« Perfect days » ; Un film de Wim
Wenders avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano, DVD, Blaq Out, 2024.
Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. Il
s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il
entretient une passion pour la musique, les livres, et les arbres qu’il aime
photographier. Son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues.
Et si Hirayama avait raison ? Qu’avons-nous fait de notre vie ? Telles sont
les questions qui ne manqueront pas de se poser les spectateurs de ce film
émouvant et sensible offert par Wim Wenders l’année passée et disponible
aujourd’hui en une belle édition DVD et blue-Ray chez Blaq Out. Le
réalisateur allemand célèbre déjà pour la poésie de son fameux long-métrage
« Les Ailes du désir » enchante de nouveau avec cette réalisation d’une rare
esthétique dans le quotidien urbain de la capitale du Japon, Tokyo.
Nous devinons progressivement que le personnage principal - interprété avec
une présence hypnotique à l’écran par Koji Yakusho (Prix d’Interprétation
masculine à Cannes ) - semble avoir une autre vie que celle qui l’occupe
quotidiennement quant à l’entretien des toilettes publiques de la capitale
japonaise. Mais rien ne semble transparaître de ce passé probablement
douloureux et qui l’a conduit à changer de vie et surtout de poser ce regard
sur les êtres et les choses. Soulignons que pour cette réalisation, Wim
Wenders avoue que Koji Yakusho fut « réputé » être un adepte des premières
et uniques prises ! « Laissez-moi faire », disait-il… Et combien avait-il
raison tant sa présence crève l’écran !
La part onirique si chère au réalisateur allemand s’immisce avec délicatesse
dans les rêves d’une rare beauté stylistique sans pour autant que la poésie
du quotidien ne soit en reste avec également des plans superbes… sans
oublier l’architecture étonnante des toilettes design et interactives de
Tokyo !
Chaque plan de ce film introspectif sublime le regard que nous portons sur
notre quotidien, en témoigne cette lumière qui transparaît des arbres si
précieux au personnage principal. Baigné d’esprit zen tout autant que
shintoïste, « Perfect Days » encouragera le spectateur occidental, mais
aussi japonais à se réapproprier cette intériorité si souvent mise à mal à
notre époque…
A noter, enfin, les bonus passionnants et la belle et longue présentation du
film par Wenders lui-même.
Canadian Pacific - 1949 ; Un film de
Edwin L.Marin avec Randolph Scott, Jane Wyatt, DVD, Sidonis, 2023.
Employé de la Canadian Pacific Railroad, Tom Andrews reçoit pour mission
de trouver un passage dans les Montagnes Rocheuses pour finaliser un
itinéraire de chemin de fer entre le Canada et les États-Unis. Une
entreprise qui n'est pas du goût de tout de monde, en particulier des
trappeurs qui mettent tout en œuvre pour saboter le projet, allant jusqu'à
provoquer une révolte indienne afin de préserver leurs intérêts dans le
commerce de la fourrure…
Ce long-métrage sorti en 1949 en pleine époque de succès du western propose
un sujet rarement abordé au grand écran à savoir la difficile construction
du chemin de fer reliant les États-Unis au Canada. Très rapidement ce
chantier monumental rencontra de sérieuses difficultés de la part des
populations locales qui redoutèrent d’être spoliées de leurs biens sans
oublier le sort guère plus enviable réservé aux nombreuses tribus indiennes…
L’acteur Randolph Scott, véritable vedette à l’époque avec à un actif de pas
moins de 62 westerns, campe avec brio, ici, le personnage de l’arpenteur
ayant pour mission délicate de trouver une voie dans les Montagnes Rocheuses
ainsi que faire régner l’ordre sur ce chantier plus qu’explosif…
Le scénario bien ficelé et crédible s’appuie sur des faits historiques lors
de l’édification de la ligne datant de 1881, des faits historiques ayant
fourni un grand nombre d’anecdotes au film. Les décors de cette grande
production sont pour la plupart ceux des fameuses Montagnes Rocheuses qui
irradient de leurs couleurs vertigineuses cette aventure mouvementée.
Un trio amoureux, des Indiens, un vilain, il n’en fallait pas plus pour que
cette réalisation enlevée du réalisateur Edwin L. Marin offre un plaisant
divertissement !
"Le samouraï" (1967) : Un film de
Jean-Pierre Melville avec Alain Delon, François Périer, Nathalie Delon,
Cathy Rosier… Scénario de Jean-Pierre Melville et Georges Pellegrin ;
Photographie d’Henri Decaë ; Décors de François de Lamothe ; En UHD, Blu-ray
et DVD, coffret collector limité et numéroté à 1 000 exemplaires, Pathé
Films, 2023.
Jef Costello (Alain Delon), un tueur à gages, reçoit pour mission de
liquider le patron d’une boîte de jazz et prépare soigneusement son coup.
Dans le club, personne ne le voit sauf la pianiste (Cathy Rosier) qui le
croise alors qu’il quitte la scène du crime… Arrêté pour vérification
d’identité, il est relâché grâce à un solide alibi mis au point avec sa
maîtresse Jane (Nathalie Delon). Pourtant persuadé qu’il est bien l’homme
recherché, le commissaire de police (François Périer) décide de se lancer à
ses trousses.
« Le samouraï » du réalisateur Jean-Pierre Melville compte parmi ces films
entrés dans la légende du cinéma, tant pour ses qualités esthétiques – cette
couleur melvillienne à nulle autre pareille restituée par la superbe
restauration du film – que pour la consécration de son personnage central :
le mythique Alain Delon. « Le samouraï » marquera une étape déterminante
dans la reconnaissance internationale de Jean-Pierre Melville à la fin des
années 60. Perfection des plans, importance du non-dit et des silences
propices à développer l’éventail du jeu énigmatique d’Alain Delon, ce film
taillé sur mesure pour l’acteur manifeste le goût du réalisateur pour les
héros solitaires et sans peur. Mais derrière cette façade percent de temps à
autre quelques failles, celles suggérées par l’attachement discret à cet
oiseau en cage ou encore cette très discrète relation amoureuse avec sa
maîtresse interprétée, ici, par sa femme dans la vie, Nathalie Delon…
Bref, celles et ceux qui n’auraient pas revu ce film incontournable auront
plaisir à le redécouvrir ou à le découvrir tout simplement dans cette
remarquable édition complétée par des bonus également passionnants ; à
découvrir notamment le témoignage de Philippe Labro sur son amitié
indéfectible avec Melville.
« Audrey Rose » (1977) - Un film de
Robert Wise Frank De Felitta (scénario) avec Anthony Hopkins, Marsha Mason
et John Becken ; DVD / 1h 53min / RIMINI Editions, 2023.
Janice et Bill Templeton forment avec leur fille Ivy une famille heureuse
et sans histoire... jusqu’au jour où un mystérieux étranger se met à les
suivre partout où ils vont. L’inconnu finit par leur proposer un rendez-vous
et leur révéler qu’Ivy serait la réincarnation de sa propre fille, morte
onze ans plus tôt...
Les amateurs de West Side Story seront surpris de découvrir que son
réalisateur Robert Wise excellait également dans un tout autre genre, à
savoir celui du fantastique ! « Audrey Rose » compte parmi cette veine
développée en 1977 dans la foulée du fameux film L’Exorciste sorti en 1973.
Pour ce long-métrage Robert Wise ne fait pas le choix d’effets spéciaux
impressionnants, mais au contraire retient une approche reposant
essentiellement sur les non-dits et les atmosphères oppressantes avec un jeu
de prises de vue intérieur/extérieur subtil. Tout en effet est en suggestion
dans ce film servi par l’interprétation inspirée du jeune Anthony Hopkins
qui apporte un peu de profondeur sur cette histoire de réincarnation. Si les
questions soulevées s’inscrivent dans le contexte de l’époque d’une Amérique
découvrant les spiritualités d’Extrême-Orient, le film peine quelque peu à
élever le débat. Au-delà, cette réalisation soignée offre cependant de
bonnes scènes sur une question originale à redécouvrir dans cette édition
DVD.
Bonus :
-Le cinéma d’horreur selon Robert Wise (17’30), par Stéphane du Mesnildot,
historien du cinéma
-Audrey Rose, une âme pour « deux » : livret de 24 pages conçu par Marc
Toullec
« EN PLEIN FEU » ; Un film de
Quentin Reynaud avec Alex Lutz et André Dussollier ; Durée: 1h25, DVD ;
Apollo films - StudioCanal, 2023.
Un feu géant ravage la forêt des Landes. À la suite d’une alerte
évacuation, Simon et son père Joseph quittent leur domicile mais se
retrouvent rapidement prisonniers de leur véhicule au milieu de ce cauchemar
climatique. Le brasier se rapproche. Que faire ? Attendre les secours… ? Ou
n’est-ce pas en s'enfonçant plus loin encore dans l'immensité terrifiante de
la forêt brûlante qu'ils trouveront le moyen de s'en sortir… ?
Le dernier film de Quentin Reynaud plonge le spectateur dans la fournaise
des relations, celles d’un père avec son fils à l’instant ultime de la vie.
Sur fond cataclysmique – le réalisateur parvenant à reproduire de manière
impressionnante l’embrasement de la forêt des Landes – ce long-métrage
cherche surtout à approfondir les errances du personnage principal
interprété avec talent par Alex Lutz dans ces rapports de père en fils. Les
errances de Simon dans la forêt embrasée ne sont pas sans rappeler celles de
Kagemusha dans l’un des chefs d’œuvre d’Akira Kurosawa et cette ambiance de
fin du monde constituant l’arrière-plan demeure, ici, propice à de multiples
évocations oniriques. Quelle issue s’offre au jeune homme pris dans les
tenailles de l’embrasement général malgré la présence essentielle de son
père interprété avec justesse par André Dussollier et ce fils qu’il tente en
vain de joindre ? Un film sensible à découvrir dans cette édition DVD.
BIG GUNS ; Un film de Duccio Tessari
avec Alain Delon, Richard Conte, Roger Hanin, Carla Gravina, Marc Porel…
Scénario : Ugo Liberatore, Franco Verucci et Roberto Gandus, d'après une
histoire de Franco Verucci ; Musique : Gianni Ferrio ; Édition restaurée DVD/Blu-ray,
Pathé Films, 2023.
Tony Arzenta exerce ses talents de tueur à gages pour le compte d’une
mafia internationale. Lorsqu’il annonce son retrait pour consacrer davantage
de temps à sa femme et son fils, l’organisation décide de le traquer pour le
liquider...
Ce film quelque peu méconnu dans lequel Alain Delon campe le rôle d’un tueur
à gages désabusé vient de faire l’objet d’une restauration inédite en 4K
sous la supervision de Pathé ; une restauration bien venue qui offre
d’occasion de redécouvrir l’acteur dans un scénario taillé pour lui sur
mesure. Sans valoir le Clan des Siciliens, « Big Guns » devrait retenir
l’attention des amateurs de Delon tant ce dernier livre dans ce
long-métrage, qu’il co-produisit et qui fut dirigé par Duccio Tessari, une
interprétation sensible et pleine de nuances, loin des rôles parfois plus
composés qu’il pourra jouer par la suite. C’est en effet un Alain Delon à la
fois taciturne et mélancolique, froid mais aussi les larmes aux yeux que
l’on découvre avec cette palette d’émotions à partir de son seul et fameux
regard…
Ce film sorti en 1973, un an après le fameux Parrain, sans jouir du même
souffle, s’inscrit cependant dans une version plus réaliste de la mafia,
dont les codes moraux semblent nettement plus estompés - à la différence de
la vision parfois esthétisante du Parrain – au profit d’une noirceur
impitoyable et probablement plus fidèle à la réalité. Devenu une machine à
tuer dont les sentiments se sont quasiment évanouis, le tueur s’engage dans
une course poursuite vers une mort inéluctable.
Avec des plans soignés, une photographie qui s’inscrit notamment dans le
design des années seventies et le modernisme urbain des villes européennes
telle la brumeuse Milan hivernale, Big Guns ravira assurément les amateurs
d’Alain Delon et des films de cinéma bis.
Infos techniques :
DVD - 1.85 - Couleur
Version française : 99 min - LANGUES : Français Mono 2.0 - SOUS-
TITRES : Sourds et malentendants
Version italienne : 109 min - LANGUES : Italien Mono 2.0 - SOUS-
TITRES : Français / Anglais
BLU-RAY - 1.85 - Couleur
Version française : 103 min - LANGUES : Français DTS Mono 2.0 -
SOUS-TITRES : Sourds et malentendants
Version italienne : 113 min - LANGUES : Italien DTS Mono 2.0 -
SOUS-TITRES : Français / Anglais
Suppléments :
Big Guns : Entretiens autour du film avec Nicolas Pariser, Jean-
François Rauger et Laurent Chollet (38 min)
"Trois Jours à Vivre" ; Un film de
Gilles Grangier avec Daniel Gélin, Jeanne Moreau, Lino Ventura, Georges
Flamand, Armontel et Aimé Clariond, DVD, Pathé film, 2023.
Simon Belin est un comédien ambitieux dans une troupe de théâtre
itinérante, mais toujours relégué aux seconds rôles. Un soir, il est témoin
d’un meurtre. En identifiant le premier suspect qu’on lui présente, Lino
Ferrar, il voit là une opportunité pour briller et être sous le feu des
projecteurs. Mais ce dernier s’échappe de prison et prévient Simon : il ne
lui reste que trois jours à vivre.
« Trois jours à vivre » compte parmi ces films quelque peu injustement
oubliés et dont la récente restauration redonne un lustre appréciable pour
cette réalisation pourtant soignée signée Gilles Grangier et servie par une
pléthore d’acteurs talentueux. Qu’on en juge ! Daniel Gélin, Jeanne Moreau,
Lino Ventura et bien d’autres gloires du cinéma concourent en effet à donner
du brio à « Trois jours à vivre ». Mais, le réalisateur a lors de sa sortie
en 1958 (deux ans après son tournage) été quelque peu boudé par la Nouvelle
Vague qui critiquait en lui un cinéma trop facile et grand public.
Certes l’intrigue servie tout de même par le truculent dialoguiste Michel
Audiard est un brin prévisible mêlant ambiance de films noirs et comédie.
Les jeunes acteurs s’engagent cependant pour donner à ce long-métrage une
certaine profondeur notamment le duo Gélin et Moreau particulièrement
présent à l’écran pour ce début de leur carrière.
Mais le charme de ce film réside surtout dans la photographie remarquable
d’Armand Thirard, sans oublier un jeune assistant-réalisateur plein de
promesses en la personne de… Jacques Deray !
Bref, tout concourt à faire de « Trois jours à vivre » un plaisant moment de
divertissement et de cinéma dans cette belle belle version restaurée Pathé
Film.
« L'homme de Dieu » ; Un film de
Yelena Popovic avec Aris Servetalis (The Waiter (2018)), Alexander Petrov (War
Zone (2012)), Mickey Rourke (Iron man 2 (2010), Les Immortels (2011)) &
Tonia Sotiropoulou (Skyfall (2012), Hercule (2014)) ; Durée : 1h50, DVD,
Saje Distribution, 2022.
Exilé injustement, condamné sans jugement, calomnié sans motif. La vie,
les épreuves et les tribulations d’un homme de Dieu, Saint Nectarios
d'Égine, qui supporta jusqu’au bout la haine injuste de ses ennemis tout en
prêchant la Parole de Dieu sans relâche.
« L’homme de Dieu », deuxième long-métrage de la réalisatrice Yelena Popovic,
fait entrer le spectateur dans l’univers mystique des grands ascètes
spirituels, en l’espèce celui de Nectarios d’Égine au parcours singulier. Ce
film qui a rencontré un large succès lors de sa sortie retrace, en effet, le
parcours étonnant d’un véritable saint ayant toute sa vie durant enduré les
injustices et autres cabales afin d’écarter cet homme jugé trop dérangeant.
Cet homme de Dieu éloigné de toute soif du pouvoir dérange en effet les
autorités religieuses de son temps au XIXe siècle et suscite ainsi bien des
haines et convoitises contre lui. Véritable bouc émissaire des faiblesses
humaines, il sera dès lors conspué, exilé et relégué dans une île lointaine,
Égine, où il fondera un monastère de moniales, cette dernière initiative
donnant également lieu à de nouvelles injustices.
Ce film sobre et à la réalisation esthétique nous plonge dans l’intériorité
de cet homme de Dieu à la fois humble et fort d’une passion sans limites
pour l’amour divin transcendant toutes les bassesses humaines. La qualité de
ce film tient également au charisme rayonnant de son principal acteur en la
personne d’Aris Servetalis qui irradie l’écran de son regard bienveillant et
parvient même à occulter la brève présence étonnante de Mickey Rourke dans
la scène finale où il incarne le paralytique miraculé !
« Bill Doolin le hors-la-loi » (Cattle
Annie and Little Britches) – 1981 ; Un film de Lamont Johnson avec Burt
Lancaster, Amanda Plummer, DVD, Sidonis, 2022.
Deux adolescentes, bercées d’histoires de hors-la-loi, décident de partir
à leur recherche. Elles croisent le chemin de l’un d’entre eux : Bill Doolin,
ombre de lui-même. Leur déception fait place à leur décision de l’aider à
échapper à un marshal très entêté.
« Bill Doolin » du réalisateur Lamont Johnson se trouve être le dernier
western d’une légende du cinéma, Burt Lancaster. Initialement prévu pour un
autre héros hollywoodien du genre, John Wayne, ce dernier étant gravement
malade, l’acteur au sourire légendaire le remplaça au pied levé. Si ce
western du début des années 80 n’a pas le brio de ses aînés, il offre
cependant un traitement original d’un sujet véridique, à savoir la lente
décomposition d’une bande de bandits menée par Bill Doolin au terme de sa
vie accompagné de l’un des derniers Dalton. Deux adolescentes sans
ressources, ni parents, sont fascinées par ces hors-la-loi et décident de se
rallier à leur cause, partageant leur vie miséreuse faite de vols souvent
ratés…
Inspiré d’une histoire vraie, notamment les deux jeunes filles Anna McDoulet
et Jennie Stevens qui purgeront une peine de prison pendant 6 mois au terme
de cette épisode de leur vie, ce western parvient à restituer de manière à
la fois humoristique et tragique leur quotidien. Deux figures ressortent de
cette réalisation tournée à Durango dans le propre ranch de John Wayne : un
Burt Lancaster au terme de sa carrière mais rayonnant de présence et de joie
de vivre. Face à lui, la fille de Christopher Plummer, pétillante et
parvenant sans forcer à prendre sa place dans ce milieu d’hommes…
Format : 4/3 1:33 Audio : VOSTFR – VF Durée : 97 min Bonus : Présentation du
film par Patrick Brion
COUP DE FOUET EN RETOUR (BLACKLASH)
de John STURGES – 1956 - Avec Richard WIDMARK, Donna REED, William CAMPBELL
; INEDIT en BLU RAY Master HD, Interview de Richard WIDMARK, Technicolor
restauré - VF/VOST, 1h21, DVD, Sidonis, 2022.
Au lendemain de la Guerre de Sécession, Jim Slater revient en Arizona, à
la recherche de la tombe de son père qui, jadis, échappa au massacre de ses
compagnons par les indiens avant de s’enfuir avec 60.000 dollars en or…
« Coup de fouet en retour » est l’exemple même de western ne bénéficiant pas
des moyens financiers importants des compagnies concurrentes, mais proposant
néanmoins un scénario et une réalisation méritant l’attention.
Produit par Universal à l’époque, ce film assez modeste offre, en effet, une
intrigue séduisante allant crescendo jusqu’à son issue singulière. Il faut
dire que le réalisateur John Sturges signera par la suite de grands westerns
passés à la postérité tels « Les sept mercenaires » et « Règlement de
Comptes à OK Corral »…
Sans atteindre le niveau de ces derniers, « Coup de fouet en retour » mérite
d’être redécouvert grâce à cette belle édition Technicolor restaurée Master
HD, et surtout pour la prestation qu’y livre le grand acteur Richard Widmark
plus vrai que nature. Le personnage qu’il incarne développe tout au long du
film différentes facettes psychologiques qui se révèlent progressivement
avec nuances, ce qui n’est habituellement pas le propre du genre. Face à lui
Donna Reed (« tant qu’il y aura des hommes » ; « La vie est belle »)
resplendit à l’écran par sa présence.
« SOLE » ; Un film de Carlo Sironi
avec Claudio Segaluscio et Sandra Drzymalska, DVD, Les Alchimistes Films,
2022.
Le jeune Ermanno vit dans une Italie sans futur. Lena, 22 ans, enceinte,
arrive tout juste de Pologne. Elle porte l’enfant que l’oncle d’Ermanno et
sa femme adopteront à la naissance…
Premier long-métrage du jeune réalisateur Carlo Sironi, « Sole » fait preuve
d’une maturité étonnante et d’une maîtrise technique remarquable (filmée en
format 1:1.33). Délaissant les effets spéciaux et le zapping des images, le
réalisateur prend le temps d’entrer au cœur de la psychologie de chacun des
protagonistes pour livrer un film fin et introspectif. Revendiquant
l’héritage du cinéma japonais des années 50 dont notamment le célèbre
réalisateur Mikio Naruse, Sironi tisse progressivement une narration
reposant plus sur l’expression de ses acteurs que sur le dialogue. D’un
mutisme obsédant dans la première partie du film, des failles s’immiscent
cependant progressivement jusqu’au point d’orgue final. La barrière de la
langue (dans le film comme pour les acteurs retenus), le lourd passé suggéré
pesant sur chacun d’entre eux, la fatalité des liens éclatés ne laissent
guère d’espoir dans cet univers glauque où l’amour maternel impossible
devient tarifé… Mais Sironi parvient à introduire dans cette histoire un
brin d’espoir, une lumière qui progressivement justifie le titre du film,
prénom de l’enfant qui occupera la deuxième partie. Histoire d’amour
improbable, communication suggérée plus qu’avérée, « Sole » irradie le cœur
des hommes au final dans cette ambiance bleutée qui caractérise la
photographie de ce film à découvrir impérativement.
« Si j’étais un espion » ; Un film
de Bertrand Blier avec Bernard Blier, Bruno Cremer, Patricia Scott, Claude
Piéplu, Pierre Le Rumeur, Suzanne Flon ; Scénario de Bertrand Blier ;
Dialogues de Philippe Adrien ; Musique de Serge Gainsbourg et Michel
Colombier ; En combo DVD/Blu-ray, Pathé Films, 2022.
Médecin parisien menant une existence paisible et anonyme, le docteur
Lefebvre voit sa vie totalement bouleversée lorsqu’un de ses patients, connu
pour son comportement dépressif, est porté disparu…
Une ambiance noir et blanc des plus classiques, un médecin « soudainement »
impliqué dans une histoire rocambolesque, Bertrand Blier dans un rôle
original… Il n’en fallait pas plus pour composer un film d’espionnage
atypique, premier film de Bertrand Blier, le fils de l’acteur appelé à un
bel avenir. Et pourtant, cette réalisation singulière ne connut pas à sa
sortie un succès retentissant, ce qui surprend aujourd’hui au regard de la
qualité de l’image et du jeu des acteurs. Composant par le truchement d’une
intrigue de plus en plus serrée une ambiance étrange, ce film alterne entre
oppression du personnage manifestement pris au piège et quotidien anonyme de
la vie parisienne des années 60. Bertrand Blier signe avec « Si j’étais un
espion » un film en marges du genre, le spectateur ne parvenant pas à cerner
ce mystère, ni la véritable personnalité des protagonistes à commencer par
celle du médecin, impeccablement interprété par Bernard Blier en premier
rôle. Avec ses plans soignés et une musique attractive signée Gainsbourg, ce
film mérite d’être redécouvert dans cette version restaurée en 4K.
Version restaurée en 4K, sous la supervision de Pathé avec le soutien du
CNC
Suppléments :
Si j’étais un espion : Entretien avec Bertrand Blier par Vincent Roussel (30
min)
Archive : Bernard et Bertrand Blier à propos de leur première collaboration
« Contes du hasard et autres
fantaisies » ; Un film de Ryusuke Hamaguchi avec Kotone Furukawa, Katsuki
Mori, Kiyohiko Shibukawa, Fusako Urabe, Aoba Kawai ; DVD et VOD, Diaphana,
2022.
Un triangle amoureux inattendu, une tentative de séduction qui tourne mal et
une rencontre née d’un malentendu. La trajectoire de trois femmes qui vont
devoir faire un choix…
Après « Drive My Car » présenté dans ces colonnes, Oscar du meilleur film
international, le dernier long-métrage du réalisateur japonais Ryūsuke
Hamaguchi développe sur trois contes la thématique de la coïncidence
touchant un personnage féminin. Manifestement inspiré du cinéma d’Éric
Rohmer, « Contes du hasard et autres fantaisies » explore l’intimité
féminine jusqu’en ses infimes variations en autant de petits tableaux
sensibles, allant de la légèreté aux questions les plus existentielles.
Ce parcours sinueux de trois femmes livrées à leur destin se trouve
bouleversé par cet inattendu qui introduit des ruptures subrepticement dans
leur vie quotidienne. Le hasard fait-il bien les choses ? Tels sont les fils
qui se tissent dans cette réalisation soignée se déroulant dans le silence
feutré de l’inconscient des personnages. Réalisé sous la forme de trois
histoires distinctes, « Contes du hasard et autres fantaisies » convie à
l’inattendu du monde, à notre capacité à élever notre imagination pour
aborder certaines situations que le hasard place sur nos vies.
Ce film a le mérite de nous ouvrir à cette perspective, ce qui n’est pas le
moindre de ses mérites.
"UN AUTRE MONDE" de Stéphane Brizé
avec Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon, DVD, DIAPHANA
ÉDITION VIDÉO, 2022.
Un cadre d'entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix
professionnels de l'un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa
femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre
performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux
injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on
le veut aujourd'hui exécutant. Il est à l'instant où il lui faut décider du
sens de sa vie.
Ce troisième opus de la trilogie, après « La loi du marché » (2015) et « En
guerre » (2018), fait entrer le spectateur dans l’univers sombre et
impitoyable du marché, marché qui gouverne et dirige toutes les lois des
affaires… et les hommes écrasés par elles. Ce qui est vécu au quotidien par
des millions de femmes et d’hommes dans nos sociétés dites modernes fait
l’objet d’un traitement une fois de plus sans concession par Stéphane Brizé
avec son acteur fétiche, Vincent Lindon particulièrement inspiré par son
rôle. Cet être que l’on sent sensible et ouvert s’effondre progressivement
dans l’adversité, à la fois professionnelle et privée, de sa vie.
S’entourant d’acteurs pour la plupart non professionnel à l’exception de la
fragile Sandrine Kimberlain, méconnaissable dans ce rôle où elle interprète
une femme brisée par son divorce, Brizé dépeint sans merci, mais sans
caricatures pour autant, cette dépersonnalisation des rapports humains
conduisant à cet « homme sans qualité » qu’évoquait déjà en son temps Robert
Musil. Sans dévoiler l’issue de ce film bien mené, le personnage central
n’acceptera pas cette fatalité, non point en Robin des Bois des affaires
mais en homme debout, face à son destin et à celui de ses congénères. Un
film qui fait sens.
« L’extravagant Mr. Deeds » (Mr.
Deeds Goes to Town) 1936 ; Un film de Frank Capra avec Gary Cooper et Jean
Arthur ; DVD, Wild Side Vidéo, 2022.
Martin W. Semple s’est tué dans un accident de voiture, léguant son
immense fortune à un neveu qu’il n’a jamais vu. La haute société
new-yorkaise est en émoi !
Qui est donc ce Longfellow Deeds, ce jeune homme naïf, un tantinet loufoque,
qui joue du tuba et écrit des vers, pour la plus grande joie des habitants
de sa bourgade,
Mandrake Falls ?
Ce chef-d’œuvre du réalisateur Frank Capra réalisé en 1936 fait l’objet
d’une belle édition avec ce coffret BR/DVD/Livret. Il faut dire que ce récit
humaniste passé à la postérité pour l’impressionnant travail mené par le
réalisateur américain d’origine italienne, non seulement sur les cadrages
savants mettant en valeur ses acteurs, mais aussi pour cette liberté qui fut
sienne afin d’encourager les émotions de ces derniers à l’écran.
Et le résultat opère avec cette saisissante prestation d’un jeune acteur qui
serait amené à être pourtant plus connu pour ses rôles taciturnes que
facétieux. Le jeune Gary Cooper crève, en effet, l’écran dans ce rôle unique
dans sa carrière où il lui sera loisible de laisser apparaître tour à tour
un visage candide, des traits tourmentés ou encore des sourires
communicatifs. Face à lui la sémillante Jean Arthur a quelques difficultés à
rivaliser avec son partenaire qui lui vole souvent la vedette.
Frank Capra avec cette comédie délivre à la veille de la 2e Guerre mondiale
un message pour un monde plus humain anticipant déjà sur son iconique « La
vie est belle » qui sortira dix ans après. Le réalisateur de « Arsenic et
vieilles dentelles » livre ainsi avec « L’extravagant Mr Deeds » un film à
la fois bouleversant et divertissant à redécouvrir dans cette belle édition
Wild Side Vidéo !
« Les nuits révolutionnaires »
réalisé par Charles Brabant, 7 épisodes de 60 min - Version numérisée et
restaurée en 2K, 4 DVD, Doriane Films, RM Arts, 2021.
Restif de la Bretonne, écrivain et philosophe, moraliste autant que
libertin, a vécu la Révolution à chaud. Toutes les nuits, il arpente les
bas-quartiers du Paris populaire, tel un hibou. C’est en voyant défiler sous
ses yeux la grande, et la petite histoire, qu’il a écrit Les Nuits de Paris.
Véritable petit bijou de nos jours injustement méconnu, la série « Les nuits
révolutionnaires » d’après l’œuvre et la vie de Nicolas Restif de la
Bretonne nous transporte à la veille de la Révolution jusqu’à la Terreur
robespierriste en 7 épisodes passionnants. Le réalisateur, Charles Brabant,
littéralement happé par le souffle rétivien a conçu un scénario
particulièrement habile afin de restituer ces temps troublés où chaque parti
cherchait à tirer à soi la lame de fond révolutionnaire. Produite pour le
bicentenaire de la Révolution en 1989, cette fresque trépidante n’a pas pris
une ride et la prestation de son personnage principal en la personne de
Michel Aumont rivalise avec la beauté des décors restituant le Paris
nocturne et diurne des années révolutionnaires.
