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entendu pour vous...
INFOS EXPRESS |
Concert Matthieu Delage - Mercredi 20
mars 24, Le Zèbre de Belleville.
Tout musicien qui se respecte le sait, il n’y a rien de superflu chez
Bach. La générosité permanente qui traverse son œuvre est à la hauteur
de l’exigence qui lui est due. Celle d’abord de ne pas la trahir, celle
ensuite de la révéler, celle enfin de la servir. Ce triptyque immuable
est incontournable et ne souffre d’aucune digression ni faiblesse.
C’est donc un pari magnifique et osé que le saxophoniste émérite
Matthieu Delage a su relever dans le cadre de ce concert présentant son
nouvel album « Bach ». Car qui sinon lui aurait pu imaginer et accomplir
pour son instrument avec autant de brio ces transcriptions, notamment de
la Suite n°4 pour violoncelle ou ces extraits audacieux du Clavier Bien
tempéré et Variations Goldberg, en pleine complicité avec l’altiste
Violaine Despeyroux, le percussionniste Baptiste Dolt et le guitariste
Benjamin Garson. Car, n’en déplaise aux puristes, le souffle immuable du
génie de Bach était là, entier, la fluidité mélodique et le contrepoint
s’exprimant avec merveille dans ce saxophone régalien par sa capacité à
sublimer sans infidélité, tout comme par la finesse du jeu percussif de
Dolt, la pureté de la guitare électrique de Garson, la chaleur de l’alto
de Despeyroux.
En solo, duo, trio ou quatuor, chaque transcription, chaque lecture,
chaque interprétation sont savamment dosées, précises, maîtrisées et
enfin loyales au génie du Kapelmeister de Weimar. L’enchantement opère
de bout en bout dans la féerie de cet univers instrumental singulier
prouvant ainsi une réalité : n’importe quel instrument, n’importe quel
timbre, peut s’adapter à Bach. Et ici, Delage, tout comme ses trois
acolytes, en musicien exceptionnel, le démontre avec son instrument. Qui
aurait rêvé de goûter Bach au saxophone peut maintenant être sûr que son
souhait est exprimé et c’est un pur délice à ce niveau d’accomplissement
et d’inspiration. L’album au cœur de ce concert est à retrouver sur le
label « Chapeau l’Artiste », un album dont on peut saluer ici la
performance totalement aboutie et réussie.
Jean-Paul Bottemanne
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Concert « La Traviata » Opera A
Palazzo, Fondation Simone et Cino Del Duca.
Le concept à l’initiative de Musica A
Palazzo né en 2005 à Venise tient en deux mots : l’opéra de salon.
L’expérience proposée au spectateur est de s’immerger au sein même de
l’œuvre et en donnant, pour cela, le drame lyrique dans des salles de
réception de demeures fastueuses mettant en rapport direct le spectateur
avec les artistes, musiciens et chanteurs, effaçant ainsi la barrière de
la scène. L’auditoire, en nombre restreint et intime, participe dès lors
pleinement, parfois même de manière interactive, au spectacle. Mais,
tout aussi important, l’œuvre elle-même est condensée autour des scènes
et airs les plus importants, permettant ainsi une dynamique alerte. Ce
concept, repris et proposé à Paris depuis trois ans par Opera A Palazzo
a donc de quoi séduire dans sa redéfinition des conditions de
représentation de la temporalité théâtrale et lyrique par opposition aux
représentations proposées dans les grandes salles traditionnelles.
« La Traviata », présentée en ce soir
du 15 mars 2024 à la fondation Simone et Cino Del Duca, s’articulait
autour des trois personnages principaux avec Émilie Rose Bry dans le
rôle de Violetta, Christophe Poncet de Solages incarnant Alfredo Germont
complété de Benoit Gadel pour le rôle de Giorgio Germont, les trois
chanteurs accompagnés par Philip Richardson au piano, Estelle Diep au
violon et Carlotta Persico au violoncelle. La puissance de cette
transposition musicale par Verdi de la Dame aux Camélias est poignante
et tient notamment dans ce magnifique Libiam nei lieti Calici de l’acte
I, ouvrant le bal de la comédie humaine qui ne peut qu’aller vers le
drame, air virevoltant, puissant et entraînant, dont Bry et Solages ont
délivré une interprétation plus que convaincante ; deux voix
parfaitement adaptées, deux jeux théâtraux à la hauteur du rôle.
D’emblée, chacun est comme le témoin direct de cet amour naissant entre
ces deux personnages, dans le jeu de la séduction, du coup de foudre et
de la passion. Dès lors, la magie opère, car il n’en faut pas finalement
plus pour que cet amour vécu, puis contrarié à l’acte II par
l’apparition du père, avant le dénouement funeste de l’acte III,
imprègne le lieu, l’instant, sans jamais s’effacer. Le plus magique,
dans ce déroulement, étant certainement le fait que le spectateur soit
et reste avec les personnages. Tout dire sur le déroulé et la mise en
scène serait inapproprié, car il n’y aurait de magie sans secret…
En résumé, voilà une expérience pleine de charmes notamment celui de
pouvoir goûter à l’expression lyrique de haut vol de si près avec des
artistes maîtres de leur art et technique.
