi les décombres de
l’économie mondiale. Les photographies et le texte de Charlie Koolhass ne
manquent pas d’humour lorsque surgit parmi la grisaille urbaine des couleurs
éclatantes, symboles d’espoirs encore présents. Les contrastes sont
manifestes dans ce regard porté comme pour mieux rappeler cet incroyable
brassage international auquel ce siècle, et le précédent, nous ont habitués
ou contraints.
Certes, tout n’est pas rose sous le regard de Charlie
Koolhass, tant s’en faut, mais une certaine poésie émerge cependant, contre
toute attente, de ces prises de vues étonnantes, un brin de vie né des
paradoxes de nos capitales internationales et qui livre au lecteur comme un
témoignage d’espoir malgré les sombres nuages pesant sur l’humanité. |
Spiritualités |
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Anthony
Giambrone : "La Quête du Christ historique" ; Traduction sous la direction
de Renaud Silly ; Préface de Régis Burnet ; 528 p., Éditions Les Belles
Lettres, 2024.
L’ouvrage d’Anthony Giambrone paru aux éditions des Belles Lettres propose
de revenir sur l’un des débats les plus anciens et complexes de la théologie
chrétienne et de l'historiographie à savoir « La Quête du Christ historique
». Depuis le XIXe siècle, historiens et théologiens s’attachent en effet à
redéfinir l’identité et place de Jésus de Nazareth à partir des sources
historiques dont nous disposons, en particulier les Évangiles. L’auteur,
lui-même dominicain et élève de John P. Meier célèbre pour sa volumineuse
enquête en quatre volumes - « Un certain juif Jésus », s’inscrit dans cette
démarche en proposant une voie médiane, ayant recours aux dernières
découvertes récentes et méthodologies critiques.
Tout débute par une enquête sur le contexte historique, démarche initiée par
les travaux de David Friedrich Strauss au XIXe siècle. Progressivement,
l’auteur cherche à montrer combien ses prédécesseurs ont tenté de distinguer
aspects historiques de la vie de Jésus et dogmes relevant de la foi. Grâce à
ce fort volume de plus de cinq cents pages, le lecteur prendra connaissance
non seulement des sources disponibles sur ce sujet sensible, mais également
une critique rigoureuse de ces dernières. Entre Évangiles canoniques et
apocryphes, historiens tel Flavius Josèphe et documents romains, les nuances
s’imposent quant à leur interprétation, ce que souligne l’auteur qui
n’hésite pas à questionner les critères d’authenticité de ces sources et à
en souligner les limites et questions cruciales.
Anthony Giambrone souligne les risques à se limiter aux seules dimensions du
Jésus historique sous peine d’effacer inexorablement toute dimension
spirituelle. C’est à la réunion de ces deux approches souvent opposées à
laquelle invite l’exégète afin de préserver la profondeur même de la
personne du Christ, sans pour autant nier les éléments factuels touchant à
sa vie. En un style didactique et accessible malgré la complexité du sujet,
l’auteur réussit à démêler les fils de l’histoire de Jésus, rappelant les
faiblesses des approches le « déshistorisant ».
Sans proposer de nouvelle position sur la quête du Christ historique,
l’ouvrage d’Anthony Giambrone entend clarifier un champ d’études
particulièrement complexe à partir d’une habile étude des données de
l’Histoire et de la foi.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Maurice
Zundel : « Dieu qui rend libre » - Œuvres complètes - Tome VII édité par
Marc Donzé, Editions Parole et Silence, 2024.
Il n’est plus nécessaire de présenter le grand théologien que fut Maurice
Zundel, nos lecteurs ayant suivi les précédentes recensions de l’édition
complète de ses œuvres aux éditions Parole et Silence. Marc Donzel,
spécialiste de la pensée de Maurice Zundel, a réuni pour ce septième volume
deux ouvrages « La liberté de la foi » et « Morale et mystique », ainsi que
23 articles couvrant la période de 1960 à 1963, sans oublier un important
texte intitulé « Découverte de Dieu » regroupant quatre conférences que
donna l’abbé durant l’Avent 1961.
Nous retrouvons, dans ces pages brulantes de foi et inspirées, toute la
rigueur de l’intellectuel exigeant que fut Maurice Zundel et ce désir
insatiable de transmettre au plus grand nombre ce feu intérieur qui
l’habitait depuis ses plus jeunes années. C’est justement avec « La liberté
de la foi » que le lecteur pourra puiser dans ces pages vibrantes cette
quête de la Présence divine et aimante dont le théologien avait su partager
les plus rayonnantes émotions. Ce regard porté sur l’homme, ce « croire en
l’homme » si cher au théologien demeure indissociable des liens avec la
création et l’univers. Pour Zundel, c’est dans nos quotidiens que s’établit
l’éternité.
Plus encore qu’à l’époque de Maurice Zundel, évoquer les notions de « Morale
et Mystique » est toujours entreprise délicate après les Lumières, la
Révolution de 1789 et Mai 68. Une fois de plus, le théologien suisse esquive
toute dogmatique pour se décentrer sur l’analyse de l’homme afin d’en
esquisser les bases ontologiques permettant de mettre au jour une morale «
naturelle », non limitante et dégagée de l’ordre social. Face au relativisme
déjà sensible à l’époque où il écrivit ces pages, Maurice Zundel prône la
quête d’un absolu moral qui puise une fois de plus ses racines dans la
nature même de l’homme et la rencontre de l’Amour infini ; celle du Dieu
Trinité Amour, d’où le rapprochement des concepts de morale et mystique
entendus dans la réalité de nos vies au quotidien, ainsi que le souligne le
théologien : « Rien n’est plus terre à terre que la vraie mystique,
c’est-à-dire rien n’est plus réel, comme rien ne tient plus fermement au sol
qu’une cathédrale »…
Dans la dernière partie de ce volume, le lecteur trouvera matière à
méditation avec les conférences toujours aussi stimulantes du théologien,
conférencier aussi passionné que passionnant. Ces textes couvrant la période
de 1960 à 1963 témoignent de l’ampleur des sujets abordés par Zundel allant
de thèmes aussi divers que « Sexualité et personnalité » aux pages si
directes si l’on songe à l’époque et à la qualité de celui qui les écrivit
(notamment sur la déception de la femme dans le rapport amoureux), mais
aussi « La dignité de la vie prénatale », « La souffrance de Dieu » ou
encore « L’expérience de la mort ». Un ouvrage exigeant, mais toujours
stimulant qui élargira la vision de tout chrétien.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Saint
Jean de la Croix : "Cantique Spirituel" ; Traduction Jean-Marc Sourdillon,
illustrations Catherine Sourdillon, Illador Éditions, 2023.
Jean-Marc Sourdillon, accompagné de Catherine son épouse pour
l'illustration, nous propose en ces pages une merveilleuse traduction et
édition du poème Le Cantique Spirituel de saint Jean de la Croix ; un poème
né dans les tréfonds d'une geôle dans laquelle saint Jean de la Croix avait
été tenu captif dans des conditions effroyables. Le réformateur du carmel,
compagnon de sainte Thérèse d'Avila, s’était heurté à l'opposition des
conservateurs de son ordre. C'est dans ce contexte digne de l'Inquisition
que Juan de Yepes Álvarez, de son nom d'église Jean de la Croix, composera
ces vers mentalement, l'écriture lui étant formellement proscrite.
Le lecteur du 21e siècle ne pourra qu’être ébloui par le degré de foi
atteint pour avoir fait naître une telle confession amoureuse à partir des
abîmes les plus sombres. Travaillant de mémoire, le saint mystique revisite
le célèbre Cantique des Cantiques bibliques pour en proposer une variation
lumineuse et pleine d'espérance. Le traducteur, Jean-Marc Sourdillon, s'est
attaché à souligner la délicatesse incandescente de cette poésie allégorique
entre l'époux et l'épouse, l'âme et son créateur. Entrelacs amoureux
ineffables et pourtant magnifiés par le verbe, tension exclusivement portée
par l'abandon mystique :
“ Mon âme s'est mise, et tout mon avoir, à son service.
Je ne garde plus les bêtes, je n'ai plus d'autre office,
aimer est à présent mon seul exercice”.
C'est un souffle unique que nous propose cette très belle édition servie par
les illustrations irradiantes de Catherine Sourdillon soulignant
l'embrasement provoqué par cet amour mystique.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« La
Vie de la Vierge Marie » de Marie-Gabrielle Leblanc ; Photographie de John
Pole ; Editions Pierre Téqui, 2023.
C’est un merveilleux ouvrage consacré à « La vie de la Vierge Marie dans
l’art » que nous propose Marie-Gabrielle Leblanc, historienne d’art, aux
éditions Pierre Téqui. Une vie de Marie extrêmement détaillée et superbement
illustrée par une centaine d’œuvres d’art du Moyen-Âge à nos jours. Allant
de la « Naissance de la Vierge Marie, ses parents et son enfance » à « La
Sainte Famille » en passant par « L’Immaculée Conception », son mariage, «
l’Annonciation…, ce sont ainsi pas moins de 10 chapitres de la vie de la
Vierge Marie que le lecteur retrouvera. Des épisodes de sa vie qui, après
avoir été préalablement explicités, se dévoilent plus encore au travers des
plus belles œuvres d’art ; des œuvres, connues ou moins connues, du VIIIe au
XXIe siècle, analysées et présentées pour chacune sur une double page. C’est
donc à un véritable dialogue auquel nous convie Marie-Gabrielle Leblanc,
auteur déjà dans la même collection de plusieurs ouvrages remarqués
consacrés à la vie du Christ.
Bien que reposant sur l’Ancien et le Nouveau Testament de la Bible Crampon,
cet ouvrage se veut avant tout un livre d’histoire de l’art plus qu’un
ouvrage théologique. Aussi, trouvera-t-on également - ce qui est un peu
inévitable concernant les épisodes de la vie de Marie – des références aux
évangiles apocryphes. L’auteur a cependant souhaité rassurer son lecteur en
soulignant dès son avant-propos : « … je m’efforce d’être fidèle aux dogmes
enseignés par l’Église catholique et attentive aussi à ce qu’enseignent en
matière d’iconographie chrétienne, les Églises orthodoxes et orientales
pré-chalcédoniennes comme Coptes. » Une précision bien venue faisant de cet
ouvrage une très riche et belle ouverture aux mystères de la Vierge Marie. |
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« Saint
Michel » ; Collectif, 256 p., Editions du Cerf, 2023.
A souligner la parution aux éditions du Cerf d’un splendide ouvrage
entièrement consacré à saint Michel. Rappelons que le culte de saint Michel,
ange de Dieu avec Raphaël et Gabriel, est l’un des plus anciens de la
chrétienté et qu’il est l’un des saints les plus vénérés que ce soit en
Orient ou en Europe. Fêté en France le 29 septembre, on ne compte plus le
nombre de cathédrales, chapelles, sanctuaires, grottes ou ermitages dédiés à
ce saint patron de la France et de la Normandie, mais aussi de la Cité du
Vatican, de Kiev ou encore de Bruxelles.
Réunissant sous la direction de Giorgio Otranto et de Sandro Chierici les
meilleurs spécialistes, historiens et médiévistes, l’ouvrage remarquablement
illustré nous livre la vie, l’histoire, la représentation et la dévotion
dévolue à ce saint archange tant prié dans le monde. Avec de riches
contributions et pas moins de 300 illustrations, c’est véritablement à un
magnifique pèlerinage dédié à celui dont le nom signifie en hébreu « Qui est
comme Dieu » auquel nous invite cet ouvrage collectif. Un pèlerinage tant
dans la vie religieuse et l’Histoire, notamment au Moyen-âge, mais aussi
dans l’histoire de l’art ou de la littérature sans oublier les lieux de
cultes incontournables lui étant consacrés : le Mont-Saint-Michel, bien sûr,
mais aussi l’Abbaye Saint Michel-de-la-Cluse... une analyse iconographique
poursuivie et élargie à toute l’Europe et au-delà, nous entraînant notamment
en Irlande où l’archange Michel est très présent, mais également en terres
ibériques ou encore dans les lointaines contrées russes…
Un ouvrage offrant une passionnante analyse consacrée à saint Michel, cet «
Ange des hauteurs » pour reprendre le titre du Père Ladislao Suchy, Recteur
du sanctuaire de Saint-Michel-Archange, Monte Sant’Angelo. |
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«
Les Saints – Aventure spirituelle et représentation » de Robert Bared,
Editions Hazan, 2023.
Chaque jour de l’année apporte son saint, et que l’on soit croyant ou non,
nombre d’entre nous aiment souhaiter les fêtes de nos proches, amis ou
collègues, ce qui souligne combien les saints sont encore dans notre
quotidien bien vivants ! Mais les connaît-on vraiment ? C’est justement pour
combler notre curiosité que les éditions Hazan proposent cet agréable
ouvrage signé Robert Bared. Plus de 77 saints – chiffre à symbolique
biblique – de l’histoire chrétienne sont ainsi présentés selon une mise en
pagne claire et pédagogique, avec une double page pour chaque saint.
Commençant par le Prince des anges, l’archange Michel, l’ouvrage poursuit
égrenant les saints selon un ordre chronologique de leur mort. « Comme tout
corpus – souligne Robert Bared dans sa préface, celui-ci peut avoir sa part
de subjectivité, mais il a été surtout déterminé par la conjonction de deux
critères objectifs : la vivacité du culte à travers les siècles et la
présence notable dans l’histoire de l’art. »
Le lecteur découvrira ainsi pour chaque saint non seulement leur vie
terrestre parfois bien surprenante et leur vie spirituelle avec leurs
miracles, mais également leurs attributs et représentation. À cela
s’ajoutent pour chaque étude, outre la date de leur fête, leurs principaux
cultes et patronages. Enfin, et cela est assez rare pour être souligné, le
lecteur retrouvera précisées pour chacun les scènes où ces derniers sont
habituellement représentés en art, ainsi qu’en regard une reproduction d’une
œuvre les représentant plus précisément accompagnée d’une citation biblique,
poétique ou littéraire. Des représentations, œuvres ou chefs-d’œuvre
révélant combien les saints sont présents tant dans les églises que dans nos
musées. Il est vrai, et ainsi que le souligne le dernier texte venant clore
ce merveilleux ouvrage : « Tant qu’il y aura des saints… » ! |
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"Un chemin de
liberté pour tous : le combat spirituel" de Don Louis-Hervé Guiny, 224
pages, Editions MAME, 2024. Le combat spirituel
contrairement à ce que l’on pourrait penser n’appartient pas qu’aux seuls «
professionnels » de la foi et encore moins à un passé révolu. Combattre ses
démons intérieurs – et extérieurs – et rechercher le discernement
constituent encore une quête que tout à chacun peut et se doit de mener au
risque d’être balloté telle une feuille sur le flot de ses passions.
C’est à cette attitude de corps et d’esprit à laquelle nous convie Don
Louis-Hervé Guiny, par ailleurs professeur de théologie. L’ouvrage à la fois
très accessible et exigeant démêle un à un tous les niveaux permettant à
chaque croyant de s’élever au-delà des passions tristes pour atteindre la
lumière. L’auteur est bien conscient qu’il ne s’agit pas pour autant de nous
transformer du jour au lendemain en saint mais plutôt d’ouvrir notre regard
sur toutes ces entraves qui enchaînent notre quotidien : tristesse, paresse,
envie-jalousie, angoisse, dépression, la liste est malheureusement encore
longue.
De la même manière qu’un analyste aide son patient à ouvrir son regard sur
ses déterminismes, le combat spirituel invite le croyant à se décentrer pour
mieux observer ses failles, ainsi que le recommandait déjà Ignace de Loyola
dans ses Exercices spirituels ; prendre conscience de ses manquements à la
foi, s’en repentir parfois dans les larmes, d’autres fois avec humour, pour
au final atteindre la lumière.
Si l’accompagnant spirituel revêt une grande importance pour éviter de
s’égarer et de se mentir, la force du Dieu aimant accompagne au quotidien le
fidèle qui s’astreint à cette démarche difficile et semée d’embûches. C’est
toute la force de l’ouvrage de Don Louis-Hervé Guiny que de présenter cette
longue et belle route, certes avec ses cols raides et ravins vertigineux,
mais aussi cette plénitude pour celles et ceux qui chercheront à « imiter »
Celui qui a déjà parcouru pour nous ce chemin sinueux.
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« La
prière dans l'art » de Mgr Timothy Verdon ; Couverture Relié - Tranchefile
et jaquette, 272 pp. 22 x 29 cm, MAGNIFICAT, 2023.
L’historien de l’art Mgr Timothy Verdon n’est plus à présenter à nos
lecteurs (lire nos interviews) tant sa pensée
et ses ouvrages sont devenus depuis des années des références notamment dans
le domaine de l’art sacré. Dans ce dernier ouvrage « La prière dans l’art »
paru chez Magnificat, l’auteur explore de manière lumineuse les rapports
intimes entretenus entre image et foi. En analysant de manière à la fois
didactique et scientifique plus de 100 chefs d’œuvre, Timothy Verdon
convoque et invite le lecteur à approfondir sa foi par une meilleure acuité
visuelle artistique. L’élan de la prière se constate assez spontanément sous
ses différentes formes « instinctives ». Mais, afin de dépasser cet élan
premier face au mystère de la vie, la religion chrétienne a proposé depuis
des siècles une prière à la fois consciente et organisée, un « art de la
prière » qui interagit entre le croyant et le sujet de sa foi manifesté par
les plus belles œuvres d’art. Ce sont ces liens intimes et éblouissants
qu’explore avec virtuosité Timothy Verdon qui non seulement bénéficie d’une
culture visuelle immense, mais sait, qui plus est, la faire partager au plus
grand nombre par ses analyses subtiles et néanmoins accessibles. Ainsi,
l’auteur de cet ouvrage aussi beau que profond sollicite-t-il le lecteur
pour qu’il approfondisse son regard porté vers Dieu par l’intermédiaire des
chefs d’œuvre de l’art choisis et abondamment illustrés. La prière, souligne
l’auteur, deviendra ainsi le fruit de l’imagination sanctifiée, une voie
vers la beauté et l’avenir. Ce chemin de la beauté ou via pulchritudinis
se trouve suggéré à chaque page de ce splendide ouvrage, des catacombes de
Priscille de Rome (IIIe s.) à Wilhelm Leibl (XIXe s.). Avec « La Prière dans
l’Art », l’intimité de la Beauté rejoint celle de la Prière en un élan
irrépressible à la transcendance.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Évangiles
canoniques et apocryphes » - Tirage spécial ; Préface de Paul-Hubert Poirier
; Bibliothèque de la Pléiade, 1136 pages, rel. Peau, 104 x 169 mm,
Gallimard, 2023.
Rapprocher des textes traditionnellement opposés constitue une heureuse
initiative avec cette parution des Évangiles canoniques et apocryphes dans
la collection de la Pléiade aux éditions Gallimard. Ces deux grandes sources
essentielles au christianisme furent initialement opposées aux croyances
gnostiques. C’est à partir d’une relecture drastique des évangiles dits
canoniques que ces derniers furent, par la suite, également opposés aux
apocryphes qui seront alors écartés de la foi de l’Église. C’est sur cette
relecture et ce choix posés notamment par Irénée de Lyon au IVe s. que les
règles de la nouvelle foi allaient dès lors s’établir, laissant ainsi le
merveilleux et l’ésotérique de côté.
Réunir aujourd’hui en un seul volume les quatre évangiles « bibliques » que
les catholiques connaissent bien et les « évangiles » apocryphes longtemps
considérés comme hérétiques offre la possibilité non seulement de discerner
ce qui constitue la foi officielle, mais également de compléter par un fonds
unique le contexte même dans lequel est apparu cette même foi. Ainsi que le
rappelle en préface Paul-Hubert Poirier, cette édition rassemble vingt-huit
textes ayant pour point commun d’évoquer Jésus de Nazareth, qu’il s’agisse
des quatre évangiles du Nouveau Testament, mais aussi des nombreuses autres
sources rangées sous le vocable évangiles apocryphes rédigés de la fin du
1er siècle au début du Moyen Âge.
Si les évangiles retenus par l’Église s’attachent plus au message légué par
le Christ qu’à sa personne, les apocryphes quant à eux retiennent souvent un
angle plus merveilleux composé d’évènements extraordinaires. C’est le grand
intérêt de ce volume de la Pléiade que de réunir pour la première fois ces
sources diverses disponibles jusqu’alors dans des volumes distincts et de
permettre cette confrontation croisée de traditions, légendes, croyances et
message de foi. Entre sources canoniques ou officielles de la foi des
Églises chrétiennes et des textes revisitant la vie de Jésus – et même
parfois son message - les frontières sont parfois ténues, d’autres fois plus
manifestes et conduisant alors à ce qui sera souvent considéré comme des
hérésies. Tout le mérite de cette publication est de permettre au lecteur de
se faire une idée par lui-même, aidé en cela par un important appareil
critique, afin de confronter ces textes pour certains essentiels de la foi,
pour d’autres relevant de la culture et de la tradition léguées par les
premiers temps du christianisme.
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« Les
Sept Dernières Paroles du Christ en Croix » et « Chemin de Croix » réalisés
par Romain Lizé, éditions Magnificat, 2023.
Deux parutions récentes accompagneront idéalement le fidèle dans sa
préparation aux prochaines fêtes pascales et la prolongeront même longtemps
après. « Les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix » ainsi que le «
Chemin de Croix » réalisés par Romain Lizé aux éditions Magnificat offriront
en effet un matériel spirituel propice à de longues et nombreuses
méditations.
Pour la première de ces parutions, c’est l’œuvre bouleversante de Joseph
Haydn sur les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix qui vient soutenir
les méditations fulgurantes du cardinal Charles Journet, l’ensemble étant
mis en lumière par une sélection choisie des plus belles œuvres d’art sacré…
En proposant une heure de méditation par chapitre associée à l’écoute des
pistes du CD audio tout en prenant le temps de l’oraison à l’aide des œuvres
d’art, cet ouvrage offrira un accompagnement spirituel d’une rare profondeur
à celles et ceux souhaitant méditer cette épreuve ultime de la Croix.
Dans le même esprit, la seconde publication, le « Chemin de Croix » réunit
les méditations de dom André Louf, à la fois d’une simplicité…biblique et
d’une intériorité inspirante ! Ainsi que le souligne Romain Lizé en
avant-propos, cet ouvrage accessible permettra d’accompagner le fidèle dans
sa marche vers Pâques, une marche souvent difficile et donnant lieu à de
nombreux écueils et renoncements. Avec ces textes limpides également
illustrés par les plus grandes œuvres d’art sacré, le méditant pourra, pas à
pas, approcher du mystère pascal et chercher la Lumière qui s’en dégage.
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Georg
Gänswein : " Rien d'autre que la vérité" Artège, 2023. « Rien d’autre que la vérité
» tel est le titre de l’ouvrage écrit avec le
journaliste Saverio Gaeta par le secrétaire personnel du pape Benoit XVI
récemment disparu le 31 décembre 2022. Ce titre constitue ainsi un écho de
la devise du pape allemand - « ut cooperatores simus veritatis » -
début de la troisième lettre de saint Jean.
Ce rare témoignage de l’un des plus proches du pape émérite ne pourra
qu’attirer l’attention non seulement des spécialistes du Saint-Siège mais de
manière plus générale de toute personne intéressée par le fonctionnement du
plus petit État du monde. Et il faut avouer que l’auteur, Mgr Georg Gänswein,
lui-même théologien et enseignant de droit canon, livre en ces pages un
témoignage sans voile sur les arcanes du Vatican et dont certaines lignes
pourront faire grincer des dents.
Georg Gänswein, jusqu’à l’actuel pontificat du pape François, jouissait de
la réputation d’un homme affable et souriant, à qui tout réussissait avec
son allure photogénique. Pourtant, ces dernières années ont connu des
tensions conduisant à l’écarter des responsabilités qu’il occupait
jusqu’alors en tant que préfet de la Maison pontificale, officiellement pour
le réserver au service du pape émérite… Dans cet ouvrage, Georg Gänswein,
d’origine allemande, rappelle en prologue combien ce qui avait été à
l’origine une nomination « provisoire » aux côtés du cardinal allemand
Ratzinger en 2003 allait devenir un accompagnement jusqu’à l’ultime jour de
sa disparition le 31 décembre dernier… Cette compagnie de tous les instants
se trouve ainsi évoquée dans des pages émouvantes témoignant de la profonde
affection et du respect sans réserve envers le pape Benoît XVI, à mille
lieues des caricatures qui avaient pu être faites de lui.
C’est cet amour filial blessé qui se trouve aujourd’hui exprimé dans ces
mêmes pages parfois impulsives cherchant ainsi à rétablir des vérités qui ne
manqueront d’être commentées ou contestées. Pour Gänswein, Benoît XVI fut en
effet « l’un des plus grands protagonistes de l’histoire du siècle
dernier, trop souvent dénigré par les médias et ses détracteurs… » Aussi
n’hésite-t-il pas à rappeler combien la priorité qui avait été donnée par
Benoît XVI lors de son pontificat à la liturgie et au rapprochement avec les
traditionalistes souhaitant célébrer selon le rite de Saint Pie V venait
d’être balayée d’un revers de main en 2020 par l’actuel pape François, un
revirement qui aurait été douloureux pour le pape émérite…
Aussi faudra-t-il découvrir ces pages comme celles d’un plaidoyer émouvant
et entier pour le pape défunt, un hommage certes parfois acerbe, mais
sincère, et qui permettra de mieux comprendre qui fut Joseph Ratzinger,
Benoît XVI, 265e successeur de Pierre de 2005 à 2013 et pape émérite de 2013
jusqu’au dernier jour de l’année 2022.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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"Le
Saint Suaire de Turin" Jean-Christian PETITFILS, 464 pages Tallandier, 2022.
Le Saint Suaire de Turin a fait couler beaucoup d’encre et l’historien
Jean-Christian Petitfils qui avait déjà signé un « Jésus » remarqué et plus
que largement salué, offre avec ce dernier ouvrage une non moins remarquable
synthèse sur ce dossier pourtant sensible. Sensible car le Suaire de Turin
n’a cessé, en effet, de donner lieu à des controverses, non seulement sur
son historicité, mais également sur le sens à donner à cette célèbre toile
de lin. Objet de dévotion et de méditation pour les croyants, de
supputations plus ou moins hasardeuses pour d’autres, le Suaire méritait une
telle étude à la fois détaillée et accessible, ayant recours non seulement
aux disciplines scientifiques quant à sa datation, mais également à
l’Histoire et aux multiples disciplines permettant de mieux appréhender ce
qui a longtemps été une énigme.
Dès l’introduction Jean-Christian Petitfils souligne d’emblée que « toutes
les constatations scientifiques vont dans le même sens, celui de
l’authenticité ». L’historien réputé pour sa proverbiale rigueur ne peut
être suspecté de partialité et fustige ces personnes qui campent sur des
thèses dépassées, notamment celle de la datation erronée au carbone 14 de
1988 dont les résultats avaient été faussés du fait d’une pollution des
tissus examinés et avait conclu de manière hâtive à une datation médiévale…
En un véritable examen des pièces à conviction, l’historien mène son enquête
et retrace tout d’abord dans cet imposant livre les différentes étapes
historiques sur cette question sensible ayant opposé parfois stérilement
discours de la foi et de la science. L’ouvrage détaille ainsi les longues
péripéties du Suaire, les incendies dont il eut à souffrir, ses multiples
lieux de résidence présumés jusqu’à son actuelle conservation en la
cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin. Les villes et les lieux défilent à
une vitesse vertigineuse, ce linceul ayant couvert des milliers de
kilomètres pour arriver dans la capitale du Piémont en un état de fraîcheur
étonnant après tant de péripéties (Petitfils offre d’ailleurs une carte
précieuse retraçant cet itinéraire probable depuis Jérusalem et la mort de
Jésus en 33 ap. J.-C.).
Le lecteur sera également impressionné par la synthèse précieusement
proposée dès différentes analyses scientifiques ayant porté sur le morceau
de tissu dont l’auteur détaille avec minutie les protocoles et conclusions.
La dernière partie intéressera tout autant les fidèles que les passionnés
d’art et de croyance. Rappelant les premières représentations du Crucifié et
leur évolution vers un nouveau modèle à la fin du IVe siècle, Jean-Christian
Petitfils souligne combien un nouveau stéréotype plus figuratif commence à
se diffuser dans l’art, modèle qui n’est certainement pas étranger à la
présence du Suaire dans ces régions…
Cette passionnante enquête tiendra le lecteur en haleine de la première page
jusqu’à la dernière ouvrant sur cette « seconde résurrection » déjà
soulignée par Claudel et qui n’a pas fini de questionner l’homme sur sa
condition et ses convictions.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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"Ô
prends mon âme - Thérèse de Lisieux" de Bénédicte Delelis et Pierre-Marie
Varennes, relié cousu et tranche fil, 192 Pages, Format 24 x 32, Magnificat,
2022.
Publication inspirée pour les fêtes de la Nativité que ce livre d’art
consacré à sainte Thérèse de Lisieux « Ô prends mon âme » !
Les auteurs, Bénédicte Delelis et Pierre-Marie Varennes, ont conjugué leur
savoir pour concevoir à la fois un ouvrage esthétique servi par les plus
belles oeuvres d’art et un florilège de la pensée de la petite sainte du
Carmel de Lisieux. La voie de l’amour, si chère à cette âme éprise d’absolu,
se trouve ainsi présentée dans le plus bel écrin, celui des tableaux
enchanteurs de Maurice Denis, Georges Desvallières, tous deux ardents
chrétiens, mais aussi par d’autres sensibilités tels Claude Monet, Paul
Cézanne ou encore Marc Chagall. Ainsi que le souligne Pierre-Marie Varennes
dans sa préface, Thérèse était convaincue que nous serions jugés sur un seul
critère lors du retour glorieux de Jésus, celui de l’amour par l’amour.
Vaste programme ainsi exploré en ces pages illuminées par la foi de celle
qui sur son lit de mort considérait qu’elle n’était pas une sainte mais bien
« une toute petite âme que le bon Dieu a comblée de grâces » comme le
rappelle Bénédicte Delelis.
Cet ouvrage, en de belles pages, explore ainsi ce « programme d’amour »
délivré par Thérèse à partir de ses plus grands textes. Chaque étape de sa
vie spirituelle se trouve enluminée par les chefs-d’œuvre de la peinture en
des liens intimes conduisant le lecteur à une méditation inspirée. Croire à
l’amour et à ses multiples manifestations dans les instants d’extase comme
ceux du quotidien, telle est l’invitation lancée par Thérèse, et ce
splendide ouvrage, annonçant de la plus belle manière la célébration du 150e
de la naissance de Thérèse de Lisieux. |
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«
Chemins de prière » du Père Yann Vagneux, Magnificat, 2022.
Empruntons ces « Chemins de prière » proposés par le Père Yann Vagneux, 12
méditations pour 12 invitations à l’évasion par la prière. Parues dans la
revue Magnificat, ces prières sont le fruit d’un prêtre des Missions
Étrangères de Paris, regard d’un grand priant mais aussi d’un poète doublé
d’un photographe talentueux.
Nourries par ses nombreux voyages, notamment en Inde où l’auteur est établi
depuis de nombreuses années, ces « Chemins de prière » invitent au silence,
un silence qui ne doit pas inquiéter mais au contraire rassurer. Qu’il
s’agisse de méditer sur la grâce sur fond d’une cime montagneuse du Népal
émergeant des nuées ou, plus terre à terre, le désir associé au pas d’un
vieil agriculteur dans une rizière, chaque élan de l’âme humaine trouve un
écho dans ces pages inspirées, à la fois accessibles et parallèlement
élevant l’esprit à la transcendance.
Un beau livre à emporter avec soi sur son lieu de vacances ou chez soi pour
enrichir encore chaque instant de prières. |
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«
Catholica – Le guide de l’art chrétien » de Suzanna Ivanic, Cernunnos
éditions, 2022.
Les ouvrages consacrés à l’art chrétien se font rares alors même que cet
immense patrimoine trop souvent ignoré présente des œuvres des plus grands
artistes dans nos musées et églises. Fort de ce constat, Suzanna Ivanic qui
enseigne en Angleterre l’histoire moderne de l’Europe centrale et notamment
la religion, a choisi de réunir en un ambitieux ouvrage de 256 pages plus de
deux milles ans d’art chrétien. Fresques, peintures, retables, parures
liturgiques sont ainsi passés au filtre d’une analyse rigoureuse et
détaillée, servis par une abondante iconographie.
Chaque forme artistique se trouve expliquée, les clés de compréhension des
œuvres présentées étant généreusement précisées au lecteur. Loin d’être
austère et fastidieuse, la lecture de cet ouvrage, qui manquait jusqu’alors,
emporte le lecteur en un passionnant voyage où la spiritualité, les lieux et
enfin l’esprit qui anime communautés et individus sont abondamment
détaillés.
Pour mieux décrypter les sept œuvres de la miséricorde au cœur des plus
grandes toiles des maîtres de la peinture telle celle du Caravage pour la
Confrérie du Pio Monte della Misericordia de Naples, l’auteur fait
véritablement œuvre pédagogique en détaillant chaque aspect à partir de
l’œuvre. Dans le même esprit, l’explication des styles architecturaux
présentés par les cathédrales, églises et chapelles éclaire également la
lecture de cet ouvrage décidément bien utile à la compréhension des cultures
nourries par l’art chrétien. |
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Emmanuel Godo : « Les passeurs de l'absolu - Les grands écrivains et Dieu »,
Editions Artège, 2022.
Avec un titre proche de l’oxymore, Emmanuel Godo fait la démonstration dans
son dernier essai « Les passeurs de l’absolu » que les grands écrivains ont
pu par certains de leurs écrits se rapprocher de l’indicible. Relevant d’une
véritable aventure spirituelle, cette quête fait figure de défi, celui de
suggérer, chacun avec son charisme, les cheminements vers la lumière.
Dépassant les scintillements souvent trompeurs de l’éphémère, Emmanuel Godo
part à la recherche des affinités spirituelles léguées par certains
écrivains allant de Dante à Saint Exupéry. Chaque expérience recueillie par
l’auteur, lui-même épris d’absolu, conduit à ce dépassement de l’âme. Cette
élévation peut en effet survenir avec cette « bible des pauvres » que fut
Les Misérables de Victor Hugo, œuvre dont l’importance fut pourtant
redécouverte sur le tard au XXe siècle par la sagacité d’un André Malraux.
Dostoïevski soulignait que "L'humanité peut vivre sans la science, elle peut
vivre sans pain, mais il n'y a que sans la beauté qu'elle ne pourrait plus
vivre, car il n'y aurait plus rien à faire au monde. Tout le secret est là,
toute l'histoire est là". Emmanuel Godo l’a bien perçu, lui qui offre avec
cet ouvrage un ensemble de Fioretti littéraires intrinsèquement reliées au
divin. Bien entendu, le lecteur ne trouvera pas en ces pages les « dernières
recettes » relevant des bestsellers empilés en tête de gondoles. Il
approchera bien au contraire, grâce à ce compagnonnage à la fois silencieux
et pourtant si parlant, de ces voix -et voies- lui permettant d’enrichir son
expérience spirituelle, suivant en cela le conseil donné par le grand poète
Max Jacob « Ne lisez pas de médiocrités. Lisez des œuvres de grands esprits
et concourez avec eux »…
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Régis
Burnet : « Peindre la Bible », Éditions Bayard, 2020.
Le théologien et animateur vedette de la chaîne KTO Régis Burnet signe avec
« Peindre la Bible » un bel ouvrage abondamment illustré des plus belles
peintures inspirées de la Bible. Ce livre paru aux éditions Bayard réunit
les chroniques régulières tenues par le talentueux bibliste dans la revue Le
Monde de la Bible, revue de référence en la matière ouvrant notamment à
chaque numéro ses colonnes à l’art.
La démarche didactique de son auteur n’est plus à rappeler, Régis Burnet
sait plus que quiconque transmettre ce qui peut de prime abord apparaître
aride. Sous sa plume alerte et non dénuée d’humour, l’auteur aide le lecteur
à entrer non seulement au cœur de la composition picturale et dans l’atelier
de l’artiste, mais également en dégage les traits saillants et la profondeur
théologique et spirituelle qui sous-tend chaque œuvre présentée. Et là
réside la réussite manifeste de l’exercice. Loin d’une étude de plus
relevant de l’histoire de l’art, Régis Burnet rend vivant et accessible
l’art sacré grâce à une analyse de ces différentes lectures de la Bible par
les artistes. Plus encore, en s’approchant au plus près de l’œuvre - au sens
propre et figuré – chaque focus élargit encore notre propre lecture des
Écritures par un réseau de significations et appropriations successives.
Chaque œuvre fait l’objet d’une étude débutant par un rappel des grandes
lignes quant à leur auteur, l’histoire de la représentation et son contexte
historique, une approche complétée par de nombreux détails, ainsi qu’une
référence aux Écritures associées.
De la fameuse « Tentation d’Ève » de Gislebert à l’émouvant « Christ
bénissant » de Giovanni Bellini, chaque page de « Peindre la Bible » ouvre
au lecteur non seulement le sens caché des Saintes Écritures, mais également
en révèle toute leur beauté sublimée par les meilleurs peintres.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Sylviane Dupuis : « Au commencement était le verbe
- Sur la littérature de Suisse francophone du XXe siècle », Zoé Éditions,
2021.
Sylvaine Dupuis, poète et auteur de théâtre, s’est attachée dans cette étude
parue aux éditions Zoé aux liens unissant la littérature de Suisse
francophone aux sources bibliques. Il faut rappeler que l’auteur a su
cultiver depuis ses années de formation un goût certain pour l’Histoire la
plus ancienne ayant participé à des fouilles archéologiques sans oublier ses
multiples enseignements dans la ville de Genève. Ainsi qu’elle le souligne
en introduction : « nous sommes faits, que nous le sachions ou non, que nous
le voulions ou non, de toutes les paroles (mots, phrases, images, formules,
injonctions et interdits) qui nous précèdent ». Sauf à concevoir une amnésie
totale – redoutée par certains de nos jours – nos pensées et nos paroles
sont en effet précédées par un réseau complexe de références culturelles,
plus ou moins conscientes, et irradiant nos productions. Certains y verront
des archétypes, d’autres des acculturations multiples, quel que soit leur
nom, « nous sommes écrits par ce qui nous précède » rappelle Sylvaine
Dupuis.
Ainsi, selon l’auteur, le matériau biblique compte pour beaucoup dans ce
substrat déterminant pour la littérature née en Suisse francophone. Si la
France a cru devoir s’émanciper plus tôt de ces références pour se réfugier
dans le primat de l’art, la Suisse francophone est demeurée plus longtemps
marquée par ces références au Livre. L’incontournable C. F. Ramuz en sera
l’illustration éclairante, tout en affirmant son indépendance au regard de
la religion. Ce miroir obligé ne cessera d’accompagner ses écrits jusqu’aux
années 1970. La poésie qui irradie de nombreux textes de l’Ancien, comme du
Nouveau Testament, s’invite ainsi plus ou moins subrepticement dans la
littérature suisse francophone, ces romanciers étant la plupart du temps des
poètes tels Ramuz, Cendrars, Chessex, Bouvier, Bille, Chappaz, etc.
Quel que soit le rapport – parfois complexe, d’autrefois littéralement
décomplexé – de ces écrivains à l’égard des Écritures, ces multiples renvois
font l’objet d’analyses passionnantes livrées par Sylvaine Dupuis, preuve
s’il en était besoin, que ce substrat biblique rayonne encore malgré les
annonces fracassantes depuis plus d’un siècle de « la mort de Dieu »…
Philippe-Emmanuel Krautter |
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«
Dictionnaire des auteurs catholiques des îles britanniques » sous la
direction de Gérard Hocmard, 496 p., Éditions du Cerf, 2021.
C’est un impressionnant travail qui a été réalisé sous la direction de
Gérard Hocmard pour ce Dictionnaire des auteurs catholiques des Îles
britanniques paru aux éditions du Cerf. Avec près de 500 pages, c’est tout
ce que la Grande-Bretagne et l’Irlande comptent d’écrivains d’inspiration
catholique qui se trouve ainsi réuni en ce fort volume, outil de travail
pour les spécialistes, tout comme sujet d’évasions et de découvertes pour le
lecteur passionné. Il suffira de parcourir les multiples notices (500) pour
réaliser l’ampleur de la tâche avec des auteurs parfois méconnus tels Abbon
de Fleury (v.945-1004) ouvrant le volume ou l’incontournable de la culture
mondiale avec William Shakespeare.
Chaque notice détaille la vie de l’impétrant et rappelle ses créations
majeures. La diversité des auteurs se rejoint en une foi commune, parfois
fervente dès l’origine, d’autres fois plus tardive. Tolkien cohabite avec le
cardinal Newman, Oscar Wilde avec Pélage alors que l’anglicanisme domine ces
terres depuis le XVIe siècle et son indépendance avec Rome. Le lecteur
pourra remonter le fil chronologique de cette sensibilité spirituelle chez
nos voisins d’outre-Manche grâce à la passionnante introduction historique
signée par Gérard Hocmard, spécialiste du paysage culturel de la
Grande-Bretagne. Une christianisation qui débute très certainement très tôt
dès le IIe siècle en Britannia et qui ne cessera depuis lors de se
développer et de gagner en importance ainsi qu’en témoignent ces 500 auteurs
présentés dans ce Dictionnaire.
Une vitalité qui n’a point tari avec des auteurs contemporains tels David
Lodge, William Brodrick ou encore Piers Paul Read.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Le
salut de l’Église est dans sa propre conversion » de Mgr Joseph Doré,
Salvator Éditions, 2021.
Lorsqu’un évêque s’exprime sur l’état de l’Église, cela peut donner une
réflexion sans complaisance, ni langue de buis… En effet, Monseigneur Joseph
Doré n’a pas pour habitude de voiler sa pensée, encore moins de donner dans
le religieusement correct. Tout en rappelant son attachement à sa foi
chrétienne, il n’hésite pas à souligner dans cet ouvrage le bilan contrasté
de ces soixante dernières années. L’auteur que nos lecteurs connaissent bien
(lire nos
interviews) pour ses ouvrages de théologie, d’art sacré et de
responsable religieux se livre en ces pages à un examen de conscience, non
point individuel mais collectif de l’Ecclesia entendue comme ensemble
des croyants réunis en la foi du Christ ressuscité.
Il fallait du courage – et Joseph Doré n’en manque pas – afin de se livrer à
cet état des lieux qu’il a souhaité circonscrire à la France, même si nombre
de ses remarques pourront être élargies bien au-delà de l’Hexagone. L’évêque
et théologien lance un cri d’alarme : « Oui, notre Église va mal et on ne
doit pas sous-estimer la gravité de son état ». Un cri d’alarme en écho à
celui lancé quelques années avant sa disparition par le cardinal Carlo Maria
Martini.
D’où vient ce mal ? Alors même que l’on s’attendrait plutôt à trouver au
sein de l’Église l’abondance du bien et de la charité, ces racines du mal
puisent notamment à cette mondanité et à l’oubli de la mission première que
dénonce par ailleurs le pape François depuis son accession au siège de
Pierre. Mgr Doré passe en revue toutes les questions brulantes qui ont été
selon lui trop longtemps tues et cause des maux et scandales que nous
connaissons ces dernières années : pédophilie, place des laïcs et surtout
des femmes, rôle du pape et de la Curie romaine… Cet ouvrage engagé ne se
limite pas à un constat critique, mais suggère des voies et des pistes,
notamment celle de la conversion nécessaire et préalable à tout engagement
de réforme ; une conversion des cœurs et des esprits afin de s’engager sur
sa mission première et essentielle reposant sur la foi et l’amour chrétien.
Un retour aux sources du christianisme et au message du Christ rappelé par
les Évangiles doit primer pour l’Église du XXIe siècle au risque de perdre
tous ses fidèles. Il ne s’agit pas d’un quelconque et vague programme
religieux, semblable à ceux des élections politiques. Les données sont
précises, le théologien appuie ses propositions sur des raisonnements à la
fois théoriques et pratiques, véritable vadémécum à l’usage de nos
contemporains croyants. Aucun d’entre eux ne devra se sentir exclu de ces
engagements, condition essentielle pour cette conversio, ce
changement radical appelé par l’auteur.
C’est un vent frais qui souffle dans ces pages inspirées et qui doit entrer
dans toutes les églises et demeures des fidèles afin de repenser ce « salut
de l’Église » auquel appelle l’auteur.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Missel
Laudate, 2400 pages, nouvelle traduction liturgique, Artège éditions, 2021.
Un nouveau missel vient de paraître destiné aux fidèles catholiques, et ce,
plus particulièrement, depuis le premier dimanche de l’Avent 2021, date
d’entrée en vigueur du nouveau missel romain. En effet, le Missel Laudate
des éditions Artège comprend classiquement les textes et lectures pour le
dimanche et la semaine, des notices biographiques des saints, l’ordinaire de
la messe Français-Latin ainsi qu’un large choix de prières. Ce fort et
nouveau volume de 2400 pages présente également et surtout à l’occasion de
cette nouvelle édition un certain nombre de modifications dans les habitudes
de la messe, ces changements provenant de la nouvelle traduction du Missel
romain. Ce missel destiné aux fidèles accompagnera ces derniers dans la
préparation et le déroulement de la liturgie. Dans cette optique,
l’introduction de nombreux commentaires spirituels permettra de mieux
apprécier les lectures de chaque messe. Cette dimension pédagogique qui
prévaut pour cette nouvelle édition s’avérait d’autant plus importante en
raison des changements qui vont intervenir dès à présent dans le quotidien
du fidèle lors des assemblées. Réalisé par une équipe de liturgistes de la
communauté Saint-Martin et des éditions Artège, ce travail monumental a
exigé trois années, confrontant les savoirs de théologiens, historiens,
moines et moniales, et spécialistes notamment du chant. Cette somme a
également bénéficié d’une présentation remarquable grâce à une mise en page
soignée offrant une typographie et des illustrations éclairant le texte et
invitant à se plonger dans les splendeurs de la liturgie avec en vis-à-vis
les textes latin et français. Fort de cette réalisation, chaque pratiquant
pourra aborder l’un des points culminants de la vie spirituelle en étant non
seulement initié à sa dimension sacrée mais également aux nombreux
questionnements et méditations qu’elle ne manquera pas de susciter. |
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«
Notre-Dame des siècles. Une passion française » de Mathieu Lours, 336 pages,
dimensions : 19 x 26, Éditions du Cerf, 2021.
Mathieu Lours, que nos lecteurs connaissent bien, signe avec « Notre-Dame
des siècles » un nouvel ouvrage consacré au patrimoine religieux, livré
malheureusement parfois au péril des éléments. Conscient de l’émotion
suscitée par l’incendie du 15 avril 2019 qui ravagea une partie de la
cathédrale Notre-Dame-de-Paris, l’auteur a cherché à analyser au-delà de
cette émotion les raisons d’une telle passion qui dépassa largement les
frontières de l’Hexagone. C’est aux racines mêmes de l’édifice auxquelles
puise l’auteur afin de proposer une réflexion de fond sur l’importance de
Notre-Dame dans notre histoire, notre culture et patrimoine. Partant de l’Ecclesia
parisiensis avant Notre-Dame, ces pages nourries d’une iconographie
passionnante font la démonstration de la place essentielle du sanctuaire au
cœur de la cité dès les premiers siècles du royaume des Francs. Page, après
page, Mathieu Lhours retrace ainsi les grandes heures de Notre-Dame, heures
souvent mouvementées et faisant écho aux évènements qu’elle accompagna.
Chaque siècle, en effet, sut se saisir de ce puissant symbole de la
chrétienté, qu’il s’agisse de la longue dynastie capétienne ou lors de la
lente construction d’une idée nationale. L’ouvrage redonne plaisamment vie à
cette longue histoire, retenant les personnages illustres ou moins célèbres
ayant contribué à perpétuer sa mémoire. Anecdotes et évènements déterminants
se côtoient, agréablement conférant à ce récit une dimension presque
romanesque et rendant sa lecture passionnante. Les derniers chapitres
permettront enfin au lecteur de mieux comprendre les débats et tensions qui
s’expriment actuellement quant aux rénovations envisagées. Véritable cœur de
la nation, Notre-Dame ne laisse personne indifférent et peut-être est-ce
mieux ainsi, sans pour autant sacrifier l’idée d’unité qu’elle symbolise par
ailleurs, ainsi que le démontre ce captivant ouvrage.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Sonus
1 Firenze » Sous la direction de Mgr Timothy Verdon, Centro Di Ed. 2021.
Sonus 1 Firenze constitue le premier opus d’une collection d’ouvrages
consacrés à l’iconographie musicale présente dans les musées italiens. Selon
une idée initiée par Barbara Aniello, cette collection vise à révéler la
beauté de la sculpture, peinture, fresques, mosaïques et autres œuvres d’art
ayant pour thème commun la musique. Ce premier volume ouvre ainsi une voie
entre témoins sonores et visuels en partant tout d’abord du beau et
incontournable Musei dell’Opera del Duomo à Florence dirigé par Mgr Timothy
Verdon, puis du Campanile et de la cathédrale de Santa Maria del Fiore, sans
oublier le célèbre Baptistère de San Giovanni.
En prélude à ce premier ouvrage abondamment illustré, Timothy Verdon place
en exergue trois notions clés : Musique, louange et joie. La musique sacrée
a su prendre, en effet, rapidement le rôle de véhicule de la louange des
croyants. Elle sait accompagner les textes bibliques – on pense bien sûr aux
psaumes – mais aussi le culte dans ses mystères les plus profonds. C’est
pourquoi ce premier volume de la collection Sonus ayant pour cadre la ville
de Florence explore ces liens étroits entre musique et les autres arts
présents dans la capitale florentine grâce à des études souvent prospectives
de jeunes chercheurs ouvrant des voies pour l’avenir.
Ainsi, l’ouvrage n’hésite pas à employer des titres pour certains
provocateurs tel cette contribution « Musiques à voir, entre réalité et
symbolisme » de Gabriele Giacomelli ou encore cette analyse passionnante
livrée par Barbara Aniello sur la valeur symbolique de la dimension visible
et sonore particulièrement perceptible à partir des sculptures, peintures ou
fresques suggérant la mélodie.
Que peuvent nous livrer ces multiples références à la musique gravées dans
le marbre, la toile ou l’enduit ? Comment lever ces paradoxes entre ces
témoins silencieux et leurs assourdissants messages n’attendant qu’à être
perçus ?
C’est à cette merveilleuse quête à laquelle nous convie cette belle étude
inaugurant une collection à qui l’on souhaite un bel avenir !
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Carlo Maria Martini : « Farsi Prossimo », Opera
Omnia VI, Editions Bompiani, 2021.
Le sixième tome de l’Opera Omnia du théologien et cardinal italien Carlo
Maria Martini vient de paraître aux éditions Bompiani. Intitulé « Farsi
Prossimo », le titre de ce riche volume renvoie à l’idée de coopération
lancée par le message de Jésus, à l’opposé de la solitude qui enferme
l’individu. Les idées de charité et de proximité, essentielles pour Carlo
Maria Maritini, font l’objet des nombreux documents et interventions de ce
volume. Le cardinal Luis Antonio Tagle dans la préface de ce volume tient à
souligner combien au titre de président de Caritas internationalis,
il a été lui-même amené à rencontrer des personnes dans la plus grande
détresse matérielle et psychologique. Dans cette mission ardue et toujours
délicate, le cardinal Martini évoque la nécessité dans ces situations d’être
proche et de se laisser toucher par la parole par celles et ceux qui
souffrent. Carlo Maria Martini connaissait les risques du mot charité,
souvent synonyme d’un acte de compassion humaine convenue tels un don
matériel ou une vague parole de réconfort. Cette charité n’est pas celle
puisée au cœur du christianisme et du message laissé par Jésus ainsi que le
rappellent les différentes études réunies dans ce volume, toutes résultant
d’une expérience « sur le terrain » du cardinal responsable du plus grand
diocèse d’Italie pendant de nombreuses années…
Martini n’avait pas de recettes préfabriquées et encore moins de formules
générales sur ce sujet qui exige de se laisser toucher personnellement par
chaque situation douloureuse, qu’elle soit le fait de la maladie, du grand
âge, du handicap, du statut de migrant ou de la marginalisation. Cette
rencontre ne peut avoir lieu selon le théologien qu’à la lumière de la
Parole de Dieu qu’il médita si souvent et contribua à diffuser avec l’École
de la Parole qu’il initia au Duomo de Milan. L’écoute de la Parole forme
ainsi le préalable indispensable, il n’est possible d’aimer qu’à la
condition d’être aimé, cœur du message des Écritures. À partir de cette
donnée initiale et intangible, le cardinal n’eut de cesse sa vie durant
d’inviter à cette proximité notamment dans la justice et son action
personnelle en faveur des prisonniers, les nombreuses réformes sociales
auxquelles il invita, l’engagement au volontariat et à l’animation de la vie
chrétienne, toutes ces actions ne pouvant et ne devant être menées que par
une pratique de proximité à laquelle convie de nos jours régulièrement le
pape François.
Cet ouvrage foisonnant et passionnant se trouve être la démonstration
éclatante de la démarche toujours remise en question par cet inlassable
homme de Dieu qui s’interrogea tout au long de sa vie afin de savoir comment
aimer davantage son prochain, se faire plus proche de lui tout en le
respectant.
Philippe-Emmanuel Krautter
www.bompiani.it/catalogo/farsi-prossimo-9788845299612 |
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Emmanuel Godo : « La mort ? Non l’amour », Éditions Salvator, 2021.
L’écrivain et poète Emmanuel Godo livre avec « La mort ? Non, l’amour » le
dernier volet de sa trilogie présentée dans nos colonnes. Après la tristesse
et la joie, c’est un couple pour le moins singulier qui se partage cette
dernière réflexion. Derrière le titre inspiré repris de l’un des plus beaux
poèmes d’Elisabeth Browning (« Sonnets portugais ») se cache une vérité que
l’auteur parvient à se saisir avec la délicatesse qui le caractérise. Point
de traité philosophique en ces pages, mais une subtile digression
personnelle sur les rapports complexes entretenus non entre la vie et la
mort, mais ceux de cette dernière avec l’amour. Au seuil de la mort, l’amour
de ses proches et amis vient en premier des interrogations existentielles.
Partant de cette vérité fondamentale, Emmanuel Godo explore son vécu de la
manière la plus libre en un dialogue avec les vivants, mais aussi les
disparus dont sa mère. Et si le poète regrettait que « Les morts, les
pauvres morts, ont de grandes douleurs » (Baudelaire « La servante au grand
cœur »), il est pourtant un remède à cette peine, l’amour dont Emmanuel Godo
rappelle la force qui transcende tous ces tourments. Et là réside l’antidote
livré par l’auteur en une profonde invitation à la vie grâce à l’amour, deux
entités consubstantielles. L’amour peut vaincre la mort lorsqu’il encourage
à chaque instant de notre quotidien de ne point passer à côté de la vie.
Pour cela, nous pouvons préserver un espace personnel, citadelle imprenable,
une « arrière-boutique » comme l’y invitait Montaigne dans laquelle aucune
pulsion mortifère ne saurait s’immiscer. « Dans tout amour, il y a un adieu
» rappelle Emmanuel Godo, un à Dieu sous la forme d’une âme toute vouée à
l’amour, dont ces pages démontrent la force et la puissance sur la mort.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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Joseph
Ratzinger : « Théologie de la liturgie » ; Collection Opera Omnia, Éditions
Parole et Silence, 2021.
Le thème de la liturgie a toujours été au cœur de la réflexion du théologien
Joseph Ratzinger, ainsi qu’au sein de l’action du pape Benoît XVI tout au
long de son pontificat. Ce dernier confie en effet en présentation de cet
ouvrage venant d’être publié aux éditions Parole et Silence dans la
collection Opera Omnia : « Ce volume réunit tous les travaux, petits et plus
ou moins grands, par lesquels je me suis exprimé à propos de la liturgie au
cours des années, à différentes occasions et dans des perspectives diverses.
À partir de toutes les contributions nées ainsi, l’idée s’imposait
finalement à moi de présenter une vision de l’ensemble, qui parut lors de
l’année jubilaire 2000 sous le titre L’esprit de la liturgie. Une
introduction ».
Pour le grand théologien, la liturgie s’avère être, en effet, beaucoup plus
qu’un rite ou une mémoire mais bien un renouvellement et une actualisation,
lors de chaque messe, du sacrifice christique. Joseph Ratzinger démontre
dans ces pages d’une limpidité didactique remarquable, malgré la complexité
du sujet, combien cet esprit de la liturgie ne saurait être parfaitement
saisi sans le rattachement au Nouveau à l’Ancien Testament. Il n’est pas une
parole de Jésus qui ne se rattache aux livres fondateurs de la foi d’Israël,
qu’il s’agisse de sa prédication lors de sa vie publique jusqu’au dernier
souffle sur la Croix. C’est dès lors en puisant aux sources
vétérotestamentaires qu’il est possible d’accéder à la pleine compréhension
de chaque strate de nos liturgies.
Suivant en cela l’influence initiale de la pensée de Romano Guardini dans «
L’esprit de la liturgie », Joseph Ratzinger souligne combien la liturgie se
doit d’être entendue non seulement dans sa beauté et sa richesse cachée,
mais également selon une dimension qui dépasse les âges et la temporalité.
Cette extension de la liturgie s’étend en effet non seulement à toute
l’Église et à la vie chrétienne, mais prend également une dimension cosmique
à l’ensemble des êtres humains, quelle que soit leur confession. La liturgie
se présente ainsi comme étant non point le fait de quelques élus réunis en
un lieu donné, mais comme une célébration universelle de l’amour destinée à
l’ensemble de la Création et l’Histoire. Le lecteur saisira combien une
célébration ne saurait être comprise comme un acte répétitif et ressassé,
comme ce fut trop souvent le cas avant ce rappel opéré par le Concile
Vatican II.
Aussi, ces pages essentielles de la pensée du théologien et pape Benoît XVI
seront-elles déterminantes au lecteur du XXI° siècle afin de prendre
conscience de la force et de la puissance de la liturgie entendue en une
célébration à dimension universelle.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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«
DICTIONNAIRE CULTUREL DU CHRISTIANISME - Le sens chrétien des mots.» de
Pascal-Raphaël Ambrogi ; Préface de Monseigneur Pascal Wintzer, archevêque
de Poitiers ; Honoré Champion Éditions, 2021.
À l’heure où les racines chrétiennes de l’Europe tendent de plus en plus à
être reléguées dans l’oubli, la somme exceptionnelle proposée par
Pascal-Raphaël Ambrogi devrait retenir l’attention. Il s’agit là par
l’ampleur de la tâche non seulement d’un trésor d’informations et de
données, mais surtout d’un regard, celui porté sur notre culture classique,
que celui-ci s’inscrive ou non dans une démarche de foi. Ainsi que le
soulignait l’académicien Marc Fumaroli dans un entretien accordé à notre
revue, tout un pan de la culture classique qui vacille de nos jours ne
saurait être jeté aux oubliettes de l’Histoire sous peine de perdre le sens
entier de notre civilisation. Or, si la langue française, naguère source de
rayonnement dans l’Europe entière, a perdu cette prééminence, celle-ci offre
encore au XXIe siècle une mine inépuisable à laquelle puiser bien des
trésors.
C’est à cet immense patrimoine auquel s’est attaché l’auteur, haut
fonctionnaire, mais aussi écrivain défendant le patrimoine linguistique
français. Ce « Dictionnaire culturel du Christianisme » s’avère être aussi
impressionnant que précis avec ses milliers d’entrées nourries de
définitions et s’attachant à mieux rappeler les nuances de chaque mot
retenu. Un exemple ? L’entrée « Déréliction », ce mot qui ne s’écrit pas «
dirélection » comme le rappelle l’auteur et qui définit l’état de l’homme
privé du secours de Dieu. Toutes ces nuances s’égrènent au fil des pages
comme les perles d’un chapelet, révélant les trésors hérités du
christianisme ainsi que l’entreprit en son temps Chateaubriand dans son
fameux « Génie du christianisme » au lendemain de la Révolution française.
Si la fameuse adresse en latin « Habemus papam » est bien connue
après l’élection d’un nouveau pape, le lecteur découvrira amusé à la lecture
de cette entrée les différentes techniques permettant d’obtenir, selon les
résultats, une fumée noire ou blanche grâce à l’ajout de composants
chimiques. Le Dictionnaire offre également des entrées essentielles pour
rafraîchir sa mémoire biblique avec des rappels clairs et précis des grands
rois et prophètes de l’Ancien Testament, les lieux de la Bible, mais aussi
de nombreuses expressions en latin si fréquentes dans la liturgie et dont la
compréhension tend également à s’effacer depuis quelques décennies. A ces
explications claires et rigoureuses, ces entrées incluent enfin également de
nombreuses citations tirées des écrits des papes ou des grands textes
chrétiens, une mine de connaissances et un précieux outil de travail.
Ce Dictionnaire de plus de 1 000 pages répondra, en effet, à de multiples
usages. Il sera le fidèle compagnon de l’honnête homme du XXIe siècle qui
aura décidé de ne point perdre cette richesse culturelle. De même, il
répondra à toutes les questions à l’occasion d’une célébration, la réception
d’un sacrement ou encore lors de la préparation d’une catéchèse ou d’un
enseignement. Avant tout, l’immense tâche réalisée par Pascal-Raphaël
Ambrogi relève de la conservation d’un patrimoine de nos jours menacé, au
même titre que des conservateurs veillent à la protection d’une œuvre d’art.
Pour toutes ces raisons, ce « Dictionnaire culturel du Christianisme »
mérite toute l’attention du lecteur.
Philippe-Emmanuel Krautter |
CINÉMA, MUSIQUE |
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« La
grande bellezza – Paolo Sorrentino », ; Scénario original écrit avec Umberto
Contarello, , Avant-propos inédit de Paolo Sorrentino, ; Traduit de
l’italien par Anna Colao, ; 15 x 21 cm, 240 p., Editions Séguier, 2023.
10 ans déjà que le film iconique La grande bellezza du
réalisateur italien Paolo Sorrentino est sorti sur le grand écran et
pourtant les images de ce très beau film défilent encore sous nos yeux, sans
une ride même sans l’aide de l’esthéticien Alfio Bracco ! C’est cette magie
que vient prolonger cette publication inspirée par les éditions Séguier du
scénario original du film, ici, dans une traduction française d’Anna Colao.
Autant dire que le souffle à la fois sensible et caustique du film se
retrouve sans faiblir en ces pages d’une lucidité à toute épreuve. Le
narrateur, Jep Gambardella, journaliste et auteur d’un seul roman à succès,
a longtemps été à la quête de la grande beauté, sans pouvoir la trouver.
Cette recherche désabusée l’a conduit à être le roi des mondanités grâce à
une inspiration toujours renouvelée sur fond de fêtes romaines décadentes et
autres futilités qui ne parviennent plus cependant à le distraire. Dans quel
monde vivons-nous ? Telle est la question existentielle lancée entre deux
chenilles effrénées sur les terrasses de la Ville éternelle après un nombre
incalculable de gins tonic… Le lecteur retrouvera ainsi en ces pages tous
les protagonistes du film avec plusieurs scènes en sus non reprises lors du
tournage. Alors Silence ! Action… sur ces petits trains qui ne mènent nulle
part… |
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« LE
CINÉMA D'ELIO PETRI » par Alfredo Rossi, Editions Gremese, 2023.
Le prisé mais trop confidentiel réalisateur italien, Elio
Petri, fait avec cet ouvrage l’objet d’une passionnante et complète analyse
d’Alfredo Rossi, lui-même spécialiste du 7e art. Les cinéphiles ont encore
en mémoire le fameux film « Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon
» de 1971 ou encore « La classe ouvrière va au paradis », Palme d’or au
Festival de Cannes l’année suivante. Cinéaste engagé dont le travail et
l’inspiration se rapprochent de celui de Pier Paolo Pasolini quant à la
critique exacerbée de la société de consommation d’après-guerre, Petri
n’hésite pas à adopter un style violent, voire halluciné, ainsi que le
rappelle Alfredo Rossi. Le cinéaste qui jouissait d’une vaste culture et
d’amitiés solides approfondit au fil de ses réalisations soignées sa vision
personnelle du monde. Le lecteur débutera avec profit sa lecture avec la
préface de Jean A. Gili qui rappelle toute la dimension poétique de l’œuvre
d’Elio Petri, ainsi que sa francophilie indéfectible alors même que le
réalisateur de nos jours n’est pas reconnu comme il le devrait même si ses
films sont encore programmés. Alfredo Rossi quant à lui commence son essai
par la fin en partant d’une lettre du réalisateur rédigée en 1982, quelques
mois avant sa disparition par laquelle il rappelle ses profondes convictions
intellectuelles. Plus qu’un réalisateur politique engagé, Petri s’inscrit
dans un cinéma expérimental dont les grandes lignes sont rappelées par cet
ouvrage passionnant qui permettra de redécouvrir ce cinéaste singulier.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Nos
films de toujours » de Marc Combier, Editions Larousse, 2023.
L’équipe de Monsieur Cinéma s’est réunie pour proposer en un
seul et même volume près de 360 films ayant marqué le 7ième art. Cette
extraordinaire mémoire cinématographique se trouve ainsi rassemblée dans ce
guide aussi pratique que complet. Avec ses 400 pages, ce fort ouvrage est
prêt à répondre à toutes les questions que peut se poser le cinéphile
passionné. Allant des grosses productions comme Piège de cristal de John
McTiernam avec le fameux Bruce Willis en 1988 jusqu’au sulfureux Mort à
Venise de Luchino Visconti en 1971, chaque long métrage bénéficie d’une
fiche technique complète rappelant non seulement l’histoire du film mais
également ses coulisses et portée. Bénéficiant d’une mise en page dynamique
allant à l’essentiel, ce guide dénommé à juste titre « Nos films de toujours
» devrait figurer au sein de toute bonne bibliothèque de cinéphile averti ! |
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Richard
Wagner : « Le carnet brun : journal intime (1865 -1882) » ; Traduit,
présenté et annoté par Nicolas Crapanne ; Préface Jean-François Candoni,
Hors-série Connaissance, Gallimard, 2023.
Après les « Écrits sur la musique » présentés dans ces colonnes, c’est au
tour du « Carnet brun » de Richard Wagner de bénéficier d’une belle édition
réalisée par Nicolas Crapanne avec la collaboration de Marie-Bernadette
Fantin-Epstein, Éva Perrier et Solange Roubert. Il faudra attendre 1975 pour
que ce mystérieux cahier de cuir offert par Cosima, la fille de Franz Liszt,
à son amant Richard Wagner qu’elle épousera quelque temps après en 1870,
fasse l’objet d’une publication en langue allemande. Dans ce journal intime
et précieux à plus d’un titre, le grand musicien se confesse, livre ses
pensées mais aussi son quotidien ; une mine d’informations, donc, pour tous
les musiciens, mélomanes et passionnés du compositeur allemand. L’important
travail critique accompagnant cette première traduction intégrale en
français permettra au lecteur de se familiariser avec l’univers bien
particulier du musicien ainsi que sa riche vie artistique.
La première entrée correspond à la date du 10 août 1865, une époque troublée
dans la vie du musicien ayant connu bien des déboires avec son Tristan et
Isolde et songeant même à mettre un terme à sa vie… Mais, c’est
également une période faste puisqu’ il rencontrera son alter ego, la
fille du grand pianiste et compositeur hongrois Franz Liszt, Cosima née à
Bellagio des amours avec Marie d’Agoult. Ces deux êtres malheureux en ménage
se rapprocheront pour finalement fonder l’un des couples légendaires de la
musique de la fin du XIXe s. Ce carnet contient également des poèmes, des
préfaces et même des réflexions inattendues sur le bouddhisme ! Sur un plan
plus strictement musical, le lecteur se délectera de la première esquisse du
scénario de Parsifal, œuvre maîtresse du compositeur. Mais avant
tout, « Le carnet brun » réservera des moments d’introspection et d’intimité
du musicien d’une rare authenticité. |
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« Le
petit Larousse des Films » Larousse, 2023.
Cet ouvrage, véritable somme, publié par les éditions Larousse est parvenu à
réunir et à présenter plus de 3 000 films et 300 filmographies en un seul
(fort) volume de 1 104 pages ! Ce coup de force ravira bien entendu les
passionnés du 7e art qui retrouveront ainsi instantanément les fiches
indispensables à la découverte ou redécouverte des films de légende mais
aussi des pépites plus cachées pour leur plus grand bonheur.
Organisé selon un classement alphabétique, ce guide offre le synopsis de
chaque film, sa distribution ainsi qu’une analyse critique plus ou moins
développée selon son importance dans l’histoire du cinéma. Qui plus est, cet
ouvrage très complet ne se contente pas de dresser un catalogue mais
présente également des filmographies par genres, pays, réalisateurs et
acteurs, un outil pratique pour avoir en quelques pages l’essentiel
permettant de mener ses propres découvertes.
Cette véritable cinémathèque concentrée en un format également pratique (138
x 198 mm) constituera à l’évidence un ouvrage incontournable pour les
amoureux du grand écran ! |
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Richard
Burton : "Journal intime" publié sous la direction de Chris Williams,
traduit de l’anglais par Alexis Vincent & Mirabelle Ordinaire, 15 x 21 cm,
592 p., Séguier éditions, 2020.