Alternant moments de gravité et scènes plus cocasses, l’esprit libertin
côtoie celui des Lumières en d’habiles transitions. Avec un casting de choix
(Michel Bouquet, Maria Casarès, Fabrice Luchini, Gérard Desarthe, Bernard
Fresson, Daniel Mesguich, Paul Crauchet, Michel Robin, Maria de Medeiros,
Marcel Maréchal…), cette série parvient à se saisir non seulement de
l’esprit révolutionnaire avec ses convictions et doutes, mais aussi de la
vie parisienne vue sous d’autres angles que ceux habituellement légués par
l’histoire officielle, sous le regard perçant de cet écrivain à l’étonnant
parcourt que fut Restif de la Bretonne (1734-1806), dit « le hibou ».
Un voyage captivant sur les temps révolutionnaires à découvrir
impérativement avec ce coffret Doriane Films !
« Eiffel » ; Un film de Martin
Bourboulon avec Romain Duris, Emma Mackey et Pierre Deladonchamps ; DVD,
Pathé, 2022.
Venant tout juste de terminer sa collaboration sur la Statue de la
Liberté, Gustave Eiffel est au sommet de sa carrière. Le gouvernement
français veut qu’il crée quelque chose de spectaculaire pour l’Exposition
Universelle de 1889 à Paris, mais Eiffel ne s’intéresse qu’au projet de
métropolitain. Tout bascule lorsqu'il recroise son amour de jeunesse. Leur
relation interdite l’inspire à changer l’horizon de Paris pour toujours.
C’est un visage et surtout une passion qui ont été ainsi rendus à Gustave
Eiffel avec ce film réalisé par Marin Bourboulon. Ce long-métrage parvient à
rendre avec une beauté saisissante cette fin de siècle qui connut
l’Exposition Universelle et tous les espoirs après une guerre ayant ravagé
les esprits. L’heure est à l’insouciance et à la démesure, ce qui tombe
bien, car Eiffel offrira le projet qui cristallisera cette attente en une
unique dentelle de fer.
Mais l’intérêt de ce film ne réside pas dans la seule évocation de la genèse
de l’un des monuments les plus emblématiques de la capitale française mais
aussi dans le traitement du caractère du personnage saisi par une passion de
jeunesse qui éclaire sous un jour nouveau tout son travail. Ces « deux
femmes » occuperont l’esprit de l’ingénieur de manière à la fois possessive
et exclusive, la première lettre du prénom de l’aimée A pour Adeline
rejoignant la forme de la célèbre tour en devenir… Le réalisateur parvient à
évoquer avec puissance et poésie cette édification qui ne sera pas sans
embûches. Avec une photographie remarquable et des plans saisissants, toute
la magie de la Dame du Champ de Mars se trouve magnifiée dans ce film à
découvrir dans cette belle édition Pathé.
« Échec au porteur » (1957) ; Un
film de Gilles Grangier avec Paul Meurisse, Jeanne Moreau, Serge Reggiani et
Simone Renant ; Scénario : Pierre Véry, Noël Calef et Gilles Grangier
d'après le roman Échec au porteur de Noël Calef ; Dialogues : Noël Calef et
Pierre Véry ; DVD – 1.37 - N&B - 83 min, Pathe Films, 2022.
Membre d'un gang de trafiquants, Bastien Sassey transporte un ballon de
foot contenant de la drogue. Mais celui-ci est bientôt remplacé par un
ballon en plastique chargé d'explosifs, destiné à éliminer un gang rival.
Hélas, cette bombe à retardement tombe entre les mains d'un groupe d’enfants
qui joue à proximité...
La superbe restauration livrée par Pathé Films réjouira tous les amateurs de
bons polars, « Échec au porteur » réalisé en 1957 par Gilles Grangier
comptant assurément parmi eux. Porté par un scénario bien ficelé adapté du
roman de Noël Calef par l’auteur lui-même et Pierre Véry, ce film
transportera instantanément le spectateur dans un univers à jamais révolu,
celui des banlieues naissantes des années 50… Grâce à une distribution
prestigieuse mettant en avant Paul Meurisse, Jeanne Moreau et Serge Reggiani
sans oublier des seconds rôles convaincants, « Échec au porteur » tient en
haleine des premières jusqu’aux dernières minutes. Mais le plaisir réside
surtout dans la beauté de la réalisation avec ses plans parfaits, cette
photographie impeccable et un tournage en extérieur sur des plaines en
profonde mutation entre campagne et prochaine urbanisation, à l’image des
inoubliables plans de Pasolini sur les borgate romaines. On y
retrouvera ces meutes de jeunes enfants se chamaillant dans les décombres de
vieilles bâtisses appelées à être rasées par les pelleteuses de promoteurs,
ces petites ruelles dignes du photographe Atget et, paradoxalement, un monde
gagné par l’industrialisation et le modernisme, notamment la police, avec de
nouvelles technologies qui feront sourire de nos jours…
Suppléments :
- Analyse du film par Bertrand Tavernier (15 min)
- Gilles Grangier, Le Cinéma de Banlieue – Entretiens avec François
Guérif & Noël Véry (18 min)
- Actualité Pathé : Noël Calef reçoit le prix Quai des Orfèvres pour son
livre Échec au Porteur – 1956
Sort également en DVD « Le sang à la tête » de Gilles Grangier.
« L’Idiot » 1946 ; Un film de
Georges Lampin ; Scénario de Charles Spaak avec Gérard Philippe, Edwige
Feuillère, Lucien Coëdel et Marguerite Moreno d’après le roman de Fedor
Dostoïevski, DVD PAL - Toutes Zones - VF - N&B - 95 mn - Doriane Films –
2021.
1870. Après un long séjour en Suisse pour des raisons de santé, le
tendre et idéaliste prince Lev Nikolaïevitch Mychkine (Gérard Philippe)
retourne à Saint-Pétersbourg. Sans ressources, il se rend chez le général
Epantchine, son seul parent. Vite écoeuré par l’hypocrisie de la haute
société russe, le prince tente d’empêcher la belle Anastasia (Edwige
Feuillère) de se perdre aux mains du vil marchand Rogojine. Qui de l’idiot
ou du voleur gagnera son coeur ?
Il fallait oser une adaptation en moins de cent minutes du célèbre roman de
près de mille pages de Fiodor Dostoïevski « L’Idiot ». Georges Lampin su
relever ce défi avec un charme certain dans ce film sorti au lendemain de la
guerre, en 1946. Un tout jeune acteur encore méconnu à l’époque allait
irradier l’écran dans le rôle du prince Mychkine. Son nom ? Un certain
Gérard Philippe qui interprétait à la même époque du tournage le rôle de
Caligula dans la pièce de Camus, un grand écart qui témoignait déjà de
l’aisance de la future vedette. Dans le film de Lampin, face à la ténébreuse
et provocante Edwige Feuillère dans le rôle de la belle Anastasia, Gérard
Philippe parvient à se saisir de l’esprit du grand romancier russe quant à
l’interprétation de son rôle. Un souffle mi christique, mi- exalté,
caractérise ce personnage que ses contemporains présentent comme simple
d’esprit alors que la lucidité de son cœur parvient à révéler l’âme des
personnes qu’il rencontre. Dans ces multiples confrontations et sur fond
d’hypocrisies de la société russe, « L’Idiot » introduit un message
d’espoir, vite estompé par la fin tragique. Lampin, réalisateur d’origine
russe et nourri de littérature de son pays offre avec cette réalisation
soignée et des plans pour certains de toute beauté une lecture convaincante
de ce célèbre roman.
Du plomb pour l'inspecteur » (Pushover)
– 1954 ; Un film de Richard Quine avec Fred MacMurray, Philip Carey, Kim
Novak ; Format : 16/9, 1:85, Audio : Français – VOST, Durée : 82 min, Noir
et Blanc, DVD, Sidonis, 2021.
Des braqueurs tuent un vigile avant de prendre la fuite avec leur butin.
Un inspecteur infiltré surveille la maîtresse de l’un d’eux, mais l’amour
entre en jeu, et il se trouve rapidement pris au piège entre gangsters et
policiers ; sa vie va alors basculer.
Ce petit joyau méconnu du film noir mérite assurément d’être redécouvert
grâce à cette édition soignée du label Sidonis. « Du plomb pour l’inspecteur
» du réalisateur Richard Quine emporte en effet le spectateur en un
tourbillon sans retour impliquant un policier et une femme fatale balayés
par la tentation. Car là est bien le fil directeur de cette belle
réalisation, aux plans impeccables, portant principalement tout au long du
film sur un seul et même immeuble au sein duquel les protagonistes se
débâteront pour échapper à leur destin…
L’intrigue se met en place très progressivement à partir d’un banal hold-up
d’une banque, sans qu’un mot ne soit prononcé. Puis, crescendo, l’action
véritable se met en place, non point à coups de revolver et de sirènes de
voiture, mais bien plus subtile car située essentiellement sur le plan
psychologique. L’inspecteur interprété avec une rare intelligence par Fred
MacMurray (« Assurance sur la mort ») glisse insidieusement de la rectitude
de son métier à la tentation de la passion et du gain. Tout cela est mené de
main de maître par le réalisateur avec une jeune actrice au tout début de sa
carrière, Kim Novak, inoubliable dans « Vertigo », mais dont on pressent ici
toutes les promesses.
Un film captivant à compléter par les toujours documentés bonus de Bertrand
Tavernier et François Guérif.
« Les Civilisations perdues : Jerash
cité gréco-romaine », réalisation Jacques Vichet, Blue Bird Productions, LCJ
Éditions, 2014.
Si les sites de Pétra, Leptis Magna, Palmyre ou encore Volubilis sont de nos
jours bien connus, celui de Jerash en Jordanie reste plus confidentiel.
Comme si le voile qui avait recouvert cette cité fondée à l’époque
hellénistique par les Séleucides l’avait à la fois préservée des
destructions mais aussi, et par là même, condamnée à une certaine
discrétion. Le passionnant documentaire de Jacques Vichet ouvre les portes
de cette ville bâtie par les vétérans de l’armée d’Alexandre le Grand qui
lui auraient donné son nom – Gerasa (cité des Gérontes) – et ses premiers
édifices. Chaque siècle laissera ses strates archéologiques mises en
évidence avec didactisme par l’archéologue et spécialiste du site Jacques
Seigne. Si ce labyrinthe minéral peut de prime abord déconcerter quelque peu
le spectateur, le chercheur lui-même architecte démêle au fil de ce
documentaire esthétique cet écheveau en montrant combien il demeure
essentiel de replacer chaque édifice encore visible dans son contexte
historique, ce que nous voyons n’étant pas la configuration initiale
souhaitée par les bâtisseurs mais souvent le fruit de multiples aménagements
et remplois par les siècles postérieurs. La conquête romaine lui donnera ses
lettres de noblesse, notamment grâce au commerce prospère et à
l’agriculture. Gerasa deviendra même l’une des dix principales cités de
l’empire et accueillera en son enceinte l’empereur Hadrien en 129. Après son
heure de gloire, cette cité connaîtra un lent déclin à partir des invasions
perses et arabes sous les Omeyyades, déclin accentué par les terribles
tremblements de terre au VIIe s. Après un bref sursaut au moment des
croisades, le sable enveloppera définitivement cette cité en un long sommeil
qui paradoxalement lui sera salutaire en la préservant des outrages du
temps…
Réalisateur : Jacques Vichet, Genre : Documentaires, Année : 2013, Durée :
0h52, Langue : Français / Anglais, Sous-titre : Aucun, Format : 16/9, Son :
Stéréo en dolby digital 2.0
BACKTRACK A.KA. CATCHFIRE, 1990 - Couleurs
- 100 mn; Un film de Dennis Hopper avec Dennis Hopper, Jodie Foster ;
Nouvelle restauration HD, Montage Director's Cut en exclusivité sur
l'édition Blu-ray, Version originale sous-titrée + Version française,
Édition Blu-ray ou DVD, Carlotta Films, 2021.
Anne Benton, une jeune artiste de Los Angeles, est
témoin d’un meurtre orchestré par la mafia. Elle tente de trouver protection
auprès de la police, mais les hommes de main du parrain ont déjà retrouvé sa
trace. Anne parvient malgré tout à s’enfuir sous une nouvelle identité. Un
tueur à gages nommé Milo est alors engagé pour débusquer et éliminer la
jeune femme. Contre toute attente, cet homme sans pitié va tomber amoureux
de sa cible…
Avec Backtrack, l’acteur et réalisateur Dennis Hopper
revisite le genre du polar. Les repères traditionnels se trouvent en effet
bouleversés pour le plus grand plaisir du spectateur, tout d’abord un brin
désemparé, puis finalement embarqué dans cette folle cavale menée tambour
battant par Dennis Hopper, également acteur dans son film, en compagnie de
la troublante Joddie Foster.
Si Dennis Hopper sait jouer à la perfection des rôles aussi différents que
ceux qu’il a interprétés avec brio dans « Easy Rider », « Blue Velvet » ou
encore « Apocalypse Now », dans « Backtrack » il se joue, en effet, avec un
plaisir évident des codes classiques du polar. Et pourtant, tous les
ingrédients sont réunis, une jeune artiste témoin gênant d’un crime commis
par la mafia, une police inefficace pour la protéger et une fuite sous la
forme d’une cavale sans lendemain face aux gangsters… Mais cette recette
aurait été trop évidente pour Dennis Hopper, cet esthète épris d’art
contemporain dont il a su inviter de grands représentants au cœur même de sa
réalisation. Cela donne des scènes assez étonnantes et d’une rare esthétique
dans une galerie d’art. Les liens entre art contemporain et cette
réalisation débridée fourmillent au point de faire perdre parfois les
repères du spectateur étonné par ces multiples références à des artistes
majeurs du XXe siècle tels Jenny Holzer ou encore Georgia O'Keeffe, sans
oublier la courte scène avec Bob Dylan…
Dennis Hopper, dans cette réalisation aux multiples versions, s’amuse et
amuse avec « Backtrack », un film sans prétention, tournant tout en
dérision, et aux multiples clins d’œil à l’histoire du cinéma…
" Dieu sait quoi
" de Jean-Daniel Pollet - 1995 ; Film en version restaurée, 90 minutes ; textes de Francis
Ponge, dits par Michael Lonsdale ; 14 x 19 cm , 64 pages + DVD, Éditions de
l’œil, 2020.
Des objets quotidiens filmés dans un paysage provençal, tels que les
évoqua Francis Ponge dans ses textes. Peu à peu se dévoile ce « monde muet »
qui « est notre seule patrie », s’animent ces « retours de la joie, ces
rafraîchissements de la mémoire, des objets de sensations », ce que Ponge
appelait ses « raisons de vivre ».
Lorsque la poésie de Francis Ponge rencontre celle du cinéaste Jean-Daniel
Pollet, le 7e art propose une autre voie, celle du cinéma de poésie, proche
de ce que poursuivit en son temps Pier Paolo Pasolini. Aussi Jean-Daniel
Pollet part-il de cette clé de l’œuvre de Francis Ponge : "Ce monde muet est
notre seule patrie." Il s’agit alors de redescendre aux choses, comme aux
mots, une descente qui n’a rien de celle d’Orphée, mais relève plutôt de
l’intimité du regard et du verbe… « Dieu sait quoi » est une locution
souvent employée par le poète Francis Ponge, non point en une recherche
transcendantale, mais plutôt comme un aveu d’impuissance à nommer les
choses.
Jean-Daniel Pollet a, ici, décidé de relever ce défi en suggérant une image
à partir de ces objets du quotidien, artefact appartenant au réalisateur
dans l’enclos de sa vie privée, en une métaphore plus générale de la vie
humaine. Carafes, verres, tables, écran de télévision, fruits de fin
d’automne sont autant de suggestions et de supports à capter ce monde muet
grâce à la poésie de l’image. Ces plans fixes ou mouvants « éclairés » par
l’admirable musique d’Antoine Duhamel faisant écho parfois à d’autres
réminiscences héritées de Bach composent un cadre libre à cet échange entre
l’image et la langue. La poésie de Ponge avec la voix de Michael Lonsdale
irradie ces plans de toute beauté du réalisateur. « Dieu sait quoi » offre
cette manière de filmer propre à Jean-Daniel Pollet en suggérant à hauteur
du regard une ligne indicible d’horizon. Les éléments se conjuguent dans
cette partition terrestre et céleste tendue vers le sud, la Méditerranée, si
précieuse aux deux hommes.
Le silence du langage, hypnotique, alterne avec la poésie de l’image à un
point tel qu’un galet irisé d’eau se métamorphose en poème. Une aventure
secrète et à la fois ouverte grâce à ce remarquable livret-DVD proposé par
les éditions l’œil.
Michel-Ange (Il peccato) (2020) un film de
Andreï Konchalovsky avec Alberto Testone, Jacob Diehl, Francesco Gaudiello,
Production : Jean Vigo Italia, The Andrei Konchalovsky Foundation, Rai
Cinema, Alisher Usmanov Festivals : PÖFF, Festa del Cinema di Roma, Drame /
historique / biopic Russie/Italie / DCP / son 5.1 / image 1.33 Visa n° :
153809, Durée : 2h16, UFO Distribution, 2021.
Michel-Ange au début du XVIe siècle se trouve
exténué et à bout de ressources après avoir terminé le plafond de la
chapelle Sixtine. Partagé entre deux familles prestigieuses rivales qui sont
ses commanditaires, l’artiste se débat pour laisser place à son génie
créatif…
Avec « Michel-Ange (Il peccato) », le réalisateur russe Andreï Konchalovsky
livre une évocation à la fois fidèle et émouvante de Michel-Ange, génie de
la Renaissance italienne partagé entre son art qui le dépasse et les
contingences temporelles. Bénéficiant d’un impressionnant travail de
reconstitution des lieux et des paysages de la Toscane et de Rome de cette
époque, ce long-métrage séduit spontanément grâce également à
l’interprétation inspirée d’Alberto Testone, interprétant à merveille les
différentes facettes de l’artiste intempestif. Son regard tourmenté, souvent
absent des réalités du monde, saisit au vol une main qui sera immortalisée
dans le marbre alors que les dettes s’accumulent et que les rivalités entre
les Della Rovere et les Médicis le dépassent. Poète, sculpteur, peintre,
mais avant tout génial pourfendeur de l’absolu, l’artiste ne se fait pas que
des amis alors même que ces derniers reconnaissent son talent et son art.
Ce film, parfois bruyant, restitue une vision de la Renaissance italienne
avec ses ruelles sordides, sa saleté omniprésente, bien éloignée du film «
L’extase et l’agonie » de Carol Reed avec Charlton Heston tourné en 1965.
Curieusement, la version de Konchalovsky n’évoque guère l’artiste burin à la
main lui préférant de longs développements dans les carrières de marbre de
Carrare. Le processus créatif se trouve alors ramené plus à sa source que
dans sa révélation expressive et dramatique. Au-delà de cette précision,
cette belle évocation des tourments de Michel-Ange restera assurément comme
une réussite à découvrir impérativement.
"La peine du Talion" - 1948 ; Un
film de Henry Levin avec Glenn Ford, William Holden, Ellen Drew, Ray
Collins, Edgar Buchanan… DVD, Sidonis, 2021.
Malgré le drapeau blanc que hisse un détachement sudiste en signe de
capitulation, le colonel Devereaux ordonne à ses hommes de faire feu. Un
massacre. Si son second, le capitaine Del Stewart, garde le silence sur ce
crime de guerre, il le fait uniquement par amitié. Quand, la paix revenue,
les deux hommes se retrouvent, Devereaux exerce d’une main de fer la
fonction de juge…
Ce n’est pas sans une certaine émotion, teintée de tristesse, que le
spectateur de ce DVD découvrira le bonus de ce western servi par le regretté
Bertrand Tavernier récemment disparu… Le réalisateur Henry Levin a réuni
deux légendes du western avec Glenn Ford et William Holden pour ce film
atypique. Si les décors et la réalisation ne sont guère mémorables, c’est
surtout la dimension psychologique qui se trouve placée au cœur de ce
western singulier. Le personnage incarné avec maestria par Glenn Ford
contraste avec ceux habituellement interprétés par l’acteur (3 h 10 pour
Yuma, Cow-boy, La Vallée de la poudre). Curieusement, ce dernier apparaît
sous les traits d’un personnage sombrant sous la folie, folie associée à un
sentiment d’impuissance, le métamorphosant en cruel défenseur de l’autorité
et de la loi. Face à lui, le rayonnant William Holden (Les Cavaliers,
Alvarez Kelly, La Horde sauvage), dans un rôle taillé sur mesure. Face à ce
duo contrasté, la belle et sensible actrice Ellen Drew laisse transparaître
la fragilité de ce trio prêt à s’effondrer à la moindre tension. La tension
psychologique qui demeure au cœur de cette réalisation contribue assurément
au succès de ce western ; Un western à redécouvrir ainsi que le recommandait
au terme du bonus Bertrand Tavernier…
Divorce (Divorce His, Divorce Hers) ; Un
film de Waris Hussein avec Richard Burton, Elizabeth Taylor, Carrie Nye,
Barry Foster, Gabriele Ferzetti ; 2 DVD, Editions LCJ, 2021.
Un homme et une femme n'en finissent pas de se
séparer, de se retrouver, de se déchirer et de s'aimer toujours jusqu'à
l'adieu final qui se veut encore signe d'espoir.
Réalisé en 1973, le téléfilm « Divorce » n’aurait
pu être qu’une chronique ordinaire d’un couple se déchirant jusqu’à la
séparation définitive. Mais la présence de deux monstres du cinéma américain
confère une tout autre dimension à cette réalisation offrant conjointement
le point de vue des deux protagonistes sur leur séparation.
Il faut préciser qu’Elizabeth Taylor et Richard Burton, couple mythique à
l’écran (« Cléopâtre », « Qui a tué Virginia Woolf », « Le chevalier des
sables », « La mégère apprivoisée »…) ne l’était pas moins dans la vie
privée. Mariés, divorcés, puis remariés et une nouvelle fois divorcés, leur
vie tumultueuse et passionnée se retrouve en quelque sorte tournée à l’écran
avec ce film haut en couleur.
Nourri de nombreux flash-back, « Divorce » parvient à sonder l’univers
complexe qui unit ces deux personnages, relations faites d’attirance et de
tensions, dominations et indépendances. Évitant les caricatures souvent
faciles en ce domaine, ce film parvient à présenter, sinon démêler, les fils
souvent inextricables de la vie d’un couple faite de déterminisme,
d’incompréhension mais aussi de passion inexprimable. Quel autre couple à
l’écran aurait pu livrer une telle brillante interprétation de leurs propres
rôles ?
" L'ange noir
" (Black Angel - 1946)
un film de Roy William Neill avec Dan Duryea, June Vincent, Peter Lorre et
Broderick Crawford, DVD, Sidonis, 2021.
Los Angeles. Kirk Bennett découvre Marvis Marlowe, sa maîtresse, morte.
Il est arrêté, jugé et condamné à mort. Sa femme, Catherine, décidée à le
sauver, mène son enquête avec Martin Blair, l’ancien mari de Marvis. Ils
soupçonnent Marko, le patron d’un cabaret, mais ce dernier a un alibi.
Heureuse redécouverte d’un polar tombé dans l’oubli par les éditions Sidonis
! Le réalisateur Roy William Neill disparu trop tôt avait livré avec ce
long-métrage une fine analyse des passions sur fond musical de première
qualité. Servi par des plans soignés, malgré un budget manifestement limité,
« L’Ange noir » parvient à instaurer un climat contrasté entre pénombre et
rayonnement grâce à la lumineuse June Vincent, fragile et pourtant
déterminée dans son combat pour la vérité. Autre personnage d’une complexe
profondeur pour ce rôle interprété par Dan Duryea, plus habitué aux
interprétations d’une noirceur sadique, et qui apparaît ici beaucoup plus en
clair-obscur. La musique omniprésente de Frank Skinner ajoute au charme de
cette réalisation à redécouvrir dans cette belle édition.
Format : Ratio 16/9 - 1:33 Audio : Anglais - Sous-titres Français Durée :
80 min Bonus : Présentations François Guérif et Patrick Brion et Trailer
Couleur : Noir et Blanc
« Juliette ou la clé des songes » -
1950 ; Un film de Marcel Carné avec Gérard Philipe, Suzanne Cloutier, René
Génin ; DVD Toutes Zones - Version française - Sous-Titres anglais - N&B -
106 min, Doriane Films, 2020.
Michel a volé par amour pour Juliette. Du fond de sa cellule, il songe à
la jeune fille. Transporté par ses rêves, le voici dans un étrange village
dont les habitants semblent avoir perdu la mémoire.
« Juliette ou la clé des songes » de Marcel Carné compte parmi ces films
d’hier injustement tombés dans l’oubli. Aussi faut-il saluer Doriane Films
d’avoir eu l’heureuse initiative de réaliser cette superbe restauration
numérisée grâce au soutien du CNC, une réalisation faisant, qui plus est,
l’objet d’une belle édition accompagnée d’un livret particulièrement complet
sur ce film auquel le réalisateur tenait particulièrement.
Après une première tentative, dix ans plus tôt, avec le concours de Jean
Cocteau pour les dialogues et de Jean Marais pour le rôle de Michel, «
Juliette ou la clé des songes » ne pourra finalement qu’être réalisé cinq
années plus tard après la guerre avec Gérard Philippe et Suzanne Cloutier en
une tout autre version. Ce film, dont la rare et belle esthétique a été
amplement soulignée lors de sa sortie, fut cependant un échec au Festival de
Cannes qui recherchait probablement à cette époque de reconstruction de
l’Europe une autre forme de cinéma.
La beauté formelle et l’atmosphère onirique commune aux précédents films de
Carné, tels « Les Visiteurs du soir » ou « Les Enfants du paradis », peuvent
certes encore aujourd’hui déconcerter le spectateur, soixante-dix ans après.
Cependant, les nombreux glissements opérés par le film entre réalisme et
poésie se trouvent sublimés par la merveilleuse photographie de Henri Alekan.
La musique de Joseph Kosma, le jeu d’acteurs, le rayonnant Gérard Philippe,
bien sûr, mais aussi des seconds rôles également réussis tels Jean-Roger
Caussimon en Barbe-Bleu amnésique ou encore Yves Robert en éblouissant
accordéoniste font de « Juliette ou la clé des songes » un très beau film à
redécouvrir assurément à une époque où la mémoire fait parfois défaut.
« SECRET PEOPLE » (1952) ; Un film
de Thorold Dickinson ; scénario de Thorold Dickinson, Christianna Brand et
Wolfgang Wilhelm avec Audrey Hepburn, Serge Reggiani, Valentina Cortese ;
Version originale anglaise, sous-titres français, Noir & Blanc, 96 mn, DVD,
Doriane Films, 2020.
Dans les années 1930, Maria et Nora, deux jeunes filles d’Europe
centrale, sont contraintes de quitter leur pays pour se réfugier à Londres,
loin de la menace dictatoriale qui a coûté la vie à leur père. Sept ans plus
tard Maria retrouve, au hasard des rues de Paris, son premier amour.
S’ensuit alors une quête périlleuse de justice, qui compromettra les deux
jeunes sœurs...
Thorold Dickinson livre avec « Secret People » une réflexion sur notre
aptitude à la résistance face à une situation inique. Ce film d’espionnage
au suspens crescendo fait partie à juste titre de la collection «
Typiquement british » des éditions Doriane Films. Tourné en 1952 dans le
contexte de la Guerre froide, celles et ceux qui luttent contre un
tortionnaire d’un pays d’Europe centrale se métamorphosent progressivement
et finissent par ressembler au sujet de leur combat… Ce film aurait-il été
tourné de la même manière dix ans plutôt face à la montée du nazisme ? La
question peut se poser.
Toujours est-il que l’interprétation de Valentina Cortese est lumineuse. De
la candeur initiale à la prise de conscience effarée, la transformation de
l’actrice dépasse celle de son physique pour gagner l’ensemble de son jeu,
convaincant. À ses côtés, les débuts d’une jeune comédienne appelée à un bel
avenir, Audrey Hepburn, ici, en danseuse insouciante, sa passion de
jeunesse. Face à ces deux femmes, Serge Reggiani poussé par ses combats
au-delà des liens livre également une performance d’acteur convaincante.
Secret People compte parmi ces films oubliés injustement et que cette belle
édition permet de redécouvrir.
« Voir le jour » de Marion Laine
avec Sandrine Bonnaire, Brigitte Roüan, Aure Atika, DVD, Pyramide Vidéo,
2020.
Jeanne travaille comme auxiliaire dans une maternité de Marseille. Nuit
et jour, Jeanne et ses collègues se battent pour défendre les mères et leurs
bébés face au manque d’effectif et à la pression permanente de leur
direction. Jeanne vit avec Zoé, sa fille de 18 ans, qu’elle élève seule.
Lorsqu’un drame survient à la maternité et que Zoé part étudier à Paris, le
passé secret de Jeanne resurgit soudain et la pousse à affirmer ses choix de
vie.
C’est le choix d’un réalisme épuré qui a été retenu par la réalisatrice
Marion Laine pour son film « Voir le jour ». En adaptant le roman « Chambre
2 » de Julie Bonnie, la réalisatrice dévoile progressivement tout un pan de
vie masqué par les blessures de la vie de l’héroïne interprétée avec
sensibilité et tact par Sandrine Bonnaire. Sur fond de crise matérielle dans
une maternité dont les échos ne manqueront pas de résonner avec la situation
sanitaire actuelle, « Voir le jour » suggère subtilement une métaphore de
l’appel à la vie pour chacun de nous. Par quel processus embryonnaire
venons-nous à la vraie vie ? Quelles souffrances peuvent nous empêcher de
respirer sans entraves ? Quel sera le révélateur d’une véritable prise de
conscience de l’urgence de vivre pleinement le temps qui nous est imparti ?
C’est à ces questions existentielles auxquelles s’attaque ce film sensible
et délicat qui ne manque pas cependant de certaines scènes humoristiques.
Grâce à des cadrages précis et incisifs, ce film parvient à souligner
sobrement ces zones de flous et d’incertitudes qui envahissent
progressivement – et parfois jusqu’à les étouffer - nos vies. Ce n’est pas
le moindre des mérites de cette réalisation qui n’entend pas pour autant
faire œuvre moralisatrice.