Jean-Paul Bottemanne
Prochaine représentation le 29 mars
2024 |
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Concert The Gesualdo Six 14 mars 2024
Oratoire du Louvre
Depuis sa création en 2014, « The
Gesualdo Six », ensemble vocal britannique d’exception, a su s’imposer
comme une référence incontournable dans le domaine de la polyphonie
lyrique. Celui, bien entendu, de la Renaissance et de son répertoire
exigeant au cœur du programme en miroir de ce concert, mais également
ouvert à des œuvres contemporaines telles que les deux pièces « Watch
For Me » de leur compatriote Judith Bingham, en 2016 et le motet « It Is
Finished » composé en 2020 par Owain Park, directeur et basse de The
Gesualdo Six, venant ici judicieusement compléter le récital.
L’événement, en résonance au temps liturgique de Pâques et de la Semaine
Sainte, s’articulait autour de l’expression de la Foi chrétienne et le
cadre choisi, le Temple de l’Oratoire du Louvre, n’en est que plus
précieux et parfait pour en rendre la quintessence. Ainsi, cette entame
avec la première partie des Lamentations of Jeremiah de Tallis dans la
force unifiée du plain-chant se transfigurant en polyphonie scintillante
de générosité, poursuivie par l’organique Watch For Me de Bingham,
contribuèrent pleinement à l’invite d’un temps spirituel et enluminèrent
les deux Tenebrae Responsories, ceux de Gesualdo et de Luis de Victoria
et le Miserere Mei central de Byrd, trois pièces intenses toutes en
profondeur et vigueur, d’où chaque voix, chaque phrase ressortent
cristallines et limpides. Trois œuvres à l’équilibre parfait dans
l’architecture caractéristique de cet âge d’or de la polyphonie vocale a
cappella de la Renaissance, par la fluidité mélodique et harmonique non
encore contraintes par la tonalité. Trois œuvres inspirées et
inspirantes. « It is finished » de Park, petit bijou d’écriture vocale
poursuivit et prolongea le concert avec le même brio, élégance et
finesse, avant la conclusion toute en grâce de la seconde partie des
Lamentations de Tallis.
Le régal rare et la beauté de ce programme sont enfin à souligner par
l’alchimie de l’exceptionnel talent des membres de The Gesualdo Six,
leur cohésion, leur souplesse, leur équilibre et capacité perpétuelle à
rendre intelligible chaque pupitre. Les contre-ténors, Guy James et
Alasdair Austin, furent admirables de pureté, les ténors Joseph Wicks et
Josh Cooter remarquables de douceur affirmée. Michael Craddock, baryton,
exceptionnel par son ancrage gracile et suave, et enfin Owain Park,
basse, s’imposa avec splendeur par son attention, son élégance délicate
et sa direction sobre et habile. Sept timbres vocaux chatoyants et
sémillants, chauds et voluptueux, sept âmes unies dans l’instant, sept
virtuoses remarquables, à l’apogée et service de leur art … Bravo !
Jean-Paul Bottemanne
N. B. La captation du concert est à retrouver présentée par Clément
Rochefort le 28 mai sur France Musique
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Jeanne Leleu 22 janvier 2024 BNF
Richelieu, Salle Ovale
La musique de Jeanne Leleu, talentueuse et inspirée compositrice
française du 20e siècle, a subi après son décès en 1979 le même sort
d’oubli et d’ignorance que celle de la quasi-totalité de ses alter ego
féminins en disparaissant des programmes de concert ; et pourtant, voilà
une artiste d’envergure encensée à son époque et qui eut le privilège
d’une reconnaissance notoire et justement méritée en tant qu’interprète
et compositrice. Jeune fille, Jeanne Leleu donna à onze ans la première
de Ma Mère l’Oye de Ravel et remporta le Prix de Rome en 1923, avant de
poursuivre tout au long de sa vie une carrière aux plus hauts sommets.
Aujourd’hui, il était le temps de faire revivre quelques-uns de ses
chefs-d’œuvre exhumés des archives de la BNF à force de patience et de
passion par Héloise Luzatti, honorée et élevée pour cet accomplissement
au rang de Chevalière des Arts et Des Lettres au terme de la soirée.
Entourée de ses compagnons d’armes de l’Ensemble La Fronde, Alexandre
Pascal, Léo Hennino et Célia Oneto Bensaid, ainsi que la soprano
Marie-Laure Garnier, Luzzati nous a fait ainsi découvrir plusieurs
pépites. Car la puissance de l’œuvre de Leleu est irradiante. Son
écriture pianistique, instrumentale, mélodique, se dore d’éclats
vivaces, court avec élégance. Sa brillance efface la complexité dans une
esthétique moderne où le chromatisme est harmonie. Et clairement, les
quatre instrumentistes, Oneto Bensaid, pianiste émérite au toucher divin
et cristallin en tête et présente à tous les numéros, ont relevé avec
brio et perfection l’audace musicale supérieure.