Contrairement à un jugement trop rapide, l’acteur Richard Burton dévoile
dans les pages de son « Journal intime » bien des aspects méconnus de sa
personnalité. Loin des spots d’Hollywood, l’homme y apparaît, en effet, plus
sensible, fragile, tourné vers la littérature, les livres et le théâtre que
les artifices du 7e art ne pouvaient le laisser penser…
Pour cette seule raison, ce volumineux journal déjà expurgé par les
responsables de l’édition mérite d’être lu. Nous y découvrons un esprit bien
éloigné du quotidien des célébrités, même si les excès ne manquent certes
pas dans sa vie débridée… Alors que l’acteur évoque le tournage d’une scène
d’un de ses films, ce dernier n’hésite pas à faire dans son journal une
référence implicite au poète écossais du XVe s. William Dunbar. De même,
enchaînant les tournages, ses rêves se portent sur l’achat d’une péniche où
il pourrait y installer des milliers de livres dans une bibliothèque…
Les jugements sont en ces pages également acerbes, effilés comme une flèche
touchant droit au but, qu’il s’agisse de lui-même où des nombreuses
personnalités qu’il côtoie. Sa description du duc et de la duchesse de
Windsor tient plus d’une évocation du musée Grévin que de ses royaux amis :
« Ébréchés sur les bords. Quelque chose qu’on garde au salon et qu’on ne
sort que les dimanches. Des monarques déchus » ! L’alcool coule à flots,
seul antidote à la trop grande lucidité du comédien qui confesse par
ailleurs ses rêves de voyager, seul, dans un « petit tortillard » avec une
machine à écrire comme compagne au lieu du jet privé qu’il vient de louer
pour des vacances à Gstaad…
Les succès s’additionnent, les déconvenues également, et les excès tentent
vainement d’étouffer toutes les vanités concentrées par le milieu dans
lequel le comédien évolue. Seule échappatoire, pour cet acteur trop connu et
célébré, l’écriture, la poésie et le théâtre, une ivresse moins destructrice
que l’alcool, dans laquelle se réfugiera de plus en plus cette âme plus
sensible que son image ne pouvait le laisser croire... |
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Vladimir Jankélévitch : "Fauré et l'inexprimable", Editions Plon, 2019.
Vladimir Jankélévitch est bien connu pour être un philosophe engagé avec sa
fameuse métaphysique du « je-ne-sais-quoi » et du « presque rien ». Fervent
défenseur de la morale au cœur de la philosophie, ce penseur vif et
iconoclaste fut également un musicologue averti, ainsi qu’un pianiste
passionnément amoureux notamment de la musique de Liszt et de ses fameuses
rhapsodies. Mais, c’est à Gabriel Fauré qu’il a également consacré une somme
impressionnante de plus 400 pages et qui vient de faire l’objet d’une
nouvelle édition chez Plon.
Le titre préfigure l’angle retenu par le philosophe – musicologue : « Fauré
et l’inexprimable ». C’est en effet le mystère d’ambiguïté qui sert de trame
à cette réflexion alerte et vive dans laquelle le lecteur retrouvera le
style « Janké », ainsi que le rappelait avec malice le regretté Lucien
Jerphagnon. Il est acquis que la musique de Fauré déconcerte et déroute bien
souvent pour ses apparentes contradictions. L’auteur de « Pelléas et
Mélisande », de « Pavane », suggère, en effet, souvent des couples de
contradictions, qu’il s’agisse de sa musique de chambre, pour piano, de ses
mélodies ou encore de son Requiem. Insaisissable, son inspiration puise à ce
goût certain de l’ineffable si cher à Jankélévitch.
L’auteur consacre la première partie de son essai aux mélodies de Gabriel
Fauré ; Qui n’a jamais entendu en effet sa fameuse Pavane ? Soulignant
l’osmose parfaite qui peut unir poètes et musiciens, Gabriel Fauré n’est pas
en reste, et Verlaine a offert au compositeur ses plus beaux vers où puiser
son inspiration. Fauré n’est pas pour autant le musicien d’un mode unique
d’expression, « son art est complet » souligne Vladimir Jankélévitch. C’est
la « sonorité abstraite et immatérielle » que retient son inspiration, «
celle qui vient du centre de l’âme ». Gabriel Fauré n’est pas plus le
musicien des décors trop précis et des couleurs insistantes selon Vladimir
Jankélévitch. Chez lui « les modes et les influences extérieures semblent
avoir peu de parts » poursuit encore le philosophe avant d’analyser les
trois périodes chronologiques de ses mélodies.
Pour sa musique de piano, si le romantisme est toujours présent, Gabriel
Fauré fait encore preuve de grande liberté. Ses valses se révèlent être à la
fois élégantes sans mièvrerie, brillantes et intimistes. « Mais Fauré ne
nous a-t-il pas habitués à ces contradictions ? » rappelle avec un clin
d’œil Jankélévitch, encore une fois séduit par cette beauté de l’ordre de
l’ineffable.
L’auteur explore encore avec une rare virtuosité « le paradoxe de la rigueur
évasive » du compositeur. L’humour n’est jamais loin de ces renversements de
valeur, où l’accompagnement lui-même est accompagné comme ces « Clair de
lune » et « À Clymène » renversant les rôles entre le piano et la voix. Il
n’est pas jusqu’aux ordres pourtant les plus préétablis qui ne vacillent
dans la partition de Gabriel Fauré, notamment pour l’indétrônable main
droite, avec cette volonté manifeste d’une indépendance des parties, comme
pour la musique d’orgue.
Avec Gabriel Fauré, la musique polyphonique atteint une dimension «
plurivoque » ou plusieurs lignes de pensée sont conduites de front, tout en
étant distinctes et indépendantes. Dialogues et superpositions de voix sont
menés, d’où surgissent parfois des étincelles relève malicieusement Vladimir
Jankélévitch. Gabriel Fauré s’écarte des voies explorées par Liszt et
Debussy et cherche plutôt à suggérer des états d’âme, comme pour «
Allégresse » et « Tendresse » (Dolly). Il faut alors apprendre à composer en
tant qu’interprète et mélomane avec cette apparente nonchalance et pourtant
rigoureuse musique. C’est là toute la complexité, et certainement
l’abondante richesse, de la musique de Gabriel Fauré, comme le met en
évidence de toute aussi brillante et magistrale manière notre philosophe –
musicologue.
Philippe-Emmanuel Krautter |
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« Franz Liszt ; Tout le ciel en musique ; Pensées
choisies et présentées par Nicolas Dufetel, Le Passeur Editeur, 2019.
Un plaisant et bel ouvrage livrant les pensées choisies du grand
pianiste et compositeur du XIXe siècle que fut Frantz Liszt. Réunis pour
la première fois par Nicolas Dufetel, musicologue, chercheur et
spécialiste du XIXe siècle, ces pensées, maximes ou aphorismes sont à
l’image de la musique et du caractère de cette figure majeure du
romantique. Figure complexe, trop souvent mal connue, qui aima
passionnément Marie d’Agoult, fut ami de Georges Sand, de Richard Wagner
qui épousa sa fille Cosima… Des réflexions tout à la fois profondes,
intempestives, impétueuses et fulgurantes empreintes de toute la fougue du
compositeur et abordant les grands sujets de son époque : L’homme et la
société, philosophie et philosophes, les pays et l’Europe, mais aussi bien
sûr, pour cet abbé, la spiritualité et la religion, sans oublier bien
entendu la musique, l’artiste et l’art en général. Un réel régal ! C’est
tout le génie visionnaire de Franz Liszt qui se trouve concentré en ces
pages par les soins et le travail de Nicolas Dufetel, comme pour mieux s’y
déployer. Issues de ses écrits publics ou de correspondances privées,
écrites dans un merveilleux français, langue que le grand compositeur «
hongrois », né en Autriche (1811-1886), affectionnait particulièrement, le
lecteur retrouvera dans ces pensées choisies l’esprit universel de ce
grand cosmopolite du XIXe siècle romantique. Un bel ouvrage avec,
effectivement, « Tout le ciel en musique » pour horizon ! |
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Rémy
Campos "Debussy à la plage" Préface de Jean-Yves Tadié, Contient 1 CD audio.
Durée d'écoute : 74 mn, Hors série Connaissance, Gallimard, 2018.
Rémy Campos, professeur d’histoire de la musique au CNSM de Paris, a décidé
de nous faire partager un épisode de la vie de Claude Debussy méconnu, et
pourtant bien plaisant, celui de son séjour pendant l’été 1911 à Houlgate
sur la côte normande, voisine de Cabourg et non loin de Deauville. Là, sur
cette plage paisible, il n’y composera étrangement aucune œuvre, pendant un
mois il sera le vacancier anonyme de ces lieux, sept ans avant sa mort.
Surgis d’archives familiales, les documents, par-delà leurs valeurs
anecdotiques, qu’a su réunir l’auteur Rémy Campo témoignent à la fois de
l’esprit d’une époque, trois ans avant le premier conflit mondial, mais
aussi de l’environnement et entourage du musicien. Houlgate compte en ce
début de siècle parmi les villégiatures appréciées, station balnéaire
prisée, certes moins célèbre que sa rivale Deauville ou sa voisine Cabourg,
elle jouit cependant d’une belle fréquentation. La préface du spécialiste de
Marcel Proust, Jean-Yves Tadié, souligne combien il est étonnant que ni
Proust ni Debussy ne se soient rencontrés, fréquentant pourtant à la même
époque des lieux voisins d’à peine quelques kilomètres. Rendez-vous manqué ?
Très certainement, si l’on songe aux nombreuses affinités qui auraient pu
réunir les deux hommes. En 1911, l’œuvre célèbre de Debussy La Mer a
déjà été créée depuis six ans alors que La Recherche est encore au
stade des brouillons… La mer a inspiré Debussy à distance et le musicien se
plaint de ne trouver en ces lieux l’inspiration alors même que «
Pourtant, la Mer est belle, comme c’est d’ailleurs son devoir »,
devoir ? Lapsus révélateur… Toujours est-il que ce séjour balnéaire
s’avère riche d’enseignements comme le démontre ce livre bien mené, tant sur
le plan iconographique, que pour l’enquête entreprise par son auteur. C’est
en effet tout un passé qui resurgit sous la plume de Rémy Campos, un passé
que les vacanciers de la côte normande ignorent bien souvent, passant sous
les ombres d’anciens grands hôtels reconvertis en villégiatures des temps
modernes aux musiques et animations tapageuses… Nul doute que Debussy et
Proust se seraient rencontrés sur ce point, le second déjà en son temps
trouvait confondant que « de grosses femmes viennent jouer sur la plage
des valses avec des cors de chasse et des pistons jusqu’à ce qu’il fasse
nuit. C’est à se jeter dans la mer de mélancolie » ! Debussy se refusa,
quant à lui, à de porter ces caleçons et maillot rayé, point de bain pour
lui, mais une tenue de ville pour mieux goûter au spectacle de la mer, une
attitude loin d’être singulière à son époque, salon sablonneux où l’on
conversait plutôt. Debussy se fait photographe, lit des romans à 95c., une
vie ordinaire et anonyme de vacancier. C’est le temps de l’insouciance, des
rencontres, du Casino encore existant aujourd’hui, faible ombre de ce qu’il
fut, si le lecteur s’arrête quelque temps sur les photographies
réunies…Mais, en ce temps passé, déjà le mauvais goût faisait ses ravages et
notre compositeur se plaint d’un artiste de saison qui dispense une mauvaise
musique : « la Mer en profite pour se retirer, justement indignée. – Moi
aussi ! » siffle Debussy. Mais la vie du Grand Hôtel d’Houlgate où toute
la famille Debussy a élu résidence pendant un mois rattrape bien ces fausses
notes, vie passée à s’observer, à se changer aux différentes heures du jour
et du soir. Ce beau voyage se termine par un retour à la capitale où le
lecteur pourra découvrir l’intimité du musicien dans un cadre plus formel.
Un bien agréable voyage qui se conclut comme il se doit en musique grâce au
CD audio qui accompagne ce livre avec 74 mn d’enregistrements d’époque
d’œuvres de Debussy, dont une inédite ! |
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Olivier
Lexa « Monteverdi et Wagner, Penser l'opéra » Archives Karéline, Broché -
format : 13,5 x 21,5 cm, 352 pages, 2018.
Curieuse association pour ce titre - Monteverdi et Wagner, Penser l'opéra,
retenu par Olivier Lexa dans son dernier essai paru. Rapprocher le nom de
Wagner à celui de Monteverdi peut, en effet, surprendre si l’on songe à tout
ce qui sépare les deux musiciens sur pas moins de deux siècles. Cependant,
associant histoire de l'art, histoire culturelle et esthétique analytique,
l’auteur - metteur en scène, dramaturge et historien - rapproche avec brio
ces deux compositeurs quant à leur goût commun pour la musique et le
théâtre, et bien sûr, leur rôle essentiel pour l’opéra. En effet, si
Monteverdi jette le premier les bases de ce que sera l’opéra moderne,
Wagner, pour sa part, en repoussera à l’extrême les limites avant la
modernité. La pensée néoplatonicienne qui les anime tous deux inspire
fortement leurs rapports à la création musicale et à l’art, médium entre
réalité quotidienne et réalité supérieure. Tous deux théoriseront leur art,
Monteverdi pour répondre aux attaques dont il était l’objet quant à la
modernité de sa musique, Wagner produisant de nombreux écrits théoriques. Le
rapport au temps, la rédemption par l’amour, nombreux sont les thèmes qui
rapprochent les deux musiciens, similitudes parfois évoquées par le passé
par des analyses comme celles de Pierre Boulez mais jamais étudiées de
manière exhaustive, ce que fait avec science et pédagogie Olivier Lexa dans
ce livre qu’il a su ne pas limiter aux seuls musicologues, mais au contraire
a souhaité laisser toujours accessible. L’ouvrage « Les règles de l’art
» de Pierre Bourdieu a manifestement inspiré l’auteur ; ce dernier a
également retenu l’exemple des œuvres et les nombreuses analogies entre
Monteverdi et Wagner pour développer dans un second temps un historique de
la pensée de l’opéra depuis ses origines au XVe siècle jusqu’à la période
contemporaine. À partir d’une approche pluridisciplinaire et d’une réflexion
sur ce qui constitue une œuvre d’art, Olivier Lexa a souhaité approfondir
cet espace philosophique après Hegel, Novalis, Schopenhauer, Kierkegaard,
sans oublier Nietzsche qui consacra un essai bien connu sur Wagner.
Analysant le rapport à ce genre musical de penseurs comme Adorno, Barthes,
Deleuze, Foucault, Bourdieu, il invite à une conception pleine et entière de
l’opéra. L’auteur souligne en effet les limites de l’enregistrement d’œuvres
qui n’ont jamais été conçues pour s’abstraire du rapport visuel et de leur
dimension théâtrale. Nous entrons ainsi dans ces pages inspirées au cœur
d’une philosophie de l’opéra moins connue que celle instrumentale et que
l’auteur illustre idéalement avec ce livre à partir des exemples comparés de
deux géants de la musique. |
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« Jean
Rouch, l’Homme-Cinéma - Découvrir les films de Jean Rouch » Somogy, 2017.
Le CNC et la BnF ont heureusement œuvré afin de préserver les archives
filmiques, photographiques et documentaires du cinéaste Jean Rouch. Cette
impressionnante collecte se trouve aujourd’hui réunie à portée de mains et
d’yeux dans ce livre de plus 243 pages, constituant assurément une Bible
incontournable pour tous les amateurs de Cocorico ! Monsieur Poulet, Moi
un noir, Chronique d’un été… Si la filmographie de Jean Rouch est ainsi
réunie dans cet ouvrage, l’avant-propos ne manque pas de rappeler qu’il est
néanmoins fort possible que quelques réalisations soient passées entre les
mailles et sommeillent encore sur des étagères, tant le cinéaste fut
prolixe. Toujours est-il que l’abondance du matériel ne doit pas être
sous-estimée, et l’apparente simplicité du cinéma de Jean Rouch pourrait
laisser croire à tort que la collecte est définitive. Qu’il s’agisse des
photographies de jeunesse, des compagnons de la première heure avec Dalarou,
Damouré Zika, Lam Ibrahima Dia, Talou Mouzourane ou encore des premières
réalisations, c’est un demi-siècle d’images qui défilent d’un continent à
l’autre au fil de ces pages. L’aventure débute en 1947 avec « Au pays des
mages noirs », 13 mn que Jean Rouch jugea sévèrement avec le recul et
qui prélude pourtant à sa grande œuvre à venir. Pour chaque film, une fiche
technique, un résumé, des commentaires et diverses notes accompagnées de
photographies permettent d’avoir une information complète et détaillée sans
arpenter les couloirs de bibliothèques et cinémathèques spécialisées. Ici ou
là, le lecteur découvrira des images ou témoignages émouvants comme cette
fameuse 2CV break de Cocorico ! Monsieur Poulet, annonçant
d’interminables palabres mémorables… Cette riche iconographie complète ainsi
idéalement les fiches réunies sur chaque film, un ouvrage indispensable pour
mieux appréhender et comprendre l’univers du cinéma rouchien. |
Sciences, Nature |
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« Les
plus belles cartes du monde – Du XVIe siècle à nos jours » ; Collectif,
Éditions Autrement, 2023.
Un livre pour voyager et rêver, tel est effectivement l’objet de cette
parution aux éditions Autrement offrant « Les 20 plus belles cartes du monde
» depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours. À peine ouvert, l’ouvrage reflète
effectivement ses trésors, ces cartes d’aujourd’hui et d’hier qui enchantent
par leur diversité, leurs couleurs, formes et univers ; chaque carte livre,
en effet, au regard, à la curiosité et à l’imagination ses mondes propres,
chacune étant présentée sur une page recto-verso avec son histoire, sa date,
son créateur, etc. Scientifiques ou artistiques, ces cartes offrent au fil
des siècles et de leur objet une richesse inouïe.
Des cartes déroutantes et fascinantes venant de siècles lointains telle
cette mappemonde du XVIe siècle en forme de cœur d’Oronce Fine, un des
premiers savants cartographes ou encore des cartes plus récentes notamment
d’artistes ou de plasticiens contemporains telle « La main de la méduse » de
Julien Jaffré de 2022 ou cette carte de Marine Le Breton de 2023 avec son
graphisme en dentelle, mais aussi des cartes célestes, du système planétaire
ou de la lune…
Le plus de ce splendide ouvrage : chaque carte peut être détachée pour être
affichée, rangée précieusement ou offerte… |
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François Hammer : "Voyage de la Terre aux confins de l'Univers", Odile Jacob
Éditions, 2023.
L’astrophysicien François Hammer bien connu pour ses travaux sur les
galaxies lointaines nous embarque de nouveau avec son dernier ouvrage pour
un merveilleux voyage interstellaire en sa compagnie… Et comment résister à
cette invitation tant il est vrai que le scientifique se révèle être un
aussi bon pédagogue qu’un guide de l’espace hors pair !
Ainsi, avec lui, au fil des pages alertes et oniriques, nous explorons tout
d’abord notre système solaire qui apparaîtra presque familier sous sa plume
tant l’auteur sait en rendre les complexités compréhensibles. Mais bientôt,
nous dépasserons avec lui les frontières de notre galaxie pour aborder
l’immensité toujours impressionnante des lointaines galaxies et ces espaces
vertigineux dignes des meilleurs films de science-fiction… Des centaines de
milliards de galaxies, rappelle François Hammer !
Mais attention, en ces pages toujours accessibles, il ne s’agit pas pour
autant de vulgarisation facile, mais bien d’un tableau complet sur
l’astrophysique conçu par cet éminent responsable scientifique de grands
spectrographes installés au Chili sur les sites du Very Large Telescope.
Grâce à lui, nous comprendrons ce que sont les planètes, exoplanètes, les
trous noirs comme les nuages de gaz pépinières des nouveaux astres.
Les deux derniers chapitres passionneront également le lecteur en explorant
cette fois-ci le passé de l’univers, un véritable voyage dans le temps dont
François Hammer parvient à rendre la complexité compréhensible au néophyte
avec un rare bonheur. Quasars, galaxies biscornues et autres nuages d’Oort
n’auront plus aucun secret après lecture de ce passionnant ouvrage qui se
conclut sur l’évolution prévisible de la recherche en astronomie ; une
évolution qui file à toute vitesse, mais des progrès qui ne doivent
cependant par faire oublier le danger qui nous guette non pas des confins de
l’univers mais de notre propre planète toute proche de la limite de l’effet
de serre… |
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"Tous
les oiseaux d'Europe" de Frédéric Jiguet et Aurélien Audevard, 528 p.,
Editions Delachaux et Niestlé, 2023.
Les oiseaux sont menacés, ce n’est malheureusement une découverte pour
personne, mais leur meilleure connaissance devrait cependant contribuer à
une plus grande protection. Tel est le souhait des auteurs de ce passionnant
guide qui vient d’être publié aux éditions Delachaux et Niestlé. Frédéric
Jiguet, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, et Aurélien
Audevard, chargé d’études à la LPO, signent ensemble, en effet, cette somme
de plus de 500 pages enrichie de 3 000 photos et 800 cartes permettant
d’identifier 930 espèces de nos contrées et pays d’Europe.
Au-delà de l’exhaustivité remarquable de l’ouvrage, ce guide méritera
l’attention des passionnés de la nature en raison de sa philosophie et de sa
conception faisant de ce livre non seulement un guide de terrain mais
également une somme didactique accessible et complète. Qu’il s’agisse des
nicheurs, migrateurs, hivernants mais aussi des espèces les plus rares, «
Tous les oiseaux d’Europe » offre une description complète de chacun – y
compris de sa voix ! – sans oublier son habitat, et répartition
géographique. Plaisant, exhaustif et qui plus est esthétique, ce Guide
Delachaux sera Le guide à réserver pour découvrir l’univers passionnant de
l’ornithologie. |
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André
Zysberg : "La Mer, 5 000 ans d’Histoire", 640 p., 153x240mm, Les Arènes
Editions, 2022.
Somme unique en langue française, « La Mer, 5 000 ans d’Histoire » réalisée
sous la direction d’André Zysberg parvient, véritable défi, à circonscrire
un sujet aussi vaste que ses étendues… Il fallait en effet oser ce défi en
réunissant un comité des plus grands spécialistes sur chaque sujet traité.
Publié en coédition avec le magazine L’Histoire, ce fort volume de presque
650 pages à la fois érudit et accessible aborde la dimension historique des
multiples rapports entretenus par l’homme avec la mer. Qu’il s’agisse des
premiers navigateurs de la préhistoire, des grandes civilisations antiques
étroitement associées à l’élément marin, la Grèce ou encore Rome, sans
oublier ces grands explorateurs et aventuriers qui osèrent la parcourir,
souvent à leurs risques et périls, cet ouvrage monumental embarque le
lecteur dans une odyssée aussi étonnante que diversifiée. La vie quotidienne
des marins au fil des millénaires, les innombrables guerres qui ont troublé
ces eaux, les non moins nombreuses ressources que l’élément marin recèle,
c’est une somme vertigineuse complétée de multiples cartes couleurs dans un
encart central. Cet ouvrage devrait assurément rencontrer un succès mérité,
un cadeau à faire à tout amoureux de la mer ! |
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Pascal
Picq : « Manifeste intemporel des arts de la préhistoire », Relié, 217 x 276
mm, 160 p., Flammarion, 2022.
Les témoignages des premières expressions culturelles et artistiques des
Sapiens, Dénivosiens ou encore Néanderthaliens ne cessent de questionner nos
contemporains depuis leurs redécouvertes. Art ? Religion ? Symboles ? Ces
divers témoignages de leur créativité parvenus jusqu’à nous demeurent pour
le grand public muets et c’est au spécialiste d’être investi de la lourde
tâche de tenter de les faire parler… Pascal Picq, paléoanthropologue fameux
et réputé pour ses travaux sur l’évolution humaine, livre avec cet ouvrage
une réflexion précieuse sur ces gestes et sensibilités manifestés à l’aube
des temps et dont nous avons perdu les clefs et significations. Loin de
toute supériorité de l’art occidental qui prévalait encore il y a un siècle,
Pascal Picq traverse ces millénaires en rappelant la façon dont nous avons
pu estimer ces œuvres primordiales – et parfois les juger de manière
caricaturale – ces deux derniers siècles. « Aujourd’hui, l’archéologie
préhistorique décrit les vastes civilisations dont les influences
esthétiques et artistiques s’étendent sur des milliers de kilomètres et au
fil de milliers d’années » souligne l’auteur. Dans ce Manifeste intemporel
des arts de la préhistoire, Pascal Picq explore ainsi les origines de cette
volonté de création qui anima les premiers humains, expression qui prit des
formes aussi diverses que la peinture de mains négatives projetées sur des
parois, la sculpture sur bois de cervidé de félins dont nous ignorerons à
jamais la symbolique ou encore cette impétueuse envie de représenter des
formes humaines telles ces éternelles Vénus qui n’ont pas fini de nous
questionner, ce qui n’est pas le moindre mérite de cet ouvrage ! |
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Christian Grataloup : « Atlas historique de la Terre », 340 pages, Éditions
Les Arènes, 2022.
L’Atlas élaboré sous la direction de l’éminent géographe Christian Grataloup
devrait combler tous les lecteurs en recherche d’informations exhaustives et
accessibles sur notre planète. Conjuguant les savoirs de plus de trente
scientifiques provenant de différentes disciplines en une habile synthèse,
l’ouvrage parvient en effet en ces 340 pages à proposer une Histoire de
notre planète vieille de 4,5 milliards d’années sur laquelle l’espèce Homo
sapiens ne surgira que vers 300 000 ans. La mise en rapport de ces multiples
échelles chronologiques permet ainsi au lecteur de mieux comprendre nos
implications vis-à-vis de notre planète terre qui à l’échelle de l’univers
n’occupe que quelques brefs instants…
Mettant rapidement en évidence l’un de ses traits caractéristiques,
Christian Grataloup souligne combien la terre se distingue des autres astres
par le fait qu’elle abrite la vie depuis des millions d’années. Conjuguant
avec un rare bonheur cartographie, histoire et géographie, cet Atlas
parvient à placer ces cadres temporels indispensables à la compréhension de
notre histoire et celle de notre planète. Sans verser dans le catastrophisme
climatique et le déclin irréversible, Christian Grataloup souligne : « Notre
objectif est la lutte contre l’amnésie : les passés ne peuvent se comprendre
qu’articulés les uns aux autres. Notre présent est simultanément vieux de
milliards d’années et de quelques siècles ». Du big bang initial à l’état
actuel d’une planète vulnérable sous l’action humaine, cet ouvrage
indispensable devrait assurément figurer dans toute bonne bibliothèque ! |
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Didier
Nectoux et Eloise Gaillou : « Le musée minéralogique de l’Ecole des Mines de
Paris » ; Hors-série Découvertes, Gallimard, 2022.
Le musée de minéralogie est installé depuis 1815 à Paris, précisément à
l’Hôtel Vendôme, en plein cœur du Quartier Latin, accolé au jardin du
Luxembourg et longeant le boulevard Saint-Michel. Ce sont justement les
portes de cette vénérable institution datant du milieu du XIX° siècle, que
vient ouvrir au lecteur le dernier « Découvertes Gallimard ». Une heureuse
idée puisque cette collection minéralogique unique au monde se veut
également être un pôle dynamique permettant au plus grand nombre de
réfléchir aux implications industrielles, politiques, économiques et
environnementales de l’exploitation des minéraux.
Grâce à l’action de Didier Nectoux, le directeur des lieux, c’est une image
modernisée de ces collections qui a été aujourd’hui favorisée et mise en
œuvre. Néanmoins, et pour le plus grand plaisir des amateurs et curieux, ces
collections sont encore présentées dans leur mobilier d’origine préservé,
fait quasi unique au monde, alors qu’un grand nombre d’institutions ont cédé
depuis longtemps aux sirènes du modernisme en abandonnant ce qui faisait
leur charme pour des mobiliers contemporains. Le lecteur aura ainsi le rare
bonheur d’aborder au fil de l’ouvrage ce haut lieu des sciences minérales en
découvrant son histoire et ses évolutions grâce aux explications claires et
concises de Didier Nectoux et d’Eloïse Gaillou, conservatrice au musée.
C’est à une vision d’ensemble à laquelle invite cet ouvrage didactique dont
l’un des atouts, et non des moindres, est de sensibiliser le public aux
implications sur l’écosystème et géostratégique. L’ouvrage invite également
à admirer tout simplement ces collections les plus précieuses de gemmes
rares et aux couleurs chatoyantes, charme visuel unique qu’il sera possible
de prolonger avec une visite sur place ! |
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"Les
rusés des récifs" de Catherine Vadon, Format 21,5 x 24,5 cm, 168 p.,
Collection : Beaux livres, Éditions Quae, 2022.
Les récifs coralliens, on le sait malheureusement trop bien, sont en danger.
Et pourtant leur importance et la vie luxuriante qu’ils abritent devraient
nous encourager à nous soucier bien plus de leur avenir… C’est l’angle
retenu par ce beau livre signé Catherine Vadon, océanographe de formation,
chercheur au Muséum d’Histoire naturelle et aujourd’hui dans l’expertise de
la biodiversité et écologie marines. Ainsi que le relève d’emblée l’auteur,
ces récifs n’occupent paradoxalementque 1% des fonds de l’océan et sont le
lieu de vie de 25% des espèces océaniques ! Face à cette richesse menacée,
une meilleure connaissance de ce milieu complexe et foisonnant était
nécessaire, ce que contribue à faire cet ouvrage passionnant. Passionnant,
car immergeant littéralement le lecteur dans ces fonds marins où des espèces
les plus diverses déploient des tactiques dignes des plus grands stratèges
pour échapper à leur prédateur ou au contraire attraper leurs proies… Après
avoir évoqué cette « vie en association » qui se trouve à la base même de la
création des récifs, l’auteur décrit dans le détail – souvent effroyable ! -
tout l’arsenal déployé par ces êtres aquatiques : dents, pinces, piquants,
venins, substances chimiques et bien d’autres procédés dissuasifs. Servi pas
de magnifiques photographies, cet ouvrage contribuera à n’en pas douter à
cette sensibilisation impérieuse sur l’avenir des fonds marins. |
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« Les
secrets du Monde Sauvage ; Les pouvoirs extraordinaires des animaux » ;
Préfacé par Christ Packham ; Traduit de l’anglais par Benjamin Peylet ; 336
pages, Éditions Dunod, 2021.
C’est un merveilleux et passionnant ouvrage que préface Chris Packhman aux
éditions Dunod. Illustré des plus splendides images, Christ Packham,
naturaliste, écrivain, photographe, mais aussi grand défenseur engagé de
l’environnement, propose de nous dévoiler dans ces magnifiques pages les
fabuleux « Secrets du monde sauvage ». Comment le caméléon réussit-il à se
confondre si bien avec son environnement ? Des plus petites moustaches à
l’esthétique d’un bout de queue, chaque secret nous conte la formidable
adaptation des espèces sauvages à leur environnement. Car si nous
connaissons certes les grandes espèces du monde sauvage, combien de secrets
cependant ignorons nous de cet étrange mais fascinant univers…
Non dénué d’humour, livrant de nombreuses anecdotes instructives, l’ouvrage
aborde aussi bien la communication animale que la séduction ou encore les
migrations. Ce sont ainsi d’extraordinaires capacités d’adaptation que le
lecteur émerveillé par tant de beauté et de performances découvrira, que ce
soit la perception des couleurs, l’odorat ou encore l’art du camouflage.
Loin de n’être qu’un splendide ouvrage, ce dernier aborde une multitude de
thèmes souvent ignorés du monde du règne animal. De la question qu’est-ce
qu’un animal, sa forme, son squelette, chaque chapitre livre ses secrets et
précisions, peau et écailles, sens, bouches et nageoires, bras et queues…
jusqu’aux œufs et petits.
Appuyé par nombreux schémas explicatifs, de dessins et planches joliment
présentés, ce sont tous les secrets, atouts et pouvoirs extraordinaires du
monde sauvage, bien souvent totalement méconnus, qui se dévoilent ainsi page
après page.
Des découvertes infinies qui laissent le lecteur ébahi par tant de beauté,
d’ingéniosité et de capacité d’adaptation. Ainsi que le souligne Christ
Packman en sa préface : « Ce très beau livre présente une fusion parfaite de
(ces) trois vertus. Il célèbre l’art, révèle d’éclatantes vérités, et attise
la curiosité pour les sciences naturelles ».
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«
Auprès de nos arbres » d’Édith Montelle, Éditions Delachaux et Niestlé,
2021.
Certains de nos contemporains redécouvrent ces derniers temps la présence
immuable et pourtant menacée des arbres dans notre environnement. Édith
Montelle et le photographe Benjamin Stassen se chargent dans ce bel ouvrage
paru aux éditions Delachaux & Niestlé dès lors de les accompagner avec
bienveillance et science en une livraison à la fois inspirante et détaillée.
Cet ouvrage fort heureusement réalisé selon le respect de l’environnement
avec du papier issu de sources responsables fourmille en effet
d’informations sur nos majestueux aînés qui préexistaient des millénaires
avant l’apparition de l’homme. Tour à tour protecteurs, guérisseurs, sources
de multiples productions, les arbres semblent quelque peu réduits à un rôle
décoratif de nos jours lorsqu’ils ne sont pas tout simplement omis du
paysage de bien de nos villes contemporaines. Apprendre à les redécouvrir,
retrouver les mythes et légendes auxquels ils ont été très tôt associés,
cette belle réflexion allant d’un simple germe d’un gland de chêne jusqu’au
plus ancien des arbres connus souligne ce lien indéfectible qui nous unit à
ces témoins à la fois robustes et fragiles de la nature. Un ouvrage à
partager en famille afin de prolonger encore notre respect à leur égard pour
les générations futures. |
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« Une
Histoire du ciel » d’Edward Brooke-Hitching ; 18.9 x 24.6 cm, 256 pages,
Éditions Delachaux et Niestlé, 2021. C’est une
belle histoire que nous conte Edward Brooke-Hitching, celle du ciel, de
notre ciel. Une histoire à la croisée des chemins entre histoire, mythologie
et sciences. Du ciel de l’antiquité au « Ciel moderne » en passant par celui
du moyen-âge ou celui des révolutions scientifiques, bien plus qu’une simple
histoire, c’est une fantastique aventure dans le temps et dans l’espace que
nous propose l’auteur, écrivain, journaliste et documentaliste. Passionné de
cartes, de mythologies et de représentations, Edward Brook-Hitching livre,
en effet, en cet ouvrage richement illustré de plus de 250 pages une
extraordinaire histoire de ce qui a de tout temps fasciné les hommes, le
ciel, la Voie lactée, les étoiles et comètes ; Le ciel vu de la terre ou la
terre vue du ciel ou encore lorsque « La mer était au-dessus de la terre » !
Astrologie, astronomie, croyances et sciences scandent ainsi cette
fantastique aventure de la découverte du cosmos et de l’univers des temps
les plus reculés à aujourd’hui. L’imaginaire y côtoie les plus grandes
découvertes dans des représentations fascinantes et à couper le souffle. Une
jolie façon, pour reprendre la pensée de Ptolémée, que nos pieds ne touchent
plus terre, un régal ! |
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« Au
nom de l’arbre » ; Collectif sous la direction de Cyril Drouhet ;
Introduction de Sylvain Tesson ; Préface de Jacques Rocher ; 224 pages,
Éditions Albin Michel, 2021.
« Au nom de l’arbre » est à la fois un cri d’alarme mais aussi un bel éloge
de l’arbre, des arbres et des forêts, et surtout un très bel espoir… Car,
souligne en son introduction Sylvain Tesson, si
« les modalités techniques de la déforestation sont multiples, l’origine
profonde est la même : partout où la pression humaine s’accroît, la forêt
s’efface » . L’espoir renaît
cependant lorsqu’on va à la rencontre de ceux et celles qui se battent et
résistent aujourd’hui pour contrer cette déforestation et destruction
massive des ressources naturelles. Ce sont ces extraordinaires
rencontres avec ces hommes et femmes engagés, ces batailles concrètes pour
la replantation et la biodiversité, tel un espoir pour l’humanité que nous
propose justement ce splendide ouvrage réalisé sous la direction de Cyril Drouhet.
Ainsi, le lecteur pourra-t-il découvrir cette forêt qui renaît en Éthiopie
ou encore celle renaissant de ses cendres au Portugal. Jacques Rocher,
président de la fondation Yves Rocher, rappelle pour sa part, en sa préface
son engagement et sa rencontre décisive avec « la Femme qui plantait des
arbres », Wangari Muta Maathai, prix Nobel de la paix et écologiste.
Des
pages qui nous entraînent également vers ces contrées ou paysages où la
forêt est protégée et gardée, au Togo avec les jardiniers de la forêt ou
encore en France avec les gardiens du territoire. Rencontre magique aussi
avec ces papillons monarques du Mexique et la réserve d’El Rosario…
Ce sont ainsi pas moins de neuf rencontres d’une forêt vivante et plurielle
que l’ouvrage nous propose ; neuf rencontres écrites par neuf auteurs et
magnifiquement illustrées par neuf photographes engagés et de talent. Et, «
là où les arbres reviennent, bêtes, hommes et dieux rétablissent l’équilibre
! » écrit Sylvain Tesson convoquant pour cette belle ode aux arbres la
poésie, Victor Hugo ou encore Larbaud ou Nerval...
Et si nous prenions effectivement le temps, un jour, – ainsi que le suggère
Jacques Rocher – d’être un arbre ?... |
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«
Abysses – L’Odyssée des hommes sous la mer » de Michel Viotte avec la
collaboration d’Olivier Dufourneaud ; Préface de S.A.S. le Prince Albert II
de Monaco ; 224 pages, Éditions La Martinière, 2022.
L’histoire de l’exploration des fonds marins constitue une incroyable
aventure tant humaine que technologique. Cette science commencée au milieu
du XIXe siècle qui a pris le nom d’« océanographie » a été le fait
d’aventuriers, de scientifiques, mais surtout de passionnés tel le Prince
Albert 1er, le « Prince navigateur », ainsi que le rappelle le Prince Albert
II de Monaco dans sa préface. C’est cette fabuleuse aventure, cette «
Odyssée des hommes sous la mer » que nous faire découvrir ce formidable
ouvrage de Michel Viotte avec la collaboration d’Olivier Dufourneaud. Face
aux profondeurs, aux pressions et courants extrêmes, face aux contraintes du
froid et à l’absence de lumière, que de défis relevés !
Que d’exploits, effectivement, réalisés ayant permis depuis plus d’un siècle
et demi l’exploration des profondeurs de l’océan, on songe à l’invention du
scaphandre autonome, aux submersibles à propulsion, aux habitats sous-marins
ou encore aux robots téléopérés… les auteurs reviennent sur la naissance et
« Les pionniers de l’océanographie ». Largement et joliment illustré et
appuyé de cartes, de reproductions et photographies, l’ouvrage nous fait
également découvrir le travail sous la mer avec les premiers scaphandres et
pieds-lourds, puis les scaphandres rigides jusqu’à « L’avènement de la
plongée autonome ». Les chapitres suivants se consacrent à repousser
toujours plus loin les limites et présentent les « Nouveaux défis » avec
notamment les habitats, vaisseaux, robots et laboratoires sous-marins. Une
histoire et un monde fascinants... Que de défis et d’avancées ! C’est
assurément une passionnante plongée dans les plus grands fonds marins que
nous offre cet ouvrage. |
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Alain
Bentolila : "Nous ne sommes pas des bonobos - Créateurs et créatures",
Éditions Odile Jacob, 2021.
Derrière ce titre un brin provocateur se cache un brillant essai sur la
fonction du langage. Ainsi que le souligne l’auteur, professeur de
linguistique à l’université Paris-Descartes et directeur de recherche : « Ce
n’est pas l’évolution de l’espèce humaine qui a entraîné la création du
langage ; c’est la création du langage qui a défini son évolution. Un petit
enfant n’apprend pas le langage parce qu’il grandit, c’est le langage qui le
fait grandir », dont acte !
L’ouvrage explore ainsi en termes clairs et didactiques comment et par
quelles voies le langage se trouve constitutif de créations et
d’originalités, et non d’imitations et répétitions. Par cette approche,
l’auteur s’oppose à l’idée selon laquelle notre langage serait comparable
aux instruments de communication des autres espèces animales. L’audace de la
pensée humaine dépasse pour lui les simples automatismes de communication
pour atteindre un degré de nuances, de sensibilités, à nulle autre pareille.
Mais, entre manipulation et conviction, information et mensonge, combien de
subtilités et d’imperfections possibles ? L’art du langage et de la
rhétorique étaient naguère choyés par les Anciens qui nourrissaient ce bien
si précieux au point de le placer au sommet de l’éducation des jeunes
enfants. Parler, lire et écrire n’étaient en rien une activité mécanique et
répétitive, mais un art en soi dont il fallait le plus tôt acquérir les clés
au même titre que le musicien à l’égard de la musique. Propre de l’homme, le
langage nourrit et enrichit notre humanité, mais si nous le négligeons et le
reléguons à l’arrière-plan de l’éducation, il pourrait bien être le terreau
de nouvelles manipulations et violences, nées de l’impuissance à exprimer ce
qui est au cœur de l’homme ainsi que le démontre ce stimulant essai. |
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« La
classification animale – une histoire illustrée » de David Bainbridge ;
171x236, 256 p., Éditions Delachaux et Niestlé, 2020.
Avec l’ouvrage de David Bainbridge, c’est l’univers à la fois mystérieux et
fascinant de la classification animale qui se dévoile pour le plus grand
bonheur de ses lecteurs. En un ouvrage clair et didactique pour un sujet
ardu, l’auteur montre combien toutes ces disciplines aux noms souvent
hermétiques trouvent leur source dans cette tentative de décrire le vivant
et, en l’espèce, le monde animal. Phylogénétique, taxonomie, cartographie
génétique, phénétique, systématique, biostratigraphie, taphonomie,
génomique… Cependant, toutes ces disciplines ne sont pas nées du hasard,
mais bien de cette lente et patiente interrogation des hommes depuis
l’Antiquité sur les différentes espèces d’animaux vivant parmi eux. L’auteur
est un scientifique réputé à l’Université de Cambridge au département de
médecine vétérinaire. Son point de vue est non seulement celui de l’homme de
sciences, mais également d’un pédagogue hors pair, et ce, afin de mieux
faire comprendre comment toutes ces divisions et sous-classements trouvent
leur origine.
Les premières pages décrivent ainsi combien l’univers de la science peine
tout d’abord à se dégager de croyances métaphysiques et religieuses, ces
domaines étant souvent confondus à l’origine. Ce n’est que par une lente et
patiente observation, une volonté toujours plus aiguisée de s’abstraire de
l’idéologie pour s’appuyer sur de nombreuses expérimentations que l’univers
animal sera progressivement présenté sous une forme plus rationnelle.
L’ouvrage abondamment illustré de nomenclatures artistiques fait la
démonstration que ces interrogations, en plus d’éclairer le monde qui nous
entoure, révèlent souvent bien des traits de notre propre espèce. |
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«
Fabuleux insectes » de Denis Richard et Pierre-Olivier Maquart ; 22 x 28.5
cm, 240 pages, Éditions Delachaux et Niestlé, 2021.
Denis Richard et Pierre-Olivier Maquart signent un fabuleux ouvrage consacré
aux plus fantastiques insectes aux éditions Delachaux et Niestlé. Très
joliment illustré, avec une vaste iconographie et plus de 230 pages, les
auteurs, tous deux docteurs et spécialistes, nous ouvrent en effet les
portes d’un monde d’une richesse inouïe, celui des insectes les plus
fabuleux de notre monde. Entre cabinet de curiosités aux mille secrets et
découvertes, études d’entomologie et histoire des sciences, l’ouvrage
présente ainsi pas moins de cinquante « Fabuleux insectes » répertoriés sur
les cinq continents.
D’extraordinaires insectes reconnus pour leur beauté à nulle autre pareille,
leur rareté ou encore pour leurs fantastiques capacités notamment
d’adaptation. En cinq chapitres, non sans humour, les auteurs font
assurément mouche et livrent à la curiosité, mais aussi à la fascination,
voire à l’imagination du lecteur, des mondes surprenants et passionnants.
Des insectes aux aptitudes étonnantes relevant « Records et défis », tels
ces « Guêpes lilliputiennes » ou ces insectes des lieux inhospitaliers,
coléoptères peuplant les déserts d’Afrique australe ou encore la mouche «
Belgica antarctica », seul insecte en Antarctique. Des insectes faisant
aussi rêver tels les « Scarabées-bijoux », mais également des insectes
recherchés comme un « Dieu des choses laides » !
Si certains ont disparu, d’autres apparaissent ou réapparaissent ces
dernières années dans nos contrées notamment les fameux moustiques tigres ou
encore les redoutables punaises de lit.
Assurément, ce sont les portes d’un monde fascinant que les pages de cet
ouvrage richement illustré nous ouvre, celles-là même de notre monde, celui
de « Fabuleux insectes » lorsque la nature se fait féérique ou magicienne… |
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«
Identifier les roches » de Jürg Meyer, 144 p., Éditions Delachaux & Niestlé,
2021.
Les roches nous environnent de partout, même lorsque nous ne soupçonnons pas
leur présence. Combien de fois avons-nous buté subrepticement sur l’une
d’entre elles sans même savoir son nom, ses origines ou son âge, souvent
vertigineux… Afin de ne plus rester dans l’ignorance, Jürg Meyer a conçu un
guide très précieux car il s’adresse au néophyte, tout en lui prodiguant des
enseignements complets, et ce, de manière très accessible sur les bases de
géologie.
Cette passion qui l’a conduit à partager ses connaissances de diverses
manières (géologue, guide de montagne, conférencier) se retrouve à chaque
page de cet ouvrage qu’il a su rendre agréable et attractif sur un sujet qui
par ailleurs aurait pu être aride. Grâce à la pédagogie de l’auteur, le
lecteur saura distinguer la structure des roches, leur origine volcanique,
sédimentaire, métamorphique, plutonique…
L’approche repose sur une démarche à la fois scientifique et pratique, l’une
n’allant pas sans l’autre. 300 types de roches se trouvent ainsi distingués
en ces pages agrémentées de 460 photographies et de nombreux graphiques.
C’est à un véritable jeu de repérage et d’identification auquel convie Jürg
Meyer avec cet ouvrage, une pratique accessible au moindre détour d’un
chemin, aidé seulement d’une bonne loupe, de ces précieux conseils et de
curiosité pour notre environnement ! |
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L’Atelier la Trouvaille – matériel et conseils pour la géologie et minéraux
L’Atelier La Trouvaille compte assurément parmi ces adresses incontournables
dans le monde de la géologie, minéralogie, taille de pierre et autres
domaines scientifiques où le sérieux allié à la passion prédomine. Depuis
plus de 40 années à Remoulins, cette société réputée a su s’adapter au fil
des évolutions technologiques tout en gardant en permanence les critères
d’excellence et de haute qualité en matière d’outils et d’articles liés à la
pierre. En recherchant en permanence les meilleures sources et les dernières
technologiques, l’Atelier La Trouvaille porte, en effet, bien son nom et
fait figure de véritable adresse incontournable tant pour les professionnels
que pour les amateurs.
Le site web de l’Atelier de la Trouvaille fourmille ainsi de propositions
allant des outils nécessaires aux plus inimaginables pour la pratique de la
géologie comme pour la gemmologie jusqu’aux précieux microscopes et autres
machines perfectionnées.
L’amateur de minéraux et fossiles trouvera son bonheur pour s’équiper dans
les meilleures conditions avec un choix de matériel adéquat et de qualité.
Parmi les nombreuses propositions, l’incontournable loupe de poche.
Indispensable, celle-ci permettant d’observer le détail des échantillons
prélevés.
La loupe Doublet de terrain de grossissement x10 assurera avec précision et
efficacité toutes les observations de détail sur les minéraux, fossiles,
botanique, entomologie… Le terme aplanétique signifiant que les lentilles de
la loupe ont été corrigées quant aux défauts géométriques. Avec une lentille
de diamètre 20mm et un champ de vision également de 20mm, cette petite loupe
en métal protégée par un étui en cuir s’avérera le compagnon précieux et
indispensable de l’amateur comme du professionnel.
Soulignons, enfin, que l’Atelier la Trouvaille est plus qu’un site de
matériel en ligne, les passionnés qui animent cette aventure proposant
également tout au long de l’année de partager leurs compétences sous forme
de stages autour de la taille de pierres précieuses, facettage, cabochonnage,
initiations à la gemmologie, mais aussi en proposant des conseils en ligne
avec de nombreux articles sur la géologie, les minéraux, les microscopes,
sans oublier la vente de minéraux… A découvrir !
Pour toutes commandes et renseignements : Atelier la trouvaille 4,rue LT.
Colonel Broche BP 48 30210 Remoulins Tél. 04 66 37 07 65
www.atelierlatrouvaille.com |
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« La
fabuleuse histoire de nos origines – De Toumaï à l'invention de l'écriture »
de Marc Azéma et Laurent Brasier, Éditions Dunod, 2020.
C’est une vertigineuse plongée dans le passé de l’humanité qui attend le
lecteur de « La fabuleuse histoire de nos origines ». 7 millions d’années
défilent en effet sous nos yeux, page après page, en un panorama aussi vaste
que concis, servi par deux plumes éprises de pédagogie et de science. Marc
Azéma est chercheur associé au CREAP et membre chargé de l’étude de la
grotte Chauvet en Ardèche. Laurent Brasier, quant à lui, voue une véritable
passion dans le cadre de son métier de journaliste scientifique pour tout ce
qui a trait au passé, ce qui justifie pleinement cette étonnante odyssée
humaine illustrée et nourrie par des textes précis et clairs. Jean Guilaine,
l’éminent professeur au Collège de France (lire notre interview) souligne
d’ailleurs en préface de l’ouvrage le caractère atypique de cette somme qui
retient 120 « flashes » déterminants de l’évolution.
Cette approche est d’autant plus originale qu’elle se trouve étendue à
l’ensemble de la planète et bénéficie des toutes dernières données de la
science. Ainsi le lecteur prendra-t-il connaissance des conditions
d’émergence des premiers hominidés bipèdes avec notre ancêtre, le fameux
Toumaï découvert par Michel Brunet (lire notre interview), il y a plus de 7
millions d’années. De ces dates lointaines et abstraites pour nous, jusqu’à
l’invention de l’écriture, que d’évènements décisifs pour l’humanité et les
civilisations qui en découleront, des étapes essentielles rappelées avec un
rare talent didactique par les auteurs en des synthèses précises et
facilement mémorisables grâce aux repères et échelles temporelles
constamment rappelés en gras pour chaque notice. Les premiers pas, les
premiers mots, les premiers outils et représentations pariétales sont
égrenés au fil de ces pages en un merveilleux récit de nos origines. |
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«
Mousses et lichens » Volkmar Wirth, Ruprecht Dull et Steffen Caspari, Guide
Delachaux, 336 p. Éditions Delachaux & Niestlé, 2021.
L’univers des mousses et lichens accompagne bien souvent notre quotidien à
notre insu. Un interstice subrepticement caché à l’embrasure d’une fenêtre,
deux pierres disjointes ou encore le sommet d’un faîtage peuvent
soudainement se métamorphoser en pépinière merveilleuse de ces plantes, la
plupart du temps négligées. Certes, ces dernières n’offrent guère de
floraisons spectaculaires, ni de fruits tentateurs, mais les subtiles
variations de leurs teintes au gré des saisons et la multitude des détails
qui se dévoilent à qui sait leur prêter attention réserveront bien des
heures inoubliables.
C’est le thème de ce fantastique univers des « Mousses et lichens » qui est
justement retenu par ce très réussi Guide Delachaux réalisé avec science et
passion par Volkmar Wirth, Ruprecht Dull et Steffen Caspari. Un guide
recensant et présentant pas moins de 290 espèces facilement à identifiables
grâce aux nombreuses photographies réunies. Afin de se transformer en
bryologue – dénomination officielle des spécialistes de ces petites mousses
et lichens - les auteurs ont adopté une démarche à la fois rigoureuse et
souple, en présentant ces plantes, leur port et leur substrat. Deux critères
essentiels ont prévalu pour les auteurs, à savoir que l’espèce soit à la
fois commune et aisément reconnaissable. L’identification d’une mousse peut,
en effet, parfois poser quelques difficultés, aussi les auteurs de cet
ouvrage ont-ils volontairement privilégié les exemplaires les plus faciles à
distinguer.
Les lichens présents sur les arbres, rochers et sols maigres sont
étrangement composés simultanément d’un champignon et d’une algue. Cette
combinaison surprenante constitue dès lors le propre des lichens,
conditionnant selon leur variété, leur aspect extérieur, mais aussi leur
physiologie et écologie. Les mousses comme les fougères appartiennent aux «
archégoniates », bien adaptées à la vie terrestre, puisque les traces
fossilisées des plus anciennes mousses remontent à 350 millions d’années… à
l’image des lichens, les mousses font figure de plantes colonisatrices, les
premières supportant plus une pénurie hydrique.
À l’aide des précieux conseils fournis par ce guide, l’amateur équipé d’une
bonne loupe et de curiosité pourra partir à la découverte d’un univers
passionnant et disponible au seuil de sa porte ! |
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« Quel
oiseau ? » de Marc Duquet, 140 x 190, 128 p., Editions Delachaux et Niestlé,
2020.
Qui n’a jamais ressenti la frustration de ne pouvoir répondre à la question
« quel est cet oiseau ? » De nos jours, identifier ces compagnons du
quotidien relève non seulement de la curiosité naturelle mais, qui plus est,
d’une démarche écologique indispensable. Alors qu’un grand nombre d’espèces
d’oiseaux se trouvent menacées par la pollution, la destruction de leur
habitat et l’urbanisation excessive, mieux connaître la soixantaine
d’espèces communes vivant en Europe ne peut contribuer qu’à leur
préservation. Une connaissance et préservation des plus urgentes. D’autant
plus que le style alerte et ludique de Marc Duquet, passionné de nature et
spécialiste des oiseaux, rendra l’exercice attractif et plaisant avec des
réponses à des questions simples comme « quel oiseau harponne les poissons
avec son bec ? » (le martin-pêcheur) ; « Quel oiseau chante à tue-tête la
nuit dans le jardin ? » (le rossignol) ; « Quel oiseau a des pattes beaucoup
trop longues ? (L’échasse)… Avec pour chaque espèce, une description
rappelant les caractéristiques principales de chaque oiseau, ce petit livre
ludique illustré de 110 photos s’avère être particulièrement instructif et
pourra servir d’ailleurs à des jeux de question/réponse en famille ou entre
amis. Un ouvrage toujours bien venu. |
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« Le
tour de France du littoral ; regard d’un géologue » de François Michel, 21
x28.2 cm, 288 p., Éditions Delachaux et Niestlé, 2020.
En cette époque où les Français redécouvrent leur littoral, les éditions
Delachaux et Niestlé proposent un ouvrage qui ne peut manquer de susciter
intérêt et curiosité puisque ce dernier nous entraîne dans un tour de France
géologique du littoral français. Un fabuleux tour des nombreuses et diverses
côtes françaises, de celles de la Manche à celles de l’Atlantique jusqu’à la
Méditerranée sans oublier les côtes des territoires d’outre-mer, offrant non
seulement un voyage de découvertes, mais également des plus instructifs et
passionnants sous le regard du géologue François Michel. Car, ne l’oublions
pas, au-delà de cette merveilleuse diversité des côtes françaises, le
littoral parce qu’entre terre et mer, vit, évolue et bouge… « Le littoral
est cette ligne mouvante, trait d’union qui marque la triple frontière entre
la terre, la mer et l’air. Ces trois composantes modulent son aspect et
façonnent les paysages sous contrôle des changements climatiques qui, depuis
toujours, animent et dessinent la géographie de la planète. », rappelle
l’auteur.
Extrêmement bien réalisé et documenté, scientifique mais accessible, ce «
Tour de France du littoral » permet, en effet, non seulement de découvrir
l’ensemble et la diversité du littoral français, mais aussi et surtout d’en
appréhender leur histoire et leur nature géologique. Que nous content, en
effets, ces étendues de sable fin que nous avons parcouru cet été, quelle
est « La petite histoire d’un grain de sable » ? Que disent ces dunes
presque magiques qui « naissent et se déplacent ». C’est toute l’histoire du
littoral du bassin parisien, du Massif armoricain, aquitain, méditerranéen
et de l’outre-mer que nous racontent en ces pages.
Par cette compréhension, l’auteur François Michel, déjà auteur de nombreux
ouvrages, entend aussi sensibiliser aux phénomènes affectant les multiples
et variées côtes françaises. Vagues, marées, tempêtes, courants, bien peu de
phénomènes garderont en ces pages leurs mystérieux secrets, sans oublier,
bien sûr, l’impact du changement climatique sur l’ensemble du littoral
français. À la lecture de cet ouvrage, nous comprenons comment et pourquoi
certains phénomènes - pour certains imminents - sont ou peuvent être dès à
présent prévisibles et comment nous pouvons dès aujourd’hui commencer à nous
en protéger.
Un ouvrage, clair, détaillé et captivant livrant une merveilleuse et
accessible compréhension du littoral français à mettre sans hésitation entre
toutes les mains ! |
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« Les
hirondelles » de Georges Olioso, Éditions Delachaux & Niestlé, 2020.
Et si les hirondelles disparaissaient à jamais de nos maisons et jardins, à
l’image des abeilles menacées ? C’est un cri d’alerte que lance Georges
Olioso, spécialiste depuis plus de 40 ans de ces oiseaux, et qui a noté des
comportements étranges concernant ces petits animaux pourtant si familiers
des hommes depuis l’aube des temps.
Ainsi, l’auteur note-t-il qu’un grand nombre de nids se trouvent inoccupés
année après année, et pire encore sont souvent arrachés par l’homme au
prétexte que ces oiseaux seraient sources de nuisances dans notre quotidien…
Pesticides, poteaux et autres pièges tendus par l’homme menacent également
ces petites bêtes pourtant si utiles dans notre vie quotidienne, sans parler
du plaisir esthétique à les regarder.
C’est pour éduquer les générations futures à leur préservation que cet
ouvrage a été conçu, en proposant une réflexion particulièrement exhaustive
sur cette famille d’oiseaux dont cinq espèces vivent en France alors que
leurs congénères occupent tout aussi bien le Moyen-Orient, l’Alaska ou
encore l’Égypte. L’auteur propose quelques repères utiles pour comprendre
leur histoire la plus ancienne puisque ces petits volatiles trouveraient
leur origine, certes lointaine, auprès des énormes dinosaures ! Leur mode de
vie, leur reproduction et, bien sûr, leurs toujours aussi mystérieuses
migrations se trouvent analysés dans ces pages à la fois accessibles,
détaillées et joliment illustrées. La dernière partie, surtout, de l’ouvrage
se doit d’être partagée avec le plus grand nombre possible de personnes au
risque, un sombre matin, de ne plus voir aucune hirondelle zébrer nos ciels
d’été…
Un plaidoyer passionné et passionnant qui encourage à la préservation de ces
petits oiseaux si familiers et aimant tant partager nos granges, remises et
habitations ! |
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« Faune
des villes - 300 espèces qui vivent parmi nous » de Vincent Albouy (Auteur),
André Fouquet (Photographies), Relié, 224 p., Éditions Delachaux et Niestlé,
2020.
L’épidémie que le monde connaît actuellement donne une nouvelle actualité à
la « Faune des villes », titre du dernier ouvrage paru aux éditions
Delachaux et Niestlé. Le confinement provoqué par cette crise a, en effet,
non seulement conduit nos contemporains à mieux observer ces êtres vivants
bien souvent ignorés, mais qui plus est, à remarquer qu’ils profitaient de
la situation pour être beaucoup plus visibles. Et que de diversité et
découvertes !
« Faune des villes », ce guide écrit par Vincent Albouy, et nourri d’une
abondante iconographie grâce aux belles photographies d’André Fouquet,
invite justement le lecteur à cette rencontre fascinante, et connaître ces
pas moins de 300 espèces qui vivent parmi nous dans nos villes, souvent à
notre insu. Comme le souligne Vincent Albouy, les centres urbains les plus
bétonnés peuvent paradoxalement accueillir une faune insoupçonnée, même si
les dernières décennies démontrent une décroissance notable de leur
diversité. Si nos communes commencent à prendre conscience de la nécessité
de ne point faucher systématiquement les espaces publics afin d’encourager
cette biodiversité, il n’empêche que rares sont devenus de nos jours les
friches et terrains vagues qui abondaient il y a encore une trentaine
d’années dans nos villes. Ce que l’homme a gagné sur la nature, cette
dernière la retranche inexorablement de notre quotidien. Aussi est-il
indispensable, notamment pour les futures générations, de sensibiliser le
plus grand nombre à cette présence souvent discrète, et néanmoins
indispensable.
Après avoir rappelé les grands principes indispensables à la préservation et
encouragement de la biodiversité - tout à fait accessible au niveau
individuel - ce précieux guide dévoile quelles sont précisément ces 300
espèces qui cohabitent, tant bien que mal, avec notre propre espèce. Ce sont
tout d’abord les vertébrés bien connus avec les oiseaux, ceux bien
familiers, bien entendu, tels nos pigeons, moineaux, canards et autres
mouettes, et tant d’autres dont nous ignorons le nom. Mais aussi de plus
rares qui s’installent parfois dans nos villes telles la cigogne blanche sur
les clochers et les toits, les hérons au bord de nos plans d’eau ou encore
ce beau et bleu Martin-Pêcheur d’Europe d’un si joli bleu… Pour chacun, une
petite fiche pratique propose une photographie, ses caractéristiques,
identification et biologie. Le lecteur pourra dès lors poursuivre son
exploration naturaliste en découvrant au fil des chapitres cette étonnante
diversité parmi les mammifères et autres vertébrés, puis les invertébrés
avec les somptueux papillons, sans oublier les insectes de toute sorte, un
fascinant bestiaire observable au seuil de notre porte ! |
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"Le
Guide de l'astronome débutant - Bien commencer dans l'observation du ciel"
de Tom Kerss & Radmila Topalovic, Delachaux et Niestlé, 2020.
Si la voûte céleste s’offre à la vue de tout à chacun lorsque la pollution
lumineuse s’estompe, sa découverte nécessite cependant quelques guides et
conseils, au risque de céder trop rapidement au découragement. C’est l’objet
de ce petit ouvrage pratique conçu par Tom Kerss et Radmila Topalovic, tous
deux astronomes professionnels à l’Observatoire royal de Greenwich. Mais que
l’on ne prenne pas peur, nos deux guides ont souhaité proposer un
accompagnement des plus clairs et accessibles pour les néophytes comme
l’indique le titre de l’ouvrage bénéficiant d’une belle iconographie malgré
sa petite taille.
Tirant avantage du handicap certain de nos cieux urbains noyés de lumière la
nuit, nos auteurs suggèrent justement de faire l’apprentissage dans ce
contexte contraignant, avant de se rendre à la campagne ou en montagne où
des myriades d’étoiles attendent chaque nuit l’astronome. À l’instar de
chaque discipline, une séance d’astronomie ne s’improvise pas - et après
avoir rappelé en une précieuse synthèse l’essentiel à connaître du ciel
nocturne – ce guide précise dans le détail comment préparer une séance
d’observation de manière très pratique. Habituer sa vision à la nuit, savoir
distinguer les couleurs des astres et leurs significations, être capable de
déchiffrer une carte du ciel et connaître les différentes magnitudes, sans
oublier les récents logiciels d’astronomie disponibles sur smartphones et
tablettes, c’est tout d’abord « avec les yeux » que les auteurs conseillent
de découvrir la voûte céleste.
Puis viendront les séances magiques aux jumelles ou mieux encore au
télescope qui révéleront le ciel profond, les fameux anneaux de Jupiter,
sans oublier Dame Lune, si proche au grossissement de l’objectif que l’on
croirait pouvoir la saisir…
La deuxième partie propose, enfin, une série d’objets à observer ainsi que
différentes cartes saisonnières du ciel en fin d’ouvrage.
Un précieux guide à emporter lors de ses découvertes astronomiques à la
campagne ou en ville du balcon de son appartement au cœur de la nuit étoilée
! |
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« Des
papillons dans mon jardin - Comment les attirer avec les plantes appropriées
» de Bruno P. Kremer, 208 p., Format 15,5 x 22,5, Coll. Les guides du
naturaliste, Éditions Delachaux et Niestlé, 2020.
Alors que la faune et la flore sont de plus en plus menacées par la
pollution et le réchauffement climatique, les lépidoptères - ou papillons
dans le langage courant - sont en première ligne des victimes de ces
changements. Il devient de plus en plus rare en effet de les observer dans
nos jardins et ce n’est que très récemment qu’une prise de conscience a été
entreprise afin d’inverser cette tendance et de retrouver ces tableaux
multicolores miniatures de nouveau sur les parterres de fleurs qu’ils
affectionnent. C’est justement l’objet de ce petit livre informé, véritable
guide illustré désireux d’accompagner tout amateur de papillons. L’ouvrage
souligne deux points essentiels à respecter afin de favoriser cette présence
tant souhaitée : bannir tous traitements chimiques de son jardin et choisir
les bonnes plantes dont le nectar attirera sans hésitation ces nobles
insectes. L’auteur, Bruno P. Kremer, offre dans cet ouvrage abondamment
illustré la démarche à suivre, de manière simple et didactique à partir de
40 papillons fréquentant le plus souvent nos jardins et le choix de 80
plantes permettant de les attirer. La tâche n’apparaît plus aussi complexe
après avoir retenu les nombreux et judicieux conseils de l’auteur ; La
lecture des trois étapes essentielles au développement de l’espèce aideront
à faire les bons choix pour pouvoir observer la chenille, puis la
chrysalide, et enfin le papillon dans toute sa splendeur. Quels lieux
retenir, quelle architecture florale, les plantes hôtes, les bonnes
pratiques comme celle de laisser en paix certains coins du jardin où se
cacheront les précieuses chenilles avant la phase de repos… tels sont les
nombreux conseils avisés dispensés par l’auteur avant la seconde partie
consacrée à la description détaillée des plantes favorisant la venue des
papillons dans son jardin, des plantes de toutes les couleurs et pour tous
les goûts afin de transformer nos espaces en un enchantement esthétique et
vivant, une pratique écoresponsable indispensable à la survie de ces nobles
insectes. |
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«
Papillons des Alpes - 238 espèces de l'arc alpin » de Gianluca Ferretti,
Coll. Les guides du naturaliste, Cartonné, 351 p., Editions Delachaux et
Niestlé, 2020.
Alors que nombre de papillons ont malheureusement déserté nos villes et
campagnes en raison de la trop grande pollution, il est des lieux cependant
où leur habitat demeure encore – provisoirement ? – préservé, notamment les
montagnes des Alpes. Quiconque a eu le plaisir de marcher, grimper ou
crapaüter dans les alpages un jour d’été ensoleillé n’a pu qu’en garder un
souvenir éblouissant, papillons et fleurs confondant leurs couleurs en un
tableau impressionniste… Mais, le guide conçu avec science et pédagogie par
Gianluca Ferretti permettra justement de mettre un peu d’ordre dans ces
belles impressions, certes, mais demeurant le plus souvent vagues. Il est
vrai que les Alpes comptant plus de 200 espèces de lépidoptères, de quoi
faire un petit travail de révision sous la houlette de notre guide chevronné
Gianluca Ferretti. L’auteur, Milanais de naissance, est en effet un
passionné de cette faune de la chaîne alpine qu’il a parcourue de long en
large, et par un rigoureux travail, il entend aujourd’hui proposer dans les
pages de ce guide très complet une riche synthèse bénéficiant de très belles
photographies, certaines même prises sur le vif. Cet ouvrage clair et
accessible permettra ainsi aux néophytes de pouvoir identifier très
rapidement les principales espèces grâce aux caractéristiques concises et
précises rassemblées accompagnées de leurs visuels sur ces 238 espèces de
l’arc alpin. Outre ces caractéristiques principales, l’aire de distribution
et les périodes des stades de développement exposées permettront également à
l’amateur de partir au bon endroit et à la bonne époque à la recherche de
ces insectes sous la forme de chenille, chrysalide ou papillon. Le lecteur
aura grand intérêt à s’imprégner des premières sections offrant un rapide,
mais complet rappel sur la classification des lépidoptères, leur
morphologie, cycle de développement, répartition et observation. Cet ouvrage
pourra ainsi accompagner d’inoubliables randonnées en montagne pour les
grands comme les petits afin d’identifier le plus grand nombre des papillons
des Alpes et contribuer ainsi à leur préservation. Un émerveillement infini… |
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« La Grotte
d’Enlène », Sous la direction de Dr Andreas Pastoors, Robert Begouën et Jean
Clottes, In Fine éditions, 2019. Ce magnifique
volume, aussi beau que scientifique, vient compléter l’aventure consacrée
aux trois cavernes de Volp. Ainsi, après le Sanctuaire secret des Bisons
(2009), La Caverne des Trois-Frères (2014), c’est au tour de la grotte d’Enlène
de profiter de cette exceptionnelle étude entièrement consacrée à cet
habitat magdalénien trop peu connu du grand public. Avec 456 pages et autant
d’illustrations, cet ouvrage offre une immersion au sens propre comme figuré
dans cet habitat préhistorique unique pour en révéler tous les trésors.