Sortie en DVD le 1er décembre - Sortie en VOD le 12 novembre
« WAITING FOR THE BARBARIANS »
(2019), un film de Ciro Guerra avec Mark Rylance, Johnny Depp, Robert
Pattinson, d'après le roman de J.M COETZEE, DVD, M6 VIDEO, 2020.
Un magistrat bon et juste gère un fort d’une ville frontalière de
l’Empire. Le pouvoir central s’inquiète d’une invasion barbare et dépêche
sur les lieux le colonel Joll, un tortionnaire de la pire espèce. Son
arrivée marque le début de l’oppression du peuple indigène.
Avec « Waiting for the Barbarians », le souffle de l’inconnu ébranle les
certitudes et s’introduit dans tous les interstices de la vie. Peurs et
tremblements menacent alors l’ordre établi. Ces réalités vieilles depuis
l’aube de l’humanité scandent le très beau film réalisé par Ciro Guerra à
partir du scénario du Prix Nobel de littérature J.M. Coetzee. Hérodote avait
déjà prévenu ses contemporains : « le barbare est celui qui n’est pas comme
nous et ne parle pas notre langue. » De cette incompréhension naissent
l’absence de dialogue, et rapidement la violence, comme le rappelait avec
justesse l’académicienne Jacqueline de Romilly en de troublants échos à ce
que nous vivons ces dernières années.
Ciro Guerra place en des temps anciens – sans les préciser pour autant –
cette incompréhension, avec des réminiscences évidentes à deux autres œuvres
littéraires du XXe siècle, « Le Désert des Tartares » de Dino Buzzati et «
Le rivage des Syrtes » de Julien Gracq, pour mieux s’en distinguer par la
suite. Les silences et leurs échos prennent une place croissante dans ce
film âpre et dur dont la violence, sourde à ses débuts, s’intensifie
crescendo. Aux confins du monde « civilisé » se trame un drame éternel,
celui du pouvoir et de la domination, la fameuse « face hideuse de la
Gorgone » rappelée par Hans Kelsen et que masque tout État…
Ici, La force diabolique du Colonel Joll interprété avec une froideur
glaçante par Johnny Depp, les accents franciscains du magistrat que l’on
pourrait prendre pour le bon Samaritain à l’égard de ceux qu’il pense
protéger s’il ne se faisait pas lui-même l’instrument de leur malheur,
certains aspects christiques quant aux mauvais traitements qu’il aura à
subir lui-même de la part du tortionnaire égarent parfois le spectateur
comme pour mieux le ramener à l’essentiel. Ce royaume inconnu
métaphoriquement associé au sable du désert, grains dispersés à l’envi, mais
pouvant en une tempête se rassembler comme une lame déferlante.
Avec de somptueuses images où l’on reconnaîtra cette beauté sauvage des
paysages marocains, « Waiting for the Barbarians » convie le spectateur à
interroger l’idée même de civilisation, d’ordre et de domination, d’altérité
et d’identité, cela est déjà beaucoup et à mettre au crédit de ce film à
découvrir assurément.
« La Voleuse », 1966 ; Un film de
Jean Chapot avec Romy Schneider, Michel Piccoli, Hans Christian Blech, Sonia
Schwarz, Mario Huth ; Scénario et Réalisation de Jean Chapot ; Dialogues de
Marguerite Duras ; Musique d’Antoine Duhamel ; N&B , Version Originale
Française et Allemande, Sous-titres Français & Anglais, 88 min, DVD PAL
Multizones, Doriane Films, 2020.
Julie avoue à son mari qu’elle a un fils de six ans. L’enfant n’était
qu’un nourrisson lorsqu’elle l’a confié à un couple à qui elle veut, coûte
que coûte, le reprendre aujourd’hui.
C’est avec « La Voleuse », son premier film, que le réalisateur Jean Chapot
commence dans l’univers cinématographique. Cette personnalité éclectique,
qui touchera à de nombreuses facettes du métier (acteur, réalisateur,
scénariste, producteur…) signe avec ce premier film une évocation
oppressante du sentiment de maternité. Le scénario, auquel Marguerite Duras
apportera dans les dialogues la force aiguisée des mots et des images qui
font touche, sert d’écrin à un couple mythique du cinéma, celui de Romy
Schneider et Michel Piccoli.
D’une rare modernité pour l’époque quant à son thème, « La Voleuse »
s’inscrit également dans le contexte de la Nouvelle Vague avec ses plans
d’une force redoutable, son traitement de la modernité et des ravages
qu’elle laisse présager et, enfin, l’analyse psychologique de cette mère «
malgré elle » interprétée avec sensibilité par Romy Schneider, plus vraie
que nature.
Entre folie et passion, calcul et spontanéité, « La Voleuse » explore en
profondeur ce qui relie une femme à son enfant, même lorsque ce dernier n’a
pas été souhaité et désiré. Les protagonistes de cette réalisation
dramatique se heurtent chacun à des monologues, la communication s’avérant
vite impossible. Dans cette quête sans issue, les mots échouent sur les
rives de l’incompréhension, un sentiment d’un « je-ne-sais-quoi » pour «
cette idée » du lien indéfectible qui relie les êtres et que l’on nomme
amour…
BONUS La Voleuse, Romy au sommet de Dominique Maillet - 26 minutes
« La belle de San Francisco » -
Flame of Barbary coast – 1945 ; Un film de Joseph Kane avec John Wayne, Ann
Dvorak, Joseph Schildkraut et William Frawley, Format : 1:33, 16/9, Audio :
VOSTFR – VF, Durée : 91 min, DVD, Sidonis, 2020.
Cow-boy du Montana, Duke Fergus arrive à San Francisco où il se découvre
une passion pour le jeu. Tandis qu'il bat les cartes, il tombe amoureux de
la chanteuse Flaxen Terry, la petite amie du patron de saloon. Pour la
séduire et l'attirer à lui, il ouvre son propre établissement.
Si « La belle de San Francisco » ne figure pas parmi les films les plus
notables de John Wayne, cette réalisation de Joseph Kane au sortir de la
guerre présente néanmoins le mérite de dresser un tableau pittoresque de la
côte ouest au début du XXe siècle. L’univers du jeu confronté aux évolutions
de la ville de San Francisco y impose ses nouvelles règles et une morale
jusqu’alors peu présente. Du jeu truqué au music-hall qui débute alors sa
longue histoire, Joseph Kane bénéficia d’un budget colossal pour l’époque,
ce qui lui permit dès lors de mettre en œuvre des moyens importants pour les
décors intérieurs fabuleux des salles de jeux, sans oublier l’impressionnant
tremblement de terre dans la dernière partie du film.
À mi-chemin entre western, comédie musicale et film catastrophe, « La belle
de San Francisco » offre un traitement inhabituel des genres. Un film,
surtout, dans lequel Ann Dvorak apparaît magistrale dans son rôle de
chanteuse faisant chavirer tous les cœurs !
« L'Étreinte du Destin » - “Count
three and pray”, 1955 ; Un film de George Sherman avec Van Helfin, Joanne
Woodward, Philip Carey et Raymond Burr ; Format : 2:55, 16/9 compatible 4/3,
Audio : VOSTFR - VF restaurée, Durée : 102 min ; Bonus : Présentation
Bertrand Tavernier et Patrick Brion ; Couleur, DVD, Sidonis Productions,
2020.
À l'issue de la Guerre de Sécession, Luke Fargo décide de changer de vie,
d’oublier le joueur, bagarreur et coureur de jupons qu' il a été. S'il
rentre chez lui, c' est désormais plein de bonnes intentions, dans les
habits d’un pasteur pressé de reconstruire l’église locale. Mais son passé
lui colle aux bottes et certains se chargent de le lui rappeler…
À la différence, pour une fois, du titre anglais original ((“Count three and
pray”) « L’Étreinte du destin » résume assez bien l’esprit de ce western
atypique et singulier. Dans cette réalisation inédite en France et
jusqu’alors indisponible en DVD, le réalisateur George Sherman présente un
héros ayant décidé de troquer le revolver contre une Bible en changeant de
vie pour devenir pasteur… Alternant entre drame du déterminisme qui rattrape
ce personnage à la fois taciturne et naguère jovial et comédie d’une société
divisée au lendemain de la Guerre de Sécession, « L’Étreinte du destin »
dépeint assez bien les contrastes d’une Amérique à la fois puritaine et
consentant à tous les excès.
Le personnage central est interprété avec brio par Van Helfin, un comédien
talentueux à la longue carrière cinématographique (« L'Homme des vallées
perdues », « 3 h 10 pour Yuma », « La Piste de Santa Fe », « Le Salaire de
la violence »…).
Plusieurs autres rôles viennent émailler également cette réalisation soignée
aux paysages somptueux, telle Joanne Woodward, méconnaissable et dont c’est
le premier rôle au grand écran avant de devenir l’épouse de Paul Newman,
sans oublier Raymond Burr qui deviendra plus connu dans son rôle de L’Homme
de fer.
« L’Étreinte du destin » devrait séduire un large public pour ce western
sans Indiens ni caravane attaquée, mais avec beaucoup d’humour !
"QUELQU’UN DERRIÈRE LA PORTE" ; Un
film de Nicolas Gessner avec Charles Bronson, Anthony Perkins et Jill
Ireland ; 1h30, Langues : anglais 2.0, Français 2.0, sous-titres : Français
; COMBO DVD ET BLU-RAY, Studio Canal, 2020.
Chirurgien du cerveau, Laurence Jeffries
recueille un soir un inconnu victime d’amnésie et l’amène chez lui. L’homme
l’ignore encore, mais il est l’instrument d’une machination diabolique
imaginée par Jeffries afin de se venger de sa femme et de son amant.
Studiocanal et Jean-Baptiste Thoret avec la
collection « Make my Day ! » ont eu l’heureuse initiative de proposer dans
de belles éditions Blu-ray + DVD, assorties de nombreux bonus, des films
injustement relégués aux oubliettes du 7e art. « Quelqu’un derrière la porte
» en fait à juste titre partie. Celui-ci, sorti en 1971, est en effet un
film hors des sentiers battus. Le scénario machiavélique à souhait sert de
cadre à un jeu d’acteur saisissant reposant sur un le duo-choc, Charles
Bronson / Anthony Perkins ; ce dernier interprète, ici, à merveille un rôle
trouble, jeu dont il avait le secret depuis le fameux « Psychose » d’Alfred
Hitchcock. Charles Bronson, pour sa part, au fait de sa carrière joue le
rôle atypique d’un homme ombre de lui-même, et pour une fois, une fois
n’étant pas coutume, fragile et désemparé, un rôle atypique pour Bronson,
mais qu’il parvient à rendre parfaitement.
La caméra de Nicolas Gessner (« La Petite fille au bout du chemin » – 1976)
accompagne avec souplesse et art ces acteurs talentueux, osant parfois des
cadrages audacieux sans oublier la remarquable musique de Georges Garvarentz.
Sombre et déroutant, « Quelqu’un derrière la porte » laisse l’impression
étrange de personnages en errance, les trois protagonistes livrant sous la
caméra du réalisateur une succession de rôles et de façades qui s’effritent
au fur et à mesure de la progression de ce film à redécouvrir assurément.
"Traquée" (FRAMED – 1947), un film
de Richard WALLACE avec Glenn FORD, Janis CARTER, DVD, Sidonis, 2020.
Stephen Prince, qui est banquier, et sa maîtresse Paula Craig décident de
partir en emportant 250 000 dollars. Voulant faire croire à la disparition
de Stephen, ils jettent leur dévolu sur Mike Lambert, qu’ils décident de
tuer pour faire passer son corps pour celui de Stephen...
"Traquée" du réalisateur Richard Wallace compte assurément parmi ces films
de série B qui mérite d'être découvert grâce à cette belle édition Sidonis,
ne serait-ce que pour la qualité de son scénario et la beauté de la
photographie mettant en valeur un travail soigné des cadrages. Ce film trop
peu connu tient en haleine le spectateur dès les premiers plans,
l'enchaînement des scènes conférant spontanément un dynamisme indéniable à
ce long métrage de Richard Wallace tourné en 1947.
L'acteur Glenn Ford ajoute à la réussite de ce film trépidant aux multiples
rebondissements alors même que sa renommée commençait à croître au grand
écran après le fameux film "Gilda". Dans "Traquée", c'est un personnage à la
dérive qu'il interprète avec brio, une nonchalance non sans rappeler celle
du grand Robert Mitchum. Face à lui, une actrice plus méconnue, Janice
Carter, énigmatique et froide dans un rôle singulier où ses talents de
comédienne se déploient avec aisance alors même que, étonnamment, la
sculpturale actrice ne brillera guère par la suite au grand écran. Une
comète du cinéma, donc, qui surprendra agréablement le spectateur par ses
multiples jeux…
"Traquée" est à découvrir dans cette belle édition Sidonis pour 83 minutes
d'intensité cinématographique crescendo !
83 min • 16/9 - 1.33 • Noir et blanc restauré • VO restaurée mono - VF
restaurée mono • Sous-titres français • Chapitrage
BONUS : Présentations François Guérif et Patrick Brion • Trailer
« Midi gare centrale » (UNION
STATION), 1950, un film de Rudolph MATE avec William HOLDEN, Nancy OLSON,
DVD, Sidonis, 2020.
MLorna Murchison, dont le père possède une importante fortune, est
enlevée par des kidnappeurs qui espèrent obtenir, en échange de la jeune
fille, qui est aveugle, une importante rançon. Mr Murchison est prêt à obéir
aux ordres des ravisseurs mais la police découvre le drame. La gare centrale
est dès lors sous une constante surveillance...
« Midi gare centrale » de Rudolph Maté compte parmi ces films noirs qui
tiennent en haleine le spectateur des premiers plans jusqu’à son issue
finale. Cette attraction est due à plusieurs facteurs. Le premier d’entre
eux, réside dans la qualité du scénario de Sydney Boehm écrit d'après le
roman de Thomas Walsh, qualité soulignée par les présentations de Bertrand
Tavernier et Marcel Brion dans les bonus accompagnant le DVD. La réalisation
soignée de Rudolph Maté renforce cette impression avec ses plans aux
couleurs contrastées, entre pénombre et lumière, Rudolph Maté ayant été, à
ses débuts, directeur de la photo sur le légendaire film Gilda. Enfin, le
jeu des acteurs avec le talentueux William Holden (« Le pont de la rivière
Kwai »), Nancy Olson (« Sunset Boulevard ») et le facétieux Barry Fitzgerald
(« L’homme tranquille ») contribue à la réussite du film.
Midi gare centrale suggère une métaphore habile du combat entre les forces
du bien et du mal avec pour paroxysme cette superbe scène finale dans les
labyrinthes des sous-sols de la gare. Un film à découvrir dans cette belle
édition Sidonis.
« Ouragan sur la Louisiane », (Lady
from Louisiana), 1941, en France 1947 ; Un film de Bernard Vortrans avec
John WAYNE, Ora MUNSON, Henri STEPHENSON ; Durée 82 mn, N&B, Format 1:33 •
16/9, Version VOST • MONO • CHAPITRAGE, BONUS ; Présentation par Patrick
Brion, DVD, Sidonis Calysta, 2020.
Avocat originaire du Nord des États-Unis, John Reynolds descend dans le
sud avec pour mission de débarrasser l'univers du jeu de ses éléments les
plus notoirement convertis à la criminalité. S'il croit avoir trouvé un
coupable en la personne du général Mirbeau, père de la jeune femme dont il
s'éprend, il se trompe pour se rendre à l'évidence que c'est son bras droit,
Blackie Williams, qui tire les ficelles, allant jusqu'à faire tuer un
gagnant…
« Ouragan sur la Louisiane » compte parmi ces films méconnus et injustement
oubliés dans les archives du cinéma et que les éditions Sidonis ont fort
heureusement rendu de nouveau disponible. Abandonnant les films qui ont
marqué ses débuts où la future vedette internationale avait parfois du mal à
convaincre, John Wayne apparaît dans « Ouragan sur la Louisiane » (1941)
comme un acteur confirmé juste après l’inoubliable « Chevauchée fantastique
» (1939). Dirigé par le réalisateur Bernard Vorhaus (« Les Déracines »
également avec John Wayne) au parcours atypique et aux convictions de
gauche, John Wayne offre, ici, une interprétation alerte de son rôle,
alternant sérieux et comédie avec aisance. Face à lui Ora Munson (« Autant
en emporte le vent »), une actrice également convaincante, qui affiche une
présence suffisamment rayonnante à l’écran pour ne pas être éclipsée par son
écrasant partenaire… Ce film livre également quelques belles scènes de
cinéma comme cette fête de Mardi Gras parfaitement filmée en un jeu de
caméras soigné et finement ciselé en rythme avec les danseurs ; Ou cette
autre scène d’anthologie avec l’ouragan comme métaphore biblique de la
destruction de Sodome et Gomorrhe.
L’ambiance de la Louisiane à la fin du XIXe siècle, cette atmosphère de
corruption à l’aune de l’industrialisation, et un scénario sur les rackets
des établissements de jeux d’autant plus crédible qu’il repose sur une
histoire vraie, font d’« Ouragan sur la Louisiane » un bon moment de
divertissement et de cinéma.
The Browning Version (1h30mn)
L'Ombre d'un homme - 1951 – un film d’Anthony Asquith avec Michael Redgrave,
Jean Kent, Nigel Patrick, Collection Typiquement British, VOD & DVD, Doriane
Films, 2020.
Andrew Crocker-Harris, maître d’école austère d’un établissement anglais
pour garçons, se retourne avec amertume sur sa vie. Un mariage malheureux,
une santé défaillante et les moqueries de ses élèves poussent ce professeur,
autrefois brillant, à faire le constat de ses échecs.
Quand un jeune élève vient lui offrir un geste de gratitude inattendu qui
bouleverse le vieux maître…
Le réalisateur Anthony Asquith plonge le spectateur avec « The Browning
Version » dans une introspection sensible et touchante d’un enseignant au
terme de son activité. Dans un cadre à la fois austère et ouvert à certaines
excentricités d’un collège « so british », le personnage même d’Andrew
Crocker-Harris, idéalement interprété par Michael Redgrave, contraste avec
certains de ses collègues tour à tour facétieux ou charismatiques.
Introverti, impassible et taciturne, un brin cynique, voire désabusé, le
personnage n’offre guère d’attractions pour ses élèves qui se moquent
prudemment de ce professeur redouté. Alors qu’il doit céder pour des raisons
de santé son poste à un jeune professeur, cette période de transition sera
l’occasion pour lui, et pour son entourage, d’un bilan, guère reluisant… Et
pourtant, ce film délicat par un renversement de valeurs parvient à
surprendre avec cette métamorphose brillamment interprétée par Michael
Redgrave. Les rôles et étiquettes dont on s’affuble, et que l’entourage
conforte parfois, peuvent céder ou voler en éclats à l’occasion d’un
évènement ou d’une prise de conscience, la communication sociale entre
individus réservant d’éternelles surprises comme en témoigne cette belle
réalisation soignée et ciselée.
« La Ronde » un film de Max Ophuls
(1950– N&B – 93 mn) avec Jean-Louis Barrault, Danielle Darrieux, Daniel
Gélin, Fernand Gravey, Odette Joyeux, Gérard Philipe, Simone Signoret,
Simone Simon, Anton Walbrook, nouveau Master Haute Définition, DVD, Carlotta,
2020.
À Vienne, un narrateur, le « meneur de jeu », présente une série
d’histoires tournant autour de rencontres amoureuses ou « galantes ». Ainsi
va la ronde, passant de la fille de joie au soldat, du soldat à la femme de
chambre, de la femme de chambre au fils de bonne famille, et ainsi de suite
jusqu’à ce que le cercle soit fermé…
Jean-Louis Barrault, Danielle Darrieux, Daniel Gélin, Gérard Philipe, Simone
Signoret et bien d’autres comédiens de légende en un seul et même film ? Et
oui ! Et c’est dans « La Ronde » de Max Ophuls sorti en 1950 et aujourd’hui
proposé en DVD en version restaurée pour découvrir une adaptation libre,
mais savoureuse, de la pièce d’Arthur Schnitzler qui fit scandale lors de sa
sortie et l’objet de multiples censures car jugée trop osée. Si cela peut
faire sourire aujourd’hui, il faut avouer qu’en mettant en scène ces
rapports plus que libres juste à la sortie de la guerre, Max Ophuls prenait
le risque de heurter l’air du temps de l’époque…
Le réalisateur avait souhaité inscrire cette réalisation soignée dans la
ligne initiée par le dramaturge viennois. Le sentiment amoureux alterne avec
le badinage, tour à tour mélancolique, joyeux ou insouciant. Ce manège
incessant est celui de la vie où des âmes se croisent, se rencontrent et se
distancient, sans jamais être sûres de véritablement se comprendre. Derrière
l’apparente frivolité du discours et ses allusions souvent explicites à
l’acte sexuel – encore plus notable dans l’œuvre de Schnitzler – sourde le
sentiment d’une incompréhension existentielle entre les attentes de l’homme
et de la femme ; Mais le manège tourne et tourne au rythme de « la ronde »…
Ce film superbement restauré sera également l’occasion d’admirer la
photographie remarquable et ces étonnants travellings à 360° ajoutant au
tourbillonnement amoureux des sentiments.
DVD 9 – NOUVEAU MASTER RESTAURÉ • Version Française Dolby Digital 1.0 •
Audiodescription Dolby Digital 2.0 • Sous-Titres Sourds et Malentendants •
Format 1.33 respecté • 4/3 – Noir & Blanc • Durée du Film : 89 mn
Coffret Ozu en 20 films, 15 DVD,
Carlotta, 2019.
Évènement dans l’édition des films en DVD et BRD que ce coffret Ozu
réunissant 20 des plus grands chefs-d’œuvre du maître japonais
incontournable que fut Yasujiro Ozu (1903-1963). Le talentueux réalisateur
qui aura connu tour à tour le cinéma muet, le noir et blanc pour terminer
son incroyable filmographie par la couleur se trouve en effet commémoré dans
cette très belle édition présentée sous coffret. La moitié des films réunis
ont bénéficié d’une nouvelle restauration 2K et 4K et un nombre important de
suppléments complète cet ensemble qui fera date dans l’édition avec
notamment le docu « J’ai vécu » ou « Conversations sur Ozu », sans oublier
des courts-métrages et des portraits d’acteurs fétiches comme
l’incontournable Chishu Ryu que l’on retrouve dans la plupart des chefs
d’œuvre d’Ozu.
Le réalisateur, né au début du siècle précédent, en 1903 à Tokyo, découvre
très tôt le cinéma hollywoodien avec une prédilection pour Lubitsch.
Débutant comme assistant-opérateur à la Shōchiku Kinema, il deviendra
assistant-réalisateur avant de faire son premier film « Le sabre et la
pénitence ». Toujours sous influence du cinéma américain, il poursuit sa
carrière avec des comédies et commence à introduire des critiques sociales
masquées notamment dans « Chœur de Tokyo » (1931). Curieusement, alors que
le cinéma devient parlant, Ozu poursuit quelque temps dans le muet. Les
films réunis dans ce coffret permettent justement de remarquer une évolution
qui caractérisera désormais le style Ozu : l’analyse des rapports parents /
enfants, un traitement de plus en plus épuré, l’importance des silences, de
longs plans fixes et cette caméra à hauteur de tatami notamment à partir des
« Gosses de Tokyo » (1932).
1935 marque un tournant pour le cinéaste avec le cinéma parlant et « Le fils
unique » (1935) avant sa mobilisation dans l’armée. Après la défaite
japonaise et son retour au pays, il tournera « Récits d’un propriétaire »
(1948) et « Printemps tardif » (1949), ce dernier film consacrant le
réalisateur sur le plan international. Désormais la poésie et l’attention
portée à tous les détails de la vie quotidienne rythment ses réalisations
sensibles notamment avec son premier film en couleurs « Fleurs d’équinoxe »
(1958). Les dernières années du réalisateur introduisent une certaine
mélancolie dans le traitement de ses films, Ozu constatant, toujours de
manière délicate et suggérée, l’effritement des valeurs traditionnelles du
Japon et les incompréhensions intergénérationnelles résultant de
l’occidentalisation de son pays. « Bonjour » (1959), « Herbes flottantes »,
1959, « Fin d’automne », 1960, « Dernier caprice », 1961 et « Le goût du
saké », 1962 terminent en apothéose une carrière et un style unique qui
rangeront définitivement Ozu dans le panthéon international du cinéma. A
l’image des différentes lectures d’un haïku ou de la peinture des lettrés
bunjin-ga, le cinéma d’Ozu peut être découvert sous divers angles, en
connaisseur de la société japonaise ou en néophyte, chaque lecture en
suggérera de nouvelles grâce à cette magnifique et incontournable édition.
4 évangiles - les films coffret DVD,
Bibli’o Éditions, 2019.
Si le cinéma nous avait habitués depuis longtemps à des reconstitutions de
la vie de Jésus plus ou moins heureuses, jamais la lettre de la Bible
n’avait été approchée de si près sur l’écran jusqu’à la réalisation de ces
films des 4 Évangiles disponibles en DVD chez Bibli’O. A partir d’un projet
de l’Alliance Biblique, c’est le texte même des évangélistes, en effet, avec
la version Parole de Vie qui se trouve ainsi narrée en voix off à l’écran.
Une voix accompagnée parallèlement par un jeu d’acteurs en images, en un
curieux retour au cinéma muet… Et l’effet joue à merveille !
Le spectateur réapprend à goûter la Parole et à moins focaliser son
attention sur les affects du cinéma… Servi par un décor grandiose filmé dans
le Maroc traditionnel, ces visages encore préservés pour la plupart des
ravages de la modernité parviennent à donner l’impression d’être transportés
deux mille ans en arrière au temps de Jésus. Ce Jésus incarné à l’écran
apparaît plus humain et certainement plus proche de l’homme galiléen que les
nombreux archétypes occidentaux livrés jusqu’alors par le grand écran, le
représentant, en autre, blond aux yeux bleus. Pour ce film, c’est un
Méditerranéen au regard profond et au sourire communicatif que le spectateur
découvrira, un Jésus qui n’hésite pas à haranguer avec fougue son public,
nous sommes bien loin du Jésus de Zeffirelli… L’un des mérites de cette
heureuse initiative est aussi de pouvoir partager cette écoute de la Bible,
les réalisateurs n’ayant rien ajouté, ni retranché aux livres des quatre
évangélistes. Cette réalisation sera idéale pour les partages en famille au
moment des fêtes, ou tout simplement pour retrouver ou découvrir, avec
l’image, le sens des écritures.
- L’évangile de Matthieu, durée : 190 minutes
- L’évangile de Marc, durée : 123 minutes
- L’évangile de Luc, durée : 205 minutes
- L’évangile de Jean, durée : 161 minutes
Blanche comme neige un film d’Anne
Fontaine avec Lou de Laâge, Isabelle Huppert, Charles Berling, Durée : 112
mn, DVD, Gaumont, 2019.
Claire, jeune femme d'une grande beauté, suscite
l'irrépressible jalousie de sa belle-mère Maud, qui va jusqu'à préméditer
son meurtre.Sauvée in extremis par un homme mystérieux qui la recueille dans
sa ferme, Claire décide de rester dans ce village et va éveiller l'émoi de
ses habitants...Un, deux et bientôt sept hommes vont tomber sous son charme
! Pour elle, c'est le début d'une émancipation radicale, à la fois charnelle
et sentimentale...
C’est à une comédie à la fois légère et intériorisée qu’invite la
réalisatrice Anne Fontaine avec Blanche comme neige, un film allégorique sur
le sens de nos vies. Partant de la trame du fameux conte des frères Grim, le
film développe tout un réseau de liens qui se nouent entre les protagonistes
ballotés par la vie. Qu’il s’agisse de Claire, jeune femme étouffée par le
déterminisme d’années de jeunesse difficiles et parachutée violemment dans
un univers qu’elle n’a pas choisi, mais aussi de ces sept hommes aussi
différents de caractères que les 7 nains du conte, tout fait signe et rien
n’est anodin dans cette réalisation sensible d’Anne Fontaine. Au-delà des
rires et des pleurs, du jeu d’acteur touchant de vérité de Lou de Laâge et
glaçant de cynisme d’Isabelle Huppert, ce film questionne nos désirs, nos
souhaits et nos actes. La marâtre étouffée de jalousie ne cache-t-elle pas
la part d’ombre que nous possédons tous en notre for intérieur ? Les
hésitations et balbutiements des protagonistes composent alors une belle
métaphore de la vie - et de la mort – que ce film rend à merveille dans les
décors sévères et somptueux du Vercors.
" Le triomphe de Buffalo Bill " - (PONY
EXPRESS 1953), un film de Jerry HOPPER avec Charlton Heston, Rhonda Fleming,
Jan Sterling et Forrest Tucker, DURÉE : 101 MN • TECHNICOLOR • FORMAT : 1:33
• 16/9, VERSION : FRANÇAIS ET VOST • MONO • CHAPITRAGE, BONUS : Présentation
par Bertrand Tavernier, Patrick Brion, DVD, Sidonis, 2019.
1860. Buffalo Bill Cody et Wild Bill Hickok
souhaitent établir un service de courrier entre l'Est et l'Ouest mais cette
idée déplaît à certains qui voudraient que la Californie se détache de
l'Union. Rance Hastings et sa soeur Evelyn font partie de ceux qui
s'opposent au Pony Express. Cody s'éprend d'Evelyn ce qui irrite Denny
Russell qui l'aime depuis longtemps. Si l'opposition des Hastings est
d'ordre idéologique, Joe Cooper ne pense en revanche qu'au contrat de
courrier qu'il a avec le gouvernement.
Pony express du réalisateur Jerry Hopper de
1953 est un classique du genre. Il relate la vie trépidante d’un célèbre
personnage de l’histoire américaine, celle du fameux Buffalo Bill ayant
laissé son nom à la postérité depuis. Si le film prend parfois quelques
libertés avec la vraie vie de William Frederick Cody, plus connu sous le nom
de Buffalo Bill, le long-métrage de Jerry Hopper n’en demeure pas moins une
fresque réussie dans l’esprit du grand ouest qui animait alors ces hommes
épris de liberté et de conquêtes. Coup bas et meurtres figuraient au
quotidien de cette conquête de l’Ouest, les intérêts privés primant la
plupart du temps sur l’intérêt général jusqu’à ce que certains s’opposent à
cet état de fait avec l’établissement de la première ligne de courrier
rapide par cheval, une histoire qui était loin de s’arrêter… Charlton Heston
incarne à merveille la truculence de ce personnage singulier, introduisant
légèreté et gravité successivement sur fond de vastes horizons de l’Utah
pour le tournage. L’équilibre est ainsi atteint entre la légèreté des propos
et la gravité des situations avec un jeu d’acteur réussi pour un grand
spectacle pouvant être vu en famille.