Entrée en matière par deux extraits de Ma Mère l’Oye rendus avec grâce
et émotion dans ce duo Luzatti-Oneto, juste prélude à la délicatesse des
Six Sonnets de Michel-Ange, d’un jeu subtil émanant du dialogue entre la
prosodie sublimée par la vocalité profonde de Garnier et le clair/obscur
du piano venant s'imbriquer, souligner et élever sans que jamais le fil
mélodique ne se brise ni ne s'égare. Tout dans l'interprétation est
amené avec naturel et passion, perfection et onirisme. Et que dire enfin
du Quatuor final, endiablé, polymorphe, traversé de bout en bout de
traits de génie à tous les pupitres par l'Ensemble La Fronde. Le violon
puissant de Pascal, l'alto effronté de Hennino, le violoncelle galant de
Luzzati, le clavier effervescent d'Oneto se parent de mille feux au gré
des trois mouvements. Le charme opère, les thèmes et motifs s'envolent
avec évidence, l'équilibre des timbres est un régal d’arc-en-ciel duquel
chaque couleur miroite avec netteté. Chaque trait, chaque coup d'archet,
chaque appui sont précis, dosés, appropriés. La lecture soignée n'en
souligne que davantage la beauté intrinsèque de l'œuvre. Plus que
séduisant, c'est ici un vrai bijou d'interprétation, avec des musiciens,
tous brillants dans leur domaine, non seulement de par leur maîtrise
technique, mais aussi et surtout de par leur virtuosité expressive.
Un programme qui, dans sa totalité, justifie l'urgence et la nécessité
absolue non seulement de ce concert, mais aussi de l'album monographique
prévu ce mois, consacré à Jeanne Leleu par le label La Boite à Pépite,
enregistré par Luzatti et ses compagnons. (voir
la chronique du cd). Merci et bravo.
Jean-Paul Bottemanne
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Concert salle Gaveau 8 novembre
Olivier Cavé et les Ambassadeurs -La grande Ecurie, Alexis Kossenko
Haydn et Mozart, deux maîtres du
classicisme, furent au cœur du programme interprété avec brio par
Olivier Cavé, pianiste au jeu d'une grande finesse et l'ensemble Les
Ambassadeurs - La Grande Ecurie dirigé avec finesse par Alexis Kossenko.
Mariage musical heureux de ce soliste rare avec ces deux formations
unies depuis 2020, tous s'imposant d'emblée avec le Concerto Hob. XVIII
en Ré Majeur d'où se dégagent la grâce enlevée à souhait du Vivace,
l'émotion « sur le fil » de l'Adagio parfaitement rendue par Olivier
Cavé et le superbe Rondo alerte, drolatique et enjoué. Magnifique choix
en introduction pour la place laissée ensuite à Mozart et sa Symphonie
n.25 traversée par des thèmes forts, lisibles, jouant sur la force des
tuttis. Mozart toujours avec l'Andante pour flute et Orchestre KV315,
offrant à Kossenko la possibilité de poser un instant sa baguette de
chef pour se saisir de sa flute en soliste, prouvant encore une fois non
seulement son talent de musicien, mais combien Mozart fut capable de
sublimer cet instrument. Mozart, enfin et toujours, en final avec le
concerto pour Piano n.9. L'œuvre plus que séduisante, est totalement
relevée par Cavé, tout à son affaire, dont l'aisance affirmée au clavier
est capable de transfigurer, porter l'émotion intrinsèque de chaque
œuvre qu'il aborde et vit.
Un beau moment, une invite réussie à se régaler de ces quelques pages
mémorables.
Jean-Paul Bottemanne
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Concert BNF Hedwige Chretien lundi 30
octobre 2023.
@Fabrice Gaboriau/BNF
Écrin fastueux de la Salle Ovale, mariage symbolique plus qu’opportun de
la poésie et de la musique pour accueillir le concert d'ouverture de la
3e saison musicale « Révélations » de la BNF et Radio France rendant
hommage aux compositrices d'hier et d'aujourd'hui et dont les œuvres
sont trop souvent absentes des programmations de concert.
La première mise à l'honneur avec cinq de ses mélodies et son Trio en ut
mineur fut Hedwige Chrétien, musicienne accomplie, prolifique et
régulièrement louée à son époque pour la qualité supérieure de ses
compositions, choix relevé et complété de « Soir », œuvre instrumentale
de sa contemporaine Mel Bonis, autre grande artiste du début du XXe
siècle et la mélodie « Beau Soir » de Claude Debussy. Aux commandes,
quatre interprètes plus que talentueux : La mezzo-soprano Adèle Charvet
au timbre unique, chaleureux et profond, le magistral violoniste Renaud
Capuçon qui n'est plus à présenter, Xavier Phillips, superbe au
violoncelle, et Guillaume Bellon, remarquable au piano. Tous dans
l’alchimie d'une musicalité profonde et maîtrisée, quatre complices
accomplis dans la temporalité d’un programme inspirant, donnant la part
belle à la mélodie française, celle de Chrétien qui n'a rien à envier à
celle de ses contemporaines, Jaëll, Boulanger, Bonis et de ses
contemporains, Fauré, Debussy et Poulenc pour ne citer qu’eux.