Outre la beauté exceptionnelle du site, cette publication est, aussi et
surtout, l’occasion grâce à ses auteurs réputés de mieux comprendre le
quotidien de ces chasseurs il y a 17 000 ans…
C’est, en effet, un véritable travail de bénédictin a été mis en œuvre, un
travail minutieux que cet ouvrage recense et détaille page par page. Qu’on
en juge ! : Pas moins de 6 000 objets photographiés, sans compter le
lithique, quelque 60 000 coordonnées spatiales les plus divers enregistrées,
inventaire exhaustif de tout le mobilier présent dans la grotte… Robert
Bégouën souligne que cet immense travail qui constitue le plus souvent le
quotidien de l’archéologue, fut en ces lieux uniques l’occasion d’admirer et
d’apprécier la richesse, l’art et la spiritualité, une occasion
exceptionnelle qui devaient animer leurs auteurs. Une splendeur que transmet
idéalement ce remarquable ouvrage scientifique par son esthétique soignée
qui ravira l’amateur. Accessible tout en offrant une étude précise et
approfondie de cette culture magdalénienne, les auteurs ont fait choix de
commencer par l’historique d’Enlène depuis sa description en 1805 par Pierre
Dardenne. Le rôle essentiel joué par la famille Bégouën, avec ce rare souci
de conservation et de préservation des lieux lors des fouilles de 1911 à
1937, est également rappelé par Robert Bégouën. Robert Bégouën qui perpétue
cette belle aventure familiale jusqu’à nos jours. Sont ensuite présentées
les années de recherches menées de 1970 à 2018, un travail collectif,
notamment avec Jean Clottes, en une ambiance familiale assurant le gîte et
le couvert des fouilleurs…
L’analyse détaillée du site et de son environnement permet de mieux
comprendre la complexité de ce labyrinthe réunissant les trois sites des
Cavernes du Volp, et dont fait partie la grotte d’Enlène à son extrême Est.
Grâce à cette reconstitution exceptionnelle des différents espaces et de
leurs artefacts représentatifs, le lecteur aura l’impression de visiter
lui-même les lieux, salle après salle et détaillant les différentes zones
d’activité préhistoriques. Les photographies qui ont également fait l’objet
de tous les soins en remplaçant les appareils photo par les dernières
innovations révèlent des détails insoupçonnés comme ces nombreux os fichés
dans les fissures de certaines parois et dont la signification reste
mystérieuse. L’étonnement saisit le lecteur lorsqu’il comprend que les
habitants de ces grottes eurent à cœur de réunir de belles pierres et
minéraux qui n’avaient d’autres utilités qu’esthétiques et peut-être
magiques, une pratique qui nous rapproche ainsi de ces ancêtres pourtant si
éloignés de nous… Les objets décorés quant à eux inscrivent encore plus ces
Magdaléniens dans un processus créatif et artistique, allant de la plus
simple incision jusqu’à la représentation figurative élaborée.
Ce livre incontournable marque une étape essentielle quant à l’étude du
site, réunissant toutes les connaissances disponibles, et permettant, ainsi
dès à présent, d’ouvrir vers d’autres recherches notamment quant au
comportement et usages des Magdaléniens dans ces grottes. Passionnant. |
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« La
vie des coléoptères d’Europe. », par Denis Richard et Pierre-Olivier
d’Europe ; Préface de Vincent Albouy, Éditions Delachaux et Niestlé, 2019.
Savez-vous que les coléoptères constituent l’animal le plus nombreux et le
plus diversifié habitant la planète avec plus de 450.000 espèces, dont
20.000 en Europe ? Qui ne s’est jamais arrêté pour observer avec étonnement
une de ces petites bêtes ? Deux « coléoptéristes », experts scientifiques,
Denis Richard et Pierre-Olivier d’Europe, auteurs déjà de nombreux ouvrages
en ce domaine, ont eu l’heureuse idée de nous conter avec passion leur vie.
Un livre extrêmement bien réalisé ayant pour objectif d’introduire à ce
monde fabuleux des coléoptères. Un univers fascinant dans lequel «
L’extraordinaire est certainement ce qui caractérise le mieux les
coléoptères », souligne Vincent Albouy dans sa préface. Ni encyclopédie ni
traité, écartant toute savante exhaustivité, les auteurs ont fait choix de
présenter les propriétés essentielles de ce monde vivant et d’en souligner
la singularité. Une approche attrayante, réservant une multitude de
surprises qui étonneront plus d’un lecteur, sans jamais négliger la rigueur
scientifique qu’exige, néanmoins, un tel ouvrage.
D’où proviennent leurs coloris ? Pourquoi les verres luisants luisent-ils ?
Pourquoi nos scarabées ont-ils des si belles cornes ? Autant de questions
que tout à chacun s’est déjà posé et se pose régulièrement observant ce
monde des plus fascinants et pourtant souvent bien mal connu !
Afin d’y remédier et de rendre accessibles au plus grand nombre les secrets
de cet univers merveilleux des coléoptères, l’ouvrage propose d’en décrypter
les comportements et de mieux comprendre leur rôle essentiel dans
l’équilibre de notre écosystème, un équilibre aujourd’hui des plus
menacés... Végétariens ou prédateurs, le lecteur découvrira aussi leurs
modes d’organisation, de défense, de communication ou encore de
reproduction. Douze chapitres, richement illustrés de photos couleur,
intégrants des encadrés instructifs et ludiques, dans lesquels le monde des
coléoptères se dévoile au sein même de leur milieu naturel aquatique ou
souterrain… Savez-vous cependant qu’il n’existe pas de coléoptères marins ?
Un ouvrage qui intéressera tout autant les entomologistes, naturalistes que
tout curieux, fruit d’un minutieux travail mené par Denis richard et
Pierre-Olivier d’Europe et largement salué par le monde scientifique et
Vincent Albouy : « Grâce à un travail patient et acharné, les auteurs nous
offre un livre qui fera date sur la biologie des coléoptères. Il est digne
de ceux publiés dans les années 1980 par Roy Crowson en anglais et Renaud
Paulian en français, par la qualité et l’accessibilité du texte comme par
l’originalité des illustrations. »
Après découverte et lecture de ce passionnant ouvrage, ce sera, donc, avec
impatience que nous retrouverons, lors des premiers jours du printemps, la
coccinelle qui dit le beau temps, le hanneton printanier ou le si majestueux
cerf-volant de nos contrées, et bien d’autres coléoptères encore ! Un
merveilleux monde aujourd’hui menacé si ne savons le comprendre et le
préserver. |
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«
Comprendre les plantes et les arbres, Forme, diversité, stratégie de survie.
», Sous la direction de Stephen Blackmore, Préface de Peter Crane, Éditions
Delachaux & Niestlé, 2019.
Que faire de mieux en ces temps d’hiver que de préparer nos premières
escapades de printemps les premiers rayons de soleil venus ? C’est ce que
nous propose avec des pages emplies de merveilles scientifiques cet ouvrage
fort complet « Comprendre les plantes et les arbres » aux éditions Delachaux
et Niestlé, sous la direction de Stephen Blackmore, botaniste anglais
réputé, nommé botaniste de la reine d’Angleterre en Écosse depuis 2010. Un
ouvrage extrêmement bien réalisé, à la mise en page claire, livrant dans un
langage accessible et concis une multitude de précieuses informations que
l’on ignore le plus souvent sur le règne végétal. Un monde fascinant apparu
il y plus de 500 millions d’années sous formes d’algues et offrant une
diversité étourdissante, des plantes reproductrices de poisson aux plantes
urticantes ou carnivores, des mousses microscopiques aux arbres les plus
géants ! Le lecteur ne pourra que demeurer stupéfait devant tant de beauté,
de complexité et diversité…
Après avoir rappelé la morphologie des plantes, répondant ainsi à la
question fort simple en apparence, mais à laquelle peu savent répondre - «
C’est quoi une plante ? » ou encore « Pourquoi les plantes sont-elles vertes
» - ce sont les racines, tiges et troncs qui sont présentés, décortiqués et
expliqués. En deux chapitres, le lecteur découvrira avec étonnement le rôle,
la dynamique, l’adaptation de ces plantes… qu’il s’agisse de racines
enfouies ou aériennes, chacune livre leurs secrets.
L’étude des tiges et troncs apportera également son lot de surprises ;
Croissance, structures, apport de l’eau, mais aussi les limites de la
hauteur, les variétés de tiges. Servi par une très belle iconographie, le
chapitre consacré aux feuilles explose de toutes ses couleurs. L’auteur
souligne combien « Les feuilles vertes forment la trame de la vie sur terre
et en leur sein. L’activité silencieuse de la photosynthèse alimente la
majeure partie de cette vie. La photosynthèse est un remarquable exercice de
magie chimique… ». Une magie essentielle et source de vie tant pour le règne
végétal qu’animal, et donc pour l’homme. Formes, tailles, disposition,
couleurs et même transpiration… rien n’échappe à cette étude aussi claire
que complète. De nombreux encadrés viennent judicieusement offrir des focus
instructifs ou divertissants. Abordant, également la reproduction, puis les
cônes et les fleurs, c’est un incroyable royaume de formes et couleurs qui
s’ouvre alors au lecteur. Que de diversité et ravissements ! Parfum,
couleur, nectar qui donneront naissance aux graines et aux fruits,
apparitions, développement, conservations y sont abordés.
L’auteur a fait choix, enfin, de clore ce bel et riche ouvrage par un
dernier chapitre consacré à « L’homme et les plantes », conservation,
comestibilité, et surtout « La préservation de la diversité végétale », une
préservation plus qu’urgente dont dépend non seulement la survie du monde
végétal, mais aussi du règne animal, y compris de l’Homme.
Un ouvrage, célébrant toute la beauté du monde végétal, aussi scientifique
et encyclopédique qu’accessible, une merveille de réussite ! |
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«
Légendes de serpents. », Textes et photographies de Françoise Serre Collet,
Éditions Delachaux et Niestlé, 2019.
« Quels sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes… » Ce pourrait bien
être ceux de ces belles « Légendes de serpents » que nous propose
aujourd’hui Françoise Serre Collet aux éditions Delachaux et Niestlé. Un
ouvrage fort documenté et passionnant qui se laisse approcher, apprivoisé
sans danger avec un rare bonheur. Rien d’étonnant à cela puisque Françoise
Serre Collet est une herpétologue réputée, auteur déjà de nombreux ouvrages
sur les reptiles, grenouilles ou encore salamandres. Autant dire que les
serpents n’ont pour elle guère de secret. Et ce sont ces mille et un secrets
que nous dévoile cet ouvrage sur plus de 250 pages.
Souvent redoutés, assimilés au mal et donc mal aimés, il n’en a cependant
pas toujours été ainsi ; Bernard Le Garff, qui signe la préface de
l’ouvrage, relève qu’ « Avec nos yeux d’Européens du XXIe siècle, on serait
tenté de croire que cette phobie est universelle et a toujours existé. Or –
souligne-t-il – elle est très spécifique de notre civilisation occidentale
et relativement récente ». On songe, effectivement, au fameux serpent
d’Esculape, serpent au pouvoir guérisseur qui se glissa jusqu’à Rome. De
même, encore aujourd’hui, le venin de serpent est utilisé en pharmacopée…
Mais, Bernard Le Garff souligne encore combien « les serpents ont le triste
privilège d’être les plus mal aimés du règne animal ».
Les serpents, il est vrai, ont toujours fasciné, et ce depuis les temps les
plus anciens. Présents dans la mythologie, on les retrouve dans quasiment
toutes les religions, vénérés ou relégués au royaume du mal. Très
représentés dans l’iconographie médiévale, ils ont toujours hanté les contes
et légendes avant que la littérature ou le cinéma plus récemment, ne les
convoquent… Et les Viperidés, Élapidés, Colubridés, Pythonidés ou encore
Boïdés habitent, encore de nos jours, sans que l’on ne les connaisse
précisément, bien des songes… Fort de sa puissance évocatrice, le serpent
fut même investi depuis toujours d’un vigoureux pouvoir symbolique. Qui plus
est, capable de changer de peau, l’image du serpent s’est bien souvent
métamorphosée, et il n’est pas rare ainsi de les retrouver dans la
mythologie ou les légendes en créatures hybrides chimériques fort étranges ;
Mais, par ces instructives et merveilleuses pages, le basilic, l’Ouroboros
ou encore le Tatzelwurm, n’auront plus de secret pour le lecteur… Ouvrage
écrit et réalisé scientifiquement, l’ouvrage permettra aussi de ne plus
mettre tous les serpents, nos serpents, dans le même panier, et de savoir
les différencier ; ce qui peut être bien utile et évitera de tuer pour rien
une inoffensive couleuvre.
Appuyé d’une belle et riche iconographie, dont l’auteur signe les
photographies, ce sont tous ces pouvoirs, forces et facettes de ce fabuleux
et fascinant animal, le serpent, que l’ouvrage aborde et déroule de chapitre
en chapitre. Et après lecture, il faut avouer, que Françoise Serre Collet
pourrait bien être une redoutable charmeuse de serpents ! |
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Serge
Hamon « L’odyssée des plantes sauvages et cultivées - Révolutions d’hier et
défis de demain », Editions Quae, 2019.
À l’heure de la biodiversité et de la prise en compte des méfaits de
l’activité humaine sur l'écosystème soulignés par le terme Anthropocène,
l’ouvrage de Serge Hamon publié aux éditions Quae offrira une réflexion non
seulement précieuse mais également enrichissante par son style accessible au
plus grand nombre. L’auteur, généticien à l’IRD et spécialiste de la
diversité et de l’adaptation des plantes invite son lecteur à explorer en
effet notre rapport au végétal et à ces liens souvent intimes unissant les
plantes et l’homme à commencer par la nourriture, mais aussi la santé, les
matériaux… Sans plantes, pas d’oxygène, faut-il le rappeler ! Le point de
départ est donc vital. Nous suivons ainsi cette extraordinaire odyssée des
plantes que l’auteur nous révèle avec un talent didactique indéniable
jusqu’à cette étape cruciale de la génétique avec la génomique qui pour la
première fois dans l’humanité fait entrer le scientifique au cœur de ce qui
constitue chaque plante. Des navigateurs rapportant dans la vieille Europe
des plantes aujourd’hui considérées comme communes jusqu’à l’agrobiodiversité
contemporaine, que de chemins parcourus par ces compagnes de l’homme. C’est
dans la seconde partie de l’ouvrage que se situent les principaux défis pour
l’homme dans son rapport au végétal, qu’il s’agisse de l’emprise génétique,
mais aussi des changements climatiques sans oublier les nombreuses questions
soulevées par la dégradation environnementale. Le lecteur y trouvera tous
les éléments nécessaires à une meilleure compréhension des défis qui
attendent notre planète et le monde végétal. |
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François Lasserre et Gilles Macagno : « Les super pouvoirs des petites bêtes
», Éditions Delachaux et Niestlé, 2019.
« Les super pouvoirs des petites bêtes » est un petit ouvrage
fourmillant de mille et une choses extraordinaires sur les insectes. Ces
derniers sont nombreux et variés sur terre, mais avouons que nous ne savons
souvent bien peu de chose d’eux ; quelques noms familiers que nous croisons
dans notre environnement, quelques espèces que nous trouvons belles,
surprenantes, parfois même un peu effrayantes, nous nous inquiétons aussi
pour certaines de leur possible disparition, mais après ? Et si nous
commencions par les connaître un peu mieux ? C’est à cette tache que se sont
attelés les auteurs de ce fabuleux petit livre, François Lasserre et Gilles
Macagno. Ces derniers, enseignant et professeur, tous deux très impliqués
dans l’environnement et les sciences de la nature, n’en sont pas à leur
premier coup de maître. Mais, ils fascineront, une nouvelle fois, tout
autant petits et grands, avec ce dernier ouvrage aussi charmant qu’avenant,
aux dessins et au style non dénués d’humour, et aux insolites connaissances…
Sait-on par exemple que certaines fourmis sont des agricultrices chevronnées
sachant avec science cultiver des champignons ? Et les amateurs gourmands de
miel de sapin savent-ils que ce miel si goûteux est en vrai un miel de
crottes de moucherons ? De même, savez-vous pourquoi nous ne sentons jamais
un taon sur nous avant que cette « sale bestiole » ne nous pique ? Mais
n’allons pas trop vite en qualificatifs, le lecteur découvrira aussi que
certains moustiques – certes pas nécessairement ceux de nos contrées et
chaudes nuits d’été, sont d’une rare beauté, « une forme animale »
que n’aurait très probablement pas reniée Adolf Portmann. Un ouvrage
passionnant à partager ! |
SPORT |
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Laurent
Meseguer : « Gagne ! », Editions Eclevia, 2023.
« Gagne ! » est un impératif bien compris auquel nous convie
l’ancien champion de judo et préparateur mental, Laurent Meseguer, dans cet
ouvrage paru aux éditions Eclevia. L’auteur connaît en effet mieux que
quiconque les arcanes de la préparation physique et mentale pour avoir
lui-même gravi les marches du succès. Avec cet ouvrage, c’est un véritable
préparateur mental qui accompagnera le lecteur, page après page, alternant
entre vision d’ensemble et conseils des plus pratiques. Un livre qui
s’adresse aussi bien au monde sportif, de l’entreprise ou individuel.
Dès les premières pages, nous réalisons en effet qu’une véritable passion
anime l’auteur dont la maxime - qu’il nous encourage d’ailleurs à formuler
pour nous-mêmes - est « J’optimise le potentiel des personnes ! ». Ce
quasi-mantra s’observe d’ailleurs au fil des chapitres en une progression à
la fois logique et ouverte à toute la richesse de la matière humaine. Avec
Laurent Meseguer, chaque individu possède une personnalité propre, avec son
vécu, ses failles et forces, nulle recette magique et plan préétabli.
Les premiers chapitres convient le lecteur – qu’il soit sportif de haut
niveau, amateur, voire même pas sportif du tout ! – à déterminer son
objectif à l’aide d’une grille éprouvée permettant d’éviter de s’égarer avec
des formulations trop vagues, genre résolutions de début d’année… Mais
déterminer un objectif aussi précis et réaliste soit-il ne suffit pas, aussi
l’auteur nous encourage à mieux nous connaître afin de mieux percevoir les
qualités qui nous aideront à parcourir ce long chemin avant la réussite,
mais aussi à discerner les failles qui nous attendent et qui souvent
viennent de nous-mêmes. Un plan d’action, la gestion de son stress, se
forger un mental d’acier en travaillant avec des outils très concrets son
état d’esprit, rien n’est laissé au hasard dans cet ouvrage réaliste et
inspirant que tout à un chacun devrait garder à portée de main. |
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« Votre
avenir sur ordonnance » du Dr Frédéric Saldmann, 320 p., 15,3 x 24 cm,
Robert Laffont éditions, 2024. Voici un
ouvrage qui se doit d’être prescrit sans ordonnances pour éviter bien des
soucis ! Le docteur Frédéric Saldmann convie en effet ses lecteurs à
redécouvrir les principes traditionnels de la santé, des principes reposant
sur le bon sens et surtout l’écoute de son corps que l’on oublie si souvent.
À la fois informé et accessible, sérieux et ponctué d’humour, l’ouvrage de
Frédéric Saldmann foisonne de conseils allant de la tête (cerveau si
important à entretenir) aux pieds… C’est à une révolution de notre santé à
laquelle invite le médecin qui donne la priorité à la prévention par le
sommeil redécouvert et une alimentation repensée selon les règles les plus
naturelles qui soient. L’ouvrage n’écarte pas pour autant les avancées de la
science et fait état des dernières découvertes qui nous promettent des
années de longévité… Reste que c’est ici et maintenant qui importe pour le
docteur Saldmann, ce dernier nous enjoignant de ne pas perdre des années
précieuses et de préparer dès aujourd’hui notre santé de demain ! Une voie
rigoureuse, mais néanmoins accessible et rigoureuse pour retrouver et
conserver la santé. |
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Henri
Leconte : « balles neuves », Éditions Marabout, 2023.
Avec « Balles neuves », le célèbre joueur de tennis français, Henri Leconte,
nous ouvre son cœur pour cet essai débridé. L’homme s’est assagi même si la
passion transparaît régulièrement au fil des pages pour cette âme sensible,
à fleur de peau et trop souvent incomprise. Si, depuis, Henri Leconte a bien
réfléchi sur la place des vedettes et le rôle souvent trop excessif supporté
par de jeunes personnes non formées à cet effet, il demeure que cela
n’enlève pas toutes les blessures qui peuvent émailler un parcours pourtant
prestigieux, finaliste de Roland Garros, 5e joueur mondial et vainqueur de
la Coupe Davis en 1991…
L’homme, une fois de plus généreusement, nous fait partager ses victoires et
ses blessures, ses instants de doute et de remise en question qui
profiteront à tout à chacun tant ce témoignage se veut sans fards et direct.
C’est la sérénité qui dorénavant guide cet homme qui ne renie rien de son
passé même si - en grand joueur – il a su profiter de ses erreurs et en
tirer des enseignements qu’il nous livre et qui pourront être suivis avec
profit.
Henri Leconte continue de nous faire vibrer dans ces pages d’une rare
sincérité, axées sur la résilience et la bienveillance qui le portent
aujourd’hui vers d’autres horizons où cependant la petite balle jaune n’est
jamais très loin ! Un témoignage inspirant qui dépasse largement la cible
des passionnés du tennis. |
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«
Manuel ultime de musculation - Connaissances scientifiques et méthodologie »
de Christophe POURCELOT, Didier REISS, Frédéric CAVERNE et Yoann ALBIGNAC,
Amphora éditions, 2023.
Nous sommes bien loin avec ce « Manuel ultime de musculation » des ouvrages
publiés il y a quelques décennies dispensant quelques programmes à partir
d’exercices plus ou moins efficaces. C’est à une véritable science de
l’entraînement musculaire à laquelle nous convient, en effet, les auteurs –
dont Christophe Pourcelot déjà présenté dans ces colonnes - de cette somme
impressionnante de 448 pages et près de 1,5 kg !
En ces pages est réuni l’essentiel des connaissances scientifiques et
pratiques sur la musculation à partir des dernières recherches en la
matière. Le lecteur aura grand profit à intégrer la première partie assez
ardue mais indispensable– oui, la muscu c’est également solliciter son
cerveau ! – à la compréhension du corps humain, de la force, hypertrophie et
endurance. La deuxième partie permettra ensuite de planifier idéalement son
entraînement en fonction de ses priorités (jeunes, santé, force, etc.) alors
que la troisième partie offre dans le détail une véritable méthodologie
quant à la pratique de la musculation.
L’ouvrage va dans le sens d’un entraînement aussi fréquent que possible, un
entraînement intensif et selon une exécution parfaite techniquement et en
amplitude maximale (entendu comme degré articulaire) dans la mesure du
possible, une notion très importante rangée sous l’acronyme ROM (Range of
Motion).
Tout est abordé dans ce précieux ouvrage avec 70 repères méthodologiques
structurés à partir de trois volets : la force, la masse et l’endurance de
force. Un manuel incontournable et indispensable à la compréhension et à la
bonne pratique de la musculation. |
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Pr
Henri Joyeux et Jean Joyeux : « Centenaire et en pleine forme - Bien
respirer, bien voir, bien entendre » ; Préface d’Edgar Morin, Editions du
Rocher, 2023.
C’est un centenaire alerte qui signe la préface de cet ouvrage en la
personne du célèbre penseur Edgar Morin ; Il est vrai que ce dernier, après
avoir dépassé le seuil symbolique du siècle, affiche une forme
intellectuelle toujours éclatante et impressionnante ! Le professeur Henri
Joyeux et son fils, Jean, lui-même talentueux nutritionniste, insistent dans
ces pages, à la fois accessibles et très complètes, sur le fait qu’un âge
avancé de qualité se prépare à l’avance par des pratiques saines et sur le
long cours. Le lecteur sera ainsi surpris parfois des conseils pourtant
simples et souvent négligés telles l’importance d’une mastication lente et
soignée, ou encore celle d’une respiration profonde et de qualité sans
oublier la place tenue par le contrôle de l’audition ou encore de la vue.
Ces sens qui constituent notre quotidien s’altèrent inexorablement avec le
temps et accélérent ainsi la dégénérescence du corps avec le poids des
années.
Si le vieillissement demeure encore incontournable, il est cependant
possible, insistent les Professeurs Henri et Jean Joyeux, d’en ralentir le
cours par des pratiques d’hygiène que rappelle cet ouvrage. La nutrition
apparaîtra avec la respiration et l’hydratation au cœur des priorités,
l’adage bien connu « creuser sa tombe avec ses dents » n’étant pas un vain
mot. Nul besoin de supplémentations complexes ou couteuses mais une
nutrition saine et équilibrée. Les conseils donnés par nos deux professeurs,
Henri et Jean Joyeux, abondent et permettront à chaque lecteur – jeune ou
moins jeune – de préparer avec connaissance et lucidité ses futures années
afin de conserver le plus longtemps possible le lien social et le plein
usage de ses sens.
Un ouvrage dont les conseils devraient figurer au sein de toute éducation et
à conseiller au plus grand nombre ! |
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«
Tiens-toi droit !? » d’Antoine Couly et Olivia Ferrand ; Broché, 208 pages –
18,8 x 24 cm, Éditions Flammarion, 2022.
Voici un ouvrage décapant, dans tous les sens du terme. Les auteurs, tous
deux praticiens (masseur-kinésithérapeute et ostéopathe) s’attaquent en
effet dans cet ouvrage non dénué d’humour à un grand nombre d’idées reçues,
50 en l’espèce, sur notre forme et notre dos. S’appuyant sur un grand nombre
d’études scientifiques comparées et soumises au filtre d’une expérience en
cabinet, Antoine Couly et Olivia Ferrand passent en revue chaque thématique
de manière critique en relevant ce qui s’avère du mythe pur et simple ou de
l’assertion avérée selon les cas. Le propos est clair, argumenté et repose
sur une ligne directrice : la position et l’attitude à privilégier demeurent
liées à chaque personne et à sa propre histoire, plutôt qu’aux diktats
souvent trompeurs.
Le lecteur s’étonnera ainsi de lire qu’une position avachie n’est pas
forcément à bannir pour le dos, que plier les genoux pour soulever une
petite charge (- de 15 kg) n’est pas toujours indispensable, bien des idées
reçues qui ne résistent pas selon les auteurs à l’expérience des multiples
consultations en cabinet, le mal de dos étant le « mal du siècle » selon
l’expression convenue…
L’attitude primordiale sera donc de maintenir à tout prix le mouvement et
une activité suffisante pour que les chaines musculaires et tendineuses
soient régulièrement sollicitées et puissent contribuer au renouvellement
des cartilages et tissus.
Pour remettre en question un grand nombre d’idées reçues et réapprendre à
être à l’écoute de son corps et de ses douleurs en concertation avec son
praticien si nécessaire, la lecture de cet ouvrage dynamique et sans
complexe sera conseillée ! |
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«
Diététique de la musculation - Masse, force, perte de graisse, santé,
performance » de Frédéric MOMPO et Olivia MEEUS ; Nouvelle édition
augmentée, 272 p. 21 x 24, Éditions Amphora, 2021.
Classique parmi les ouvrages de diététique sportive, « Diététique de la
musculation » fort de son succès a fait l’objet d’une nouvelle édition
augmentée chez Amphora. Cet ouvrage qui offre les bases, et plus encore, de
l’alimentation du sportif s’avère être en effet une mine incontournable pour
celles et ceux souhaitant s’entraîner dans les meilleures conditions. On
oublie trop souvent que le meilleur des entrainements peut être ruiné par
une mauvaise alimentation, de nombreux entraîneurs n’hésitant pas à dire que
celle-ci compte pour plus de 80 % de la réussite…
Or, une alimentation équilibrée et adaptée au sport, à l’âge et aux
caractéristiques de chaque individu ne s’improvise pas ainsi qu’il résulte
de la lecture de cet ouvrage passionnant et documenté. Ces principes ne sont
pas empiriques mais imposent le respect et la connaissance de règles
rappelées dans ces pages abondamment illustrées. Olivia Meeus, diététicienne
nutritionniste, et Frédéric MOMPO, entraîneur national de culturisme et
préparateur physique, ont ainsi réuni leurs savoirs pour composer cette
bible de la diététique du sportif.
Nul gavage désordonné comme cela se pratique malheureusement encore trop
souvent dans certaines disciplines mais une conduite rationnelle et
progressive pour garder en fil directeur l’idéal premier du sportif : la
santé. Qu’il s’agisse de prendre en masse, de perdre quelques kilos,
d’adapter son alimentation pour certaines disciplines exigeantes comme le
triathlon ou le marathon, ces pages offrent toutes les conduites à tenir et
personnalisables. Les dimensions que ce soit végétarienne ou végane ont même
été prises en compte, une mise à jour à saleur dans le domaine sportif !
Cet ouvrage demeurera de nombreuses années encore un classique à recommander
aux sportifs |
VIE PRATIQUE |
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« Pêche
du jour » de Jordan Coube, 176 pages, couleur, Éditions Marabout, 2024.
Avis aux amateurs des produits de la mer, ce livre incontournable « Pêche du
jour » signé Jordan Goube. L’auteur, poissonnier de métier, Meilleur
Apprenti et Meilleur Ouvrier de France, a souhaité par cet ouvrage
transmettre toute sa passion et son goût pour les poissons, mais aussi les
coquillages et crustacés. Lieu en croûte de parmesan, encornets farcis ou
encore Porc aux coques, on y trouve des recettes comme on les aime, faciles à réaliser
pour le quotidien ou tables de fêtes avec pour chacune son mode de cuisson
et son budget afin de ne pas se ruiner, rien n’a été laissé au hasard. Comment
dès lors résister aux Tagliatelles aux palourdes ou à ces Boulettes
d’églefin à la tomate ?
Proposant pas moins de 60 recettes, le lecteur trouvera, en outre, en
ouverture de l’ouvrage dans un « Carnet pratique » mille et un conseils
allant de la saisonnalité ou comment choisir son poisson aux techniques de
base de découpage ou d’ouverture pour les crustacés. Rien n’a échappé à ce
pédagogue hors pair prônant une pêche raisonnable, les temps de cuisson et
surtout 60 recettes aussi délicieuses que simples. Rangées par grands
thèmes, apéro, poissons cuits ou crus, crustacés et coquillages ou dans un
astucieux index par ingrédients, le lecteur n’aura qu’une envie nouer son
plus beau tablier ! |
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Le
Petit Larousse illustré – 1905/2025
Le Petit Larousse illustré est une véritable institution et chaque nouvelle
édition sera l’occasion de redécouvrir ce trésor de la langue française mais
aussi une encyclopédie à part entière servie par ses inoubliables
illustrations. Ce millésime 2025 – Le Petit Larousse fête ses 120 ans ! - ne
fait pas exception et plus que jamais la devise de ce fameux dictionnaire «
Instruire tout le monde et sur toutes les choses » sera vérifiée page après
page par le lecteur. Les chiffres sont suffisamment éloquents pour faire du
Petit Larousse illustré 2025 son dictionnaire de référence : 64 300 mots,
125 000 sens, 20 000 locutions et 2 000 régionalismes et mots de la
francophonie…
Alliant le sérieux d’un dictionnaire manuel et plaisir d’une approche
encyclopédique, le Petit Larousse illustré permet non seulement de recherche
à tout moment le sens d’un mot, son orthographe ou noms propres, mais
également de s’évader au fil des pages sans objet précis, certainement l’une
des meilleures approches pour enrichir encore son vocabulaire et ses
connaissances dans des domaines les plus variés.
Et parce que la langue française évolue, cette nouvelle édition intègre ces
changements : 150 nouveaux mots, sens, locutions et expressions, des
évolutions signes de cette richesse non figée. Parmi les nouveaux promus,
citons désanonymer, empouvoirement, détox digitale, platisme, mentorer,
fast-fashion ou encore masculinisme et bien d’autres découvertes encore. Les
illustrations à elles seules enchantent le regard avec 5 500 cartes,
dessins, photographies et schémas ainsi que 150 planches illustrées. Enfin,
le Petit Larousse illustré s’intéresse également aux noms propres avec 28
000 lieux, personnalités et évènements, de quoi alimenter de longues heures
de lecture en compagnie de cette mine de savoir, véritable mémoire de la
langue. |
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« Cook
Color » de Maria Zizka ; Photographie de David Malosh ; Editions Marabout,
2024.
Cuisiner de bonne humeur et en couleur, c’est ce que nous propose Maria
Zizka avec cet ouvrage dénommé judicieusement « Cook Color » aux éditions
Marabout. On y découvre, en effet, pas moins de 100 recettes pleines de peps
et de couleurs pour un plaisir inégalé tant des papilles que des yeux. Du
rouge de la tarte à la tomate au jaune plein de soleil de la courge sans
oublier le violet, le blanc, le noir et même le bleu plus rare en cuisine,
tout semble permis avec Maria Zizka, du moment que les saveurs et couleurs
réjouissent et enchantent les mets. Il faut dire que l’auteur n’en est pas à
son premier ouvrage et s’impose aujourd’hui comme l’une des meilleures
influenceuses dans le monde de la cuisine.
Rangées par couleurs et illustrées pleine page par les photos de David
Malosh, les recettes défilent selon les couleurs de l’arc en ciel et nos
envies. Quinoa au radis pastèques et griottes séchées pour un savoureux
violet ou encore une salade monochrome d’endives au radis et à la ricotta
pour le blanc crème… Maria Zizka nous livre aussi ses secrets notamment
comment conserver le beau vert de printemps des petits poids ou comment
rehausser ces mets parfois trop fades…
Une mine d’idées, de recettes et de couleurs qui réveillent et enchantent
cuisine et assiettes ! |
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« Paris
– A travers son histoire, ses quartiers, ses monuments » de Clémentine
Santerre, Editions Larousse, 2024.
Voilà un petit livre des plus attrayants et instructif nous dévoilant «
Paris, à travers son histoire, ses quartiers, ses monuments ». Clémentine
Santerre, spécialiste et passionnée de Paris, a avant tout souhaité nous
livrer ou nous rappeler à ceux qui se font fort de connaître la capitale
comme leur poche, les mille facettes et merveilles de la Ville lumière. Car
connait-on réellement chaque quartier de la capitale ? Ses trésors, mystères
ou secrets ? Connait-on ainsi « Les secrets de Notre-Dame », « Les trésors
du Louvre » ou encore « Les merveilles du Musée d’Orsay ». Illustré de
nombreuses photographies, l’auteur nous emmène tout d’abord dans ce Paris,
lointain, le « Paris médiéval », nous contant la vie au XIIIe siècle, mais
aussi sur les rives de la Seine, racontant l’histoire de quelques iles de
Paris… C’est un Paris au fil de ses ponts, de ses rues et des siècles que le
lecteur découvrira dans ces 126 pages. Musées, jardins, places, célèbres
restaurants ou encore le « Paris street art », rien n’échappe à Clémentine
Santerre, pas même la charmante impasse du Trésor... Le lecteur parmi mille
et un focus y retrouvera aussi de multiples conseils pour préparer ballades
et promenades parisiennes y compris autour de Paris, de Versailles à
Rambouillet. |
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« Grèce
- La cuisine authentique » de Dina Nikolaou, Hachette Cuisine, 2023.
Les bienfaits de la cuisine grecque ne sont plus à présenter et un récent
ouvrage paru aux éditions Hachette en dévoile les multiples déclinaisons en
une bible qui tient plus d’une ode à la culture grecque que d’un simple
livre de recettes. C’est Dina Nikolaou, l’une des ambassadrices de l’art
culinaire grec qui signe ce superbe livre à la couverture bleu cycladique
inspirante. Ce dernier recèle plus d’un trésor : le premier d’entre eux
étant de révéler une cuisine authentique, dénomination qui en ces pages a
encore un sens tant ces recettes sélectionnées avec soin dressent une
cartographie gourmande de la Grèce. L’auteur sait de quoi elle parle, elle
dirige avec sa sœur Maria un restaurant réputé à Paris, ces deux femmes
ayant quitté leur village de montagne proche de la mer de la Grèce centrale
pour s’installer à Paris et partager cet amour de la cuisine grecque. Aussi
n’est-il pas étonnant de découvrir tout d’abord des recettes de la côte où
l’huile d’olive sublime des plats, poissons et crustacés rivalisent de
saveurs tel ce Kritharaki aux fruits de mer ou cette soupe de poisson
Kakavia. L’ouvrage honore également l’art de cuisiner les légumes si réputé
en Grèce, incontournable caviar d’aubergines, kourou aux courgettes,
moussaka Evi Evane…
Les découvertes seront nombreuses avec également les fromages, les olives,
les charcuteries, et bien entendu, les douceurs sucrées que l’on goutera des
yeux avant de succomber à ces recettes claires et accessibles. |
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«
Soupes maison » d’Emilie Franzo, Marabout, 2023.
Emilie Franzo est assurément une amoureuse de la cuisine,
cuisine qu’elle sert avec un plaisir certain par ses photographies inspirées
mais aussi par des recettes alléchantes retenues spécialement pour cet
ouvrage et exclusivement consacré aux soupes.
Plat essentiel des soirées d’hiver mais aussi lors des autres saisons, la
soupe ne se limite pas aux traditionnels poireaux/pommes de terre ou
carottes/céleri… L’auteur nous fait la démonstration en effet qu’en ce
domaine la créativité n’a d’égale que l’inspiration pour proposer de
délicieuses associations telles cette soupe de patate douce rôtie au sirop
d’érable ou encore cette soupe froide d’ail des ours, pommes de terre &
crème de feta ; à moins que l’on ne préfère cette soupe de champignons &
crackers de parmesan.
Pas moins de 60 recettes organisées selon les saisons et les envies pour des
repas gourmands et sains nous sont ainsi proposées par Emilie Franzo. Les
recettes sont simples et accessibles, les conseils clairs et bien détaillés,
plus aucune excuse dès lors pour ne pas se mettre au fourneau ! |
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« Chef de famille Dépensez peu, mangez bien ! 120 recettes originales
pour se régaler au quotidien » de Norbert Tarayre, Éditions Marabout, 2023.
« Faire à manger » ou cuisiner n’est pas si compliqué, une fois
les bons conseils réunis !
Ce sera le cas
assurément avec l’ouvrage « Chef de famille » proposé par le chef Nobert
Tarayre. Ce dernier qui a pris la direction du restaurant Prince de Galles
s’y entend, en effet, pour organiser tout aussi bien un repas gastronomique
qu’une cuisine du quotidien accessible et néanmoins savoureuse ainsi qu’il
ressort de ces pages agréablement illustrées par les photographies de Fabien
Brueil.
120 recettes sont déclinées dans cet ouvrage alerte et décomplexé, le chef
avouant que parfois être père de 4 enfants n’étant pas la tâche la plus
aisée par rapport à la direction d’une brigade entière d’une grande cuisine
! Sa démarche se veut naturelle et spontanée : à partir de produits
accessibles dans ses placards, l’auteur nous guide pas à pas, d’une salade
vite faite à la réalisation plus délicate d’un bon plat.
Tartes, pâtes, gâteaux et autres délicieuses préparations abondent dans cet
ouvrage didactique et destiné au plus grand nombre. L’auteur n’hésite pas à
nous mettre les mains dans le pétrin en apprenant à réaliser soi-même pâte
brisée, sucrée, à pizza, à beignets, à gyozas et même une pâte à pâtes !
Plus d’excuses pour ne pas revêtir un tablier et concocter au quotidien ou
le week-end de savoureuses recettes ! |
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L’apprentissage de l’italien grâce à ASSIMIL
Classique parmi les classiques, le coffret ASSIMIL « L’italien - niveau
débutant B2 » dans la collection sans peine est devenu incontournable pour
apprendre les bases d’une langue, dont l’italien, cette langue chantant le
soleil et la bonne humeur ! Grâce à une méthode intuitive qui a fait
largement ses preuves, le bénéficiaire de ce coffret se trouve immédiatement
immergé, et ce, dès les premières leçons consacrées à l’oralité et aux
fondamentaux de la grammaire italienne. Pour cela, ce coffret comprend un
livret de 100 leçons complètes et progressives, 186 exercices accompagnées
de leur corrigé, un double lexique pour le vocabulaire sans oublier une
précieuse synthèse grammaticale indispensable pour asseoir ses
connaissances. Les dialogues vivants plongent de suite dans le quotidien
vécu de la langue avec des situations concrètes à une terrasse de café, dans
un train ou encore à l’extérieur pour retrouver son chemin… En comptant sur
une moyenne de 30 à 40 min par jour, la progression se fait naturellement
grâce aux notes qui accompagnent les leçons et exercices proposés. Derrière
l’apparente facilité se cache en fait une évolution grammaticale rigoureuse,
transparente pour l’utilisateur, mais efficace, cette méthode naturelle
reposant sur l’apprentissage progressif des jeunes enfants quant à leur
langue maternelle ayant été, avec bénéfice, transposée pour adultes depuis
déjà 90 ans. Grâce aujourd’hui au format MP3, les leçons sont
téléchargeables sur son smartphone, son ordinateur ou tablette, permettant
ainsi de continuer l’apprentissage chez soi ou à l’extérieur pour un gain de
temps garanti lors des transports en commun ou dans les embouteillages !
La méthode « Apprendre l’italien A2 Ciao » propose avec un audio en
streaming d’1h30 et 28 dialogues d’atteindre le minimum nécessaire pour
pouvoir se débrouiller seul lors de son séjour en Italie, ce qui correspond
au niveau A2. Suivant en cela les spécifications du Cadre Européen Commun de
Référence pour les Langues établi par le Conseil de l’Europe, cet ouvrage va
à l’essentiel grâce à la méthode éprouvée de dialogues « en situation » du
quotidien. Ces mêmes dialogues sont accessibles sur de multiples plateformes
de streaming afin de se familiariser avec la prononciation de la langue
italienne. Chaque leçon s’organise ainsi à partir d’une situation
quotidienne : shopping, cinéma, restaurant, administration, etc. Soulignons
que la grammaire n’en est par pour autant oubliée avec de fréquents rappels
des règles de base permettant ainsi de pouvoir comprendre et être compris
dans des dialogues de base en langue italienne.
Enfin, les cahiers d’exercices ASSIMIL – Débutants et Faux – débutants –
seront le complément idéal pour renforcer son apprentissage de la langue
grâce à une présentation particulièrement ludique et attractive… Avec plus
de deux cents exercices, jeux et entraînements, ces cahiers permettront
d’aller plus loin dans la connaissance de l’italien, qu’il s’agisse du
vocabulaire en situation, bien sûr, mais aussi de la conjugaison et de la
grammaire, sans oublier l’indispensable prononciation, toujours délicate
pour les Français oubliant trop souvent le fameux accent tonique…
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« Soul
of Rome – Guide des 30 Meilleures expériences » de Carolina Vincenti, 128
p., 20 x 13,5 cm, Editions Jonglez, 2023.
« Rome insolite et secrète » de Ginevra Lovatelli, Adriano Morabito, Marco
Gradozzi et Nicole Cabassu, Editions Jonglez, 2023. «
Soul of Rome » compte parmi ces guides confidentiels aux adresses aussi
secrètes qu’originales connues habituellement des seuls habitants de la
Ville Éternelle… Et Carolina Vincenti assistée des précieux conseils de
Paolo Scotto di Castelbianco comptent assurément pour la plus grande joie du
lecteur parmi ces guides privilégiés. Aussi est-ce une drastique sélection
des 30 meilleures expériences romaines qui sont réunies dans cet ouvrage
bien mené et que l’on n’hésitera pas à garder pour son prochain voyage de
l’autre côté des Alpes !
Illustré d’inspirantes photos de Sofia Bernardini et Claire de Virieu, «
Soul of Rome » plongera, en effet, littéralement le lecteur dans les ruelles
méconnues de la capitale italienne tout autant que dans les lieux insolites à
mille lieues de la foule touristique. Ces trente précieuses expériences sont
livrées dans le détail avec en préambule une carte replaçant précisément
chacune d’entre elles afin d’organiser au mieux à l’avance son périple
romain. Qu’il s’agisse d’une brocante d’antiquaires, du barbier du Caravage
au rasage à l’ancienne, de la meilleure glace de Rome (visiblement testée
d’après les éloges !) ou encore d’un rooftop de rêve dominant les toits de
la ville, « Soul of Rome » sort des sentiers battus et propose autant de
découvertes singulières qui permettront de faire l’expérience d’une autre
Rome que celle que l’on pensait pourtant connaître…
Pour une exploration plus exhaustive et complète de la Ville Éternelle, on
pourra également se reporter à la collection désormais classique des guides
écrits par les habitants eux-mêmes : « Rome insolite et secrète », un
ouvrage permettant de découvrir des lieux habituellement fermés au public,
des fresques époustouflantes de la Villa Farnesina, un message caché de la
basilique des Santi Apostoli, la petite histoire du cerf perché au sommet de
l’église Sant’Eustachio ou encore l’intrigante Pierre du diable… Ginevra
Lovatelli, Adriano Morabito, Marco Gradozzi et Nicole Cabassu nous font
partager leur connaissance intime de Rome pour des expériences sortant des
sentiers battus.
À noter dans la même collection les guides consacrés pour l’Italie à
Venise, Naples, Florence, Milan, Turin, Toscane, Dolomites…
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« Cook,
eat, love - Des aliments simples, des recettes irrésistibles. » de Dominique
Gassin et Alice Pagès, Nathan Editions, 2023.
Dominique Gassin est une naturopathe d’origine australienne
installée en France depuis une vingtaine d’années. Son credo : manger bien
et sain, deux impératifs qu’elle conjugue à merveille dans ce dernier livre
de recettes intitulé « Cook, eat, love - Des aliments simples, des recettes
irrésistibles ». L’auteur sait de quoi elle parle puisqu’elle a su allier
pour cela sa formation de naturopathe à sa propre expérience du restaurant
Judy qu’elle a elle-même fondé.
En proposant au lecteur pas moins de 50 recettes retenues pour des plats
aussi savoureux et que bons pour la santé, Dominique Gassin partage sa
cuisine et ses recettes avec générosité. Avec des pages largement et
agréablement illustrées, c’est une cuisine reposant sur la philosophie «
qualitarienne » que l’auteur nous propose, à savoir des recettes
privilégiant des produits non transformés, sans additifs, frais et si
possible locaux. De l’entrée au dessert en passant par les boissons et même
les épices, cet ouvrage fourmille d’idées simples et saines offrant des
recettes diététiques aussi bonnes au goût que pour notre santé. Pourquoi
attendre ?
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« Turin
insolite et secrète » d’Andrea Fabrizio, 10,5 x 19 cm, 304 p.; Editions
Jonglez, 2023.
« Milan insolite et secrète » de Massimo Polidoro, 400 p., 10.5 x 19 cm,
Editions Jonglez, 2023.
La désormais incontournable collection « Insolite et secrète » accueillent
deux nouveaux titres consacrés à deux belles et grandes villes essentielles
du nord de l’Italie, à savoir Turin et Milan.
Turin, tout d’abord, fait l’objet d’une visite pleine de paradoxes avec
Andrea Fabrizio comme guide. Passionné par cette ville qui ne se laisse pas
aborder facilement, l’auteur parvient admirablement à en déjouer les pièges
en dévoilant les facettes méconnues, ces peintures invisibles pour la
plupart mais qu’il sait mieux que quiconque traquer à l’image de ces
mosaïques romaines, elles aussi par ailleurs souvent bien cachées ! Les
instruments d’un bourreau, la seule église de style Liberty d’Italie ou
encore l’impressionnant musée du fruit offriront autant d’angles inédits et
plaisants pour découvrir avec Andrea Fabrizio aux éditions Jonglez cette
ville « insolite et secrète » à la fois déroutante mais si séduisante…
Milan, capitale économique de l’Italie, réservera également en suivant les
pas de Massimo Polidoro bien des surprises à celles et ceux qui souhaitent
sortir des sentiers battus et des monuments incontournables bien connus. Le
lecteur pourra ainsi découvrir une écluse conçue par Léonard de Vinci tout
en s’émerveillant sur les secrets de la célèbre Cène qu’il faudra
impérativement aller découvrir sur place… En déambulant par quartier, le
promeneur milanais aura en un format réduit un guide de choix grâce à
Massimo Polidoro qui connaît la ville mieux que quiconque. Avec lui, nous
déambulerons ainsi à la recherche des trésors cachés du Palazzo Isimbardi
dont l’admirable fresque méconnue de Tiépolo, les vertus de la chapelle
Portinari ou encore la maison du monstre de la via Bagnera, tout un
programme ! Éclectique et pleine de charme, cette promenade « insolite et
secrète » des éditions Jonglez fera assurément d’un séjour à Milan un moment
inoubliable et enrichissant. |
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«
LAROUSSE – Planches insolites – 170 ans de trésors », 176 p., Editions
Larousse, 2022.
C’est un merveilleux ouvrage aux réminiscences d’antan et de leçons de
choses que nous proposent les éditions Larousse avec ces planches qui ont
marqué l’imagination de tant de générations. Qui n’a en effet jamais rêvé
devant ces fabuleuses pages de Larousse offrant au regard les différents
costumes au fil des siècles, les multiples régiments ou encore armures…
Avec cet ouvrage aux saveurs aussi insolites que nostalgiques, Larousse fête
ses 170 ans. Eh, oui par moins de « 170 ans de trésors », de découvertes et
de rêveries. Botanique, zoologie, océanographie, mécanique, c’est
effectivement un florilège esthétique des plus belles planches avec leurs
traits et couleurs inimitables que l’on redécouvre dans ces délicieuses
pages. Les ateliers, les danseurs et acrobates s’animent… Plus de 85 leçons
de choses accompagnées de leurs explications et illustrations signées de
plus grands dessinateurs du siècle dernier. À peine ouvert, la douceur et
les couleurs chatoyantes des plumes et plumages s’envolent… Un régal ! |
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«
Shabbat dinners » de Vanessa Zibi , Leslie Gogois , Guillaume Czerw ; 19 x
25,5 cm, 324 pages, Éditions de La Martinière, 2021.
À celles et ceux qui seraient à court d’idées pour composer leurs diners et
repas, « Shabbat dinners » leur est destiné ! La cuisine juive offre une
multitude de plats savoureux et originaux, dépaysement garanti. Héritage
ancestral, cette cuisine puise en effet dans la nuit des temps, chaque
millénaire ayant légué une multitude de plats et recettes au fil des espaces
géographiques. « Shabbat dinners » fait ainsi revivre cette tradition,
souvent orale mais encore bien présente dans de nombreuses familles. Une
tradition culinaire qu’il est tout à fait loisible d’adapter en dehors de
tout contexte religieux. L’idée de partage au sein de la famille ou d’amis
se trouve au cœur de cette cuisine née dans la solidarité d’un peuple
souvent victime des pires pogroms. Cette identité a su justement marquer
l’emploi des aliments, la manière de les préparer et accommoder, pour des
recettes généreuses ainsi qu’en témoigne cet ouvrage conçu par Vanessa Zibi
avec la collaboration de Leslier Gogois. Ce sont pas moins de 90 recettes
qui sont en ces pages réunies, des recettes juives, séfarades, ashkénazes et
israéliennes. Ce tour du monde culinaire conjugue tradition et modernité et
se déroule en fonction des fêtes principales (Pessah, Rosh Hashana, Chavouot…).
Pratique et instructif, l’ouvrage fourmille de renseignements sur l’origine
de ces plats, leur signification et bien sûr la manière de les composer de
nos jours. Qu’il s’agisse de la loubia algérienne, de la muhammara levantine
ou de la bakhsh, plus facile à réaliser qu’à prononcer, ces recettes
enchantent aussi bien la vue que le palais par leurs couleurs et saveurs
exotiques. Un livre aussi inspirant que dépaysant ! |
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«
Traité de pâtisserie » de Darenne et Duval, École Lenôtre, Préface de Guy
Krenzer, 888 pages - 137 x 207 mm, Flammarion, 2021.
Cette nouvelle édition du Darenne et Duval ne pourra que réjouir les
professionnels de la pâtisserie et autres amateurs de créations gourmandes.
Classique et incontournable, cette bible parue en 1909 et conçue par Émile
Darenne et Émile Duval contient tout et plus sur l’art de la pâtisserie en
partant des fondamentaux jusqu’aux subtilités les plus délicates. Guy Krener,
double Meilleur Ouvrier de France et Directeur de la création chez Lenôtre
souligne dans sa préface à l’ouvrage combien cette somme impressionnante de
plus de 800 pages ouvre « les portes d’un monde de plaisirs délicats qui ont
donné ses lettres de noblesse à l’art pâtissier français ». Car on l’oublie
trop souvent que nombre de nouvelles créations sous les apparences de la
modernité sont redevables à ces recettes classiques héritées des siècles
passés et que les auteurs de cet ouvrage avaient décidé de réunir au début
du XXe siècle. C’est cette « incroyable modernité du passé » que loue le
préfacier avec justesse et modestie. Ce grand Chef avoue en effet humblement
se référer encore aujourd’hui à cet ouvrage qui n’avait pas été réédité
depuis longtemps. Le traité commence par les fondamentaux, les différentes
pâtes (brioches, savarins, babas, biscuits, mousses…). Puis fait la part
belle aux entremets, petits fours et autres confiseries qui feront saliver
le lecteur avant même d’endosser le tablier… Les derniers chapitres sont
réservés au « Pâtissier- traiteur » et introduisent quelques précieuses
recettes salées dans le temple des délices sucrés. Une somme impressionnante
qui inspirera encore bien des générations de pâtissiers… |
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« Atlas
des épices » de Beena Paradin Migotto ; photographies de Delphine
CONSTANTINI ; préface d’Olivier Roellinger ; 240 pages, 21,5 x 28,5 cm,
Relié, Éditions Flammarion, 2021.
Un tel ouvrage manquait dans les bibliothèques culinaires ! Aussi, les
éditions Flammarion ont-elles eu l’heureuse idée de publier cet atlas de
Beena Paradin Migotto consacré aux épices du monde. Ce merveilleux voyage ne
pouvait qu’être en effet proposé que par l’une des meilleures ambassadrices
de la cuisine indienne en France. Ce sujet illimité quant à son histoire et
à sa géographie transportera le lecteur aux confins de nos civilisations
grâce à la synthèse instructive et agréable rappelée en début d’ouvrage. La
fameuse route des épices n’aura plus de secrets alors qu’un très utile
abécédaire vient compléter cette somme afin d’identifier et mieux connaître
les différentes épices et l’art de les assembler. Car, à l’image des autres
ingrédients dans la cuisine, il y a un art d’utiliser et d’associer les
épices, au risque de dénaturer le plus beau des plats…
Subtilité et nuances prévalent, en effet, en ce domaine et cet Atlas offre
justement tous les conseils nécessaires pour sublimer les plats, même les
plus simples, ou rendre inoubliables les créations plus sophistiquées.
L’auteur propose d’ailleurs à cet effet en dernière partie d’ouvrage
différentes recettes allant de l’entrée au dessert et magnifiant l’art des
épices. Pour concevoir un délicieux Curry vert thaïlandais, un bouillon
Rasam au citron à l’indienne ou encore un inoubliable cabillaud aux cinq
parfums chinois, l’ouvrage de Beena Paradin Migotto deviendra vite le
compagnon de toute cuisine inspirée et ouverte aux horizons lointains.
Un ouvrage aussi savoureux que beau à découvrir grâce aux photographies de
Delphine Constantini. |
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Manger bien associé » d’Olivier Bourquin, Editions Favre, 2021.
C’est un ouvrage fort instructif et attrayant, alliant avec bonheur plaisir
gustatif et santé, que nous propose aujourd’hui le nutritionniste Olivier
Bourquin avec « Manger bien associé » qui vient de paraître aux éditions
Favre.
Instructif parce que l’auteur éclaire un point de diététique trop souvent
ignoré ou négligé, celui de l’association bénéfique des aliments pour
optimiser leurs bienfaits pour notre corps. Il est vrai que l’étude des
interactions des nutriments entre eux demeure récente et source de
nombreuses découvertes. Adoptant une approche claire et didactique, Olivier
Bourquin ne néglige en première lieu aucune précision ou explication. Ainsi,
« Afin d’apprendre à manger bien associé mais aussi dissocié », l’auteur
distingue-t-il les protéines fortes des farineux forts qu’il convient
d’éviter d’associer lors d’un même repas pour une bonne digestion. Olivier
Bourquin y aborde également la rythmonutrition, l’équilibre de l’index
glycémique ou encore acido-basique... L’auteur, fort de nombreuses
précisions et conseils, nous rappelle qu’un bon intestin nécessite de bonnes
associations et assimilation, que notre foie est un filtre, et qu’une belle
peau ou de bonnes et jolies jambes impose une réelle connaissance
nutritionnelle. Une première partie théorique indispensable et précieuse
pour comprendre comment les aliments peuvent développer ou renforcer tous
leurs bienfaits, mais aussi les perdre. Et que d’erreurs ne commet-on pas !
Car leur association n’est pas anodine, loin s’en faut.
Attrayant et savoureux, enfin, puisque l’auteur n’hésite pas, en second
lieu, à mettre en pratique ces précieux conseils avec cinquante délicieuses
recettes. Des recettes simples ou de difficulté moyenne aussi bien pour le
petit déjeuner, les déjeuners, goûters ou dîners. Des recettes également,
bien sûr, adaptées aux sportifs, avant ou après l’entraînement. Peu carnées,
souvent végétariennes ou sans gluten, ces recettes colorées à la fois
faciles et peu onéreuses, exposées de manière claire et précise sont – après
avoir été testées, réellement délicieuses. Omelette à la bananes pour un bon
départ le matin, aubergines farcies à l’orge perlé ou ramen de bœuf à la
thaï, des shakes maison pour l’entraînement, rösti aux oméga 3, nouilles
sautées aux crevettes pour le soir... Les propositions équilibrées ne
manquent pas. On y retrouve même cinq recettes exclusives pour les jours de
fêtes du chef Jean-Yves Drevet.
Un ouvrage, décidément, aussi scientifique que savoureux ! |
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Bruno
Savoyat : "Si simple ! Mettez du PEP dans votre vie et votre travail",
PEPworldwide, 2021.
Face à la complexité croissante de nos vies modernes, complexité accentuée
par les hypersollicitations du monde connecté, Bruno Savoyat a souhaité
proposer sa riche expertise en tant que conseil en organisation
professionnelle et personnelle. Cet auteur prolixe dont les principes sont
appréciés dans le monde de l’entreprise, tout autant que par des personnes
privées, part du principe que nombre de méthodes simples existent afin
d’alléger les contraintes du quotidien qui conduisent un nombre sans cesse
croissant de nos contemporains à un burn-out, surtout en ces temps de
pandémie mondiale.
Fort des préceptes des philosophes antiques, l’ouvrage adopte le principe
que la vie est un développement personnel continu. Contrairement à ce que
l’on pense souvent, l’apprentissage ne se limite pas aux jeunes années
d’étude et le fait d’acquérir de nouvelles compétences s’impose de plus en
plus fréquemment au cours de la vie professionnelle. Pour Bruno Savoyat,
être efficace, c’est justement se placer dans cette dynamique de changement,
une adaptabilité de tous les instants aux conditions fluctuantes de la vie
professionnelle mais aussi privée. Ce sont ces techniques d’efficacité que
ce volumineux guide recense et explique dans le détail, un accompagnement
sous la forme d’un coach prêt à guider ses lecteurs dans tous les aspects de
sa carrière et de son entreprise.
Ce livre très pratique offre un grand nombre de réponses adaptées à la
situation actuelle qui exige encore plus de concentration, mais aussi de
focaliser son attention sur ses priorités ou encore de gérer le monde
connecté tout en sachant faire des pauses salutaires telle la fameuse
gestion des emails… L’ouvrage aborde une multitude d’aspects pratiques
notamment les rangements de nos espaces et de ce qui encombre trop souvent
notre vie, la gestion de notre agenda avec ses priorités tout en laissant la
place à des temps de créativité.
Curieusement, le lecteur réalisera en refermant l’ouvrage de Bruno Savoyat
que c’est en prenant sa vie à bras-le-corps que l’on peut trouver du temps,
du temps pour bien d’autres choses et surtout à ce qui importe le plus. Un
ouvrage inspirant et nécessaire.
À noter que cet ouvrage trouve son prolongement dans de nombreux bonus Web
fournis complétant idéalement les conseils prodigués. |
BD |
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« Salon de Beauté » de Quentin Zuttion d’après le
roman de Mario Bellatin ; 20 x 26.8 cm, 184 p., Coll. « Grand Public »,
Editions Dupuis, 2024.
On appréciera cette belle adaptation en BD du roman «Beauty Salon » de Mario
Bellatin, finaliste du Prix Médicis en 2000. Est-il besoin de rappeler la
trame de ce récit fort salué lors de sa sortie ?!
Jeshua est connu pour son agréable salon de beauté où il prodigue avec
bienveillance à une clientèle exigeante coiffure, manucure et soins… Reste
que ses journées sont plus longues que l’on pourrait le penser, car la nuit
c’est lui-même, Jeshua, qui se coiffe et se maquille et devient avec ses
deux amis travestis. Une vie bien rythmée, mais qui va se trouver
bouleversée par l’arrivée de cette redoutable épidémie, ce virus
sexuellement transmissible… Jeshua va alors prendre la décision de
transformer son salon pour y accueillir des malades ; une décision qui ne
pourra devant la maladie et la violence sociale laisser ni lui ni ses amis,
ni surtout son lecteur indifférent…
C’est en effet avec sensibilité et pudeur que Quentin Zuitton (auteur de «
Les Princesses meurent après minuit – Prix spécial jeunesse du festival
d’Angoulême 2023) a souhaité adapter, ici, en auteur complet, ce beau roman
de l’écrivain mexicain, Mario Bellatin, consacré au VIH qui dans les années
80 – 90 a décimé la communauté homosexuelle. Le VIH qui par pudeur et
respect ne sera volontairement pas – comme dans le roman - nommé.
Le lecteur par la délicatesse du dessinateur qu’est Quentin Zuiton
retrouvera dans cet album toute la force métaphorique et onirique du roman
avec ce Salon de beauté et ces hommes sirènes... Un défi relevé avec une
belle sensibilité que cela soit dans le dessin, les couleurs ou la mise en
planche ; Une jolie manière aussi poétique que délicate de raconter, dire,
ce que furent dans ces années les désirs d’une communauté et la mémoire
d’une tragédie… Un bel hommage.
Gilles Landais
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« Kaya » ; Scénario Paola Barbato ; Dessin et
couleur Emmanuele Tenderini et Lorrenzo Lanfranconi ; Scénario, dessin et
couleur Linda Cavallini ; 24 x 32 cm, Editions Glénat, 2024.
Une ambiance apocalyptique, une atmosphère toxique, des ressources épuisées
et des animaux mutants… Sur cette terre devenue invivable et vidée de la
moitié de ses habitants, Rio et Kaya, sa petite sœur, tentent de rejoindre
le sud de la planète et d’échapper aux bio-brigades chargées d’enrôler les
survivants dans les mines…
On l’aura compris c’est dans un univers redoutable dans lequel nous entraîne
cet album ; un monde où le chaos règne implacablement et dans lequel
pourtant on se laisse prendre au piège tout comme la petite Kaya avec cette
louve géante… Signé à 8 mains italiennes, et non des moindres -dont la
romancière Paola Barbato - ce one-shot happe littéralement le lecteur tant
le graphisme est merveilleusement soigné et réaliste, tant les couleurs ne
retiennent pas, mais ouvrent au contraire l’imaginaire… Un album qui
soulève, qui plus est, de belles et fortes questions existentielles. Et si
certains ont pu parler pour cet album de « graphisme proche de l’animation »
c’est sans usurpation mais bien à juste titre…
Le plus, enfin, très original : cet album est accompagné de QR codes qui
offrent au lecteur la possibilité d’entendre régulièrement au fil des pages et
de la lecture la bande originale écrite par Paola Barbato et Linda Cavallini
avec en arrière-fond une musique de Remo Baldi ; absolument inédit, ludique
et réjouissant !
Gilles Landais
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« Jean Monnet » de Marie Bardiaux-Vaïente
(scénario), Sergi Gerasi (dessin) et Eric Roussel, Editions Glenat, 2024.
Voici une BD des plus pédagogiques destinée aux jeunes, comme aux moins
jeunes, souhaitant revenir aux origines de la construction de l’Europe et de
ses institutions. Jean Monnet peut être en effet présenté comme
l’inspirateur d’une Europe unie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Européen convaincu dès les premières heures, Jean Monnet comprend très
rapidement (dès la Première Guerre mondiale) que sans interdépendances
étroites entre les peuples voisins de l’ouest de l’Europe, les conflits
demeureraient inévitables.
Marie Bardiaux-Vaïente (scénario), Sergi Gerasi (dessin) et l’académicien
Eric Roussel ont su rendre accessible une thématique quelque peu austère
grâce à un propos à la fois clair et accessible, les dessins entretenant des
liens très didactiques avec le texte. L’histoire commence par un flash-back,
celui d’un homme âgé en 1975 revenant sur ses jeunes années, notamment en
1905, début d’une longue route qui le mènera aux plus hautes instances
internationales. Ce personnage discret et modeste saura donner naissance aux
idées déterminantes pour les relations internationales, notamment celle
essentielle de l’union des hommes afin de rapprocher les nations.
Véritable fresque allant de la SDN à laquelle Jean Monnet participera très
activement jusqu’à la création de CECA (Communauté européenne du charbon et
de l’acier) en 1951, sans oublier le traité de Rome de 1957 et du Marché
Commun européen en 1968 ! Nous suivons, planche après planche cette
captivante aventure sans laquelle nous ne pourrons comprendre pleinement les
atouts, mais aussi les faiblesses de la Communauté européenne du XXIe. |
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"Madeleine, résistante -Tome 3 - Les nouilles à la
tomate » de Bertail - Jean-David Morvan - Riffaud, Editions Dupuis, 2024.
Nos lecteurs connaissent bien déjà cette fameuse série BD « Madeleine,
Résistant » (lire nos précédentes chroniques), une série au thème pourtant
toujours délicat à traiter surtout dans le contexte de la Bande Dessinée… Et
pourtant le pari est réussi tant l’évocation du difficile chemin et combats
menés par la grande Résistante Madeleine Riffaud se trouve parfaitement
rendue dans ces volumes aussi soignés que poignants.
Il faut avouer que le parcours de Madeleine - son jeune âge, arrêtée pour
avoir éliminé un officier allemand avant d’être torturée par la Gestapo et
la non moins redoutable police de Vichy - aurait dû s’interrompre devant le
peloton d’exécution et pourtant… Jean-David Morvan (scénario) et Dominique
Bertail (dessin) signent une nouvelle fois en une collaboration
exceptionnelle avec Madeleine Riffaud en personne - qui vient tout juste de
fêter sa 100e année - ce troisième tome.
Les premières planches débutent par la situation dramatique des terribles
geôles dirigées par le commissaire Fernand David, tristement surnommé «
David les Mains Rouges »… évocations terribles sans verser néanmoins dans le
voyeurisme, avant la Libération inimaginable ! Les illustrations
remarquables des rues de Paris dont nous commémorons à cette occasion le 80e
anniversaire de sa libération, la force du témoignage rendu avec le ton
juste par le scénario évitant tout pathos, font de ce troisième tome une
évocation poignante et indispensable de la Résistance à partager avec le
plus grand nombre, notamment avec les plus jeunes lecteurs.
Jules Buissonnet
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"L'Arche de Noé et le Déluge" ; Scénariste Clotilde
Bruneau et Luc Ferry, Dessinateur Gianenrico Bonacorsi, Directeur artistique
Didier Poli, Collection « Sagesses des Mythes », Editions Glénat, 2024.
L’histoire de l’Arche de Noé remonte à la plus ancienne histoire, celle du
Déluge et de la dévastation de la terre suite aux excès de l’homme… Ce récit
légendaire trouve ses racines dans l’ancienne mythologie de la Mésopotamie,
évènement extraordinaire ayant inspiré directement la Bible et plus
précisément l’Ancien Testament. C’est cette terrible histoire qui fait
l’objet d’un album tout aussi impressionnant dans la collection « La sagesse
des mythes » dirigée par Luc Ferry selon un scénario de Clotilde Bruneau et
Luc Ferry, le dessin de Gianenrigo Bonacorsi et la direction artistique de
Didier Poli.
Si l’histoire est bien entendu connue, les faits évoqués – comme à
l’accoutumée dans cette collection – permettront au plus grand nombre de
rafraîchir ou d’enrichir leur mémoire historique sous la forme d’un récit à
la fois captivant et enlevé. L’album débute par l’inconduite et la
perversité du peuple de Mésopotamie bientôt condamné par le Seigneur qui en
une révélation nocturne intimera l’ordre à Noé de bâtir une gigantesque
arche avant la destruction de toute l’humanité…
Si le récit biblique diffère du mythe mésopotamien, ce dernier étant plus
centré sur la tranquillité des dieux perturbée par le bruit causé par les
hommes, cet album reste fidèle aux Écritures par l’évocation de l’immense
arche dessinée par Gianenrico Bonarcorsi, ainsi que par le grandiose déluge,
dignes de ses prédécesseurs dans l’art du péplum !
Jules Buissonnet
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"Ayrton Senna Histoires d'un mythe" ; Scénariste
Lionel Froissart, Dessinateur Christian Papazoglakis et Robert Paquet,
Editions Glénat, 2024.
Le célèbre coureur automobile brésilien est entré depuis longtemps dans la
légende et il fallait bien un album digne de cette figure mythique de la F1
pour lui rendre hommage. C’est chose faite avec cette BD signée Lionel
Froissart pour le scénario, et Christian Papazoglakis et Robert Paquet pour
le dessin.
Autant prévenir le lecteur que cette histoire sera menée tambour battant,
les bruits des bolides concurrençant la vitesse de leur passage au fil des
planches. Le rythme trépidant débute lors de cette fameuse course du Grand
Prix de Monaco en 1984 lors de laquelle le futur prodige des pistes menace
de rafler la place de leader d’Alain Prost dans les conditions d’un
effroyable mauvais temps…
Ce sera le point de départ de la légende Ayrton Senna évoquée avec brio par
les auteurs de cette BD passionnante… même pour les non passionnés de
courses automobiles ! Les planches parviennent à reproduire vitesse, bruit
et action en une vrombissante épopée qui tient en haleine jusqu’à la
dernière planche malheureusement trop connue de ce triste jour de 1er mai
1994 qui mit fin à une carrière fulgurante d’une courte mais dense décennie.