La Flèche brisée - (Broken Arrow –
1950), un film de Delmer Daves avec James Stewart, Jeff Chandler, Debra
Paget, Master HD restauré- 1.33 - 4/3 - 1h29 - Couleur - VF - VOST,
Suppléments : Nouvelle présentation de Patrick Brion filmée en studio,
Présentation de Bertrand Tavernier, DVD, Sidonis, 2019.
C’est à la demande du Gouvernement que le pionnier Tom Jeffords se bat
pour la paix auprès des Indiens. Il remporte une victoire éclatante lorsque,
après avoir sauvé un jeune guerrier, le chef Apache Cochise lui accorde son
amitié. Puis la main de la princesse Sonseeahray de sa tribu. Tous ne
veulent cependant pas que les fusils se taisent…
C’est une histoire vraie qui a servi de source d’inspiration
à ce long-métrage de Delmer Daves La Flèche brisée, celle du pionnier
Tom Jeffords qui, contre toute attente, parvint à nouer des liens d’amitié
puissants avec le chef indien rebelle Cochise pour faire cesser la lutte
acharnée entre son peuple et les blancs. Réalisé en 1950, avec des figurants
indiens Hopis que Delmer Daves connaissait pour avoir vécu quelque temps
parmi eux, ce film marque un tournant dans l’histoire du western en
décrivant les Indiens sous un angle radicalement nouveau. C’est aujourd’hui
un film qui fait référence et, qui à ce titre, mérite d’être vu. Il n’est en
effet plus question de sauvages assoiffés de sang et incultes, mais d’un
peuple, certes, fier mais ayant une culture ancestrale en osmose avec la
nature. Sans pour autant verser dans un sentimentalisme excessif, La
Flèche brisée évoque ces moments de tension et d’incompréhensions entre
deux mondes qui s’affrontent, celui de la civilisation occidentale
inexorablement en marche et celui des cultures traditionnelles vouées
fatalement à disparaître. Le chef Apache Cochise avait eu la prescience de
cette transition, prévoyant que son peuple disparaîtra soit à très court
terme lors d’une bataille fatale ou à petit feu dans des réserves, mais il
avait aussi prédit que l’homme blanc ne cesserait de combattre ses
prochains, où qu’ils se trouvent et même au-delà des mers, une leçon à
méditer servie par un très bon jeu d’acteur entre James Stewart inspiré et
Jeff Chandler plus que crédible dans le rôle de Cochise. À noter deux bonus
passionnants de Bertrand Tavernier et Patrick Brion.
Nuestro Tiempo un film de Carlos
Reygadas avec Carlos Reygadas, Natalia Lopez, Phil Burgers, DVD, Les Films
du Losange, Blaq OUt, 2019.
La campagne mexicaine. Une famille élève des taureaux de combat. Esther
est en charge de la gestion du ranch, tandis que son mari Juan, poète de
renommée mondiale, s’occupe des bêtes. Lorsqu’Esther s’éprend du dresseur de
chevaux, Juan se révèle alors incapable de rester fidèle à ses convictions.
Tout pour être heureux, enfin… presque ! C’est le sentiment qui domine dans
les premières minutes de ce long-métrage du réalisateur mexicain Carlos
Reygadas dans Nuestro Tiempo… Si ce n’est que ce film dure presque
trois heures – un très long métrage, donc, et qu’après ces débuts
idylliques, la pluie tant attendue survient et balaye tout sur son passage,
y compris l’amour. Carlos Reygadas interprète, ici, le rôle de cet éleveur
de taureaux tout occupé par sa passion des bêtes et la poésie pour laquelle
il a acquis une renommée mondiale. Quelle place reste-t-il alors pour sa
femme et ses enfants ? Des rôles joués pour l’occasion par ses propres
enfants et sa vraie femme, Natalia Lopez ; Quelle place reste-t-il pour cet
amour, absolu dans les premières années, et qui s’est effrité, distendu
depuis ? Avec poésie et une esthétique certaine dans les prises de vues de
ces paysages sauvages de la campagne mexicaine, les sentiments s’exacerbent,
se tendent pour éclater comme ces nuages qui progressivement occupent la
place laissée libre dans le ciel azuréen. Jalousie, espionnage, voyeurisme,
perversion, autant de réactions qui vont alors se développer comme une
partition sauvage sur fond d’élevage de taureaux, contrepoint métaphorique
d’une éthologie humaine. Les acteurs réussissent parfaitement à rendre cette
complexité des sentiments, le mari trompé qui par compréhension et
perversion cherche à maintenir le dialogue tout en favorisant la passion de
sa femme, cette dernière à la fois coupable et cédant à ses instincts
cherche une justification à ces errements qui la dépassent, l’ami et amant
compréhensif joué par Phil Burgers et qui s’étant initialement prêté au jeu
du trio tente en fin de compte de s’effacer de cette relation mortifère… Et
puis, enfin et surtout cette nature si sauvage qui reprend ses droits
laissant la violence d’un combat de taureaux imposer la dure réalité de la
vie. C’est cette exploration qui prend toute la place de l’image captée par
le réalisateur dans un film sensible dont le spectateur ne ressort pas
toujours indemne.
« Tumultes » un film de Bertrand van
Effenterre avec Bruno Cremer, Nelly Borgeaud, Julie Jezequel, Laure Marsac,
Clotilde de Bayser, 1989, 89 min , Combo DVD BRD, Mallia Films, Renn
Production, Paradise Films, 2019.
Patrick est mort. Patrick, le fils, le frère. Autour de cette
disparition, la famille se réunit dans la maison des parents, là-bas, tout
au fond de la Bretagne, face à la mer…
« Tumultes » débute par deux évocations, deux homonymies, plans successifs
de la mer en Bretagne et de cette mère de famille au visage ravagé par la
mort de son fils, Patrick. À partir de cette mère meurtrie et de son mari,
couple inextricable, la caméra sensible de Bertrand van Effenterre, qui
allait ensuite tourner pour la télévision quelques épisodes du fameux
commissaire Maigret avec Bruno Cremer, plonge dans cet océan de silences, de
douleurs et de non-dits. Car « Tumultes » est un film reposant avant tout
sur la force et la faiblesse des liens de cette famille, entre ces parents
et ces quatre enfants, se tissant, s’étirant jusqu’à la rupture pour
Isabelle ou au contraire fusionnels comme pour les deux jumeaux pourtant
séparés à jamais. La famille, reconstituée à l’occasion du drame, alterne
entre ces extrêmes, instants de réunions, de retrouvailles, de souvenirs
légers, mais toujours scandés par la force de l’inévitable, l’absence
définitive d’un des leurs. Cette tension progressive servie par une image
redoutablement belle de cette côte bretonne et ce Requiem de Cherubini
composé à la mémoire de Louis XVI transportent le spectateur dans l’intimité
de cette famille déchirée jusqu’à la révélation des circonstances de la mort
du jeune Patrick. À partir de ce point d’orgue, les relations s’inversent,
les façades s’effritent jusqu’à l’acceptation du deuil ou au contraire le
refus de l’inacceptable et cette poignante scène finale. Bruno Cremer
excelle dans ce rôle qui met en valeur une fois de plus le large éventail de
ses talents ainsi que Nelly Borgeaud, l’actrice suisse appréciée d’Alain
Resnais, dont les silences occupent l’espace et retient la caméra du
réalisateur Bertrand van Effenterre qui signe avec ce film une évocation
intime et poignante de la vie familiale.
Fortuna de Germinal Roaux, DVD Blaq
Out, 2019.
Fortuna, jeune Éthiopienne de 14 ans, est accueillie avec d'autres
réfugiés par une communauté de religieux catholiques dans un monastère des
Alpes suisses. Elle y rencontre Kabir, un jeune Africain dont elle tombe
amoureuse. C'est l'hiver et à mesure que la neige recouvre les sommets, le
monastère devient leur refuge mais aussi le théâtre d'évènements qui
viennent ébranler la vie paisible des chanoines.
À Rome, la déesse Fortuna accompagnait le destin de chacun de ses
fidèles, que leur sort soit favorable ou non. Nous avons hérité de cette
divinité l’expression « bonne fortune » et, malheureusement, ce n’est
pas la première image qui vient à l’esprit quant au destin tragique de ces
réfugiés évoqués avec délicatesse et sobriété par le réalisateur Germinal
Roaux dans ce long-métrage sensible Fortuna. Venu de l’univers de la
photographie, le réalisateur plonge littéralement les spectateurs dans un
univers noir et blanc, qui contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne
cherche pas à une pureté quelconque mais bien plutôt à faire valoir les
différentes variations entre ces deux couleurs, une infinité de variations.
Car c’est une réalisation toute de nuances que propose Germinal Roaux avec
ce destin tragique d’une jeune Éthiopienne incarnée avec une candeur et un
naturel désarmant par Kidist Siyum Beza. Après les brèves évocations sous
forme de flashes d’une traversée de la Méditerranée rappelant le Déluge de
la Bible, ces âmes ballottées et marquées à vie par ces heures terribles
devront commencer une nouvelle vie… mais celle-ci est loin d’être acquise,
est elle-même envisageable ? Si l’opulence de la Suisse qui les héberge fait
naître des promesses justifiées par la générosité de quelques bonnes âmes en
la personne de ces moines bienveillants, il demeure néanmoins qu’il convient
de ne pas heurter les bienséances et lorsque l’inévitable survient, tout est
remis en question. Bruno Ganz incarnant le frère Jean, et dont ce fut l’un
des derniers films avant sa disparition, suggère sans asséner un autre
rapport à l’autre, qui non fait de leçons morales, ni même d’une
bienveillance toujours relative dans cet occident si frileux à ces hordes
venues du sud, mais d’une empathie naturelle, un amour sans bornes, ouvert à
ce que peut-être chacun ne comprendra jamais tout à fait chez l’autre,
l’altérité d’un Levinas. Le film Fortuna évite toute leçon de morale
ou même de prise de positions religieuses même si des scènes inoubliables
notamment à l’intérieur d’une étable offriront des évocations bibliques
inévitables, tout cela subtilement suggéré, une réalisation à l’image de ces
nuages sur les cimes alpines laissant danser leur ombre comme un destin…
Suppléments :
Entretien avec Germinal Roaux, réalisateur
Des tas de choses, documentaire (2004, 28 min.)
Icebergs, court-métrage (2007, 14 min.)
« Girl » un film de Lukas Dhont avec
Victor Polster, DVD, Diaphana Distribution, 2019.
Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son
père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d’absolu. Mais ce corps
ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car
celle-ci est née garçon.
Premier long-métrage du réalisateur Lukas Dhont remarqué au Festival de
Cannes l’année dernière, Girl ne laisse pas indifférent. Le thème de
l’identité sexuelle du personnage central est traité de manière si réaliste,
mais avec une délicatesse et pudeur écartant toute caricature. Dès les
premières minutes, le spectateur se trouve happé par cette histoire
singulière, celle de ce jeune homme rêvant de devenir danseur, une quête
d’absolue qui se double alors d’une autre quête celle de devenir aussi
femme… Inspiré d’une histoire vécue et relatée à Lukas Dhont, Girl nous fait
entrer dans le cœur même de ce qui à l’adolescence confirme l’identité et
les difficultés relatives. Naît-on fille ou garçon ou le devient-on ?
Certains traits physiques tels que des attributs masculins peuvent-ils aller
à l’encontre du sentiment d’être une femme et de le revendiquer ? Renvoyant
aux mythes anciens de l’androgynéité, du double masculin et féminin et de
ses intersections, aux revendications plus récentes de la transidentité et
de l’intersexuation, ce film n’en est pas pour autant un combat militant
agressif, mais une plongée pudique au cœur de l’identité d’un être humain.
Le jeune comédien Victor Polster donne toute sa profondeur à cette
thématique qui aurait pu être traitée de manière caricaturale ou
outrancière. Les expressions multiples et variées du comédien, ses
hésitations entre ce que son corps lui commande et les influences de son
entourage enrichissent bien cette réflexion qui pour être sensible n’en
sombre pour autant pas dans le pathos.
"Coffret Mikio Naruse 5 films de
Mikio NARUSE | Drame | Japon | 1954-1967 | 528mn | Couleurs et N&B, DVD
Carlotta, 2018.
Shingo, un vieil homme d'affaires, ressent une
profonde affection pour sa belle-fille Kikuko, qui se consacre à son mari et
à ses beaux-parents. Le jeune couple n'a pas d'enfants, et ses relations
sont instables. Un jour, Kikuko va prendre une grave décision qui va
bouleverser le fragile équilibre de la maisonnée…
Avec Le Grondement de la montagne, le
réalisateur japonais Mikio Naruse (1905-1969) nous invite à l’une des plus
belles leçons de cinéma du XXe siècle. Le cadre intimiste associé au nombre
restreint des protagonistes ne compose pourtant pas une fresque virtuose à
la Kurosawa, Naruse se rapprochant plus de l’univers intimiste de l’autre
géant du cinéma japonais Ozu, tout en s’en distinguant. Avec ce film
directement adapté du magnifique roman de l’écrivain Yasunari Kawabata (prix
Nobel de littérature) avec qui il partage cette rare sensibilité de la
fugacité de la vie, Naruse dresse le portrait d’un monde en profonde
mutation. Moins d’un siècle après l’ouverture Meiji et au lendemain de la
défaite du Japon lors de la Deuxième Guerre mondiale, les structures de la
société traditionnelle japonaise volent en éclats, ce que ne peut que
constater avec une certaine amertume résignée Shingo, vieil homme d’affaires
vivant avec son épouse, son fils et sa belle-fille dont il apprécie la
prévenance et gentillesse symbolisant cette société d’antan. Ce milieu du
XXe siècle cristallise en effet sous la caméra du réalisateur ces lignes
désormais brisées qui prévalaient jusqu’alors : dignité, abnégation,
discipline, courage, des valeurs mises à mal avec la confrontation à
d’autres modèles culturels imposés par les vainqueurs de l’occident. Naruse
offre ici un rare portrait de femme, celui de Kikuko qui, à la manière de
ces images du monde flottant, discourant très rarement mais dialoguant
bien plus par son regard, son corps, ses mouvements dignes des plus belles
estampes d’Utamaro. Ce portrait contraste avec celui des autres personnages
féminins emportés par le tumulte – le grondement sourd – de la modernité. So
Yamamura et Setsuko Hara livrent ici un jeu rare de sensibilité et
d’affinités complexes, même si la sensualité, plus présente dans le roman,
se fait ici plus discrète.
Avec le coffret Naruse, Carlotta propose 5 magnifiques portraits de
femmes et 5 films majeurs du cinéaste Mikio Naruse : Le Grondement de la
montagne, Au gré du courant, Quand une femme monte l'escalier, Une femme
dans la tourmente, Nuages épars.
"Le dernier des géants" (THE SHOOTIST), un film de Don Siegel – 1976 avec John Wayne, Lauren Bacall,
James Stewart, Ron Howard, version restaurée • durée : 100 mn • n&b/couleur
• format : 16/9 – 1.85, version : vf / vost français • chapitrage, bonus :
présentations par Patrick Brion et Bertrand Tavernier, DVD, SIDONIS, 2018.
Atteint d’un cancer en phase terminale, John Books (John Wayne), tireur
d’élite vieillissant mais au brillant palmarès, s’installe dans une pension
de famille où le fils de la gérante, l’ayant reconnu, s’attache à lui.
Résolu face à la mort, qui fut sa compagne durant des années, il cherche le
moyen de partir en beauté et de laisser derrière lui l’image d’une légende.
Il faut voir ou revoir ce dernier film de John Wayne car il révèle une
facette atypique de ce personnage accoutumé à occuper tout l’écran par sa
présence forte et dominatrice. Avec cette réalisation signée Don Siegel,
pourtant moins habitué au genre western (Duel sans merci, Les rôdeurs de
la plaine, Une poignée de plomb), c’est un film sensible pour un thème
inattendu qui est proposé: celui des faiblesses du héros principal atteint
d’un cancer incurable. Alors que le générique rappelle le parcours tout en
puissance du tireur d’élite avec des scènes reprises de grands westerns
antérieurs de John Wayne, les premiers plans-séquences montrent un héros,
certes vieillissant, mais encore bien alerte. Nous voyons ainsi l’image
traditionnelle du héros sûr de sa force et décochant calmement une balle à
un petit malfrat voulant le détrousser avant son arrivée dans la ville où il
a décidé de revoir un vieux médecin qu’il avait connu par le passé. John
Books se sait malade, avis confirmé par le médecin qui lui annonce
abruptement qu’il ne lui reste plus que quelques semaines à vivre… Commence
alors un compte à rebours avec la mort, le vieil homme souhaitant la prendre
par surprise et inverser la logique des choses. Cette réalisation offre non
seulement un casting impressionnant avec le duo John Wayne / Lauren Bacall,
mais également la présence de James Stewart sans oublier le rôle tout en
nuances du jeune Ron Howard. Le film alterne les scènes cocasses et plus
sombres sans verser dans le larmoyant avec une belle prestation de John
Wayne qui se savait lui-même atteint d’un cancer et qui devait disparaître
trois ans plus tard…
"Mary Shelley" un film de Haifaa
Al Mansour avec Elle Fanning, Douglas Booth, Tom Sturridge, DVD, Pyramide
Video, 2018.
En 1814, Mary Wollstonecraft Godwin entame une relation passionnée et
scandaleuse avec le poète Percy Shelley et s'enfuit avec lui. Elle a 16 ans.
Condamné par les bienpensants, leur amour tumultueux se nourrit de leurs
idées progressistes. En 1816, le couple est invité à passer l'été à Genève,
au bord du lac Léman, dans la demeure de Lord Byron. Lors d'une nuit
d'orage, à la faveur d'un pari, Mary a l'idée du personnage de Frankenstein.
Dans une société qui ne laissait aucune place aux femmes de lettres, Mary
Shelley, 18 ans à peine, allait révolutionner la littérature et marquer la
culture populaire à tout jamais.
Le film « Mary Shelley » de la réalisatrice Haifaa Al Mansour invite à
découvrir une femme injustement peu connue pour elle-même, mais bien plus
pour sa « création » passée à la postérité du monstre Frankenstein, ainsi
que le fait d’avoir été l’épouse du poète Percy Shelley. Et pourtant, Mary
Shelley née Wollstonecraft Godwin mérite que l’on retienne son nom de jeune
fille à part entière car si sa vie passée avec le poète a pu nourrir son
inspiration, c’est bien son propre esprit créateur qui se fait ressentir dès
son plus jeune âge jusqu’à sa disparition, une vie marquée de quêtes de
bonheur, de liberté frappée sans répit par la tristesse, le malheur et les
deuils. Mary n’a en effet pas hérité que du seul prénom de sa mère, Mary
Wollstonecraft , défenseur des droits de la femme au cœur du XVIIIe siècle
anglais, mais également de son caractère indépendant et combatif. Son père
hésite entre une éducation d’une jeune fille plus classique et l’image que
sa fille lui renvoie de son amour défunt épris de liberté. C’est ainsi en
bravant ces barrières mi-ouvertes que la jeune Mary s’engage subrepticement
dans l’univers des lettres, surtout dès sa rencontre avec le jeune poète
Shelley dont elle tombe amoureuse. Mary s’enfuit alors avec lui dans une vie
de bohème, faite d’insouciance et de libertés, une liberté parfois chèrement
payée lorsqu’elle perd son premier enfant en fuyant leurs créanciers. Le
film montre combien la naissance de son inspiration puise dans son
expérience biographique et notamment cette association entre le fait d’avoir
perdu sa mère par sa naissance, son premier enfant mort-né et la créature
littéraire en gestation. L’accouchement sera une fois de plus difficile dans
une Angleterre peu encline à voir reconnaître un génie littéraire chez une
femme, surtout dans un genre atypique, ce sera tout le combat de Mary
finalement reconnue grâce à son mari et son père. Elle Fanning incarnant
Mary est convaincante dans les nuances qu’elle a su apporter à son
personnage. Et même, si ce film eut pu s’appeler Mary Wollstonecraft Godwin,
son titre “Mary Shelley » contribuera tout de même à mieux faire connaître
ce personnage atypique.
« La Tresse » ; Un film de Laetitia
Colombani avec Kim Raver, Fotinì Peluso et Mia Maelze, DVD, M6 Video.
Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa
fille échapper à sa condition misérable et entrer à l'école. Italie. Giulia
travaille dans l'atelier de son père. Lorsqu'il est victime d'un accident,
elle découvre que l'entreprise familiale est ruinée. Canada. Sarah, avocate
réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu'elle
est malade. Trois vies, trois femmes, trois continents. Trois combats à
mener. Si elles ne se connaissent pas, Smita, Giulia et Sarah sont liées
sans le savoir par ce qu'elles ont de plus intime et de plus singulier.
Le film de Laetitia Colombani retrace le destin de trois femmes, et de trois
vies parallèles, qui bien que ne se rencontrant à aucun moment, aboutiront
néanmoins à un lien commun : celui de la vie et du courage des femmes. Tout
oppose en effet la condition sociale de Smita et de sa fille, cette
Intouchable à l’avenir tout tracé dans la réprobation générale des
laissés-pour-compte de la société indienne, de celle de cette avocate
canadienne à la carrière prometteuse. Entre ces deux vies, Giulia, jeune
Italienne, apparaît dans la fraîcheur innocente de sa jeunesse jusqu’à ce
que l’accident de son père révèle l’ampleur du désastre…
Réalisé d’après le best-seller de la réalisatrice Laetitia Colombani, ce
film d’une sobre intensité emporte le spectateur en un maelström vertigineux
des sentiments, évocation poignante du destin de ces trois femmes, des
destinées traitées avec une rare sensibilité écartant tout pathos.
L’esthétique des plans est également de toute beauté qu’il s’agisse des
couleurs de l’Inde, de la lumière hypnotique bleu-azur du sud de l’Italie ou
encore de la perfection géométrique des buildings de la city canadienne,
tout emporte conviction. Ce formalisme accentué par des optiques et des
caméras différentes parvient à restituer parfaitement le destin croisé de
ces trois femmes que tout éloigne pourtant, mais qui finira par les réunir
au final.
Un film d’une rare intensité qui rapproche les êtres et souligne la force
d’âme de ces femmes du XXI° siècle.
« Persée l'invincible » (1963) ;
Réalisateur : Alberto de Martino avec Leo Anchoriz, Richard Harrison, Anna
Ranalli, Arturo Dominici, DVD, ARTUS Films, 2024.
Acrisios a usurpé le trône d’Argos en tuant le roi et épousant sa veuve,
Danaé. Persée l’héritier légitime, vit à Sériphos, ville voisine, mais
ignore tout de sa naissance. Il va le découvrir grâce à la belle Andromède,
puis, avec l’aide de la déesse Athéna, accomplir des exploits héroïques pour
reprendre le trône...
Avec « Persée l’invincible » du réalisateur Alberto de Martino, le
spectateur plongera dans la mythologie revisitée par le péplum italien ! De
Martino est en effet un habitué du genre avec une production plus que
pléthorique, alternant entre réalisations inspirées et d’autres… nettement
moins… Persée compte parmi les premières avec un scénario plausible bien
qu’inspiré très extensivement de l’histoire mythologique. Si des
aménagements avec l’Histoire et la Géographie sont en effet perceptibles, il
n’en demeure pas moins que cette réalisation parvient à capter dès les
premiers plans l’attention de l’amateur de péplum avec des bons, des
méchants, des monstres dont la terrible Gorgone quelque peu surprenante…
Richard Harrison, ancien culturiste habitué du genre, parvient à occuper
progressivement l’écran même s’il n’a pas le même charisme qu’un Steve
Reeves ou d’un Reg Park, alors que Leo Anchóriz et Arturo Dominici incarnent
les forces du mal de manière convaincante. Comptant parmi les références du
cinéma populaire italien, « Persée l’Invincible » est à redécouvrir dans
cette très belle édition combo DVD/BRD incluant les deux montages du film et
accompagnée d’un très instructif livret revenant sur le thème mythologique
de Persée !
« Chien de la casse » ; Un film de
Jean-Baptiste Durand avec Anthony Bajon, Raphael Quenard, Galatea Bellugi ;
Durée : 93 minutes, Langue : Français, Nationalité : France, BRD, Blaq Out,
2024.
Dog et Mirales sont amis d’enfance. Ils vivent dans un petit village du
sud de la France et passent la majeure partie de leurs journées à traîner
dans les rues. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog
plus que de raison. Leur amitié va être mise à mal par l'arrivée au village
d'une jeune fille, Elsa, avec qui Dog va vivre une histoire d'amour. Rongé
par la jalousie, Mirales va devoir se défaire de son passé pour pouvoir
grandir, et trouver sa place.
Voici le premier long-métrage de Jean-Baptiste Durand, un réalisateur est
qui s’est déjà fait remarqué par une double récompense en 2024 avec le César
du Meilleur Premier Film et le César de la Meilleure Révélation Masculine.
La qualité à la fois graphique et cinématographique de ce film tient au fait
que son réalisateur a bénéficié au préalable d’une formation aux arts
graphiques, notamment dans le domaine de la peinture de portraits qu’il
affectionne plus particulièrement.
Et c’est bien les portraits à la fois intimistes et quelque peu désabusés
des protagonistes qui ressortent de ce film dont l’action se passe
essentiellement dans les ruelles d’un petit village du sud de la France, par
morte-saison, un cadre esseulé qui accentue encore plus le désoeuvrement de
certains des personnages. Mais ici nulle condamnation – le réalisateur
connaît bien ce milieu rural dont il est originaire – mais plutôt une
succession d’esquisses très graphiques d’âmes en peine, cherchant la
communication et l’amour malgré la parole qui bute souvent… Mirales,
interprété avec une verve impressionnante par Raphael Quenard, s’avèrera
beaucoup plus fragile qu’il n’y parait alors que le mutisme de son ami
d’enfance, Dog, brillamment interprété par Anthony Bajon (remarqué déjà dans
La Prière), s’estompera progressivement jusqu’à l’acmé du film. Amour,
amitiés, passions et mal de vivre ponctuent ce film d’une grande sobriété et
d’une esthétique indéniable.
« Le Ciel rouge » ; Un film de
Christian Petzold avec Thomas Schubert, Paula Beer, Langston Uibel, Enno
Trebs, Matthias Brandt, DVD, Blaq Out, 2024.
« Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées
sont chaudes et il n'a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se
réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les
entourent commencent à s'enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur,
la luxure et l'amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les
tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes
sont là ».
Avec « Le Ciel rouge », le réalisateur allemand Christian Petzold livre un
témoignage sensible et intériorisé sur les relations humaines. Sur fond de
forêt incandescente, un maillage de plus en plus serré des sentiments se
tisse progressivement alors que sourde la menace des éléments, en
l’occurrence le feu. Après un début quelque peu poussif aux accents
rohmériens, ce long métrage prend toute son ampleur en révélant le cœur de
chacun des protagonistes, surtout celui de l’écrivain, interprété avec
justesse par l’acteur autrichien Thomas Schubert mais également celui plus
énigmatique de la jeune femme avec la rayonnante Paula Beer.
Après l’insouciance, l’embrasement gagne chacun des protagonistes jusqu’à
l’acmé au terme de cette aventure estivale où pointent le danger et la mort
soulignée par la poignante musique de Ryuichi Sakamoto (lire
notre interview)… Dans ce maelström captivant, quelques belles
références littéraires, Heinrich Heine et son délicat poème Asra, Uwe
Johnson quelque peu méconnu de ce côté-ci du Rhin…
Ce film sensible qui aborde au carrefour des sentiments la question de la
création artistique et de ses enjeux sur fond de nature en danger, un propos
discret mais juste qui témoigne de la qualité du cinéma de Christian Petzold
et de ses acteurs. À découvrir.
« Une pierre dans la bouche » de
Jean-Louis LECONTE réalisé en 1983 avec HARVEY KEITEL, CATHERINE FROT,
MICHEL ROBIN Et RICHARD ANCONINA, scénario de Gérard Brach et Jean-Louis
Leconte, photographie Henri Alekan, version restaurée en DVD, Doriane Films,
2023.
Un fugitif américain, blessé et traqué, échappe à ses assassins lancées à
ses trousses. Il se réfugie dans une très belle demeure isolée où vit
Victor, vieux comédien, aveugle et fortuné. L'arrivée du neveu du vieillard,
avide personnage flanqué d'une charmante petite amie, va bouleverser ce
fragile équilibre. Les tueurs de l'homme en fuite ne tarderont pas à venir
rendre visite au vieil homme.
Certains films, quelque peu tombés dans l’oubli après leur sortie, méritent
d’être redécouverts, c’est le cas d’ « Une pierre dans la bouche » du
réalisateur Jean-Louis Leconte sorti en 1983. Plusieurs arguments plaident
en effet à revoir ce long-métrage d’un réalisateur qui à l’époque fit appel
à une légende du cinéma dans son équipe technique à savoir le grand chef
opérateur Henri Alekan qui confèrera à ce film une photographie unique.
Dans ce cadre à la fois enchanteur et oppressant d’un beau manoir esseulé et
quelque peu abandonné, un duo d’acteurs va tisser des liens inattendus et
originaux inversant le fameux syndrome de Stockholm. Le fugitif interprété
avec brio par le grand Harvey Keitel (Taxi Driver) se laisse en effet
progressivement émouvoir par le vieux comédien aveugle joué avec truculence
et profondeur par Michel Robin, sociétaire de la Comédie française, et qui
n’est plus à présenter… Dans ce film à mi-chemin entre théâtre et cinéma,
tragédie et comédie, la vie semble suspendue malgré l’adversité qui enserre
la demeure. L’arrivée de deux autres protagonistes (Richard Anconina
accompagné de la jeune Catherine Frot) ne fera qu’accélérer le destin de
cette histoire singulière dont le titre « Une pierre dans la bouche »
renvoie à une signification de trahison dans le milieu mafieux.