Ainsi, « Pour Ceux qui Aiment » et « Rêveries d’Aïeules » à la prosodie
soulignée et au lyrisme évident, « La Prière » et « Fanatisme » intenses
et dramatiques dans l’expression de la passion dévoilent un style sans
heurts, élégant, duquel émergent une approche mélodique somptueuse et un
sens maitrisé du dialogue permanent du contrechant des cordes. Richesse
éloquente naturelle et supérieure rendue d’autant plus vivace par la
mise en parallèle de la mélodie de Debussy, petite perle vocale.
Soutenue par ses comparses attentifs, Adèle Charvet brille, sa voix
s’élance avec équilibre et sureté dans tous les registres, se jouant
avec aisance et fluidité des mélismes et des appuis. Un ensemble de
mélodies encadrées par deux trois instrumentaux. « Soir » de Bonis en
ouverture à la voluptuosité postromantique sous-jacente et pleine de
douceur. En final, le Trio en Ut mineur de Chrétien montant en puissance
au fur et à mesure des quatre mouvements qui le composent : affirmé dans
le premier, superbe de dialogue dans le deuxième, virtuose et alerte
dans le troisième et un quatrième durant lequel violon violoncelle et
piano s’échappent les uns des autres. Un vrai chef-d’œuvre, superbement
emmené par Capuçon, Phillips et Bessom et pleinement en osmose. Un
premier hommage réussi pour une saison prometteuse.
Jean-Paul Bottemanne
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Concert Invalides 12 octobre 2023
Le concert d'ouverture de la 30e saison musicale du Musée des Invalides,
venant clore l'inauguration officielle de la Salle Royale par madame
Rima Abdul-Malalk, ministre de la Culture, et madame Valérie Pécresse,
Présidente de la région d'Ile de France, évènement rendu possible grâce
au soutien du CIC, partenaire privilégié depuis vingt ans, a donné la
primeur à quelques-unes des grandes pages du répertoire symphonique
empruntées par le 7e art. Propositions d’œuvres évidentes en raison,
d'abord, de leurs qualités supérieures et leur puissance évocatrice,
mais également de la beauté et le souffle qui les habitent. Autant
d'arguments, entre autres, qui les ont rendues incontournables aux
cinéastes qui s'en sont emparé, les rendant indissociables des films
dans lesquels ils apparaissent.
C’est donc un programme des plus séduisants et heureux qui fut proposé
avec ardeur et félicité par la baguette émérite d’Alena Hron à la
direction du Janáček Philharmonic Orchestra, ensemble soigné et investi.
Alena Hron est une jeune chef tchèque de stature internationale plus que
talentueuse, à même d'imprimer sa vision et d'offrir une lecture de haut
vol à des œuvres déjà tant jouées auparavant, sans se compromettre dans
la facilité.
Comme en ouverture, le prélude de Zarathustra choisi par Kubrick,
naissance et émergence, tout en puissance contenue, ou encore l'adagio
de Barber dont la conduite tranchante, nette et limpide de Hron fait
surgir chaque ligne, chaque entrée jusqu'à l'apothéose au-dessus du
pathos, dans une lumière rarement atteinte. Sa précision des nuances est
tout autant sublime dans l'Allegretto de la 7e de Beethoven. Ou encore
sa vision énonciatrice d'espoir et d'élan enlevé du Largo de la 9e de
Dvorak. A chaque instant, le ton est juste et l'intransigeance du drame
inexorable et poignant de l'Adagietto de la 5e de Mahler, du prélude du
Tristan de Wagner ou du Lac des Cygnes de Tchaïkovski contrebalançant
avec la vivacité joyeuse de la Marche Nuptiale de Mendelssohn, du Beau
Danube Bleu de Strauss ou des Variations Enigma d'Elgar.
Aléna Hron réussit ici une magnifique entrée en matière d'une saison qui
s'annonce passionnante. On ne peut qu’espérer la revoir au plus vite sur
une scène française.
Jean-Paul Bottemanne
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Concert Pierre
Hantaï Salle Cortot 4 octobre 2023
Par ce concert totalement dédié à
Bach, Pierre Hantaï a une nouvelle fois rendu un hommage vibrant et
délicieux non seulement à des pages incontournables du baroque, mais
aussi à un instrument, le clavecin et son timbre à la fois sombre et
éclatant. L'entrée en matière, séries de préludes, pièces au caractère
divers et transcription de mouvements fut une mise en bouche délicieuse,
offerte avec humilité et virtuosité ascendante par notre maestro. Tour à
tour, les lignes ondulent, l'harmonie voyage, le mouvement est constant
dans un jeu à la fois frénétique et serein, d'une fausse facilité.