Jules Buissonnet |
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« Requiem – Tome 12 – « La Chute de Dracula » ;
Scénario de Pat Mills ; Dessins et couleurs d’Olivier Ledroit, 24 x 32 cm,
Editions Glénat, 2024.
On ne résiste pas au tome 12 de la fameuse série culte « Requiem » !
Pour ce nouvel épisode, le lecteur est invité – rien que moins - à la table
de Dracula ; ce dernier envisage, en effet, afin de fêter la victoire de ses
preux chevaliers vampires d’organiser un banquet… Une incroyable occasion
pour Requiem de vaincre à jamais Dracula ? Assurément, et pour cela Requiem
se voit remettre par Black Sabbat le Marteau du Thurim. Mais, c’est sans
compter Deucalion et l’ange de l’antimatière qui, eux aussi, risquent de
sauter sur cette unique occasion… Requiem arrivera-t-il à temps au Banquet ?
Rien n’est moins sûr !
Il faut dire que cet avant-dernier volume de l’une des séries dark fantasy
les plus plébiscitées, après maintenant 12 ans d’existence, se doit être à
plus d’un titre souligné :
Parce que, comme toujours, au scénario Pat Mils ne tarit pas de créativité
et d’une fertile imagination pour cet avant dernier tome préparant avec brio
le dernier et ultime volume !
Parce que, également, et comme toujours ce volume signé en duo avec le
dessinateur Olivier Ledroit donne, on s’en doute, un album
extraordinairement illustré avec des dessins soignés et à nuls autres
pareils. Les amateurs retrouveront en effet un fantastique graphisme digne
de cette série culte dans une mise en planche aussi dynamique que grandiose.
Bref, comme toujours, rien n’a été laissé au hasard pour ce tome 12… Et «
Que sonne de nouveau le glas ! Que toute la Draconie sache… »
Gilles Landais |
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« La Vie rêvée d’un Papillon » ; Scénario de
Sylvère Denné ; Dessin Sophie Ladame ; Cartonné, 19 x 26.5 cm, 128 p.,
Éditions La Boite à Bulles, 2024.
Plaisir que de retrouver en BD cet incontournable récit du fameux bagnard «
Papillon » inspiré de l’ouvrage d’Henri Charrière et porté au cinéma avec le
succès que l’on sait avec Steve McQueen et Dustin Hoffman.
L’album « La Vie rêvée d’un Papillon » revient en effet sur la vie d’Henri
Charrière - de son vrai nom, qui envoyé à perpétuité au bagne de Guyane dans
les années 1930, n’eut de cesse de vouloir s’évader et qui y réussit au bout
de treize années d’enfermement…
Cette vie rêvée, fantasmée, fut effectivement relatée par l’ancien bagnard «
Papillon » ou Henri Charrière qui l’écrivit d’une traite avant d’envoyer son
manuscrit à Robert Laffont ; idée de génie puisque l’ouvrage sera un succès
éditorial incroyable avec plus de 15 millions d’exemplaires vendus, avant de
connaître un non moins grand succès au cinéma avec le fameux film « Papillon
» qui sortira le lendemain même de sa mort en 1973…
Pour ce roman graphique, le lecteur sera conquis par le scénario signé
Sylvère Denné. Un scénario admirablement illustré avec sa complice Sophie
Ladame. Un duo qui avait déjà fait ses preuves avec « Bleu Amer » en 2018.
On notera également une très belle mise en page aussi dynamique
qu’esthétique qui n’est pas sans rappeler celle des beaux carnets de voyage
avec ces jeux de graphisme et de couleurs. Il fallait assurément tous ces
ingrédients pour offrir au lecteur en roman graphique l’incontournable
légende – entre mythe et réalité - du fameux bagnard « Papillon »… Un joli
défi relevé !
Gilles Landais
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« Outlaws- Tome 2 – Les Rivages de Midaluss » ;
Scénario de Sylvain Runberg ; Dessin d’Éric Chabbert ; Coll. « Grans Public
», 24 x 32 cm, 56 p., Editions Dupuis, 2024.
Nous étions nombreux à attendre la sortie du deuxième tome « OutLaws »,
c’est chose faite avec ce nouvel opus intitulé « Les Rivages de Midaluss ».
Rappelons qu’en 2779, la jeune terrienne, Kristina, après avoir fugué et
voyagé illégalement grâce aux passeurs galactiques qui transportent des
clandestins de divers univers, se retrouve sur une planète inconnue. Là,
confrontée au racisme anti-humain, Kristina doit survivre et travailler pour
le cartel des Cimes… Avec son nouveau compagnon, Zachary, sur la planète
Drenn à Madaluss, cité balnéaire tentaculaire où prisons dorées de
richissimes et bidonvilles coexistent, Kristina a décidé de devenir voleuse
de voitures de luxe… et pourquoi pas, même, de devenir la reine de la pègre
galactique ? Mais, la guerre des gangs et le Cartel des Cimes vont les
rattraper…
Avec un scénario signé de nouveau Sylvain Rumberg – « Wonder Woman », «
Orbital », ce deuxième volet d’un spin-off d’Orbital embarque son lecteur
dans l’univers sans merci des mafias galactiques, un univers sanglant qui
pourrait bien nous rappeler le nôtre… À l’instar du premier volet, cette
critique sociétale interplanétaire est également servie de nouveau de plume
de maître par les dessins soignés, expressifs et dynamiques d’Éric Chabbert.
Pour conclure, on ne doute pas que le lecteur saluera la belle créativité de
ce duo de choc, Rumberg / Chabbert !
Gilles Landais |
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« Les Ennemis du peuple » ; Scénario d’Emiliano
Pigani ; Dessin de Vincenzo Bizzarri ; Traduction Hélène Dauniol-Remaud ;
19.8 x 26.6 cm, 136 p., Editions Glénat, 2024.
C’est un roman graphique engagé que signent chez Glénat Emiliano Pagani et
Vincenzo Bizzarri pour les dessins et couleurs. « Les ennemis du peuple »
plonge en effet littéralement son lecteur dans la crise économique et
sociale, quelque part en Italie, avec son usine et ses grilles fermées, ses
travailleurs en grève, ces habitants en colère ou désabusés face à cette
délocalisation inhumaine… Au cœur de cette multitude de personnages,
Emiliano Pagani, qui fut lui-même un ouvrier, dessine avec minutie le climat
lourd et tendu d’une crise tout autant économique que sociale, une crise
telle que l’on en connait tant aujourd’hui entrant dans tous les foyers et
relayée par les médias… C’est la découverte d’un homme sans vie et d’un
revolver - découverte sur laquelle le récit s’ouvre - que se révèlent les
caractères, les psychologies de chacun et où « Les ennemis du peuple » se
dévoileront plus encore…
On l’aura compris un one-shot dramatique et sans concessions qui happe son
lecteur avec cependant ce doigté de comédie comme pour servir mieux encore
de révélateur. Un regard aussi aiguisé que profond que Vincenzo Bizzarri a
su merveilleusement illustrer et traduire sans jamais trahir cet espoir du
désespoir qui semble battre au cœur même de cet album qui n’est pas sans
rappeler les atmosphères lourdes et engagées des films de Stéphane Brizé
avec Vincent Lindon.
Gilles Landais |
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« Bâtardes de Zeus » d’Agnès Maupré ; Coll. « Grand
public », 24 x 32 cm, 208 p., Editions Dupuis, 2024.
Dans une petite île grecque, deux amie d’enfance, Physalis et Britomartis,
n’ont jamais connu leur père ; un père qui n’est autre que Zeus, lui-même !
Et effectivement, bien malin celui qui saura nous dire combien d’enfants et
bâtards ce haut dieu de la mythologie grecque a eus… Reste que, dans ce
roman graphique, Physalis et Britomatis partent toutes deux sur les routes à
la recherche de ce père absent avec pour sac à dos leur colère. Mais bien
des vicissitudes attendent en chemin nos deux comparses ; outre les autres
bâtards de Zeus qu’elles seront amenées à rencontrer, elles seront surtout
confrontées à la domination et violence des Dieux…
Avec ce volume signé en auteur complet, Agnès Maupré connue dans le monde de
la BD et qui fait, ici, son entrée chez Dupuis. Une entrée plus que réussie
puisqu’elle nous offre un opuscule féministe et débridé à souhait avec un
scénario bien ficelé qui nous promène dans toute la mythologie grecque. Le
lecteur appréciera également la mise en page des plus dynamiques pour un
roman graphique et les dessins souvent irrésistibles avec couleurs
illuminant les pages.
Un coup de maître et un nom à retenir assurément !
Gilles Landais |
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« Les Tribulations de Félix Mogo » de Christian
Cailleaux, 15.5 x 21.8 cm, 616 pages, Editions Glénat, 2024.
Il se présente comme un livre avec son format, sa jolie reliure de garde et
son ruban de marque-page, mais il cache en réalité quatre fort beaux récits
graphiques signés Christian Cailleaux aux éditions Glénat. L’histoire d’un
jeune homme aussi élégant que triste, Félix Mogo, qui ne peut résister pour
le meilleur et le pire à l’amour des jolies femmes… et aux voyages !
Il y a effectivement, aussi et surtout, dans ce beau récit un vent du large,
des rêves de voyages et d’exotisme qui ne sont pas sans faire penser à
quelques célèbres « écrivains voyageurs », on songe bien sûr à Kessel, mais
aussi à Conrad ou Blaise Cendrars. Il faut dire que Christian Cailleaux,
auteur bien connu dans le monde de la BD depuis les années 90, on lui doit «
Les Imposteurs » ou plus récemment « Le Passager du Polarlys », et ici, en
auteur complet, est lui-même un fameux globe-trotter ayant sillonné terres
et mers notamment pour des missions scientifiques…
Derrière la mise en page soignée, aussi originale que dynamique, et des
dessins en noir et blanc attachants, expressifs et aux lignes épurées, le
lecteur retrouvera cette poésie si chère à l’auteur, celle de l’Afrique, de
l’Inde, de l’Asie, mais aussi celle de New York… Quatre continents pour
quatre récits et époques pour ce one-shot inédit regroupant, en fait, quatre
récits déjà publiés, mais depuis longtemps épuisés : « Harmattan, le vent
des fous », « Le Café du Voyageur », « le Troisième Thé » et « Tchaï Masala,
monologue hindi».
« Invitation au voyage », rêves et imagination, mais aussi humour et
dérision, rien ne manque à ces récits délicieux dont on se saurait se priver
!Gilles Landais |
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« Birdking – livre 1 » ; scénario Daniel Freedman ;
Dessin et couleur CROM ; Design original de Diana Ortiz ; Cartonné, 18.8 x
27 cm, 160 p., Les Humanoïdes Associés, 2024.
Un univers Dark Fanstasy empli de légendes, de rois, de lointaines contrées
et d’épée offrant un imaginaire archétypale débridé…
Bianca, jeune apprentie forgeron, est contrainte de fuir la Colline aux
Plumes et son pays en guerre. Elle et son maître, après avoir forgé la lame
spectrale d’Aduren pour le roi Aghul, ont en effet été trahis. Fuyant seule
avec l’épée et cherchant dès lors désespérément, l’Atlas, une terre
légendaire, elle n’aura d’autre choix que de livrer bataille sur bataille et
de percer le mystère d’un roi déchu, celui de Birdking…. Fantôme guerrier
qu’elle a réveillé…
Un premier livre qui ne manque ni d’action ni de rebondissements et encore
moins de piquant. Avec un scénario captivant haut en couleur signé Daniel
Freedman, le lecteur est, en effet, entraîné dans un monde des plus
fantastiques illustré merveilleusement par le dessinateur CROM. Un duo bien
connu du monde de la BD depuis « Raiders » et que nombre d’entre nous auront
plaisir à retrouver de nouveau réunis pour « Birdking ».
Le lecteur appréciera, enfin, le riche dossier graphique accompagnant ce
livre premier.
Gilles Landais |
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« La Callas et Pasolini, un amour impossible » de
Briotti – Dufaux, Air Libre, 2023.
Pasolini et Maria Callas demeurent deux icônes de la culture italienne
passées à la postérité chacune dans leur art. Et pourtant, leur éphémère
relation intime est moins connue de ce côté-ci des Alpes, thème d’une
remarquable BD chez Air Libre. Jean Dufaux (scénario) et Sara Briotti
(dessin) ont en effet uni leur talent pour retracer cette singulière
aventure entre deux artistes que rien ne semblait pourtant réunir. D’un
côté, l’écrivain-poète-réalisateur, plus tourné vers les conquêtes
masculines que féminines, de l’autre côté la célèbre cantatrice à la
carrière éclatante et vie tourmentée… La rencontre se fera lors du tournage
de « Médée », Pasolini ayant choisi la cantatrice grecque pour interpréter
le rôle du personnage de la mythologie. L’amour platonique qui résultera de
cette union atypique sera aussi éphémère qu’intense ainsi qu’il ressort de
cet album non seulement informé, mais également d’une rare beauté dans le
cadre féérique d’un voyage au Brésil réunissant les deux protagonistes.
Une belle préface de l’écrivain italien Emanuele Trevi et un passionnant
essai d’Alain Duault sur « Les hommes de Callas » complètent cet album en
hommage au centenaire de la diva…
Jules Buissonnet |
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« Eden Corp » ; Alain Bismut, Abel Ferry, Christopher Sebela et Marc Laming
; Cartonné, 20.9 x 31.8 cm, 112 p, Editions Humanoïdes Associés, 2024.
Que diriez-vous de partir à bord d’un vaisseau spatial vers
un monde meilleur ? C’est l’opportunité qui s’offre justement à Gabe et sa
famille… Une opportunité offerte à très peu d’élus et d’autant plus
attrayant, que sur la Terre surpeuplée qu’ils habitent seule la violence
règne et que cette famille ne doit sa survie qu’à de petits larcins et
cambriolages… Alors comment refuser de faire tourner « la chance » de son
côté ? Mais, Gabe, Morgan et leur fille vont lors de leur voyage faire une
terrible et bouleversante découverte qui va transformer tragiquement leur
rêve de paradis en véritable cauchemar.
Signé pour l’idée originale à quatre mains, d’une part, par le réalisateur
Abel Ferry, auteur déjà de « Piège Blanc » en 2014 et du « Saut du Diable »
en 2002, et d’autre part, Alain Bismut pour la première version scénarisée
née en 2011, ce one-shot réjouira bien des amateurs de récits de
science-fiction. Et ce d’autant plus, que le scénario proprement dit est
signé pour cet album par Christopher Sabela, auteur incontournable dans le
monde de la BD et nominé quatre fois aux Eisner Awards.
Cet album offre également de fantastiques dessins de la plume de Marc Laming
que l’on ne présente plus tant son talent est depuis plus d’une décennie
reconnu par tous ; des dessins réalistes extrêmement bien maîtrisés
rehaussés des couleurs de Lee Lougridge et par lesquels le lecteur se laisse
très volontiers entraîner avec Gabe et sa famille dans cet extraordinaire
voyage aussi effrayant que captivant.
Gilles Landais |
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« Don Juan – Tome 2/2 – L’Invité de pierre », Coll.
« La sagesse des mythes, contes et légendes » sous la direction de Luc Ferry
; Scénario de Clotilde Bruneau, Dessin et story-board de Diego Oddi ;
Direction artistique par Didier poli ; Couleurs de Ruby, Couverture de Paolo
Grella ; 24 x 32 cm, 48 p., Editions Glénat, 2024.
Nombreux seront ceux qui auront plaisir à découvrir ce second volet de « Don
Juan » dans cette collection toujours aussi plébiscitée « La Sagesse des
mythes, contes et légendes » dirigée par le philosophe Luc Ferry. Rappelons
que pour ce diptyque, Luc Ferry a souhaité retenir le Don Juan du moine
espagnol Tirso de Molina (1579-1648), auteur incontournable du Siècle d’or
espagnol. Une version injustement moins connue en France et pourtant à
l’origine du non moins célèbre personnage de Don Juan, avant qu’il ne soit
repris en Italie, puis par Molière.
Dans ce second tome, Don Juan est avec son serviteur Catalinon désormais à
Séville. Là, il tuera le père de Dona Ana qui voulait défendre l’honneur de
sa fille que Don Juan avait séduite. Aussi, fuira-t-il de nouveau et
séducteur impénitent, ne pourra s’empêcher de porter son dévolu sur la belle
Aminta qui pourtant va se marier. Mais, un soir, il aura la terrifiante
visite d’un défunt, une statue de pierre, « L’invité de Pierre » qui donne
son titre à cet ultime album car l’heure sera venue pour Don Juan de rendre
des comptes…
Dans cet album et version,le lecteur aura tout le loisir de mesurer combien
le personnage de légende de Don juan est aussi complexe que démoniaque. Et
c’est bien cette complexité, ayant inspiré tant d’auteurs et d’artistes, que
le lecteur retrouvera, ici, parfaitement rendue dans ce scénario signé de
nouveau Clotilde Bruneau et ces dessins réalistes également toujours aussi
soignés de Diego Oddi.Gilles Landais |
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« Sol-13 » inspiré de l’œuvre de Julia Verlanger ;
Scénario d’Harry Bozino ; Dessin de Federico Dallocchio ; Couleur de d’Aratha
Battistutta et Annelise Sauvêtre ; 24 x 32 cm, 112 p., Les Humanoïdes
associés, 2024.
Un album de pure science-fiction à ne pas rater !
Inspiré en effet de l’univers de Julia Verlanger, auteur français
incontournable dans le domaine de la science-fiction, « Sol-13 » entraîne
son lecteur dans ce monde extra-planétaire à nul autre pareil…
Jatred a été nommé à la tête d’un commando pour retrouver Eiko, un agent de
la Confrérie des Étoiles, envoyée en reconnaissance sur la planète Sol-13 et
qui a mystérieusement disparue. A sa recherche, Jatred découvre alors que
règnent sur cette planète des plus inhospitalières des êtres aux pouvoirs
psychologiques terrifiants possédant par ailleurs une très haute technologie
et ayant réduit les humains en esclavage… Pourront-ils sans risque les
libérer ?
Le scénario bien ficelé offre une intrigue de haut vol, faite de guerres, de
stratégies et d’action tout azimut. Rien d’étonnant à cela puisque le
scénario inspiré de l’univers de Julia Verlanger est signé Harry Bozino, un
auteur reconnu et entré chez Les Humanoïdes associés depuis maintenant plus
de cinq années, et qui a déjà été remarqué et salué pour sa précédente
adaptation de l’œuvre Julia Verlanger : « Planètes orphelines ».
Pour le plus grand plaisir de ses lecteurs, il récidive, ici, avec au
dessin, Federico Dallocchio, tout aussi connu dans le monde de la BD.
Collant au plus près au scénario, Fedérico Dallocchio réjouira les amateurs
les plus difficiles avec des dessins extrêmement soignés alliant créativité,
réalisme et finesse des détails ; des dessins époustouflants offrant de
véritables et incroyables paysages de science-fiction rehaussés par les
couleurs d’Aratha Battistutta et Annelise Sauvêtre. On relèvera également un
beau travail dynamique et efficace de mise en planche.
Gilles Landais |
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« Petit pays » Sylvain Savoia et Marzena Sowa,
adapté du roman de Gaël Faye, 23.7 x 31 cm, 128 p, Aire Libre, Editions
Dupuis, 2024.
C’est assurément une poignante et très réussie adaptation du roman de Gaël
Faye « Petit pays », que le lecteur pourra découvrir aujourd’hui chez « Aire
Libre », un album revenant sur le génocide des Tutsi par les Hutu mais vu
par le regard de deux enfants franco-rwandais. Exilés au Burundi, Gaby et sa
petite sœur Ana ont effectivement de leur petite hauteur vu à la fois leur
famille se déchirer, le génocide des Tutsi et le Burundi basculer dans la
guerre civile… Comment dès lors ignorer que c’est toute leur enfance et leur
innocence envolées à jamais…
Alors que se multiplient les commémorations marquant les trente années du
génocide des Tutsi au Rwanda, cette adaptation aussi sensible que soignée
signée Sylvain Savoia et Marzena Sowa pour le scénario ne saurait laisser
indifférent. Aussi respectueux du roman de Gaël Faye que de l’Histoire,
c’est en effet une adaptation des plus puissantes que le lecteur découvrira
; est-il besoin de rappeler que ce premier roman de Gaël Faye, auteur et
chanteur, sorti en 2016 s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, a été
traduit dans 35 pays, primé par plus de dix prix, dont le Prix Goncourt des
lycéens en 2016. Objet déjà de nombreuses adaptations pour le cinéma ou au
théâtre, l’auteur rwandais a pour cet album étroitement collaboré avec
Sylvain Savoia et Marzena Sowa, un duo déjà connu et apprécié dans le monde
de la BD (on se souvient de la série « Marzi » également chez Dupuis).
Autant dire que cette adaptation était attendue !
Aujourd’hui, on ne peut que souligner la fidélité du scénario non seulement
quant au récit de Gaël Faye, mais aussi quant à la langue même de l’auteur.
Une gageure réussie confirmée par la justesse et grande sensibilité des
dessins de Savoia – mais pouvait-il en être autrement ?
Assurément, une adaptation qui ne peut qu’être vivement saluée.
Gilles Landais |
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« Le Nom de la Rose » - Tome 01 » de Milo Manara
d’après l’œuvre de Umberto Eco, Editions Glénat, 2023.
Même celles et ceux qui n’ont pas lu le célèbre roman médiéval de Umberto
Eco connaissent l’intrigue du Nom de la Rose, ne serait-ce que grâce à sa
version pour le grand écran réalisée par Jean-Jacques Annaud avec le génial
Sean Connery… C’est cette incroyable enquête que reprend pour le 9ième art
Milo Manara, un autre géant italien de la BD !
Plus connu pour ses productions érotiques, c’est à un autre genre plus
austère auquel s’attache pour cet album notre auteur à partir du célèbre
roman d’Umberto Eco. Même si l’histoire est connue, rappelons l’intrigue qui
se déroule en plein cœur du XIVe s. dans une abbaye bénédictine du nord de
l’Italie. Plusieurs moines sont retrouvés morts dans des circonstances plus
qu’inquiétantes. C’est alors que le frère Guillaume de Baskerville (à ne pas
confondre avec le chien du même nom !) est appelé afin de mener une enquête
et résoudre cette étrange série mortelle…
Ce premier tome débute par une introduction imaginaire en noir et blanc
d’Umberto Eco rappelant l’origine de son célèbre roman avant de placer le
cadre de l’action dans les escarpements abrupts menant à l’abbaye : neige,
pénombre et hauteurs vertigineuses du bâtiment campent un décor des plus
angoissants, et ce, grâce au dessin incisif de Milo Manara et à son art
éprouvé des contrastes entre lumière et pénombres. L‘atmosphère inquiétante
pour ne pas dire oppressante gagne rapidement le lecteur happé littéralement
par cette action policière menée tambour battant.
Une véritable réussite qui s’inscrit en droite ligne du célèbre roman !
Jules Buissonnet |
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« Philiations – Tome 1 » de Gwen de Bonneval ; 19.5
x 25.8 cm, 224 p., Coll. « Aire Libre », Editions Dupuis, 2024.
Quelle surprise des plus agréables que de retrouver chez Dupuis Gwen de
Bonneval vu et raconté par Gwen de Bonneval lui-même ! Auteur complet,
dessinateur et/ou scénariste que l’on ne présente plus dans le monde de la
BD, il a été primé en 2000 au Festival d’Angoulême et a collaboré avec des
noms non moins connus tels que F. Vehmann, H. Tanquerelle, H. Micol… On se
souvient de « Messire Guillaume » en version intégrale avec au dessin
Matthieu Bonhomme et présenté, ici, il y a peu.
Aujourd’hui, dans le premier tome de ce diptyque nommé avec humour «
Philiations », Gwen revient sur son enfance, une enfance quelque peu
chahutée par une mère violente, un grand-père à la personnalité écrasante et
un père absent… Une fine introspection emplie d’amour et une « Philiation,
qu’il poursuit au présent en interrogeant son rôle de père dans notre monde
d’aujourd’hui tel qu’il ne va pas…
On l’aura compris, c’est aussi et surtout le lecteur que cet album aussi
tourné vers soi que vers les autres interroge. Qui a vraiment compté dans
notre passé, dans notre construction d’homme ou de femme ? Que veut-on,
peut-on transmettre ? Ce sont ces liens qui intéressent Gwen de Bonneval,
ainsi que l’annonce la construction originale du titre « Philiations » et
dont s’explique en ouverture l’auteur.
On soulignera également une mise en planche extrêmement attrayante et
sympathique, intercalant photographies d’époque et portraits tout de
rondeur. On sourit à l’empathie de l’auteur et à cette tendresse du récit
graphique. Le volume se referme sur ce mois d’octobre de 1979, Gwen à 6 ans…
en attendant avec une vive impatience le second tome.
Gilles Landais |
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« Visage – Ceux que nous sommes » - Tome 4 –
Soleil, cou coupé » ; Scénario de Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal
Beausang-O’griafa ; Dessin et couleurs Aurélien Morinière ; 24 x 32 cm,
Editions Glénat, 2024.
Quatrième et dernier tome de la série « Visages » déjà largement saluée, «
Soleil cou coupé » tient une nouvelle fois ses promesses. Inspiré de faits
réels et bouleversants, ce dernier volume entraîne son lecteur en 1944 dans
les sombres années de la Seconde Guerre mondiale et les camps de
concentration : Un orphelin, enfant de la honte, Georg, devenu sniper dans
l’armée allemande retrouve son père. Ensemble, ils partent à la recherche de
sa mère. Mais, celle-ci, journaliste opposante vient d’être arrêtée et
enfermée à Dachau…
Avec une mise en planche des plus dynamiques, des visages réalistes et
acérés et des jeux de couleurs que l’on doit à Aurélien Morinière, ce tome
tient son lecteur dans les griffes de l’Histoire et de l’intime,
entrecroisant les histoires et la complexité des liens tant familiaux
qu’humains.
Se développant sur trois générations, c’est avant tout la question de
l’identité qui a guidé les auteurs et scénaristes, Nathalie
Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O’griafa, pour cette série et ce volume
: ce que nous sommes ou plus subtilement « ceux que nous sommes »,
sous-titre de cet album. On l’aura compris, cet ultime volume ne saurait
laisser indifférent et entend bien questionner son lecteur sur les liens qui
nous unis aux autres et à nous même…
Gilles Landais
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« Barcelona, âme noire » ; Scénario de Denis
Lapière et Gani Jakupi ; dessin de Rubén Pellejero, Martin Pardo et Eduard
torrents ; 23.7 x 31 cm, 148 p., Aire Libre, 2024.
A noter sur sa tablette, ce très bon récit graphique signé de pas moins de 5
auteurs, deux scénaristes et trois dessinateurs dont Denis Lapière et Rubén
Pellejero ; rien de moins pour cette extraordinaire saga débutant à la
sortie de la guerre civile espagnole lors des premières années de la
dictature franquiste jusqu’à sa mort en 1975 ; un récit familial dramatique
nous contant le triste destin d’un jeune homme, Carlitos Moreno, tiraillé
entre ce qu’il est et ce que l’atavisme familial aimerait qu’il soit…
148 pages dans lesquelles le lecteur se retrouve littéralement immergé,
happé par ce récit à la fois historique, familial et psychologique où
l’amour et l’aventure se côtoient pour mieux encore donner vie aux
personnages dans cette « Barcelona, âme noire ». Un très bel album que cela
soit la construction du récit que le traitement graphique de ce dernier ; Il
faut dire que le duo – Lapière / Pellejero n’en est pas chez Aire Libre à
ses débuts ; est-il besoin de rappeler : « Un peu de fumée bleue… », « Le
tour de valse » ou encore « L’impertinence d’un été »… Ils sont, ici,
rejoints par trois autres acolytes : Gani Jakupi pour le co-scénario, auteur
également bien connu chez Aire Libre avec « Le retour au Kosovo », et pour
les dessins Martin Pardo et Eduard Torrents, bien connu aussi chez Air Libre
pour avoir réalisé également en duo avec Denis Lapière « Le convoi »,
diptyque aujourd’hui réédité chez Dupuis en version intégrale. Une
association de dessinateurs de haut vol, donc, donnant pour cet album des
dessins nets et épurés d’une redoutable efficacité.
On l’aura compris rien ne semble avoir été laissé au hasard par nos cinq
comparses pour cette « Barcelona, âme noire ».
Gilles Landais |
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« Les plus chouettes Histoires du Petit Spirou ––
Tome 1 – Tu racontes n’importe quoi ! » de Tome et Janry, Coll. « Tous
publics », 21,8 x 30 cm, 64 pages, Editions Dupuis, 2023.
On ne résiste pas à retrouver pas moins de neuf histoires du fameux « Le
Petit Spirou ». On y retrouve en ces pages toute la signature du duo de
légende, Tome et Janry, avec ce brin d’humour et de fraîcheur offrant au
Petit Spirou des aventures pleines de surprises ; des histoires choisies
quelques peu déconcertantes, saugrenues ou encore cocasses pour ce gamin
plein de candeur découvrant le monde des adultes… Et quelle émotion
effectivement lorsqu’on se retrouve dans le même lit que Zoé qui - du même
âge - ne sait pas viser lorsqu’elle embrasse sur la joue !
Ce sont véritablement « Les plus chouettes histoires du Petit Spirou », des
histoires drôles juste pour rigoler que nous offre avec bonheur cette
nouvelle série. Et il est si plaisant pour ce premier volume, que l’on soit
petit ou grand, d’entendre dire encore par Philippe Tome (Philippe
Vandervelde) parti trop tôt en 2019 et Janry : « Tu racontes n’importe quoi
! » -
Gilles Landais
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« Les Grandes Batailles navales – Opium War » ;
Scénario de Jean-Yves Delitte ; Dessin de Q-HA ; Couleurs de Hiroyuki
Ooshima ; Co-édition Musée national de la Marine / Editions Glénat, 2023.
À noter la parution dans la fameuse et aujourd’hui incontournable série «
Les Grandes Batailles navales » de ce nouveau volume nommé l’ « Opium War ».
Mené, comme toujours, de mains de maître par Jean-Yves Delitte et Q-HA pour
les dessins. Est-il encore besoin de rappeler que Jean-Yves Delitte, peintre
officiel de la Marine, est aujourd’hui membre Titulaire de l’Académie des
Arts et Sciences de la mer ?!
Par les dessins soignés, le souci du détail et ces visages si expressifs, le
lecteur plonge littéralement dans cet univers particulier de l’Empire
chinois en ce milieu du XIXe siècle ; une période plus que troublée marquée
par des révoltes, des crises tant économiques que sociales et surtout une
impitoyable guerre de l’opium entraînant de nombreux affrontements avec le
Royaume-Uni, mais aussi la France et les États-Unis d’Amérique qui
déboucheront sur une guerre devenue alors inéluctable ; ce que les
historiens nommeront la Guerre de l’opium avec notamment cette célèbre
bataille navale de Fasthan Creek en 1857, le 1er juin précisément… Une
guerre qui ne s’arrêtera que 3 années plus tard en 1860 avec la convention
de Pékin.
Gilles Landais
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« Spirou et la Gorgone Bleue » ; Scénario Yann ;
Couleur et dessin Dany ; Coll. « grand Public », 24 x 32 cm, 88 p., Editions
Dupuis, 2023.
Et si l’envie vous prenait de vous retrouver embarqué sur un porte-avion
avec Spirou et Fantasio ?! C’est dans cette étrange et divertissante
aventure que vous les retrouverez embarqués à leur insu sur ce porte-avion
de la US-Navy face à l’un des plus grands pollueurs, un producteur d’engrais
chimiques bien décidé à éradiquer un groupe d’écolo-terroristes financés par
- tenez-vous bien, rien que moins par le Comte de Champignac ; Eh Oui !,
lui-même ! Qui plus est, ce groupe est constitué à 100 % d’agents féminins
et son nom « La Gorgone Bleue » donne son titre à ce turbulent volume… signé
Dany et Yann !
Un duo de choc, donc, pour une aventure de Spirou dans l’esprit de la
légende et de Franquin, loin d’être - on l’aura compris - de tout repos…
péripéties, intrigues, rebondissements, humour et jolies filles, sans
oublier des thèmes d’actualité.
Est-il besoin de rappeler que Yann est présenté comme l’un des plus complets
scénaristes : « Véritable homme-orchestre du scénario, Yann est
insaisissable. » On le connaît, effectivement, pour son humour souvent
décapant et son insatiable curiosité. A ses côtés, aux couleurs et dessins,
le lecteur retrouvera avec bonheur, une nouvelle fois, Dany avec des dessins
dynamiques et explosifs à souhait !
Un régal… en attendant impatient « Le retour de la Gorgone noire ».
Gilles Landais |
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« Lucky Luke – Tome 05 – Nouvelle Intégrale » René
Goscinny et Morris ; Coll. « Patrimoine », 21,8 x 30 cm, 208 p., Editions
Dupuis, 2023.
À noter absolument la parution du Tome 05 de l’incontournable « Nouvelle
intégrale – Lucky Luke », on ne doit pas en effet manquer un tel volume !
C’est avec un plaisir inégalé que le lecteur retrouvera dans ce nouveau
volume de prés de 210 pages, pas moins de trois récits, des récits parmi les
plus célèbres de Lucky Luke : « Le Juge », « Ruée sur l’Oklahoma » et « L’Évasion
des Dalton ». Des albums mythiques signés Goscinny et Morris parus à la fin
des années 50 – 60 après la publication des « Cousins Dalton » dans le «
Journal de Spirou » ; époque durant laquelle Morris eut l’heureuse idée de
choisir Goscinny pour scénariste avec le succès que l’on connaît…
Avec ces trois aventures, les iconiques personnages que sont Lucky Luke, les
Dalton et le non moins fameux juge avec son chapeau s’affirment et
s’imposent donnant à la série une originalité indépassable. Clins d’œil,
subtilités et humour donnent alors le ton et ouvrent l’espace du monde de la
bande dessinée aux adultes et par là même à tout public. Et quel régal de
retrouver aujourd’hui cette époque bénie et ces indémodables aventures du
monde de la BD !
À ces trois albums, le lecteur aura, qui plus est, la joie de découvrir en
ouverture un riche et instructif dossier réalisé par Bertrand
Pissavy-Yvernault dévoilant plus d’un secret…
Gilles Landais |
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Michel Vaillant – Légendes -Tome 2 - L'âme des pilotes » de Lapière et
Dutreuil, Graton, 2023. Le duo Lapière et Dutreuil perpétue le souffle Michel Vaillant avec cette
nouvelle parution « L’âme des pilotes » Tome 2 parue chez Graton. Autant
dire que le rythme sera enlevé et la puissance des grosses cylindrées au
diapason de ce nouvel opus faisant revivre la magie du Grand Prix de Monaco
en 1971, nostalgie, nostalgie… Mais tout ne baigne pas dans l’huile… de
moteur !
Dans le camp Vaillant, de nombreux problèmes techniques du moteur ont même
été la cause d’un accident en Espagne lors d’une course hantant encore
Michel. Nous retrouvons dans ces pages au dessin d’une haute virtuosité une
mise en planche toujours aussi attractive, véritable plaisir des yeux
renouvelé avec ces couleurs chatoyantes, ces bolides dont nous percevons
presque le bruit et le vent laissés par leur passage…
« L’âme des pilotes », c’est également un scénario serré qui ne laisse pas
de place au hasard avec une intrigue des plus séduisantes et qui tiendra le
lecteur en haleine jusqu’à la dernière planche. Pour quelles raisons ces
moteurs percent-ils si rapidement après une heure de course ? Quel est le
rôle de ce mystérieux Américain aux abois ? La course ne se jouera pas que
sur le circuit de Monaco, tant s’en faut, pour une aventure trépidante au
sens propre comme au figuré !
Jules Buissonnet
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«
L’Aigle à deux têtes - Tome 5 - « Le dernier des aigles » de Wallace et
Julien Camp, Zéphir, 2023.
« « L’Aigle à deux têtes - Tome 5 - Le dernier choix » de Patrice Buendia et
Damien Andrieu, Zéphyr, 2023.
Avec Adler et
Eagle, les deux séries jumelles à succès, rangées toutes deux sous la
dénomination « L’Aigle à deux têtes », trouvent leur conclusion avec ces
deux derniers tomes (5).
Pour quelles raisons proposer deux séries conjointes ? Tout simplement afin
d’offrir sur le même thème – la Seconde Guerre mondiale – le point de vue
d’un pilote allemand et d’un pilote américain ! Cet angle fécond et
particulièrement bien traité des deux côtés de chaque camp tiendra le
lecteur en haleine grâce au talent conjugué de Wallace et Julien Camp côté
américain et Patrice Buendia et Damien Andrieu côté allemand…
Le débarquement de Normandie est déjà bien entamé lorsque le pilote James O’Brady
pose le pied en France avec le souhait de retrouver Esther, son amour… Mais
son éternel rival Hans demeure en lien étroit avec James, car si chacun a
retrouvé son corps, leur identité demeure toujours aussi étroitement
associée !
Cet imbroglio ne pourra que conduire à un ultime combat afin de départager
les deux prétendants. Deux numéros à dévorer conjointement pour des scènes
aériennes époustouflantes et un suspens unique.
Jules Buissonnet |
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« Messire Guillaume – Récit complet » ; Scénario
Gwenn de Bonneval ; Dessins Matthieu Bonhomme, Coll. « Grand Public », 24 x
32 cm, 168 p., Editions Dupuis, 2023.
Nous sommes nombreux à nous réjouir et à saluer la parution chez Dupuis de
l’intégralité de « Messire Guillaume », cette fois-ci en couleur, et quel
plaisir !
Ce récit inspiré et initiatique d’un orphelin, Guillaume, donné pour
inconsolable, mais qui mènera cependant sa destinée jusqu’au plus fabuleux
des mondes a, en effet, lors de sa sortie en trois tomes véritablement
enchanté. Donné aujourd’hui pour encore plus de rêve et d’évasion à
découvrir en couleurs et plongé dans un univers médiéval et fantastique, le
lecteur suivra les fantastiques aventures vers l’âge adulte de cet
adolescent « Messire Guillaume » désirant faire le deuil de son père…
Signé Gwen de Bonneval, ici, au titre de scénariste, cet album intégral
offre un extraordinaire voyage entraînant son lecteur dans des contrées
aussi diverses que lointaines. Pour ce voyage en un seul volume paru
initialement seulement en noir et blanc en 2006, Gwen de Bonneval était
rejoint par Mathieu Bonhomme pour les dessins ; un duo sans faute. Le
lecteur pourra apprécier, outre l’expressivité des personnages, la variété
et diversité des trouvailles graphiques aujourd’hui rehaussée par la non
moins fantastique mise en couleurs de Walter. Le lecteur y découvrira
également des planches inédites, ainsi qu’un très bel et long entretien tout
aussi inédit avec les auteurs.
Un fabuleux album intégral couleur, donc, pour un extraordinaire voyage en
compagnie de « Messire Guillaume » ! Est-il besoin de rappeler que ce
fantastique récit a reçu le prix Intergénérations au festival international
d’Angoulême en 2010 ?Gilles Landais |
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« La princesse de Mars – Tome 01 » d’après l’œuvre
d’Edgar Rice Burroughs ; Scénario de Jean-David Morvan ; Dessin de Francesco
Biagini ; Editions Glénat, 2023.
Nombreux seront ceux qui seront ravis de découvrir en BD « La Princesse de
Mars », cette incontournable histoire signée au siècle dernier par le fameux
auteur américain Edgar Rice Burroughs (1875-1950). C’est en effet une
heureuse initiative qu’ont eue les éditions Glénat d’adapter ce roman
indémodable, précurseur de la science-fiction, avec aujourd’hui aux
commandes pour ce diptyque, Jean-David Morvan pour le scénario et Francesco
Biagini pour les dessins.
L’histoire de « La Princesse de Mars » est le récit fantastique d’un soldat,
John Carter, propulsé sur la planète Mars et confronté aux différentes
tribus habitant la planète rouge ; là, il découvre un monde des plus
déroutants et mystérieux qu’il tente de comprendre et d’apprivoiser… Captif
des cruels martiens verts, il saura cependant sauver sa peau en s’imposant
avant de tomber amoureux d’une belle et séduisante prisonnière, la princesse
Dejah Thoris de la tribu rouge... Carter apprendra alors l’histoire de la
fameuse planète rouge nommée pas ses habitants, Barsoum...
C’est une adaptation à la fois fidèle et revisitée des plus réussies que
nous propose pour ce premier volume Jean-David Morvan, que l’on ne présente
plus dans le monde de la BD ! Avec, ici, une mise en planches éblouissante
aussi originale que dynamique, le célèbre roman d’Edgar Rice Burroughs
trouve incontestablement une version de choix ; une adaptation que viennent
admirablement illustrer les dessins soignés de Francesco Biagini. Cela donne
un album véritablement flamboyant !
L’auteur américain de ce fantastique récit, Edgar Rice Burroughs, auteur
également de « Tarzan seigneur de la Jungle », est considéré comme l’un des
plus grands auteurs américains populaires, précurseur de la science-fiction,
à l’origine de nombre de courants que ce soit le genre planet-opera ou de la
fantasy… Le récit de la « princesse de Mars », deuxième roman de Burroughs,
fut publié d’abord en feuilleton en 1912 aux États-Unis ; devant le succès
du roman, il deviendra le premier d’une longue série publiée et connue sous
le nom du « Cycle de Mars ». Il sera publié en France en 1938 et ne cessera
depuis de connaître versions et adaptations que ce soit pour le cinéma ou
aujourd’hui le monde la BD. L’histoire d’un succès que le lecteur retrouvera
dans le riche dossier signé Patrice Louinet en fin de volume.
Une série à ne pas manquer et dont on attend en piaffant le second tome !
Gilles Landais |
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« Les Piliers de la Terre - Tome 1/6 – Le Rêveur de
Cathédrales » ; Scénario Didier Alcante ; Dessin de Steven Dupré ; 24 x 32
cm, 104 p., Editions Glénat, 2023.
« Les Piliers de la Terre » - Un titre qui sonne bien sûr immédiatement à
l’oreille pour cette nouvelle série en six tomes au succès assuré tant ses
atouts sont nombreux, jugez-en !
Cette série au nom si connu est effectivement inspirée du célèbre roman
historique de Ken Follett ; Adaptée aujourd’hui pour la première fois en BD,
cette nouvelle série chez Glénat est par ailleurs et surtout signée Steven
Dupré pour les dessins et Didier Alcante pour l’adaptation et le scénario.
Entre ce duo gagnant le traducteur, Jean Rossenthal, Nicolas Ruffini-Ronzani
de l’Université de Namour au titre de conseiller historique, le coloriste
Jean-paul Fernandez, sans oublier Q. Swysen pour la modélisation 3D et P.
Chailleux pour le lettrage, avouez que le générique présage du meilleur !
Et tel est bien le cas, avec ce premier tome « Le Rêveur de Cathédrales ». A
peine ouvert, la magie opère, le lecteur se retrouve transporté au XIIe
siècle, au temps des bâtisseurs de cathédrales. Il y retrouvera les fameux
personnages de la célèbre saga et croisera, Tom, modeste bâtisseur dans un
Royaume d’Angleterre englué dans les guerres et la famine. Supportant misère
et deuils et échappant lui même de peu à la mort grâce à la jeune et rebelle
Ellen, Tom rêve de construire la plus belle et la plus grande des
cathédrales…
C’est effectivement une adaptation des plus réussies que nous livre, ici,
Didier Alcante de la fresque historique du célèbre auteur britannique. Avec
un scénario pensé, une mise en planche dynamique et pleine de contrastes, le
lecteur retrouvera tout l’univers de cette œuvre de Follett au succès
mondial, un univers à nul autre pareil mais reposant cependant sur des
fondements historiques et ayant inspiré bien des adaptations pour le cinéma,
la TV ou encore les jeux vidéo depuis sa publication en 1989. A l’instar de
l’œuvre de l’auteur toujours extrêmement bien informé, documenté et
conseillé, nous retrouvons de la part des auteurs pour ce premier volume le
même souci de l’Histoire avec pour conseiller le professeur Nicolas
Ruffini-Ronzani spécialiste de l’époque médiévale, mais aussi de fidélité au
récit avec ses tensions, ses rebondissements et ses si célèbres personnages…
Un univers en soi que les splendides dessins de Steven Dupré, toujours aussi
soignés et maîtrisés, restituent plus admirablement. Le lecteur est
littéralement happé !Gilles Landais |
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« Madeleine, Résistante – Tome 2 – L’Édredon rouge
» de Madeleine Riffaud ; scénario de Jean-David Morvan ; Dessin de Dominique
Bertail ; 23.7 x 31 cm, 136 p., Éditions Aire Libre, 2023.
Le tome premier de cette trilogie, « Madeleine, Résistante », a été l’un des
albums les plus salués de l’année 2021, aussi est-ce avec impatience et
émotion que nous retrouvons le deuxième volet de la vie de Madeleine Riffaud,
véritable résistante durant la Seconde Guerre mondiale, torturée et
plusieurs fois condamnée à mort. Ce sont, en effet, les vrais souvenirs de
Madeleine jeune fille lorsque cette dernière entre à Paris en 1944 dans la
résistance que le lecteur découvrira, ici, dans ce deuxième tome « L’Édredon
rouge » avec un scénario de Jean-David Morvan et toujours au dessin,
Dominique Bertail.
Madeleine aura maintenant pour nom de code « Rainer », et témoigne dans cet
album de la barbarie nazie et du combat mené par la Résistance ; son maquis
sera Paris – « Moi, je vous raconte mon maquis. Et mon maquis, c’est Paris.
», dira-t-elle. Elle se souvient de ce quotidien fait de discrétion, bien
sûr, mais aussi d’actions et de risques ; Elle se souvient aussi de ses
compagnons : Picpus, surtout, avec qui elle partagea son amour de la poésie
et de sa rencontre avec le célèbre Réseau de Résistance Manouchian… une
mémoire sans faille donnée à lire avec émotions par Jean-David Morvan et à
voir avec le même souci du détail et de vérité par les dessins de Dominique
Bertail.
La rudesse du quotidien, des joies, des victoires, mais aussi des drames et
des deuils que Madeleine Riffaud entend bien aujourd’hui dans notre ce XXIe
siècle chaotique rappeler à ceux qui, trop jeunes, ne peuvent se souvenir,
mais ne doivent pas pour autant oublier, et à ceux ayant aussi
malheureusement la mémoire trop courte… Madeleine Riffaud continue ainsi de
nos jours son engagement avec, ici, pour complices Jean-David Morvan et
Dominique Bertail pour ses splendides dessins réalistes si bien maîtrisés
notamment ces vues de Paris avec ses pavés mouillés, Montmartre, la Sorbonne
ou encore Courbevoie…
A lire absolument, que dire de plus !
Gilles Landais |
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« Economix » de Michael Goodwin et Dan EE. Burr ;
Traduit de l’américain par Hélène Dauniol-Renaud, 352 p., Editions Les
Arènes BD, 2023.
On ne peut que saluer cette nouvelle édition augmentée et colorisée de la
fameuse BD « Economix ». Si ceux qui en connaissent le succès depuis sa
première édition en 2013 n’hésiteront sûrement pas à actualiser avec cette
nouvelle version leurs connaissances, on ne peut cependant qu’inviter ceux
qui ne la connaissent pas encore à courir la découvrir ! Car, force est de
constater que cette première histoire en BD de l’économie, qui fête donc
aujourd’hui ses dix ans, est une véritable réussite. Les auteurs, Michael
Goodwin et Dan E. Burr pour les dessins, ont par un tour de force de
pédagogie et d’ingéniosité graphique réussi à relever une fois de plus un
beau défi, celui de raconter de manière claire, ludique et accessible plus
de quatre siècles d’économie...
Dans cette nouvelle version, le lecteur découvrira ainsi pas moins de 40
nouvelles planches notamment le Brexit, la montée de populismes ou encore la
guerre en Ukraine, mais aussi la problématique du réchauffement climatique
sans oublier le caustique épilogue… Nous avons particulièrement apprécié les
citations, les données des sources et autres précisions ou astérisques…
Certes, certains trouveront toujours quelques points à développer ou
souligneront les analyses parfois trop américaines ou engagées. Reste que
cette dernière version, s’attaquant aussi bien à l’histoire de l’économie, à
l’économie politique qu’aux politiques économiques notamment de nos
dernières décennies, œuvre incontestablement pour une meilleure
compréhension de l’histoire de l’économie, et par là même de notre monde
d’aujourd’hui, celui avec lequel nous préparons l’avenir… Une belle gageure.
Gilles Landais |
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« Don Juan – Tome 1/2 – L’abuseur de Séville »,
Coll. « La sagesse des mythes, contes et légendes » sous la direction de Luc
Ferry ; Scénario de Clotilde Bruneau, Dessin et story-board de Diego Oddi ;
Direction artistique par Didier poli ; Couleurs de Ruby, Couverture de Paolo
Grella ; 24 x 32 cm, 56 p., Editions Glénat, 2023.
Dans la série si plébiscitée « La sagesse des mythes, contes et légendes »
sous la direction du philosophe Luc Ferry, c’est avec plaisir que les
lecteurs découvriront le célèbre et incontournable personnage de légende : «
Don Juan », présenté, ici, en 2 volumes.
Pour ce premier tome - intitulé « L’abuseur de Séville » - nous retrouvons
pour commencer les frasques de ce séducteur impénitent qu’est Don Juan
parcourant les routes d’Italie, de Naples, mais aussi d’Espagne… Sans
scrupules, accumulant les conquêtes, promettant le mariage et s’enfuyant
jusqu’à Séville…
Soulignons que pour ce diptyque, Luc Ferry a fait choix de revenir et de
retenir, non la célèbre pièce de Molière, mais celle de Tirso de Molina
(1579-1648), grand auteur du Siècle d’or espagnol, moine de son état ; un
choix en faveur d’une version, certes, moins connue en France et pourtant à
l’origine du non moins célèbre personnage de Don Juan, avant qu’il ne soit
repris en Italie, puis par Molière. Avec un découpage et des dessins
soignés, réalistes et sans merci de Diego Oddi, le lecteur découvrira dans
ce scénario signé Clotilde Bruneau un Don Juan plus démoniaque encore que le
séducteur sans scrupules, sans loi ni morale de Molière…
Don Juan est un personnage assurément de légende et cet album accompagné de
son dossier « Énigmatique Don Juan, démoniaque ou libertin ? » en témoigne !
Gilles Landais |
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« Batman – One bad day : Ra’s al Ghul » ; Scénario
de Tom Taylor, Dessin d’Ivan Reis ; Coll. DC Deluxe, 72 p., Urban Comics
Editions, 2023.
La série « One bad day » s’enrichit encore avec un nouvel album mettant en
scène Batman et Ra’s al Ghul ; c’est dire combien ce nouvel opus promet
d’être décapant !
Ra’s al Ghul a pendant des siècles tenté de sauver la Terre de la perdition
en éliminant tous les responsables de cette inexorable destruction ; mais,
en vain, tant les obstacles étaient et sont encore nombreux… Cependant,
aujourd’hui, après une nouvelle renaissance et se souvenant des drames de
son passé, Ra’s al Ghul a décidé, quoi qu’il arrive, d’apporter paix et
prospérité à la Terre et d’éliminer s’il le faut le fameux détective du
Gotham…
Signé Tom Taylor pour le scénario et Ivan Reis pour les dessins, « Batman –
One bad day : Ra’s al Ghul » se veut – on l’aura compris - un hommage au «
Killing Joke » d’Alan Moore et de Brian Bolland. Mettant en scène l’un des
plus mystérieux ennemis de Batman, Tom Taylor a retenu, ici, un scénario des
plus explosifs illustré à merveille par un découpage et des dessins non
moins hallucinants d’Ivan Reis. On doit à ce dernier, ici encore, des
cadrages magnifiques avec un ancrage de Danny Miki et idéalement rehaussés
par les couleurs de Brad Anderson.
Bien qu’implacable, le lecteur retrouvera dans cet album les valeurs –
écologie, transmission, filiation - pour lesquelles Taylor s’est fait
connaître dans l’Univers DC.
Gilles Landais
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« Wonder Woman Historia » ; Scénario de Kelly Sue
DeConnick ; dessin de Phil Jimenez, Gene Ha et Nicola Scott ; Coll. « DC
Black Label », 256 p., Editions Urban Comics, 2023.
Un album véritablement inouï ! avec des pages, une mise en planche, un
découpage et des dessins effectivement époustouflants dans des couleurs
choisies pour un scénario captivant signé Kelly Sue DeConnick.
« Wonder Woman Historia » offre, ici, une réinterprétation libre et
audacieuse de la mythologie grecque et des fameuses Amazones de la Grèce
antique, livrant au lecteur des déesses très décidées à revoir le genre
masculin que ce soit celui des Dieux ou des hommes. Avec un programme donné
pour infaillible, la reine Hera et ses déesses projettent ainsi un monde
inédit, un monde d’Amazones… Mais, un tel plan ne pouvait, on s’en doute,
que susciter la colère des Dieux…
Avec un scénario des plus dynamiques reprenant les 3 tomes de « Wonder Woman
Historia », Kelly Sue DeConnick, qui livre avec cet album son premier grand
récit chez DC, donne à découvrir un récit bien rythmé et haut en couleur de
la guerre entre Amazones et Dieux. Une guerre sans merci qu’ont su rendre à
merveille Phil Jimenez, Gene Ha et Nicola Scott. Une complicité de plume que
le lecteur appréciera à sa juste valeur.
Avec, qui plus est, son « Guide des Tribus Amazones » en fin de volume, cet
album de plus de 250 pages ne pourra qu’émerveiller !
Gilles Landais |
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« Le Héros du Louvre – Tome 2 – Mon Grand-père, ce
héros ! » d’Elie Chouraquie avec des dessins de Letizia Depedri ; Cartonné,
Coll. « Hors Collection », 21.5 x 29.3 cm, 64 p., Editions Glénat, 2023.
C’est une belle histoire que nous compte le scénariste Elie Chouraqui, celle
de son grand-père, Babi Maklouf, arrivé en France dans les années 30…
Souvenons-nous que devenu gardien de nuit au Louvre, et alors que la Seconde
Guerre mondiale a éclaté, le conservateur du musée, Jacques Jaujard lui a
demandé de fuir la capitale avec femme et enfants en emportant avec lui à
bord d’un camion les plus grands chefs d’œuvres du Louvre…
Ici, dans ce second tome, Babi est enfin sur les routes de France… mais
mille soucis et dangers l’attendent, l’armistice annoncée par Pétain, une
France occupée et divisée sans oublier le quotidien, trouver à manger,
s’occuper des enfants ; bref, survivre coût que coût avec pour bagage des
chefs-d’œuvre… Babi arrivera-t-il avec sa famille et les tableaux à bon port
?...
Appuyé, pour cette première BD chez Glénat, par des dessins joliment
expressifs de Letizia Depedri, c’est un récit véridique et un grand-père
assurément amoureux de la France, de la culture de la France, plus que
courageux et loyal que le lecteur découvrira dans ces pages tirées de
l’Histoire, de son histoire, le titre de ce second tome « Mon grand-père, ce
héros ! » n’étant en rien usurpé. Et c’est avec émotion que l’on cède
volontiers à l’injonction de l’auteur, Elie Chouraqui : « Imaginer le
grand-père parfait et vous verrez apparaître devant vos yeux, Babi. »
Un très bel hommage à partager avec le plus grand nombre, petits et grands !
Gilles Landais |
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« Les Exilés de Mosseheim – Tome 1 – Réfugiés
nucléaires » de Sylvain Runberg, Olivier Truc et Julien Carette ; Coll. «
Grand Public », 24 x 32 cm, 88 p., Éditions Dupuis, 2023.
Un diptyque des plus tragiques qui a décidé de ne rien nous épargner ! Cela
commence, en effet, par un attentat suicide sur la centrale de Mosseheim en
Alsace, une catastrophe nucléaire comme on en a jamais vue en France (et
qu’on espère ne pas en voir !...), cinq millions d’Européens ont ainsi
basculé en quelques minutes dans un véritable cauchemar… C’est dans ce
contexte d’effondrement général, des frontaliers et de l’Europe que la
famille Murat et leurs enfants, fuyant la zone radioactive, va prendre le
chemin de l’exil pour un des camps géants de Suède où les tensions
diplomatiques et humaines seront à leur comble…
Signé à six mains, ce premier épisode retiendra assurément l’intention tant
le déroulé est d’un réalisme époustouflant avec un découpage fonctionnel et
un centrage sur les personnages. Nos compères et auteurs, Sylvain Runberg,
Olivier Truc et Julien Carette affichent pour cette réalisation une belle
complicité avec un récit non dénué de valeurs et de questionnements ; sur
fond de crise sécuritaire, nucléaire et migratoire, notre petite famille
exilée et dorénavant au statut de « réfugiée » en pays étranger aura bien du
mal à se frayer un digne chemin, et le lecteur ne sortira peut-être pas
indemne de sa lecture… Eh, oui, vous, qu’auriez-vous fait ?... Vous
exaspérez, certes, peut-être, mais après ?!...
On ne peut qu’avec impatience attendre le second tome de ces « Exilés de
Mosseheim » !
Gilles Landais
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« Buck Danny Classic – Tome 10 – Molotok 41 ne
répond plus » ; Scénario de Frédéric Zumbielh et Frédéric Marniquet ; Dessin
d’André Lebras ; Coll. « Zéphir », 24 x 32 cm, 48 p., Editions Dupuis, 2023.
Rien ne va plus avec le tome 10 de Buck Danny Classic - suite et second
volet du diptyque débuté par « Le Vol du Rapier », « Molotok 41 ne répond
plus »!
Nous sommes maintenant en 1958, Buck Danny n’a toujours pas réussi à
délivrer nos savants atomistes américains enlevés par l’URSS, 7 ans
auparavant. Mais, il faut avouer que rien ne se passe comme prévu :
revirements, situations désespérées et incroyables échappées aériennes ou
autres… Buck Dany arrivera-t-il à déjouer les redoutables sbires du SMERSH,
le service de contre-espionnage de l’armée rouge… ?
Rappelons que pour ce nouveau diptyque, Frédérique Zumbielh et Frédéric
Marniquet se sont documentés auprès de Samuel Prétat et inspirés de faits
historiques, la disparition réelle en Atlantique Nord de savants atomistes
en 1951, une histoire toujours pas à ce jour élucidée.
Appuyé par les dessins à la ligne claire toujours impeccablement soignés
d’André Lebras, ce second volet qui vient clore le cycle « Dans les griffes
du SMERSH » offre une nouvelle poursuite époustouflante dans laquelle le
lecteur tenu en haleine devra bien s’accrocher…
Gilles Landais |
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« Requiem – Tome 11 – Amours défuntes » ; Scénario
de Pat Mills ; Dessin et couleur d’Oliver Ledroit ; Cartonné, 24 x 32 cm, 56
p., Coll. « 24x32 », Editions Glénat, 2023.
« Requiem, Chevalier Vampire » continue pour le plus grand bonheur de ses
aficionados avec un tome 11 très réussi intitulé « Amours défuntes » et dans
lequel ce dernier poursuit son désir de retrouver Rebecca, alors qu’elle
erre en enfer… Dans un Berlin dévasté, Rebecca croise Dragon, un ami a
priori de Requiem, mais tel le scorpion au milieu du fleuve, celui-ci
pourra-t-il faire fi de sa nature de vampire ? Alors qu’une tempête des
limbes sur Résurrection vient de séparer dans leur combat Requiem et Leah,
réapparaissent aux abords du château de la comtesse Bathory, non seulement
Dame Mitra, mais aussi Dame Vaudou…
Le lecteur habitué à Requiem appréciera une fois de plus la qualité et le
dynamisme de la mise en planche de ce nouveau volume. Les couleurs et
dessins d’Oliver Ledroit, travaillés et soignés, impressionnent encore, même
après plus de 10 tomes ! Décidément, Requiem est un monde en soi à nul autre
pareil… Un tome venant compléter sans rupture une série devenue culte.
Gilles Landais |
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« Captifs » ; Scénario de Benoît Rivière ; Dessin
d’olivier Ormière ; Couleur de Silvia Fabris ; Cartonné, 24 x 32 cm, 112 p.,
Éditions Les Humanoïdes Associés, 2023.
A souligner la parution chez Les Humanoïdes associés d’une captivante
fiction inspirée d’une histoire vraie vécue par une famille anglaise dans
l’Amérique du XVIIIe siècle. Elle commence précisément à l’été 1754 en
Nouvelle-Angleterre lorsque les Johnson - des colons et fermiers anglais -
sont attaqués par des Indiens ; James Johnson et son épouse enceinte,
Susanna, seront capturés avec leurs trois enfants et emmenés par cette tribu
dénommée Abénaquis ; ils seront alors réduits en esclavage avant d’être
vendus à Montréal aux Français alors que ces derniers s’opposent à cette
époque aux Anglais pour ce Nouveau-Monde… « Captifs », les Johnson et leurs
trois - et peut-être quatre - enfants pourront-ils tous survivre à ce
véritable cauchemar?
Inspiré librement d’une histoire de captivité et d’esclavage dramatique
réellement vécue dans cette Amérique du Nord au XVIIIe s., cet album retient
indéniablement son lecteur en haleine jusqu’à la dernière des 112 pages.
Traité sous forme de fiction, les auteurs - Benoît Rivière au scénario et
Olivier Ormière pour les dessins – se sont inspirés du « Récit d’une captive
en Nouvelle-France 1754-1760 » écrit réellement par Susannah Johnson à la
fin du XIXe siècle et traduit seulement en 2005 en français. Le lecteur
trouvera un extrait de ces mémoires dans le dossier « Dans l’atelier des
auteurs » en fin de volume.
Le scénario, mené de mains de fer par Benoît Rivière, est mis en valeur par
une mise en planche minutieuse dans laquelle s’intègrent parfaitement les
dessins réalistes et tout aussi soignés d’Olivier Ormière. Mille détails
retiennent le regard sans oublier le travail de colorisation de Silvia
Fabris.
Tribu amérindienne, colonisation du Nouveau-Monde, guerre entre les Français
et les Anglais…ce sont bien des thématiques porteuses que le lecteur
découvrira au fil de cette aventure dramatique et de cet album informé et
soigné.
Gilles Landais |
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« Elias Ferguson – Tome 2 – 1938, Les Océans de feu
» ; Scénario de Simon Second ; dessin de Lender Shell ; Couleur d »Albertine
Ralenti ; Coll. « 24x32 », Éditions Vents d’Ouest, 2023.
Après l’heureuse découverte de « L’Héritier », premier album de cette
nouvelle série - « Elias Ferguson » - aux éditions Vents d’Ouest, c’était
avec impatience que nous attendions déjà le tome 2 ; c’est chose faite avec
ce deuxième volume intitulé « 1938, Les Océans de feu ».
Comme son titre l’indique, nous sommes maintenant en 1938, en hiver 1938,
Ferguson a repris l’entreprise familiale et les ambitions de son cher père :
la construction d’un incroyable train sous-marin reliant les USA à l’Europe
progresse… Mais c’est sans compter les embuches, sabotages, difficultés et
intimidations qu’Elias devra subir et braver ; Ferguson arrivera-t-il à
mener à bien cet extraordinaire rêve paternel ? Pour l’heure, il se propose
de mettre à la disposition du savant allemand juif Kurt Spire le
Transatlantique afin de l’amener aux États-Unis, ce dernier détenant des
informations capitales qui pourraient bien changer le cours du monde en
cette année 1938… Une traversée qui ne va pas être sans périls tant pour le
scientifique juif que pour Elias… Arriveront-ils à sortir indemnes des
abysses de ces « Océans de feu » ?
Avec un scénario bien ficelé et maitrisé signé de nouveau Simon Second, ce
nouvel album continue à tenir son lecteur en haleine du début jusqu’à la
fin. Suspens, actions et rebondissements sont au rendez-vous avec une mise
en planche efficace servie par la plume de Lender Shell ; les dessins au
trait sec, aux portraits expressifs et à la gestuelle étudiée offrent, en
effet, une belle mise en action alors qu’en cette année 1938 le cours de
l’Histoire se joue…
Un deuxième album qui vient agréablement confirmer le succès rencontré dès
le premier volume par cette nouvelle série « Elias Ferguson ». À suivre
donc…
Gilles Landais
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« Batman – One bad day : Catwoman » ; Scénario de
G. Willow Wilson; Dessin de Jamie Mckelvie; Coll “DC Deluxe”, 72 p.,
Editions Urban Comics, 2023.
On ne résiste pas à une plongée des plus folles dans l’univers le plus
ambivalent de Batman, celui de Catwoman…
Car, c’est bien dans cet univers avant tout féminin que nous entraîne avec
cet album intitulé à juste titre - « Batman – One bad day – Catwoman » - la
scénariste G. Willow Wilson connue dans le monde de la BD et du DC pour ses
héroïnes féminines et engagements. Un scénario complet tendant à nous
révéler comment une mauvaise journée, « One bad day », peut parfois suffire
à faire basculer la vie d’une femme, en l’occurrence de Selina Kyle /
Catwoman … Car lorsque Catwoman apprend que sa mère, lorsqu’elle était
encore adolescente, a dû laisser à un prêteur à gage un bijou de famille
aujourd’hui donné pour inestimable, Catwoman décide alors de reprendre ce
trésor coût que coût et quoiqu’il arrive… Une décision qui pourrait bien
déterminer le cours de son existence…
Car « A un moment donné, on comprend que personne ne nous rendra ce que
l’histoire nous a pris », ainsi commence l’album, ouvrant sur un scénario
sans merci, ambivalent et félin, servit avec brio, ici, par les dessins,
l’encrage et les couleurs tout aussi impitoyables de Jamie McKelvine.
Comment effectivement résister à cet album voulu tel un hommage à Alan Moore
et Brain Bolland pour leur « Killing Joke » ?
Gilles Landais |
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« Un Loup pour l’homme » ; scénario Mathieu Rynès ;
Dessin et couleur Valérie Vernay ; Coll. « Grand Public », 21.8 x 30 cm, 184
p., Editions Dupuis, 2023.
C’est une captivante et bien étrange fable que nous livrent aujourd’hui aux
éditions Dupuis Mathieu Reynès et Valérie Vernay après le succès de «
Mémoire de l’eau » : Celle d’un étrange animal rodant, dans la France rurale
des années 20, sur les terres d’un riche et terrible propriétaire terrien,
Léopold Baron, qui voit se succéder soucis et problèmes… N’a-t-il pas, il
est vrai, quelque temps auparavant agressé une de ses employées et fait
chasser la petite fille de celle-ci, Maya ; Maya qui dès lors devra vivre ou
plutôt survivra dans la forêt avec les loups… Que penser, que déduire ?
Simples coïncidences, sortilèges ou autre chose encore… ?
On l’aura compris cet album merveilleusement illustré par les dessins et
couleurs de Valérie Vernay pose le fameux débat du « Loup pour l’Homme »…
Fort de ses 184 pages, « Un loup pour l’homme » entraîne son lecteur sans
répit dans cette mystérieuse fable servie par un scénario bien pensé et
construit par Mathieu Reynès. Le lecteur se laisse surprendre, absorber par
cette forêt aux étranges et envoûtantes couleurs… Que lui cache-t-elle ? Qui
protège-t-elle ?
Un album qui devrait être largement plébiscité !
Gilles Landais |
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« Lancelot -
Tome 1 - Le Chevalier de la charrette », Clotilde Bruneau, Luc Ferry ,
Carlos Rafael Duarte, Didier Poli ; Coll. « La Sagesse des mythes, contes et
légendes », Editions Glénat, 2023. La
collection - désormais incontournable - « La Sagesse des mythes, contes et
légendes dirigée par le philosophe Luc Ferry compte aujourd’hui une nouvelle
série dont le tout premier tome est consacré au héros de la quête du Graal,
le fameux Lancelot. Didier Poli, auteur de BD, Clotilde Bruneau, scénariste
et Carlo Rafael Duarte au dessin ont conjugué leur savoir afin de produire
une aventure digne du preux chevalier du roi Arthur. Le récit fabuleux
débute, en effet, par un défi, celui porté par un chevalier masqué de son
heaume et s’infiltrant à la cour du roi Arthur pour lui faire savoir qu’il
détient des membres de sa cour…
En un récit graphique rendant à la perfection l’ambiance de ces temps
médiévaux et la fougue des chevaliers épris d’amour courtois quelque peu
réinterprété par ces pages parfois cocasses… Ce premier volume ne manque
assurément pas d’action, à l’image de ces anciens films ayant par le passé
évoqué la légende arthurienne et le lecteur aura bien du mal à patienter
pour découvrir la suite… au prochain numéro !
À noter comme à l’habitude dans cette collection didactique, le dossier bien
ficelé relatant l’origine et le développement du roman courtois et
permettant de mieux apprécier le contexte de cette nouvelle série.
Jules Buissonnet |
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« Champignac – Quelques Atomes de carbone » ; BEKA
et David Etien ; 24 x 32 cm, 56 p., Éditions Dupuis, 2023.
Plaisir toujours renouvelé de découvrir une nouvelle aventure de Champignac
!
Pour ce dernier album ou pour « Quelques Atomes de carbone », c’est une
Américaine, infirmière new-yorkaise quelque peu excentrique qui débarque au
château de Champignac, avide de connaître les recherches et avancées de
notre fameux Compte de Champignac en matière de contraception… un sujet
sensible qui le touche particulièrement, un passé et des années qui pèsent
qui l’amèneront en 1951 à accompagner Margaret Sanger, personnage historique
fondatrice du planning familial, à Boston, non sans péripéties… Mais, Pacôme
Hégésippe Adélard Ladislas, comte de Champignac n’ignore pas que la science
n’est pas de tout repos !