« Le conquérant » ( The Conqueror) -
1956 ; Un film de Dick Powell avec John Wayne et Suzan Hayward, DVD, Sidonis
Calysta, 2023.
Au début du XIIe siècle, les vastes plaines d'Asie centrale brûlent des
guerres que se livrent, depuis des siècles, des tribus rivales. C'est là que
vient au monde Temüjin, fils ainé de l'une des familles de guerriers de l'un
des quarante clans que compte le peuple mongol. Brave parmi les braves, il
se doit de venger la mort de son père, tué par un chef tatare dont il tombe
amoureux de la fille, la farouche Bortaï. La bataille s'engage, la première
avant que Temüjin n'entre dans l'histoire sous le nom de Gengis Khan...
Si le nom de Temüjin n’est guère connu que des spécialistes, celui de Gengis
Khan qu’il prendra par la suite en devenant le conquérant de l’Asie centrale
est plus familier… Ce sont les débuts de cette incroyable légende que relate
ce film du réalisateur Dick Powell en une superproduction hollywoodienne
convoquant les plus grandes stars du cinéma de l’époque.
John Wayne et Suzan Hayward tiennent en effet le haut de l’affiche de ce
film qui atteint à l’époque un budget record et connut un véritable succès
auprès du public. Il faut dire que rien n’a été ménagé quant aux moyens
employés : figurants en grand nombre, cavaliers éprouvés et cascades
plausibles, paysages magnifiques tournés dans l’Utah…
Passées les quelques minutes de surprise quant au rôle d’un John Wayne
transformé en chef du peuple mongol, le spectateur se laisse prendre par ce
récit de fiction s’inscrivant dans l’Histoire véridique de ce chef de guerre
qui fit trembler l’Asie jusqu’à la Chine.
« L'homme à la peau de serpent » (The
Fugitive Kind )- 1960 ; Un film De Sidney Lumet avec Marlon Brando, Anna
Magnani, Joanne Woodward, DVD, Sidonis, 2023.
Bohème, Val Xavier quitte La Nouvelle-Orléans, où il a des ennuis avec la
justice, et s’installe dans une petite localité du Mississippi avec la ferme
intention de se racheter une conduite. Il est embauché par Lady Torrance, la
patronne d’un commerce. Une femme nettement plus âgée que lui, aigrie par
son mariage malheureux avec un homme qui, souffrant, ne quitte pratiquement
plus le lit. Celle-ci tombe bientôt sous le charme du nouveau venu qui ne
laisse pas non plus indifférentes l’épouse du shérif et une jeune femme
alcoolique et nymphomane.
Taillé sur mesure pour l’acteur Marlon Brandon, ce long-métrage du
réalisateur Sidney Lumlet explore l’univers décrit par le célèbre écrivain
américain Tennessee William qui en signe lui-même le scénario à partir de sa
pièce « Opheus Descending » écrite quelques années plus tôt. L’écrivain en
dépeignant l’univers sombre et passionné d’une petite ville du Mississippi
avait déjà pensé, avait-il confié, au célèbre acteur irradiant littéralement
l’écran sous la caméra de Sidney Lumet. Face à lui Anna Magnani, peut-être
plus convaincante dans les films de légende de Pier Paolo Pasolini (Mama
Roma) que sous les latitudes américaines, mais donnant néanmoins une
réplique juste.
Le film parvient à instaurer un climat à la fois passionnel et quelque peu
déphasé, chacun des protagonistes semblant déraciné sur cet ilot esseulé du
Mississippi. Mais le génie de Lumlet (Douze hommes en colère ; Serpico) est
de parvenir à saisir la face sombre du Sud des États-Unis dans ces années
d’après-guerre où racisme, violence et alcool rythmaient la vie quotidienne.
Une vision pessimiste de la société américaine de cette époque que
parviennent cependant à illuminer le jeu époustouflant et la présence de
Marlon Brando.
« VIRGIN SUICIDES » -1999 ; Un film
de Sofia Coppola avec Kirsten Dunst, James Woods, Kathleen Turner, A.J.
Cook, Josh Hartnett, Leslie Hayman, Michael Paré, Scott Glenn, Danny DeVito
; Scénario et dialogues de Sofia Coppola d'après le roman de Jeffrey
Eugenides, The Virgin Suicides ; Musique originale de Richard Beggs, Air,
combo 4K UHD + Blu-ray, et en Salle, Pathé, 2023.
Dans une ville américaine tranquille et puritaine des années
soixante-dix, Cecilia Lisbon, treize ans, tente de se suicider. Elle a
quatre sœurs, de jolies adolescentes. Cet incident éclaire d'un jour nouveau
le mode de vie de toute la famille…
Ce premier film hypnotique de Sofia Coppola sorti en 1999 fit date à
l’époque en raison de l’atmosphère qui se dégage non seulement de l’intrigue
mais également du traitement de cette histoire tirée de l’Amérique des
années 70. À la fois récit onirique sur l’adolescence contrariée de cinq
jeunes filles et critique de la superficialité d’une société engoncée dans
ses contradictions, Virgin Suicides ne laisse pas indifférent avec cette
évocation à la fois cynique et tragique.
Le contraste saisissant du puritanisme de façade lézardé par les aspirations
des jeunes adolescentes et les ravages de la société de consommation
préfigure ce qui adviendra quelques décennies plus tard sur le vieux
continent.
La version restaurée 4K met en valeur le travail sur la photographie de la
jeune réalisatrice accentuant l’univers onirique dans lequel les jeunes
filles se protègent en tentant en vain de préserver un dernier bastion de
liberté. L’innocence perdue, le souffle libertaire, l’incompréhension entre
les sexes, la définition de l’amour, nombreux sont les thèmes abordés avec
poésie mais aussi une tragique lucidité par Sofia Coppola dans ce film de
jeunesse sans concession.
Version restaurée en 4K Infos techniques : BLU-RAY - 1.66 - Couleur – 97 min
LANGUES : Français et Anglais DTS 2.0 & 5.1 - SOUS-TITRES : Français 4K
ULTRA-HD - 1.66 - Couleur - 97 min LANGUES : Français et Anglais DTS 2.0 &
5.1 - SOUS-TITRES : Français
« Esterno Notte » ; Une série de
Marco Bellocchio avec Fabrizio Gifuni, Margherita Buy, Toni Sevillo, Fausto
Russo Alesi, Daniela Marra, Gabriel Montesi, Paolo Pierobon, Fabrizio Contri,
Pier Giorgio Bellocchio, Antonio Piovanelli, Bruno Cariello, Gigio Alberti,
Luca Lazzareschi, ITALIE | FRANCE | SÉRIE | 2022 6 x 55 minutes, COFFRET 2
DVD, Arte editions,2023.
Le 16 mars 1978, Aldo Moro, alors président de la Démocratie chrétienne,
est enlevé par les Brigades Rouges. En état de choc, le gouvernement italien
se retrouve face à un dilemme : faut-il accepter la négociation avec le
groupe terroriste, au risque de mettre en péril la démocratie, ou ne rien
céder et prendre le risque d’une mise à mort de l’homme politique ?
Marco Bellochio signe avec Esterno Notte une série passionnante sur
l’affaire qui traumatisa l’Italie entière à la fin des années 70 lorsque le
président de la Démocratie chrétienne Aldo Moro fut enlevé par les Brigades
Rouges souhaitant imposer la révolution prolétarienne d’inspiration
marxiste-léniniste. L’évènement porta un coup sévère aux institutions qui
jusqu’alors avaient résisté aux multiples attentats perpétrés par ces
groupes d’extrême gauche durant les années de plomb.
Le cinéaste Marco Bellochio n’est plus à présenter et ce coup d’essai dans
le domaine de la série est une véritable réussite, tant la qualité du
scénario, la réalisation de chacun des épisodes, le choix des acteurs
convainquent sans réserve, une vingtaine d’années après Buongiorno notte du
réalisateur sur ce même sujet. Privilégiant le format long de la minisérie
afin d’approfondir l’analyse des protagonistes, Bellochio examine tour à
tour le personnel politique, le rôle du pape Paul VI interprété par Toni
Servillo, les membres des Brigades Rouges, sans oublier l’étonnante
métamorphose réalisée par Fabrizio Gifuni pour interpréter le rôle d’Aldo
Moro.
Rien n’est épargné dans cette triste évocation d’une société prise par le
doute le jour où l’un de ses responsables devient l’otage d’un groupuscule
extrémiste… Cette histoire qui marqua l’Histoire italienne du XXe siècle se
trouve restituée avec un rare talent aux accents christiques au terme de cet
épisode sombre.
« Chasse à la mafia (Vous
souvenez-vous de Paco ?) » ; Un film de Jess Franco, Espagne 1963, DVD,
Artus, 2023.
Alors qu’il s’apprêtait à donner des renseignements à l’inspecteur Ruiz à
propos du politicien véreux Leprince, le barman Paco est assassiné à coups
de couteau. L’inspecteur mène l’enquête alors que, petit à petit, les
participants au meurtre tombent les uns après les autres.
Le nom du réalisateur Jess Franco semble quelque peu tombé dans l’oubli de
nos jours alors même que ce touche-à-tout ait réalisé près de 200 films
mêlant érotisme et horreur, et ait attiré l’attention d’un certain Orson
Welles qui en fit son assistant-réalisateur pour Falstaff… « Chasse à la
mafia », réalisé en 1963, ressort très nettement de cette production massive
à petit budget avec un film à la fois soigné sur le plan technique et plutôt
plaisant à découvrir grâce à cette musique omniprésente qui confère un
rythme certain à l’intrigue.
Franco a su adapter des auteurs en tout genre allant de Sade à Mirbeau en
passant par Exbrayat pour « Chasse à la mafia », plus connue sous son titre
original espagnol Rififí en la ciudad. Si l’intrigue guère originale se
déroule dans le milieu de banditisme et de politiciens crapuleux, l’angle
retenu par le réalisateur, celui d’un policier tenace précédé d’une
mystérieuse femme qui le devance dans son enquête, retient cependant
l’attention du spectateur pris par le déroulement de l’histoire. Jean
Servais campe, ici, le rôle classique de salaud prêt à tout pour assouvir sa
soif de pouvoir alors que l’acteur espagnol, Fernando Gomez, livre une
interprétation plus fine et moins prévisible de son rôle.
Avec quelques plans d’une rare esthétique dans le goût d’Orson Welles et une
photographie également remarquable, « Chasse à la mafia » mérite d’être
redécouvert grâce à cette nouvelle version intégrale - Master 2K restaurée
parue chez ARTUS Films.
Langue Français, Espagnol, Sous-Titre Français, Format Coffret digipack Blu
Ray + DVD
Format Original 1.77 - 16/9ème compatible 4/3 - 1920/1080p Format DVD DVD -
PAL - Zone 2 / BD - Zone B Duree 104 minutes Noir et blanc / couleur Noir et
blanc
« L'Atalante » 1933 de Jean Vigo avec
Michel Simon, Dita Parlo, Jean Dasté, Gilles Margaritis, Louis Lefebvre,
Maurice Gilles, Raphaël Diligent ; Nouveau master restauré 4K, DVD, Gaumont
Classiques ,2022.
Jean, un marinier, a épousé Juliette, une fille de paysans de l'Oise.
Leur vie va se dérouler, avec des alternances de bonheur et de tristesse, à
bord d'une péniche, "L'Atalante". L'équipage se compose d'un mousse et du
père Jules, un pittoresque loup de mer vivant dans sa cabine au milieu de
ses chats et d'un indescriptible capharnaüm. Juliette, distraite un moment,
rêve de Paris...
« L’Atalante » compte parmi ces chefs-d’œuvre du 7e art qui sont restés
gravés dans la mémoire des cinéphiles ainsi que le rappelle Martin Scorcese
dans le bonus accompagnant ce DVD restauré paru chez Gaumont Classics. Il
faut souligner que c’est un important travail de restauration qui a été
entrepris sur ce film signé du réalisateur Jean Vigo disparu prématurément
après n’avoir réalisé que 4 longs métrages. Une belle et audacieuse
restauration qui a pu être réalisée grâce aux nombreuses versions, ruchs
voire seulement bandes sonores, encore disponibles…
Ce nouveau master restauré 4K restitue ainsi toute la profondeur des plans
soignés du réalisateur ainsi que la beauté de la photographie en noir et
blanc des berges de la Seine sur lesquelles se déroule l’essentiel du film
tourné, rappelons-le, en 1933.
Si l’histoire peut sembler quelque peu anodine, le jeu des acteurs – comment
passer sous silence la présence inoubliable du grand Michel Simon ?!– lié à
l’art cinématographique livre, ici, une vue ou plutôt une vie de Paris des
plus esthétiques, aujourd’hui disparu et prolongeant encore quelque temps le
Paris d’un Atget déjà si engagé dans l’industrialisation.
Entre comédie et poésie, tableau sensible d’un monde bientôt révolu, «
L’Atalante » offre au spectateur une belle leçon de cinéma, idéalement
restituée par cette édition Gaumont Classics.
Bonus : Présentation de L'Atalante par Martin Scorsese (3')
Tournage d'hiver de Bernard Eisenschitz (70')
L'Atalante restauré (3')
« Fille du Diable » (1946) ; Un film
de Henri Decoin avec Pierre Fresnay, Fernand Ledoux, Andrée Clement et
Albert Rémy, DVD et VOD, Gaumont, 2022.
Célèbre criminel en fuite, Saget est pris en voiture par Ludovic Mercier,
un homme qui revient dans son village natal après 25 ans d’exil fructueux
aux Etats-Unis. Mais Mercier est ivre et le véhicule dérape. Si
l’automobiliste meurt dans l’accident, Saget survit et décide d’usurper
l’identité du mort. Accueilli en fanfare par tous les villageois, il trompe
ses compatriotes à l’exception de la mystérieuse Isabelle, surnommée « Fille
du Diable »…
Si le nom du réalisateur Henri Decoin semble quelque peu méconnu de nos
jours, il connut cependant une notoriété certaine au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale et signera quelques longs-métrages intéressants tel la «
Fille du Diable », un film alternant entre drame psychologique et policier.
Usant de plans audacieux pour l’époque et travaillant la photographie avec
art, Decoin offre, en effet, avec cette réalisation une attrayante réflexion
sur les frontières entre bien et mal, déterminisme et libre arbitre.
Servi par une musique brillante du grand compositeur Henri Dutilleux, la «
Fille du Diable » mérite d’être également redécouvert pour son jeu d’acteurs
convaincant avec un Pierre Fresnay plus vrai que nature, incarnant un
mauvais garçon sur le point de se repentir ; Fernand Ledoux, remarquable de
justesse et d’humour, sans oublier la troublante Andrée Clément, disparue
prématurément, quelques années après ce long métrage, du grand écran.
" Les Chiens de guerre" ; Un film de
John IRVIN avec Christopher WALKEN, Tom BERENGER, Jean-François STEVENIN,
JoBeth WILLIAMS ; Format écran : 16/9, Format image : 1.85, Durée : 1h40
environ ; Langues : Français, Anglais, Sous-titres : Français, Son: 2.0, DVD,
(inclut version longue)
Jamie Shannon est un mercenaire de renom. Son job : parcourir le monde et
participer à toutes les guerres qui peuvent l’enrichir. Il vient d’accepter
la mission la plus dangereuse de toute sa carrière : organiser un putsch au
Zangaro, État africain gouverné par un dictateur sanguinaire. Pour remplir
son contrat, il doit recruter une équipe de dangereux mercenaires… de
véritables chiens de guerre.
Marquant le début des années 80, « Les chiens de guerre » réalisé par John
Irvin s’inscrit dans le cadre de cette longue série de films traitant du
thème des mercenaires aux quatre coins du monde… Adaptant à l’écran le roman
de Frederick Forsyth, ce long-métrage s’est fait remarqué pour son
traitement réaliste des protagonistes qui se démarque des autres
réalisations du genre. Loin du superhéros hollywoodien invincible, Shanon
laisse apparaître dès les premières minutes du film le quotidien banal et
souvent glauque de ces hommes souvent laissés pour compte de l’armée et dont
les idéaux se réduisent souvent à des questions financières. Tourné au
Belize sur la côte est de l’Amérique centrale, « Les chiens de guerre »
décrit les aventures d’une petite équipe de mercenaires recrutés par le
personnage qu’incarne avec sobriété et brio Christopher Walken. Atypique, ce
film retrace la longue préparation du commando, ses imperfections et aspects
sombres avant l’assaut final. Bénéficiant d’un casting international, « Les
chiens de guerre » offre au réalisateur John Irvin l’occasion de dépeindre
un univers qu’il connaissait bien pour avoir auparavant couvert la guerre du
Vietnam en tant que documentariste. A noter le titre anglais de ce film
inspiré d’une réplique du Jules César de William Shakespeare : « Carnage !
et alors seront lâchés les chiens de guerre »…
Pygmalion - Leslie Howard et Anthony
Asquith avec Leslie Howard, Wendy Hiller, Wilfrid Lawson, Marie Lohr,
d’après la pièce de George Bernard Shaw, Mostra de Venise 1938 - Meilleure
interprétation masculine, Oscars 1939 - Meilleure Adaptation, Version
originale anglaise, sous-titres français - Noir & Blanc - 95 mn, DVD,
Doriane Films, 2022.
Le professeur Henry Higgins, expert en phonétique, fait la connaissance
d’une jeune fleuriste de Covent Garden, Eliza Doolittle, au très fort accent
cockney. Avec son ami le colonel Pickering, il fait le pari de la faire
passer pour une duchesse...
Exercice de haute virtuosité que cette brillante adaptation de la célèbre
pièce de George Bernard Shaw. Avec « Pygmalion », en effet, les trois
réalisateurs crédités au générique signent un long-métrage enlevé et
trépidant, au rythme et ambiance british à souhait. Il faut avouer que les
interprétations livrées par Leslie Hiller et Wendy Hiller contribuent à
faire de ce film servi par une photographie impeccable un classique du
cinéma anglais. L’humour se trouve bien entendu placé au premier plan avec
des réparties hilarantes à la hauteur du célèbre dramaturge irlandais.
Mais, « Pygmalion » se double par ailleurs d’une analyse sociale non dénuée
d’intérêt avec une critique des hiérarchies de classe omniprésentes dans la
société aristocratique britannique du siècle passé.
Brillant et pétillant, « Pygmalion » offre une belle leçon de cinéma
récompensé par les plus hautes institutions du grand écran.
Bonus DVD :
Un cottage dans le Dartmoor, un film de Anthony Asquith (88 minutes)
Un livret illustré de 12 pages
« LE ROI DE PARIS » ; Un film de
Dominique Maillet avec Philippe Noiret, Veronika Varga, Jacques Roman,
Manuel Blanc, Michel Aumont, Paulette Dubost, Corinne Clery, Ronny Coutteure,
Franco Interlenghi, Sacha Briquet, Bernard Lajarrige, Pierre Vial ; Coffret
combo 2 DVD + 1 Blu-ray - 181 min - Version originale française -
Sous-titres anglais et hongrois - Sous-titres pour sourds et malentendants –
Audiodescription, Doriane Films, 2022.
Le « Roi de Paris », en cette saison théâtrale 1930, est le grand acteur
Victor Derval qui règne en maître sur le Boulevard et vit entouré de sa cour
: un directeur de théâtre, sa fidèle habilleuse, un marquis déchu et
pique-assiette, et son ancienne maîtresse et partenaire à la scène. Un jour,
il est accosté par Lisa, une jeune étrangère venue tenter sa chance comme
actrice à Paris. Séduit, Victor Derval l’embauche et l’installe chez lui où
elle fait la connaissance de Paul, son fils. Père et fils en viennent très
vite à se disputer l’amour de la jeune actrice…
« Le roi de Paris » de Dominique Maillet, curieusement passé sous silence
lors de sa sortie en 1995, livre un portrait sensible sur la condition de
comédien dans les années 30. Avec un rôle taillé sur mesure pour l’immense
Philippe Noiret, ce long-métrage bénéficie d’un luxe de décors remarquables
servant à la prestation du facétieux comédien avec, en contrepoint, une
jeune comédienne Veronika Varga parvenant à ne pas être éclipsée par
l’imposant acteur.
« Le roi de Paris » dévoile les arcanes de la notoriété en en révélant les
sommets, mais aussi les gouffres, ainsi qu’il ressort assez finement de ce
rapport de plus en plus étroit entre l’acteur, son fils et la jeune ingénue.
Avec un Michel Aumont quelque peu en retrait, ce film séduit et divertit,
atout principal de la condition d’artiste dont il souligne les gouffres et
paradoxes.
"Robuste" ; Un film de Constance
Meyer avec Gérard Depardieu et Déborah Lukumuena ; DVD & VOD, Diaphana,
2022.
Lorsque son bras droit et seul compagnon doit s’absenter pendant
plusieurs semaines, Georges, star de cinéma vieillissante, se voit
attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune
agente de sécurité, un lien unique va se nouer.
Avec « Robuste », Constance Meyer signe son premier long-métrage, un film
sensible et émouvant sur les rapports entre individus. Taillé sur mesure
pour la carrure de Gérard Depardieu, le scénario offre une confrontation
singulière avec, face à lui, l’étonnante Déborah Lukumuena déjà remarquée
dans « Divines » et nullement intimidée devant ce monument du cinéma
français.
Si la vulnérabilité et le désabusement abondent dans ce film aux plans
soignés, tout cynisme s’éloigne progressivement au fur et à mesure que la
lumière apportée par la jeune Aïssa entre dans le cœur de cet homme aigri.
Jouant des contrastes entre ces corps « robustes » et cachant pourtant une
fragilité certaine, cette belle réalisation convie le spectateur à
s’interroger sur ses propres réalisations, incomplétudes et valeurs. Avec
une photographie également remarquable, « Robuste » ouvre sur le sens de la
vie et notre rapport à elle.
« Meurtre À Montmartre » ; Un film
de Gilles Grangier avec Michel Auclair, Paul Frankeur, Giani Esposito, Annie
Girardot, Jacqueline Noëlle, Lucien Nat et Marcel Bozzuffi ; Scénario de
Gilles Grangier et René Wheeler, d'après le roman de Michel Lenoir ;
Dialogues de René Wheeler ; combo DVD/BRD, Pathé Films, 2022.
Le marchand d’art Marc Kelber croit faire l’affaire du siècle quand il
achète un tableau de Gauguin à Jacques Lacroix, un prétendu collectionneur.
Mais quand il découvre que ce dernier est un escroc qui lui a vendu un faux,
Kelber est bien décidé à se venger. Il retrouve alors Lacroix et ses
complices, le peintre faussaire Watroff et sa compagne et modèle Viviane.
Mais plutôt que de leur faire payer leur arnaque, il décide finalement d’y
prendre part.
Ce film noir « Meurtre à Montmartre » qui vient de faire l’objet d’une
version restaurée en 4K sous la supervision de Pathé et avec le soutien du
CNC sera l’occasion de redécouvrir la qualité apportée à toutes les étapes
de la réalisation par cette personnalité du monde du cinéma que fut Gilles
Grangier. Après « Échec au porteur » présenté dans ces colonnes et « Le Sang
à la tête », c’est au tour de « Meurtre à Montmartre » de bénéficier d’une
belle édition inédite à partir des négatifs originaux grâce à l’initiative
de Valérie Paulin.
Sorti en 1957, ce long-métrage présente un tableau à la fois réaliste et
sombre au cœur de Paris. Ce qui n’aurait pu être qu’une mauvaise affaire
d’un marchand d’art va en effet rapidement tourner au drame et révéler les
affres du cœur humain, prêt à tout pour l’appât du gain. Bien au-delà d’un
simple crime crapuleux, Grangier explore en effet les intrications complexes
des personnalités réunies notamment des quatre protagonistes principaux à
savoir le marchand d’art interprété avec une rare profondeur par Paul
Frankeur, le prétendu collectionneur peu scrupuleux joué avec une aisance
déconcertante par Michel Auclair, l’artiste paumé interprété par Giani
Esposito et enfin la compagne de ce dernier, une petite jeunette âgée de 25
ans et déjà promise à un bel avenir en la personne d’Annie Girardot…
Ce quatuor mené de main de maître par Grangier compose une partition
impeccable et réaliste, le plus souvent en décor extérieur révélant l’art du
réalisateur pour des plans impeccables et une photographie d’une rare
profondeur. Ayant fait l’objet d’une préparation poussée sur le milieu de
l’art, ce film adapté de l’œuvre de l’écrivain Michel Lenoir s’avère vite
convaincant sur un sujet pourtant pointu. La mise en scène à la fois
rigoureuse et laissant une grande liberté aux acteurs conduit à un film
d’une belle maîtrise et dont on s’étonne qu’il ait pu être éreinté par la
critique lors de sa sortie et tombé injustement dans l’oubli depuis…
Suppléments :
- Meurtre à Montmartre : Entretiens autour du film
Avec Valérie Paulin et François Guérif (31 min)
- Actualité Pathé : Exposition de faux chefs-d’œuvre au salon de la police
1954
"Le Vétéran" ; Un film de Robert
Lorenz avec Liam Neeson, Katheryn Winnick et Juan Pablo Raba, DVD,
M6 Vidéo, 2022.
Poursuivis par les membres d’un cartel mexicain, une mère et son fils
traversent la frontière qui sépare le Mexique de l’Arizona et se retrouvent
sur les terres de Jim Hanson. Aigri, vieillissant, celui-ci dénonce
traditionnellement les immigrés clandestins aux autorités. Mais quand la
mère est tuée dans une fusillade, l’américain récalcitrant décide d’aider le
jeune Miguel à fuir. Le vétéran de guerre veuf et désabusé et le garçon
orphelin vont devoir traverser les États-Unis, poursuivis par des criminels
et des policiers corrompus.
Un héros solitaire, un brin acariâtre, et un jeune immigré innocent traqué
par des gangsters forment la trame de ce long-métrage réalisé par Robert
Lorenz qui s’est notamment fait connaître pour sa longue collaboration avec
Clint Eastwood (Sully, American Sniper ou encore Invictus). L’acteur retenu
pour ce film d’action n’en est pas moins que le talentueux Liam Neeson qui
incarne idéalement cet ancien Marine de la guerre du Vietnam, désabusé et
résolu à donner un sens à la vie misérable qu’il menait jusqu’alors. Mené
tambour battant, ce film pousse à l’extrême les limites du bien et du mal
avec tout de même quelque surprise, notamment dans la scène finale. Quelques
clins d’œil notamment à Clint Eastwood jalonnent ce long-métrage
divertissant, notamment lorsque le jeune Miguel regarde le fameux film «
Pendez-le haut et court » à la télévision… Avec de superbes plans tournés en
décors naturels dans l’Ohio ou au Nouveau-Mexique, « Le Vétéran » permet une
nouvelle fois d’apprécier les qualités d’acteur de Liam Neeson, convaincant
dans cette réalisation enlevée.
« Je suis un aventurier » (The Far
Country) 1954; Un film de Anthony Mann avec James Stewart, Ruth Roman et
Walter Brennan, Édition collector digibook DVD + Blu-Ray + livre de 144
pages – édition limitée à 2500 exemplaires, Sidonis, 2022.
1896. Inculpé de meurtre, Jeff Webster quitte Seattle mais en arrivant à
Skagway, il est accusé par le juge corrompu Gannon d’avoir troublé l’ordre
public en menant ses troupeaux à travers la ville. Ceux-ci ayant été
confisqués, Jeff part pour Dawson avec Ronda Castle qui l’a engagé comme
chef d’équipe. Il reprend bientôt possession de son troupeau, poursuivi par
Gannon...
« Je suis un aventurier » compte parmi ces westerns d’Anthony Mann marqué
par sa collaboration fructueuse avec l’acteur James Stewart (Winchester 73,
L’Homme de la plaine…)
À partir d’un scénario classique d’un solitaire tel qu’en comptait
l’Amérique à ses débuts, le réalisateur tisse progressivement une évocation
allant crescendo, le personnage central, à l’origine centré sur lui-même,
s’ouvrant progressivement aux maux de son entourage.
Filmé dans les splendides décors du glacier d'Athabasca et du parc naturel
de Jasper dans les Rocheuses canadiennes, ce long-métrage fut l’occasion de
prises de vue inoubliables et d’une photographie non moins remarquable de la
part de William Daniels.
Évoquant de manière récurrente la loi du plus fort, ce film suggère
progressivement la réaction d’une partie des habitants au profit d’une loi
et d’une justice plus grande, prémices de la société moderne américaine qui
allait s’imposer par la suite. James Stewart plus vrai que nature rayonne
dans ce film divertissant, non dénué de scènes parfois dramatiques, avec
face à lui le toujours sympathique vieillard bougonnant incarné par Walter
Brennan (que l’on retrouvera souvent aux côtés de John Wayne notamment dans
Rio Bravo), sans oublier la brune Ruth Roman et la blonde Corinne Calvet. Un
western séduisant à retrouver dans cette belle édition Sidonis en DVD.
"Drive my car" ; Un film de RYUSUKE
HAMAGUCHI d'après la nouvelle de Haruki Murakawi avec Hidetoshi Nishijima et
Toko Miura, DVD, Diaphana, 2022.
Alors qu’il n’arrive toujours pas à se remettre d’un drame personnel,
Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter
Oncle Vania dans un Festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de
Misaki, une jeune femme réservée qu’on lui a assignée comme chauffeur. Au
fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à
faire face à leur passé.
« Drive my car » du réalisateur japonais Ryusuke Hamaguchi emmène le
spectateur en une longue pérégrination de près de trois heures, un voyage
dans la vie et notre quotidien, parsemés de blessures et de non-dits. Filmé
avec une rare netteté et des plans d’une rigueur épurée faisant alterner
modernité du Japon sur fond de paysages traditionnels saisissants, ce film
où la musique laisse s’exprimer les silences ne pourra qu’apostropher le
spectateur pour cette place accordée à l’introspection.