Logique préliminaire à la suite du programme. Car le cycle des
Variations Goldberg, diptyque à la limite de la perfection, n'a cessé de
fasciner depuis sa composition. Tout l'art et le génie de
Johann-Sebastian Bach se retrouvent sublimés et condensés, de
l'architecture savamment organisée et parfaitement équilibrée à
l'extrême et fastueuse richesse d'une écriture virtuose pour un
instrument dont le Kantor de Leipzig fut un maître incontesté. Détailler
toutes les variations serait, ici, fastidieux, mais il n'est pas inutile
de rappeler que chacune est un bijou ne brillant cependant que sous les
doigts des plus grands. Et définitivement, Pierre Hantaï a su en saisir
depuis fort longtemps toute la lumière, et en délivrer la quintessence
dans un tourbillon aussi fougueux que raffiné, élégant et passionné, ne
laissant aucune place à la médiocrité. A l’instar de ce concert. Ici,
tout respire, même l'obsédante fioriture baroque s'efface dans le
frémissement supravital de son jeu. Hantaï est tout simplement
magistral, fait corps avec ses claviers, nous montre le chemin par son
intelligence musicale et sous ses doigts, son clavecin délicat et fluide
révèle l'évidence de la puissance des Variations. Le vrai régal d'une
représentation immaculée et sincère pour un chef d'œuvre incontournable
dans un temps d'ivresse. Pierre Hantaï est un interprète prodigieux,
sublime et son lien indissociable avec Bach est un juste et pur bonheur.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Stradivaria Invalides 13 avril
2023.
©studio-garnier
En ouverture du cycle « L'Homme et le
Sacré » proposé par le Musée de L'Armée, l'évidence d'une programmation
baroque dédiée à la mise en parallèle de l'austérité pleine de grâce des
deux grands maitres luthériens que furent Schutz et Bach avec
l'exubérance extatique d'un Pergolesi catholique est un choix judicieux.
Quoi de plus saisissant en effet que ce dialogue à distance entre les
Symphoniae Sacrae de « L'Orphée de Dresde », la Cantate BWV200 du Cantor
de Leipzig et le Stabat Mater du jeune Italien, mort à seulement 26 ans.
Voilà le défi relevé avec talent par le prestigieux Orchestre Baroque de
Nantes Stradivaria de Nantes fondé et dirigé par Daniel Cuiller,
ensemble oeuvrant depuis 1987 à promouvoir et soutenir en parallèle le
répertoire baroque et de jeunes artistes au travers de nombreuses
manifestations et dispositifs à destination de tous les publics. Et,
assurément, l'invitation de partager ce programme avec la soprano Maïlys
de Villoutreys et du contre-ténor Paul Figuier, deux voix déjà
confirmées et reconnues en est un exemple probant. Deux chanteurs ayant
suivi en partie le même parcours, tant dans la classe d'Alain Buet au
CNSM de Paris qu’au sein des ensembles Caravansérail et Amallirys, la
scène de l'opéra d'Avignon, deux signatures lyriques se retrouvant ici
une nouvelle fois en complicité pour trois prestations toutes plus
captivantes les unes que les autres. Car la fluidité, la clarté et
l'élégance de Villoutreys sont un délice dans sa lecture de Schutz,
celle de Figuier est pleine de grâce dans le fil fragile d'une foi
embrassée avec humilité tout comme sa puissance affirmée qu'il dégage
chez Bach. Pour Pergolesi, leurs lignes, leurs voix sont de vrais joyaux
purs en symbiose dont l'ouverture poignante et envoutante avec ses
glissements et retards est un petit bijou d'écriture vocale qui n'est
pas sans rappeler Corelli. Finalement, chaque mouvement imaginé par
Pergolesi met en lumière un lyrisme appuyé mais non prétentieux dans sa
virtuosité. Et, définitivement, tant les timbres que la haute maitrise
technique de Figuier et de Villoutreys se prêtent à perfection à ces
trois pièces, sont un vrai délice, sont faites pour elles. Voix
sublimées et portées par Stradivaria et son conduit instrumental mesuré,
dans sa lecture intelligente, sans affects superflus.
Villoutreys et Figuier, deux voix, qui, avec brio, auront survolé tout
du long, Stradivaria et Daniel Cuiller, qui avec sincérité auront
parachevé l'écrin de cet épanouissement.
Jean-Paul Bottemanne
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Eduardo Eguez Chimera Salle Cortot 4
avril 2023
Eduardo Eguez et la Chimera, voilà une
formation atypique et incontournable, passée maître dans l'art de
l'expression musicale et se distinguant depuis vingt ans par sa capacité
extraordinaire à tisser les liens entre mondes ancien et moderne.
Portant haut les couleurs de la culture latino-américaine, c'est avec
cet hommage vibrant à la figure emblématique que fut, est et sera encore
longtemps Mercedes Sosa, que cet ensemble complice revisite en ce soir
de concert le répertoire poignant de quinze artistes sud-américains de
renom du 20e siècle avec des arrangements luxuriants d’Eduardo Eguez et
Juan José Francione.