Une nouvelle aventure audacieuse s’appuyant sur des faits et personnages
réels signée, de nouveau, BEKA et David Etien. Mené rondement, l’album offre
un scénario des plus dynamiques tendu par une mise en plage également des
plus alertes. Une histoire alternant drames, émotions, rebondissements et
courses-poursuites pour un album abordant des thèmes essentiels mais
toujours délicats et sensibles même au XXIe siècle.
Gille Landais |
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« L’Homme qui voulut être roi » ; Adaptation de
l’œuvre de Rudyard Kipling avec une préface de Didier Convard ; Scénario de
Jean Christophe Derrien ; Dessin de Rémi Torregrossa ; couleurs d’Albertine
Ralenti ; Cartonné, Coll. 24x32, 72 p., 24 x 22 cm, Editions Glénat, 2023.
La célèbre et captivante histoire de « L’Homme qui voulut être Roi » écrite
par l’écrivain britannique Rudyard Kipling en 1888 fait l’objet d’une belle
et très réussie adaptation en BD signée Derrien et Torregrossa aux éditions
Glénat.
Rappelons brièvement histoire : Fin XIXe siècle aux Indes, deux amis, Daniel
Dravot et Peachy Carnehan, tous deux anciens officiers britanniques et
francs-maçons, projettent après un long périple de se rendre au Kafiristan,
une contrée lointaine où aucun Européen n’est encore entré depuis Alexandre
Le Grand ! leur but ? Tout simplement, y devenir Roi, rien de moins ! Dravot
y réussira presque… mais c’était sans…
C’est l’adaptation en BD de cette incroyable aventure écrite par le célèbre
écrivain et journaliste britannique que nous offre donc de découvrir
Jean-Christophe Derrien au scénario et Rémi Torregrossa pour les dessins. Le
duo n’en est pas à son premier coup de maître puisqu’ils ont déjà ensemble
signé l’adaptation très saluée de « 1984 » de George Orwell. Ils récidivent
donc aujourd’hui pour le plus grand plaisir des lecteurs avec cette œuvre
littéraire non seulement haute en couleur, mais surtout haute en valeur
ajoutée, codes, analyses et fine observation sans concession de l’espèce
humaine tel était le grand talent du célèbre écrivain, Prix Nobel de
littérature en 1907 et auteur également du « Livre de la Jungle » ou encore
de « Kim ». Plus d’un siècle après, l’œuvre de Kipling n’a jamais, de
génération en génération, pris une seule ride !
Ici, avec un scénario et une mise en page des plus serrées, des dessins
rendant parfaitement l’ambiance et le climat tant du roman que de cette fin
de siècle en Orient, ce One shot livre une adaptation passionnante et
captivante de ce récit mythique ayant déjà fait l’objet dans le passé, en
1975, d’une fameuse adaptation cinématographique par John Huston avec Sean
Connery et Michael Caine. En 2023, c’est donc une belle adaptation en BD
avec une préface de Didier Convard que les Éditions Glénat nous proposent ;
A découvrir sans tarder.
Gilles Landais
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« « Harry Dickson – Tome 1 – Myteras » ; Scénario
de Doug Headline et Luana Vergari ; Dessin de Onofrio Catacchio ; 24 x 32
cm, 64 p., Coll. « Grand-Public », Editions Dupuis, 2023.
Qui ne se réjouira de retrouver le fameux détective américain, Harry Dickson
!
Pour ce retour en BD et en beauté, Doug Headlin et Luana Vergari ont fait
choix de retenir un récit plus que haut en couleur adapté d’une histoire
originale du célèbre auteur fantastique Jean Ray ; qu’on en juge :
Un condamné à mort exécuté qui s’évade, et à sa place, l’inventeur du
prototype de la chaise électrique ayant servi à l’exécution retrouvé mort
dans un bureau pourtant fermé de l’intérieur ; à cela s’ajoute une
romancière enfermée, elle aussi, dans sa luxueuse tour observant la scène au
télescope et qui disparait également le plus mystérieusement possible… Pas
moins, donc, de trois passionnantes mais délicates énigmes – un ressuscité,
un meurtre et une disparue, trois énigmes tout aussi inexpliquées
qu’inexplicables, - confiées par Scotland Yard au plus fantastique des
détectives, celui de l’étrange et du surnaturel : Harry Dickson, bien sûr,
accompagné de son inséparable acolyte et assistant, Tom Wills... Mais, ici,
devant cette complexité et ces énigmes multiples, réussira-t-il à nous
impressionner, relèvera-t-il le défi de ce retour en BD ? Assurément, et ce
premier tome porte bien son titre : « Mysteras » !
Adapté du maître donné en la matière, Jean Ray, l’album offre un fantastique
de haut vol où créatures maléfiques, spectres et puissances occultes règnent
sans partage. Angoisse, peur, épouvante et suspens sont au rendez-vous, exit
le rationnel laissé à Sherlock Holmes ou à Arsène Lupin… Figure
incontournable du « vrai » fantastique avec Poe et Lowecraft, Jean Ray
donnera naissance à Harry Dickson dans les années 1930 avec plus d’une
centaine d’aventures. Ce héros internationalement connu que l’on
redécouvrira dans les années 1960, peu de temps avant la disparition de son
créateur, entrera dans le monde de la BD dès les années 1986.
Les lecteurs apprécieront pour ce premier volume l’élégance des dessins et
une mise en page à la fois dynamique et des plus soignées, signés Onofrio
Catacchio.
Lorsque l’on connait le succès de Jean Ray et de son héros – Harry Dickson –
on ne saurait douter du succès de ces retrouvailles tant avec ses fans et du
réel plaisir qu’ils en éprouveront que de l’émerveillement des heureux
chanceux qui aujourd’hui en feront la découverte en BD !
Gilles Landais |
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« Molière – Acte 3 – Survivre à Jean-Baptiste » ;
Scénario de Vincent Delmas ; Dessin de Sergio Gerasi ; Cartonné, 24 x 32 cm,
48 pages, Coll. 24x32, Editions Glénat, 2023.
A noter sur vos tablettes, la parution du troisième et dernier volume de
l’excellence série « Molière ». Une trilogie commencée en 2022 pour le 400e
anniversaire de son baptême plus que saluée par la critique et le grand
public, et qui s’achève en cette année 2023 marquant le 350e anniversaire de
sa mort.
Pour cet acte 3, signé de nouveau pour le scénario Vincent Delmas et Sergio
Gerasi pour les dessins, nous sommes en ce funeste soir de février 1673, le
17 précisément. Jean-Baptiste Poquelin dit Molière s’effondre sur scène en
pleine représentation du Malade imaginaire… En ces heures et minutes qui
comptent, le dramaturge revoit sa vie pendant que ses proches, son épouse
Armande Béjart et son ami La Grange, tentent de convaincre un prêtre de lui
donner la confession… Au-delà, c’est toute la question de la survie et
notoriété de l’œuvre de Molière qui se pose…
Un ultime acte que tant Vincent Delmas que Sergio Gerasi par leur symbiose
réussissent avec beaucoup de doigté. Molière y revit une dernière fois pour
ses lecteurs avant que la postérité ne le fasse vivre à jamais avec des
œuvres qui n’ont jamais cessé d’enchanter les scènes, le Français et surtout
des générations…
On ne peut pour cette excellente trilogie que souhaiter et attendre avec
impatience le coffret !
Gilles Landais
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« Musée » de Christophe Chabouté ; Coll. «
Hors Collection », cartonné, 21.5 x 29.3 cm, 192 pages, Vents d’Ouest
éditions, 2023.
Chabouté a décidé de tout chambouler, et c’est tant mieux ! Car cela donne
un album des plus réussis, tout de noir et blanc, où bousculant tous les
codes, l’humour, l’art et la poésie s’allient pour le plus grand bonheur des
spectateurs… mais aussi celui des chefs d’œuvres du fameux Musée d’Orsay,
heureux de se trouver ainsi réunis, plein de vie.
Christophe Chabouté, que l’on ne présente plus, a en effet, pour ce nouvel
opus décidé de mettre la plus grande pagaille au Musée d’Orsay en permettant
aux œuvres d’art, statues, peintures ou autres chefs-d’œuvre de nous
raconter – une fois n’est pas coutume – ce qu’elles se disent la nuit entre
elles, lorsque le musée a fermé ses portes à triples tours… Que
d’expressions et de regards différents selon les âges ou caractères !
Dubitatifs, admiratifs ou encore scrutateurs, c’est ce que nous rappellent
les premières planches de cet album - à la mise en page impeccable - aussi
décapant que captivant… Car a-t-on imaginé, un jour, déambulant dans un
musée, juste une seconde, ce que peuvent bien penser de nous ces statues et
modèles des plus grands chefs-d’œuvre lorsqu’elles nous écoutent et nous
regardent les regarder ?! Que pense sous son chapeau et le pinceau de Manet
Berthe Morisot ? Ou encore van Gogh dans cet autoportrait de 1889 ?
Au-delà de cette pertinente question, c’est bien notre rapport à l’art
qu’interroge Christophe Chabouté dans ce turbulent musée imaginaire … Un
indiscret et savant désordre des plus instructifs, interpellant le lecteur…
avant que l’aube n’invite statues, bustes et modèles à regagner leur place
respective et à regarder de nouveau, inflexibles, les visiteurs du Musée
d’Orsay passer…
Gilles Landais
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« Les Vies de Charlie » ; Scénario de Kid Toussaint
; Dessin d’Aurélie Garino ; 24 x 32 cm, 128 p., Coll. « Grand Public »,
Editions Dupuis, 2023.
Que deviennent les âmes des défunts ? Une question que tout à chacun s’est
un jour posé et à laquelle tente de répondre Charlie, employé modèle de la
société « Recycle & Ternel ». Tout un programme… que Charlie tente avec zèle
par téléphone d’expliciter aux familles qui souhaitent savoir comment et en
quoi pourrait être transformé leur défunt. Naïf, émotif et empathique, plus
que zélé mais plein de cœur, Charlie est – et ses collègues le savent bien –
l’employé idéal pour résoudre les cas les plus délicats…
Signé Kid Toussaint (Magic 7 » ; « Télémaque » ou encore « Animal Jack »
chez Dupuis…) et Aurélie Garino pour les dessins, cet album de plus de 120
pages aborde avec délicatesse et poésie bien des questions : la mort, bien
sûr, mais aussi et surtout la vie après la mort sans oublier la puissance de
l’amour. Que répondre en effet à ce jeune garçon qui demande à Charlie ce
que va devenir l’âme de sa petite maman récemment décédée ?
Une fable-enquête sensible dans laquelle se lance et nous entraîne Charlie.
Philosophie, théologie, croyances, coutumes et pratiques funéraires ouvrent
bien des pistes et questionnements auxquels va se confronter Charlie. Kid
Toussaint aborde, ici, avec doigté des thèmes délicats, la vie après la
mort, le paradis et l’enfer que partagent bien des religions et croyances
avec le christianisme ou encore la réincarnation et le bouddhisme…
Côté dessin, Aurélie Garino connue surtout dans le milieu « jeunesse » avoue
avoir pour ces « Vies de Charlie » changé quelque peu son approche graphique
: plus de relief et de profondeur souligne-t-elle. On appréciera
effectivement la diversité de ses visages et expressions, tout autant que la
redoutable mise en page, également efficace et dynamique, sans oublier enfin
de judicieux gros plans ou de belles pleines pages.
Bien des atouts, donc, pour ces « Vies de Charlie » à découvrir !
Gilles Landais |
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«
Dossier Michel Vaillant - Les 100 ans du Mans », Editions Graton, 2023.
À l’occasion du centenaire des mythiques 24 Heures du Mans, le Dossier
Michel Vaillant constitue un bel hommage en revenant dans le détail sur les
origines de ce parcours et de cette course appelée à un avenir que leurs
fondateurs ne pouvaient imaginer… Laurent Beauvallet, Christophe Bourgeois,
Jean-Philippe Doret et Guillaume Nédelec signent cet album qui deviendra
assurément un collector tant sa mise en page que les informations réunies et
détaillées permettent de plonger son lecteur littéralement dans cet univers
où défis et innovations ne feront que s’accélérer au rythme des années et
des bolides…
Entre fiction et réalité, notre héros Michel Vaillant se fait, ici, à la
fois témoin et acteur de cette riche histoire qui débute en 1923 avec 33
voitures affrontant des conditions climatiques extrêmes. Dès cette première
course, la dimension sportive concurrencera les innovations technologiques,
la course servant également de banc d’essai unique pour les inventions les
plus folles. Au fil des pages, le lecteur pourra découvrir cette riche
histoire parsemée d’anecdotes, de drames, parfois aussi, mais toujours
animée à chaque épreuve de cette passion indéfectible !
À noter pour cette occasion la sortie du tome 12 La Cible de la Saison 2
– Michel Vaillant
Jules Buissonnet
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« Mussolini » de Luca Blengino, Davide Goy, Andrea
Meloni, Conseiller historique Catherine Brice ; Coll. « Ils ont fait
l'Histoire », 24 x 32 cm, 56 p., Editions Glénat, 2022.
Si le personnage de Mussolini peut sembler bien connu avec ses fameuses
diatribes, ses postures viriles et autres pantomimes, l’Histoire a légué
cependant une réalité quelque peu plus complexe que ces images convenues. Et
c’est l’un des intérêts de cet album signé Luca Blengino, Davide Goy, Andrea
Meloni et Catherine Brice que de livrer une réalité moins caricaturale par
le truchement de la BD.
A l’image de ce qui se passa en Allemagne, la Première Guerre mondiale a
provoqué en Italie un mécontentement d’une partie de la population,
population qui se regroupera rapidement sous la nouvelle bannière fasciste
qui émergera alors au début des années 20. C’est en effet en 1922 que Benito
Mussolini prendra la tête du gouvernement et imposera sa vision fasciste du
pouvoir, vision faite de multiples références à l’identité nationale et au
riche passé légué par l’antiquité… C’est ce chemin vers une Italie plus
forte, xénophobe, antisémite et renaissant des cendres de sa gloire mythique
qu’abordent nos auteurs dans ce récit graphique d’une rare qualité tant
historique qu’esthétique. Plus qu’un énième documentaire, ces pages font
entrer pleinement le lecteur dans l’Histoire aux côtés de ce personnage
complexe que ces pages dessinées avec talent ont le mérite de rendre plus
familier jusqu’à sa chute en 1945. A prolonger par le dossier très complet
réuni en fin d’album par l’historienne Catherine Brice.
Jules Buissonnet |
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« Buck Danny – Origine – Tome 2 – Le fils du Viking
noir » ; Scénario de Yann ; Dessin de Giuseppe De Lucas ; 24 x 30 cm, 48
pages, Coll. « Grand Public », Editions Dupuis, 2023.
Les aficionados de Buck Danny seront assurément ravis de découvrir dans ce
second tome d’un diptyque incontournable consacré aux origines de Buck la
jeunesse du légendaire pilote.
Nous sommes pour ce volume dénommé – Le fils du Viking noir – en plein cœur
du Pacifique alors qu’en cette année 1943 la Seconde Guerre mondiale
s’impose au monde entier. C’est dans ce contexte que le lecteur suivra les
multiples exploits de Buck Danny affirmant autant son engagement que son
talent, mais aussi et surtout découvrira par ses songes et réminiscences ses
premiers vols et amours de jeunesse. Cependant derrière ces exploits et
jolis souvenirs se cache aussi un sombre secret jamais révélé… Mais, le
lecteur est-il prêt à le découvrir ? Il ne faut jamais juger trop vite…
Un second volume venant après « Le pilote à l’aile brisée » clore le premier
diptyque consacré aux origines de Buck Danny. Un tome signé Yann de nouveau
pour le scénario. Un scénario joliment serré appuyé par des dessins
dynamiques et sans répit de la main de Guiseppe De Luca. Un album qui offre
un plein d’actions, de revirements et suspens. Des batailles, des défaites
et victoires et même des miracles. On y retrouve un Buck Danny entouré de
ses compagnons sans oublier la séduisante et charmante Moira, mais aussi sa
mère… On y retrouve surtout notre héros, ce légendaire pilote infatigable «
au cœur posé sur un nuage »…
Gilles Landais
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« Le Depisteur – Tome 1 – La Tondue » ; Scénario de
Ozanam ; dessin de Marco Venanzi ; Cartonné, 24 x 32 cm, Coll. 34x32 cm,
Editions Glénat, 2023.
Avec « Le Dépisteur », c’est un bien bel album que nous livrent Ozanam et
Marco Venanzi aux éditions Glénat ; premier tome d’un excellent diptyque
consacré aux enfants juifs rescapés de la Seconde Guerre mondiale.
Nous sommes, en effet, en 1951 et les « Dépisteurs », anciens scouts juifs
regroupés sous le nom justement « Des Dépisteurs » dont fait partie Samuel,
cherchent désespérément dans la campagne française les enfants juifs ayant
été cachés et séparés de leurs parents pendant la guerre avec cet espoir
inespéré de les ramener auprès de leur famille… C’est ainsi que Samuel part
dans le Lot à la recherche de cette petite fille qui, en 1943, avait tout
juste 1 an… Mais, lorsque Samuel arrive, tout semble perdu ! Personne ne
semble se souvenir d’une enfant cachée et, aux dires d’un paysan, la famille
d’accueil aurait été exécutée sous l’occupation… Derrière tous ces non-dits
et secrets à démêler, Samuel retrouvera-t-il trace de cette petite-fille ?
Reposant sur un scénario certes fictionnel, mais fondé sur des faits
historiques, Ozanam (reconnu chez Glénat pour « We are the night » et «
Mauvaise réputation) signe, ici, avec « Le dépisteur » un premier tome
travaillé et émouvant qui ne saurait laisser son lecteur indifférent. On y
retrouve toute l’horreur, l’ignominie, mais aussi le désespoir, la
solidarité et l’amour dont peut être capable la nature humaine… Des
contrastes, secrets, découvertes et révélations qu’a su rendre avec talent
Marco Venanzi au dessin. Des visages expressifs, des traits acérés, révélant
cette France rurale d’après-guerre où sur la neige demeurent parfois « Les
traces des enfants rescapés de la Shoah », des traces certes ténues, mais
qu’il convient encore de nos jours de ne jamais oublier…
Gilles Landais |
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« Les Fusibles » ; Scénario de Joseph Safieddine ; Dessin de Cyril Doisneau
; Couleurs d’Isabelle Merlet ; Typographie de Jean-François Rey ; 20 x 26.5
cm ; 176 p., Coll. « Grand Public », Editions Dupuis, 2023.
Un très bel album engagé sur la force des liens qui nous
relient à nos racines et sur la transmission intergénérationnelle.
Trente ans plutôt, dans un Liban (jamais nommé cependant) en effervescence,
trois ados – Abel, Georges et leur amie Sarah - insouciants mais désirants
rendre service décident de constituer une équipe secrète et de choc chargée
de remettre en fonction les trop nombreux compteurs électriques coupés
quotidiennement. Ce sont ces ados que nous retrouvons plus tard ; Abel,
d’abord, installé depuis en France, entrepreneur et vivant avec sa fille,
Billie, qu’il n’a jamais envisagé d’emmener au Liban et Georges qui débarque
un week-end lui rendre visite… Dans ces souvenirs qui ressurgissent, Abel
prendra-t-il conscience qu’il s’est toujours placé en « Fusible » entre ses
racines, son père, sa vie et sa fille…
Mené de mains de maître par Joseph Safieddine au scénario, cet album revient
sur les liens complexes qui se tissent entre ceux qui quittent leur pays,
liens entre vie familiale et identité, entre enfance et vie actuelle… Joseph
Safieddine n’en est pas à son premier coup de maître et a déjà avec succès
abordé ces thèmes et le Liban ; Des thèmes dont celui essentiel de la
transmission qui lui tiennent à cœur, on se souvient ainsi de « Yallah Bye »
ou encore de « Monsieur Coucou ». Ce « Fusible », son père a toujours voulu
l’être justement… Mais, très vite, Joseph Safieddine souligne cependant : «
Finalement, la fiction me permet de parler de choses plus personnelles, de
laisser l’inconscient s’exprimer, sans être inhibé par le besoin de coller à
mon histoire familiale. La fiction, c’est très puissant ! ». Et dans cet
album, effectivement, le mot fusible se conjugue au pluriel…
Des sentiments complexes et ambivalents qui interpellent et ne laissent
indifférent, rendus ici avec beaucoup de sensibilité par le dessinateur
Cyril Doisneau. Des dessins touchants en noirs et blanc faussement simples
et épurés traduisant avec subtilité, nuances et humour la puissance des
ressentiments, sans oublier ces pages choisies en couleur et la typographie
respectivement d’Isabelle Merlet et de Jean-François Rey.
Une belle réussite qu’il convient de saluer.
Gilles Landais |
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« Psychothérapie – Paula et Gaby vont chez les psy
» ; Scénario de jessica Holc et Ghismain Rincquesen ; Dessin et couleurs d’Emilano
Tanzillo ; Cartonné, 19.8 x 26.6 cm, 80 p., Coll. Hors Collection, Editions
Vents d’Ouest, 2023.
Une BD comme introduction, au sens premier du terme, à la psychothérapie.
Signé par une psychologue de formation et psychothérapeute, Jessica Holc, et
Ghislain de Rincquesen, analyste psycho-organique, l’album entend en effet
dévoiler et initier aux différentes voies de la psychothérapie ou plus
exactement aux « Psychothérapies » au pluriel tel que l’annonce le titre
même de ce roman graphique.
En ces pages, le lecteur y découvrira, d’une part, Gaby, la trentaine. Lui,
ne connait rien en psy ; c’est la première fois qu’il se rend dans le
cabinet d’un psy, mais épuisé, il sent qu’il a plus que besoin de comprendre
ses cauchemars et peurs qui l’assaillent ; d’autre part, Paula en thérapie
depuis les attentats de Nice dont elle a vécu l’horreur…
C’est une véritable plongée dans l’univers des « Psychothérapies » que nous
proposent avec cet album les auteurs. Un monde proposant, chacun à leur
manière, un chemin de transformation intérieure affrontant larmes, peurs et
cauchemars. Appuyé par les dessins réalistes et méticuleux d’Emiliano
Tanzillo, le lecteur découvrira, en effet, les affres, émotions et
difficultés de cette confrontation avec soi-même, mais aussi cette
résiliente compréhension libératrice que peuvent offrir les thérapies, ce
que reflètent parfaitement les couleurs retenues également par Emiliano
Tanzillo, cette alternance de couleurs sépia et de bleu lavis…
Le lecteur découvrira également avec intérêt le dossier-postface «
Exploration en terre intérieure » d’Éric Champ, psychologue clinicien,
psychothérapeute et superviseur et formateur d’analystes psycho-organiques ;
un dossier clef venant souligner toute la force de cette « parole qui guérit
» lors d’une « relation thérapeutique ».
Un album dans la ligne de la série culte « En thérapie » qui ne saurait
laisser son lecteur indifférent.
Gilles Landais |
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« El Alamein - De sable et de feu » ; Scénario de
Thierry Lamy ; Dessin d’Alessio Cammardella, Col. « Les Grandes batailles de
chars », 24 x 32 cm, Editions Glénat, 2023.
Rien ne prédestinait El Alamein, petite ville côtière égyptienne, à passer à
la postérité dans les archives mémorables de l’Histoire, si ce n’est ce 1er
juillet 1942, date à laquelle la guerre du désert fit rage en Afrique. En ce
mois d’été, les troupes italo-allemandes dirigées par le maréchal Rommel
menacent, en effet, l’armée anglaise malmenée à Tobrouk et retranchée sur
une ligne entre El Alamein et le désert de Qattara pour un affrontement
ultime… Tel est le thème de cette impressionnante collection « Les grandes
batailles de chars » selon un scénario époustouflant de Thierry Lamy et le
dessin fiévreux d’Alessio Cammardella qui parvient dès les premières
planches à plonger le lecteur dans les sables et la chaleur implacable du
désert libyen.
Avec une mise en planche haletante ne laissant guère de répits dans cet
enfer mécanique, cette BD montre combien les chars d’assaut jouèrent un rôle
déterminant sous la conduite du maréchal Romel face au général anglais
Auchinleck, un homme austère mais d’une probité exceptionnelle. Histoires
d’hommes et de machines, « El Alamein » impressionnera tant pour sa
dimension historique que pour sa conception graphique de tout premier plan !
(À compléter impérativement par le dossier instructif réuni par Stéphane
Dubreil intitulé « Le renard du désert pris au piège »).
À découvrir dans la même collection « Les Ardennes » de Dobbs et Fabrizio
Fiorentino.
Jules Buissonnet |
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« Les aventures de Théodore Poussin – Tome 14 – Aro
Satoe » de Frank Le Gall ; Coll. « Grand Public », 24 x 32 cm, 80 p.,
Editions Dupuis, 2023.
Théodore Poussin revient et n’en finit pas de nous enchanter en nous
emmenant, cette fois-ci, sur l’île d’Aro Satoe dans la mer de Chine.
Pour le quatorzième épisode de cette fabuleuse et mythique série, après le «
Dernier voyage de l’Amok », notre héros infatigable s’est, en effet, réfugié
sur l’île de la séduisante Aro Satoe alors que son équipage, celui de L’Amok,
est emprisonné pour acte de piraterie à Singapour. Là, il y découvre de
troublants secrets le concernant…
Alors même que l’on croyait tout savoir sur Théodore Poussin, celui-ci
réserve à ses lecteurs encore aujourd’hui, sous la signature de Frank Le
Gall, en auteur complet, bien des aventures et péripéties sur fond de
savoureuses révélations… Ce personnage emblématique des éditions Dupuis, né
dans le « Journal de Spirou » en 1984, n’a en effet pas pris une ride depuis
que le jeune employé de bureau, réservé et timide, s’est embarqué en 1928
sur le fameux Cap Padaran vers l’Indochine ! Que d’aventures pourtant…
Pour ce voyage quelque peu crépusculaire aussi que captivant qu’initiatique,
Théodore Poussin devra affronter tout à la fois les autorités de Singapour
et l’armée britannique ; rien de moins ! À moins qu’il ne s’enfonce dans les
méandres de cette île si mystérieuse, l’île d’Aro Satoe…
Coup de théâtre garanti pour notre attachant héros !
Gilles Landais |
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« Hitler est mort ! - Tome 3 » ; Jean-Christophe Brisard (scénario), Alberto
Pagliaro (Dessin), Collection 24x32, 72 p., Editions Glénat, 2022.
La mort d’Adolf Hitler demeure un mystère depuis sa
disparition en 1945 qui a été traditionnellement présentée, à défaut de
certitude, comme un suicide. Mais derrière l’Histoire officielle se cachent
bien d’autres hypothèses et notamment celle retenue pour ce Tome 3 selon
laquelle le terrible Führer aurait été retrouvé vivant d’après les enquêtes
menées par une unité d’élite de l’Armée rouge.
Loin d’être un scénario fantaisiste, Jean-Christophe Brisard, ici, au
scénario, a lui-même enquêté et les pièces qui ressortent du dossier secret
réuni en fin d’album sont impressionnantes… Le lecteur découvrira avec
intérêt et suspens cette aventure folle réunissant hypothèses de sosie,
médecins légistes, prothésistes et autres nombreux mystères !
Alors que le chaos règne en cette fin de Troisième Reich sur fond de
décombres, la disparition de celui qui initia une nouvelle et tragique
vision du monde quelques années auparavant constitue un enjeu de taille que
cet album présente avec brio et intelligence. Le dessinateur Alberto
Pagliaro a su saisir ces enjeux avec ces visages taillés au couteau, ces
couleurs contrastées et sombres. Le doute s’immisce et la paranoïa gagne le
lecteur, et si l’Histoire n’était pas celle qui a jusqu’alors été écrite ?
Jules Buissonnet |
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« Histoire de Jérusalem » de Vincent Lemire et
Christophe Gaultier, Les Arènes BD, 2022.
Jérusalem n’a pas fini de faire couler de l’encre depuis des millénaires et
de susciter de belles évocations ainsi que le démontre cette première
histoire de la Ville Sainte en BD ! Vincent Lemire, grand spécialiste de la
ville et Christophe Gaultier dessinateur également inspiré ont uni, ici,
leur talent pour offrir au lecteur pas moins de 4000 ans d’Histoire en
quelques 256 pages, un pari plus que réussi :
Depuis les débuts de cette bourgade entre Méditerranée et désert et la
grande cité actuelle, phare de cette région, que d’Histoire et d’histoires
relatées dans ces pages enlevées et colorées au soleil d’Israël. Chaque
grande étape se trouve rappelée par une synthèse remarquable rappelant les
grandes sphères d’influence - égyptienne, perse, juive, grecque, romaine et
bien d’autres encore…, ayant façonné et influencé la célèbre ville, tout en
lui gardant cette identité parvenue jusqu’à nous. Admirée, redoutée,
combattue, pillée, Jérusalem a connu tous les outrages et admirations
imaginables. Cœur des plus grandes religions qui se disputent depuis l’aube
des temps ses quartiers et monuments sacrés, Jérusalem est une ville de
passions…
C’est cette « Histoire de Jérusalem » faite de passions, de croyances, de
royautés et pouvoirs, que les auteurs donnent à lire en ces pages avec
talent et humour; Convoquant historiens, archéologues d’hier et
d’aujourd’hui et même guides imaginaires contemporains, la complexité et
l’histoire de Jérusalem s’y dévoilent avec fluidité et un rare bonheur de
lecture !
Une évocation en BD fidèle à l’Histoire qui devrait captiver et susciter
bien des envies d’aller découvrir cette ville à nulle autre pareille !Jules Buissonnet |
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« Les amis de Spirou – Tome 1 – Un ami de Spirou
est franc et droit… », Jean-David Morvan, David Evrard et Ben BK ; Coll. «
Tous publics », 24 x 32 cm, 72 p., Editions Dupuis, 2023.
Voilà un premier album d’une nouvelle série jeunesse qui devrait captiver
autant les jeunes que les plus grands ! Signé par Jean-David Morvan avec
David Evrard et Ben BK, cet album , premier donc d’une nouvelle série
consacrée à l’Histoire de Spirou, s’inspire de vraies vies et de la grande
Histoire notamment celle du premier rédacteur de Spirou, Jean Doisy,
résistant lors de la Seconde Guerre mondiale et créateur du Club des Amis de
Spirou, réunissant de nombreux jeunes lecteurs dont certains sont morts pour
la Résistance.
Ouvrons ce premier album ! Nous sommes en 1943 et l’occupant nazi vient
d’interdire la parution du « Journal de Spirou ». Les jeunes du Club des «
Amis de Spirou », le club des AdS, sont littéralement atterrés. Vont-ils, en
réponse, oser défier l’occupant nazi en éditant un nouveau journal de BD
satirique antinazi ? Leur devise « Spirou, ami partout toujours ! ». Mais
ont-ils conscience des réels dangers qu’ils encourent en ces temps de guerre
? Une histoire véridique et malheureusement tragique…
Jean-David Morvan, auteur notamment de « Madeleine Résistante » accompagné,
ici, de David Evrard signe avec ce premier tome un album chargé d’Histoire,
celle de la Seconde Guerre mondiale, celle de la Résistance belge, celle de
l’Histoire du « Journal de Spirou » et celle tout aussi véridique, des «
Amis de Spirou » créé en 1938 quelques mois après la création de Spirou,
mais aussi celle de la fameuse imprimerie Marcinelle qui imprimera le
célèbre « Journal de Spirou ». Les références aux dessinateurs de Spirou
défilent en autant de clins d’œil et d’hommages, tout comme les références
empreintes d’humour à cette aventure éditoriale ancrée dans l’Histoire ;
l’Histoire tragique de la guerre, de la Seconde Guerre mondiale, du nazisme
et de la Résistance…
Pour cette nouvelle série consacrée à l’Histoire de Spirou, Jean-David
Morgan ne cache pas, tant au titre de nostalgie que d’hommage, son souhait
d’une réelle filiation. Le lecteur retrouvera aussi dans les dessins de
David Evrard offrant rondeur, chaleur et humour cette filiation graphique
souhaitée.
Action, rebondissements et humour égrènent cet album tragique mais captivant
à ne pas manquer !Gilles Landais |
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« Saint-Just » ; Scénario Noël Simsolo et Jean
Tulard ; Dessin de Mickaël Malatini ; Coll. « Ils ont fait l’Histoire », 24
x 32 cm, 56 p., Éditions Glénat, 2022.
Les férus d’Histoire seront ravis de découvrir ce nouvel album de la
collection « Ils ont fait l’Histoire » consacré à l’une des plus grandes
figures de la révolution en la personne de Saint-Just (1767-1794). Aux
manettes de ce nouveau tome, Noël Simsolo et le réputé historien Jean Tulard,
un gage assurément de sérieux.
Le lecteur découvrira tour à tour les différentes facettes de celui que
Michelet surnomma « L’archange de la Terreur » ; proche de Robespierre qu’il
admire, faisant partie des Montagnards, il votera l’abolition de la royauté
; tout à la fois, révolutionnaire, plus jeune député de la Convention,
membre du Comité de salut public et chef de guerre… C’est un destin
fulgurant et bref qui l’attend puisqu’il sera guillotiné, lors de la crise
du 9 thermidor, le même jour que Robespierre. En ce 28 juillet 1794, il a 26
ans.
Ce grand et jeune orateur notamment au club des Jacobins, qui votera la mort
du roi, qui inspirera la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789, se rendra surtout célèbre pour l’intransigeance de ses principes, mais
aussi pour ses nombreuses missions auprès des armées de la Révolution avec
notamment la fameuse victoire de Fleurus...
Appuyé par les dessins acérés et reconnaissables de Mikaël Malatini, un
habitué de la collection « Ils ont fait l’Histoire », cet album livre les
pages les plus tumultueuses et captivantes de la Révolution française. Le
lecteur retrouvera en fin de volume un concis mais efficace dossier
historique.Gilles Landais |
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« Michel Vaillant – Légendes – Tome 1 – Dans
l’Enfer d’Indianapolis », 24 x 32 cm, 64 pages, Graton, 2022.
Le mythique parcours d’Indianapolis, comme si vous étiez ! Le tome 1 de la
non moins mythique collection Michel Vaillant nous invite en effet à
découvrir cette course emblématique en compagnie de Michel Vaillant, ce
héros des courses automobiles. Autant dire que les vrombissements et autres
effets de vitesse seront les invités d’honneur de cette BD signée Lapière et
Dutreuil. Nous sommes en 1966 et l’édition de cette année resta gravée dans
les mémoires non seulement pour les multiples incidents de course mais
surtout pour la lutte acharnée entre Graham Hill et Jim Clark jusqu’à la
victoire contestée de Graham Hill au final… C’est justement dans les arcanes
de cette course légendaire que nous invitent nos deux auteurs avec un récit
graphique époustouflant parvenant presque à reproduire les sons
assourdissants des moteurs et des tôles froissées ! Mais « Dans l’enfer
d’Indianapolis », ce sont également les coulisses de la course, avec
l’enquête menée par notre héros afin de révéler les tenants et aboutissants
des courses automobiles. Grâce à une intrigue captivante et un dessin des
plus réussis, ce tome 1 des Légendes devrait réunir plus d’un aficionado !
Jules Buissonnet |
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« Toutankhamon, l’odyssée d’Howard Carter » de Paul
Marcel et Patrick Mallet, Les Arènes BD, 2022.
L’album « Toutankhamon, l’odyssée d’Howard Carter », publié aux éditions Les
Arènes BD, transporte le lecteur dans l’univers fascinant de l’illustre
personnage, Toutankhamon, l’un des pharaons les plus connus au monde, un
pharaon incontournable qui faillit pourtant bien tomber dans l’oubli… sans
la si fameuse « Odyssée d’Howard Carter », cet archéologue et égyptologue
anglais (1874-1939) qui fut l’une des plus grandes découvertes archéologique
du XXe siècle.
Le pharaon qui succéda au célèbre Akhenaton en -1336 av. J.-C. ayant fait
vaciller les fondements de la religion égyptienne en célébrant le dieu
unique du soleil, Aton, avait fort à faire en souhaitant restaurer la
religion égyptienne classique. Mais la célébrité de Toutankhamon aurait-elle
pour autant si bien traversé les siècles et millénaires ? Sa célébrité,
au-delà de son règne, a surtout été due à la redécouverte de sa tombe par le
non moins fameux Howard Carter en 1922, dont nous avons fêté l’anniversaire
l’année dernière.
C’est cette incroyable découverte ou odyssée qui se trouve être le sujet de
cette passionnante BD conçue par Patrick Mallet pour le scénario et Paul
Marcel pour le dessin. En ces pages mouvementées où l’action et les mystères
foisonnent au fil des planches, les trésors du pharaon scintillent avec
notamment ce célèbre masque mortuaire d’or et ce mobilier funéraire éclatant
de pierres précieuses… Le pharaon représentant l’intermédiaire entre les
dieux et ses sujets, son inhumation donnait lieu à d’innombrables rites et
surtout à la présence de trésors plus précieux les uns que les autres… Mais
cette découverte n’allait pas aller de soi et c’est un véritable roman
d’aventure que signent nos deux auteurs avec cette BD aussi instructive que
passionnante sur le célèbre pharaon redécouvert, Toutankhamon !
Jules Buissonnet |
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« Mémoires d’Alexandrie – Hérophile » de Chiara
Raimondi ; Cartonné, 46 p., Editions Ankama, 2022.
Le premier album de la série les « Mémoires d’Alexandrie » est consacré à
Hérophile. Personnage véridique et historique, plus précisément médecin grec
réputé, Hérophile de Chalcédoine méritait bien de figurer dans les tomes de
la mémoire de cette fameuse bibliothèque d’Alexandrie, celle qui fut l’une
des plus grandes et imposantes bibliothèques du monde en Égypte au IIIe
siècle av. J.-C.
Hérophile fut, en effet, un personnage hors du commun, un médecin audacieux,
ne reculant devant rien pour faire avancer le monde des connaissances, de la
science et des médecines. Né en Asie mineure, il s’installa à Alexandrie où
il entreprit notamment de comprendre le fonctionnement du corps humain,
disséquant et observant de nombreux organes. Cependant, dans cette Égypte du
IIIe siècle av. J.-C., où Dieux et Déesses sont omniprésents, sa curiosité,
son talent et audace n’est pas sans inquiéter voire être condamnée par
l’élite pensante entourant le roi Ptolémée…
Bien que médecin et auteur grec célèbre à son époque, ces nombreux traités –
donnés au nombre de neuf - furent malheureusement perdus lors de l’incendie
de la Bibliothèque d’Alexandrie.
Un premier album signé Chiara Raimondi instructif et bien mené offrant un
récit quelque peu fictionnel mais captivant !
Gilles Landais
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Jörg Mailliet, Matz, Olivier Guez : « La
disparition de Josef Mengele », Éditions Les Arènes, 2022.
Voici une adaptation en BD et haute en couleur du fameux roman d’Olivier
Guez, Prix Renaudot, sur la cavale du grand criminel de guerre, le médecin
Joseph Mengele, tortionnaire d’Auschwitz, celui que l’on avait surnommé
l’Ange de la Mort pour ses pseudo et effroyables expériences scientifiques
sur les détenus des terribles camps de la mort. Au lieu d’être jugé pour ses
multiples crimes à la sortie de la guerre, ce dernier pu mener une vie
tranquille de longues années en Argentine grâce à la bienveillance du couple
Peron. Mais une traque incessante rattrapera le tortionnaire dans sa
retraite dorée, Mengele devant fuir son pays d’adoption pour le Paraguay,
puis le Brésil, avant une issue aussi fatale que mystérieuse sur une plage
en 1979…
Autant dire que cette BD composée à 6 mains captivera tous lecteurs
passionnés d’Histoire et d’histoires. Véritable nœud inextricable, le
contexte de l’après-guerre s’avère plus que complexe à l’égard des anciens
bourreaux qui ont joui souvent pour un grand nombre d’entre eux d’une
nouvelle vie dans des dictatures accueillantes. Restituant la dynamique du
grand succès d’Olivier Guez en des planches à la fois saisissantes et
sombres, cette adaptation graphique convaincante devrait rencontrer un franc
succès.
Jules Buissonnet |
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« Primordial » ; Scénario de Jeff Lemire ; Dessin d’Andrea Sorrentino ;
Cartonné, 176 pages, Urban Editions, 2022.
Un album passionnant revisitant la conquête spatiale. Sur fond de
concurrence acharnée entre les États-Unis et ce qui se nommait à l’époque
l’URSS, c’est un thriller captivant que découvrira le lecteur. Mettant les
projecteurs sur les malheureux animaux ayant servi de cobayes pour les
premiers vols spatiaux, la chienne Laïka pour l’URSS qui a cessé de donner
signe de vie au bout de quelques heures ou encore Able et Baker, les deux
singes envoyés dans l’espace par les États-Unis, l’album relance la fiction…
Car sait-on vraiment de quoi sont morts ces animaux ? Et est-on même sûrs
qu’ils soient bien morts ?
Avec talent, l’auteur canadien Jeff Lemire aux manettes du scénario livre,
ici, un récit sur fond de guerre froide entre histoire et fiction, entre
science et complotisme. Un déroulé serré habillement servi par les dessins
de son fidèle complice Andrea Sorrentino et une colorisation de Dave
Stewart. Un duo de choc dont on ne présente plus les coups de maître ; qui
ne se souvient du « Mythe de l’ossuaire » ! Pour ce dernier album, leur
complicité fonctionne à merveille avec un découpage et une mise en planche
aussi originaux que dynamiques. Les visages sont superbement expressifs et
on craque littéralement sur Laïka… On l’aura compris un album de 176 pages à
réserver !
Gilles Landais
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« La Buse – Tome 01 – La Chasse au trésor » de
Jean-Yves Delitte ; Coll. 24x32, cartonné, 24 x 32 cm, 48 p., Editions
Glénat, 2022.
Une nouvelle série très remarquée de corsaires et piraterie qui mérite
d’être signalée.
L’histoire a lieu au XVIIIe siècle lorsqu’une paix durable semble s’imposer
alors que l’Espagne a enfin mis fin à une intraitable guerre de succession.
Nous sommes en 1714 et la paix signée, nombreux sont les corsaires qui se
retrouvent dès lors sans employeur… Certains dont Olivier Levasseur – notre
héros – va alors se tourner vers la piraterie… Or, l’étrange destin de
Levasseur devenu le fameux pirate « La Buse » est loin de s’arrêter et
marquera histoire et légende…
Un album haut en couleur d’océans et de mers offrant actions et
rebondissements. Signé Jean-Yves Delitte, en auteur complet (« Black Beard
»), ce premier tome réjouira assurément par son côté historique et la
qualité de ses dessins offrant une minutie et d’infinis détails
incomparables. Mais, est-il encore besoin de rappeler que Jean-Yves Delitte,
peintre Officiel de la Marine belge est membre titulaire de l’académie des
Arts et Sciences de la mer et président des Peintres de Marine belges. Ses
albums très appréciés sont toujours, il est vrai, un régal !
Directeur chez Glénat « Des Grandes Batailles navales », la légende du
fameux pirate « La Buse » ne pouvait, on s’en doute, que lui inspirer cette
nouvelle série passionnément intrépide qui commence, ainsi que le rappelle
l’auteur, par cette formule pleine de promesses : « Il était une fois en mer
des Indes »...
Gilles Landais
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« 1629 – Tome 1 » ;
Scénario de Xavier Dorison ; Dessin de Thimothée Montaigne ; Cartonné, 25 x
34 cm, 136 p., Editions Glénat, 2022.
C’est un album (premier d’un diptyque) exceptionnel que nous proposent avec
« 1629 » les éditions Glénat. Un incroyable récit maritime relatant avec
forces et fracas l’effrayant et véridique naufrage du Jakarta. Un navire
affrété par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, et qui est, en
ce XVIIe siècle, un véritable fleuron. Sur son pont, pas moins de trois
cents matelots et marins issus pour beaucoup des sombres bas-fonds
d’Amsterdam ; dans sa soute, de l’or et des diamants à profusion aux fins de
corrompre l’Empereur de Sumatra en Indonésie et que protègent pas moins de
trente canons. Telle aurait dû être la destinée du Batavia, renommé, ici,
Jakarta (et dont une réplique est aujourd’hui visible au musée Batavialand
aux Pays-Bas)…
Avec un scénario parfaitement maîtrisé et des dessins et un encrage d’une
beauté et qualité à couper le souffle, ce thriller maritime inspiré d’une
des pages les plus effroyables de l’histoire maritime ne pourra qu’emporter
adhésion et vives acclamations, tant il est vrai que l’intrique
psychologique, le récit du naufrage et cette lutte sans merci pour la survie
dès ce premier tome font de cet album une véritable réussite.
Xavier Dorison, au scénario, que l’on ne présente plus ( notamment «
Undertaker » 2015 ; « Le Château des animaux » 2019) et Thimothée Montaigne
au dessin, livrent, il est vrai, avec notamment les personnages de Jeronimus
Cornelius, apothicaire ruiné, recherché, prêt à tout pour prendre le pouvoir
du Jakarta, et la belle, désinvolte, riche et séduisante Lucretia Hans, un
récit sans failles sur la noirceur de l’âme humaine… Rien ne semble avoir
échappé à ce duo de maître pour entraîner leur lecteur dans ce thriller et
tragédie maritime magistralement effroyable. « De la simple acceptation des
règles à leur refus, du refus apparent qui se révèle un moyen d’en créer
d’autres, de l’acceptation de surface qui n’est qu’un stratagème pour jouir
d’une vraie liberté, etc. Tout mon travail a ensuite consisté à piocher dans
la réalité et à voir comment obtenir l’éventail psychologique le plus large
par rapport à la question centrale que j’avais décidé de poser. » souligne
Xavier Dorison.
Et, comment résister à tant d’atouts pour un premier album !
Gilles Landais |
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« L’Assommoir » d’après le chef-d'œuvre d’Emile
Zola » d’Emmanuel Moyot, Mathieu Solal et Xavier Bernoud, ; 192 pages, Les
Arènes BD, 2022.
À découvrir avec intérêt, cette adaptation actualisée en BD du fameux roman
« L’Assommoir » d’Émile Zola. Une œuvre incontournable de la littérature
française du XIXe siècle transposée à notre époque par un tout nouveau mais
inspiré trio : Emmanuel Moyot / Mathieu Solal et Xavier Bernoud.
Débarquée de province à Paris, Gervaise, jeune mère de deux enfants et
délaissée par son compagnon, tente coûte que coûte de faire son chemin et de
survivre dans le monde d’aujourd’hui. Rien ne semble l’arrêter, hôtesse
d’accueil puis esthéticienne, Gervaise remue ciel et terre pour sortir de la
précarité avec à ses côtés son nouveau mari, livreur à vélo… Mais, tout cela
suffira-t-il ?
Détresse, accidents, spirale infernale de la misère, le lecteur plonge avec
l’héroïne Gervaise dans le sombre univers des travailleurs, celui du XIXe
siècle de Zola transposé, ici, à notre XXIe siècle avec ses livreurs à vélo
et la triste réalité des promesses faites aux travailleurs dits
indépendants… Plantant le décor dans les quartiers nord de la capitale, les
auteurs ont opté pour une actualisation de « L’Assommoir » sans mercis ni
concessions, réseaux sociaux, alcool, crack ; on y retrouve «(…) la
déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans un milieu empesté de nos
faubourgs », telle qu’avait souhaité la dépeindre Zola. Dans cette BD aux
dessins réalistes et durs, incorporant en exergue des chapitres et dans les
cartouches le texte même de « L’Assommoir », tout diffère et pourtant rien
ne change vraiment dans ces mondes sans pitié de la pauvreté et de la
misère, que celle-ci soit celle du siècle de Zola ou celle de notre époque…
Une adaptation qui vient confirmer, une nouvelle fois, que « L’Assommoir »
de Zola est une grande-œuvre, une œuvre qui demeure malheureusement
intemporelle… « (…) une œuvre de vérité, le premier roman sur le peuple, qui
ne mente pas, qui ait l’odeur du peuple » écrivait Zola à Paris, le 1er
janvier 1877, année de la parution en livre de son célèbre roman, il y a
précisément 145 ans.
Gilles Landais
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« 421 – L’Intégrale – Tome 3/3 – 1988-1990 » de
Stéphen Desberg et Eric Maltaite, 21.8 x 30 cm, 264 p., Coll. « Patrimoine
», Editions Dupuis, 2022.
Nombreux seront ceux qui se réjouiront de découvrir le troisième et dernier
volume de l’intégrale des aventures de 421, cet espion so british si
séduisant ayant marqué des générations…
Une série d’espionnage et d’action emplie d’humour imaginée par le duo de
choc Maltaite au scénario et Desberg pour les dessins, initialement pour le
journal de Spirou en 1980, mais qui n’a pas pris une seule ride. Il est vrai
que la fameuse série a su au fil des décennies largement évoluer,
s’éloignant quelque peu de Spirou pour capter sa propre personnalité et
s’imposer en tant que tel dans l’univers de la BD.
Les aficionados seront ainsi assurément heureux de retrouver dans ce dernier
et troisième volume de l’intégrale des albums aussi fétiches que « Falco »
sorti en 1988, « Les années brouillard » de 1989 ou encore « Morgan » et «
Le seuil de Karlov » sortis respectivement en 1990 et 1992.
A ces souvenirs ou heureuses découvertes, c’est selon, viennent pour ce
dernier tome s’ajouter de multiples images d’archives offrant ainsi un joli
prologue ; prologue lui-même complété par de nombreuses propositions de
suite pour cette célèbre et incontournable série 421.
Gilles Landais |
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Collection « La sagesse des mythes » dirigée par
Luc Ferry BD, Editions Glénat, 2022.
Retrouvons le charme de la mythologie avec la collection « La sagesse des
mythes » dirigée par le philosophe Luc Ferry ! Cette heureuse initiative qui
rencontre un franc succès permet en effet d’allier l’utile à l’agréable en
revisitant en docte compagnie les plus grands mythes que l’Antiquité nous a
livrés et qui, il faut bien l’avouer, se trouvent quelque peu négligés par
notre culture contemporaine…
Fort de ce constat Luc Ferry a souhaité rendre accessible, sans pour autant
les réduire à de la Fantasy pure, ces histoires souvent hautes en couleur et
qui ont envouté des siècles durant leurs lecteurs. Dorénavant, avec cette
collection riche de nombreux volumes, il sera loisible à tout à chacun non
seulement de lire, mais également de voir ces mythes mis en planche grâce à
des scénaristes et dessinateurs talentueux tels Didier Poli, Clotilde
Bruneau, Federico Santagati, Carlos Rafael Duarte, Guiseppe Baiguera et bien
d’autres encore.
Le mythe de la déesse de l’amour Aphrodite en deux tomes, le règne des
terribles Géants et du redoutable Typhon, fils de Gaia, sans oublier les
innombrables amours de Zeus qui donnent naissance à tant de manœuvres et
métamorphoses pour parvenir à ses fins, tels sont quelques-uns des thèmes
passionnants abordés dans cette collection à recommander aussi bien aux
adultes qu’aux plus jeunes.
A noter, à la fin de chaque album, le cahier philo préparé par Luc Ferry
rappelant les grandes lignes du mythe traité, et offrant une synthèse rapide
mais néanmoins complète, synthèse dont le philosophe a le secret.
Derniers volumes parus : « Aphrodite tome 2/2 - Amours et colères » ; « Les
amours de Zeus » ; « Typhon ».
Jules Buissonnet |
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« Requiem – Tome 10 – Bain de sang » ; Scénario Pat
Mills ; Dessin et couleurs olivier Ledroit ; Cartonné, 24 x 32 cm, 62 pages,
Coll.24x32, Editions Glénat, 2022.
Pour ce dixième tome (Eh oui !, déjà), Pat Mills a opté pour un scénario
dark fantasy ancré sur un récit véridique, celui de la comtesse Báthory. Un
personnage cruel et mythique puisque la comtesse Báthory, obsédée par son
souhait de jeunesse éternelle, avait choisi pour soin de beauté de se
baigner dans le sang de vierges…
Ce nouveau volume réjouira assurément par ses pages et découpages énergiques
et hauts en couleur. Le rythme dark fantasy, noir et cruel à souhait, signé
Pat Mills est ici renforcé par les dessins et couleurs inimitables d’Olivier
Le droit, sans oublier le côté envoutant imprimé par cette fameuse comtesse
hongroise ayant réellement existé au XVIe siècle.
On l’aura compris le duo n’a pas lésiné sur les moyens et atouts pour ce
nouvel opus de « Requiem » qui porte bien son triste nom !
Gilles Landais |
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« Les voitures de Lefranc » ; Scénario de Xavier
Chimits ; Dessin de Jacques Martin ; Intégrale - Éditions spéciale, Coffret
Univers d'auteur, BD, Editions Casterman, 2022.
Lefranc dans l’univers de la BD, c’est un mythe, une légende créée sous
l’inspiration du génial Jacques Martin. Ce héros moderne à la mise
impeccable déjoue, en effet, toutes les intrigues, même les plus
machiavéliques, et ce depuis 1952, début d’une longue série de 33 albums
plus captivants les uns que les autres…
Confronté à son adversaire de toujours, le terrible Axel Borg, le
journaliste Guy Lefranc a fort à faire afin de déjouer toutes sortes de
plans diaboliques inventés par Jacques Martin bientôt secondé par Bob de
Moor avant que Gilles Chaillet ne reprenne graphiquement la série.
Avec l’album « Les voitures de Lefranc », Xavier Chimits rend hommage à la
passion de Jacques Martin pour les plus beaux bolides. La place en effet des
voitures demeure indissociables ?? des multiples pérégrinations de notre
héros, des véhicules qui font l’objet d’ailleurs de courses-poursuites
mémorables. Chimitz, lui-même, est un passionné d’automobile et de l’univers
de la F1, univers qu’il parvient parfaitement à rendre dans ces pages
trépidantes, réunissant les meilleures pages d’anthologie sur ce thème
porteur dans la deuxième moitié du XXe s.
Jules Buissonnet |
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« Molière – Acte 2 – Le scandale tartuffe » ;
Scénario Vincent Delmas ; Dessin Sergio Gerasi ; Cartonné, 24 x 32 cm, 48
pages, Coll. 24x32, Editions Glénat, 2022.
Il était plus qu’attendu… Voici, en cette fin d’année 2022, le deuxième tome
consacré à « Molière ». Signé de nouveau Vincent Delmas pour le scénario et
Sergio Gerasi pour les dessins, ce nouvel album débutant après un
flash-back, en 1664, met les projecteurs sur la nouvelle pièce de Molière «
Tartuffe »… Avec cette nouvelle création, Jean-Baptiste Poquelin devenu
Molière attise définitivement, malgré sa belle notoriété et la protection du
roi, les foudres de l’Eglise… « Tartuffe », et ce même si le roi a ri, fait
plus encore que scandale ! C’est « Le scandale Tartuffe ».
La pièce est dès lors interdite par le roi et certains réclameront même pour
Molière le bûcher. Les oppositions, avertissements et conseils de ses
proches s’accumulent… Pourtant, jamais Molière ne cèdera et mènera ce combat
qui a toujours été le sien, celui de la liberté d’expression.
Un album bien mené dans lequel le lecteur retrouvera les atouts du premier
volet avec cette symbiose réussie entre le scénario de Vincent Delmas et les
dessins au trait caractéristique de Sergio Gerasi notamment ces gros plans.
Le lecteur y retrouvera surtout le grand Molière, celui qui jamais ne déçoit
et s’impose comme l’un des plus grands auteurs de la littérature française.
Incontournable Molière, surtout en cette année 2022 marquant le 400e
anniversaire de son baptême.
Gilles Landais
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« DC INFINITE FRONTIER – JUSTICE INCARNEE » ;
Scénario de Joshua Williamson et Dennis Culver ; Dessin collectif ; 176
pages, Coll.DC INFINITE, Urban Comics, 2022.
Un incroyable DC signé d’un non moins incroyable duo de choc pour le
scénario – Joshua Williamson épaulé par Dennis Culver - et accompagné d’une
kyrielle de dessinateurs ! Eh oui, il n’en fallait pas moins pour revisiter
de fond en comble le Multivers…
La Ligue de justice Incarnée est amenée à enquêter sur la menace que fait
peser Darkseid sur l’ensemble des réalités pour devenir maître du Multivers.
A cette fin, le président Superman Calvin Ellis de Terre-23 et le Batman de
la chronologie Flashpoint, Thomas Wayne, entraînent les membres de la Ligue
dans un vertigineux périple traversant une multitude de Terres parallèles,
des univers tous plus déroutants et dangereux les uns que les autres…
Arriveront-ils pour autant à réunir les plus grands héros issus de toutes
les Terres du Multivers ? Surtout la Justice Incarnée pourra-t-elle faire
face à une menace plus grande et dangereuse encore tapie dans l’ombre depuis
des années et sortie tout droit des Ténèbres ?
Nous l’avons dit avec ce dernier DC INFINITE FRONTIER –JUSTICE INCARNEE,
Joshua Williamson a entrepris de poursuivre sans état d’âme la refonte de
l’univers DC déjà précédemment entamée. Pour cela, ce dernier a convoqué à
ses côtés Dennis Culver et surtout une myriade de dessinateurs tous plus
talentueux les uns que les autres. Le lecteur découvrira ainsi dans cette
intrigue ficelée serrée une multitude de Terres parallèles au Multivers, des
univers également tous plus étonnants les uns que les autres, entraînant
rebondissements et de nombreux personnages connus ou revisités.
Un DC INFINITE FRONTIER incontournable qui annonce déjà une profonde crise
de l’univers DC…
Impatience quand tu tiens le lecteur !
Gilles Landais |
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« Merel » de Clara Lodewick, Coll. « Les Ondes
Marcinelle », Editions Dupuis, 2022.
À souligner un récit graphique doux-amer signé Clara Lodewick paru dans la
nouvelle collection « Les Ondes Marcinelle » des éditions Dupuis.
Un premier récit très réussi dépeignant la dureté sociale dans un petit
village flamand à notre époque. L’histoire commence banalement : Merel,
quadra, qui se dit femme libre, sans enfants ni mari, semble heureuse entre
son écriture, l’élevage de ses canards et le club de football, tout serait
au mieux si… un soir, lors d’une soirée, cette dernière n’avait eu la bêtise
de faire une blague grivoise quelque peu douteuse sur le mari d’une de ses
voisines… Que n’avait-elle dit ! De là, Merel sera l’objet de tous les
ragots et diffamation de ce village campagnard des Flandres faisant de la
vie de Merel un véritable cauchemar…
La critique a largement salué la belle maturité tant du scénario que
graphique de cette jeune bruxelloise, Clara Lodewick, pour ce premier et
gros roman graphique. Il est vrai que l’auteur, ici en auteur complet,
présente en ces pages un certain talent pour faire vivre ses personnages et
leur accorder leur juste place, couleur, dureté ou hypocrisie dans ce rude
milieu rural… Son héroïne, Merel, la quarantaine est attachante et
l’ensemble de la narration ironique et sans merci sonne juste ; entre
frustration et haine, le thème central du bouc émissaire est habilement
exploité. À ces atouts, il faut ajouter une harmonie et dynamique des
dessins très réussies.
Un roman graphique attachant gardant cette note d’espoir qui semble si chère
à l’auteur !
Gilles Landais
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« Sea of Stars » ; Scénario Jason Aaron et Dennis
Hallum ; dessin de Stephen Green ; Couleur de Rico Renzi ; 288 p.,
Coll.Urban Indies, Editions Urban Comics, 2022.
Un récit spatial grandiose et haut en couleur signé d’un trio-choc : Jason
Aaron, Dennis Hallum pour le scénario et Stephen Green pour les dessins :
Le jeune Kadyn s’ennuie fort dans le vaisseau convoyeur que pilote son père
Gil… Soudain, l’idée lui vient d’explorer sans le dire la fameuse cargaison
provenant d’un musée alien ; de là, que d’évènements, rebondissements, de
créatures et suspens !
Les scénaristes, Jason Aaron (auteur notamment de « Thor » et « Southern
Bastards ») et Dennis Hallum, auteur pour sa part de Dark Visions, ont
décidé d’emmener pour cet album loin, très loin dans l’univers leurs
lecteurs… Un voyage interstellaire incroyable rendu merveilleusement tant
par les dessins de Stephen Green que par le choix des splendides couleurs de
Rico Renzi. On ne peut que souligner les merveilleuses pleines-pages qui
égrènent cet album ; une odyssée ou plutôt une double odyssée, celle de
Kadyn et celle de Gil cherchant désespérément son fils après la rencontre
d’une mystérieuse et dangereuse créature et l’explosion du vaisseau spatial.
Séparés, seront-ils condamnés à errer éternellement ?
On ne ressort pas facilement de ce récit alternant entre l’univers des
enfants et celui des adultes, associant mondes mythologiques, oniriques,
science-fiction et tenant son lecteur en haleine. Actions, surprises et
découvertes s’enchainent à une vitesse vertigineuse… On demeure étourdi,
perdu dans l’immensité galactique, la tête pleine de couleurs, et ravi de
cet album des plus divertissants !
Gilles Landais |
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« Les petits Monarques » de Jonathan Case, 19.1 x
24.8 cm, Coll. « Grand public », 256 p., Editions Dupuis, 2022.
Signée par Jonathan Case, ici, en auteur complet, cet album réjouira à n’en
pas douter avec son orientation écologique petits et grands lecteurs de BD.
Ayant échoué à réguler la crise climatique, l’humanité s’est vue décimée par
la maladie du soleil ; Les rares survivants vivent dorénavant sous terre,
fuyant le jour et le soleil. Mais, aussi surprenant que cela puisse
paraître, Elvie et Flora, une biologiste, se sont risquées avec succès à
sortir en plein jour… Leur secret ? Un antidote issu des écailles des jolis
papillons Monarques. Mais, pourront-elles en trouver assez pour sauver
l’humanité ? D’où le titre de cet album « Les petits Monarques »…
C’est toujours un plaisir de découvrir les albums signés Jonathan Case. Il
faut dire que ce dernier n’en est pas à ses débuts, loin s’en faut – auteur
notamment de « Dear Creature » ou encore « House of Night », il a toujours
su afficher une belle indépendance. Ici, il opte pour un récit de fiction
post-apocalyptique qui lui permet d’associer à merveille ses convictions et
engagements écologiques avec un fécond imaginaire. Une maîtrise que le
lecteur retrouvera pour ce récit graphique tant pour le scénario construit
que pour les dessins et surtout le choix des couleurs. Le tout selon une
mise en page des plus efficaces. Pas moins de douze chapitres qui
s’enchaînent selon la migration dans l’Ouest américain et le rythme «
papillonnaire » de ces jolis lépidoptères que sont les Monarques.
Gilles Landais
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« Le bestiaire du crépuscule » de Daria Schmitt,
23.7 x 31 cm, 120 pages, Editions Aire Libre, 2022.
C’est un fort joli et fantastique album que nous livre avec « Le bestiaire
du crépuscule » Daria Schmidt chez Aire Libre avec pour toile de fond un
étrange et mystérieux jardin public… Car si pour les enfants du quartier, ce
jardin est une jolie aire de jeux colorée de rires, celui-ci se révèle
cependant pour Providence, son gardien, lorsque la nuit s’avance et que la
lune se lève, un étrange repère d’horribles et crépusculaires créatures, un
monde terrifiant qu’il est seul à voir… Et dans ce monde, son monde empreint
de rêveries, Providence s’est donné pour mission de protéger malgré eux les
enfants et promeneurs de ce parc. Mais pourra-t-il y arriver alors qu’une
nouvelle directrice férue de management est nommée, qu’émerge du lac un
étrange et terrifiant bestiaire et que le reflet d’une mystérieuse maison
l’attire plus que tout...
Daria Schmidt a convoqué pour cet album un fabuleux monde imaginaire
horrible et plein de poésie. Véritable hommage à Lovecraft, l’auteur n’a
d’ailleurs pas hésité à se référer expressément dans son extraordinaire
récit à une des nouvelles du maître incontesté de l’horreur. À ce talent de
Daria Schmidt indéniable et salué par Philippe Druillet, vient s’ajouter un
non moins fabuleux travail graphique, un trait sombre impressionnant et des
plus soignés entre jeux d’ombres et de couleurs. Assurément, Doria Schmidt
est à son tour une bien jolie conteuse de mondes fantastiques. On ne résiste
pas !
Gilles Landais
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"Albert Londres doit disparaître" ; Scénariste
Frédéric Kinder ; Dessinateur Borris ; Coll.Treize étrange, 21,8 x 29,5 cm,
Editions Glénat, 2022.
Passionnante et incontournable, cette BD consacrée au journaliste Albert
Londres se devra de figurer parmi les prochaines lectures ! Ce récit est
focalisé sur le dernier voyage en Chine qu’entreprendra le célèbre
journaliste qui a donné son nom au Prix annuel récompensant le meilleur
reporter francophone de moins de 40 ans. Il faut dire que ce parrain de
choix aura toute sa vie durant choisi les thèmes et sujets les plus
délicats, ce dernier voyage entrepris en Chine alors qu’il pensait par la
suite se retirer du journalisme s’avérant en effet plus qu’épineux.
Borris et Frédéric Kinder, tous deux aux manettes, ont su conjuguer leur
talent pour livrer un récit et un style qui aurait à n’en pas douter plu au
célèbre journaliste… À partir d’une histoire véridique – l’étrange
disparition du journaliste lors d’un naufrage alors qu’il enquêtait sur les
liens troubles entre la Marine française et des trafics d’armes et d’opium
en Chine – cette BD propose une version à mi-chemin entre enquête et fiction
afin de retracer avec pertinence le caractère et courage de ce journaliste
prêt à tout pour faire éclater la vérité, fut-ce au prix de sa vie.
En un passionnant voyage dans la Chine interlope des années 30, nos deux
auteurs parviennent dès les premières planches à planter le décor de cette
époque exotique sur fond de conflit sino-japonais. Shanghaï plus étrange que
jamais, représentants de la communauté internationale cherchant pour chacun
à tirer la couverture pour leurs intérêts plus ou moins troubles, et
omniprésente, enfin, cette sourde angoisse de complots et secrets que notre
journaliste cherchera à démêler jusqu’au bout forment les ingrédients de
cette histoire captivante.
Ce récit sur plus de 90 pages et complété par un dossier nourri devrait en
effet tenir en haleine tous les passionnés d’enquêtes et d’aventure !
Jules Buissonnet |
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« Carbone et Silicium » de Mathieu Bablet ; Edition
spéciale – Or Noir ; 24 x 32 cm, 272 pages, Coll. 619, Editions Ankara,
2022.
C’est avec beaucoup de plaisir que les fans pourront découvrir cette
nouvelle version 2022 de « Carbone & Silicium » dans une édition spéciale -
tout de noir, blanc et or ; Cette nouvelle édition était, il faut l’avouer,
largement plébiscitée puisque « Carbonne & Silicium » signé en auteur
complet par Mathieu Bablet, sortie initialement en 2021, fut un franc et
réel succès récompensé par le Prix BD Fnac / France Inter. C’est donc chose
faite avec cette nouvelle édition luxueuse et limitée particulièrement
réussie !
Le lecteur pourra en effet redécouvrir (ou pour les plus chanceux encore
découvrir tout simplement) « Carbone & silicium » dans cette splendide
version à laquelle un soin tout particulier a été apporté. Un plaisir pour
les yeux ! Il est vrai que les dessins aux détails impressionnants de
Mathieu Bablet se prêtent merveilleusement à cette version luxueuse et
stylisée. Cette version « Or Noir » offre un écrin de choix pour le récit de
« Carbone & Silicium ». Rappelons que nous sommes en 2046, et que nos deux
super robots après avoir été élevés dans un cocon hautement protecteur se
sont évadés et ont été séparés, chacun découvrant alors un monde à bout de
souffle où catastrophes et crises s’enchaînement…
Avec, nous l’avons souligné, ce splendide travail de dessin minutieux et
original, appuyé ici par une édition limitée non moins travaillée et
soignée, cette version spéciale de « Carbone et Silicium » ne manquera pas
assurément de faire date dans le monde de la BD.
Gilles Landais |
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« Aphrodite - Tome 1 » de Clotilde Bruneau et Luc
Ferry (scénario), Dessinateur Giuseppe Baiguera, Directeur artistique :
Didier Poli, Collection : La Sagesse des mythes, BD, Glénat, 2022.
La désormais classique collection « La Sagesse des mythes » dirigée par le
philosophe Luc Ferry accueille avec ce premier tome un album consacré à
l’une des déesses les plus attractives puisque selon la mythologie grecque,
elle symbolise l’amour, la beauté et le désir. Reprise dans le panthéon
romain sous le nom de Vénus, cette jeune femme qui a fait l’objet des plus
belles représentations par les plus grands artistes est pourtant née de
manière violente du membre d’Ouranos tranché par Cronos et lancé à la mer…
Son destin scellera celui des femmes et des hommes qui rencontreront son
chemin, la blonde déesse si bien évoquée par Botticelli abordera l’île de
Cythère avant d’être présentée à l’Olympe… C’est le début d’une longue et
riche histoire, mouvementée à souhait et dont les différents épisodes ont
été retracés avec une fidélité adaptée à la forme BD de manière attractive
et réussie. Le dessin et les couleurs retenus par Giuseppe Baiguera
contribuent au charme de cette épopée divine, la couleur étincelante de la
blonde chevelure d’Aphrodite alternant avec la pénombre des forges
d’Héphaïstos. Un récit haut en couleur qui sera suivi d’un prochain tome
plus qu’attendu !