En un parallèle séduisant avec la fameuse œuvre de Tchekhov « L’Oncle Vania
», les protagonistes de ce film singulier tentent de composer avec leur vie,
avec la vie. Kafuku, metteur en scène, admirablement interprété par le
ténébreux Hidetoshi Nishijima peine à trouver le sens des épreuves qu’il
subit, celles de sa jeune enfant, puis de sa femme. Puisant dans l’œuvre
théâtrale et l’écriture, ces questionnements propres à tout être, le metteur
en scène représenté lors de la préparation d’un festival à Hiroshima ne
parvient pas à se départir du mutisme qui l’empêche de jouer de nouveau le
rôle de l’oncle Vania. Ce questionnement subtil sur le sens de la vie
s’étire au fil des longues routes serpentant la modernité nippone jusqu’à ce
que l’éveil surgisse de manière inattendue par le truchement de la jeune
femme qui lui sert de chauffeur.
Ces huis clos ne laisseront pas le spectateur indemne, un film à découvrir
dans cette belle édition.
« Le genou d’Ahed » ; Un film de
Nadav Lapid avec Avshalom Pollak, Nur Fibak, Yoram Honig, DVD, Pyramide
Video, 2022.
Y., cinéaste israélien, arrive dans un village reculé au bout du désert
pour la projection de l’un de ses films. Il y rencontre Yahalom, une
fonctionnaire du ministère de la Culture, et se jette désespérément dans
deux combats perdus : l’un contre la mort de la liberté dans son pays,
l’autre contre la mort de sa mère.
C’est littéralement un cri de rage et de désespoir que lance le réalisateur
israélien Nadav Lapid avec « Le genou d’Ahed », un film sélectionné au
Festival de Cannes 2021. Le clin d’œil du titre de ce long-métrage
n’échappera pas aux cinéphiles épris du fameux « Genou de Claire » d’Éric
Rohmer, mais ici, la symbolique s’avèrera tout autre. Ahed est une
palestinienne en révolte contre l’attitude d’Israël sur les terres occupées,
tout comme Y. le cinéaste du film qui fulmine contre son propre pays.
Au-delà du domaine culturel et du cinéma qui font l’objet d’une sévère
diatribe de la part de Lapid, son alter ego à l’écran, « Le genou d’Ahed »
devient en quelque sorte une allégorie de nos sociétés modernes
contemporaines et de la modernité face aux valeurs immuables. Quelle liberté
foule-t-on au nom du culturellement correct ? Quelle singularité aplanit-on
au prétexte des bonnes intentions ? On le voit, ces questionnements trouvent
des échos plus qu’actuels à notre époque et Nadav Lapid par un rythme
saccadé, des mouvements de caméras parfois intempestifs à l’image de la
colère sourde qui gronde traduit ces bouillonnements par différentes
attaques acérées. Face à lui, son pays sûr de lui prend les traits d’une
avenante jeune femme au sourire généreux, ce sourire de la technocratie
arrogante qui sous couvert d’une jeunesse conditionnée se fissure au moindre
doute. Un cinéma engagé et enragé à découvrir.
"Dans la gueule du loup" (The Mob -
1951) ; un film de Robert Parrish avec Broderick Crawford, Betty Buehler,
Richard Kiley, Ernest Borgnine et Charles Bronson ; Format : 16/9 - 1:33,
Audio : Français – Anglais – VOST, Durée : 87 min, Bonus : Présentation
François Guérif et Bertrand Tavernier, Couleur : Noir et Blanc, DVD, Sidonis,
2021.
Le détective Johnny Damico sort d’une boutique et tombe sur une scène de
crime ; c’est le début pour lui d’une longue et périlleuse infiltration de
la pègre…
Le réalisateur Robert Parrish offre avec « Dans la gueule du loup » sorti en
1951 un film noir, enlevé et au rythme haletant. Servi par un scénario
remarquable de William Bowers d'après le roman « Waterfront » de Ferguson
Findley, ce deuxième long-métrage de Robert Parrish repose également sur son
personnage central interprété avec un brio certain par le monumental
Broderick Crawford, crevant l’écran par sa présence, une présence qui
retiendra d’ailleurs quelques années plus tard l’attention de Fellini pour
son fameux film « Il Bidone ».
« Dans la gueule du loup » traite le thème qui deviendra classique par la
suite au grand écran de l’infiltration par un policier du milieu de la
pègre. Suivant une progression allant crescendo, cette histoire toujours
plausible est l’occasion pour le réalisateur de déployer son art
cinématographique, tant à l’occasion de scènes extérieures sur les docks de
toute beauté que pour de somptueux plans d’intérieur. La photographie en
noir et blanc signée Joseph Walker (Mr Smith au sénat) séduit spontanément
tout autant que le jeu des acteurs dont certains seront appelés à un bel
avenir tels Ernest Borgnine (L’homme de nulle part) Richard Kiley (L’homme à
l’affut) et une courte apparition de Charles Bronson (Chino)… Un film
efficace et attractif qui tient le spectateur en haleine jusqu’à la scène
finale.
« Family life » ; Un film de Ken
Loach avec Sandy Ratcliff, Bill Dean, Grace Cave, Malcolm Tierney, Hilary
Martin, Michael Riddall, Alan MacNaughtan, Johnny Gee ; Master restauré par
STUDIO CANAL, Version originale anglaise, sous-titres français, Noir &
Blanc, 105 mn, Collection Typiquement British, DVD Doriane Films, 2021.
Au Royaume-Uni, dans les années 70. Janice, jeune femme fragile, est
ramenée à ses parents par la police après avoir erré dans le métro
londonien. Entre inquiétude et irritation, Vera et son mari poussent leur
fille à consulter le docteur Donaldson, un psychiatre novateur. Mais la
dureté de ses parents et la violence de l’acharnement médical vont conduire
Janice dans une descente aux enfers.
Film emblématique des années 70, « Family life » de Ken Loach happe le
spectateur en une spirale infernale dans ce qu’une famille peut créer de
pire. Partant de la situation banale d’une jeune femme fragile interprétée
avec réalisme par Sandy Ratcliff ayant connu elle-même une enfance et une
vie difficile, le réalisateur anglais parvient avec ce film sombre à créer
un tourbillon sourd et en apparence invisible qui emporte le personnage
principal dans les affres de la psychose, dans l’incompréhension quasi
totale de ses parents. Pire, l’expression « l’enfer est pavé de bonnes
intentions » se trouve portée à son paroxysme dans cette réalisation
implacable. Les parents de la jeune femme représentent l’archétype même de
l’impossibilité d’une véritable communication où préjugés et aveuglement
conduisent à l’anéantissement d’un être. L’univers de la psychiatrie ne
ressort pas grandi de ce film à charge ; inspiré du courant antipsychiatrie,
ce film dénonce très tôt en 1972 l’inanité des traitements à base
d’électrochocs et médicaments qui rapidement détruisent toute vie chez le
patient ainsi que l’illustre tristement cet exemple malheureusement banal.
Un film fort, toujours d’actualité, et qu’il importe de découvrir dans cette
belle édition.
Complément : Visiblement je vous aime, film de Jean-Michel Carré
Beaucoup, passionnément, à la folie, documentaire de Jean-Michel Carré
Entretien avec Claude Sigala, directeur du Coral
"Lutte sans merci" – 1962 ; Un film
de Philip Leacock avec Alan Ladd, Rod Steiger et Dolores Dorn, DVD, Sidonis,
2021.
« Agressé et blessé par cinq jeunes, l’ingénieur Walt Sherill exige
justice. L’enquête de la police étant trop lente à son goût, il prend
lui-même les choses en main, de plus en plus aveuglé par une soif de
vengeance qui lui fait perdre son emploi et met ses proches en danger… »
En découvrant la date de sortie du film de Philip Leacock, 1962, le
spectateur réalisera combien ce long-métrage anticipait la longue liste des
réalisations qui auront pour thème la violence aveugle et l’autodéfense en
résultant. En effet, bien avant « Un Justicier dans la ville » avec le
légendaire Charles Bronson arpentant les rues du Bronx dans les années 70
pour se faire justice, Alan Ladd, célèbre comédien de westerns et péplums,
mais également producteur, signe avec Philip Leacock une évocation à la fois
soignée et réaliste de ce qui allait devenir un fléau pour les décennies à
venir. De manière originale, ce n’est point dans des faubourgs interlopes
que l’action se déroule, mais dans les quartiers aisés d’une ville dans
laquelle des adolescents nantis et désœuvrés sombrent dans l’engrenage de la
violence.
Le scénario de Leigh Brackett, célèbre pour ses créations à la base de Rio
Bravo, le Grand Sommeil ou encore L’Empire contre-attaque approfondit cette
tension qui progressivement s’immisce au cœur du héros principal jusqu’au
point d’occuper toute son énergie afin de traquer ses adversaires. Alan Ladd
dont c’est l’avant-dernier film et au terme de sa brillante carrière y
apparait usé et rongé par cette quête perdue. Curieusement, ce rôle lui va à
merveille car l’acteur souffrait manifestement au terme de son riche
parcours d’une érosion de sa popularité. Face à lui, un autre géant du grand
écran, Rod Steiger (Dans la Chaleur de la Nuit, Le Jugement des Flèches, Il
était une fois la Révolution) dans un rôle de policier le plaçant également
étonnamment en retrait. Les plans serrés autour du visage du héros principal
se métamorphosant progressivement et le contraste entre l’insouciance de ces
jeunes gens aisés et leurs actes gratuits d’une rare violence tissent un
dialogue très plausible sur l’évolution de la société américaine qui allait
bientôt envahir le tissu urbain du reste du monde… Un film noir à découvrir
dans cette belle édition Sidonis.
« Le gang Anderson » -1971 ; Un film
de Sidney Lumet d'après l'œuvre originale de Lawrence Sanders avec Sean
Connery, Dyan Cannon, Martin Balsam, Alan King, DVD, Sidonis, 2021.
Après de longues années de prison, Duke Anderson un voleur professionnel
rejoint son ancienne petite amie installée dans un hôtel particulier cossu
de New York. C’est ainsi qu’il a l’idée de reformer une équipe pour
organiser le cambriolage de tous les appartements de la résidence sans
imaginer que l'immeuble est truffé de caméras et de systèmes d'écoute…
Le réalisateur américain Sidney Lumet a longtemps imprimé à ses films un
style à la fois précis et tendu comme pour « Serpico ». « Le gang Anderson »
réalisé en 1971 ne fait pas exception avec la progression rigoureuse d’un
projet de cambriolage. Servi par des acteurs talentueux, notamment un Sean
Connery inspiré et de jeunes valeurs montantes tel Christopher Walken dont
ce fut le premier rôle important à l’écran, « Le gang Anderson » étonne par
certains aspects « futuristes » telle l’omniprésence de l’observation et
espionnage. Chaque protagoniste est d’une manière ou d’une autre espionné.
Caméras et enregistreurs préfigurent en effet par leur intrusion dans la vie
quotidienne l’ère moderne de la société panoptique, chère aux philosophes
Jeremy Bentham et Michel Foucault. Par une succession d’observateurs /
observés, le film parvient à troubler le spectateur au point de faire
vaciller la machine parfaitement huilée du projet de cambriolage. Témoin
d’une évolution de la société et de ses mœurs, « Le gang Anderson » réalisé
au début des années 70 souligne combien les anciennes structures de la
société connaissent de profonds changements et ne permettent plus les
habitudes de naguère.
Un film à redécouvrir servi par la musique avant-gardiste de Quincy Jones.
« Des pas dans le brouillard » –
1955 ; Un film de Arthur Lubin avec Stewart Granger, Jean Simmons, Bill
travers et Belinda Lee, Collection Film noir, DVD, Sidonis, 2021.
Assassin de sa femme, Stephen Lowry joue de manière si convaincante les
veufs éplorés que ses proches croient à son deuil. C’est désormais de sa
jeune domestique qu’il lui faut se débarrasser, celle-ci ayant découvert une
preuve contre lui. Elle s’en sert habilement pour obtenir ce qu’elle désire.
À ses risques et périls…
« Des pas dans le brouillard » compte parmi ces films noirs méconnus alors
même que le scénario et l’interprétation réunis offrent de belles séquences
cinématographiques. Ce film à l’ambiance so british avec cet univers
victorien omniprésent dans chaque détail des décors somptueux mis en œuvre
brillamment en studio s’avère être tout d’abord un plaisir pour les yeux. La
photographie et la couleur savamment dispensée par Christopher Challis, le
chef opérateur de "La Vie Privée de Sherlock Holmes", des "Contes d’Hoffman"
et de "La Renarde", servent d’écrin à cette histoire à la fois tragique et
d’une cruauté extrême.
Dans les brumes londoniennes se trame en effet une terrible histoire, celle
de la réussite sociale, plus redoutable encore que le plus passionnel des
crimes. Cette soif ne saurait en effet être étanchée et conduit parfois aux
pires calculs. Tel est le cas de Stephen Lowry ayant épousé une femme par
intérêt et le conduisant de nombreuses années après à y mettre un terme de
la pire manière…
Stewart Granger ("Les Contrebandiers de Moonfleet", "La Dernière Chasse")
interprétant Lowry se retrouve face à Jean Simmons ("Un si doux visage",
"Spartacus"), un choix interprété, ici, avec bonheur par le duo diabolique
sans qu’à aucun moment leur jeu n’apparaisse outrancier. Calculs, facettes
doubles, duplicité, lâcheté, nombreux sont les travers qui viennent rythmer
ce film impeccablement réalisé par Arthur Lubin ("Le Fantôme de l’Opéra",
"Le Voleur de Bagdad"), probablement l’une de ses meilleures réalisations.
« Copie conforme » - 1947 ; Un film
de Jean Dréville avec Louis Jouvet, Suzy Delair, Annette Poivre, Madeleine
Suffel ; Scénario de Jacques Companeez, Dialogues d’Henri Jeanson ; Restauré
par Pathé, édition DVD/Blu-ray, Pathé Films, 2021.
Gabriel Dupon est un modeste représentant en boutons. Manuel Isamora est
un audacieux cambrioleur. Leur point commun ? Ils se ressemblent comme deux
gouttes d'eau. Alors que la police confond les deux personnages, Isamora a
l'idée d'utiliser Dupon comme alibi. Quant à ce dernier, il tombe bientôt
amoureux de la fiancée du voleur, une sublime chanteuse de cabaret nommée
Coraline...
« Copie conforme », le film de Jean Dréville, réalisé en 1947, compte
assurément parmi ces trésors du cinéma français injustement sombré dans
l’oubli après l’essor de la Nouvelle Vague, alors même que celui-ci présente
de multiples qualités. Le scénario tout d’abord de Jacques Companeez : ce
dernier développe le thème si fructueux en art du double, un thème que la
peinture et la littérature enrichiront si fréquemment avant que le 7e art ne
s’en empare, notamment avec le célèbre film de John Ford « Toute la ville en
parle », dont Jacques Companeez s’est s’inspiré directement, et après lui
Kurosawa avec « Kagemusha ».
« Copie conforme », c’est aussi en second lieu le résultat d’un orfèvre du
cinéma en la personne de Jean Dréville qui, s’il a pu laisser des
réalisations inégales, offre avec ce film un travail soigné et un luxe de
détails et de plans de toute beauté. Le réalisateur a en effet débuté avec
le muet pour s’effacer devant les avant-gardes au milieu des années 60, une
« âme scrupuleuse, limpide, ordonnée, bien française », ainsi que le
qualifiait Marcel L’Herbier.
Cette fantaisie policière délicieusement surannée est aussi et surtout
l’occasion de développer tous les talents d’acteur de Jean Jouvet, excellant
dans le rôle de double au point de confondre le spectateur. L’identité
multiple s’impose avec un tel naturel que l’acteur, grande figure du
théâtre, occupe tout l’espace au point d’éclipser la belle et célèbre Susy
Delair, pourtant bien présente à l’écran.
Malgré toutes les difficultés techniques à une époque où le numérique
n’était pas encore dans les laboratoires, avec des systèmes de caches
accompagnés de bandes sonores multiples qu’il faut cependant souligner et
saluer de nos jours, « Copie conforme » offre un réel divertissement
spontané, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites !
"Les premiers hommes dans la lune" (
The First Men in the Moon), 1964 ; Un film de Nathan Juran, Effets spéciaux
de Ray Harryhausen, avec Edward Judd, Martha Hyer, Lionel Jeffries, DVD,
Sidonis, 2021.
Un équipage américano-soviétique se pose sur la Lune.
Alors que ses membres pensent être les premiers humains à fouler du pied le
sol de la planète, ils y découvrent un drapeau britannique et un document
qui prétend que, soixante-cinq ans plus tôt, des sujets de sa Gracieuse
Majesté les ont précédés. Désormais très âgé, l'un d'eux raconte son
exploit…
1964, plus d’un demi-siècle, c’était l’époque où l’homme n’avait pas encore
échappé à l’attraction terrestre et rêvait de fouler le sol lunaire… C’était
également l’époque bénie où la digitalisation n’avait pas encore envahi le
monde de la science-fiction et que le talentueux Ray Harryhausen rivalisait
d’ingéniosité pour créer des univers fantasmagoriques dont lui seul avait le
secret, un secret qu’il partageait avec son ami de toujours, l’écrivain Ray
Bradbury.
C’est cet univers, délicieusement suranné, et un brin kitsch avouons-le, qui
se trouve concentré dans ce film de Nathan Juran d’après l’œuvre de H.G.
Wells qui, en 1901, avait annoncé que l’homme foulerait le sol de la lune et
y découvrirait une autre civilisation. Il faudra attendre 1969 pour que ce
rêve se matérialise, tout au moins pour son premier aspect. Alors que le
robot Perseverance vient de se poser sur Mars, aucune trace encore de
civilisation ne vient étayer les rêves les plus fous du romancier. Mais ce
film est l’occasion de rêver, encore et encore, à une rencontre de
l’ailleurs, moyen d’échapper à la question existentielle de notre présence
sur terre.
Il n’en fallait pas plus – et c’est déjà beaucoup – pour le réalisateur
Nathan Juran aidé par le grand maître des effets spéciaux Ray Harryhausen
pour offrir un film plaisant et divertissant à redécouvrir dans cette belle
édition collector.
« Les hordes » - Un film de
Jean-Claude Missiaen, avec Corinne Touzet, François Dunoyer, Souad Amidou,
Simon Eine, Jean-Pierre Kalfon, Feodor Atkine - Coffret prestige ultra
collector : combo 2 DVD / 2 BluRay - Couleurs - VF - 1990 - 5h46, Doriane
Films, 2021.
Nous sommes déjà demain… Quel espoir ? Quel ultime
changement après le chaos ? Et si les pauvres et les laissés-pour-compte de
notre société se fédéraient en hordes barbares ?
Ce qui ne pouvait apparaître qu’une fiction de plus avec le soulèvement de
hordes barbares contre l’ordre établi laisse une curieuse impression trente
années, après et la crise des gilets jaunes suivie de la pandémie et de la
crise économique et sociale… Avec ce thriller d’anticipation des villes du
futur réalisé en 1991, Jean-Claude Missiaen signe une série d’une durée
totale de plus de cinq heures qui, si elle accuse certes le poids des
années, pose de vraies questions auxquelles sont confrontés les dirigeants
de toutes les démocraties de nos jours. Série atypique pour un réalisateur
qui ne l’est pas moins, « Les hordes » ne cherchent pas à établir un
quelconque scénario probable, ni à faire œuvre de prévisions, mais à saisir
l’esprit de nos sociétés modernes et leur évolution possible.
Les rapports suscités par le pouvoir dans le cadre de l’urbanisation
exacerbée, les multiples liens entre dirigeants et administrés, la voix des
nantis et le silence des opprimés, toutes ces questions trouvent des échos
originaux dans cette réalisation rythmée au son de la musique du groupe
Trust.
Si les moyens sont limités tant pour les décors que les costumes et tourné
en 16 mm avec une seule caméra à l’inverse de productions contemporaines
telles Blade Runner ou Total Recall, Jean-Claude Missiaen parvient néanmoins
à établir une atmosphère aux accents étonnamment actuels sur l’évolution
possible et probable de nos sociétés à l’heure de l’IA et du biopouvoir sur
fond de crises.
Un film à redécouvrir avec des acteurs alors au début de leur carrière, dont
Corinne Touzet et François Dunoyer, pour cette fiction politique aux accents
quelque peu prophétiques…
12 heures d'horloge – 1958 - de Géza
Von Radványi avec Lino Ventura, Eva Bartok, Hannes Messemer, Laurent
Terzieff, Gert Fröbe, Suzy Prim ; DVD, LCJ Éditions Les Films du
Collectionneur, 2012.
Albert, Serge et Kopetski s'évadent d'une prison du Midi de la France et
rejoignent un port de la côte pour gagner l'étranger. Il leur reste douze
heures pour préparer le départ. Kopeski n'a qu'une idée en tête: retrouver
Barbara, celle qu'il aime, mais blessé, il charge Serge de la ramener…
Les films de Géza von Radványi ne sont plus guère connus de nos jours, aussi
les éditions L.C.J. ont-elles eu l’heureuse initiative de contribuer à faire
connaître son travail avec ce DVD « 12 heures d’horloge ». Un film sorti sur
les écrans en 1958 qui sans être une réalisation majeure, offre cependant
une alliance intéressante de comédie et de drame sur fond d’histoire de
truands en cavale.
Le réalisateur cherchait alors à produire un cinéma populaire concurrençant
les grosses productions d’Hollywood. Réunissant de jeunes acteurs au tout
début de leur carrière dont le débonnaire Lino Ventura et Laurent Terzieff,
cantonné, ici, en un rôle mineur. La surprise vient de la photographie très
aboutie, ce qui ne sera pas une surprise puisqu’elle est le fait du
talentueux Henri Alekan ayant travaillé pour les plus grands.
La musique de Léo Ferré, le jeu intéressant de l’acteur allemand Hannes
Messemer font de ce thriller un film divertissant et intéressant à (re)découvrir
dans cette édition DVD.
« Mora » ; Un film de Léon
Desclozeaux avec Philippe Léotard, Ariel Besse, Patrick Bouchitey, Stefania
Casini, avec la participation de Bob Rafelson ; 90 mn, DVD, Doriane Films,
2020.
Assis à la terrasse d'un café quelque part en Amérique du Sud, Mora,
reporter-photographe de mode, est témoin d'un meurtre, dont il prend un
cliché, par réflexe. Il erre toute la nuit à la recherche d'un ami, qui le
met en contact avec une militante d'opposition…
La caméra de Léon Desclozeaux explore avec une distance certaine les
errements de Mora, photographe-reporter perdu dans un pays d’Amérique du Sud
dirigé par une junte militaire. Ce personnage interprété avec ce touchant
dilettantisme qui caractérisait le jeu d’acteur de Philippe Léotard souligne
en effet les limites de l’enquête et de notre rapport à l’information. Que
saisit-on de ce que l’on observe ? A quelle fin ? Mora semble ne plus le
savoir, appuyant sur le déclencheur de son appareil presque par réflexe, une
tendance qui s’est généralisée depuis la date de ce film sorti sur les
écrans il y a quarante ans.
Bernard Desclozeaux, dit Léon Desclozeaux a fait ses classes avec une
génération connue d’acteurs notamment Niels Arestrup ou encore Josiane
Balasko…, mais aussi auprès de réalisateurs prestigieux comme Frédéric
Rossif et Orson Welles. Ici, sa caméra, libre de toute contrainte, suit les
protagonistes en un halo évanescent qui accentue l’étrangeté de ce
long-métrage. Parfois esthétisant, d’autres fois hyper-réaliste, Mora laisse
l’impression d’un monde perdu, dont les frontières se confondent entre
méchants et gentils, rectitude et tromperie, convictions et opportunisme.
Ces valeurs déclinantes, accentuées par de nombreux clichés souhaités par le
réalisateur, ajoutent au trouble ressenti par le spectateur face à une
intrigue souvent équivoque. Michael Lonsdale qui a participé au scénario de
ce film semble laisser sa marque sur certains plans qui ne sont pas sans
évoquer quelques scènes des films de Marguerite Duras notamment ces
mannequins défilant au début du film.
Si la violence est omniprésente bien que la plupart du temps suggérée, Mora
offre un film étrange et surprenant, non dénué de qualités.
« Hercule contre les vampires »
(1961) ; Un film de Mario Bava avec Reg Park, Christopher Lee
Leonora Ruffo, Giorgio Ardisson et Marisa Belli ; MEDIABOOK DVD/ BluRay/
Livret, ARTUS Films, 2020.
Afin de s’emparer du trône d’Œchalie, Lyco envoûte la belle Déjanire pour
ensuite la sacrifier aux forces des ténèbres. Voulant sauver sa fiancée,
Hercule consulte l’oracle Sybille, qui l’invite à aller chercher une pierre
magique au royaume d’Hadès. Mais pour s’y rendre, il devra d’abord ramener
une pomme des jardins des Hespérides. Avec l’aide de Thésée et de Télémaque,
le héros part à l’aventure…
C’est une édition unique et remarquable que livre Artus Films avec ce
classique du péplum « Hercule contre les vampires » de Mario Bava. Le film,
sorti en 1961, marqua les esprits par la modernité de ses effets spéciaux et
le « réalisme » de ces décors fantastiques, et ce, à un tel point que les
acteurs eux-mêmes arrivèrent à se persuader de leur vraisemblance lors du
tournage…
« Hercule contre les vampires » se trouve à la croisée des chemins, entre
péplum et film d’horreur, comédie et évocation mythologique. Si la fidélité
à la mythologie peut souvent s’avérer fantaisiste, le bonheur procuré par
l’interprétation joviale du rôle d’Hercule par le colossal Reg Park (lire
notre interview) joue pour beaucoup dans la réussite du film. Moins
sérieux que son homologue culturiste Steve Reeves, ayant pourtant incarné
avec brio un grand nombre de péplums, Reg Park parvient à évoquer toute
l’ambiguïté de ce demi-dieu, plus proche des mortels que de l’Olympe pour
cette version cinématographique. Face à lui, le truculent Giorgio Ardisson
(qui interprétera plusieurs versions de Zorro au grand écran) bondissant et
plein de vie face au morbide Christopher Lee, décidément toujours abonné au
rôle de vampire…
Avec une édition exclusive et limitée DVD/BluRay et un livret de 80 pages
sur cette brillante fresque, l’amateur de péplum sera aux anges… ou tout au
moins dans l’Olympe des films vintage !
"De Gaulle" ; Un film de
Gabriel Le Bomin avec Lambert Wilson, Isabelle Carré et Olivier Gourmet ;
Scénario de Gabriel Le Bomin et Valérie Ranson Enguiale, DVD, M6 Video,
2020.
1940. De Gaulle s’oppose à Pétain car il souhaite poursuivre l’offensive
militaire. À Colombey, Yvonne, sa femme, est contrainte de partir. La
famille connaît les routes de l’exode jusqu’en Bretagne. Alors que
l’armistice se profile, de Gaulle choisit de partir à Londres où Churchill,
qui devient un allié, lui permet de parler à la BBC le 18 juin. Yvonne et
Charles finissent par se retrouver, après un long périple, dans la capitale
londonienne.
La figure historique du général de Gaulle est bien connue et s’impose à la
mémoire collective depuis la disparition, il y a cinquante ans, de celui qui
contribua à sauver la France des périls qui s’abattaient sur elle. Celle,
plus intime, de sa vie privée était cependant jusqu’alors rarement abordée,
l’homme n’offrant guère de prise aux épanchements publics. Aussi est-ce une
initiative louable et aboutie de la part de Gabriel Le Bomin et Valérie
Ranson Enguiale de revisiter le mythe de Gaulle, non point pour faire tomber
la statue du Commandeur, mais plutôt afin d’esquisser un pas de côté et
suggérer l’autre facette, plus secrète et subtilement évoquée, dans ce
long-métrage. La vie personnelle de celui qui n’est encore que le colonel de
Gaulle n’est en effet guère aisée à appréhender et à rendre en dehors des
nombreux témoignages et correspondances de celles et ceux qui vécurent à ses
côtés. C’est à partir de ces bribes que les scénaristes ont souhaité
s’immiscer dans la vie intime de l’homme et du Général devenu « illégitime
», celui de juin 1940, celui qui n’est plus avalisé par le gouvernement
français et n’a pas encore remporté la définitive victoire avec les alliés.
L’homme apparaît à la fois solide et fragile, colosse aux pieds d’argile,
cette fragilité s’exprimant notamment pour son amour si sensible porté à sa
fille Anne trisomique. De même, qu’il refusa de baisser les bras face à
cette enfant dépendant pour le restant de sa vie, de même il écarta
énergiquement la défaite, au risque de son propre avenir. Ces tensions
extrêmes sont parfaitement rendues par cette belle réalisation avec un
scénario démontrant combien l’Histoire en train de s’accomplir n’allait pas
de soi et comportait de nombreux échecs possibles. Le jeu d’acteur
remarquable de Lambert Wilson rend lumineuse cette évocation, avec cette
dimension ambivalente parfaitement rendue entre l’homme de conviction et
l’homme privé. Face à lui, Isabelle Carré offre une interprétation sensible
et lumineuse de l’épouse du général, une femme également convaincue des
combats à livrer, tant pour la France que pour leur propre famille.
« Les Monstres » (I Mostri), 1963,
un film de Dino Risi avec Ugo Tognazzi, Marino Mase, Vittorio Gassman, Rika
Dialina, Michèle Mercier, Ricky Tognazzi, Franco Castellani, coffret DVD +
livret 36 pages + bonus, LCJ Editions, 2020.
I Mostri de Dino Risi est en fait constitué de vingt sketches s’enchaînant à
un rythme effréné et en autant de satires de la société italienne des années
soixante. Comédie grinçante, souvent humoristique, « Les Monstres »
s’attache à forcer le trait sur les dérives vécues par l’Italie en ces temps
de reconstruction d’après-guerre. Avec une toute autre approche, mais
conduisant aux mêmes conclusions que celles du cinéaste Pier Paolo Pasolini,
Dino Risi souligne combien l’Italie est en train de perdre ses valeurs sous
prétexte de modernité et de progrès.
Le duo Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi joue à merveille ce jeu de
déconstruction avec une verve et un sens rare de la comédie à l’italienne.
La férocité avec laquelle les protagonistes dénoncent les turpitudes du
quotidien, qu’elles relèvent de la religion, la politique, du peuple ou au
sein de la famille et du couple, ajoute au charme de cette série de sketches
devenue une anthologie du cinéma demeurant d’une criante actualité…
Derrière les traits forcés et les gros rires se masque, en effet, un
angoissant questionnement quant aux valeurs structurant cette Italie des
années 60, valeurs se fissurant pour Dino Risi à un rythme aussi effréné que
celui de cette modernité aussi vécue que subie.