Pages musicales révélant et sublimant toutes les richesses mélodiques et
harmoniques contenues en elles. L'orchestration savamment augmentée
d'instruments traditionnels, percussions et flutes indiennes, donne la
prédominance aux cordes pincées et frottées, guitares, contrebasse,
violon mais aussi viole de gambe pour un contrepoint d'une polyphonie
intense d’où la soprano Barbara Kusa et le ténor/flutiste Luis Rigou
s'émancipent dans un florilège d'émotions lyriques à l'état pur. Tout,
dans l'expression, la technique, est juste un ravissement continu.
Dissonances fugaces toujours heureuses, glissées et distillées avec à
propos dans une harmonie relevée et transcendante, palette relevée des
jeux de timbres : chaque œuvre s'ouvre sur un univers plein de
contrastes, tel le rêve animé du « Sueńero » de Jorge Fandermole, la
pétulance festive de « La Sachapera » de Cuti Carbajal ou encore le cri
déchirant de « Qué he Sacado con Quererte » de Violetta Parra porté par
Luis Rigou ; mais aussi, le fil tendu par Kusa dans « Como Pàjaros en el
Aire » de Peteco Parbajal, le jeu de séduction dans « Munahuanqui » de
Jorge Milchberg, la douleur du « El Alazan » de Yupanqui, ou enfin
l'authenticité à fleur de peau de « Yo vengo a ofrecer mi corazon » de
Pito Paez, sans oublier la ferveur incandescente de « Solo le pido a
Dios » de Leon Gieco, pour ne citer que ces pièces, sans omettre la
contribution d'Eguez en compositeur éminent pour deux pièces superbes,
le tout pour un voyage enrobé de douceur, mélancolie, joie et
profondeur.
Eguez en chef charismatique et guitariste magistral est un vrai
magicien. La Chimera, en entier est magicienne, Margherita Pupulin et
son violon survolté, Carolina Eguez et sa viole de gambe lyrique et
délicate, Sebastian de Urquiza stupéfiant à la contrebasse, Juan José
Francione et ses guitares, charango et ronroco chaleureux. Mais aussi
Luis Rigou, jonglant entre flûtiste habité, ténor empreint de vitalité
et de sincérité dans les accents de sa voix et danseur endiablé, et
enfin Barbara Kusa à la voix pure, cristalline, élégante, juste sublime
de par son lyrisme éclairé. Chacun, chacune, devenant enfin pour un
instant percussionniste. Et de cette profusion musicale à la prosodie
sidérale émerge d'abord et avant tout une poésie, celle du partage,
celle de l'humanité, celle de l'amour inconditionnel. Un temps fort d'un
art magnifié au firmament.
Jean-Paul Bottemanne |
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Jordi SAVALL Gaveau 16 mars 2023
La réunion et l'union des quatre
musiciens d'exception que sont le gambiste Jordi Savall, le claveciniste
Pierre Hantaï, le guitariste et théorbiste Xavier Diaz-Latorre et le
percussionniste Pedro Estevan est par évidence la promesse d'un temps
suspendu, d'une entrée dans un univers parallèle où la beauté et
l'harmonie chorale règnent en absolu. Savall, sans conteste, est un
virtuose fascinant dont la réputation de sa maestria ne cesse
d'enchanter et de surprendre encore et toujours, et dont le jeu pétulant
se dispute à l'élégance de la grâce. Et sans faute, ce musicien rare,
transcendant et exquis, tout comme Hantaï, Diaz-Latorre et Estevan, a
honoré son public d'une prestation immaculée.
Programme de choix axé principalement autour de la viole de gambe,
flamboyant voyage dans les grandes heures musicales de l'Europe de
Ortiz, Sanz, Arauxo, Louis Couperin, Valente, Marin Marais sans oublier
la féconde vie musicale baroque de la Cour Anglaise de la même période.
Baroque durant lequel l'art de la variation sur des thèmes intemporels
comme celui de la Folia, tel le phénix, survole et renaît sans cesse
dans un flux supérieur, l'audace créatrice s'alliant à la virtuosité
hypnotique, légère et enlevée, mais diantrement virtuose avec Ortiz, feu
d'artifice en crescendo jusqu'à l'explosion finale avec Marais.
De même pour la passacaille agile et galante de Couperin, sublimement
révélée sous les doigts de Hantai. De même encore avec ces airs anonymes
de Greensleves ou Guaracha, avec lesquelles l'amour de la variation
invite à se laisser emporter dans une farandole énonciative ou
l'inventivité semble sans limites.
Mais plus encore, c'est le lien sous-jacent permanent avec les danses de
cour qui domine et conduit cette esthétique baroque comme avec les
Jacaras et Canarios de Sanz, stupéfiantes de vitalité dans
l'interprétation de Diaz-Latorre, ou encore les pièces pour violes de
Marais, poignantes osées et profondes.