Jules Buissonnet
À noter dans la même collection, le troisième et
dernier tome qui vient de paraître sur la fameuse épopée de Gilgamesh. |
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« La Fortune des Winczlav – Tome 2 – Tom et Lisa »
; Scénario de Jean Van Hamme ; Dessins de Philippe Berthet ; 23,7 x 31,10
cm, 56 p., Éditions Dupuis, 2022.
Nous retrouvons avec un plaisir attendu et certain la suite de « La Fortune
des Winczlav » avec ce nouvel album « Tom et Lisa », deuxième tome de cette
fameuse trilogie révélant pour la première fois les origines de l’empire de
Largo Winch, légende incontournable du monde de la BD.
Nous sommes en 1910 et Thomas Winczlav vient de découvrir qu’il est
l’héritier avec sa sœur jumelle, Lisa Lafleur, de la fortune des riches
Whiskies O’Casey. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Thomas adopte
le nom de « Winch » et tente tant bien que mal de faire fructifier ses
affaires, alors que sa sœur Lisa s’imposera en pilotant avec le fameux Baron
Rouge…
Jean van Hamme, de nouveau aux commandes du scénario pour cet album, a
retenu pour dérouler la saga familiale Winch la période de la Première
Guerre mondiale. Là, deux destins que tout oppose, celui de Tom et de sa
sœur Lise, emmenée encore enfant par sa mère en France, vont se croiser dans
un scénario finement serré. Les dessins de Philippe Berthet rendent de
nouveau avec talent et complicité tant la puissance des caractères des
personnages que l’atmosphère de cette période troublée.
Un deuxième volume qui vient confirmer toute la force de cette grande saga
familiale en trois actes révélant les origines de la fortune du fameux et
célèbre Largo Winch.
Gilles Landais
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« La Prière aux étoiles - 2ère partie » ; Serge
Scotto, Eric Stoffel, Marko et Holgado ; Editions Grand Angle, 2022.
Attendu avec impatience, le volume 2 de « La Prière aux Etoiles » est enfin
disponible aux éditions Grand Angle !
Rappelons que la série « La Prière aux Étoiles » est l’adaptation en BD d’un
film jamais sorti de Marcel Pagnol. Signée Eric Stoffel pour le scénario,
Marko pour le storyboard et Inaki Holgado pour les dessins, cette belle
adaptation a déjà été, dès le tome 1er, largement plébiscitée.
Il est vrai que cette aventure dessinée redonne vie à ce film perdu que
Marcel Pagnol avait refusé de terminer sous l’occupation et qu’il avait
détruit. Une belle aventure, donc, surtout lorsque l’on se souvient que
l’écrivain et réalisateur perdit également durant cette noire période sa
femme et ses studios…
L’histoire n’est pas sans rappeler la vie même de Marcel Pagnol, et pour ce
second et dernier tome, le lecteur retrouvera la belle et jeune actrice,
Florence à Cassis, entre son passé avec Dominique son protecteur et amant,
et Pierre dont elle est tombée éperdument amoureuse, mais qui jaloux ne peut
entendre et supporter ce passé… L’amour triomphera-t-il ?
L’on retrouve pour ce second tome avec plaisir les jolies nuances de
l’adaptation et les dessins stylisés d’Inaki Holgado.
Une série qui relève un beau défi de mémoire et qui, à ce titre, mérite
d’être plus que saluée !
Gilles Landais
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« Pigalle, 1950 » ; Scénario de Pierre Christin ;
Dessin de Jean-Michel Arroyo ; Relié, 23.7 x31 cm, 152 pages, Éditions Aire
Libre, 2022.
La parution aux éditions Aire Libre de « Pigalle, 1950 » offre un
irrésistible polar signé d’un duo de choc - Pierre Christin / Jean-Michel
Arroyo – et ayant pour toile de fond ou prétexte le Pigalle des années 1950.
Antoine, le jour même de ses 18 ans, décide de plaquer son Aubrac pour
s’aventurer dans la grande capitale. Là, il y découvre tous les charmes et
multiples fréquentations de Pigalle. Le cabaret « La Lune bleue » avec son
patron « Beau-Beb » et ses danseuses, mais aussi « Pare-brise » ou encore «
Poing-barre »… On l’aura compris il y a dans ce one shot toute la gouaille
et l’ambiance aux néons des nuits chaudes du Pigalle des années 50.
Pierre Christin, également romancier et scénariste, sait à merveille
entraîner son jeune Antoine devenu « Toinou » et son lecteur dans les
arrières cours et sombres ruelles de ce Pigalle aux mille tentations, mais
aussi mille dangers du grand banditisme… Un traitement digne des grands
films noirs ! Une atmosphère à nulle autre pareille que Jean-Michel Arroyo
fait revivre de plume de maître avec de superbes dessins soignés et
stylisés. Optant paradoxalement, mais judicieusement, pour ce récit haut en
couleur pour des camaïeux sépia, se sont de splendides planches - pour
certaines pleines pages – et un découpage travaillé des plus réussis que le
lecteur sous le charme découvrira.
« Pigalle, 1950 », un album à ne pas manquer !
Gilles Landais |
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« Un ennemi du peuple » de Javi Rey d’après la
pièce d’Henrick Ibsen, 152 pages, Éditions Aire Libre, 2022.
À ne surtout pas manquer, le dernier album de Javi Rey « Un ennemi du peuple
» aux éditions Dupuis d’après la pièce du célèbre auteur norvégien Henrik
Ibsen (1828-1906).
Alors que la toute nouvelle station thermale de l’île de la Baleine s’attend
à accueillir ses nombreux touristes, le docteur Stockmann découvre que l’eau
de la station est contaminée. Mais alors qu’il en informe le maire, son
propre frère, et entend rendre l’affaire publique, les autorités, la presse
et sa ville se dressent contre lui ; Stockmann est devenu l’ennemi à
abattre, « Un ennemi du peuple »…
Pièce majeure du dramaturge norvégien avec notamment « La maison de poupée
», « Un ennemi du peuple » fut publié en 1882, il y a donc 140 ans, soit
presque un siècle et demi. Aussi, bien que gardant tout sa force, le
dessinateur Javi Rey (« Un Maillot pour l’Algérie » ; « Violette Moris »),
ici en auteur complet, a-t-il fait choix pour cet album d’adapter la pièce
et de livrer un récit graphique quelque peu recontextualisé et revisité.
Aux faiblesses de la démocratie soulignées par Ibsen lui-même – corruption,
manipulation, populisme, démagogie, etc., Javi Rey a entendu « greffer »
l’impuissance des démocraties occidentales modernes face aux injustices, aux
inégalités et aux affres des crises financières. Ainsi que l’auteur a pu, à
juste titre, le souligner : « C’est la force d’un classique d’être
intemporel. Ibsen nous fait réfléchir sur des problématiques très
contemporaines. » Et effectivement, face à cette étrange contamination, le
Docteur Stockmann n’est-il pas, en effet, devenu un dérangeant « lanceur
d’alerte » ?... comme un écho de notre société moderne.
Certes, l’absolutisme ou la radicalité du Docteur posés par Ibsen ont pu et
peuvent encore apparaître ambigus ; aussi Javi Rey a-t-il également choisi
-comme bien des metteurs en scène avant lui - de réécrire notamment le
discours final du Docteur et de rappeler en exergue concernant la démocratie
la fameuse phrase de Churchill : « C’est le pire système de gouvernement
conçu par l’homme. À l’exception de tous les autres. »
Rey livre ainsi un récit graphique actualisé à la fois fluide et construit,
tout en offrant un rythme et une dynamique propres avec des dialogues forts
répondant à merveille aux dessins épurés volontairement rendus dans la ligne
claire et aux couleurs réfléchies. « J’ai pensé toute la mise en scène
graphique au service de la narration, en simplifiant le trait au maximum. »
souligne le dessinateur. Une inclinaison que bien des lecteurs apprécieront
et salueront.
Javi Rey parvient avec ce fabuleux album « Un Ennemi du peuple » travaillé
et pensé à transmettre réactualisées l’atmosphère et la puissance de cette
œuvre incontournable du grand dramaturge norvégien du XIXe siècle que fut
Henrick Ibsen.
Gilles Landais |
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« Cinq Avril – Tome 1 – L’Héritier de Da Vinci »;
Fred Duval, Michel Bussi et Noë Monin ; 21.8 x 30 cm, 64 pages, Coll. «
Grand Public », Editions Dupuis, 2022.
Nous sommes au XVIe siècle, le 5 avril précisément, et un nouveau-né est
déposé aux portes du fameux château du Clos Lucé où réside depuis 1516,
appelé par François 1er, le célèbre peintre italien Léonard de Vinci. Il a
pour seul bagage un étrange collier d’or. L’enfant adopté par les
cuisinières et surnommé comme il se doit « Cinq Avril » sera pris sous
l’aile protectrice de Léonard de Vinci lui-même et initié par ce dernier à
de nombreux secrets… Entre le mystère de ses origines et le legs initiatique
de son maître italien, « Cinq Avril » va découvrir à la mort de son
protecteur qu’il a l’étrange pouvoir de changer le cours de l’Histoire !
C’est un fabuleux récit divertissant mêlant aventure et Histoire que nous
propose avec cet album le trio Fred Duval, Michel Bussi et Noë Monin. Pour
cette première série de Michel de Bussi, géographe, professeur à
l’Université de Rouen et écrivain que l’on ne présente plus, rien ne semble
avoir été omis : actions, complots, secrets font de ce dynamique récit de
cape et d’épée haut en couleur et rebondissements un captivant album happant
le lecteur. Aux bases historiques se mêlent humour et clins d’œil. Il est
vrai que le scénariste reconnu Fred Duval et Michel Bussi n’en sont pas à
leur première association à succès, on se souvient avec plaisir de «
Nymphéas noir » récompensé en 2011.
Pour ce trépidant récit, leur talent ont rencontré celui du dessinateur Noé
Monin (notamment « Les Larmes d’Âpretagne »). Des dessins présentant une
énergie toute en rondeur attachante et ancrant joliment ce palpitant premier
récit dont les lecteurs ne pourront qu’attendre avec impatience le prochain
tome !
Gilles Landais
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« L’Or d’El Ouafi » de Paul Carcenac et
Pierre-Roland Saint-Didier (scénario) et Christophe Girard (dessin) ; Relié,
128 pages, Editions Michel Lafon, 2022.
A souligner ce bel et captivant album nous contant l’histoire trop peu
connue du premier marathonien français médaillé d’or olympique aux éditions
Michel Lafon. C’était à Amsterdam en 1928 et il s’appelait Boughera El Ouafi.
Mais se souvient-on aujourd’hui vraiment de lui ?
Né dans le désert du Sahara en Algérie bien loin des pistes et stades
olympiques, son histoire n’est pourtant pas des plus banales. Et c’est en
hommage et pour réparer cet oubli injustifié de l’histoire du sport que Paul
Carcenac, journaliste et passionné d’athlétisme, Pierre-Roland Saint-Didier,
son petit-fils, et Christophe Girard ont souhaité associer leurs talents
pour raconter la destinée de Boughera El Ouafi.
Au travers de ce récit mené pour le scénario à quatre mains par Paul
Carcenac et Pierre-Roland Saint-Didier (auteur engagé ayant déjà signé
notamment « Le Signal de l’Océan », « Le dernier Refuge » ou encore « Les
adieux du rhinocéros), ce sont aussi les préjugés, les injustices, mais
aussi la persévérance et le courage qu’ont entendu raconter nos deux
scénaristes. Car El Ouafi ne fut pas seulement le premier marathonien
africain médaillé d’or olympique, il fut également tirailleur algérien,
ouvrier à l’usine Renault à Boulogne-Billancourt ou encore employé dans un
cirque américain… Une destinée hors-norme joliment rendue par le trait et
les couleurs inspirés et alertes de Christophe Girard. On se souvient dans
le domaine sportif de ses deux albums avec Raymond Poulidor.
En refermant cet album aussi passionnant qu’émouvant, on ne peut que saluer
l’initiative de Paul Carcenac, Pierre-Roland Saint-Didier et Christophe
Girard d’avoir fait résonner une nouvelle fois la Marseillaise pour le
marathonien El Ouafi en mémoire de cette médaille d’or olympique gagnée en
1928 !
Gilles Landais
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« Wild West – Tome 3 – Scalps en série » ; Scénario
de Thierry Gloris ; Dessins de Jacques Lamontagne ; Relié, 24 x 32 cm, 48
pages, Éditions Dupuis, 2022.
Chacun se souvient de cette géniale et historique légende du western
dénommée « Wild West » tant sa parution fut saluée !
Après le succès indéniable de ce premier diptyque ( Camamity Jane et Will
Bill), les auteurs - Thierry Gloris au scénario et Jacques Lamontagne pour
les dessins - poursuivent pour la plus grande joie de leurs lecteurs leur
féconde complicité en livrant aujourd’hui de nouvelles aventures de leur
fameux duo.
Charlie Utter, un homme généreux et droit, a recueilli Martha Jane Cannary
après la mort de son mari, abattu en légitime défense par Wild Bill Hickok ;
Celle-ci noie son chagrin dans l’alcool et rumine sa vengeance… Mais, sur le
chantier du nouveau chemin de fer en construction, Bill doit d’autre part,
faire face à un mystérieux tueur, un tueur en série scalpant ses victimes…
Les aficionados de la série retrouveront dans ce nouvel album ce qui a fait
le sel et la réussite incontestable de « Wild West ». Thierry Gloris y
déploie un scénario bien ficelé qu’il déroule avec ingéniosité. Bill sera
cette fois-ci accompagné d’un nouveau personnage, Charlie Utter, un
personnage également historique de la légende de l’Ouest américain. Jacques
Lamontagne livre, pour sa part, de nouveau, de fabuleux dessins aussi
soignés et puissants que réalistes.
Un nouvel album offrant un plaisir de lecture rare.
Gilles Landais |
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« Les Dragons de la Frontière - Tome 2 - Cuerno
Verde », Ivan Gil (dessin), Gregorio Muro Harriet (scénario), Coll. 24x32,
59 pages, Éditions Glénat, 2022.
Avec ce deuxième tome de la série « Les Dragons de la Frontière », les
amateurs de BD western seront aux anges tant l’Ouest légendaire se déploie
avec maestria au fil des planches signées Ivan Gil au dessin selon un
scénario habile de Gregorio Muro Harriet. Il faut dire que tout ou presque a
été réuni pour faire de cette BD un récit épique répondant aux codes du
genre entre batailles meurtrières avec un chef de guerre Comanche, des
miliciens espagnols sur fond de destin tragique d’une femme, Madeline,
prisonnière d’un camp Comanche… Les somptueux paysages du nord-est de
l’Arizona, les Indiens Hopis, un redoutable chef de guerre Comanche surnommé
Cuerno Verde composent cette fresque haute en couleurs où guerre et violence
ravagent hommes et femmes.
Nos deux auteurs parviennent avec ce deuxième tome à restituer l’esprit du
western livré pendant des décennies au XXe siècle par le 7e art avec ces
visions panoramiques, ces plans serrés sur les coutumes autochtones
contrastant avec la cupidité des Espagnols du Nouveau-Mexique… Avec des
paysages à couper le souffle dignes des plans en technicolor des westerns de
légende, « Les Dragons de la frontière » tiendront le lecteur en haleine de
la première planche jusqu’à son issue finale.
Jules Buissonnet |
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« La dernière Ombre – Tome 02 » ; Scénario de
Denis-Pierre Filippi ; Dessins et couleurs de Gaspard Yvan ; Cartonné, 24 x
32 cm, 48 p., Coll. 24 x 32, Editions Vents d’ouest, 2022.
Pour ce second et dernier volume de « La dernière ombre », le sort des
blessés demeure dans ce fameux manoir perdu au milieu d’une sombre forêt
russe toujours plus qu’incertain, alors que le lieutenant Zvoga est mort.
Mais comment partir dans cette tempête de neige et ce froid ? Qui plus est,
les réserves de la Baronne propriétaire des lieux s’amenuisent de jour en
jour. Parallèlement, pourtant, les enfants toujours cachés se content encore
et encore des histoires… Mais, chacun sait, du moins ceux qui ont déjà
découvert le premier volume, qu’il y a dans ce manoir isolé plus
extraordinaire encore… « La dernière Ombre » saura-t-elle, pourra-t-elle les
protéger ? Et finira-t-elle par dévoiler son secret ?
Denis-Pierre Filippi a fait le choix pour ce diptyque d’une fin tragique
soulignant les affres de la guerre, la peur, la famine et le sang… lorsque
l’imaginaire n’arrive plus à masquer l’horreur du réel. C’est un récit, en
effet, bouleversant inspiré du « Labyrinthe de Pan » que le lecteur
découvrira. Un récit dramatiquement mis en dessin avec talent par Gaspard
Yvan, qui – rappelons-le – signe avec « La dernière Ombre » sa première
contribution BD.
Un très beau et poignant diptyque.
Gilles Landais |
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« Batman Imposter » ; Scénario de Mattson Tomlin ;
Dessin d’Andrea Sorrentino ; Couleurs Jordie Bellaire ; Coll. DC Black
Label, 176 pages, Éditions Urban Comics, 2022.
Incontournable et inédit tel est assurément ce dernier Batman – « Batman
Imposter » !
Grâce à Batman, le Gothman vient de connaître, après trois années sans
relâche d’efforts et de persévérance, sa première nuit sans crime, et ce
depuis 54 ans ! Cependant cette victoire, loin de satisfaire tout le monde,
a surtout été atteinte au détriment de la santé de Bruce Wayne. Alors que le
chevalier Noir est à bout, un étrange imposteur emprunte l’apparence de
Batman et assassine publiquement d’anciens criminels…
C’est un Chevalier Noir totalement revisité que nous propose avec brio et
audace cet album inédit signé Andrea Sorrentino et Mattson Tomlin –
également co-scénariste avec Matt Reeves de « The Batman ». Le lecteur y
découvrira, en effet, un Chevalier Noir à bout de souffle et se tournant
vers de nouveaux alliés ; Gordon disparaît au profit notamment de
l’inspectrice Blair Wong…
« Batman Imposter » fait, en effet, choix d’un récit narratif scrutant sans
complaisance les ressorts psychologiques du Chevalier Noir ; Andrea
Sorrentino (notamment « Joker – Killer Smile »), ici, en duo avec Mattson
Tomlin accentue encore par sa griffe la tension psychologique de l’album. Un
choix qui offre au Gothman City une nouvelle réalité, plus proche de la
nôtre, et un Bruce Wayne moins parfait qu’on ne pouvait le penser. « Batman
Imposter » livre ainsi une belle réflexion sur la place et le rôle des super
héros. Un tournant inédit ouvrant un beau potentiel !
Gilles Landais |
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« Molière – Acte 1 – A l’École des femmes » ;
Scénario Vincent Delmas ; Dessin Sergio Gerasi ; Cartonné, 24 x 32 cm, 48
pages, Coll. 24x32, Editions Glénat, 2021.
En cette année 2022 célébrant le 400e anniversaire de sa naissance (ou du
moins de baptême), il faut saluer la parution de cet album entièrement
consacré à l’un des auteurs les plus célèbres de la littérature française :
Molière
Signé pour le scénario Vincent Delmas et Sergio Gerasi pour les dessins, ce
premier volume commence par l’agonie de Molière à Paris le 17 février 1673
avant de revenir très vite par un flashback douze ans plus tôt. En 1661,
Jean-Baptiste Poquelin a 40 ans. Devenu Molière, il est reconnu et apprécié
du Roi Louis XIV ; Molière loge avec sa troupe à Paris au Palais-Royal, il y
écrit une partie de ses plus grandes comédies – L’École des femmes, L’Impromptu,
Tartuffe – et s’apprête à épouser Armande, la sœur ou fille de Madeleine
Béjart, comédienne qui a également été sa maîtresse... Mais les critiques,
rumeurs et scandales déjà se font entendre…
Vincent Delmas (coauteur connu de la collection « Ils ont fait l’histoire »)
a fait choix pour ce récit biographique de Molière en trois actes ou volumes
de mettre, au-delà des critiques notamment du clergé, en valeur toute la
force intemporelle des œuvres du célèbre dramaturge. Car ce sont bien ces
travers humains dénoncés en son temps avec dérision par le génie de Molière
qui résonnent encore si bien aujourd’hui que l’on soit écolier, étudiant ou
plus âgé…
Molière est incontournable !
En ces années 1660 où le roi réside encore à Saint-Germain-en-Laye, mais
songe plus que jamais à Versailles, Molière s’impose, une posture et un
combat dont rendent parfaitement compte non seulement le scénario, mais
également les dessins de Sergio Gerasi notamment par ses portraits au trait
gras en gros plans très expressifs.
Un premier volume à ne pas rater en attendant, bien sûr, l’acte deux de la
vie de ce si célèbre et fameux Molière !
Gilles Landais |
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« Jean Gabin - L'Homme aux yeux bleus » ; Scénario
de Noël Simsolo ; Dessin de Vincenzo Bizzarri, Coll. 9 ½, 20,2 x 26,8 cm,
Éditions Glénat, 2021.
Le mythe Jean Gabin se trouve pour la première fois en France évoqué en une
BD imposante, à l’image de la carrure du célèbre comédien aux éditions
Glénat. C’est l’étonnant parcours d’Alexis Moncorgé, plus connu sous son nom
de scène Jean Gabin, que sont parvenus à saisir Noël Simsolo et Vincenzo
Bizzari dans ce récit graphique haut en couleur. Son regard singulier, sa
présence sur scène crevant l’écran, sa gouaille, mais aussi sa profonde
humanité transparaissant tout au long d’une impressionnante filmographie se
trouvent évoqués dans cette BD passionnante à la hauteur du personnage.
Le récit débute un jour de juillet 1945 à la veille du 14 et de la
célébration de la Libération. C’est l’occasion d’un flashback pour l’acteur,
sur sa participation à la guerre alors qu’il était déjà une star du grand
écran. Puis, en un retour en arrière encore plus grand, avec les années de
jeunesse auprès de parents eux-mêmes artistes, un amour vif de la campagne,
vite contrarié avec la survenue de la Première Guerre mondiale. Ces
premières années seront décisives pour le jeune homme qui débutera comme
chanteur de revue avant de participer à ses premiers rôles, le reste
relevant de la légende parfaitement rappelée par cette BD trépidante. Grâce
à un dessin épuré, aux teintes sépia et atténuées, seuls les yeux bleus de
Gabin transparaissent pour mieux souligner sa présence étonnante tout au
long de ces pages captivantes.
Jules Buissonnet
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« Don Bosco – Ami des jeunes » de Jijé ; 26.8 x
23.8 cm, 120 pages, Éditions Dupuis, 2022.
Un régal ! Nombreux seront ceux qui se réjouiront de retrouver et de
partager avec leurs enfants ou petits-enfants, cette incroyable réédition de
« Don Bosco », ce fameux prêtre italien qui enthousiasma toute une
génération.
Les éditions Dupuis ont fait le pari de rééditer aujourd’hui cet album
mythique, « Don Bosco, ami des jeunes », dans sa version initiale de 1941.
De par son année de parution sous l’occupation allemande, il ne put être
imprimé à l’époque, en raison des restrictions de papier, à plus de 150 000
exemplaires. Pourtant « Don Bosco » allait s’imposer et fut le tout premier
bestseller de Dupuis.
Et comment ne pas le comprendre !
« Don Bosco » dont nous est donné aujourd’hui l’exact facsimilé est un album
au charme suranné irrésistible. Un plaisir de lecture et de beauté inégalé.
C’est Jijé (Joseph Gillain) qui signa cet extraordinaire album biographique.
Don Bosco fut, en effet, inspiré à son auteur par un véritable personnage,
un charismatique prête italien (1815-1888) qui voua toute sa vie aux enfants
défavorisés. Publié initialement dans le « Journal de Spirou », la vie et
les valeurs de ce fameux prêtre salésien allaient marquer toute une
génération de lecteurs. Pour cette nouvelle édition a été ajoutée une
postface, un dossier exclusif bienvenu donnant aux lecteurs toutes les clés
et précisions.
On ne résiste pas !
Gilles Landais |
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« Sandman – The Dreaming » ; Scénario de Neil
Gaiman et Simon Spurrier ; Dessin, collectif ; 280 pages, Coll. DC Black
Label, Éditions Urban Comics, 2022.
Avec cet album, les nombreux aficionados de la fameuse série « Sandman » se
réjouiront de découvrir la suite de cette saga à succès. Un incroyable
premier volume d’un diptyque inédit signé du duo Neil Gaiman et Simon
Spurrier ; Incroyable, jugez-en !
Alors que le Royaume des rêves, le Songe, a été délaissé par son propre roi,
Dream, alors que ses sujets s’entredéchirent et que ses frontières sont à
feu et à sang, une menace pire encore émerge des ténèbres pour plonger le
Royaume des Rêves dans le chao et faire du Songe un royaume sombre et
sanglant…
Neil Gaiman et Simon Spurrier ont choisi, ici, de revisiter le Royaume des
rêves et d’ajouter de nouveaux personnages ; Cela donne un album onirique à
souhait, et c’est un « Sandman » différent que les lecteurs découvriront.
Car, si les lecteurs retrouveront des personnages déjà connus du monde des
Songes, notamment Lucien, Matthew, Ève ou Abel et Caïn, certains seront
cependant surpris de retrouver un Daniel rajeuni ou encore Dora. Et alors
que l’on aurait pu croire un Royaume des Songes libéré, c’est un univers
onirique des plus troublés et menacés que développe en dix chapitres ou
épisodes ce duo de choc Neil Gaiman / Simon Spurrier.
Un premier volumineux album très haut en couleur et graphisme (collectif)
dont tout lecteur attendra assurément avec impatience le second volume.
Gilles Landais |
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« La Part de l'ombre - Tome 2 - Rendre justice » ;
Scénariste : Patrice Perna ; Dessinateur : Francisco Ruizge ; Coll. 24X32,
éditions Glénat, 2021.
C’est une évocation historique bien délicate dont se sont saisis Patrice
Perna et Francisco Ruizge dans cette série historique. Ce tome 2 débute, en
effet, à Berlin en avril 1955 alors qu’un tribunal de première instance
vient de confirmer la condamnation de Maurice Bavaud qui avait tenté
d’assassiner Adolf Hitler quatorze ans plus tôt…
Véritable enquête sur un sujet méconnu, les auteurs de ce récit graphique
évoquent le combat d’un homme, Guntram Muller, souhaitant faire annuler
cette décision et faire en sorte que Bavaud soit déclaré héros national, ce
qui n’est pas une mince affaire à l’heure de la Guerre froide et des
antagonismes internationaux.
C’est tout le devoir de mémoire qui se trouve évoqué dans ces pages
passionnantes, aux teintes estompées afin de mieux faire valoir la dimension
historique du récit grâce au talent du dessinateur espagnol François Ruizgé.
Entre services secrets américains et autorités soviétiques à la veille de
renier la politique criminelle de Staline, la mission de notre enquêteur est
loin d’être aisée. Patrice Perna livre avec ce récit des planches
captivantes mettant en concurrence mémoire et présent.
Jules Buissonnet |
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« BLACK BEARD -Tome 2 – Ma mort est douce » de
Jean-Yves Delitte ; Cartonné, 24 x22 cm, 48 p., Coll. 24x32, Éditions Glénat,
2021.
Ce second volume signé Jean-Yves Delitte, en auteur complet, et retraçant un
captivant récit de piraterie dans la première partie du XVIIIe siècle était
plus que vivement attendu.
Rappelons brièvement l’histoire : Nous sommes en 1721 et dans une geôle de
la sombre prison londonienne Marshalsea, un marin crie ne pas avoir été le
complice, mais la victime, du célèbre et fameux pirate Black Beard. Mais qui
entendra son innocence ?
Ce récit de piraterie passionnant est une belle adaptation de l’ouvrage du
célèbre romancier anglais Daniel Defoe, auteur de « Robinson Crusoé ». Au
XVIIIe siècle, Defoe avait effectivement parcouru pour écrire une « Histoire
générale des plus fameux pirates » les prisons anglaises pour entendre le
récit de marins condamnés, parfois injustement…
C’est de ce roman attribué à Defoe que Jean-Yves Delitte s’est inspiré pour
ce fabuleux diptyque retraçant et nous faisant découvrir le destin de l’un
des plus célèbres pirates des mers des Caraïbes : Black Beard. Entre
histoire et fiction, le scénario construit de ce second tome offre, de
nouveau, l’occasion à Jean-Yves Delitte de donner à voir de fantastiques et
magnifiques planches avec ce soin méticuleux des détails qu’il faut saluer.
Il faut rappeler que Jean-Yves Delitte n’en est pas à son premier coup de
maître ! Auteur déjà de nombreuses et grandes fresques maritimes dont la
série « Black Crow » ou de « Les Grandes Batailles Navales » sans oublier
cette célèbre collection consacrée aux plus belles frégates.
Une nouvelle fois, avec ce diptyque « Black Beard », Jean-Yves Delitte
entraîne son lecteur dans un passionnant et haut en couleur récit de
piraterie. Un régal !
Gilles Landais
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« Love Love Love – Tome 2 – Bang Bang Shoot Shoot »
; Scénario de Kid Toussaint ; Dessin d’André Garrido ; Cartonné, 21.8 x 30
cm, 56 pages, Éditions Dupuis, 2022.
La saga futuriste « Love Love Love » se poursuit avec « Bang Bang Shoot
Shoot » dans cette société dans laquelle les robots revendiquent leur
liberté et refusent leur obsolescence programmée alors même que les humains
les ont entassés dans des quartiers-ghettos. Karel, un mecha, toujours aussi
fou amoureux d’Elie, une humaine, voit quant à lui la sienne se rapprocher,
et ce alors que le révolte sourde et qu’un mystérieux tueur sévit…
Le deuxième tome de cette trilogie signée Kid Toussaint a opté pour
continuer cette belle histoire d’amour futuriste entre un robot et une jeune
femme humaine tout en y introduisant, de nouveau, actions et suspens, mais
aussi d’incontournables interrogations. Car au- delà de cette fiction, ce
sont aussi des questions de conventions, sociales et politiques que cette
saga entend soulever. Le tout, dans un Paris futuriste avec des personnages
singuliers rendus vivants par les dessins d’André Garrido.
Que deviendront Elie et Karel dans cette société où robots et humains ne
peuvent et ne veulent coexister, et dans laquelle la révolte gronde ? Après
« Yeah Yeah Yeah » et ce tome 2 « Bang Bang Shoot Shoot », les lecteurs ne
pourront qu’attendre avec impatience « Bip Bip Yeah », le dernier tome de
cette trilogie !
Gilles Landais
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« Frankenstein – Mary Shelley » de Georges Bess ;
21.5 x 29.3 cm, 208 pages, Coll. Hors Collection, Editions Glénat, 2021.
Incontournable ! Tel est le qualificatif qui convient le mieux pour cet
album signé Georges Bess et offrant une brillante adaptation du célèbre
roman « Frankenstein » ; cette créature fantastique née au XIXe siècle sous
la plume de la romancière britannique Mary Shelley et qui demeure
aujourd’hui encore dans toutes les mémoires, au même titre que Dracula ou
encore au XXe siècle, King Kong, pour le 7e art.
« Frankenstein », c’est le délire d’un savant qui fait naître un monstre,
une « créature » innommable. Trop grande, laide aux yeux sans couleur,
rejetée par tous et avant tout par son propre créateur, elle est vouée à la
plus grande solitude et souffrance…
C’est à cet être innommable qui n’aspire pourtant qu’à aimer auquel Georges
Bess redonne vie avec maestria dans ce fabuleux volume graphique. Auteur
connu, signant récemment encore « Amens » chez Glénat, il opte, ici,
judicieusement pour un récit tout de noir et blanc. Et c’est une très belle
adaptation respectueuse du roman de Mary Shell que nous propose ainsi
l’auteur évitant bien des erreurs ou amalgames notamment celui de prêter le
nom de l’inventeur – Victor Frankenstein – à sa création, alors que celle-ci
n’est dans le roman jamais nommée que « créature » ou « monstre »…
Roman fantastique écrit précisément en 1816 dans les brumes d’hiver sur le
Léman à Genève dans la demeure de Lord Byron par Mary Godwin, devenue Mary
Shelley par son mariage avec le poète Percy Shelley.
Georges Bess, en auteur complet, a su indéniablement redonner à cet
extraordinaire récit toute sa magie et atmosphère que cela soit par
l’absence de couleur, son trait ou encore l’encrage. Le découpage et la mise
en planche pensés et travaillés fonctionnent à chaque chapitre idéalement.
Une réussite graphique qu’il faut une nouvelle fois saluer ! Rappelons que
Georges Bess avait déjà su s’imposer en 2019 avec une belle adaptation du
roman « Dracula » également aux éditions Glénat.
Gilles Landais |
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« Clovis » ; Scénariste Wyctor ; Conseiller
historique Bruno Dumézil ; Dessinateur Paolo Martinello ; Coloriste Luca
Bulgheroni ; Coll. Ils ont fait l'Histoire, 24,2 x 32,1 cm, Éditions Glénat,
2021.
Qui ne se souvient de Clovis et du fameux vase de Soissons ? Vase qui soit
dit en passant n’aurait peut-être pas été brisé, mais ceci est une autre
histoire… Avec un scénario plus que ficelé par Victor Battaggion conseillé
pour cet album par le réputé Bruno Dumézil, professeur à la Sorbonne, «
Clovis » transporte le lecteur en ce VIe siècle après J.-C., une époque
cruciale pour le royaume des Francs et la constitution d’une unité du
pouvoir après le morcellement des peuples barbares ayant succédé à la chute
de l’Empire romain.
Clovis est l’homme de la situation, lui qui sut très tôt s’appuyer sur
l’Église, seule permanence des restes de l’Empire défunt. Aussi le célèbre
baptême scelle-t-il une alliance essentielle qui ne fera qu’appuyer et
renforcer plus encore le pouvoir de ce chef guerrier que nous retrouvons
dans ces pages hautes en couleur grâce au dessin inspiré de Paolo Martinello.
Ce dernier parvient en effet dès les premières planches à restituer ce
souffle épique d’une époque troublée nécessitant constamment des batailles
rangées face aux autres peuplades barbares contestant l’autorité de Clovis.
Avec des focus impressionnants, notamment le fameux baptême, cette BD avec
ses teintes sépia et dégradés bleu-gris passionnera le lecteur épris
d’Histoire, mais aussi l’amateur d’aventures dont ces pages abondent !Jules Buissonnet |
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« Batman Mythology – La Batmobile et autres
véhicules » ; Collectif, 296 pages, Coll. DC Deluxe, Urban Comics, 2021.
La Collection « Batman Mythology » s’enrichit d’un nouveau et sixième titre
consacré à la « Batmobile et autres véhicules ». Ce nouvel et fabuleux album
revient, en effet, sur le véhicule préféré de Batman, sa fameuse « Batmobile
». Un engin tout-terrain à nul autre pareil dont le look a su évoluer au fur
à mesure des albums et années. Du banal véhicule des débuts, une Sedan
rouge, le lecteur pourra suivre, récit après récit, l’évolution non
seulement esthétique, mais aussi technologique de cette fameuse « Batmobile
», suivant en cela l’évolution de la société américaine. La Batmobile
demeure incontestablement un des emblèmes incontournables de la mythologie
du Chevalier Noir. Un emblème qui prendra toute sa force symbolique et son
nom dès 1941.
Avec pas moins de quatorze histoires, dont pour certaines inédites, le
lecteur découvrira ainsi les différents engins de combat que Batman a
utilisé dans sa lutte contre la pègre. Des histoires signées par les plus
célèbres auteurs de l’univers du Chevalier Noir, dont Steve Englehart, Scott
Snyder ou encore Chuck Dixon avec des dessins notamment de Tom Grummett, de
J.H. Williams III, Bob Kane…
Mais, ce nouvel album de la collection « Batman Mythology » revient
également sur d’autres véhicules, ceux de ses alliés : Robin et sa Redbird,
Nightwing et sa caisse sans oublier la moto de Batgirl. Des engins pas
toujours si simples à conduire…
Un sixième album de « Batman Mythology » comportant de beaux souvenirs
nostalgiques, mais aussi quelques belles surprises !
Gilles Landais
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"Conan le Cimmérien - Xuthal la Crépusculaire" ;
Scénario de Christophe Bec ; Dessin de Stevan Subic ; D'après l'œuvre de
Robert E. Howard ; 24,3 x 32 cm, 72 pages, Éditions Glénat, 2022.
Qui n’a jamais entendu parler de Conan le Barbare ? Médiatisé à l’écran sous
la musculature impressionnante du bodybuilder Arnold Schwarzenegger, cette
figure mythologique digne des péplums des années 50 appartient cependant à
une histoire plus ancienne puisqu’elle remonte à 1932, date à laquelle
l'écrivain Robert E. Howard conçut ce personnage sur 21 histoires.
Les éditions Glénat ont décidé à juste titre de faire revivre ces heures de
gloire de l’Heroïc Fantasy. Adaptant ces histoires sous la plume et le
dessin de brillants talents de la BD, cette collection offre un nouveau
volume passionnant intitulé « Xuthal la crépusculaire » mettant aux prises
notre héros à une cité effrayante soumise au dieu Thog.
Christophe Bec et Stevan Subic sont parvenus dans ce nouvel album à se
saisir de ce récit mythique de manière décomplexée et avec de sublimes
planches restituant à merveille le souffle épique de ces aventures. Entre
pénombre crépusculaire, atmosphère inquiétante des intérieurs de la cité
maudite et paysages époustouflants et sauvages traversés par nos héros, la
pleine aventure –avec un érotisme certain –a la priorité ! Une réussite à
partager au plus vite.
Jules Buissonnet
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"Alfred Hitchcock - Tome 2 - Le Maître de
l'angoisse" ; Scénariste Noël Simsolo, Dessinateur Dominique Hé ; Coll. 9 ½,
198 x 266 mm, 160 pages, Éditions Glénat, 2021.
Suite de cette passionnante aventure spécialement consacrée au grand
réalisateur anglais Alfred Hitchcock, ce deuxième tome écrit par Noël
Simsolo et dessiné par Dominique Hé porte le titre plus qu’approprié « Le
Maître de l’angoisse ». Car il est vrai, en effet, que le nom même
d’Hitchcock est depuis longtemps synonyme d’angoisse, ce sentiment sourd et
poignant qui prend la plupart du temps le spectateur à chaque long-métrage
du réalisateur. Il suffit pour s’en convaincre de prendre le fameux film «
Les oiseaux » présenté il y a plus d’un demi-siècle en 1963 au Festival de
Cannes. Le réalisateur reconnaissait alors qu’il s’agissait du film le plus
terrifiant qu’il n’ait jamais fait. C’est sur cette scène que s’ouvre ce
deuxième tome, après l’effroi suscité quelques années auparavant par «
Psychose » faisant du réalisateur « le cinéaste de la peur ». Il faut dire
que l’homme s’y entend pour ménager le suspense, bâtir progressivement une
intrigue qui enserre tout autant ses acteurs que les spectateurs en un
maillage de plus en plus étroit. C’est cette magie « Hitchcock » qu’analyse
et parvient à rendre nos deux auteurs avec une BD à l’ancienne, totalement
en noir & blanc pour notre plus grand plaisir. Les dialogues sont bien
pensés, correspondant tout à fait à l’univers hitchcockien, le dessin ciselé
de Dominique Hé venant appuyer ces études implacables de caractère. Ce roman
graphique relate avec grand art cette époque à nulle autre pareille du
cinéma hollywoodien, une histoire qui par le filtre d’un de ses
protagonistes les plus contrastés parvient à nous tenir en haleine jusqu’à
la dernière planche, passionnant !
Jules Buissonnet |
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« Largo Winch – Tome 23 – La frontière de la nuit »
; Dessins de Philippe Francq ; scénario d’Éric Giacometti ; 48 pages,
Éditions Dupuis, 2021.
C’est un thriller écologique et spatial des plus réussis que réserve ce
dernier Largo Winch !
Notre héros découvre, en effet, avec horreur que ses propres filiales
emploient des enfants. Largo Winch décide dès lors de faire évoluer le
groupe W vers une économie plus responsable, sociale et écologique. Se
tournant vers les marchés spatiaux, le milliardaire va cependant croiser
deux jeunes entrepreneurs milliardaires aux idées décapantes, Jarod et
Demetria Manskind. Mais, cette rencontre ne sera pas sans conséquences
notamment sur un fameux vol spatial…
Éric Giacometti et Philippe Francq ont opté pour ce dernier album pour un
monde en pleine évolution et ont décidé d’envoyer Largo Winch dans l’espace.
Philippe Francq avoue : « Quand on a un héros comme lui, on a envie de
l’envoyer dans des milieux extrêmes ! »
Aventure spatiale, nouvelles technologies, internet, biotech, etc., rythment
donc ce nouvel album plein d’actions et de rebondissements. Course spatiale,
courses aux minerais, on l’aura compris Winch avec ce 23e tome entre de
plain-pied dans le XXIe siècle et la nouvelle économie. Pour cela, que ce
soit Éric Giacometti au scénario ou Philippe Francq pour les dessins, notre
duo a su s’entourer et s’informer (ou presque… puisqu’ils avouent avoir
ignoré que la première mission civile a été réservée par un milliardaire
dénommé Jared !»). Philippe Francq livre ainsi des dessins réalistes soignés
et méticuleux, d’une belle précision que viennent rehausser encore les
couleurs travaillées avec Bertrand Denoulet.
Mais, notre héros, Largo Winch, sera-t-il à la hauteur de cette nouvelle
économie ; Les deux jeunes milliardaires ne le raillent-ils pas sur les
réseaux sociaux ?
On ne peut en douter, c’est un beau défi que relève Largo Winch avec ce
présent album !
Gilles Landais
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«
Les Tuniques Bleues - Tome 64 - Où est donc Arabesque ? » de Cauvin
(scénario), Lambil (dessins), Éditions Dupuis, 2021.
Que se passe-t-il lorsqu’un cavalier des célèbres Tuniques Bleues, en
l’espèce notre fameux Blutch, ne retrouve plus sa monture ? Cela donne un
64e album tout en couleurs et en nostalgie, car il s'agira du tout dernier
Tuniques Bleues écrit par Raoul Cauvin, malheureusement disparu en août
2021, après 64 albums entrés dans l'Histoire de la BD… Mais revenons à notre
intrigue servie avec inspiration par les dessins de Lambil qui s’y entend
comme pas deux pour dessiner un équidé ! « Arabesque », c’est le nom du
canasson, demeure introuvable. Notre cavalier est inconsolable, car sa
monture est des plus caractérielles, elle a notamment l’art de faire la
morte lorsqu’il s’agit de charger l’ennemi… Mais, en l’espèce, le cheval n’y
est pour rien, car une autre unité nordiste s’en est emparé et Blutch ne
décolère pas. Il décide alors de partir avec Chesterfield à sa recherche.
Sur la route, qui sera longue, les embûches ne manqueront pas, pour le plus
grand plaisir et souvent l’hilarité des lecteurs qui verseront assurément
une dernière larme au terme de cette belle aventure.
Jules Buissonnet |
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« The Kong Crew – Tome 2/3 – Hudson Megalodon » d’Eric
Hérenguel ; 24 x 32 cm, 72 pages, Éditions Ankama, 2021.
Le tome 1 du « The Kong Crew » avait réjoui bien des lecteurs en livrant une
suite du fameux King Kong. Le deuxième tome de cette trilogie était depuis
plus que vivement attendu. Intitulé « Hudson Megalodon », il offre une suite
époustouflante faite d’action et de rebondissements en rebondissements, car
ce nouvel album apporte bien des réponses aux nombreuses questions posées
par le premier volume. Notamment où sont passés Jonas et Irvin ? Betty
aura-t-elle des nouvelles de Virgil ?... Rappelons que nous sommes en 1947,
soit quatorze ans après la victoire de Kong et que Manhattan a été évacuée
et demeure zone interdite…
Éric Hérenguel, bien connu aux éditions Ankama pour avoir déjà scénarisé la
célèbre série « Wakfu », et ici, en auteur complet, a opté pour un scénario
serré très réussi réservant bien des surprises dans cette vision uchronique
et délirante de Manhattan. Les lecteurs ne pourront qu’être conquis par cet
album qui présente, en effet, bien des atouts : un scénario des plus
dynamiques appuyé par des dessins tout aussi efficaces dans une mise en
planche au rythme délibérément effréné. A cela viennent s’ajouter des
dialogues choisis et surtout un humour souvent décalé omniprésent. Le
lecteur est littéralement happé !
On ne peut qu’applaudir à cette série menée par Éric Hérenguel avec
maestria.
Gilles Landais
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« Michel Vaillant - Saison 2 - Tome 10 - Pikes Peak
» ; Benéteau - Dutreuil – Lapière, 56 pages couleur, Éditions Graton /
Dupuis, 2021.
Avec ce tome 10 de la Saison 2 « Michel Vaillant », les amateurs de la
célèbre série seront aux anges ou plutôt embarqués sur une course automobile
à nulle autre pareille ! Michel Vaillant a en effet souhaité relever un défi
des plus étonnants en s’inscrivant dans la course de côte la plus folle du
monde : la Pikes Peak Hill Climb. Comme son nom le présage, avec ce
parcours, virages et montées seront au rendez-vous avec en prime une
ascension à plus de 4 000 mètres d’altitude… Dans cette course de
l’impossible, notre héros devra également compter sur un ennemi bien connu,
Bob Cramer, pilote des Texas Drivers et qui n’entend pas lui laisser une
victoire facile.
Le scénario de Denis Lapière a de quoi tenir le lecteur en haleine. Un
lecteur qui aura peine à ne pas avoir le pied sur une pédale de frein
imaginaire. Onomatopées à profusion pour évoquer les innombrables
crissements de pneu, on s’y croirait sans peine ! Mais les frasques de
courses automobiles ne sont pas les seuls moments palpitants de ce dixième
tome, comme à l’accoutumée, derrière la course se cachent des enjeux que nos
protagonistes auront également à affronter, suspens garanti !
Jules Buissonnet
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« Le dernier Livre » de François Durpaire
(scénario) et Brice Bingono (dessin) ; Relié, 24 x 32 cm, 72 pages, Coll.
24x32, Éditions Glénat, 2021.
Sur fond de pandémie mondiale, ce fabuleux récit d’anticipation aurait pu au
premier abord paraître presque trop banal, s’il ne se glissait avec « Le
dernier livre » un bel éloge, tel un dernier cri d’espoir, du livre et de la
littérature.
Nous sommes en 2040, à Paris, les écoles, librairies et bibliothèques sont
fermées pour cause de pandémie. Avec la complicité des dirigeants
politiques, les géants du numérique ont mis fin, puis interdit purement et
simplement la production de papier. Une nouvelle société faite d’androïdes,
d’implants et de super-programmation est née. Mais, un mystère demeure :
certains enfants disparaissent sans laisser de traces…
François Durpaire, historien, écrivain et scénariste, a entendu avec cet
album alerter en franchissant un pas ou plutôt un millimètre de plus pour
nous donner à lire ce qui peut-être nous attend si nous n’y prenons garde,
la disparition pure et simple du livre et de tout support papier. Or, on
s’en doute, du moins on l’espérait, dans cette société sans livres, il y a
heureusement quelques résistants souhaitant redonner aux nouvelles
générations esprit critique et curiosité. Mais, leur entreprise est
découverte et seul un petit groupe d’enfants parvient à s’échapper…
Déjà auteur scénariste chez Glénat en 2015 de « La présidente », François
Durpaire opte ici pour un véritable thriller d’anticipation réaliste. Un
univers futur déjà en route par lequel le lecteur ne pourra qu’être bien sûr
interpelé. Un sombre monde parfaitement rendu par les dessins tout aussi
futuristes et soignés de Brice Bingono.
Mais au-delà de ce thriller d’anticipation, c’est aussi et surtout une belle
réflexion sur le livre, son histoire et le rôle de la littérature que nous
proposent François Durpaire et Brice Bingono avec « Le dernier Livre ».
Mais, les enfants échappés pourront-ils, arriveront-ils à écrire un nouveau
livre, un nouveau « premier livre » ? …
Gilles Landais |
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Buck Danny Classic – Tome 8 – Le repaire de l’aigle
» ; Scénario de Zumbiehl et Marniquet ; dessin de Le Bras ; 24 x 32 cm, 48
pages, Éditions Dupuis, 2021.
Un album Buck Danny « Classic » qui était très attendu et qui marque avec
maestria la fin de ce cycle argentin « Les aigles de l’Altiplano ». Pour ce
tome 8 de la série « Classic », « Le repaire de l’aigle », deuxième volume
du diptyque après Sea Dart, Zumbiehl et Marniquet ont en effet opté pour un
scénario des plus spectaculaires. Alors que Buck Danny et l’agent du Mossad,
Béate Akerman, sont à la recherche de Tumbler et de Sonny, ils aboutissent
dans un curieux village digne d’un tableau bavarois, mais ce pittoresque
village se révèle totalement déserté. Pourquoi ?...
Là, on ne peut que rester interloqué tant le scénario regorge de trouvailles
et surprises. Assurément, Zumbiehl et Marniquet ont pour cette fin de cycle
lâché les brides. Une technologie démentielle, un faux couple à couper le
souffle et une incroyable base secrète… Le Bras au dessin s’en donne lui
aussi à cœur joie ! Le lecteur n’est pas happé mais harponné littéralement
par ce récit haut en couleur et néanmoins informé, mêlant habilement récit
d’espionnage, fiction et Histoire.
Mais, Buck Danny, Sonny et Tumbler arriveront-ils pour autant à faire
échouer l’émergence du Quatrième Reich ?
Un volume, et par la même un diptyque de Buck Danny Classic également
disponible en coffret, offrant un réel plaisir de lecture !
Gilles Landais |
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« Batman – White Knight – Harley Quinn » ; Scénario
de Sean Murphy et Katana Collins ; dessins de Matteo Scalera ; 176 pages,
Coll. DC Black Label, Éditions Urban Comics, 2021.
Et si vous découvriez une nouvelle lecture de l’univers de Gotham ? C’est ce
que nous propose ce nouvel album « Batman – White Knight – Harley Quinn »,
troisième récit de la saga « White Knight » signé pour le scénario par Sean
Murphy en duo, ici, avec la romancière Katana Collins et Matteo Scalera pour
les dessins.
Une série de meurtres d’anciennes vedettes du cinéma conduit le GCPD et le
FBI à consulter une psychiatre spécialiste des criminels. Celle-ci n’est
autre que Harleen Quinzel devenue mère célibataire de deux enfants après la
disparition de son compagnon Jack Napier et l’incarcération de Bruce Wayne.
Mais, son passé de criminelle va ressurgir au fil de l’enquête obligeant
Harley Quinn à réapparaitre…
C’est, en effet, une lecture originale et captivante de l’Univers du
Chevalier Noir que poursuit avec ce nouvel album Sean Murphy après « Batman
White Knight » et « Batman – Curse of White Knight ». Un Sean Murphy
accompagné pour l’occasion – une première ! – de la prolifique romancière
américaine Katana Collins. Pour cela, Harley Quinn revient au centre de la
scène avec une nouvelle approche ou psychologie plus moderne. Le lecteur
découvrira ainsi comment Harleen a rencontré Jack Napier avant que celui-ci
ne devienne le Joker. Une histoire aussi émouvante qu’époustouflante,
mettant au centre du Gotham Harley Quinn, parfaitement rendue pour cet album
par Matteo Scalera. Des dessins, séduisants, attachants, très réussis sans
rupture avec les volumes précédents mais avec la griffe Matteo.
Avec ce dernier tome, c’est tout l’univers du Gotham qui se déploie ou
plutôt se redéploie à merveille. Car, Harleen pourra-t-elle reprendre son
destin en main ? Deviendra-t-elle la justicière qu’il manquait à Gotham ?
Gilles Landais |
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« DCEASED – Tome 2 » ; Scénario de Tom Taylor;
Dessin de Trevor Hairsine; 208 pages, Coll. DC Deluxe, Éditions Urban
Comics, 2021.
Suite directe de « DCEASED », ce sont Tom Taylor et Trevor Hairsine, duo de
choc, qui signent une nouvelle fois l’album de cette fabuleuse série.
Une suite qui était plus que vivement attendue et dans laquelle le lecteur
retrouvera tous les ingrédients qui ont fait le succès de « DCEASED ».
Avec ce nouveau tome, nous retrouvons nos héros DC, des héros rescapés d’une
Terre annihilée par l’équation d’Anti-Vie de Darkseid. Rappelons que des
surhommes infectés par l’Anti-Vie de Darkseid ont condamné la Terre.
Celle-ci est devenue un enfer, les infectés se dévorant les uns les autres…
Pour survivre, nos héros ont dû quitter la Terre, et se réfugier sur une
nouvelle planète, mais là, les choses se compliquent encore… Un signal
sonore leur parvient. Devront-ils revenir sur Terre, cet enfer infesté ?
Surtout, la jeune génération de justiciers – la Justice league -
saura-t-elle, pourra-t-elle redonner de l’espoir à l’humanité ?
Un « DCEASED 2 » offrant une intrigue palpitante qui ne peut que confirmer
le succès déjà incontesté de DCEASED et réservant même quelques belles
surprises !
Gilles Landais
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Erre Fabrice - Savoia : « Le fil de l'Histoire
raconté par Ariane & Nino - 1939-1945 » ; Coffret 3 volumes, BD, Éditions
Dupuis, 2021.
Professeurs et parents se plaignent souvent que leurs enfants de nos jours
ne connaissent plus l’Histoire… La série initiée aux éditions Dupuis par
Sylvain Savoia et Fabrice Erre viendra à n’en pas douter combler ces lacunes
! Intitulé justement « Le fil de l’Histoire », deux sympathiques personnages
Ariane & Nino se chargeront d’accompagner les plus jeunes (et moins jeunes)
dans les arcanes complexes de la Seconde Guerre mondiale vue du côté de la
France, de la Belgique et de l’Allemagne nazie. Autant rassurer ces jeunes
âmes, le récit est clair et limpide, les auteurs étant conscients que ces
sujets fort sérieux risquent de perdre leur lectorat. Aussi, cette BD alerte
et non dénuée d’humour traite-t-elle de sujets aussi ardus que la défense
Maginot, le fameux appel du 18 juin ou encore l’organisation de la
Résistance en France, et ce, de manière accessible et plaisante. Le récit se
trouve servi par un dessin toujours attractif, sachant capter l’attention
des jeunes lecteurs en dispensant l’essentiel et en l’éclairant par des
symboles forts grâce au talent des dessins de Sylvain Savoia. Fabrice Erre,
professeur d’Histoire-Géographie, sait également transmettre sa verve
pédagogique sous la forme de conversations à la fois brèves et marquantes
entre les deux jeunes protagonistes, rappelant les faits et évènements
majeurs de cette période tragique et déterminante pour l’Histoire du XXe
siècle.
Une initiative remarquable à encourager et une idée cadeau plus
qu’intelligente !
Jules Buissonnet |
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« Les Pharaons d'Alexandrie » de Rafaël Morales,
Micheline Pochez (couleurs), Collection : 24X32 (Glénat BD), 240 x 320 mm,
152 p. Editions Glénat, 2021.
C’est à une fascinante plongée dans le monde des pharaons à l’ère
ptolémaïque à laquelle nous convie cette somptueuse BD, un récit à la fois
historique et servi par un graphisme des plus réussis grâce à Rafael
Morales. Ce récit historique agrémenté d’une véritable histoire plonge
littéralement en effet le lecteur dans le IIIe siècle égyptien avant notre
ère, le récit débutant dans l’antique capitale religieuse de l’Égypte,
Thèbes. La beauté des paysages et la précision des détails des palais
séduiront spontanément tous les amoureux d’Histoire antique. La mise en
couleurs réalisée par Micheline Pochez ajoute à ce charme ancien
privilégiant les teintes nuancées aux couleurs trop vives.
Mais cette BD historique et réaliste a surtout le mérite d’offrir une
évocation informée de l’Égypte de l’époque ptolémaïque. Une Égypte qui n’est
plus celle des pharaons tout-puissants de l’âge classique, mais qui recèle
encore de fameux mystères. L’histoire se concentre tout d’abord sur un
personnage, Hotep, qui s’apprête à devenir Grand Prophète d’Amon. Mais cet
homme soucieux du peuple s’avèrera rapidement un critique fervent des excès
du pouvoir et de sa lourde fiscalité. Bien des menaces pèseront désormais
sur lui…
Le classicisme de cette BD soignée n’empêchera pas le lecteur de profiter de
moments inoubliables de suspens et d’aventures, l’auteur parvenant à ce
délicat équilibre d’informer tout en divertissant, et ce de la plus
esthétique manière !
Jules Buissonnet
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« 421 - L’Intégrale -Tome 2 », Éric Maltaite et
Stephen Desberg, Éditions Dupuis, 2021.
Il y a plus de quarante ans, une nouvelle série paraissait dans le Journal
de Spirou et allait être appelée à un bel avenir. Son nom = « 421 » comme le
fameux jeu de dé et matricule de Jimmy Plant, agent secret dans le style
british. Éric Maltaite et Stephen Desberg signaient alors avec « L’épave et
les millions » le premier opus de cette série qui allait offrir des
aventures palpitantes, addict à souhait pour ces récits tenant en haleine le
lecteur de la première planche à la dernière bulle !
Couleurs des années 80, actions trépidantes, le style Maltaite-Desberg fait
rapidement mouche avec son héros disciple d’un certain James Bond, le nœud
papillon en moins ! Ce deuxième tome de l’Intégrale 421 dénote un changement
certain de paradigme ainsi que le rappelle la passionnante introduction à
cette saga. « Suicides » l’une des histoires, délaisse quelque peu le style
« enfantin » pour une touche plus acerbe et contemporaine, n’hésitant
pourtant pas à avoir recours à des références littéraires tel le thème de «
Suicides » inspiré d’une nouvelle de Maupassant. À mi-chemin entre
références historiques et parodies, « 421 » rencontre rapidement un lectorat
fidèle et passionné par ces récits ayant de plus en plus recours à des faits
d’actualité. Le lecteur du XXIe siècle retrouvera ainsi avec un bonheur et
un plaisir sans bornes ce style des années 80 et 90 évoluant au fil des
années et des actualités mais toujours fidèle à un dessin infaillible, une
mise en planche inspirée et une couleur détonante qui ne laisse pas de place
à la grisaille !
Jules Buissonnet
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« Frank Lee – L’Après – Alcatraz » ; scénario
Hasteda ; DessinLudovic Chesnot; 24 x 32 cm; Label 619, 128 pages, Éditions
Ankama, 2021.
L’album « Frank Lee – L’Après – Alcatraz » signé par le duo Hasteda /
ludovic Chesnot propose une fantastique biographie imaginaire et originale,
celle d’un évadé nommé « Frank Lee Morris ». Condamné pour braquage,
incarcéré au fameux centre pénitentiaire d’Alcatraz et – précise sa fiche,
au quotient intellectuel supérieur. Or c’est de cette prison basée sur l’Île
d’Acartraz, l’une des plus sécurisées des États-Unis que Frank Lee va
pourtant dans la nuit du 11 juin 1962 réussir à s’évader avec deux
complices...
Etrangement, ni le corps de Frank Lee ni celui de ses complices ne furent
retrouvés. Présumés noyés, le FBI n’a cependant jusqu’à ce jour jamais cessé
ses recherches… Frank Lee ou l’un au moins de ses complices pourraient-ils
être encore vivants ? Mais, où et comment ?
Sur la base de ce récit imaginaire captivant, Hasteda offre, ici, un
scénario serré, bien construit conduisant de main de maître le lecteur dans
ce mystérieux et passionnant thriller. Il faut dire que Hastena n’en est pas
– loin de là, à son premier coup de maître ! Ayant rejoint le Label 619 et
la Collection Doggy Bags en 2013, il a notamment signé déjà avec Ludovic
Chesnot « Napple Squares ». Hasteda livre, ici, avec « Frank Lee – L’Après –
Alcatraz » de nouveau un récit original appuyé par les dessins et le style
graphique bien à lui de Ludovic Chesnot. Avec une mise en planche et
découpage dynamique et efficace, cet album se lit comme un roman, un
palpitant roman. Happé, le lecteur est tenu en haleine du début à la fin. Ce
récit inédit d’une incroyable évasion mérite assurément d’être découvert
avec ses carnets de croquis, ses cartes et bonus !
Gilles Landais |
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« James Cook – Tome 02 – « Aussi loin que possible
» ; Scénario de LF Bollée ; Dessins de Federico Nardo ; Cartonné, 24 x 32
cm, Coll. Explora, Editions Glénat, 2021.
Nous retrouvons avec ce second tome, la suite de la biographie du fameux
Capitaine James Cook, l’un des plus grands navigateurs et explorateurs
maritimes du XVIIIe siècle.
James Cook, Capitaine britannique de la Royal Navy, a en effet consacré
l’essentiel de sa carrière à naviguer sur les mers et océans du globe.
Excellent cartographe, ses voyages, cartes et découvertes sont demeurés
célèbres pour leur portée, notamment ceux réalisés dans l’océan Pacifique.
Son premier voyage autour du monde sur le Endeavour sera, en effet, d’un
apport considérable pour l’histoire géographique. Lors de ses autres voyages
autour du monde, Cook, reconnu de ses pairs fera le tour de la
Nouvelle-Zélande et explorera la Nouvelle-Calédonie, étudiera l’Île de
Pâques, découvrira Hawaï et s’approchera enfin de l’Antarctique. D’où le
titre parfaitement justifié de ce second tome « Aussi loin que possible ».
Ce sont ces extraordinaires et vraies expéditions maritimes ayant scandé la
carrière et la vie du célèbre Capitaine Cook qui trouvera une mort tragique
aux Îles Sandwiches (aujourd’hui Hawaï) en 1779 que les lecteurs fascinés
pourront découvrir dans ces deux formidables albums. Des explorations
rendues particulièrement vivantes et grandioses grâce aux dessins travaillés
et soignés de Federico Nardo.
LF Bolée et Nardo avec ce diptyque rendent assurément un bel et captivant
hommage à ce grand explorateur que fut James Cook. Deux volumes dignes de
cette passionnante collection – Explora dirigée par Christian Clot- chez
Glénat et consacrée aux plus grands explorateurs.
Gilles Landais |
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« Talleyrand » ;
Scénario de Marie Bardinaux-Vaïente et de Waresquiel ; dessins d’Andrea
Meloni ; 24 x 32 cm, Coll. Ils ont fait l’histoire », 56 pages, Éditions
Glénat / Fayard, 2021.
A noter sur vos tablettes, cette excellente BD historique consacrée à
Talleyrand (1775 -1838), l’un des personnages les plus controversés et
reconnus de l’histoire de France. Il est vrai que ce personnage, diplomate
hors pair, l’un des esprits les plus brillants de son temps traversa bien
des régimes, occupa les plus hautes fonctions et sut construire lui-même sa
propre légende. Appelé « l’homme aux treize serments » ou le « Diable
boiteux » en raison de son pied bot, il connut les plus grands
bouleversements ayant marqué la France durant le XVIIIe et XIXe siècle. Abbé
de Périgord, agent général du clergé, évêque d’Autun, député en 1789,
ministre en 1797 sous le Directoire, menant les affaires extérieures de la
France sous le Consulat et l’Empire, ministre sous Louis XVIII, ambassadeur
en 1830 à Londres sous Louis-Philippe.
Les auteurs, Marie Bardiaux-Vaïente et l’historien réputé Emmanuel de
Waresquiel ont opté pour un focus judicieux : celui des années 1814-1815.
Des années cruciales pour la France et l’Europe marquées par le Congrès de
Vienne et mettant en lumière bien des facettes du Prince Charles-Maurice de
Talleyrand Périgord. Des années mettant face à face également deux grands
destins : celui de Napoléon Bonaparte et Talleyrand. Retraçant en quelques
planches sa naissance, sa jeunesse, son éducation et sa formation, le
lecteur appréciera les cartes et pages historiques signées par l’historien
de Waresquiel et données à lire en fin d’album. Une rigueur de traitement
que l’on retrouve également avec plaisir dans les dessins soignés d’Andrea
Meloni.
Un bel et riche album se terminant sur le Congrès de Vienne, la paix, Louis
XVIII et un fameux souper… « Le vice appuyé sur le bras du crime » écrira
Chateaubriand dans « Les Mémoires d’outre-tombe »…
Gilles Landais |
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« Morgue pleine » de Doug Headline et Max Cabanes
d’après une adaptation du polar de J-P Manchette ; 23.7 x 31 cm, Aire Libre,
2021.
Après la belle réception tant par la critique que par le public de
l’adaptation du roman de J-P Manchette « La Princesse du sang » en 2009
(Prix Polar’Encontre 2010 pour le 1er tome), puis de Fatale en 2014 et Nada
en 2018, le duo Cabanes / Doug régale une nouvelle fois ses lecteurs avec «
Morgue pleine », de nouveau une adaptation d’un polar de Jean-Patrick
Manchette ; un polar teinté de comique offrant, ici, un superbe album
délirant et absolument captivant.
En 1975, à Paris, années seventies s’il en est, Eugène Tarpon établi en
détective privé après une bavure dans la police a décidé un soir sombre
après quelques verres de lâcher également son nouveau métier pour retourner
chez sa mère en province. Mais, au beau milieu de cette nuit mémorable, une
jeune femme en état de choc, Memphis Charles, se présente à sa porte
totalement bouleversée. Sa colocataire a été égorgée et elle pense que la
police va l’accuser. Eugène Tarpon, toujours prêt à venir en aide, va bien
sûr se porter à son secours…
On l’aura compris, Eugène Tarpon est un brave type, serviable et prêt à
aider ceux qu’il juge les plus faibles. Pris dans une avalanche
d’évènements, cela donne une enquête à couper le souffle parfaitement menée
tant par le scénario serré que par le graphisme et les couleurs de Cabanes,
ici, en duo de choc avec Doug Headline. Une maîtrise et belle adaptation de
Manchette. Mais pouvait-on en douter lorsque l’on sait que Doug Headline est
le fils de Jean-Patrick Manchette (1942-1995) ?
Les planches et dessins- entre réalisme et caricatures - travaillés, soignés
et dynamiques entraînent son lecteur à tout coup sûr dans un tourbillon et
un beau suspens.
Gilles Landais
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« Ciel sans pilote - Tome 2 - Le crépuscule des V1
», Wallace (scénario), Stephan Agosto (dessin), Ketty Formaggio (couleurs),
240 x 320 mm, 48 pages, Éditions Zéphir, 2021.
Le ciel de l’année 1944 s’assombrit plus encore entre la France et
l’Angleterre lorsque les Allemands réussirent à inventer des engins volants
sans pilote, entre bombe et avion, lancés à toute vitesse pour mettre le
régime anglais à genoux… Il en fallait cependant plus pour abattre le
courage de Churchill et de toute une nation derrière lui unie pour lutter
contre l’ennemi. C’est cette lutte de vitesse contre une menace imminente
qui forme la trame historique et bien réelle de ce second tome de « Ciel
sans pilote » sous la plume inspirée de Wallace, passionné d’aviation et
d’histoire militaire.
Dans cet album, Louise Simon, ingénieur chimiste, et Doug Hunter, un pilote
de chasse talentueux, vont unir leur force pour trouver une solution à ce
péril V1 risquant de complètement anéantir la capitale anglaise… L’objectif
était d’avoir recours à des bombardiers bourrés d’explosifs et chargés de
détruire les sites de lancement des V1 sur les côtes françaises. La première
planche donne la tonalité de cette BD au rythme effréné, avec ce
vrombissement assourdissant d’un V1 lancé à toute vitesse du nord de la
France et avec comme direction… l’Angleterre !
Les traits lacérant le ciel, les éclairs et explosions laissent une petite
idée de l’enfer vécu par les Londoniens recevant ces bombes d’un nouveau
genre. Wallace parvient dès les premières pages à tenir le lecteur en
haleine, d’autant plus que le dessin de Stephan Agosto appuie encore cette
action effrénée avec des angles et des effets graphiques impressionnants. La
couleur retenue par Ketty Formaggio ajoute à la réussite de cette aventure à
couper le souffle avec des ciels crépusculaires, des bleus de toute beauté
en une alternance à la fois tranchée et harmonieuse.
Une réussite en attendant la suite et fin de ce cycle dans le prochain tome
!Jules Buissonnet |
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« Batman : Trois jokers » ; Scénario de Geoff Johns
; dessins de Jason Fabok ; couleurs de Brad Anderson ; 176 pages, Coll. DC
Black Label, Editions Urban Comics, 2021.
C’est un évènement attendu qui vient marquer le monde du DC Comics avec la
parution chez Urban Comics de « Batman : Trois Jokers ». Un incroyable album
signé Geoff Johns et Jason Fabok revenant non seulement sur les récits les
plus plébiscités du Joker, mais offrant, aussi et surtout, une lecture
renouvelée et originale des nombreuses et multiples facettes de cet
effrayant personnage qu’est le Joker. Et si, derrière tout cela, il y avait
en vrai « Trois Jokers » ?
Car, l’album propose sous la signature de Geoff John une lecture inédite,
originale et choisie. Une approche parfaitement maîtrisée et mise en valeur
par le fabuleux graphisme de Jason Fabok, sans oublier pour les couleurs
Brad Anderson. Ainsi que le souligne Geoff John : « Je l’ai dit de
nombreuses fois mais Jay (Fabok) et moi tenions à raconter la meilleure
histoire du joker possible. Nous voulions qu’elle soit émouvante,
surprenante et sérieuse… ». Défi relevé !