Cette version restaurée en 4K est de toute beauté avec ces contrastes de la
vie quotidienne plus encore soulignés, ce jeu des acteurs ébouriffants de
transformations et métamorphoses, cette vitalité encore perceptible et qui a
depuis subi tant d’avanies…
Ce coffret « Les Monstres » mérite rien que pour cela d’être redécouvert
dans cette belle édition qui assurément fera date.
« Le Relais de l'or maudit »
-Hangman's knot, 1952 ; Un film de Roy Huggins avec Randolph Scott, Donna
Reed, Lee Marvin et Claude Jarman JR ; Format 1:33, 16/9 ; Audio VOSTFR ; VF
restaurée ; Bonus, présentations de Patrick Brion et de Bertrand Tavernier,
Couleur, DVD, Sidonis Calysta, 2020.
Commandés par le major Matt Stewart, des soldats sudistes attaquent un
convoi nordiste transportant de l'or. Une de leurs victimes leur apprend que
la guerre est terminée depuis un mois, et qu’ils sont désormais considérés
comme des bandits…
Ce western réalisé par Roy Huggins met en scène à partir d’un scénario
extrêmement bien conçu une intrigue centrée sur une succession de mouvements
et de huis clos. Tour à tour prédateurs traquant leur proie dans un
guet-apens, les soldats sudistes deviendront après une mémorable chevauchée
dans une diligence eux-mêmes confinés dans un relais de poste sous la menace
de mineurs tentés par l’appât de l’or.
Cette action est menée avec maestria par le réalisateur Roy Huggins dont ce
sera curieusement le seul film connu, ce dernier poursuivra sa carrière en
tant que scénariste talentueux et producteur de télévision (les séries
légendaires Maverick, Le Virginien et Cheyenne).
La réussite de ce film tient également à la présence rayonnante de Randolph
Scott, un acteur légendaire dont le seul nom deviendra, à l’instar de John
Wayne, synonyme de western. Face à lui des acteurs également prometteurs lui
donnent la réplique, tel le jeune Lee Marvin, appelé lui aussi à un bel
avenir, sans oublier l’actrice Donna Reed, inoubliable dans « La Vie est
belle »…
Les somptueux décors de Charles Lawton Jr, ainsi que les nombreuses cascades
dirigées de main de maître par Yakima Canutt (Ben-Hur, Spartacus), font
assurément de ce film « Le relais de l’or maudit » un western à redécouvrir
dans cette belle édition Sidonis !
« Les bravados » ; Un film d'Henry
King – 1958 avec Gregory Peck, Joan Collins, Stephen Boyd et Lee Van Cleef ,
Sidonis Editions, 2020.
Jim Douglass arrive dans la petite ville de Rio Arriba ; il souhaite
assister à la pendaison qui doit se dérouler en ces lieux où la potence est
en train d'être construite, celle-ci est destinée à quatre malfrats qui
parviennent à s’échapper. Commence alors une traque sans merci…
Le film d’Henry King « Les bravados » sorti en 1958 offre l’exemple d’un
western sortant des idées reçues et des scénarios convenus. Alors que les
faits condamnent d’avance quatre malfrats arrêtés pour le cambriolage d’une
banque, surgit un personnage solitaire, Jim Douglass, dont la détermination
à leur égard intrigue tous les habitants de la petite ville Rio-Arriba.
Avec des plans soignés et une réalisation impeccable, Henry King laisse
imaginer plusieurs issues possibles jusqu’à ce que l’improbable survienne, à
la fin de ce film atypique. Construit patiemment sur le thème de la justice
et de la vengeance, « Les bravados » tisse alors une réflexion bien menée
sur les sentiments en fin de compte entremêlés et déployés, ici, sans
caricatures à partir du personnage central interprété avec maestria par
Gregory Peck.
Si tous les ingrédients d’un western classique sont, certes, réunis
(violence, chasse à l’homme, shérif, pendaison…), c’est surtout dans des
nuances inattendues que réside la réussite indéniable de ce film original
signé par un réalisateur qui compte bien d’autres grands films à son actif,
tels « La Cible Humaine » ou encore de « Le Brigand Bien-Aimé ».
Le casting réunissant Joan Collins (La terre des pharaons), Stephen Boyd
(Ben Hur, Le voyage fantastique) ou Lee Van Cleef (Le train sifflera trois
fois, Barquero), ainsi que des paysages époustouflants ajoutent au charme et
à l’intérêt de redécouvrir « Les bravados » dans cette belle édition Sidonis.
"La poursuite impitoyable" - The
Chase – 1966. Un film de Arthur PENN avec Marlon Brando, Robert Redford,
Jane Fonda, E.G. Marshall, Angie Dickinson, Janice Rule et Robert Duvall ;
Scénario de Lillian Hellman, d’après le roman et la pièce de théâtre de
Horton Foote, DVD, Sidonis, 2020.
Bubber Reeves s’évade de prison avec un complice qui, après avoir volé
une voiture et tué son conducteur, l’abandonne. Bubber est alors accusé du
crime. Dans sa ville natale de Tarl, au Texas, l’annonce de son évasion et
du meurtre déchaîne les haines et les passions, trop longtemps retenues…
« La poursuite impitoyable » est à l’origine une pièce de théâtre de Horton
Foote adaptée pour Broadway et dans laquelle les protagonistes se débattent
pitoyablement dans l’inanité de leur vie passée dans une petite ville du
Texas profond. Parmi les turpitudes du quotidien, un shérif intègre se
débat, lui aussi, comme il le peut pour assurer la sécurité de ses
administrés jusqu’au jour où un de ses habitants jusqu’alors emprisonné ne
s’échappe et revienne vers sa ville natale…
Le réalisateur Arthur Penn a développé à partir de cette intrigue un film
crépusculaire assez déconcertant se déroulant sur une seule journée. Au fur
et à mesure que les heures défilent et que la pénombre gagne, les habitants
de Tarl déchaînent leurs passions destructrices faites d’animosités,
racisme, veuleries… Mais au-delà de ce quotidien consternant, la tension
déjà crescendo, grimpe à son paroxysme à l’arrivée imminente de l’évadé.
Menaçant ces équilibres déjà précaires, le repris de justice va alors
devenir la proie d’une ville entière, et le shérif Calder interprété avec un
calme olympien par Marlon Brando, son protecteur.
« La poursuite impitoyable » dépeint une société américaine d’après-guerre
dont les seuls objectifs sont l’appât du gain pour les plus ambitieux et la
mesquinerie voire la lâcheté pour la plupart des autres. Face à ce sombre
constat, cette réalisation soignée d’Arthur Penn parvient à rendre cette
spirale des passions qui se déchaînent inexorablement sans que la justice
puisse apporter quelques réponses que ce soit. C’est un sentiment amer qui
ressort de ce film dont le casting s’avère impressionnant avec de jeunes
acteurs alors inconnus à l’époque comme Robert Redford et Robert Duvall,
mais aussi de plus chevronnés, tels Marlon Brando, Jane Fonda, Angie
Dickinson, sans oublier d’anciennes gloires du muet avec Henry Hull, Miriam
Hopkins.
Format : 2:35 Cinémascope, Audio : VOSTFR - VF restaurée, Durée : 135 min,
Bonus : Présentation de François Guérif • Trailer original • Livre par
François Guérif
"PANIQUE DANS LA RUE" (Panic in the
streets), 1950 ; Un film d’Elia Kazan avec Barbara Bel Geddes, Dan Riss,
Jack Palance, Paul Douglas, Richard Widmark, Zero Mostel ; DVD, Coll.
Hollywood Classics, Fox, 2020.
Nouvelle-Orléans. Un homme arrivé clandestinement par bateau est
assassiné et dépouillé par trois gangsters. Lors de l'autopsie, on découvre
que celui-ci était contaminé par la peste. Les autorités locales en alerte,
une course contre la montre se met en place pour retrouver les trois
meurtriers, touchés par le virus...
Après « Le Mur invisible », Elia Kazan délaisse quelque peu les studios pour
les décors naturels de la Nouvelle-Orléans avec le tournage de « Panique
dans la rue ». Dès les premières scènes, son goût pour une photographie en
clair-obscur compose un environnement esthétique propice au développement du
thème de ce film utilisant pour la première fois la technique du
plan-séquence. Si l’intrigue semble policière avec la recherche du meurtrier
d’une victime retrouvée dans un port, très rapidement l’enquête révèle que
cette dernière était atteinte de la peste pulmonaire, hautement contagieuse.
Un film de 1950 qui n’est donc pas sans une certaine actualité…
Ici, c’est une véritable course contre la montre qui s’engage alors, non
seulement pour retrouver le meurtrier, mais surtout pour prévenir la
diffusion de l’épidémie. « Panique dans la rue » permet dès lors au
réalisateur de déployer sa perception de la société américaine, les
bas-fonds de la ville contrastant avec la middle-class dont sa caméra
parvient à mettre en évidence les traits marquants.
Le réalisateur d’origine grecque, né en Turquie au début du XXe siècle,
connaît les milieux modestes, son père ayant débuté dans le commerce de
tapis. Ce regard aiguisé et cette acuité de saisir une expression résignée
ou la crainte d’un personnage traqué confèrent à ce film d’indéniables
accents de vérité.
La réussite du film tient également au jeu réussi des acteurs, Richard
Widmark troquant le rôle d’un tueur psychopathe de « Le Carrefour de la mort
» pour celui d’un médecin du service sanitaire avec une prestation qui
préfigure ses grands rôles des décennies à venir. Autre réussite,
l’inquiétante présence de Jack Palance dont c’est le premier film et qui
déjà en quelques plans parvient à envahir l’écran de son sourire sardonique…
Certains ont vu dans ce film une métaphore de la traque du communisme aux
États-Unis et de la chasse aux sorcières, notamment des artistes suspectés
d’affinités avec ce courant politique. Si Elia Kazan avait adhéré dans ses
jeunes années au parti communisme, il s’en était cependant, rapidement
séparé et l’esprit qui anime « Panique dans la rue » tient plus d’une fine
analyse de la société de son époque que d’un quelconque manifeste politique.
« Une balle au cœur », 1966, un film
de Jean-Daniel Pollet avec Sami Frey, Françoise Hardy, Jenny Karezy, Spyros
Fokas, Vasilis Diamantopoulos, Lucien Bodard ; Version restaurée, 14 x 19
cm, Livre + DVD, Les Editions de l’œil, 2020.
Francesco de Montelepre a été dépouillé de son château de Sicile par un
gangster, Rizzardo. Cherchant à se venger, il part en Grèce retrouver un
homme susceptible de lui fournir des preuves de ses crimes. Poursuivi par
les tueurs du gangster, sa vie est menacée et son entourage fait l’objet
d’une suite de meurtres…
Le réalisateur Jean-Daniel Pollet, au milieu des années 60 et de la Nouvelle
Vague, signe avec « Une balle au cœur » une réalisation atypique sur la
fuite d’un homme poursuivi par ses démons intérieurs. Alors que ce jeune
aristocrate sicilien semble avoir dilapidé l’héritage de ses ancêtres, c’est
par un sursaut d’identité qu’il décide de dire non et de s’opposer à la
mafia s’étant emparée du seul bien qui lui restait, son palais familial.
Commence alors une longue fuite métaphorique vers la Grèce - retour aux
origines mythologiques et historiques tant vénérées par Pollet – où le héros
dans sa dérive et soif de vengeance rencontrera deux femmes symboliques.
L’une, interprétée brillamment par Jenny Karezy, chanteuse de rébétiko dans
un cabaret louche d’Athènes, qui incarne la vitalité spontanée et généreuse
de la Grèce alors que l’autre, Françoise Hardy, affiche une beauté
sculpturale indéchiffrable et inaccessible, à l’image de la statuaire
antique grecque.
Samy Frey oscille entre ces repères, pris entre peur et animalité d’une
proie traquée, et offre un jeu d’acteur convaincant même si le film souffre
parfois de quelques imprécisions dans sa deuxième partie malgré la beauté
des paysages de l’île de Skyros. « Une balle au cœur » c’est aussi une
admirable musique du légendaire Mikis Theodorakis, qui vient souligner la
beauté de la photographie des paysages de Grèce et renforcer les affres des
protagonistes au rythme du rébétiko.
Les Éditions de l’Œil ont fort heureusement rendu accessible ce film méconnu
grâce à une belle édition sous forme de livret-DVD riche d’analyses de
Costas Ferris et d’un dossier de presse, sans omettre les magnifiques
photographies prises lors du tournage. Un bonus, comportant un court-métrage
« La Femme aux cent visages » de Jean-Daniel Pollet (1966, 10 min.), ainsi
qu’un entretien avec Pierre-André Boutang, complète cet hommage à un
réalisateur amoureux de la Grèce au point de mettre en œuvre un autre film
lors de la Dictature des Colonels afin de rapatrier en France deux de ses
amis Mikis Theodorakis et Costas Ferris…
« Le maître du gang (THE UNDERCOVER
MAN) », 1949 ; Un film de Joseph H.LEWIS avec Glenn FORD, Nina FOCH ; 85
min, Noir et blanc, Ratio 16/9 - 1:33, Image et son restaurés, VO - VF
restaurées mono, Sous-titres français, Chapitrage ; Bonus - Présentations de
François Guérif, Patrick Brion et Bertrand Tavernier ; Trailer, DVD, Sidonis,
2020.
Agents du Trésor américain, Frank Warren et George Pappas se lancent dans
une mission sous couverture afin de confondre un parrain de la mafia de
Chicago. Frank n’hésite pas à mettre en péril son mariage, et même sa vie,
dans l’espoir de faire tomber pour fraude fiscale celui qui, jusqu’alors, a
toujours échappé à toute poursuite, malgré ses nombreux crimes...
Le film noir américain ne repose pas toujours sur des faits réels, leur
préférant souvent l’évocation de peurs et obsessions de la société. Avec «
Le maître du gang », c’est bien la noirceur de la véritable pègre régnant
notamment sur Chicago dans les années 50 qui est ainsi évoquée à partir du
personnage d’Al Capone, non expressément nommé, mais que le spectateur
reconnaîtra facilement. Mais la véritable réussite de ce film de Joseph H.
Lewis, réalisateur talentueux, dont le fameux « Démon des armes », repose
incontestablement sur le traitement particulier de cette enquête laissant de
côté héros et faits d’armes pour favoriser l’analyse de l’investigation dans
ses moindres détails, y compris comptables… Il faut avouer que
l’interprétation du personnage central en la personne du comédien Glenn Ford
(Gilda, Le Déserteur de Fort Alamo, 3h10 Pour Yuma…) confère un brio certain
à cette réalisation soignée. L’acteur parvient en effet à rendre toutes les
nuances exigées par un rôle délicat où pistolet et coups de poing ont été
troqués pour une vérification comptable comme le fit le véritable enquêteur
Frank J. Wilson pour faire tomber Al Capone, et dont le récit
autobiographique a servi de base à ce film. Joseph H. Lewis, l’un des
meilleurs réalisateurs de films de série B, parvient avec le « Le maître du
gang » à tenir en haleine le spectateur jusqu’au terme du film ; Une
réalisation qui dévoile aussi bien les failles du système que celles de ses
héros.
"Le cercle noir" ; Un film de
Michael Winner - 1973 - THE STONE KILLER, avec Charles Bronson, Martin
Balsam, Jack Colvin, Paul Koslo, Stuart Margolin…, DVD, Sidonis Calysta,
2020.
Muté pour avoir abattu le délinquant qu’il poursuivait, Lou Torrey prend
ses fonctions à Los Angeles précédé d’une solide réputation de flic à la
gâchette facile. Flanqué d’un nouvel équipier, il se lance immédiatement sur
les traces d’un trafiquant de drogue avant que les circonstances l’amènent à
s’occuper du cas d’un parrain de la Mafia prêt à tout pour élargir sa zone
d’influence et se débarrasser de ses concurrents.
« Le cercle noir » compte parmi ces films américains du début des années 70
mettant en avant le rôle de l’individu face à une société de plus en plus
corrompue et à un pouvoir politique souvent complice ou tout au moins
inefficace à apporter les bonnes réponses. Sorti un an avant le fameux film
« Un justicier dans la ville », le réalisateur américain Michael Winner
anticipe sur les malaises contemporains d’une société post 68 et des années
de guerre au Vietnam.
Charles Bronson est bien entendu le pivot central sur lequel repose ce film
aux accents parfois baroques dans des scènes faisant intervenir une
communauté hippy ou encore des arrestations plus que rocambolesques. En
dehors de ces quelques excès, « Un cercle noir » offre un film solide et
construit à partir du scénario bien ficelé de Gerald Wilson qui travailla
essentiellement pour Winner. La musique ajoute au plaisir de ce film rythmé
par le jazz particulièrement mis en avant. Ce film atypique offre par
ailleurs quelques nuances quant au traditionnel racisme de la police
américaine à l’encontre de la communauté noire américaine ; si celui – ci
est bien présent dans de nombreuses répliques, il est ici tempéré par une
attitude plus ouverte de l’inspecteur ne versant pas dans ces excès. À
l’inverse, ses méthodes d’investigation et d’enquête anticipent sur les
héros à venir faisant fi des règles et des lois en usant plus que de mesure
de la contrainte physique ;
Charles Bronson excelle dans ce film célébrant le culte du héros solitaire
et taciturne dans la lignée de l’Inspecteur Harry sorti en 1971 avec un
certain Clint Eastwood…
Un film à redécouvrir pour son rythme et ses scènes bien ficelées, un genre
appelé à cette époque à un riche avenir pour plus d’une décennie.
DURÉE : 95 MN • COULEUR • FORMAT : 1:85 • 16/9 VERSIONS : FRANÇAIS ET VOST •
MONO • CHAPITRAGE Présentation Bertrand TAVERNIER et Patrick BRION,
Documentaire : sur le traces de MICHAEL winner
"Son Dernier rôle" un film de Jean
Gourguet, avec Gaby Morlay, Marcel Dalio, DVD, Éditeur : DORIANE FILMS,
2020.
Hermine Wood, une grande vedette de la scène, mène une vie trépidante
avec son amant Raoul, brillant auteur, mais passionné et jaloux. Sujette à
des malaises, elle rencontre un médecin spécialiste du cœur, qui renonce à
lui révéler sa grave maladie cardiaque…
Sorti en 1946, le film « Son dernier rôle » laisse dès les premiers plans
une délicieuse impression de voyage suranné dans le temps avec cette
photographie et ces cadrages soignés du réalisateur Jean Gourguet ; Ce «
modeste artisan du cinéma », comme il aimait à se nommer lui-même, et qui
n’avait pas encore entamé son évolution en tournage extérieur. Réalisé, en
effet, dans les studios de Boulogne Billancourt, « Son dernier rôle », entre
cinéma et théâtre, offre le charme d’un scénario énergique ; Accompagné de
répliques choisies et plaisamment humoristiques, ces dernières instillent là
aussi un charme certain à ce film dont le jeu d’acteur élégant de Gaby
Morlay et Marcel Dalio conjugue aisance et une certaine légèreté dans la
première partie du film. À cette époque d’après-guerre, ces deux grands et
célèbres acteurs sont déjà depuis longtemps en haut de l’affiche, et si
Marcel Dalio a émigré aux États-Unis, Gaby Morlay aura, quant à elle, encore
devant elle une longue carrière. Le choix des seconds rôles a su également
des acteurs appréciables livrant ainsi un film équilibré agréablement mené.
Puis le ton se fait plus grave avec le changement de cadre, et de vie de
l’héroïne, une impression renforcée par le maquillage adoptée pour vieillir
la comédienne. C’est alors une leçon de vie d’inspiration stoïcienne qui
succède à la frivolité initiale, « Vis maintenant ! » enjoint Sénèque à ses
lecteurs, ce film pourrait bien s’adresser quelque peu aujourd’hui à
nous-mêmes de la même manière…
"Breakthrough" un film de : Roxann Dawson
avec Chrissy Metz, Marcel Ruiz, DVD, Sage Distribution, 2020.
Quand John, le fils adoptif de Joyce Smith (Chrissy Metz),
se noie dans le lac glacé de Saint-Louis en Missouri, tout semble perdu.
Lorsque le corps médical considère que la vie a fait son chemin et que
l’irrémédiable est accompli, la fatalité s’impose pour la famille et les
proches, laissant habituellement place au deuil et au recueillement… Mais
lorsque la maman de John décide, grâce à sa foi inébranlable, que la prière
pourra sauver son fils, ce sont des montagnes qu’elle s’apprête à déplacer,
à la surprise d’un grand nombre, y compris son mari. C’est cette force
interne – non dénuée parfois de doutes qui surgissent lors des pronostics
médicaux et surtout dans les regards des autres – qui est développée avec
nuances par la réalisatrice Roxann Dawson dans ce film à la fois puissant et
sensible à partir d’une histoire vraie. L’histoire débute par le quotidien
d’une famille américaine, John est l’enfant adoptif d’un couple d’Américains
anonymes, Joyce, la maman, étant très impliquée dans sa communauté
religieuse. Puis survient le drame, l’effroyable accident qui met tout en
péril jusqu’à atteindre jusqu’aux derniers retranchements, ceux de la foi.
Lorsque la science impose un constat rationnel que peut donc bien opposer
une conviction spirituelle, aussi forte soit-elle ? C’est toute cette
thématique qui est développée avec nuances par ce beau film qui montre de
manière éclatante que l’amour peut rayonner à un point tel qu’il peut faire
basculer nos certitudes, quelles que soient nos convictions religieuses. Il
n’est pas jusqu’au sauveteur non croyant qui ne se trouve ébranlé par ses
doutes. Les miracles peuvent naître de cette foi absolue, ceux qui notamment
permettent aux hommes de quitter leur individualisme pour une cause commune,
telle cette fascinante prière collective spontanée, ainsi que l’émouvante
chanson « I’m standing with you » interprétée par Chrissy Metz, nommée à
l’oscar de la meilleure chanson originale. Un film fort, un film poignant,
surtout lorsqu’on découvre à la fin les vraies photographies avec une réelle
ressemblance…
"Le Jeune Messie" un film de Cyrus
Nowrasteh, avec Sean Bean, Adam Greaves-Neal, Genre: Drame / Bible, Versions
: VF / VOSTFR, DVD, (disponible également en VOD) Saje Distribution, 2020.
Âgé de 7 ans, Jésus quitte l’Egypte avec ses parents où ils vivaient
exilés, pour retourner à Nazareth. Hérode, qui a entendu parler de
l’existence d’un prétendu messie, envoie alors le centurion Severus pour
chasser l’enfant.
Les récits sur l’enfance de Jésus sont très limités dans les Évangiles
synoptiques reconnus par l’Église catholique, ces derniers se concentrant
essentiellement sur la naissance, puis sur les dernières années de sa vie
terrestre. Aussi, est-il nécessaire d’aller puiser dans les écrits
apocryphes pour trouver plus de détails sur l’enfance du Christ, des récits
associant souvent merveilleux et quotidien. Des évocations dès lors bien
moins connues, bien que certaines bribes le soient paradoxalement de nombre
d’entre nous, qui méritaient dès lors un traitement cinématographique fin.
Le film de Cyrus Nowrasteh est parvenu à éviter bien des écueils, en
proposant une histoire à la fois sensible et plausible de ce qu’ont pu être
ces années de jeunesse de Jésus. Le jeune garçon, interprété avec
intelligence par Adam Greaves-Neal, est convaincant en offrant à la fois un
visage sensible et en quête d’ineffable, tout en ayant la candeur de son
jeune âge, comme tous les enfants de cet âge. Quelques miracles sont
sobrement évoqués comme celui du petit oiseau mort auquel le jeune Messie
redonne vie sur la plage, mais priorité est donnée avec « Le Jeune Messie »
à l’ouverture progressive aux mystères de sa vocation au regard de ses
parents et proches composant la Sainte Famille. Et c’est certainement là que
le film s’avère le plus convaincant, en présentant, progressivement, les
interrogations de Marie et de Joseph, devant leur rôle d’éducateurs et de
parents d’un enfant dont ils savent qu’il les dépasse en tout…
À cette trame s’ajoute une intrigue, elle aussi, plausible, mais non avérée,
d’une mission pour un centurion de l’armée romaine (brillamment interprété
par Sean Bean) d’éliminer à tout prix celui qui aurait survécu aux massacres
des Innocents dans la région de Bethléem sept ans plus tôt, sans oublier de
merveilleux décors et une réalisation soignée, un film à découvrir en
famille !
Le messager de la mort Un film de
Jack Lee Thompson - 1988 - MESSENGER OF DEATH avec Charles Bronson, Trish
Van Devere, Laurence Luckinbill, Daniel Benzali, Jeff Corey, John Ireland…,
DVD, Sidonis, 2019.
Journaliste spécialisé dans les affaires les plus délicates, Garret Smith
s’intéresse à un carnage perpétré dans une communauté mormone d’Arizona. Les
victimes : les femmes et enfants d’une seule et même grande famille. Si les
premières constatations de la police indiquent que les meurtres ont été
commis sous prétexte de religion, Smith n’y croit guère. Au péril de sa vie,
il découvre peu à peu que la vérité est ailleurs...
Le film débute par quelques beaux plans soignés du réalisateur Jack Lee
Thompson, faisant entrer le spectateur dans l’univers bien particulier des
Mormons. Puis, vient la scène du massacre, apparemment froid et gratuit…
Charles Bronson pour une fois n’est pas le justicier ni le policier de cette
curieuse intrigue, le fameux acteur d’« Il Était une fois dans l’Ouest », «
Le Passager de la pluie » et « Un Justicier dans la ville » endosse pour «
Le messager de la mort » un rôle atypique dans sa carrière, celui d’un
journaliste d’investigation qui va mener une enquête elle-même singulière
dans un monde austère et hostile à ceux qui lui sont extérieurs. Le
réalisateur des fameux « Canons de Navarone » imprime, ici, un rythme
rugueux à cette narration qui mène le spectateur sur une piste qui connaîtra
de nombreux rebondissements. Charles Bronson plus stoïque que jamais reste
crédible dans ce rôle qui ne lui donne pourtant pas le statut de héros
justicier auquel il sera souvent associé à ce stade de sa longue carrière. À
l’écoute, ouvert et sensible à un monde qu’il ne connaît manifestement pas,
l’acteur progresse dans les méandres du monde des Mormons et celui de la
politique locale pour une intrigue qui au final dépasse le cadre fratricide
d’une communauté religieuse rigide qui n’est pas sans parallèle avec le film
Witness avec Harrison Ford.
DURÉE : 91 MN • COULEUR • FORMAT : 1:85 • 16/9 VERSIONS : FRANÇAIS ET VOST •
MONO • CHAPITRAGE, BONUS : PRÉSENTATION DE FRANÇOIS GUÉRIF + DOCUMENTAIRE
SUR CHARLES BRONSON
« Samson » un film de Bruce
Macdonald avec Taylor James, Caitlin Leahy, Jackson Rathbone, Versions : VF
/ VOSTFR, DVD, Saje Productions, 2019.
Samson, un jeune Hébreu doté d'une force surnaturelle doit répondre à
l'appel de Dieu pour sortir son peuple de l'esclavage. Après avoir perdu
l'amour de sa vie par la faute d'un cruel prince philistin. Samson va entrer
en guerre avec l'armée philistine. Il est prêt à tout sacrifier pour venger
son amour, son peuple mais aussi son Dieu…
Réalisé en Afrique du Sud, avec de splendides paysages mis en valeur par une
photographie soignée, « Samson » plonge le spectateur dans l’univers
biblique dans la lignée du péplum historique revisité par le cinéma moderne.
La comparaison sera, bien sûr, inévitable avec le « Samson et Dalila» de
Cecil B. DeMille sorti en 1949, il y a exactement 70 ans… Victor Mature et
Hedy Lamarr livraient alors une vision très hollywoodienne du texte biblique
avec la présence à l’écran de V. Mature incarnant idéalement cette figure
atypique dans la Bible, et un juge haut en couleur devant sa renommée à son
extraordinaire force. Pour cette réalisation, en revanche, Taylor James ne
développe pas ce même charisme, mais offre cependant un très beau jeu
révélant plus les tourments intérieurs du héros biblique, un homme à la
force fragile. Une force provenant d’un don divin annoncé par l’Ange du
Seigneur à l’épouse de Manoah : « Tu es stérile et tu n’as pas eu d’enfant,
mais tu vas concevoir et tu enfanteras un fils ». Une condition est
cependant fixée à cette naissance : la mère ne devra boire ni vin ni boisson
fermentée et ne rien manger d’impur, car l’enfant est appelé à une haute
destinée, il sera nazir de Dieu, un ascète israélite. Mais, une autre
condition est également imposée par l’Ange : les cheveux de Samson ne
devront jamais connaître le fil du rasoir… Le film de Bruce Macdonald
reprend et traite la plupart des évènements tumultueux de la vie de Samson :
il tombe amoureux d’une femme dans le clan ennemi des Philistins, déchire un
lion à mains nues, tue une multitude de Philistins avec une seule mâchoire
d’âne… Mais l’épisode le plus célèbre de la vie de Samson reste
incontestablement sa rencontre fatale avec la belle Dalila. Le réalisateur
présente, ici, également une Dalila plus fragile et agissant par la peur
quant au subterfuge qu’elle mettra en œuvre pour connaître l’origine de la
force de Samson et le livrer aux Philistins. Trahison et rédemption seront
respectées dans cette grande fresque qui, à aucun moment, n’omet le lien
rattachant Samson à Dieu qu’il invoquera même aux moments les plus
désespérés. Samson à l’issue du film retrouve sa mission initiale, celle
d’être le bras armé de Dieu. Un film qui pourra être regardé en famille,
pour retrouver un épisode singulier de la Bible servi pour cette belle
réalisation par une production à grands moyens.
« Natalia » un film de Bernard Cohn
avec Philippine Leroy-Beaulieu, Pierre Arditi, Dominique Blanc, Ludmila
Mikaël, - Combo Blu-Ray + DVD Toutes Zones - Couleurs - 218 min, Doriane
Films, 2019.
En 1940, Natalia, jeune Parisienne fille d’immigrés juifs polonais, quitte
sa famille et son fiancé pour faire carrière dans le cinéma. Le réalisateur
Paul Langlade la fait tourner avant de devenir son amant. Alors que
l’Occupation la menace, Paul lui obtient des faux papiers - mais cela ne
suffira pas à la protéger...