Programme et concert juste sublimes ; un concert maîtrisé brillamment
par le quatuor instrumental, et dont le public s'est régalé jusqu'au
dernier et énième rappel, jusqu’à la dernière résonance, cette dernière
vibration donnée par Savall pour confirmer que parfois une note seule se
suffit à elle-même.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Celia Oneto Bensaid Salle
Cortot 14 février 2023
Promouvoir, défendre et faire
découvrir une œuvre majeure d'une compositrice française trop longtemps
passée sous silence était l'objectif honorable recherché par Celia
Bensaid au travers de son récital, juste prolongement de son tout
dernier enregistrement récemment sorti et entièrement consacré à Marie
Jaell et son cycle de seize pièces « D'après ce qu'on entend dans
l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis » (cf chronique sur le site).
Récital romantique empreint de tragédie vitale centré autour de la
compositrice Jaell, dont Liszt aimait à souligner que ses partitions
devraient être sur tous les pupitres. Cycle pratiquement donné en
entier, habilement paré par intermèdes de cinq pièces de Liszt, en
osmose et écho parfait à Jaell. Tout dans l'interprétation de Bensaid
respirait l'excellence et l'émotion. Jouant avec nos nerfs durant les
quatre pièces démesurées de l'Enfer à l'intensité et la tension sans
répit, le poids du glas jamais relâché, ciselant une résonance révélée
pour le Purgatoire,et enfin scintillante dans la douceur et l'humilité
de son Paradis. Tant de pépites imaginées par Jaell, si moderne dans ses
couleurs harmoniques, sa conduite rythmique. Bensaid tout autant superbe
avec Liszt, comme durant les espiègleries délicieuses de la Valse N.3 de
Mephisto, le lyrisme transcendant des transcriptions pour piano de
Lieder de Schubert, et le bruissement de « Un sospiro ». Un concert
allant à l'ouverture du coeur. Car Celia Bensaid, par l'intermédiaire de
son talent, n'est pas seulement une grande pianiste déjà lauréate de
nombreux concours, mais aussi et d'abord une interprète généreuse,
sincère et authentique. Artiste que chacun se doit de rencontrer afin de
vivre un instant magique.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Anna Vinnitskaya Théâtre Champs Elysees
31 janvier 2023
Musicienne exceptionnelle, Anna Vinnitskaya est devenue
incontestablement une pianiste incontournable de la scène
internationale. Encore une fois, elle aura subjugué son public en
portant de bout en bout un programme audacieux, exigeant et chatoyant,
et avec quel éclat ! Tout dans sa prestation, de sa gestuelle fascinante
à sa technique irréprochable, est un enchantement au service de
l'émotion naissant de son art et de son talent. Sa générosité ardente et
irradiante est d'abord celle d'une artiste fusionnelle à son instrument.
Piano dont elle sait tirer et extraire toutes les palettes de nuances,
de couleurs, dans la recherche d'un absolu effréné et passionné. Telle
cette Valse de Ravel, en clôture de soirée, et sa mise en valeur moirée
et contrastée, tout en préservant la touche d'intimité et de rêve. Telle
encore la palpitation ininterrompue et forte en relief émanant de sa
lecture des impromptus 1, 2 et 3 ou plus encore même la profondeur rare
de son opus 66 de Chopin.
La seconde partie, prolongement logique du programme, débute par l'opus
18, Prélude, Fugue et variation de César Franck, dans sa transcription
pour piano par Théo Wegman. Avec cette oeuvre ciselée qui se donne sans
se donner, dominée par le charme du frisson retenu et contenu de
l'énonciation mélodique, l'entrée en matière éclairée de Vinnitskaya
dans sa conduite limpide de la partition adressait à l'auditoire un
aspect presque liturgique ; Puis, en poursuivant par Scriabine avec sa
Valse, op,1, sa Fantaisie, op.28, ses deux poèmes op.32 et surtout sa
Sonate n.5, le contraste ne pouvait être que plus saisissant. Car
Scriabine est un compositeur à part, hors normes, dont chacune des pages
requiert de son interprète une maitrise sans faille. Et dans ce domaine,
Vinnitskaya se révèle immense et merveilleuse. À la fois légère comme
une plume, espiègle et féline, magicienne et lyrique, battante et
frénétique, la pianiste a ici offert une interprétation enlevée et
accomplie du compositeur russe, capable d'en faire surgir tout le
lyrisme immanent, cela à un degré exceptionnel. Merci et bravo à elle
pour ce voyage.
Jean-Paul Bottemanne
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2004 : ANNÉE MARC-ANTOINE CHARPENTIER
JORDI SAVALL ET MARC-ANTOINE CHARPENTIER : une interview
exclusive
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Notre revue a eu le grand plaisir de demander à Jordi
SAVALL quelles étaient ses impressions quant au grand musicien français dont
nous fêtons le 300ième anniversaire de sa mort. Avant le concert consacré à
CHARPENTIER qu'il donnait cette soirée à Vézelay, il a bien voulu rappeler
quelles furent les conditions de sa rencontre avec l'oeuvre du musicien et quels
conseils il propose à l'auditeur contemporain pour aborder cette oeuvre
délicate...