Un album fétiche qui s’imposait, il faut l’avouer, tant certains récits du
Joker ont marqué les mémoires et rencontré un succès jusqu’à présent jamais
démenti. Telle la toute première rencontre du Joker avec Batman, une
rencontre mémorable remontant, eh oui !, déjà à 1940. Mais les auteurs ont
aussi retenu pour emblématiques les récits de « The Killing » ou encore d’«
Un Deuil en famille ». «Trois jokers » offre ainsi toute la force
imaginative et la puissance créatrice du DC Comics et révèle tous les
visages de la folie du Joker. Le lecteur pourra aussi découvrir une
extraordinaire galerie des différentes couvertures et visages accordés au
Joker. Ce plus vilain et effrayant des personnages, « irrécupérable » selon
Geoff John lui-même, et dont on découvre, ici, estomaqué les coulisses !
À souligner que cet album déjà présenté – à juste titre – comme culte
bénéficie parallèlement d’une belle édition limitée accompagnée d’une carte
à jouer et proposée sous trois couvertures différentes.
Un album formidablement incontournable ! Et un bel hommage pour les 80 ans
du Joker.
À vos marques, donc !
Gilles Landais
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« Surcouf - Tome 4 - Par-delà toutes les mers »,
Arnaud Delalande, Érick Surcouf, Guy Michel, Coll. 24X32, Editions Glénat BD,
2021.
Avec ce quatrième tome prend fin l’extraordinaire aventure du plus connu des
corsaires, une histoire d’autant plus véridique que le véritable descendant
du célèbre aventurier - Érick Surcouf - se trouve parmi les signataires de
cette BD haute en couleurs !
Au début du XIXe siècle, en 1801 précisément, Surcouf et son équipage
regagnent les côtes françaises après une trêve avec les Anglais. Place aux
amours et à la main demandée de Manon pour un peu de repos bien mérité… Mais
malheureusement cette accalmie sera de courte durée et l’esprit belliqueux
ayant repris, le bruit des canons et de la poudre se fait de nouveau
entendre. Le Tigre des mers devra oublier quelque peu ses aspirations au
calme et reprendre du service pour de nouvelles aventures avec le projet
d’un nouveau navire au nom redoutable « Le Revenant ».
Ce scénario de main de maître coupe littéralement le souffle, faisant
alterner périodes sur terre et navigations des plus inspirantes sur de
magnifiques gréements ! Le dessin de Guy Michel fait mouche à chaque coup,
le vent claquant sur les voiles se faisant presque entendre sur ces planches
remarquablement mises en page. Ce dernier volet parvient à accomplir cette
gageure de concurrencer les plus grands films de cape et d’épée, une
réussite à retrouver au plus vite dans cette aventure épique.
Jules Buissonnet
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« Chroniques de Roncevaux - Tome 1 - La Légende de
Roland » de Jean Luis Landa, Editions Glénat, 2021.
Qui n’a jamais frémi en entendant les terribles récits de Roncevaux, cette
épopée qui vit Charlemagne et ses armées protéger l’empire de l’Islam
conquérant ? C’est cette chronique haute en couleurs dont s’est saisi Jean
Luis Landa, un dessinateur talentueux et déjà auteur d’une BD remarquée «
Arthus Trivium ». En ces pages au fracas assourdissant, les armes et le
courage rivalisent d’ardeur lors de ces chroniques de Roncevaux. L’armée
puissante de Charlemagne est en route vers Saragosse, mais l’empereur trahi
va connaître l’un des désastres les plus retentissants de son règne. À
partir de cette trame historique et de la fameuse Chanson de Roland narrant
ces évènements, Jean Luis Landa bâtit une impressionnante fresque graphique
qui happe l’attention du lecteur dès les premières planches. Dans la
pénombre et le froid de la forêt de Teutberg, une armée affronte le froid
qui se dispute avec la mort. Mais rapidement nous quitterons ces sombres
forêts d’Allemagne pour rejoindre l’Espagne et ses terres arides. Là,
l’affrontement attend les troupes de l’empereur à la barbe fleurie, mais
aussi les trahisons. Fracas des armes, heurts des armées, violence
omniprésente composent un univers plus sombre que celui de la fameuse
Chanson de Roland. Mais la réussite est là : inviter le lecteur à un sombre
Moyen Âge captivant par l’écriture et le dessin inspiré de l’auteur de cette
BD saisissante !
Jules Buissonnet
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« Fleur de nuit – Tome 02 – Âmes au crépuscule » ;
Scénario Giovanna Furio, Dessins Marco Nizzoli ; 24 x 32 cm, 64 pages, Coll.
24x32, Éditions Glénat, 2021.
Le diptyque « Fleur de nuit » est un beau et sombre récit signé Giovanna
Furio mettant en scène trois jeunes protagonistes pendant la Seconde Guerre
mondiale en Italie : Ester, sœur jumelle de Jacopo et le timide Hans. Les
deux jeunes garçons vont en cet été 1933 vivre une histoire d’amour interdit
et passionné immortalisé par le drame théâtral écrit par Ester sous le titre
justement de « Fleur de nuit ».
Dans ce second tome, Jacopo retrouve, dix ans après, en 1943, Hans à Venise.
Mais, Hans est devenu un officier SS ayant pour mission d’anéantir une
cellule vénitienne résistante. Impitoyable, Hans entend bien de par son
pouvoir éliminer tous ceux qui pourraient connaître et rappeler son passé…
En danger, les jumeaux, Ester et Jacopo tentent de fuir en Suisse, mais ils
sont arrêtés et emmenés dans une prison dirigée par Hans. Là, attendant
d’être transférés dans un camp de concentration, pourront-ils sauver leur
vie ?
Un récit bien construit et écrit avec élégance par Giovanna Furio, auteur
déjà chez Glénat de « Cœurs Gelés ». Le lecteur y retrouvera sur fond de
second conflit mondial les pulsions des plus viles aux plus belles de l’âme
humaine. Giovanna Furio livre au travers de ces destins aux « Rêves brisés »
(Tome 01) une finesse psychologique pour chacun de ses personnages et leur
famille. Une finesse appuyée et servie par les dessins d’un réalisme très
soigné et tout aussi élégant de Marco Nizzoli. À ce titre, le sous-titre de
ce second album « Âmes au crépuscule » prend tout son sens.
Une atmosphère lourde et oppressante qui happe le lecteur et le hante à
l’image de cette tragédie écrite par Ester qui hante encore, dans cette
Venise occupée, tous les protagonistes.
Un beau et poignant récit à découvrir dans son intégralité.
Gilles Landais |
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« Télétravail – Nouveau mode d’emploi » ; Scénario
de Goupil ; Dessins de Marmou ; Cartonné, 56 pages, Éditions Vents d’Ouest,
2021.
Une BD dans l’air du temps passant au crible le télétravail et qui – enfin -
redonne le sourire !
Ne pouvant qu’être signée Jacky Goupil au scénario et Marmou pour les
dessins, chacun s’y reconnaîtra ou reconnaitra son conjoint ou l’un de ses
proches. Doit-on assortir ses chaussettes à son bas de pyjama ? Est-il plus
judicieux d’investir la salle de bain que le cagibi pour télétravailler ?
Se voulant mode d’emploi, cet album sans préjugés ni tabous envisage ce
nouveau mode de travail sous tous les angles, des plus avantageux aux plus
horripilants avec un seul variant absolu : l’humour, l’humour contre vents
et marées ! Bien sûr, cet album a été réalisé – cohérence oblige, en
télétravail, précise la quatrième de couverture.
Sourires et rires assurés, et pourquoi en ces temps maussades s’en priver ?!
Gilles Landais |
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« Harmony – Tome 7 – In fine » de Mathieu Reynès,
Coll. Tous Publics, 21.8 x 30 cm, 64 pages, Éditions Dupuis, 2021.
Harmony va-t-elle réussir finalement à l’emporter ?
Septième et dernier tome de cette fameuse série, cet album offre avec
bonheur sans aucune rupture ou usure, rebondissements, retournements et
trahissons restant ainsi dans la droite ligne d’ « Harmony » et de l’état
d’esprit de son créateur Mathieu Reynès. Le lecteur y retrouvera sa
signature avec des planches et cadrages soignés et ce style bien à lui aussi
élégant qu’efficace.
Pour cet ultime volume, c’est vers la Jordanie qu’Harmony, et ses amis,
Payne et Karl, partent espérant retrouver le tombeau de Nememtoth, le seul à
pouvoir barrer la route à son frère Azhel et à ses sombres projets. Mais,
les pouvoirs d’Hamony seront-ils suffisants pour sauver l’humanité ?
Dans cette bataille et cet ultime bras de fer entre le terrible Azhel et
Harmony, chaque minute et planche comptent.
Assurément, les aficionados de cette fameuse série regretteront de devoir
fermer ce captivant et dernier tome de cette série déjà largement
plébiscitée.
Gilles Landais
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"Pie VII - Résister à Napoléon", Philippe Thirault
(Scénariste), Thomas Verguet (Dessinateur), Bernard Lecomte (Conseiller),
Coll. Un pape dans l'Histoire, 24 x 32 cm, Éditions Glénat / Cerf, 2021.
Curieux destin que celui de Barnaba Niccolò Maria Luigi Chiaramonti, plus
connu sous le nom succinct de Pie VII. Pie VII fut le pape qui assista à
l’auto couronnement de Napoléon empereur en 1804 pour l’excommunier quelques
années plus tard ! Philippe Thirault et Thomas Verguet avec le conseiller
scientifique de cette série, Bernard Lecomte, offrent une BD remarquable qui
fera entrer le lecteur dans les arcanes de cette grande et petite Histoire…
Ce récit singulier ne manque en effet pas de rebondissements et de passions…
pas toujours catholiques. Les relations tendues entre les deux hommes, entre
l’homme d’Église et Napoléon, conduiront même à l’emprisonnement du pape
réfugié dans le château Saint-Ange à Rome et réveillé en pleine nuit par des
coups de hache portés à sa porte par les forces aux ordres de l’Empereur.
Portée par un style très réaliste, privilégiant les expressions des
différents protagonistes, cette BD allie en effet récit historique de grande
qualité et action dont cette histoire est loin d’être avare. Des premiers
pas, humbles et soumis, du jeune frère Grégoire jusqu’au conclave qui
l’élira pape Pie VII, la vie trépidante de ce pape à la fois combattant et
intègre passionnera, à n’en pas douter, les amateurs d’Histoire et de BD
bien menées !Jules Buissonnet |
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« Joker vs The Mask » ; henry Gilroy, John Arcudi,
Alan Grant, Ramon F. Bachs et Doug Mahnke ; Coll. DC deluxe, 208 pages,
Editions Urban Comics, 2021.
Lorsque le destin du Joker croise celui de The Mask, cela donne un
incroyable comics !
A l’occasion d’une soirée et d’une expédition punitive au musée de Gotham
City, le Joker et Harley Quinn trouvent une mystérieuse relique, un masque
ancien de plus de 2 000 ans. Or, ce dernier se révèle être investi des
pouvoirs démoniaques du fameux dieu farceur nordique Loki (une découverte
qui aurait assurément intrigué le célèbre et regretté historien Georges
Dumézil !). Le Joker ne peut dès lors, bien sûr, rester sans agir et user de
ces démoniaques pouvoirs…
Que de rencontres dans ce fantastique comics : rencontre des Icônes du DC
comics, le Joker, Harley Quinn, Batman et des retrouvailles ou découvertes
pour le lecteur notamment de Stanley Ipkiss et de The Mask. Assurément The
Mask a bien évolué au gré des influences et des années depuis que Mike
Richardson a créé, à la fin des années 1980, son fameux personnage Stanley
Ipkiss, incarné sous les traits de Jim Carrey. Eh oui ! Autre rencontre
encore, lorsque le dieu Loki croisera en seconde partie de l’album le
dernier Czarnien, qui n’est qu’autre que Lobo…
Le lecteur retrouvera avec bonheur en ces fabuleuses planches le style à la
fois déjanté de Doug Mahnke pour « Joker vs The Mask », et celui à nul autre
pareil de Ramon F.Bachs dans « The Mask vs Lobo ». Pouvoirs extraordinaires,
désinhibition, violence, chao et, bien sûr, humour décapant, tout est ici
réuni pour faire de cet extraordinaire « Joker vs The Mask » un splendide
crossover !
Et vous, que feriez-vous avec de tels pouvoirs ?!
Gilles Landais |
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« Madeleine, résistante » de Jean-David Morvan et
Dominique Bertail ; 23,7 x 31 cm, 128 pages, Éditions Aire libre, 2021.
C’est une très belle trilogie que nous livre J.-D. Morvan et Dominique
Bertail avec « Madeleine, résistante » chez Aire libre.
Dans ce premier tome – « La Rose dégoupillée »- Madeleine, âgée de 15 ans,
est lors de la Seconde Guerre mondiale séparée de ses parents. Atteinte de
tuberculose, elle est envoyée seule dans un sanatorium. Là, l’adolescente
décidera, malgré la maladie et les obstacles, d’entrer dans la Résistance et
prendra le nom de « Rainer » en hommage au célèbre poète Rainer Maria Rilke…
Avec cette trilogie et ce tout premier volume, c’est un beau et touchant
témoignage que le lecteur découvrira, celui-là même de Madeleine Riffaud,
née en 1924 et aujourd’hui âgée de 97ans. Une mémoire que les auteurs,
Morvan et Bertail, ont voulu porter en BD conscients que celle-ci ne devait
s’effacer. Avec plus d’une centaine d’heures d’écoute et d’enregistrement,
les talents conjugués et complémentaires des deux auteurs révèlent
l’héroïsme de Madeleine Riffaud, échappant à la mort, subissant humiliation
et atrocités. L’engagement de Madeleine que rien n’arrêtera marquera à
jamais sa vie. Plus tard, elle s’engagera également contre le colonialisme.
C’est une mémoire vivante, lucide et aiguisée qui nous est livrée en ces
pages. Madeleine Riffaud qui deviendra après la guerre grand reporter.
Poétesse et écrivain, elle sera l’amie notamment de Paul Éluard, de Picasso
ou encore de Hô Chi Minh.
Un bel et grand récit graphique qui ne saurait laisser indifférent.
Gilles Landais
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« Amen – T.02 – Kurtz, là où rêvent les nébuleuses
» de Georges Bess ; 24 x 32 cm, 64 pages, Hors Collection, Comix Buro, 2021.
Après le succès de « Ishoa ou la précession des équinoxes », premier tome de
la série « Amen », Georges Bess signe avec bonheur de nouveau, seul en
auteur complet, le second et dernier volume de cette captivante intrigue de
science-fiction. Une adaptation libre transposée dans un cadre
interplanétaire à nul autre pareil et pour laquelle l’auteur s’est inspiré
de l’œuvre « Au cœur des ténèbres » du grand romancier, d’origine polonaise
mais d’expression anglaise, Joseph Conrad.
Après que les mercenaires de l’expédition Arcadia se soient entretués, et
alors que la débâcle est inévitable, un étrange virus se répand. La
nourriture manque et plus de la moitié des hommes restants meurent sans
qu’aucune trace des deux précédentes expéditions n’ait été trouvée.
Néanmoins, Ishoa persévère, bien décidé à découvrir le secret de cette
planète Arcadia aux confins de l’univers. Suivant son instinct, il
entreprend de suivre dans les plaines désertiques d’Arcadia un mystérieux
personnage…
Pour ce deuxième tome, Georges Bess a lâché toutes les brides et confirme
son souhait d’inscrire « Amen » dans la veine de Métal Hurlant » et en
hommage aux Spaces opera. Violence, fanatismes, complots et réflexions
politico-sociales rythment de nouveau avec brio ce second volet servi de
mains de maître – tout comme le premier volume – par les dessins
époustouflants de Georges Bess. Un découpage parfait et dynamique, des gros
plans et des personnages incroyables. Le lecteur se retrouve littéralement
une nouvelle fois happé par cet extraordinaire monde et ces fantastiques
pages.
Et si le fabuleux secret de la planète Arcadia était un espoir ?
Gilles Landais
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« La Geste des Princes-Démons – Tome 02 – Malagate
le monstre ; Scénario Jean-David Morvan
; dessins Paolo Traisci ; Couleurs Fabio Marinacci ; Cartonné, 24 x 32 cm,
56 pages, Coll. 24x32, Éditions Glénat, 2021.
Régal que de découvrir avec ce deuxième tome, « Malagate le monstre », le
commencement de cette nouvelle saga « La Geste des Princes Démons » sous la
signature de Jean-David Morvan. Un fantastique récit de science-fiction
ayant pour inspiration l’adaptation du fameux et incontournable « Prince des
étoiles » de Jack Vance paru en cinq volumes de 1964 à 1981. Une
passionnante épopée spatiale sans merci.
Kirth Gersen, orphelin, a décidé de venger ses parents sauvagement
assassinés par cinq Princes-Démons. « Le Monstre », Attel Malagate, sera sa
première cible. Mais pour cela, Kirth Gersen doit avant traverser les
galaxies et vaincre bien des obstacles…
Jean-David Morvan, scénariste de BD à succès que l’on ne présente plus, a
retenu pour ce deuxième volume un scénario efficace et bien ficelé. A ses
côté, Paolo Traisci offre de nouveau pour ce tome des dessins magnifiquement
travaillés, un style entre réalisme et fiction maîtrisé et un découpage de
planches énergique réussi. Il faut dire que ce duo de choc se connaît depuis
de nombreuses années. Un duo associé, ici, comme pour le premier volume pour
les couleurs à Fabio Marinacci ; de fabuleuses couleurs tout aussi choisies
On le voit, cette première partie a bien des atouts !
Un début galaxique qui appelle indéniablement la suite de cette fantastique
saga spatiale.
Gilles Landais.
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« Corto Maltese – Océan Noir » ; Scénario de Martin
Quenehen ; Dessins de Bastien Vives d’après Hugo Pratt ; Editions Casterman,
2021.
Hugo Pratt n’est plus mais son personnage Corto Maltese reprend vie à
travers la plume de Martin Quenehen pour le scénario et retrouve son charme
nonchalant sous les traits de dessins noir et blanc, encrés noir de Bastien
Vives. Belle association de deux talents qui ne se sont pas fourvoyés en
propulsant Corto Maltese, ce pirate infatigable dans ce nouvel opus « Océan
Noir ». Dès la première planche, Corto est en mer à la poursuite d’un homme
possédant un livre qui semble être un vrai trésor… « Los commentarios reales
origen de los Yncas Roys du Peru ». Mais, que cache réellement ce livre ?
Évidemment Corto décide de prendre la tangente et de partir élucider cette
étrange énigme ayant en mémoire le mystérieux mot prononcé dans un dernier
souffle par ce japonais que Corto s’était engagé à protéger : callahuaya…
Bien sûr dans la pure tradition de ses multiples aventures, rien ne se fera
calmement, avec autant de rencontres nécessaires et surprenantes entre le
Japon et le Pérou, jusqu’à croiser le chemin de cette vieille crapule de
Raspoutine. Cent soixante-six pages et des dizaines de cases dessinées et
dialogues qui ne laissent à aucun moment l’envie de fermer cet album sans en
connaître la fin. Une fin qui laisse sous-entendre, semble-t-il, que Corto
sera de nouveau sur le pont pour un prochain opus…
Sylvie Génot Molinaro |
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« Le Manoir Shéridan – Tome 01 – La Porte de Géhenne » ; Scénario de Jacques
Lamontagne ; dessins et couleurs de Yi Ma ; Cartonné, 24 x 32 cm, Colle.
24x32, éditions Vents d’Ouest, 2021.
Nous sommes en 1922 au Québec. Daniel, petit voleur, englouti dans sa fuite
avec son traineau dans un lac gelé, échappe à la mort grâce à Angus Mac
Mahon qui l’emmène dans son manoir de Sheridan. Là, durant sa convalescence,
Daniel va découvrir une aile cachée et fermée du manoir, et la belle Edana,
la nièce d’Angus… A-t-il ouvert un monde paradisiaque ou
cauchemardesque ?...
On l’aura compris, ce premier volume d’un diptyque développe une ambiance
pesante et angoissante digne des nouvelles d’Edgar Poe. Une ambiance
fantastique parfaitement maîtrisée par Jacques Lamontagne au scénario et les
dessins de Yi Ma. Jacques Lamontagne n’en est pas à son premier album
fantastique, il est l’auteur notamment de « Lancelot », « Les Druides » ou
encore « Les Korrigans » avant son succès avec « Wild West ». Il livre, ici,
un album envoûté à l’image du « Manoir de Shéridan » isolé et des plus
inquiétants où défis, pactes, monde parallèle et créatures mystérieuses
parsèment les pages… Des pages joliment mises en planches avec les dessins
réalistes et les couleurs sombres et choisies de Yi Ma. Des planches qui
enveloppent le lecteur pour mieux le transporter dans cette ambiance
gothique aux rebondissements et étranges mystères…
Un premier tome prometteur en attendant la suite !
Gilles Landais
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« La Fille du quai » d’Alexine et Fabrice Meddour ;
Éditions Glénat, 2021.
On raconte que celui qui voit « La Fille du quai » sera frappé de
malédiction et sera lié à elle pour toujours… C’est sur cette sombre légende
qu’Alexine et Meddour ont construit leur album, un thriller fantastique fin
et captivant. Il faut dire que l’album présente bien des atouts : angoissant
et sanglant liant amour et érotisme… Rien ne semble manquer à cette histoire
mettant en scène Haurel, lui qui par malchance a vu encore enfant, un jour,
« La Fille du quai » sous son ombrelle. Haurel au destin tragique, lui
qu’elle poursuit encore aujourd’hui sensuelle et envoûtante, et que seul
Haurel peut voir ; lui, lié pour toujours à elle, jalouse et possessive,
jusqu’à ce qu’elle décide de le faire périr…
Un scénario bien construit, écrit à quatre mains par ce fabuleux duo,
Alexine / Meddour. Rappelons qu’Alexine est déjà l‘auteur de la série «
Sorcières ». Un scénario, qui plus est, ici, très joliment mis en planches
par les dessins soignés et couleurs choisies de Meddour.
« La Fille du quai » devrait rencontrer un franc succès.
Gilles Landais |
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« Le Monde sans fin » de Jean-Marc Jancovici pour
le scénario et de Christophe Blain pour les dessins ; Couv. Cartonnée,
Quadrichromie, 196 pages, Éditions Dargaud, 2021.
Un album incontournable proposant une prise de conscience et surtout une
compréhension de ce qui nous arrive et de ce qui nous attend et attend la
planète d’ici 2050, si... En ce milieu de siècle, la température pourrait,
en effet, atteindre les 50 °C… C’est en entendant ces sombres prévisions
d’un réchauffement climatique irréversible que le dessinateur Christophe
Blain a eu l’heureuse idée de ce super album réalisé à quatre mains avec le
spécialiste des énergies et du climat, Jean-Marc Jancovici, pour le
scénario. Une réussite !
Jancovici nous raconte avec autant de pédagogie que de passion le monde
d’aujourd’hui et de demain avec tous ses enjeux : l’économie, l’énergie, le
pétrole, l’écologie… Didactique, usant de métaphores et d’humour, ce dernier
nous montre à quel point nous sommes devenus dépendants de l’énergie. Il
faut dire que Jancovici connaît mieux que quiconque son sujet : Ingénieur,
diplômé de l’École Polytechnique et de l’École nationale supérieure des
télécommunications, il est aujourd’hui enseignant à l’École des mines de
Paris, préside le think tank The Shift Projet, et est l’un des fondateurs de
Carbone 4. Aussi n’est-il pas étonnant que ce dernier nous livre en ces
pages avec maîtrise, pédagogie et humour l’histoire énergétique et
climatique de notre monde.
Un monde, ici, mis en image avec le talent de Christophe Blain. Pour une
fois, le texte s’équilibre parfaitement avec les dessins. Explications,
causes et conséquences s’enchaînent dans une redoutable et efficace mise en
planche sans jamais perdre son lecteur. Et si c’est une étrange histoire que
nous raconte le duo Jancovici / Blain, celle de notre monde, celle “Du
miracle énergétique à la dérive climatique”, c’est aussi avec cette
conviction et l’espoir que chacun de nous peut encore à son niveau changer
le cours des choses.
Un duo de choc pour un très bon album à lire, relire et partager sans
modération !
Gilles Landais |
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« La Moïra – Tome 01 – La Louve et l’enfant »,
Adapté des œuvres d’Henri Loevenbruck ; scénario de Lylian ; Dessins de Raka,
Couleurs de Sébastien Bouet ; Cartonné, 24 x 32 cm, Coll. 24x32, Éditions
Glénat, 2021.
C’est une très jolie série « La Moïra » adaptée des célèbres romans fantasy
d’Henri Loevenbruck que nous proposent aujourd’hui les éditions Glénat.
Le premier volume de cette Trilogie (« La Louve et l’enfant », « La Guerre
des loups » et « La Nuit de la louve »), signé Lylian au scénario et Raka
pour les dessins plongera délicieusement le lecteur dans cette ambiance de
légendes celtiques, celle de « La Moïra », cette étrange force du destin,
capricieuse, offrant ou volant vie et fortune…
Sur l’île de Gaelia, le seigneur noir entend, afin de s’emparer du pouvoir
du puissant monarque chrétien, réduire le conseil des Druides. Mais, Aléa,
une jeune fille de la rue, trouve alors sur un cadavre une bague aux
étranges et mystérieux pouvoirs… ceux notamment qui lui feront rencontrer,
Imala, la louve blanche chassée par sa meute mais guidée par un elfe des
bois… Sauveront-elles l’île de Gaelia ?
Un univers magique merveilleusement adapté, ici, en bande dessinée avec
l’omniprésence d’une voix off tout droit sortie de la célèbre œuvre d’Henri
Loevenbruck. La griffe de Lylian, déjà auteur à succès chez Glénat avec la
fameuse aventure de « Ewilan », s’impose également pour cet album avec un
scénario laissant idéalement l’imaginaire s’exprimer. Un univers fantasy
servi par une mise en planche à la fois dynamique, large et grandiose, et
rehaussé par les dessins de Raka. Des dessins transportant le lecteur et
offrant des personnages attachants.
Un premier album soumis au pouvoir et au destin de « La Moïra » des plus
réussis !
Gilles Landais
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« Robinson à Pékin ; Journal d’un reporter en Chine
» d’Éric Meyer (Scénario) ; Dessins et couleurs d’Aude Massot ; Editions
Urban graphic, 2021.
C’est une délicieuse BD que nous propose aujourd’hui avec « Robinson à Pékin
» la collection Urban graphic. Un récit biographique passionnant conté par
le journaliste Éric Meyer et illustré avec beaucoup de talent par Aude
Massot.
Éric Meyer s’est, pour la première fois, envolé pour Pékin, le 5 septembre
1987. Pensant y rester quelques mois le temps d’un reportage, il y demeura
pourtant plusieurs années… Ce sont ses deux premières années en Chine,
années d’émerveillement, de surprises, mais aussi de déracinement que nous
relate en ces pages Éric Meyer. Il y vécut notamment, en cette année 1989, «
le printemps de Pékin ». On le voit, son acclimatation ne fut pas toujours
de tout repos, appuyés par les dessins aussi vivants que tendres d’Aude
Massot, le lecteur sourit, rit ou s’émeut avec l’auteur. Une BD offrant un
récit autobiographique graphique, un reportage à nul autre pareil sur ce
Pékin de la fin des années 80. Un album original instructif et émouvant qui
ne saurait laisser indifférent.
À découvrir au plus vite !
Gilles Landais
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« Philosophix »
d’Étienne Garcin et A. Dan, Editions Les Arènes, 2021.
Étienne Garcin spécialiste de la
philosophie romantique s’est associé aux talents de A. Dan, auteur de BD et
illustrateur pour nous livrer dix histoires sur la pensée philosophique. Le
défi n’était pas mince tant cette discipline ne se prête guère aux images en
raison des abondants concepts qui la caractérisent. Et pourtant les auteurs
de cette BD font la démonstration inverse. Ils ont su retenir dix grands
concepts passés à la postérité tels le fameux mythe de la caverne de Platon,
le bateau de Thésée, la sandale d’Empédocle, les poires d’Augustin ou encore
le roseau de Pascal pour amener le lecteur aux éléments essentiels de ces
leçons de philosophie. Le propos est clair, allant droit à l’essentiel et
épurant tout développement accessoire. Si les puristes s’inquiéteront d’une
trop grande simplification, la démarche fait mouche en familiarisant le
lecteur à ces leçons essentielles de vie et susciter par la suite la
curiosité d’aller découvrir les œuvres originales. Une réussite tant
pédagogique que graphique.
Jules Buissonnet |
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« Vague d’Amour » de François Ravard ; Préface
d’Aurélie Valognes ; Éditions Glénat, 2021.
C’est un délicieux album dédié avec humour à la Bretagne que signe François
Ravard chez Glénat, un auteur plus que salué, signant de nombreux albums
régulièrement primés. La griffe de François Glénat ? Des aquarelles pleines
de tendresse et de sourires, telle cette « Vague d’Amour » de la couverture.
L’amoureux de la Bretagne y retrouve avec plaisir ou nostalgie ses couleurs
inimitables, son climat et ses ambiances, cette poésie que François Ravard
sait si bien nous murmurer. L’humour y est distillé avec doigté, que ce soit
« La Parisienne » en villégiature, « L’Élégante » classique bretonne, nos
ados ou ces amoureux au pur clair de lune breton. On sourit devant cette
délicieuse et cocasse « Sieste malouine »…
Chaque page est un régal, une « Vague d’Amour » ou de vie ! Ainsi que le
souligne Aurélie Valognes dans sa préface : « Dans chacune de ses
aquarelles, François détricote le temps qui passe. Il raconte la vie
ordinaire, il évoque les risques existentiels, les absurdités contemporaines
et les angoisses universelles de l’humain. »
Un merveilleux album qui réjouira assurément grands et petits, à partager !
Gilles Landais |
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« Jim Hawkins – tome 3 » de Sébastien Vastra ; 24 x
32 cm, 64 p., Éditions Ankama, 2021.
A noter sur vos tablettes, la sortie de « A cros et à sang », troisième et
dernier tome de la fameuse trilogie « Jim Hawkins » chez Ankama. Les
amateurs retrouveront dans cet ultime volume tous les ingrédients ayant fait
le succès des précédents tomes. Une mise en planche dynamique et des plus
efficaces offrant un scénario serré pour déchiffrer la fameuse carte et
retrouver enfin le trésor. Une carte fort convoitée notamment par le
terrible Kong John Silver qui entend bien user de tous les moyens pour
barrer la route à Jim Hawkins… Mais sont-ils réellement les seuls sur cette
étrange île ?
Sébastien Vastra, en auteur complet, a donné avec bonheur libre cours à son
imagination pour cette trilogie inspirée librement du célèbre roman « L’Île
au trésor » de l’écrivain et grand voyageur écossais Stevenson. Une vision
subjective toute personnelle offrant au lecteur une chasse au trésor
passionnante et captivante avec ses personnages entre animaux, hommes et
monstres. Il faut dire que l’auteur avoue avoir été nourri dès sa plus
tendre enfance par les plus grands classiques en la matière, Edgar Poe,
Melville, Sherlock Holmes, Jules Vernes, Dumas et tant d’autres…
Soulignons, enfin, pour une plaisante idée cadeau que les trois volumes de
«Jim Hawkins » viennent d’être réunis en coffret en tirage limité.
Gilles Landais |
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« La dernière Ombre – Tome 01 » ; Scénario de
Denis-Pierre Filippi ; Dessins et couleurs de Gaspard Yvan ; Cartonné, 24 x
32 cm, 48 p., Coll. 24 x 32, Éditions Vents d’ouest, 2021.
C’est un très joli et passionnant album que nous proposent
avec « La dernière Ombre » Denis-Pierre Filippi et Gaspard Yvan aux éditions
Vents d’Ouest.
Durant la Première Guerre mondiale, Zvoga, ancien capitaine, envisage une
halte et un temps de repos dans un manoir pour ses soldats, les blessés, des
civils dont ses deux filles. La Baronne des lieux ne semble pas cependant
les accueillir à bras ouverts, et pour cause puisque cette dernière cache un
secret… mais il y a dans ce manoir isolé peut-être encore plus
extraordinaire…
Avec ce volume, premier d’un diptyque, Denis-Pierre signe un scénario
captivant sur les tourments et traumatismes de la guerre et sur la force de
résilience de l’imaginaire. Un thème fort qui ne déplairait pas assurément à
Boris Cyrulnik. Le lecteur plonge littéralement dans ce climat inspiré
notamment par « le labyrinthe de Pan ». Une ambiance russe enveloppante
appuyée avec merveille par les dessins, paysages et personnages de Gérard
Yvan. Des dessins très joliment travaillés et colorés, pour ce jeune
dessinateur qui signe avec « La dernière Ombre » sa première contribution BD.
Un album assurément captivant et envoutant qui réjouira bien des lecteurs en
attendant avec impatience le prochain tome.
Gilles Landais. |
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« La Prière aux étoiles - 1ère partie » ; Serge
Scotto, Eric Stoffel, Marko et Holgado ; Editions Grand Angle, 2021.
Les fans de Pagnol, cinéphiles et amateurs de beaux albums se réjouiront
assurément de découvrir, pour la première fois, le film « La Prière aux
étoiles » de Marcel Pagnol jamais sorti et adapté aujourd’hui avec bonheur
en BD.
Rappelons que durant la Seconde Guerre mondiale, face à la pression tant des
nazis que des fascistes, Marcel Pagnol vend à Gaumont ses studios et son
réseau de distribution. À la même époque, l’écrivain et scénariste détruira
également le film qu’il est en train de tourner « La Prière aux étoiles ».
C’est ce film inachevé, détruit et inconnu donc du public que les éditions
Grand Angle proposent aujourd’hui en BD. Nous devons cette belle initiative
à Serge Scotto, Éric Stoffel, Marko et Holgado. Une réussite à 16 mains !
Serge Scotto et Éric Stoffel en qualité de scénaristes n’en sont pas, il est
vrai, à leur première adaptation des œuvres de Pagnol en BD aux éditions
Grand Angle. Marko, storyboardeur, et Holgado, dessinateur, ont pour leur
part signé déjà ensemble la série « Verdun » avec Jean-Yves le Naour au
scénario.
Le film « La Prière aux étoiles » n’est pas sans rappeler la vie même de
Marcel Pagnol. Un amour tumultueux, peut-être celui qu’il vivait à l’époque
avec Josette Day. Nicolas Pagnol dans son édito souligne : « L’auteur se
livre tout entier dans ce récit…identifié par Frédéric, amour transi, trahi
et déçu, et par Dominique, créateur en proie aux doutes dans ses choix ». Ce
film détruit et perdu par Marcel lui-même marquera une période noire pour
l’écrivain et le réalisateur, ce dernier perdant en ces sombres temps
d’occupation sa compagne, ses sociétés et ce film.
Un film que les lecteurs retrouvent enfin aujourd’hui avec des dessins et
décors stylisés, épurés fonctionnant à merveille et offrant des ambiances
plus que réussies.
Assurément, un beau et inédit premier album qui ne peut qu’être salué en
attendant impatiemment la suite…Gilles Landais |
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« Nautilus - Tome 01 » ; Scénario de Mathieu
Mariolle ; Dessins de Guénaël Grabowski ; Couleurs de Denis Béchu ;
Cartonné, 24 x 32 cm, Coll. 24x32, Éditions Glénat, 2021.
A découvrir au plus vite le premier volume de cette toute nouvelle série
dénommée « Nautilus » ; Un premier tome passionnant d’un récit d’espionnage
trépidant laissant présager une série des plus prometteuses.
En 1899, sur fond de guerre d’espionnage entre l’Empire britannique et la
Russie tsariste, un paquebot anglais sur lequel se trouve, bien malgré lui,
Kimball O’Hara, un agent des services secrets britanniques, est pris pour
cible d’un attentat. Kimball O’hara est très vite désigné comme le coupable.
Pour prouver son innocence, Kim doit dès lors absolument retrouver des
documents secrets gisants dorénavant au fond de la baie dans l’épave du
paquebot. Mais, seul un homme au monde est capable de plonger aussi
profondément, Némo, et ce grâce à son super sous-marin, le Nautilus… Une
série non sans clins d’œil au célèbre ouvrage « Vingt mille lieues sous les
mers » de Jules Verne.
C’est Mathieu Mariolle, auteur notamment chez Glénat de « La voie du Sabre »
et de « Dans la paume du Diable », qui signe le scénario de ce premier
album. Un scénario sans temps morts ni répit où s’enchaînent courses
poursuites, actions et rebondissements. Rien n’est épargné au lecteur, pas
même des scènes spectaculaires ! Un récit d’espionnage des plus captivants
servi, ici, de mains de maître par les dessins de Guénaël Grabowski pour ce
premier album dessiné en solo. Une maîtrise, en effet, parfaite rendant à
merveille avec les couleurs de Denis Béchu les scènes d’action et la
complexité des protagonistes du récit.
Un premier album à ne pas laisser passer comprenant un cahier graphique
réservé à cette première édition !
« Nautilus - Tome 02 – Mobilis in mobile » ;
Scénario de Mathieu Mariolle ; Dessins de Guénaël Grabowski ; Couleurs de
Denis Béchu ; Cartonné, 24 x 32 cm, Coll. 24x32, Éditions Glénat, 2021.
Très attendu, voici le deuxième tome de « Nautilus », une série d’espionnage
des plus palpitantes !
Intitulé « Mobilis in Mobile », ce nouvel album met en scène un « nouveau »
protagoniste, un agent du gouvernement français, Jean Paillole qui n’est
autre en fait que Kimball lui-même. Celui-ci parvient enfin a libérer son
capitaine Némo de la fameuse prison russe et le Nautilus peut enfin faire
route vers la baie de Bombay afin de récupérer les fameux documents qui
innocenteront Kimball. Mais, les choses ne vont pas de soi… L’évasion de
Némo fait du bruit, Kimball est traqué et, qui plus est, l’entente entre ce
dernier et son capitaine devient de plus en plus tendue. Qui trahira l’autre
?
Signé de nouveau pour le scénario Mathieu Mariolle (auteur chez Glénat de «
La voie du Sabre » et « Dans la paume du Diable »), le lecteur retrouvera,
ici, ce rythme effréné, cette course poursuite sans merci et un quadrillage
serré sur fond d’espionnage. Des ingrédients efficaces et bien menés ayant
déjà marqué avec succès le premier volume de la série.
Le lecteur est une nouvelle fois happé et tenu en haleine par ce récit
d’espionnage haut en couleur et rebondissements. Largement inspiré de Jules
Verne, le récit permet également une nouvelle fois au dessinateur Guénaël
Grabowski de développer toute son expression avec des scènes grandioses et
de splendides fonds marins.
A noter que cet album, à l’instar du premier volume, comprend un cahier
graphique réservé à cette première édition.
Un impressionnant « Mobilis in mobile » !
Gilles Landais |
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« Ravage –Tome 3 » ; Scénario de Jean-David Morvan
; Dessins de Rey Macutay ; Couleurs de Walter ; Cartonné, 24 x 32, 48 p.,
Coll. 24 x 32, Éditions Glénat, 2021.
Beaucoup auront plaisir à retrouver en BD cette attrayante adaptation de «
Ravage », la célèbre œuvre atemporelle de l’écrivain français René Barjavel
parue en 1943. Largement saluée par la critique, Jean-David Morvan, auteur
notamment de « Sillage » ou encore de « Zaya », accompagné de Rey Macutay au
dessin signent aujourd’hui le troisième et dernier tome de cette fantastique
adaptation moderne plus que réussie.
Les lecteurs y retrouveront, suivant en cela le roman d’anticipation de
Barjavel, le naufrage d’une société suite à l’arrêt de l’électricité et des
machines et, ici, des technologies. Anéantie, l’humanité sombre alors dans
un total chaos. Société inhumaine, chacun survit comme il peut. Mais, si
François, personnage principal du roman, n’a pu hésiter à accomplir les
pires actes pour sauver les siens, ce dernier en vient cependant à se
demander si ce cataclysme ne serait pas une punition encourue par cette
société aveuglée par le progrès…
Avec un scénario choisi et serré, Jean-David Morvan laisse les protagonistes
du roman parcourir les routes constatant violence et actes sans merci, mais
aussi au fil des planches ce que le monde peut avoir gardé et peut encore
offrir de meilleur. Un scénario qui s’appuie avec bonheur sur une mise en
page dynamique et les dessins travaillés, pensés et réalistes de Macutay
sans oublier les couleurs sombres de Walter.
Bien que donnée comme une œuvre de science-fiction située par Barjavel en
2052, cette œuvre trouve aujourd’hui notamment dans cette adaptation toute
son actualité et toute sa pertinence. Soulignons cependant que René Barjavel
ne s’opposait nullement à tout progrès, mais conscient des dérives possibles
a toujours souhaité mettre en évidence ses limites, surtout en cette seconde
moitié du XXe siècle marquée par l’exode rural.
Un tome 3 qui vient clore avec brio et espoir cette adaptation de la fameuse
œuvre de Barjavel.
Gilles Landais
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« DOGGYBAGS ONE-SHOT D.O.G. »; Scénario de Mud,
Dessins et couleurs de Prozeel; 20 x 28 cm, 104 p., Coll. Label 619,
Editions Ankama, 2021.
Avec « DOGGYBAGS ONE-SHOT D.O.G. », l’incontournable Mud signe un nouveau
scénario de cette collection qui a su depuis 2018 avec ses quatre volumes
s’imposer et enthousiasmer plus d’un lecteur.
Dans ce nouvel album, nos cinq compagnons se retrouvent englués dans une
guerre civile. Pris au piège, unis par un survivalisme marqué, ces derniers
ne peuvent qu’attendre avec leurs souvenirs et passé que les choses
tournent… Un huis clos des plus oppressants.
Avec un scénario aussi trépidant que désespéré, mené tambour battant, dans
un climat oppressant à souhait sur fond de coronavirus et de survivalisme,
Mud signe et persiste – et c’est tant mieux – avec maestria dans cet esprit
rock qui le caractérise. Toujours accompagné de l’inséparable Prozeel pour
les dessins et couleurs, ce nouveau volume offre un récit sans répit à
l’image de sa dynamique mise en planches. Les portraits des protagonistes
croqués à forts traits par Prozeel demeurent incomparables d’expression et
d’une efficacité redoutable.
Bref, rien ne semble avoir été laissé au hasard pour ce cinquième volume,
action, rebondissements et retournement de situation. Les aficionados de
comics et plus particulièrement de « DOGGYBAGS » ne pourront assurément que
se régaler… Un duo Mud / Prozell qui a fait ses preuves et fonctionne, il
faut l’avouer, à merveille.
Gilles Landais
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« Batman Mythology – Bruce Wayne » ; Collectif,
Coll. DC Deluxe, 296 p., Éditions Urban comics, 2021.
Les aficionados de Batman se frottent les mains ! La toute nouvelle, mais
déjà très plébiscitée, collection « Batman Mythology » s’enrichit d’un
nouveau et troisième titre « Batman Mythology – Bruce Wayne ». Un titre des
plus prometteurs…
L’album livre en effet au lecteur les histoires relatant les secrets de la
jeunesse et de la vie privée de Bruce Wayne. Et que de découvertes ! Car
sait-on vraiment qui se cache derrière ce fameux playboy milliardaire,
mondain et philanthrope ?
Qui plus est, ce recueil anthologique dédié aux origines et à l’univers du
Chevalier Noir est signé de prestigieux et noms incontournables, tels que
Alan Grand, Roy Thomas ou encore Dick Giordano. Avec plus d’une quinzaine
d’histoires, dont certaines totalement inédites, c’est un album à la fois
passionnant et suscitant avec de belles surprises du début jusqu’à la
dernière planche une belle curiosité. Que de secrets dévoilés au gré des
récits avec toujours ces dessins et traits si réalistes qui ont fait la
réputation de Batman.
A l’évidence, une série anthologique dédiée au Chevalier Noir qui s’imposait
parallèlement à la fameuse série « Batman Arkham » consacrée pour sa part
aux principaux vilains de l’univers de Batman. Comment résister ?
Gilles Landais |
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« Ludwig et Beethoven » de Mikael Ross ; 196 pages,
Quadrichromie, Éditions Dargaud, 2021.
Mikaël Ross est l’auteur d’un album
singulier et passionnant sur le génial compositeur allemand Ludwig von
Beethoven. C’est à la jeunesse du musicien et naissance de son génie
auxquelles s’est attaché l’auteur en un récit à la fois fidèle et libre sur
certains aspects.
L’histoire débute en 1778 par quelques
planches épurées et au dessin minimaliste. Trois enfants jouent dans la
neige, l’un d’entre eux se nomme Ludwig, Luddi pour ses compagnons, déjà un
enfant prodige appelé à un grand destin… Le fil de l’histoire et de
l’Histoire est servi par un style direct et incisif, Mikaël Ross sait
bousculer les icônes et certaines irrévérences émaillent le récit pour le
plus grand plaisir du lecteur. Mais cet album parvient rapidement à
esquisser les grandes lignes de la naissance d’un génie avec la chance qui
croise son chemin et le conduira jusqu’aux premiers succès publics, la
rencontre avec le comte von Waldstein, puis le grand compositeur Joseph
Haydn.
On s’amuse et on s’instruit en tournant
les pages de ce volumineux récit graphique. Le XVIIIe siècle apparaît sous
d’autres traits que ceux habituellement livrés dans les manuels d’histoire
et surtout ces pages abondent de musiques, suggérées habilement mais
omniprésentes.
Émotions et expressivité rythment les
pages captivantes de ce bel album signé Mikaël Ross qui ne demande qu’une
chose : la suite de cette passionnante histoire !
Jules Buissonnet
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« Télémaque - Tome 4 - L'impossible retour" de Kenny
Ruiz et Kid Toussaint, BD, Éditions Dupuis, 2021.
C’est malheureusement, avec ce tome 4, la
fin de la passionnante épopée de Télémaque, le célèbre héros antique, fils
du grand guerrier Ulysse… Si l’histoire est connue avec Homère et l’Odyssée,
elle prend une autre saveur sous le trait et scénario de cette BD inspirée.
Kenny Ruiz et Kid Toussaint ont en effet associé leur art afin de faire
revivre cette grande fresque antique où guerres, aventures, mais aussi
humour alternent avec bonheur.
La quête de Télémaque relèverait presque
de la psychanalyse puisqu’il part à la recherche de son père, Ulysse, qui
peine à retrouver son royaume Ithaque et dont la célèbre épopée « L’Iliade »
narre les aventures. Mais, pour Télémaque, la grande histoire s’efface avec
un personnage un brin maladroit et quelque peu prétentieux. Le lecteur ne
devra pas s’étonner en découvrant les planches pleines de vie et de fracas
si l’évocation mythologique a quelque peu été revisitée par nos auteurs !
Les couleurs abondent pour un récit enlevé et l’action ne tarit guère avec
ce dernier opus qui lève le voile sur l’envers du décor… Mêlant à la fois
des sources avérées du grand récit homérique et une propension à la dérision
et à l’humour, « Télémaque » ravira petits et grands, une belle invitation à
découvrir l’original dans Homère !
Jules Buissonnet
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« Vei » de Sara
B. Elfgren et Karl Johnson ; 18,3 x 26 cm, 344 p., Coll. Ankama BD, Editions
Ankama, 2021.
C’est un fantastique album puisant sa toute force dans la mythologie
scandinave que nous proposent les éditions Ankama ; Un vent venu du nord
pour un volume néanmoins haut en actions et couleurs !
Vei, sauvée de la noyade, a été élevée dans le monde des Géants de Jötunheim.
Jeune femme, elle est choisie selon un rituel pour combattre l’armée des
guerriers des Ases dont le roi n’est autre qu’Odin. Vei réussira-t-elle à
vaincre et sauver ainsi son peuple ? Réussira-t-elle à s’imposer comme
championne et permettre ainsi le contrôle du monde humain, Midgard ?
Un album écrit et illustré à quatre mains par le duo Sarah B. Elfren et Karl
Johnson, auteurs déjà de « The Tales from Engelsfors » dans la série à
succès « the Circle ». Avec une mise en planches pensée et dynamique, des
pleines pages envoûtantes et des personnages plus que vivants, les auteurs
se sont emparés, ici, des célèbres et incontournables figures de la
mythologie et légendes scandinaves, dont l’intrépide Loki et le vilain Odin.
Un album qui n’aurait probablement pas déplu au renommé historien Dumézil…
On y retrouve ainsi le caractère puisant et avenant de ces belles légendes
et aventures venues du Nord campées dans un décor de l’âge de bronze aux
allures babyloniennes. Le lecteur demeure littéralement happé du début
jusqu’à la fin de ce fort volume. Dix chapitres d'actions, rebondissements,
retournements qui s’enchaînent au rythme effréné des héros et des dieux…
Un bel et haletant album qui ouvre la porte aux fantastiques légendes
scandinaves telles que les a traduites en français le regretté Régis Boyer.
Gilles Landais |
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« Carthago –
Tome 12 – Albinos » ; Scénario Christophe Bec ; Dessins de Ennio Bufi ; 24 x
32 cm, 56 p., Éditions Les Humanoïdes associés, 2021.
Ce douzième tome de Carthago – « Alibinos » - marque à regret la fin des
trépidantes aventures de Kane…
Alors que Kane est retenu et utilisé dans des spectacles aquatiques, il
demeure toujours recherché par Wolfgang Feiersinger et ses hommes. Une prime
est même promise pour sa capture. Une traque sans répits s’organise alors,
avec en prime les attaques mortelles et sans merci du fameux mégalodon
albinos, cet ancêtre préhistorique du requin.
Pour ce dernier album qui complète le tome 11, nous retrouvons toute la
force d’imagination de Christophe Bec au scénario et d’Ennio Bufi pour les
dessins. L’univers de Carthago y est plus que jamais au rendez-vous : Le
mégalodon albinos, ce prédateur des mers aux attaques mortelles; Feiersinger,
le centenaire des Carpates ; Et, bien sûr, Kane, cet hybride dont on ne
connaît pas bien les origines…
Un univers à nul autre pareil offrant une nouvelle fois au lecteur
d’incroyables courses poursuites marquées par des scènes graphiquement
impressionnantes. Avec un scénario effréné, une mise en planche comme
toujours des plus dynamiques et des dessins plus que réussis, cet album
réserve, en effet, bien des surprises… Car, Kane connaît-il, en fin de
compte, cette étrange créature qui fut, il y 12 albums, libérée
accidentellement lors d’un forage ? Que signifient ses attaques mortelles et
répétées à l’encontre du monde des hommes ?
C’est un ultime album aussi captivant que le fut le tout premier qui vient
clore avec maestria cette série des grands fonds fantastique aux accents
écologiques nommée Carthago.
Gilles Landais |
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« Peter Dillon –
L’énigme La Pérouse » de Boris Beuzelin ; Cartonné, 21.5 x 29.3 cm ; 96 p.,
Coll. Treize étrange, Éditions Glénat, 2021.
Boris Beuzelin s’est emparé de la fameuse et célèbre « Énigme La Pérouse »
pour nous offrir chez Glénat un des meilleurs albums de ce printemps.
L’énigme Lapérouse, l’une des plus mystérieuses énigmes de l’histoire des
explorations maritimes, a depuis le XVIIIe siècle marqué les mémoires et
suscité bien des interrogations. C’est en 1785 que le Comte de La Pérouse,
officier maritime et explorateur, est choisi par Louis XVI pour diriger une
exploration autour du monde. Projet audacieux, il embarque ainsi au port de
Brest avec deux frégates, l’Astrolabe et La Boussole. Mais, en 1788,
l’expédition française disparaît mystérieusement au large des Îles Santa
Cruz… Cela deviendra la fameuse énigme de la disparition de La Pérouse,
surtout lorsqu’en 1826, ayant fait escale dans la baie de Tikopia,
l’explorateur et négociant Peter Dillon (1788-1847) découvre sur la poignée
d’une épée en argent vendue par un autochtone à un de ses marins une fleur
de lys et un matricule…
L’auteur, Boris Beuzelin, est connu en qualité de dessinateur pour ses
albums à succès ; on se souvient de la série d’aventure « Le Narval » en
2010 avec Olivier Supiot ou encore de « Les Sanson et l’amateur de
souffrances » avec Patrick Mallet en 2019. Pour cet album, le dessinateur
Boris Beuzelin opère en auteur complet, et c’est un régal !
Avec un scénario ciselé et des plus serrés, il embarque et entraîne son
lecteur sur les traces de La Pérouse, l’une des plus grandes expéditions du
XVIIIe siècle, mais surtout l’un des plus grands mystères de l’histoire
maritime. L’énigme ou plus exactement les énigmes se succèdent, ici, au
rythme des dessins, des dessins au graphisme pensé offrant un cadrage
remarquable. Le lecteur demeure littéralement happé par ces visages aux
traits gras, paysages ou fonds marins et la découverte, bien sûr, par
l’explorateur et négociant Peter Dillon de L’astrolabe. Mais comment
pourrait-il en être autrement dans ce fabuleux univers de La Pérouse que
nous livre dans cet album Boris Beuzelin ?
Et si à cette époque, le mystère de l’autre frégate, La Boussole, reste
encore entière (elle le sera jusqu’aux années 1960), reste que le mystère de
La Pérouse demeure encore aujourd’hui grâce à ce fabuleux album l’un des
plus passionnants récits d’aventure !
Gilles Landais |
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« Wild West -
Tome 2 - Wild Bill »; Lamontagne - Thierry Gloris, Editions Dupuis, 2021.
Deuxième partie et suite de la sombre saga du Far West, « Wild Bill »
transportera assurément le lecteur en un monde hostile et sauvage rendu avec
un brio certain par Thierry Gloris et Jacques Lamontagne. Il faut dire que
le sujet est prestigieux avec, au premier plan, pas moins que Calamity Jane
et Will Bill réunis, une rencontre au sommet pour des as de la gâchette…
L’univers cruel et sans pitié du Far West se trouve particulièrement bien
rendu par le dessin alerte et dynamique de Jacques Lamontagne parvenant
ainsi à saisir cette force brute des éléments auquel répond la nature tout
aussi sauvage des femmes et hommes de cette époque. Les décors de l’Ouest
américain rivalisent de beauté et seul le scénario captivant de Thierry
Gloris parvient à s’en abstraire quelque peu… Car « Wild Bill » n’est pas
qu’une « belle » BD, l’histoire au cœur de cette seconde partie du premier
diptyque de cette saga tient littéralement le lecteur en haleine de la
première planche jusqu’à la dernière. Nous sommes bien loin des westerns
idéalistes des années 50, avec ce nouveau volume, dont le réalisme saisira à
coup sûr ses lecteurs !
Jules
Buissonnet |
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« Plunge » ;
Scénario de Joe Hill ; Dessins de Stuart Immonen ; Couleurs Dave Stewart ;
168 p., Coll. DC Black Label, Urban comics, 2021.
À découvrir « Plunge », un excellent thriller d’horreur largement salué par
la critique signé Joe Hill. Ce dernier, romancier, est également l’auteur de
« Locke & Key » ou encore de « Basketful of heads ».
Au milieu de l’Arctique, au large du détroit de Béring après un tsunami, un
signal de détresse par les garde-côtes. Serait-ce l’épave du Derleth, ce
navire d’exploration scientifique qui fit naufrage quarante ans plutôt alors
qu’il explorait des gisements de pétrole et étudiait de possibles formes de
vie rares ? Le capitaine Carpenter et Moriah Lamb, biologiste, sont chargés
par un investisseur privé d’explorer et de remorquer le Derleth. Mais cette
mission promet bien des frayeurs…
Avec cette plongée plus qu’effrayante, alliant fantastique et horreur, Joe
Hill s’impose assurément, de nouveau, en maître de l’horreur. Un genre qui
le fascine et dans lequel l’auteur, ici, complet, excelle et complète sa
propre collection, « Hill House Comics » au sein du DC Black Label. Loin
d’en être à son premier coup de maître, puisqu’il enchaine les succès, Joe
Hill a toujours été passionné des films d’horreur des années 80 notamment du
cinéma de John Carpenter ou encore des romans de H.P. Lovecraft. Des
influences que l’auteur revendique et qui donnent, ici, un album captivant
trouvant sa pleine puissance avec les dessins de Stuart Immonen. Des dessins
expressifs et forts, tels que nous en a habitués Stuart Immonen, rehaussés
par une mise en planche dynamique et fluide plongeant le lecteur
littéralement dans l’horreur.
Un thriller fantastique et horrifique qui dans le genre s’impose déjà en
album incontournable !
Gilles Landais.
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« Requiem Chevalier
Vampire - Tome 09 - La cité des pirates » écrit par Pat Mills et illustré
par Olivier Ledroit, Éditions Glénat, 2021.
La désormais classique série « Requiem » fait plonger littéralement ses
lecteurs dans le monde trouble et terrifiant de la DarkFantasy…
Ce neuvième opuscule de cet univers à nul autre pareil, né de l’imagination
fertile de Pat Mills et de l’inspiration artistique d’Olivier Ledroit,
oppose le royaume des vampires à la guilde des pirates en un combat sans
merci. Le héros Requiem poursuit sa lutte effrénée dans le chaos de
Résurrection, ce monde étrange où tout semble inversé, les terres comme le
temps, monde qui se permet en plus d’envoyer des missionnaires sur terre au
début des années 70…
Autant dire que dès les premières planches, l’univers fantasmagorique de
Requiem troublera plus d’un lecteur, avec cette pénombre stylisée en
d’obscurs aplats de bleu nuit d’où des rouges sang ressortent de manière
contrastée. Âmes sensibles s’abstenir car la cité des pirates n’est pas de
tout repos ! Des vampires assoiffés de sang se jettent sur leurs proies en
un récit gothique terrifiant reléguant les histoires de Dracula au titre de
contes pour enfants… Les personnages les plus hideux se disputent la
prééminence de l’horreur. Des doubles pages phénoménales rivalisent avec les
univers apocalyptiques du peintre Jérôme Bosch pour le plus grand plaisir du
lecteur.
Tous les sens sont convoqués dans cette aventure haletante, y compris le
bruit assourdissant de cette guerre cosmique et des heurts des hordes
sauvages. Une fresque impressionnante servie par un dessin étourdissant !
Jules
Buissonnet |
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« La Fortune de
Winczlav – Tome 01 – Vanko, 1848 » ; Scénario de Jean Van Hamme ; Dessins de
Philippe Berthet ; 23,7 x 31,10 cm, 56 p., Éditions Dupuis, 2021.
Et si on vous disait tout sur la fortune de Largo Winch ? C’est ce nous
propose aujourd’hui le fameux duo Van Hamme / Berthet dans cette nouvelle
trilogie « La fortune des Winczlav ». Trois tomes, trois générations d’une
saga familiale à nulle autre pareille qui nous révèlent les origines de la
fortune du fameux et si célèbre Largo Winch, entré dans la légende de la BD…
Le premier tome « Vanko – 1848 » de cette série plus que trépidante nous
emmène précisément en 1848 à Monténégro. Là, on y retrouve, un jeune médecin
qui n’est qu’autre que Vanko Winczlav. Idéaliste, ce dernier devra cependant
fuir, après avoir été donné aux soldats, pour avoir pris le parti de
l’insurrection des paysans contre le pouvoir tyrannique du prince-évêque.
Dans cette fuite effrénée, Vanko rencontrera une jeune esclave bulgare avec
laquelle il embarquera pour les Etats-Unis et qu’il épousera lors de la
traversée. S’ouvre alors pour les Winczlav un Nouveau Monde en ébullition…
Jean Van Hamme ne signe pas seulement avec le premier volume de cette
extraordinaire trilogie un fabuleux scénario, mais retrouve aussi son
célèbre héros, imaginé dès 1973, mais créé en 1977 pour six romans et repris
avec le succès que l’on sait par son créateur pour le monde de la BD en
1990. Van Hamme offre, ici, une saga familiale aussi trépidante que
fascinante révélant à la fois les origines de Largo Winch et celles de sa
fortune. Quel lecteur et amateur de ce héros hors norme ne s’est pas déjà
interrogé sur les origines de son nom et fortune ?
Accompagné ici avec brio et complicité par Philippe Berthet, on y retrouve
également la signature du dessinateur avec ces femmes qui ont fait sa
notoriété. En ces planches au découpage serré et construit, il œuvre ici en
collaboration de son épouse, Dominique David. Cela donne des dessins au
trait vif et alerte qui font vivre, avec le talent qu’on lui connaît, la
fabuleuse aventure de la famille Winczlav avec ses ancêtres et la fortune de
Largo Winch. Car, la saga familiale des Winczlav, qui deviendra Winch et aux
origines de l’empire du célèbre milliardaire humaniste, sera loin d’être un
long fleuve tranquille…
Un premier tome, plus qu’attendu, qui se dévore !
Gilles Landais |
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« Les enquêtes
de Lord Harold, douzième du nom – Tome 02 – Trois petites souris » ;
Scénario de Philippe Charlot ; dessin de Xavier Fourquemin ; Cartonné, 24 x
32, 56 p., Vents d’Ouest, 2021.
Les enquêtes de Lord Harold se poursuivent avec ce deuxième volume aussi
pétillant et enthousiaste que notre héros.
Rappelons que dans l’Angleterre Victorienne, le jeune Lord Harold, douzième
du nom, a réussi à s’octroyer une petite place au sein même du commissariat
de Blackchurch, l’un des plus bas quartiers de Londres. Il est aujourd’hui
plus que jamais déterminé à démêler l’horrible affaire du bétail noyé… Une
nouvelle enquête commence !
Philippe Charlot, opte de nouveau, pour le plus grand plaisir de ses
lecteurs, pour un scénario policier décalé, plein d’humour et de clins d'œil
dans cette Angleterre quelque peu étriquée.
Mais, notre jeune Lord arrivera-t-il à déjouer tous les obstacles qui se
dressent devant lui et à trouver la solution de l’enquête ? Que ce soit la
pègre, la Mystérieuse, plus énigmatique que jamais, ou encore les plus
hautes sphères londoniennes, personne ne semble disposé à laisser notre
jeune Lord avancer… Surtout pas, semble-t-il, « Trois petites souris »…
Les quiproquos s’enchainent au rythme effréné de cette nouvelle et
passionnante enquête servie également pour ce deuxième tome par les dessins
de Xavier Fourquemin. Un trait dynamique, des physionomies aussi expressives
que loufoques et des sauts périlleux entraînent le lecteur dans cette
nouvelle et intrépide enquête.
Une série qui ne manque pas d’atouts et d’humour, à découvrir.
Gilles Landais |
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« Ira Dei - Tome
04 - Mon nom est Tancrède" de Vincent Brugeas (Scénario), Ronan Toulhoat
(Dessin, Couleurs), 56 pages, Éditions Dargaud, 2021.
Le souffle épique souffle encore avec vigueur pour ce quatrième tome qui
clôt le cycle italien d’Ira Dei.
Le héros Tancrède est en mauvaise position. Après avoir été capturé par
Hugues, il se trouve aux mains de Guillaume de Hauteville, chef des troupes
normandes. Cherchant à réveiller son ardeur guerrière alors que sa situation
de prisonnier l’a émoussé, des combats entre prisonniers captifs sont alors
organisés. Si le danger rode une nouvelle fois, le héros pourra ainsi faire
preuve de son courage et de sa force légendaires. C’est justement cette
fameuse vaillance qui maintient en vie Tancrède qui fait l’objet de tant de
calculs de la part de ses ennemis…
Avec ce tome 4, Vincent Brugeas, historien de formation, livre un scénario
non seulement crédible, mais également passionnant pour son intrigue. « Mon
nom est Tancrède » tient en effet en haleine le lecteur pour cette quatrième
aventure remarquablement rendue par le dessin de Ronan Toulhoat, aussi
habile pour rendre le dynamisme des actions trépidantes, que pour les scènes
plus crépusculaires du héros. En une palette de couleurs très contrastées,
nous passons des superbes paysages d’extérieur aux sombres ambiances
moyenâgeuses du XIe siècle…
Après le cycle sicilien et le cycle italien, le lecteur ne pourra qu’espérer
un autre cycle de cette qualité pour le reste de l’Europe du Moyen Âge !
Jules
Buissonnet |
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« Bartleby, le
scribe », Roman graphique de Jose Luis Munuera (Scénario, Dessin), Éditions
Dargaud, 2021.
Avant même de se plonger dans la lecture de ce roman graphique adapté de la
fameuse nouvelle d’Herman Melville, « Bartleby, le scribe » se présente
comme un bel objet que l’on se surprend à caresser de la main avec sa
jaquette recouvrant la couverture cartonnée, ces couleurs du temps passé et
déjà l’admirable qualité du dessin de Jose Luis Munuera…
Promesses d’instants de plaisir, ce roman graphique s’attaque à l’un des
monuments littéraires du XXe siècle avec ce curieux et désopilant personnage
de Bartleby, bureaucrate appliqué à ses tâches du quotidien dans le quartier
de Wall Street à New York City au milieu du XIXe siècle. Clerc de notaire,
Bartleby occupe, en effet, la modeste fonction de copiste d’actes
juridiques, mais une tâche qui lui tient à cœur et qu’il accomplit avec la
plus grande attention. Une brèche s’immisce cependant un jour dans cette
belle mécanique et alors que son patron lui confie une nouvelle mission à
accomplir la fameuse phrase qui restera inexorablement associée à Bartleby
fuse : « I would prefer not », ce qui traduit en français revient à un refus
poli…
Il fallait toute la créativité de José Luis Munuera que nos lecteurs
connaissent bien pour se saisir avec talent de ce monument littéraire, sans
le dénaturer. En une succession de superbes petites miniatures, le
dessinateur parvient à créer un New York à la fois fidèle et repensé au
contexte du personnage central. Traits anguleux des visages à l’image des
gratte-ciels de la city, atmosphères studieuses qui engloutissent les
individualités, tout est posé avec finesse par José Luis Munuera qui
parvient par son scénario et son dessin à évoquer ce curieux personnage dans
toute sa complexité. Obéissance et résistance passive, collaboration et
singularité, fragilité et désespoir rythment en filigrane ce roman graphique
de grande qualité. Une réussite !
Jules Bissonnet |
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« Le Sarde » ;
Scénario de Loulou Dedola ; Dessins de Lelio Bonaccorso, Couleurs
d’Alessandro Buffa ; Cartonné, 24 x 32 cm, Éditions Glénat, 2021.
« Le Sarde », un album noir qui fait plonger son lecteur dans les arcanes
les plus sombres de la mafia calabraise et du football professionnel.
Giacomino, dit « Le Sarde », dirige à Lyon au titre de couverture un
restaurant branché. En ces lieux, Giacomino sait mieux que quiconque avec
grand art y dissimuler ses affaires criminelles internationales. Mais, si
tout semble au mieux pour lui dans ce monde, « Le Sarde » cache pourtant au
plus profond de lui une blessure inguérissable, celle de la disparition de
son frère par la mafia calabraise pour avoir signé sans en avoir référé un
contrat avec un club de football. Cependant, un jour voyant un jeune réussir
à effectuer une passe dont seul son frère avait le secret, il décide de lui
venir en aide et le fait entrer grâce à son réseau dans un centre de
formation. Mais, par cette protection, « Le Sarde » se sait maintenant
vulnérable et son jeune protégé en danger…
C’est avec un scénario extrêmement bien ficelé que Loulou Dedola fait entrer
son lecteur dans ce récit noir relatant le destin d’un malfrat pris à la
gorge entre la mafia calabraise et le football professionnel. À ses côtés,
le dessinateur Lelio Bonaccorso a su, ici, accentuer avec talent les
gouffres de ce récit par ses traits anguleux et ses personnages aux faciès
marqués, sans merci ni loi. Une ambiance de polar noir que les couleurs
sombres d’Alessandro Buffa viennent accentuer plus encore. La mise en
planche choisie et dynamique de cet album de plus de 100 pages tient le
lecteur en haleine, pris dans le tourbillon d’une vie marquée par le vice,
le crime et cet espoir de rédemption.
Mais, « Le Sarde » pourra-t-il sauver son jeune protégé et lui-même de ces
mondes implacables et sans pitié ?
Une BD des plus réussies signée du duo Dedola / Bonaccorso, auteurs ensemble
déjà de « 419 African Mafia », et de « Le Père Turc » chez Glénat.
Gilles Landais |
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« Mademoiselle
Baudelaire » de Bernard Yslaire, Éditions Dupuis, 2021.
Paris, août 1867, au cimetière Montparnasse, on enterre Baudelaire. Là où il
est maintenant, tout est-il luxe, calme et volupté ? Loin des souffrances
physiques et psychiques… Loin des tortures du monde… Qui lui manquera et à
qui va-t-il manquer… A sa mère, madame Aupick, certainement, mais surtout à
Mademoiselle Baudelaire, comme signera sa maîtresse, Jeanne, sa Vénus noire,
sa muse, au bas de la longue lettre qu’elle adresse à cette femme dans le
deuil de son unique fils. C’est là le propos de ce roman graphique, donner
la version de celle que Baudelaire a aimée et détestée, dans leurs amours
tumultueuses, dans des draps de soie comme dans la pire misère, jusque dans
la maladie où chacun a eu sa part de souffrance syphilitique et de déchéance
physique. Cette femme, Jeanne, noire, petite actrice et grande prostituée
partagera la vie de Charles au grand désespoir de sa mère comme de son
beau-père et parfois même aux critiques de ses amis.