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LEXNEWS 2004
LEXNEWS : « Comment avez-vous
découvert CHARPENTIER dans votre parcours musical ? »
Jordi SAVALL :
« J’ai
découvert CHARPENTIER dans la première période de mon parcours où j’étudiais la
musique française de Marin MARAIS, François COUPERIN, et bien d’autres encore
que je découvrais avec passion à la Bibliothèque Nationale et également à la
Bibliothèque de Versailles. C’est avec ce travail de recherche que je me
préparais à apprendre à jouer de la viole de gambe et à cette occasion je me
suis rapidement rendu compte que CHARPENTIER était l’un des plus grands de cette
époque. C’est à cette même époque que j’ai réalisé que autant LULLY, et après
lui Marin MARAIS et François COUPERIN, avait pris une place très importante dans
la musique d’opéra et la musique instrumentale, autant CHARPENTIER avait
vraiment développé avec la musique religieuse un art dans lequel il excellait au
dessus de tous. J’ai essayé en premier lieu de m’imprégner de son œuvre. Après
quelques années de travail, j’ai pu réunir un bon ensemble de chanteurs avec la
Capella Reial et en 1989 nous avons fondé le Concert des Nations avec
lequel nous avons pu réaliser le premier enregistrement de CHARPENTIER.
J’essayais alors de choisir des pièces qui montraient le parcours de la vie de
Marie mis en musique. C’est ainsi que j’ai pu introduire des pièces dans ce
disque qui dataient de ces premières années de recherche. Je dois avouer que
c’est toujours un souvenir émouvant que d’évoquer cette période où j’avais
réussi à réunir toute l’œuvre complète de CHARPENTIER en microfilms : cela
tenait en 4 ou 5 grands rouleaux de microfilms ! C’est ainsi que je pouvais
aller d’un livre à l’autre et choisir à loisir toutes les œuvres de ce grand
musicien. C’est en plus une musique qui est écrite de manière très claire, la
plupart des œuvres que nous avons enregistrées pour ce disque ont d’ailleurs été
jouées à partir de l’original sans transcriptions. C’est en effet un de mes
meilleurs souvenirs quant au travail sur la musique religieuse baroque de cette
époque avec MONTEVERDI ! »
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LEXNEWS : « Quel conseil Jordi
Savall pourrait il donner à un auditeur contemporain pour écouter CHARPENTIER de
nos jours ? »
Jordi SAVALL :
« Je pense que c’est une musique qui comme toutes les musiques est tributaire de
son interprétation. Il y a certes des musiques qui s’avèrent être plus
tolérantes quant à leur approche. Elles peuvent supporter des interprétations
plus souples sans pour autant les dénaturer. A l’inverse, pour la musique de
CHARPENTIER, comme celle de Marin MARAIS d’ailleurs, l’interprétation, le jeu de
la viole, la manière de chanter ainsi que tous les autres processus contribuent
à la dimension spirituelle de cette musique. Les œuvres de CHARPENTIER comme
celles de MONTEVERDI ou celles de Tomas Luis de VICTORIA sont beaucoup plus que
de belles compositions ou de beaux contrepoints, il y a toujours un message
spirituel très fort et il faut le retrouver. Il faut vraiment dépasser le cadre
du concert et considérer ces musiques comme de véritables œuvres vivantes
spirituelles. Je pense que c’est ce qui fait que ces musiques sont parfois plus
difficiles d’accès à un auditeur si l’interprète n’est pas véritablement habité
par cette approche. Je pense que c’est le danger de faire du CHARPENTIER comme
on pourrait faire du HAENDEL ou du VIVALDI, ce n’est pas la même chose ! Si des
œuvres de CHARPENTIER peuvent apparaître de prime abord comme spectaculaires, ce
n’est pas cet aspect qui prime chez ce compositeur… Je pense qu’il est possible
de lui appliquer cette phrase de COUPERIN qui disait : « J’aime mieux ce qui me
touche que ce qui me surprend » ! CHARPENTIER offre toujours une musique pleine
de grâce, de finesse, de contrepoint, d’harmonies très recherchées ainsi qu’un
travail sur les voix, sur la conception même de l’œuvre.
Les œuvres de CHARPENTIER ont un peu souffert d’autres
répertoires plus populaires. A l’époque le prestige qu’avait LULLY grâce à ses
privilèges éclipsait les autres musiciens de faire connaître leur art. Il ne
faut surtout pas considérer l’œuvre de CHARPENTIER sous cet angle car il n’est
pas un musicien de cour. Son œuvre religieuse est d’une grande pureté inspirée
notamment par l’Italie avec le travail réalisé avec CARISSIMI. Pour moi, c’est
un peu le PURCELL français avec qui il partage sa dimension créatrice, sa
maîtrise du contrepoint et son goût pour la recherche d’harmonies très
hardies.
Il me semble que le meilleur conseil que je puisse donner à
un auditeur contemporain c’est de prendre son temps pour découvrir tout cela. Il
faut se laisser porter par la musique et essayer d’entrer dans cette dimension
spirituelle et esthétique de l’œuvre de CHARPENTIER. »
© LEXNEWS 2004
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