Les dessins d’Yslaire pour cet album sont d’une grande beauté et donnent une
envolée poétique et dramatique à ce récit quand il le faut. Camaïeux de
rouges, de violets, de terre de Sienne, de gris vert selon les chapitres, on
avance dans les couleurs comme dans les dessins en suivant les marques
d’amour et de haine, inspirant littéralement la poésie, les plus beaux vers
qu’inspira Jeanne à Baudelaire. Quelle vie foutraque ils ont vécue, fuyant
sans cesse les huissiers, cherchant de l’argent, vivant en marge et sous la
tutelle du notaire Narcisse Ancelle, entourés des plus grands artistes de
l’époque qui seront réunis sur cette toile célèbre de Courbet, un de ses
proches. C’est toute cette vie que Jeanne veut faire connaître à la mère de
Baudelaire, toute cette vie de lutte entre les maux et les mots jusqu’à la
folie, jusqu’à l’horreur, jusqu’à la mort. Mademoiselle Baudelaire, c’était
comme cela que Charles appelait sa divine maîtresse puisque jamais il
n’aurait pu espérer lui faire l’honneur de l’épouser… Ce n’est pas un titre,
ce n’est pas un héritage, juste la reconnaissance de son existence dans la
vie de ce poète dont elle recopiait les vers la nuit. « Madame Aupick, à
vous je peux le dire qui me demandez qui je suis. Mais, au risque de
paraître orgueilleuse, aucun lecteur n’oubliera jamais la Vénus noire de
Charles Baudelaire, la muse immorale, damnée du plus grande des poètes
maudits. Oui, c’est moi, la belle ténébreuse, cette chère indolente, qui
marche en cadence, belle d’abandon, comme un serpent qui danse… »
Bernard Yslaire semble avoir été habité par l’esprit de Jeanne jusqu’à lui
rendre sa vérité, sans détour mais avec la grâce de son trait, il nous
subjugue dans la beauté comme dans la violence de cette liaison hors du
commun et source, deux cents ans après la naissance du poète, d’autant
d’interprétations, de commentaires, de littérature autour de son œuvre et
maintenant de cette traduction visuelle d’un dessinateur au sommet de son
art. Yslaire aurait donc rencontré Baudelaire…
Sylvie Génot Molinaro |
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« Les Dragons de
la Frontière – Tome 01 – La piste de Santa Fe » ; Scénario de Gregorio Muro
Harriet ; Dessins d’Ivan Gil ; cartonné, 24 x 32 cm, 56 p., Éditions Glénat,
2021.
À découvrir cette nouvelle et palpitante série western, « Les Dragons de la
Frontière », menée de main de maître pour ce premier tome par le duo Harriet
/Gil.
Nous sommes dans l’Ouest américain, en 1778. Une troupe de cavaliers
lanciers espagnole, les fameux dragons de Cuera, sont chargés de surveiller
la frontière nord-américaine de l’empire espagnol et d’escorter une caravane
de colons et de bétail se rendant à Santa Fe. Parmi eux, un jeune
vétérinaire, Miguel, et une religieuse, Madeleine. Mais, celle-ci est
capturée lors d’une attaque par les Apaches. Miguel ne peut que se lancer à
sa recherche sur « La piste de Santa Fe »…
C’est Gregorio Muro Harriet qui est l’auteur du scénario, un auteur apprécié
et bien connu chez Glénat, ayant déjà signé notamment avec succès « Justin
Hiriart », « La sueur du soleil » ou encore récemment « La honte et l’oubli
». Il opte, ici, pour une narration dynamique et bien ficelée, renouvelant
tout à la fois le genre western tout en conservant ses codes. Une réussite
que nombre d’amateurs ne manqueront pas d’apprécier. Rebondissements,
drames, honneur et héroïsme, rien n’a été négligé.
Un western servi, qui plus est, avec brio par les dessins d’Ivan Gil. C’est
une mise en planche pleine de mouvements et de personnages expressifs pris
dans une infernale tourmente de cavalcades dans les paysages du
Nouveau-Mexique qui attendent le lecteur.
Car, Miguel se retrouvera, en effet, pris dans une effroyable guerre entre
dragons de la Cuera, Apaches et Comanches… Un premier tome digne des
meilleurs westerns, et laissant présager un franc succès pour ces « Dragons
de la Frontière » !
Gilles Landais |
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« Spoon & White
– Road’N’Trip » de Jean et Simon Léturgie ; 48 p., Bamboo Edition, 2021.
Quel immense plaisir que de retrouver sur la grande scène de la BD, Spoon &
White, ces incroyables et pires flics newyorkais qui nous ont laissé tant de
plaisants souvenirs…
Nos deux fameux inspecteurs de la NYPD (New York City Police Departement)
ont fait choix pour ce grand retour de nous redonner à la fois leur première
enquête avec « Requiem pour Dingos » et de nous épater avec un nouvel album
« Road’N’Trip ».
Pour ce dernier, Spoon a décidé de suivre la journaliste Balconi qui entend
réaliser un reportage sur l’exploitation d’une toute nouvelle énergie, le
gaz de Shit. Il se retrouve dans la petite ville perdue de Mudtown dans le
Kentucky. Et parce que Spoon y a grandi et que sa famille y demeure encore,
ce dernier se persuade dès lors que Balconi est venue demander sa main à son
père… Une idée des plus farfelues qui le mènera comme toujours à en faire
trop et aux pires catastrophes…
Ce sont toujours Simon et Jean Léturgie (sans Yann) qui signent ce grand
retour ! Un duo des plus inspiré qui livre ici un album follement drôle et
rocambolesque n’ayant rien perdu de l’humour culte de Spoon & White. Deux
acolytes que tout oppose et offrant ce piquant loufoque qui caractérise la
série. Les deux auteurs avouent avoir un faible pour le personnage de Spoon
; « Sincère dans sa bêtise et (qui) symbolise très bien une certaine idée de
l’Amérique : enfantin et surarmé » souligne Simon Léturgie. On y retrouve
cette parodie humoristique à nulle autre pareille des films d’action qui a
fait le succès de Spoon & white, et les clins d’œil et rires ne manquent pas
!
A souligner, enfin, l’insertion pour cet album d’un supplément, un cahier
graphique toujours apprécié. Comment dès lors ne pas sourire à ce beau
retour de nos deux inspecteurs loufoques préférés « Spoon & White » !
Gilles Landais |
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« Amen – Tome 01
– Ishoa ou la précession des équinoxes » ; Scénario et dessins de Georges
Bess ; cartonné, 24 x 32 cm, 64 p., Hors Collection, Comix Buro, 2021.
C’est un captivant et bel album de science-fiction que nous livre de nouveau
en auteur complet Georges Bess avec « Amen – Ishoa ou la précession des
équinoxes », une série en deux tomes, chez Comix Buro. L’auteur s’est pour
cela inspiré de l’œuvre « Au cœur des ténèbres » du grand romancier,
d’origine polonaise mais d’expression anglaise, Joseph Conrad ; une
adaptation libre transposée ici dans un super cadre interplanétaire.
Alors que la galaxie en son ensemble est ravagée par de terribles et
interminables guerres de religion, une planète particulièrement et
étrangement – Arcadia – située aux confins de l’univers semble de par ses
mystères détenir la solution. Après déjà deux vaines expéditions
précédentes, une troisième commanditée par Sir Raleigh y est envoyée
composée de frères prêcheurs, d’anciens forçats devenus mercenaires et
d’esclaves, mutants et sherpas. Dirigée par le protégé de Sir Raleigh, Ishoa,
un Yid, elle a pour mission, outre d’enquêter sur la disparition des deux
précédentes missions, de rechercher d’éventuelles richesses minières et
surtout d’évangéliser toute forme de vie…
Avec un scénario des plus remarquables de pure science-fiction, un style
graphique à nul autre pareil tel qu’en a le secret Georges Bess, ce premier
album entraine son lecteur dans un univers inquiétant bien particulier dans
lequel se mêlent tout à la fois, complots politiques, violence sociale et
fanatisme. S’y trouvent ainsi regroupés de sanguinaires mercenaires
surarmés, un clergé fasciste et des dévots plus fanatiques que jamais. Le
lecteur ne pourra pas, bien sûr, ne pas faire quelques parallèles… Offrant
des protagonistes aux traits, visages et costumes variés et d’un extrême
raffinement, des pleines pages et paysages interplanétaires à couper le
souffle, Georges Bess a assurément mis de son côté beaucoup d’atouts pour ce
nouvel album, tel un hommage aux Space-operas. Végétation luxuriante et
oppressante, sols arides et désolés, faune sauvage et surtout folie et
suspens… C’est, en effet, un univers littéralement des plus fascinants digne
des meilleurs albums classiques de science-fiction dans lequel le lecteur
plonge et se retrouve subjugué.
Mais, la dangereuse planète maudite d’Arcadia livrera-t-elle pour autant à
Ishoa et Maki (un Mussel) ses secrets ? Pourront-ils y échapper ?
Un album excellent sous la signature de Georges Bess, et pour lequel on ne
peut qu’attendre avec impatience le tome 2 !
Gilles Landais |
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« John Tanner,
t. 2 : Le chasseur des hautes plaines de la Saskatchewan », Scénario
Christian Perrissin et dessins de Boro Pavlovic, Éditions Glénat, 2021.
Après le succès rencontré par le premier album (« John Tanner, t.1 : Le
captif du peuple des mille lacs ») déjà consacré à l’intrépide et vraie vie
de John Tanner (1780-1845), les aventuriers seront ravis de le retrouver
pour un second tome et de connaître la suite de son incroyable destin…
Au tournant du XVIIIe siècle, John Tanner, fils de pasteur américain, eut en
effet un incroyable destin puisqu’il fut enlevé par les Indiens à 9 ans et
qu’il passa plus de 30 années de sa vie auprès de ces peuples des Grands
Lacs du Nord et de la grande nation des Algonquins. Ce destin hors du commun
de John Tanner ne fut connu que grâce au docteur Edwin James qui incita fort
heureusement, John, devenu adulte et son interprète au Fort Mackinac, à lui
conter son extraordinaire vie.
Pour ce second tome, nous retrouvons Christian Perrissin pour le scénario.
Un scénario mené, ici encore, de mains de maître et qui suit fidèlement
cette passionnante histoire vraie. Dans les grandioses paysages des Grands
Lacs du Nord et hautes plaines de la Saskatchewan , paysages plus vrais que
nature, la vie et le quotidien des peuples Ojibwé, Ottawa, Cree et la vie du
John Tanner se déroulent planche après planche sous nos yeux. Un réalisme
rendu admirablement par le duo Perrissin / Boro Pavlovic, les auteurs de El
Nino.
La vie de John Tanner servie, en effet, de nouveau par les magnifiques
dessins de Boro Pavlovic happe l’imagination du lecteur du début jusqu’à la
fin. Car, malheureusement ce second tome de ce récit historique a une fin…
En effet, lorsque John eut terminé de conter ses souvenirs de chasseur des
hautes plaines de la Saskatchewan en ce fameux été 1827, Edwin James rédigea
alors un manuscrit et l’envoya à l’éditeur new-yorkais G. C. & H. Carvill…
Un extraordinaire et vrai roman d’aventure !
Gilles Landais |
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« Les As du
Pacifique – t.2 – Gunfight at the OK Corail » ; Scénario de Pierre Veys ;
Dessins d’Alberto Lingua ; Couleurs de Rémi Le Capon ; 24 x 32 cm, 48 p.,
Éditions Zéphir – Dupuis, 2021.
Quel plaisir de retrouver dans une nouvelle et palpitante aventure « Les As
du Pacifique » !
C’est, en effet, une nouvelle épopée qui commence pour nos cinq jeunes
pilotes débutants. Nous sommes en 1943, la guerre du Pacifique fait rage. Le
fameux pilote américain Faust va reprendre le combat. Mais, il n’oublie pas,
cependant, qu’il a été abattu au-dessus de la Nouvelle-Guinée alors même que
les Japonais fanatisés sont prêts à tuer toute âme vivante de pilote
américain. À ce titre, Faust devra s’affirmer, prouver qu’il est le meilleur
et le plus performant des chasseurs…
Un deuxième tome intitulé « Gunfight at the OK Corail » qui réjouira
assurément les amateurs de l’aéronautique. Avec un scénario informé et
documenté, Pierre Veys entraîne, en effet, son lecteur dans un réel combat
aérien, un combat à la vie à la mort, surtout lorsque le pilote Faust devra
affronter le meilleur pilote japonais. Une aventure pleinement aérienne à
laquelle Alberto Lingua donne par ses dessins précis et réalistes
indéniablement souffle et vie.
Avec une mise en planche pensée d’une efficacité redoutable, des vues
aériennes et de combats plus vrais que nature, sans oublier les couleurs
choisies et contrastées de Rémi Le capon, rien ne manque pour cette
extraordinaire et nouvelle aventure aéronautique. Nos cinq jeunes « As » des
airs s’envolent, évoluent en plein vol, en plein combat, tirent, piquent et
virevoltent dans une guerre du Pacifique sans répits et surtout non sans
danger…
Un deuxième album plus que réussi qui devrait rencontrer un réel succès.
Gilles Landais |
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“ Batman
Arkham – tome 2 - Poison Ivy”, Coll. DC Nemesis, 334 p., Édition Urban
Comics, 2021.
La nouvelle et captivante série de Batman Arkham convoquant les plus grands
criminels ayant eu l’audace d’affronter le chevalier noir poursuit sa
fantastique aventure avec ce nouveau volume entièrement dédié à la
redoutable et vénéneuse Poison Ivy.
Protagoniste emblématique de l’univers de Batman, Poison Ivy était une jeune
étudiante – Pamela Lillian Isley - fascinée de botanique et de toxicologie
avant que le professeur Jason Woodrue n’expérimente sur elle de dangereux
produits interdits. Engagée dès lors dans une lutte sans merci contre les
plus grands pollueurs de la planète, contre les autorités et Batman, Poison
Ivy n’aura de cesse de vouloir imposer le règne incontesté du monde des
plantes… Une lutte redoutable puisque les expérimentations du professeur
Woodrue lui ont donné de fabuleuses capacités paranormales, notamment
d’étranges « potions » d’amour ou de vérité… Manipulatrice, fantasque et
changeante, ses baisers peuvent être fatals…
Ce sont treize récits consacrés à cette redoutable Poison Ivry, « La Fleur
du mal », que le lecteur retrouvera dans ce nouveau tome, des récits plus
fascinants les uns que les autres signés des plus grands auteurs dont
notamment Neil Gaiman, Mark Buckingham, Paul Dini, mais aussi Stjepan Sejic
ou encore Guillem March.
Un extraordinaire volume haut en couleur réunissant les lois les plus
cruelles aux fruits les plus défendus de la passion tels que les envisage la
plus vénéneuse des criminels de l’univers Batman, Poison Ivy.
Gilles Landais |
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"Legio Patria
Nostra - Main de bois" - Tome 2 ; Scénariste Jean-André Yerlès, Dessinateur
Marc-Antoine Boidin, Éditions Glénat, 2021.
Avec ce deuxième tome, l’aventure de la Légion étrangère se poursuit avec
toujours autant de péripéties ! Comment aurait-il pu en être autrement avec
nos deux compères Yerlès et Boidin qui se sont saisis avec bonheur de ce
thème populaire.
Avec les 5 volumes que comptera cette nouvelle série, « Legio Patria Nostra
» convie le lecteur dans l’univers à la fois fascinant et secret de ces
hommes d’élite réputés pour leur valeur au combat à l’image des légionnaires
romains ou des soldats spartiates. Entrant par la petite porte de la grande
Histoire, c’est avec le tambour Casimir Laï, orphelin des rues, que nous
découvrons cette arme bien particulière qui gagna ses galons de bravoure
lors de la fameuse bataille de Camerone au Mexique le 30 avril 1863.
Mais avant ce sanglant épisode, le destin de Casimir passe par la fameuse
discipline de fer de la Légion dans laquelle il a décidé d’entrer aux côtés
de camarades au passé souvent douteux. Le capitaine Danjou l’a vite repéré
et souhaite lui faire oublier ses réflexes de vaurien malgré la réticence du
jeune homme. C’est ce combat entre la rigueur de l’institution qui ne
transige pas avec le code de l’honneur et les aspirations de Casimir à
retrouver son passé qui rythme ces pages aux traits incisifs comme les lames
de couteau dégainées. Action, coups de poing et romance fusent dans cette BD
dynamique, une belle manière d’évoquer les premières heures de gloire de la
Légion étrangère !
Jules Buissonnet |
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« Champignac –
Tome 2 – Le patient « A » » ; Beka et David Etien ; 240 x 320 cm, 48 p.,
Éditions Dupuis, 2021.
Les aventures du fameux Comte de Champignac continuent ! Et les aficionados
se réjouiront de découvrir dans ce nouveau tome « Le Patient A », le passé
de notre Comte dans un récit d’espionnage historique et scientifique
passionnant…
Nous sommes en mai 1941. Le Comte de Champignac et Blair McKenzie, tous deux
connus pour leurs capacités de savants surdoués, ont été recrutés par Alan
Turing afin de décrypter la machine Enigma. Nous retrouvons, ici, la fameuse
machine des nazis… À cette occasion, nos deux surdoués se rejoignent,
Champignac, toujours aussi loufoque et inventif, est tombé amoureux de la
charmante Blair, et une idylle semble se dessiner… Mais, Champignac reçoit
alors un étrange message codé. Il provient de deux scientifiques contraints
et forcés de participer au programme de recherche des nazis. Or, après
décodage, il s’agit de deux anciens amis de Champignac… L’aventure commence
!
Pour ce deuxième album, Beka (Caroline Roch, Bertrand Sabatier) et David
Etien ont opté une nouvelle fois pour un récit à la fois historique et
scientifique situé en pleine Seconde Guerre mondiale. Cela donne, toujours
sur toile de fond de cette fameuse machine nazie Enigma, une nouvelle
aventure d’espionnage aussi véridique que trépidante. Informés et
documentés, Beka et David Etien n’ont rien laissé au hasard, et surtout pas
le rythme effréné des planches et des dessins mettant en scène un Comte de
Champignac des plus inventifs et intrépides.
Car, Champignac pourra-t-il réussir à sauver ses amis dans ce voyage, non
plus en Angleterre (on se souvient chez son ami le Professeur Black), mais
maintenant à Berlin ; Un voyage risqué où il devra croiser non seulement
Göring, mais encore Wernher von Braun, grand séducteur, et surtout, un
certain « Patient A » drogué à la Pervitine ? Rien n’est moins sûr pour
Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas, Comte de Champignac…
Un nouveau récit historique et scientifique bien mené donnant une histoire
d’espionnage aussi vraie, intrépide que passionnante !
Gilles Landais |
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« USS
Constitution - Tome 2 » de Franck Bonnet, 24X32, Éditions Glénat, 2021.
Poursuivant dans ce deuxième tome la grande fresque maritime à bord de l’USS
Constitution, Franck Bonnet a plus que jamais pris le large avec ce nouvel
épisode. L’escadre américaine parvient, en effet, au port de Syracuse en
pleine guerre, celle qu’elle mène contre les Barbaresques. Le secret de
Pierre-Marie jusqu’alors bien caché vient d’être dévoilé par Powlett qui a
découvert qu’elle était en fait… une femme ! Le scélérat compte bien en
profiter alors que la flotte mène une dernière mission à Malte où
Pierre-Marie cherchera à venger le meurtre de sa mère par son oncle…
Ce qui aurait pu être une belle aventure née de l’esprit fertile de Franck
Bonnet repose en fait sur une histoire vraie d’où néanmoins le romanesque
n’est pas étranger. Mais avant tout les amoureux de la Marine seront aux
anges avec ce soin méticuleux porté par cet auteur complet à chaque détail
des navires et du matériel, son vocabulaire bien spécifique et surtout ces
admirables dessins de gréements.
L’aventure maritime souffle à plein vent sur les voiles de l’USS
Constitution. Véritables miniatures ciselées, chaque planche dessinée par
Franck Bonnet ouvre sur des horizons lointains, où le rêve se dispute à
l’aventure. Une réussite !
Jules Buissonnet |
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« Un papa, une
maman, une famille formidable (la mienne) » de Florence Cestac ; Couverture
cartonnée, Quadrichromie, 60 p., Éditions Dargaud, 2021.
Réellement réjouissant. On sourit et pouffe souvent à la lecture de ce
savoureux album signé Florence Cestac.
L’histoire nous parle de cette femme, maman de trois enfants dont l’une
n’est d’autre que l’auteur, Florence Cestac elle-même, ayant épousé tout
simplement et bien malheureusement juste avant la Seconde Guerre un vrai
tyran domestique qui n’entend bien que se faire servir… Heureusement, la
maman, bien que sans aucun travail et à la merci donc de la générosité
financière du papa, ne manque pas d’imagination et d’inventions pour arriver
à arracher pour ses enfants et elle-même de véritables instants de bonheur.
Et cela donne indéniablement « Un papa, une maman, une famille formidable
(la mienne) », ainsi que l’annonce judicieusement le titre de l’album.
Florence Cestac a su mêler pour ce tome avec beaucoup de doigté à la fois la
Grande histoire, celle de l’après-guerre et sa propre histoire. Que ce soit
en duo ou comme ici en auteur complet, Florence Cestac confirme s’il en
était encore besoin ce talent pour lequel elle a été plus d’une fois
récompensée.
L’album est une réussite de trouvailles tirées des années des Trente
Glorieuses et du début de la consommation de masse. On y retrouve ainsi avec
humour les produits phares de l’époque, du transistor à la caméra… Les clins
d’œil et l’humour de l’auteur se glissent aussi bien dans ses dialogues que
dans des dessins et ses visages. Mais, l’auteur dans ce climat familial
patriarcal tyrannique n’épargne rien, ou plutôt ne s’épargne cependant rien,
ni la dyslexie de son frère et d’elle-même considérée dans ces années parce
que non reconnue comme débilitante, ni l’amour de Florence pour ce père
misogyne et blindé à vie (on ne dira jamais assez le rôle de révélateur de
la moutarde ou vinaigre dans les salades). Florence pleurera de n’avoir de
cesse de quémander toujours et encore cet infernal amour paternel…
Rien, cependant de larmoyant, bien au contraire, car c’est bien au-delà de
cette ambiance, la joie de vivre, de la survie et de la débrouille qui
dominent et tiennent à cœur Florence Cestac. Florence Cestac aime plus que
tout sourire et faire rire son lecteur ; Une gaité qu'elle tient de sa mère
et qu’elle a souhaité, même si la réalité fut plus dure, partager en ces
planches avec son lecteur.
À ce titre, l’album est en lui-même un véritable petit bonheur de résistance
et de résilience !
Gilles Landais |
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« BUCK DANNY – Tome 58 – Le Pacte », Gil Formosa et
Frédéric Zumbiehl ; 21,8 x 30 cm, 48 p., Éditions Dupuis, 2021.
Assurément, les fans de Buck Danny seront plus que comblés par cette
nouvelle aventure « Le pacte » venant – à regret cependant – clore cette
série en trois tomes (« Vostok ne répond plus » et « Opération Vektor »),
mais marquant cependant le 58e tome de notre héros, eh oui !
Buck, Tumb et Sonny continuent de survoler le désert entre les États-Unis et
le Mexique à la recherche de Lady X et du fameux virus. Mais, alors qu’une
aide inattendue attend nos compagnons, une aide apparemment précieuse et qui
les conduira à élaborer dans la plus grande urgence un plan inimaginable des
plus spéciaux, un nouveau protagoniste envoyé par le Cercle va cependant
venir contrecarrer leur plan. Tout se complique alors pour nos héros…
Pour ce dernier volume, le duo Formasa / Zumbielh a lâché la bride de leur
imagination en livrant une nouvelle aventure totalement inédite et
survoltée. Ce ne sont que pièges, traitrises et retournement de situation.
D’intrépides vols et d’audacieuses tentatives attendent, en effet, le
lecteur, dans les paysages grandioses du désert américain jusqu’à un fameux
Ranch en plein désert du Sonora. À chaque planche, s’enchaînent alors
poursuite aérienne sur poursuite aérienne jusqu’aux plus fulgurantes…
N’oublions pas que Frédéric Zumbiehl était pilote de chasse, puis pilote
professionnel, et que Gil Formasa a signé notamment « Deux histoires
authentiques de l’aéronautique » !
Mais, Buck Danny et ses compagnons pourront-ils éviter pour autant une
pandémie et retrouver cette fameuse Lady X ou peut-être « Milady » ?!
Une nouvelle aventure que l’on referme à regret !
Gilles Landais |
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« Le Réveil du
Tigre » d’Oliver TaDuc et Serge Le Tendre ; 23.7 x 31, 136 p., Éditions Aire
Libre, 2021.
Bien qu’avec une pointe de regret, les amateurs de la célèbre série des
aventures de « Chinaman » se réjouiront cependant à la lecture de cet ultime
album tant le fameux et talentueux duo Taduc / Le Tendre y ont mis beaucoup
d’eux-mêmes. Jugez-en !
Pour ce dernier album, nous faisons un saut dans le temps et Chinaman qui
vit maintenant isolé dans la nature d’Idewild, a bien vieilli et pris pas
mal de rides. Le vieux Tigre que rien n’arrêtait est usé, cassé par la vie,
la guerre de Sécession, le bagne et les fumées d’opium… Et, pourtant, contre
toute attente, Chinaman va retrouver son fils devenu adulte, Matt Monroe,
jeune recrue de la célèbre agence de détectives privés, Les Pinkertons, et
qui enquête sur l’assassinat de l’une des filles du riche banquier Kelley et
une étrange série d’enlèvements. Ce sera, ainsi que l’annonce le titre de ce
génial album, « Le réveil du Tigre » !
Bien que notre héros Chinaman tire, ici, sa révérence dans cette ultime
aventure, il faut saluer l’énergie et la force de frappe que Serge Le Tendre
a mises une fois de plus dans ce scénario aussi brillant que palpitant. Se
souvenant que dans les précédents tomes, Chinaman avait eu un fils d’une
femme blanche dont il était tombé amoureux, c’est ce fil narratif que Serge
Le Tendre a souhaité tirer : « Mais, comme lui faire rencontrer un enfant de
10 ans aurait eu peu d’intérêt, nous avons vieilli Chinaman afin de lui
offrir un fils adulte. » précise ce dernier. Occasion, pour notre duo de
passer de la ruée vers l’or à l’or noir, d’aborder le thème du racisme
asiatique notamment entre les origines d’immigré asiatique de Chinaman et
son fils métis intégré à la société blanche, un thème qui tient à cœur
Olivier TaDuc…
Occasion surtout, de permettre « Le réveil du Tigre » ! Une renaissance, ô
combien, passionnante accentuée par les dessins sans concessions de TaDuc.
Des planches et des traits tendus à souhait, d’une belle finesse et plus
noirs que sombres offrant une progression pleinement maîtrisée. Olivier
TaDuc confie que « lorsque j’ai créé Chinaman, j’avais en tête l’acteur
Toshirô Mifune. Pour cet album j’ai donc regardé comment il avait vieilli… »
Choix plus que judicieux lorsque l’on connaît le dynamisme de l’acteur
japonais qui donne toute sa saveur à cette série et à cet album aussi
palpitant qu’incontournable !
Et pour ceux qui auraient quelques regrets de refermer cette ultime aventure
de Chinaman, soulignons que les éditions Aire Libre rééditent à l’occasion
de cette dernière parution, les trois intégrales de la série Chinaman.
Gilles Landais |
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"Palais Bourbon,
les coulisses de l'Assemblée nationale" de Kokopello (Scénario, Dessin,
Couleurs), 136 pages, Dargaud / Seuil, 2021.
Il fallait oser réaliser une BD sur le Palais Bourbon, siège de l’Assemblée
nationale, à l’heure où l’abstention aux élections prédomine… Mais
l’initiative se révèle audacieuse et féconde, car c’est justement afin de
mieux faire connaître le rôle et les taches de nos députés que Kokopello, de
son vrai nom Antoine Angé, dessinateur politique par excellence, a retenu ce
lieu symbolique. Pour nous offrir ce reportage « animé », cet esprit curieux
a entrepris un véritable travail d’enquête sur place, en suivant les députés
au jour le jour. Déambulant dans les couloirs du Palais-Bourbon, le
scénariste et dessinateur offre avec cet album atypique un témoignage
captivant pour les néophytes, grands ou petits, s’interrogeant sur ce lieu
symbolique et souvent mystérieux.
Cet album s’avère être au fil des pages un redoutable manuel du
fonctionnement de l’Assemblée nationale, l’humour en plus. Des détails aussi
précis que l’écharpe tricolore dont les nombreuses subtilités sont ici
rappelées, la fameuse buvette de l’Assemblée ou le rôle des commissions
permanentes sont rappelés de manière didactique et aisément compréhensible.
Kokopello sait plus que quiconque par son trait incisif saisir non seulement
l’âme de l’hémicycle, mais également ses nombreuses coulisses, le tout avec
humour et scènes bien croquées. Au final, le lecteur aura une connaissance
approfondie de l’une des deux chambres formant le Parlement, avec cette
impression d’en être un habitué !
Jules Buissonnet |
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« L’Homme de la
situation » de Lou Lubie ; 19,6 x 25,8 cm, 144 p., Éditions Dupuis, 2021.
Signé, Lou Lubie, « L’Homme de la situation » est un récit psychologique qui
déroute tout autant qu’il interpelle et questionne son lecteur.
Manu, instituteur 36 ans très investi dans son métier, a toujours assumé et
revendiqué son statut d’homme fort et de protecteur. Mais, un jour, sa
compagne le quitte, le laissant, là, en plan. Commence alors pour Manu une
profonde descente aux enfers, surtout lorsque son directeur lui refuse, de
surcroît, un poste au titre de la parité homme femme. Manu, « L’Homme fort
et protecteur », pourra-t-il, saura-t-il exprimer toute sa détresse et
s’avouer vulnérable ? Là, est la question, une question qui en cache bien
d’autres…
Lou Lubie, auteur déjà de « Goupi ou face » et de l’album remarqué « La
Fille dans l’écran » en 2019 avec Manon Desveaux, livre avec celui-ci un
regard sans mercis sur le rôle des hommes dans notre société. Le lecteur
comme pris au piège ne peut que reprendre souffle et questionner cette
société qui dit tourner comme elle tourne. Quelle place aujourd’hui pour les
hommes ?
Ici, Lou Lubie en auteur complet assoit son approche psychologique et
sociétale sur des planches aux découpes choisies, mettant en jeux des
personnages expressifs laissant entendre aux oreilles du lecteur ce qu’ils
crient ou aimeraient tant qu’il entende. La variété de sa palette de
couleurs vient encore accentuer cette gamme d’expressions et d’émotions sur
laquelle l’auteur joue avec tact. Lou Lubie a su dans cet album avec des
dessins épurés et des dialogues allant à l’essentiel mener son récit
psychologique, là, où elle l’entendait, et par là même son lecteur…
Car, contre toute attente, Manu désespéré va se raccrocher à une fratrie de
sept enfants en situation difficile. Celui-ci, qui se veut « L’Homme de la
situation », va alors décider de les sauver et de les sortir de leur
détresse… Mais, c’est aussi sa propre détresse et ses pires angoisses qu’il
va alors rencontrer et devoir affronter…
À découvrir !
Gilles Landais |
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"Frantz Fanon"
Frédéric CIRIEZ, Romain LAMY, roman graphique, Édition La Découverte, 2020.
Voici un sujet hors des sentiers battus dont s’est parfaitement saisi
Frédéric Ciriez accompagné de Romain Lamy pour ce roman graphique atypique.
Le nom de Frantz Fanon (1925 – 1961) est resté gravé dans les mémoires pour
ses combats anticolonialistes, notamment lors de la guerre d’Algérie. Ce
psychiatre et écrivain martiniquais rencontra notamment Jean-Paul Sartre à
Rome l’été 1961, et ce sont ces trois journées étonnantes qui ont servi de
base à ce récit graphique de Frédéric Ciriez, illustré par Romain Lamy.
Cette fabuleuse rencontre débute un vendredi, première page de ce volumineux
récit de 231 pages. L’écrivain arrive à Rome et se trouve accueilli par
Simone de Beauvoir et Claude Lanzmann… À peine dans le taxi devant les mener
à l’hôtel où Sartre les attend, les trois personnages entament une
conversation à bâtons rompus sur l’état de la lutte pour l’indépendance
algérienne, une drôle d’arrivée dans la Ville Éternelle ! Les premiers
débats sont vifs et témoignent de l’admiration réciproque des protagonistes
qui ne se font cependant aucune concession. Fanon se remettant difficilement
d’un grave accident en Algérie alors qu’il organisait la lutte de l’armée de
libération nationale sait qu’il a besoin de la gauche française tout en
étant bien conscient des réticences de cette dernière à s’engager dans ce
combat…
Ces trois jours seront dès lors l’occasion non seulement d’évoquer le
parcours atypique de Frantz Fanon, mais aussi d’approfondir les notions
d’engagement et de luttes sur fond de différences culturelles. Le style est
incisif, le récit dynamique, porté par les dessins inspirés de Romain Lamy
aux silhouettes épurées et lavis colorés. Une réussite !
Jules Buissonnet |
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« Le Roi de
paille – Tome 02 – Le Couronnement de la reine morte » de Isabelle Dethan ;
Couverture cartonnée, Quadrichromie, 56 p., Éditions Dargaud, 2021.
A noter sur vos tablettes la sortie très attendue du tome 02 du « Roi de
Paille », un album qui vient clore le diptyque commencé avec « La fille de
Pharaon ».
Sennedjem, le frère de Neith, a été choisi pour protéger le roi de Babylone
et attirer sur lui la malédiction divine, incarnant ainsi un « Roi de paille
». Neith, qui a fui l’Égypte pour échapper à son père, le pharaon, a été
vendue tout comme Sennedjem au souverain babylonien. Mais, des astres
favorables semblent vouloir les aider. Amel, le fils du roi de Babylone,
voulant échapper à un mariage arrangé s’enfuit dans le désert du Sinaï et
dans sa fuite emmène avec lui Neith et Sennedjem, mais quel sera cependant
leur destin ?
Si Isabelle Dethan a, de nouveau, adopté pour ce nouvel album pour un
scénario géopolitique informé, entraînant le lecteur, de l’Égypte à la
Mésopotamie, dans le monde impitoyable des deux empires les plus puissants
de l’antiquité, cette dernière a également souhaité laisser toute leur place
et respiration aux personnages. Des personnages expressifs et vivants,
certes, plein d’illusions face au pouvoir et superstitions, mais aussi de
rêves et d’espoir… cela donne une grande épopée tenant le lecteur en haleine
du début jusqu’à la fin tant les péripéties ne cessent de s’enchainer…
En effet, lorsqu’Amel découvre que son père a fait tuer la femme qu’il aime,
ce dernier décide de lui déclarer la guerre. Mais, Sennedjem, « Roi de
paille » du Roi de Babylone, attirant sur lui la malédiction divine,
pourra-t-il l’accompagner sans devenir le propre « Roi de paille » d’Amel
?...
Une belle et grande épopée rendue superbement par les dessins et couleurs
d’Isabelle Dethan. Des aquarelles offrant toute la beauté et la lumière de
ces anciennes civilisations fondatrices qui nous ont toujours fait rêver…
Gilles Landais |
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« Requiem – Tome
08 – La Reine des âmes mortes » ; Scénario de Pat Mills ; Dessins et
couleurs d’Olivier Ledroit ; Cartonné, 24 x 32 cm, Coll. 24 x 32, Éditions
Glénat, 2021.
Ce nouveau tome de la série culte « Requiem » devrait ravir plus d’un
amateur tant l’intrigue tient, une fois de plus, son lecteur en haleine.
Alors que la panique se répand après l’attaque du couvent de sang, Requiem,
en effet, se rend dans le donjon d’Otto afin de libérer la douce Rebecca.
Mais là, il devra engager un combat sans merci, contre son ancien ami, le
redoutable et puissant chevalier vampire. La force et la puissance de ce
dernier sont cependant manifestes et Requiem se retrouve en grande
difficulté...
Les dessins plus fantastiques que jamais et à nuls autres pareilles
d’Olivier Ledroit, ses couleurs sombres et contrastées, appuient une
nouvelle fois avec talent le scénario sans failles ni concessions de Patt
Mills. Héros et protagonistes de cet album intitulé « La Reine des âmes
mortes » y apparaissent plus encore sortis d’un imaginaire extraordinaire et
inouï. Cela donne un album à l’énergie fantastique et fabuleuse, accentué
par une savante mise en planche tout aussi réussie. Rien ne semble avoir été
laissé au hasard !
Surtout, lorsque la douce Rebecca arrive à dérober dans l’arsenal du Donjon
d’Otto une arme et à entrer ainsi dans le combat aux côtés de Requiem… Mais
pourra-t-elle cependant arriver à temps pour le sauver ?
Ce huitième album de « Requiem » est, qui plus est, complété de deux bonus,
« Les Arcanes du Hellfire Club » et « Le Bestiaire de Résurrection ».
Gilles Landais |
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« Buck Danny Classic -
Tome 7 – Sea dart » ; Le Bras, Marniquet et Zumbiehl, Zéphyr Dupuis, 2020.
Le personnage de Buck Danny n’est plus à présenter, aussi cette nouvelle
collection d’aventures du célèbre héros, pilot d’élite, lancée par les
éditions Dupuis en collaboration avec les éditions Zéphyr tient-elle à la
fois de l’hommage et de la continuité. Sans être pour autant une suite
chronologique, la série Buck Danny Classic revisite certaines périodes clés
de l’Histoire à travers les aventures du héros. Tel est le cas de ce tome 7
intitulé « Sea Dart » et narrant l’invention du premier hydravion
supersonique du monde. Celui-ci transportera Buck Danny en terre argentine à
l’époque du dictateur Peron et des agents nazis à sa solde…
Reprenant le souffle épique initié à l’origine par Georges Troisfontaines,
Victor Hubinon et Jean-Michel Charlier, ce sont aussi trois auteurs de
talent qui signent ce tome 7 : Frédéric Marniquet ayant par le passé rejoint
l’armée de l’air, Frédéric Zumbiehl, ancien pilote de chasse et André Le
Bras. Ce trio de choc ne pouvait qu’inspirer un album soigné ainsi qu’il
ressort des premières planches. Opposant les couleurs brunes pour les nazis
et le bleu marine des officiers américains, c’est une lutte acharnée qui va
opposer les deux ennemis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en
Amérique du Sud. Sur fond d’espionnage et d’inventions technologiques, Buck
Danny devra mener l’enquête afin de découvrir l’existence d’une base secrète
nazie cachée dans les montagnes de l’Altiplano.
Le rythme trépidant de cette nouvelle aventure s’inscrit bien dans la lignée
des Buck Danny initiaux, véritable récit d’aventures. Ce tome ne laisse, en
effet, pas une minute de répit au lecteur qui appréciera non seulement la
qualité du scénario, mais également le dessin et la couleur également des
plus réussis !
Jules Buissonnet |
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« Rendez-vous
avec X - Diên Biên Phu » ; Dobbs (Scénariste) ; Mr Fab (Dessinateur) ;
Patrick Pesnot (Conseiller historique), 240 x 320 mm, Éditions Comix Buro,
2020.
Diên Biên Phu compte assurément parmi les plus tristement célèbres noms de
batailles désastreuses pour l’occident. Dobbs en qualité de scénariste et Mr
Fab aux dessins ont uni leur talent afin raconter en une BD à la fois sobre
et terriblement évocatrice le contexte de cette bataille lors de la guerre
d’Indochine en 1954.
Le réalisateur Pierre Schoendoerffer avait témoigné pour Lexnews des
conditions terribles qui y régnaient effectivement alors, et que nous
retrouvons parfaitement rendues dans cet album plus que réussi : "La
captivité a duré quatre mois, mais il y avait une longue route à faire pour
arriver aux camps ! Entre 700 et 800 km dans la jungle, par les pistes, on
n’avait presque rien à manger. Vraiment on crevait de faim ! Il y avait le
paludisme, la dysenterie, le béribéri… J’ai tout eu, mais j’ai survécu, moi.
Les trois quarts de mes camarades n’en sont pas revenus." Dira Pierre
Schoendoerffer (Lire l’interview sur www.lexnews.fr). Mais, avant ces
terribles conséquences de cette bataille perdue d’avance, l’album aux
couleurs sépia, ocre et marron plonge le lecteur dans cet univers sauvage et
hostile, à plus de 200 km de Hanoï. En ces lieux torrides, les soldats
français font face aux forces vietminh largement supérieures en nombre. Cet
étau se resserrera progressivement sur les militaires pris en tenaille face
à un ennemi souvent invisible et harcelant jour et nuit les « ennemis » du
communisme selon la propagande vietminh.
L’album « Diên Biên Phu » et le Dossier avec X de Patrick Pesnot qui
l’accompagne, faisant référence à sa célèbre émission sur France Inter,
offrent une compréhension et analyse des plus éclairantes sur ce conflit et
de ses conséquences à une époque cruciale de la décolonisation.
Jules Buissonnet |
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« Le Spirou de
Christian Durieux – Pacific Palace » ; Editions Dupuis, 2021.
Spirou se retrouve dans un paisible Palace, mais il regrette d’y avoir fait
également embaucher en qualité de groom, Fantasio, ex-journaliste viré du
Moustique. Celui-ci n’a de cesse de froisser leur supérieur M. Paul. Mais,
il est déjà trop tard… Le Pacific Palace est confiné, fermé à la clientèle,
pour abriter secrètement un dictateur et tyran du Karajan déchu et en fuite,
Iliex Korda. Ce dernier est accompagné, outre de ses nombreux gardes du
corps, de sa femme, et surtout, de sa belle et troublante fille, Elena…Spirou
saura-t-il résister ?
C’est un album au scénario captivant que livre Christian Durieux avec «
Pacific Palace ». Une intrigue politico-policière menée particulièrement de
main de maitre, pleine de rebondissements et d’inattendus. Une atmosphère
parfaitement soutenue par les dessins et couleurs également de Christian
Durieux, qui s’impose ici avec brio en auteur complet, justifiant pleinement
le titre: « Le Spirou de Christian Durieux » !
« Pacific Palace » est un Spirou aussi personnel que réussi mettant en scène
une passionnante intrigue où il serait bien improbable que Spirou et
Fantasio, durant trois jours et nuits, dans les longs couloirs de ce Palace
empli de chambres, de salons et de négociations sur fond de vaine romance
amoureuse, n’aient pas plus d’un rôle à jouer…
Assurément, une aventure politico-policière des plus captivantes digne de
Spirou !
Gilles Landais |
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« Coda Omnibus» ;
Scénario de Simon Spurrier ; dessin de Matias Bergara ; Relié, 27 x 26.5,
336 p., Éditions Glénat Comics, 2021.
« Coda » est assurément un album véritablement enraciné dans l’univers
comics. Signé par deux des meilleurs auteurs Simon Spurrier pour le scénario
et Matias Bergara pour les dessins, « Coda » ravit et happe dès les
premières planches ses lecteurs.
Hum, un mystérieux barde, plutôt taiseux mais rusé, cherche désespérément un
remède pour sauver l’âme de sa bien-aimée. Dans cette contrée désolée, il
est accompagné pour monture d’une licorne mutante aussi volcanique
qu’imprévisible. Mais, dans cette quête, son destin l’amènera à affronter le
Sombre Seigneur, celui-là même qui a transformé le monde enchanteur et
magnifique d’autrefois en un désolant et étrange univers… Mais, Hum
saura-t-il trouver des alliés fidèles propres à le faire triompher ?
Pourra-t-il restaurer cet ancien monde si enchanteur ?
Spurrier – auteur de « X-men », « Star Wars », « The power of Dark crystal »
- offre pour ce fort et fantastique album un scénario adroitement serré, tel
un filet finement tressé, dans lequel se glissent avec bonheur humour et
clins d’œil. Avec une mise en planches des plus dynamiques et joliment
travaillée, les dessins de Bergara suggèrent un univers captivant et
envoûtant. Des personnages issus d’un bel et fantastique imaginaire, des
couleurs contrastées et éclatantes, et une dynamique et énergie graphique à
nulle autre pareille jamais interrompue. Une réussite !
A souligner, en supplément, un dossier complet sur « Le monde de Coda, avant
et après » vient clore ce volumineux et ensorcelant album.
« Coda » n’est pas seulement un super album, c’est à lui seul un fantastique
univers comics dans lequel le lecteur plonge avec ravissement.
Gilles Landais
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« En Âge
florissant – de la Renaissance à la Réforme » de Pascal Brioist (scénario)
et Anne Simon (dessins), Collection Histoire dessinée de la France - Tome 9,
Editions La Découverte, 2020.
Poursuivant cette heureuse initiative d’une Histoire de France en BD, les
éditions La Découverte livrent avec ce tome 9 un album déterminant pour
mieux comprendre une époque cruciale du XVIe siècle. Que de chefs-d’œuvre
légués par cette période historiquement et culturellement riche demeurent,
en effet, incompréhensibles en l’absence d’une connaissance des faits et
dates qui comptèrent en ces temps marqués par les grands et célèbres noms de
François 1er, Rabelais, Montaigne, Luther, Laurent de Médicis, Shakespeare,
Ronsard, et bien d’autres piliers de la culture…
Pascal Brioist, historien passionné de ces périodes déterminantes, a mis à
profit tout son savoir pédagogique afin de présenter en 168 pages une époque
si riche qu’elle en donnerait autrement le tournis… Il fallait également le
talent d’Anne Simon pour ne pas perdre le lecteur en route grâce à des
dessins aux traits épurés, allant à l’essentiel, pour mieux mettre en
évidence les lignes forces de cet Âge décidément florissant !
L’humanisme, mais aussi le schisme au sein du christianisme avec la Réforme,
l’essor des sciences, les arts métamorphosés par le génie de Léonard de
Vinci, Michel Ange, Titien… Les nombreux clins d’œil tel celui adressé au
musicien Clément Marot, les confrontations des puissants de cette époque ou
encore les conquêtes repoussant les frontières du monde connu… Nombreuses
seront les découvertes pour le lecteur de ce passionnant album consacré de
manière si pédagogique à la Renaissance.
Jules
Buissonnet |
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« BLACK BEARD ;
Pendez-les hauts et courts -Tome 1 » de Jean-Yves Delitte ; Cartonné, 24 x22
cm, 48 p., Coll. 24x32, Editions Glénat, 2020.
C’est un passionnant album que nous offre Jean-Yves Delitte avec «
Blackbeard », un récit haut en couleur de piraterie dans les Caraïbes au
XVIIIe siècle, entre histoire et fiction, livré en deux tomes, et comptant
les mésaventures d’un miséreux mais ô combien captivant pirate…
Nous sommes en 1721, et dans l’obscurité et l’humidité d’une geôle de la
triste et célèbre prison de Marshalsea à Londres et dans laquelle un homme
crie à qui veut l’entendre son innocence. Non, Non, il n’a pas été le
compagnon complice du plus célèbre et terrifiant pirate Blackbeard, même
s’il avoue certes l’avoir rencontré et côtoyé. Mais, qui l’entendra ?
Ce sera le non moins célèbre écrivain britannique Defoe, ce dernier ayant
décidé de parcourir les prisons pour y rencontrer des pirates condamnés
parfois bien hâtivement ; aurait-il en tête l’écriture d’un livre sur les
plus fameux pirates ? Quoi qu’il en soi, Defoe décide de s’entretenir avec
ce marin criminel qui hurle son innocence… Ainsi s’ouvre ce haletant récit
de piraterie qui servi de mains de maître par Jean-Yves Delitte tiendra
assurément son lecteur en haleine jusqu’à la dernière planche.
Il faut dire que Jean-Yves Delitte a plus d’un atout pour lui. Peintre
officiel de la Marine, membre titulaire de l’Académie des Arts et Sciences
de la mer, il a déjà réalisé des très belles et grandes fresques maritimes
dont « Black Crow », les aventures d’un corsaire amérindien au XVIIIe
siècle, mais aussi « Les Grandes Batailles Navales » ou encore l’histoire
des plus célèbres frégates ou trois-mâts. Des albums plus que salués tant
par la critique que par le public.
Aussi, est-ce avec un réel bonheur que le lecteur retrouvera en auteur
complet pour cette nouvelle aventure de piraterie, celle de « Blackbeard »,
Jean-Yves Delitte. Une épopée réellement palpitante servie par de
merveilleux dessins, dessins soignés aux mille détails que ce soit les
visages de ces fameux pirates du ce XVIIIe siècle, leurs costumes ou encore
ces merveilleux navires et trois-mâts, rois en cette époque des mers et
océans et donnés à admirer sur de pleines pages.
Un merveilleux album à découvrir au plus vite.
Gilles Landais |
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« Tome Agency ;
Petit hanneton –Tome 2 » ; Scénario de Yann ; Dessins de Schwartz, Couleurs
de Hubert et Isabelle Merlet ; 24 x32 cm, 56 p., Éditions Dupuis, 2020.
Enfin, le retour du vrai polar noir et des fifties !
« Atom Agency », en deux tomes signés Yann pour le scénario et Schwartz pour
les dessins, redonne vie avec bonheur, en effet, au polar le plus noir dans
la veine héritée de Maurice Tilleux.
Une belle ambulancière de l’unité féminine intégrée à la 2e division blindée
du général Leclerc, reconnue pour son héroïsme, n’a plus jamais donné signe
de vie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un de ses compagnons,
cinq ans plus tard, entreprend de recourir au commissaire Vercorian pour la
retrouver. Mais le fameux commissaire, sur le point de coffrer l’ ennemi
n°1, n’a nul temps à lui consacrer. Aussi, ne trouve-t-il rien de mieux que
de le renvoyer à son fils, détective privé de l’Atom Agency, qui selon lui,
très talentueux ne pourra que démêler au mieux cette affaire…
C’est toute l’ambiance concentrée du polar noir que le lecteur pourra de
nouveau retrouver dans ce second tome d’« Atom Agency ». Des dessins que
l’on aime revoir et décortiquer avec cette atmosphère typique d’après-
guerre rehaussée par les couleurs d’Hubert et d’Isabelle Merlet, et ces
visages incomparables parmi lesquels le lecteur reconnaitra celui qui marqua
ces années notamment au cinéma dans « Quai des brumes » ou encore dans «
Pépé le Moko », sans oublier aussi Jeannot... Un choix judicieux qui annonce
toute la gouaille croustillante et savoureuse des dialogues dont Yann s’est
fait, depuis déjà longtemps, l’ambassadeur, mais aussi des détails cocasses
savamment choisis et bien vus. Un véritable régal à chaque planche !
Un album assurément des plus réussis qui se laisse savourer d’une traite.
Gilles Landais |
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« James Cook ;
L’appel du Pacifique – tome 01 » ; Scénario de Laurent-Fréderic Bollée ;
Dessins de Federico Nardo ; Couleurs de Aretha Battistutta ; 24 x32 cm, 56
p., Coll. Explora, Éditions Glénat, 2020.
Plaisir que de découvrir contée en BD l’histoire de l’un des plus grands
explorateurs maritimes de tous les temps, James Cook !
Capitaine de la Royal Navy, ce grand explorateur et cartographe du XVIIIe
siècle a en effet passé toute sa vie à sillonner les mers et océans. James
Cook fut à l’origine de fort nombreuses découvertes et cartes nous ayant
permis d’avoir une plus juste et réelle vision du monde. C’est cette
extraordinaire vie que nous offre de découvrir en deux tomes
Laurent-Frédéric Bollée au titre de scénariste et Federico Nardo pour les
dessins.
Bollée a opté avec ce premier album pour un scénario des plus serrés,
retenant les événements majeurs ayant marqué ce destin hors pair, non
seulement en qualité d’explorateur, mais aussi de cartographe. Le caractère
de James Cook y est rendu avec justesse. Une maille fine à laquelle les
magnifiques dessins de Nardo viennent donner vie. Des planches soignées
offrant une finesse de détails, des personnages expressifs et des pleines
pages ou larges vues absolument splendides. Rien ne manque à ce premier tome
contant au plus près le fabuleux destin du capitaine James Cook.
James Cook commence sa carrière au sein de la Royal Navy en 1755 et devient
très vite l’un des meilleurs cartographes de son époque. Il entreprend son
premier voyage autour du monde en 1768 à bord de l’Endeavour. Ce voyage sera
capital tant pour sa renommée que pour l’histoire de la géographie
océanienne. Mais, James Cook ne s’arrêtera pas là ! Suivront en effet deux
autres voyages, entreprenant le tour de la Nouvelle-Zélande, explorant la
Nouvelle-Calédonie, étudiant l’Île de Pâques. IL s’approchera même de
l’Antarctique avant de découvrir que le fameux continent austral n’existe
pas et de découvrir l’Île Sandwich devenue depuis l’Île d’Hawaï. C’est sur
cette Île que le célèbre capitaine James Cook mourra malheureusement
tragiquement en 1779.
Conter en BD ce destin extraordinaire de l’un des plus grands explorateurs
relevait à l’évidence du défi, un défi que relève avec une maestria certaine
le duo Bollée/ Nardo.
Un bel hommage au capitaine James Cook assurément.
Gilles Landais |
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« Watching the
Watchmen » de Dave Gibbons, Chip Kidd et Mike Essl ; 23 x 29.7, 272 p.,
Urban Comics Éditions, 2020.
Qui a pu oublier la série mythique Watchmen ? Douze tomes à nuls autres
pareils signés, à partir de 1986, des non moins légendaires auteurs et
dessinateurs Alan Moore et Dave Gibbons, sans oublier John Higgins pour les
couleurs, et ayant su s’imposer au titre de l’une plus grandes et plus
plébiscitées bandes dessinées du XXe siècle.
Les aficionados de Watchmen seront heureux de découvrir aujourd’hui aux
éditions Urban Comics un album unique – et tant attendu ! – revenant en plus
de 270 pages sur les fabuleuses origines de cette série de légende.
Rappelons que Watchmen fut salué immédiatement rencontrant un succès sans
précédent, et fut adapté aussi bien au cinéma en 2009 que dix ans plus tard,
en 2019, pour la TV. Un immense succès qui visiblement plus de vingt ans
après, et à juste titre, ne tarit pas ! Cet incroyable comic book n’a jamais
pris une seule ride.
Aujourd’hui, avec cet album exceptionnel, « Watching the Watchmen », signé
par Dave Gibbons lui-même, coauteur et dessinateur de Watchmen, ainsi que
par Chip Kidd et Mike Essl, le lecteur découvrira avec un réel plaisir les
multiples inspirations et recherches ayant précédé sa naissance, ainsi que
les pistes ayant été explorées, mais laissées en route. Pas moins de
dix-sept chapitres d’essais et de souvenirs à la pelle, de planches uniques
et de l’humour (Gibbons ayant souhaité gommer – et ô combien on le comprend
– les tensions et passages difficiles de la série).
Un véritable régal de découvertes, de réminiscences et de plaisir de lecture
!
La naissance et l’histoire de cette incroyable série que fut Watchmen
méritait et exigeait assurément un album à la hauteur de ce comic book
iconique, c’est aujourd’hui chose réalisée avec tout le talent notamment de
Dave Gibbons avec cet album d’exception, « Watching the Watchmen » chez
Urban Comics.
Gilles Landais
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« Burcke & Wills
; l’Australie, 1860 : l’impossible traversée. » ; Scénario de Nathalie
Sergeeef ; Dessins de Fabio Pezzi, couleurs de ; Cartonné, 24 x 32 cm, 64
p., Colle. Explora, Éditions Glénat, 2020.
Un fantastique album contant avec brio la célèbre et tragique expédition de
Robert O’Hara Burke et William John Wills en Australie dans la seconde
moitié du XIXe siècle. Un périple vrai, réellement vécu et fascinant, digne
des meilleurs romans d’aventure et donné aujourd’hui à découvrir en bande
dessinée.
Nous sommes en 1860, précisément, et l’intérieur de l’Australie n’a encore
jamais fait l’objet d’explorations par les colons européens. Aussi, n’est-ce
pas tout à fait un hasard lorsque Robert O’Hara Burke, explorateur à la
notoriété déjà bien assise, et le géomètre William John Wills sont mandatés
par la Royal Society of Victoria afin de traverser ces terres intérieures
inconnues du sud au nord, soit 2 800 km de Melbourne au golfe de Carpenterie.
Ce sera la première expédition à traverser l’Australie méridionale !
Mais, l’expédition de Burke et Wills semble être placée sous une mauvaise
étoile. Minée, en effet, de l’intérieur par de nombreux conflits, subissant,
qui plus est, de multiples erreurs de calculs et de jugement, elle se
heurtera, en plus, au climat aride du désert et aux marécages hostiles, sans
oublier les aborigènes… Une extraordinaire aventure vécue palpitante et des
plus périlleuses.
Le scénario bien mené et ficelé de Nathalie Sergeef, auteur déjà de nombreux
albums, offre au lecteur une réelle, tragique et passionnante découverte, au
même titre que celle vécue par Burke et Wills, de ces fameuses contrées
inconnues et pleines de dangers que furent les terres d’Australie
méridionale en ce XIXe siècle. Nathalie Sergeef est accompagnée, ici, une
nouvelle fois, après « Tiago Solan », par le dessinateur Fabio Pezzi.
Les dessins soignés de ce dernier offrent des planches aux splendides
paysages et des personnages très vivants venant appuyer avec bonheur le
déroulement de cette aventure humaine entraînant le lecteur fasciné dans les
multiples périples de Burcke et Wills.
Car, ces célèbres explorateurs, et leurs 18 hommes, arriveront-ils à mener à
bien cette si difficile expédition, dénommée « L’impossible traversée » ?
Un album de la collection « Explora » aux éditions Glénat qui devrait
assurément rencontrer un franc succès auprès d’un large public.
Gilles Landais |
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« Les Tuniques
Bleues ; L'envoyé spécial - Tome 65 » ; BeKa – Munuera ; Couleurs de Sedyas,
56 p., Éditions Dupuis, 2020.
L’aventure des Tuniques Bleues en BD n’est plus à rappeler pour cette série
désormais mythique. Mais lorsque le tome 65 paraît avant le numéro 64,
promis pour l’automne prochain, cela exige quelques explications… Raoul
Cauvin, en effet, décidé de se retirer de la série, Lambil, le dessinateur
des Tuniques Bleues a dès lors choisi de poursuivre l’aventure, mais a
souhaité cependant d’un peu de temps pour réfléchir à l’évolution de la
série. C’est pourquoi BeKa et Jose Luis Munuera sont, aujourd’hui, les
signataires de ce tome 65, un nouvel album à tout point de vue inédit.
Cette nouvelle histoire des Tuniques Bleues retiendra assurément l’attention
du lecteur fidèle en raison de son passionnant sujet. En effet, l’un des
héros n’est rien d’autre que le journaliste William Howard Russell, un
personnage historique d’un flegme haut en couleur. Un carnet introductif
permettra justement de s’immerger dans ce récit tenant à la fois du récit
trépidant et de la fresque historique puisque Russell fut en quelque sorte
le premier correspondant de guerre de l’Histoire.
Humour et analyse de ce qui constitue le quotidien de la presse et des
journalistes de guerre sont donc au rendez-vous de ce tome 65 qui ne s’est
en rien départi de la ligne traditionnelle de la série. Le journaliste
anglais William Russell est envoyé couvrir pour le Times la guerre de
Sécession qui fait rage en Amérique. Monté sur une mule, ce drôle de
personnage ayant réellement existé fait la démonstration au lecteur que
l’indépendance de la presse n’est jamais chose acquise. Entre
instrumentalisation et objectivité, c’est une longue chevauchée qui attend
notre héros, flegmatique à souhait, sur le champ de bataille !
Tout en restant dans la ligne graphique semi-réaliste de Lambil, c’est un
entrelacs d’histoires qui fourmillent pour le plus grand bonheur du lecteur.
Ce regard porté sur l’information et la presse, sublimé par un dessin aux
lignes parfaites, devrait non seulement réjouir les habitués de la série
mais également rallier de nouveaux lecteurs !Jules
Buissonnet |
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Servais : "Le
loup m'a dit" - Première partie ; 237 x 310 mm, 80 p., Éditions AIRE LIBRE,
2020.
Jean-Claude Servais nourrit depuis longtemps un lien étroit et intime avec
la nature, c’est ce lien secret qu’il parvient à rendre avec nuances et
sensibilité dans cette belle histoire d’une jeune enfant de la Préhistoire
grandissant jusqu’à notre époque avec comme fil directeur le loup…
Si l’adage latin « l’homme est un loup pour l’homme » ne semble guère
reluisant pour notre espèce, la relation qui l’unit à l’animal et notamment
le loup peut dans certains cas aller au-delà, en une vision quasi
chamanique, ainsi qu’il ressort de ce fabuleux album traversant les temps.
Le lecteur est spontanément happé par le style et l’histoire de cette
étonnante aventure qui, si elle ne débute par le traditionnel « il était une
fois… », nous plonge néanmoins dans la savane herbeuse des
chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire. La rencontre d’Ambre avec le loup
est sublime, instants rêvés qui dépassent les peurs ancestrales de l’homme,
proximité de l’homme et de l’animal. À partir de cette rencontre, Servais
tisse une longue histoire selon les âges où chaque protagoniste jouera son
rôle et ne s’en départira qu’en de rares occasions et dont l’auteur de ce
magnifique album saura se saisir avec talent et une belle sensibilité au
vivant !
Jules
Buissonnet |
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« Labyrinthus –
La Machine – Tome 02 » ; Scénario de Christiphe Bec, ; dessins de Fabrice
Neaud ; Couleurs de Simon Champelovier ; Cartonné, 24 x 32 cm, 64 p.,
Éditions Glénat, 2020.
Saurons-nous enfin, dans ce tome 2 de « Labyrinthus », d’où provient la
fameuse et mortelle « cendre » ?
Les fans du premier volume se souviennent qu’en 2057 la terre a été
entièrement, après le passage de curieux typhons, recouverte d’une étrange
et mortelle cendre recouvrant villes et campagnes de manière uniforme. Un
phénomène mystérieux, mortel, puisque partout dans le monde des cas de
maladies respiratoires graves se sont développés à une vitesse vertigineuse.
Les autorités tant politiques que sanitaires concluent ensemble à une arme
de destruction massive envoyée sur terre pour rayer l’humanité…
Pour le deuxième tome de ce diptyque, Christophe Bec (auteur aussi prolixe
que talentueux) toujours aux commandes de ce captivant thriller de
science-fiction, a opté pour un scénario des plus dynamiques et haletants.
Le lecteur est plongé dans le grand cosmos avec une impression
d’accélération permanente et d’anxiété. Un sentiment de mystère et
d’angoisse que vient avec talent renforcer les dessins de Fabrice Neaud et
les couleurs de Simon Champelovier.
Car, dans ce nouvel album, « La Machine », parallèlement à la mission
américaine envoyée vers le satellite de Mars, Phobos, pour comprendre et
enrayer l’étrange phénomène ayant entraîné la pandémie, une mission
concurrente, cette fois-ci, chinoise a également fait route… Toutes deux
vont alors découvrir que le fameux satellite de Mars n’est en réalité qu’un
satellite totalement artificiel et ayant été conçu par une intelligence
extraterrestre située en son cœur même…
Vont-ils réussir à l’atteindre alors même que Phobos mute et se réorganise
en fonction de ceux qui pénètrent ? Serait-ce un piège motel ?...
Un album posant bien des questions écologiques qui ne manque ni d’action ni
d’humour et encore moins de surprises !
Gilles Landais |
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« A Game of
Thrones – La Bataille des rois – Tome 1 », Scénario Landry Walker ; Dessins
Mel Rubi ; Couleurs Ivan Numes, d’après le roman de George R.R. Martin ;
Couv.cartonnée, Quadrochromie, 180 p., Editions Dargaud, 2020.
Plaisir que de retrouver pour une deuxième série en quatre tomes tout
l’univers de « Games of Thrones », après le faramineux succès rencontré par
la première saison ! C’est tout l’univers du célèbre romancier américain
George R.R. Martin en BD que les lecteurs pourront de nouveau découvrir dans
ce premier volume de cette deuxième série. Son titre même « La Bataille des
rois » est annonciateur de l’indéniable poursuite de cette incroyable
fantasy dans ce Moyen-Âge fantasmé dès plus réussi.
Cette fois-ci, c’est Landry Walker –auteur notamment de « Odd Thomas » - qui
en signe le scénario, prenant ainsi la suite de Daniel Abraham. L’histoire
commence avec un étrange présage de mort… la vision de la queue d’une comète
de feu, rouge sang, une comète déchirant « le ciel au-dessus des rochers
escarpés de Peyredragon, telle une blessure ». Ainsi débute ce volume alors
même que Lord Stark et le roi Baratheon, trahis pour la couronne et morts,
ne peuvent plus garantir la paix. Le plus grand chaos menace le royaume
après 10 ans de paix et d’abondance… Qui prendra le pouvoir et le trône ?
C’est une « Bataille de rois » effrénée et sans lois qui va alors commencer…
Une bataille plus que jamais fantastique et impitoyable comme on n’en a
jamais vue, merveilleusement rendue, en ces pages, par les dessins de Mel
Rubi, dessinateur ayant déjà à son actif plus d’un personnage de comics dont
Doctor Strange ou encore Wolreine, et prenant pour ce volume la suite de
Tommy Patterson. Aux visages acérés, cruellement expressifs s’ajoute un
découpage choisi tant vertical qu’horizontal ; Des dessins et planches que
viennent rehausser pour cette « bataille des rois » impitoyable les couleurs
contrastées de Ivan Numes.
Car, ce ne sont pas moins de six prétendants à la couronne, six trônes plus
ou moins légitimes, qui vont ainsi dans cet univers au bord de l’explosion
s’affronter. Des ambitions démesurées que rien ne semble arrêter,
fratricides, sexe, inceste, meurtres, magie et sorcellerie dicteront les
armes et les lois de cette lutte pour le pouvoir sans merci.
Le lecteur de cet incroyable volume ne pourra qu’attendre avec impatience le
tome 2 de cette série culte donnée, ici, en BD pour une deuxième série.
Gilles Landais |
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« L’Âge d’or »
de Roxanne Moreil et Cyril Pedrosa ; 237 x 310 mm, 192 p., Éditions Aire
Libre, 2020.
Heureuse nouvelle que de découvrir que le second tome de « l’Âge d’or »
vient de paraître aux éditions Aire Libre.
Pour ce dernier, les auteurs, Roxanne Moreil et Cyril Pedrosa (primé à de
multiples reprises) ont laissé plus que jamais libre cours à leur
imagination afin de clore merveilleusement cette fabuleuse aventure de «
L’Âge d’or ». Et c’est un vrai régal !
Alors que la guerre en un froid hiver a débuté, l’orgueilleuse princesse
Tilda, sûre de sa légitimité et assoiffée de pouvoir, assiège, refusant
toute alliance, le château de son frère afin d’en reconquérir le trône. A
l’intérieur du château assiégé, Bertil, le fidèle de la princesse, qui a
rejoint la rébellion, risque dès lors la pendaison. Mais, du haut des
remparts, les « gueux » sont prêts à affronter les assaillants…
Les auteurs ont souhaité donner, ici, au récit médiéval, au-delà des luttes
de pouvoirs, des trahisons et violences, une véritable dimension de fable
sociale. Cela donne un album plaisamment travaillé offrant pour ce
flamboyant conte fantastique médiéval une très belle atmosphère onirique.
Des personnages stylisés ou esquissés, des visages croqués souvent
grotesques, donnent un récit moyenâgeux revisité et singulier, fort joliment
rendu par des pleines ou doubles pages d’une belle poésie.
Avec un scénario bien mené rehaussé de camaïeux et couleurs chatoyantes, ce
second et dernier tome de «L’Âge d’or » pourrait bien relever le défi d’être
ce fameux livre « au pouvoir si grand qu’il peut changer la face du monde et
de ceux qui le peuple… »
Car dans cette conquête et lutte sans merci, un précieux et extraordinaire
livre perdu « L’Âge d’or » pourrait bien venir effectivement en façonner le
destin…
Gilles Landais
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« Conan le
Cimmérien - La Maison aux trois bandits » de Patrice Louinet (scénario) et
Paolo Martinello (Dessins & couleurs), Editions Glénat, 2020.
À celles et ceux qui penseraient, à tort, que le célèbre héros musculeux
Conan le Barbare est né avec l’acteur bodybuildé Arnold Schwarzenegger dans
les années 80, cette série leur est assurément destinée ! En effet, c’est
l'écrivain Robert E. Howard en 1932 qui eut l’idée d’évoquer le premier les
péripéties de ce héros solitaire en 21 histoires. Conan est un Cimmérien,
ces peuples d’avant la préhistoire dont l’origine reste obscure.
Pour cet épisode intitulé « La Maison aux trois bandits », Patrice Louinet
en qualité de scénariste et Paolo Martinello pour les dessins et couleurs
ont uni leur talent afin de développer cette truculente histoire qui se
déroule dans une cité-état entre Zamora et Corinthia. Alors que notre héros
se trouve enfermé en prison, Murilo, un aristocrate rusé souhaite utiliser
la force invincible de ce dernier afin de se débarrasser de son adversaire
politique, le prêtre rouge Nabonidus. Conan parvient à s’évader et met à
exécution le plan visant à éliminer Nabonidus jusqu’à ce que les choses ne
tournent pas comme elles avaient été trop facilement prévues…
Nos deux auteurs ont retenu pour cet album un Conan inhabituel, voleur et
assassin, en marge du redresseur de torts auquel le héros nous avait
jusqu’alors habitués. Dès les premières planches, le décor est dressé :
ambiances urbaines néo-antiques, couleurs sombres et crépusculaires, visages
tourmentés et émaciés des protagonistes. Le rythme est rapidement enlevé
laissant les scènes d’action se succéder à une vitesse effroyable. Les
turpitudes et fourberies sont légion dans cet album atypique et néanmoins
passionnant jusqu’à la dernière page !
Jules
Buissonnet |
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