Le réalisateur Bernard Cohn s’est attaqué avec le long-métrage « Natalia » à
un sujet délicat, celui du rôle joué par le cinéma français sous
l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale. Si l’action débute dans
l’insouciance à la veille du conflit et développe le thème de deux jeunes
femmes souhaitant devenir comédiennes interprétées avec brio par Philippine
Leroy- Beaulieu et Dominique Blanc, rapidement la tension monte avec les
premières législations anti-juives imposées par le régime de Vichy et
l’occupant allemand. Le réalisateur interprété avec finesse par Pierre
Arditi passe alors progressivement d’un amour léger à une véritable passion
pour cette jeune femme dont la sensibilité l’émeut, au point de prendre de
sérieux risques en lui obtenant de faux papiers… Bernard Cohn n’a pas pour
autant souhaité faire de « Natalia » un film sur la Shoah et le destin
tragique des Juifs, mais plutôt sur la place et l’attitude du cinéma
français dans ce contexte culturel particulier. C’est alors plus sur une
analyse de clair-obscur que livre le réalisateur, un regard qui ne montre du
doigt les salauds et les héros, mais qui a plutôt souhaité mettre l’accent
sur les doutes, les peurs et les réactions face à ces passions humaines
dépassant le plus souvent le volontarisme en ces périodes troubles et
difficiles. Il en ressort un film sensible qui se prolonge de manière
étonnante après la fin du Conflit en des errements tragiques de l’héroïne
alors qu’elle semblait sauver… Un film puissant servi par un jeu d’acteurs
remarquables et accompagné d’intéressants bonus documentaires sur le cinéma
français pendant l’occupation et la revue Positif.
BONUS
OMBRES ET LUMIERE, LES ACTEURS SOUS L’OCCUPATION
Un film de Dominique Maillet. 52 minutes.
Entretiens avec Bernard Cohn, Jean-Charles Tacchella, Christine Leteux,
Dominique Casadesus, Olivier Barrot, Alain Decaux, Dominique Delouche et
Jean Delannoy.
POSITIF, UNE REVUE
Un film de Bernard Cohn. 52 minutes.
La revue "Positif" a fêté ses 50 ans en 2002, au Festival de La Rochelle.
Interrogeant ses fondateurs, de Bernard Chardère à Michel Ciment, présentant
les articles qui ont marqué ce demi-siècle de critique cinématographique,
Bernard Cohn, l’une des anciennes plumes de la revue, en retrace
l’évolution. Au temps de la célébration s’ajoute celui du bilan...
« Histoire du caporal » – un film de
Jean Baronnet, avec Philippe Nahoun, Maurice Tuesch, Christian Defleur,
Catherine Reynet, Jacques Herlin, Paul Gobert, Jean-Guillaume Le Dantec,
Sélection Officielle du Festival de Cannes en 1984 Perspectives Cinéma
Français, DVD PAL Toutes Zones - Couleurs - 100 min, Doriane Films , 2019.
En 1914, Antoine Combalat, jeune paysan provençal, est mobilisé. Envoyé
sur le front en Artois avec son bataillon, il subit l’horreur et l’absurdité
des tranchées durant trois longues années jusqu’au jour où, profitant d’une
permission, Antoine se décide à déserter. Trouvant refuge dans les montagnes
de Haute-Provence, entre la Durance et le Verdon, il vit de braconnages,
rapines et cueillettes diverses. Sa rencontre avec un autre déserteur va
donner une nouvelle orientation dramatique à son existence…
C’est un film atypique sur les effets de la guerre que livre Jean Baronnet
avec cette « Histoire d’un caporal », un long-métrage sorti en 1984 et
sélectionné pour le Festival de Cannes 1984. Le réalisateur propose en effet
un parcours hors des sentiers battus, au sens propre, comme au figuré, avec
cet antihéros qui n’apparaît pas pour autant lâche. Antoine Combalat après
avoir été mobilisé comme un grand nombre de ses contemporains pour le
premier conflit mondial fait son devoir, semble même s’en acquitter plutôt
bien, étant promis à la distinction de caporal. Mais les non-sens de cette
guerre à des centaines de kilomètres des siens lui font progressivement
prendre conscience de l’absurdité de ce qu’il vit au quotidien, notamment
lorsqu’un soldat ennemi cherche de loin à fraterniser et se trouve abattu
d’une balle par un gradé sans conscience… C’est avec « la désertion », un
mot choisi en un tout autre sens et en une belle résonnance par Jean
Baronnet, que débutera, en fait, réellement la vie de ce caporal ; Ce
Robinson Crusoé échappé du conflit mondial se rapprochera alors plus encore
de la nature avec laquelle il faisait déjà corps en tant que paysan. C’est
plutôt d’une osmose dont il s’agit avec cet être qui se fond progressivement
dans ce splendide paysage situé entre la Durance et le Verdon et retenu par
Jean Baronnet pour tourner ce film sobre et puissant.
« Avec André Gide » - Un film de
Marc Allégret sur un scénario de Dominique Drouin et Marc Allégret,
narrateur : Jean Desailly, - DVD PAL - Toutes Zones - VF - Sous-titres
anglais, sous-titres pour sourds et malentendants, audodescription - N&B -
88 mn – 1951, Doriane Films, 2019.
C’est un troublant et très beau témoignage que celui livré par Marc Allégret
sur André Gide, un an avant la disparition de l’écrivain, prix Nobel 1947 et
figure incontournable des lettres françaises. André Gide sous la caméra
donne une toute image de celle souvent austère reflétée par les diverses
photographies le représentant. Sous la caméra d’Allégret avec lequel il
donnera aussi naissance au film document « Voyage au Congo » en
1927), le portrait qui se veut volontairement intime dévoile des facettes
inattendues du grand écrivain aux ouvrages incontournables comme Les
Nourritures Terrestres, Les Faux-Monnayeurs, sans oublier son
impressionnant Journal qui l’occupera jusqu’à ses derniers jours.
Gide apparaît espiègle, mutin, cabotin parfois, toujours attentif à ses amis
comme aux membres de sa famille avec ce regard à la fois pénétrant et si
présent. C’est d’ailleurs peut-être ce caractère quelque peu moins connu ou
oublié aujourd’hui que l’on retiendra de ce très beau film révélant une
sensibilité délicate, notamment lorsqu’elle s’exprime sur un Scherzo
de Chopin. L’écrivain transpose dans l’analyse de la partition une émotion
commune à l’art littéraire et dépassant la virtuosité - toujours
incontournable pour des musiciens comme Chopin ou Liszt – afin d'atteindre
les tréfonds de l’œuvre, y relever telle tension, point culminant ou
introspection du compositeur.
Là où certains concluront à une préciosité de goût, à l’image de son
écriture, Gide oppose un éternel questionnement entre les tensions de l’âme
et du corps. Écrivain engagé, Gide transparaît également dans ce film comme
un homme de convictions opposé au colonialisme, un temps fasciné par le
communisme… C’est avec pudeur – inévitable pour l’époque, qu’est
sous-entendue son homosexualité, mais si des zones d’ombre planent bien
entendu dans le film d’Allégret, celles touchant son goût pour des amours
condamnées de nos jours, mais passées sous silence à l’époque. Reste «
Avec André Gide » n’en demeure pas moins un témoignage précieux et
inspirant sur l’écrivain, fourmillant d’anecdotes et de témoignages.
Un film incontournable et de référence, aujourd’hui, plus de 60 ans après la
disparition de ce grand homme de lettres.
Version Restaurée BONUS
Livret illustré de 32 pages avec des textes de Marc Allégret, André Gide,
Jean-Pierre Prévost, Pierre Masson, Garance Fromont et Bernard J. Houssiau
« Dernier Amour » un film de Benoît
Jacquot avec Vincent Lindon et Stacy Martin d’après Les Mémoires de
Casanova, DVD, Diaphana, 2019.
Au XVIIIe siècle, Casanova, connu pour son goût du plaisir et du jeu,
arrive à Londres après avoir dû s’exiler. Dans cette ville dont il ignore
tout, il rencontre à plusieurs reprises une jeune courtisane, la Charpillon,
qui l’attire au point d’en oublier les autres femmes. Casanova est prêt à
tout pour arriver à ses fins, mais La Charpillon se dérobe toujours sous les
prétextes les plus divers. Elle lui lance un défi, elle veut qu’il l’aime
autant qu’il la désire.
C’est un Casanova crépusculaire qui a été retenu pour ce dernier
long-métrage de Benoît Jacquot avec Vincent Lindon et Stacy Martin d’après
Les Mémoires de l’écrivain vénitien du XVIIIe s. Dernier Amour
a en effet fait le choix de présenter une facette moins connue du célèbre
séducteur emblématique du siècle des Lumières et du libertinage de son
époque. Sous la caméra de Benoît Jacquot, Casanova paraît plus sombre sous
sa perruque aux cheveux argentés, l’âge commençant à produire ses effets.
L’homme s’avère plus fragile, surtout, émoussé, et ébranlé lorsqu’un amour
singulier se présente à lui, lui qui avait pourtant brillé de tous ses feux
dans cet art. Vincent Lindon incarne idéalement ce séducteur désemparé par
cette passion soudaine qui lui résiste ; Stacy Martin, pour sa part,
apparaît tour à tour séductrice, fragile, manipulatrice, à la fois attirée
par cette ombre mais repoussant le mythe. Servi par des décors remarquables
et des costumes d’époque sublimes, ce film étonne et surprend. Avec le
recul, on se prête à penser qu’avec cet amour impossible, c’est un siècle
qui s’estompe progressivement pour sombrer dans les tourments de la
Révolution à venir. C’est tout le charme de Dernier Amour, un dernier
élan vers la passion, un espoir « intranquille » qui vacille…
« 125 rue Montmartre » un film de
Gilles Grangier d’après l’oeuvre d’André Gillois (1959) avec Lino Ventura,
Robert Hirsch, Andréa Parisy, Dora Doll, Jean Desailly, Alfred Adam, Lucien
Raimbourg… DVD, Pathé Films, 2019.
Alors qu'il tente de se suicider en se jetant dans la Seine, Didier est
secouru par Pascal, passant par là par pur hasard. Les deux hommes ne
tardent pas à se lier d'amitié mais alors que Didier recommence à retrouver
goût à la vie, Pascal se retrouve impliqué dans une affaire de meurtre !
C'est d'ailleurs "à cause" de Didier que Pascal est soupçonné...
Ce film réalisé par Gilles Grangier devrait bénéficier, avec cette
restauration remarquable réalisée en 2K à partir du négatif original, d’un
regain d’intérêt certain alors même qu’il avait été boudé et tombé dans
l’oubli depuis sa sortie. La fin des années 50 avait en effet donné la
priorité à la Nouvelle Vague et ce polar aux dialogues écrits par Michel
Audiard avait pu présenter injustement, à l’époque, un aspect passéiste peu
propice à l’intérêt du public. Au XXIe siècle, l’effet « vintage » devrait
assurément jouer avec ces dialogues hauts en couleur inimitables disparus
depuis longtemps des rues de Paris, et ces petits métiers avec « les crieurs
» de Paris ayant suivi la même voie de l’oubli… Le duo Lino Ventura, Robert
Hirsch joue évidemment pour beaucoup dans la réussite de ce film. Si Lino
Ventura trouve là son premier véritable rôle sur lequel il eut un droit de
regard dans son contrat, le jeu de Robert Hirsch offre, quant à lui, un
contraste saisissant pour cet acteur venu de la Comédie française. Adapté du
livre d’André Gillois, 125 rue Montmartre évoque le milieu des
crieurs, ces vendeurs de journaux des rues, un métier dont le dernier
représentant a quitté depuis longtemps déjà, en 2005, le Quartier Latin où
il vendait encore un quotidien du soir. La photographie remarquable sert une
ambiance entre comédie et drame, l’étau se resserrant progressivement sur un
Lino Ventura touchant pour sa candide naïveté et générosité. C’est un Paris
des années 50 qui reprend ainsi vie avec ce film à redécouvrir dans cette
belle version restaurée.
Alexandre Le Grand, un film de
Robert Rossen, avec Richard Burton, Frederic March, Claire Bloom, DVD,
Sidonis, 2019.
Né en 356 av. J.-C., sur fond d’intense agitation
politique, Alexandre suivit l’enseignement d’Aristote avant d’être désigné
pour prendre la suite de son père à la tête de son peuple, et de partir à la
conquête du monde.
Le mythe d’Alexandre le Grand n’est plus à rappeler et si la grande
production Alexandre d’Oliver Stone de 2005 a pu occulter les films
antérieurs, il faut néanmoins rendre au film de Robert Rossen (Ceux de
Cordura, L’arnaqueur) la grandeur et la flamboyance de sa réalisation en la
replaçant dans le contexte de sa production en 1956. Certes les batailles et
effets spéciaux ne pouvaient guère concurrencer ceux de cette
superproduction plus récente, il n’empêche que le souffle épique n’en est
pas moins omniprésent grâce au jeu éblouissant de Richard Burton qui crève
l’écran du début jusqu’à la fin du film. Rendant bien la rivalité entre
Alexandre et son père Philippe de Macédoine, incarné avec brio et la
rusticité qui s’imposait par l’acteur Frederic March, le film glisse
rapidement vers la figure centrale de cette épopée historique : le jeune
prince à qui rien ne pourra résister. L’ombre de sa mère également
omniprésente, et interprétée par une Danielle Darrieux radieuse, un brin
illuminée par la conviction du rôle divin de son fils, ne fait qu’ajouter au
charme de ce long-métrage convaincant et que l’on retrouvera avec plaisir
dans cette belle édition présentée par Patrick Brion et Bertrand Tavernier.
2:35 cinémascope • 141 min • COULEURS • Version française et version
originale • Sous-titres français, bonus présentation par Patrick Brion,
François Guérif et Bertrand Tavernier
« Jason et les Argonautes » (1963),
un film de Don Chaffey avec Todd Armstrong, Gary Raymond, DVD, Sidonis,
2019.
Pour reconquérir le royaume dont son demi-frère a usurpé le trône, Jason
se lance dans la quête de la Toison d’Or. À bord de l’Argos dans lequel
embarquent les meilleurs marins et guerriers, il met le cap sur une terre
lointaine et dangereuse d’accès. S’il bénéficie de l’aide de certains dieux
de l’Olympe, d’autres, par contre, dressent devant lui des créatures et
monstres qui défient l’imagination : des squelettes encore très vivants, un
titan de bronze, des harpies, un dragon à sept têtes...
« Jason et les Argonautes » compte parmi les classiques dans la catégorie
des péplums. Qui n’a jamais frémi en voyant l’hydre et ses terribles soldats
ou encore les harpies s’attaquer aux héros à la recherche de la toison d’or
? Ray Harryhausen (Septième voyage de Sinbad, Choc des Titans Un Million
d’années avant Jésus-Christ) signe pour ce long-métrage un véritable exploit
quant aux effets spéciaux, des effets extraordinaires qui étonnent encore de
nos jours en ce XXIe siècle pour leur qualité. Certes, le film peut prendre
quelques libertés avec l’histoire de ce récit, mais cette dernière ayant été
elle-même brodée à partir de bien des mythes anciens antérieurs à l’Iliade,
nous pouvons admettre que nous en sommes quittes ! Car l’esprit des
aventures mythologiques propres à ces évocations est, en revanche,
parfaitement respecté par le réalisateur Don Chaffey avec un jeu d’acteurs
convaincant et naturel, contrairement aux excès de certains autres péplums.
Le fantastique se mêle à la légende, les dieux invitent les humains dans
leur panthéon, sans que l’on sache lesquels sont les plus sages, Hercule
fidèle à lui-même décide de partir de son côté et Médée se rapproche du
héros annonçant déjà un destin plus tragique pour la suite, demeurant non
évoqué dans ce film. Une grande réalisation, et pour les amateurs de
péplums, une aventure à revivre dans cette belle édition !
104 min • Format 16/9 1.66 • Couleur Version VF - VOST Français Mono •
Chapitrage
BONUS : Livre de 152 pages sur Ray Harryhausen + Documentaire de 93 minutes
sur Ray Harryhausen
« BLACK TEA » ; Un film de
Abderrahmane Sissako avec Nina Mélo , Han Chang, DVD, Gaumont, 2024.
Aya, une jeune femme ivoirienne d’une trentaine d’années, dit non le jour
de son mariage, à la stupeur générale. Émigrée en Chine, elle travaille dans
une boutique d'export de thé avec Cai, un Chinois de 45 ans. Aya et Cai
tombent amoureux mais leur histoire survivra-t-elle aux tumultes de leurs
passés et aux préjugés ?
« Black Tea » peut s’enorgueillir d’être non seulement un film d’une rare
beauté par ses plans soignés, son art de la photographie et de la lumière,
mais aussi un film d’ouverture, une diagonale des cultures qui touche au
cœur dès les premiers plans. Échappant fort heureusement aux discours
lénifiants des « citoyens du monde » et autres « habitants d’une même
planète », le réalisateur Abderrahmane SISSAKO déjà salué dans ces colonnes
pour son mémorable long-métrage Timbuktu (2014) ne lisse pas l’altérité,
tant s’en faut. Porté par un jeu d’acteurs délicat et subtil à l’égal de
l’art du thé mis en valeur dans ce film, « Black Tea » développe la force
des sentiments au-delà des frontières culturelles sans pour autant les nier.
Car les préjugés abondent bien entendu dans cette Chine qui sait accueillir
ces étrangers d’origine africaine lorsque leur présence sert les intérêts
économiques du pays mais peut remettre en question leur installation avec la
même rapidité. Mais là n’est pas le propos du réalisateur qui privilégie par
cette allégorie de la rencontre de deux continents l’analyse des liens
tissés et les réseaux inexorablement scellés qui en découlent.
« Black Tea » explore avec finesse ces échanges, ces confrontations parfois,
tout en magnifiant ces silences évocateurs entre les êtres.
« POUR L’AMOUR DU CIEL » ; Un film
de Luigi Zampa avec Jean Gabin, Mariella Lotti, Antonella Lualdi, Julien
Carette, Elli Parvo… Restauré par Pathé ; Scénario de Cesare Zavattini ;
Adaptation de Suso Cecchi D'Amico, Vitaliano Brancati, Diego Fabbri, Giorgio
Moser ; Dialogues d’Henri Jeanson ; Musique de Nino Rota ; Photographie de
Carlo Montuori ; Montage d’Eraldo Da Roma ; Décors de Gastone Medin ; En
combo DVD/Blu-ray, 2024.
Lorsqu’il se fait mortellement renverser par un camion, le riche
industriel romain CarloBacchi se voit refuser l’entrée au paradis. Le juge
céleste lui donne alors douze heures pour racheter ses fautes en faisant le
bonheur de Santini, un de ses ouvriers qui a tenté de se suicider.
Cette coproduction franco-italienne réalisée par Luigi Zampa associe une
vedette française du 7e art en la personne de Jean Gabin et des comédiens
italiens pour un tournage dans la Ville Éternelle. Entre néoréalisme italien
et comédie à la croisée des genres, « Pour l’amour du ciel » bénéficie
aujourd’hui d’une belle restauration disponible en combo DVD/Blu-Ray
réalisée par les éditions Pathé.
Que pourrait faire tout à chacun s’il lui était donné quelques heures à
revivre afin de réparer ses torts ? Tel est le thème retenu pour ce film
servi par un rythme enlevé et des plans rigoureux magnifiant la Rome à la
veille des années 50. À noter la musique du célèbre compositeur italien Nino
Rota !
Si le film peut souffrir parfois de ce mélange des genres et d’une équipe
disparate, il n’en demeure pas moins que la prestation de Jean Gabin ainsi
que la superbe photographie méritent à elles seules de (re)découvrir cette
page restée discrète dans la filmographie au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale.
« Opération Prophète » ; Un film de
Michal Kondrat, DVD, Saje Editions, 2024.
1956. Après trois ans d’emprisonnement aux mains du régime communiste
pendant la guerre froide, le cardinal Stefan Wyszyński, primat de Pologne,
est rétabli à la tête de l’Église catholique à Varsovie. Chef spirituel et
visionnaire, il dialogue sans relâche avec les autorités communistes pour
négocier plus de droits pour l’Église et la nation opprimée. Quel est cet
homme prophétique qui a ouvert la voie à l’ascension spectaculaire du pape
Jean-Paul II et à la chute du communisme en Europe ?
C’est une belle et tragique histoire – véridique – que celle que nous
propose le réalisateur Michal Kondrat sur le combat d’un homme d’Église, le
primat Wyszynski, et de son peuple contre l’athéisme aveugle d’un régime,
celui de la Pologne communiste. Celui qui osa dire non à l’oppression au
péril de sa propre vie et celle de ses compagnons a en effet inspiré le
réalisateur polonais pour ce long-métrage à la fois sensible et délaissant
tout pathos inutile quant à cette histoire tragique.
Jour après jour, année après année, nous découvrons le combat quotidien de
cette personnalité forte et déterminée instillant auprès de son entourage le
courage de lutter contre la machine politique impersonnelle et broyant toute
opposition sur son passage. Tortures physiques, intimidations, menaces et
diffamations, tout est mis en place afin d’éradiquer toute survivance de la
foi catholique indissociable de l’âme polonaise.
C’est ce rude combat que nous découvrons avec ce film servi par
l’interprétation remarquable de l’acteur Slawomir Grzymkowski, littéralement
habité par son rôle.
Un récit historique dont il convient de ce souvenir et qui ouvrit la voie à
l’action déterminante du pape Jean-Paul II à l’encontre du communisme en
Europe.
« Le maître des îles » (1970) ; Un
film de Tom Gries avec Charlton Heston, John Phillip Law, Geraldine Chaplin-
Combo DVD / Blu-Ray, Sidonis Calysta, 2024.
L’archipel d’Hawaï dans les années 1880. Descendant d’une riche famille
de planteurs, Whip Hoxworth abandonne le commerce maritime pour prendre
possession des terres héritées de son père. Contre vents et marées, il
devient à l’issue de quelques années le plus grand propriétaire de la région
grâce au travail acharné de ses ouvriers chinois dont un couple élève son
fils. Sachant son activité menacée par l’indépendance des îles, il fomente
une révolution de manière à ce que son territoire bénéficie du protectorat
américain…
Réalisé au fait de la gloire de son acteur principal, Charlton Heston, « Le
maître des îles » ne rencontra pas à sa sortie le succès que ce film
méritait, la grande époque du cinéma d’aventure hollywoodien étant quelque
peu passée au tournant des années 70. Cette superproduction aux moyens
financiers exceptionnels à l’époque mérite pourtant d’être redécouverte, et
ce, à plus d’un titre :
Tout d’abord pour la prestation de l’acteur principal, Charlton Heston, qui
après le succès de « La Planète des singes » en 1968 jouit d’une réputation
incontestée à Hollywood. Autour de lui, Géraldine Chaplin et surtout la
Chinoise Tina Chen dont se fut le plus grand rôle à l’écran méritent aussi
d’être soulignées.
Si quelques longueurs incontournables au genre peuvent être notées, il
demeure néanmoins que « Le maître des îles » du réalisateur Tom Gries (Will
Penny, Le Solitaire, Cent fusils, L’Évadé, Le Solitaire de Fort Humboldt) a
su associer faits historiques et fiction de manière plaisante et
divertissante. Le scénario de James R. Webb informé pour l’époque d’après le
best-seller de James Michemer entre au cœur de l’Histoire de l’archipel
hawaïen en tenant compte des réalités sociales et ethniques à la fin du XIXe
s.
Pour parfaire l’ensemble, la musique enlevée du grand Henri Mancini viendra
ajouter au charme de cette fresque épique réussie, à redécouvrir.
« Hôtel de France » (1987)- Un film
de Patrice Chéreau avec Laurent Grévill, Valeria Bruni Tedeschi, Vincent
Perez, Laura Benson, Thibault de Montalembert, Marc Citti, Bernard Nissille,
Marianne Denicourt, Isabelle Renauld, Bruno Todeschini, Agnès Jaoui, Hélène
de Saint-Père, Thierry Ravel, Dominic Gould, Foued Nassah, Eva Ionesco… ;
Scénario : Patrice Chéreau et Jean-François Goyet d'après l'œuvre d'Anton
Tchekhov ; Photographie : Pascal Marti, DVD/BRD, Pathé Films, 2023.
Quand ils avaient vingt ans, Michel et Sonia se sont aimés. Ils faisaient
partie d'une bande de copains provinciaux, dont Michel en était le leader,
celui qui "irait loin". Mais il s'est arrêté en chemin, et voilà qu'ils se
retrouvent tous à une réception quelques années plus tard. Sonia ne peut
s'empêcher d'être déçue et Michel d'en être blessé.
Avec « Hôtel de France » de Patrice Chéreau, voici une curieuse réalisation,
de nouveau disponible en DVD/BRD chez Pathé Films, entre cinéma et théâtre,
ce qui n’étonnera pas les amoureux du metteur en scène disparu en 2013. En
une adaptation libre de la pièce « Platonov » d’Anton Tchekhov, Chéreau
s’empare, ici, de l’un de ces carrefours des sentiments que la vie déploie
parfois, pour explorer l’intériorité de chaque protagoniste, toujours en
rapport avec le groupe.
Le film sorti en 1987 fut un échec tant sur le plan de la critique que des
spectateurs, le réalisateur avouant a posteriori son insatisfaction sur ce
long-métrage expérimental. Et pourtant, presque quarante années plus tard,
cette sortie en DVD permettra de découvrir l’étendue du champ
d’expérimentation de ce metteur en scène/réalisateur de génie que fut
Patrice Chéreau. Certes, les amoureux de Tchekhov pourront de prime abord
être surpris de découvrir cette adaptation contemporaine dans un hôtel
restaurant plus qu’ordinaire au bord d’une nationale… Passé l’étonnement, le
spectateur se trouvera cependant engagé malgré lui en un tourbillon à la
fois jubilatoire et destructeur des relations humaines, avec, comme fil
directeur récurrent la question essentielle : qu’avons-nous fait de notre
vie ?
Ce film fut réalisé avec sa très jeune équipe du Théâtre des Amandiers de
Nanterre dont de nombreux noms alors inconnus deviendront par la suite des
références dans leur art, citons notamment Vincent Perez, Thibault de
Montalembert, Bruno Todeschini, Valeria Bruni-Tedeschi, Laurent Grévill,
Agnès Jaoui, Marianne Denicourt, Eva Ionesco… Véritable chorégraphie
humaine, « Hôtel de France » rejoint la dramaturgie de Tchekhov sur cette
perte des repères, les rapports conflictuels entre générations, les jeux
cyniques de séduction.
Si quelques imperfections pointent parfois, cette adaptation très libre sera
néanmoins l’occasion de retrouver l’esprit Chéreau anticipant sur son grand
film « La Reine Margot » en 1994.
Coffret Yves Boisset : « Espion
lève-toi (1981) + Le Saut de l'ange » avec Lino Ventura, Michel Piccoli,
Bruno Cremer, Bernard Fresson, Krystyna Janda ; Combo Blu-ray + DVD
Collection Make my day !, Studiocanal 2023.
Sébastien Grenier, un ancien espion, dirige une société à Zurich. Tandis
que les attentats terroristes se multiplient, Sébastien est contacté par un
haut fonctionnaire suisse, Jean-Paul Chance. La mort de ses deux amis les
plus chers décide Sébastien à reprendre ses activités d'espion...
Comptant parmi l’un des derniers grands films du réalisateur Yves Boisset
avant qu’il ne passe à la télévision, « Espion lève-toi » fut l’occasion de
réunir deux monstres sacrés du cinéma avec Lino Ventura et Michel Piccoli
dans la grande tradition des films d’espionnage des années 60 et 70.
Dans un univers trouble et sombre, cette confrontation entre les deux
protagonistes sur fond de dialogues toujours inspirés de Michel Audiard ne
laisse pas un instant de répit. Lino Ventura crève l’écran face au jeu de
chat et de la souris de Michel Piccoli, en une partie d’échecs énigmatique
sans issue dans le cadre de la ville de Zurich.
Influencé par le cinéma de Francesco Rosi et le contexte géopolitique
troublé des années 70, Yves Boisset signe avec cette réalisation soignée un
grand film entré depuis dans les classiques du cinéma. Un incontournable
irrésistible !
A noter que ce coffret combo DVD/BRD contient également le 4ème film du
réalisateur « Le saut de l’ange », film d’action de 1971 avec Jean Yanne.
LA CIBLE de Peter Bogdanovich avec
Boris Karloff, (1967 - Couleurs - 90 mn), Nouvelle Restauration 2K, Version
originale sous-titrée français + Version française, Édition Blu-ray ou DVD,
Inédit en Blu-ray, Carlotta, 2023.
Byron Orlok, célèbre acteur de films d’épouvante, a décidé de mettre un
terme à sa carrière. Sa dernière apparition publique aura lieu le lendemain
à un drive-in où il présentera son dernier film. Ce jour-là, Bobby Thompson,
un assureur fasciné par les armes à feu, abat de sang-froid sa mère et sa
femme. Bien décidé à ne pas s’arrêter là, le jeune homme poursuit sa route,
jalonnée de cadavres, jusqu’au drive-in…
Un jeune homme de la middle class américaine vivant chez ses parents avec
son épouse et entretenant avec eux des relations apparemment sans problème ;
parallèlement, un vieil acteur, à la gloire en berne du cinéma de l’horreur,
et en fin de parcours… Voici les personnages centraux que tout oppose dans
les premières minutes de ce premier long-métrage de Peter Bogdanovich. Mais
l’action va s’accélérer lorsque nous comprenons que derrière cette routine
presque inquiétante se cache un personnage froid et prêt à tout quant à sa
passion dévorante pour les armes à feu… L’horreur succédera au quotidien, en
un singulier jeu de miroir (voir notamment la scène finale, la plus réussie
du film avec le coup de feu sur l’écran du drive-in…). Surtout, ce drame ne
sera curieusement pas dans la fiction du 7ième art représenté avec talent
par le jeu impeccable de Boris Karloff dans l’un de ses derniers rôles à
l’écran, mais bien dans la réalité d’un tueur en série au-dessus de tout
soupçon.
Ce thème pourrait apparaître banal à l’heure malheureusement tragique des
multiples carnages de tueur en série aux États-Unis, si ce n’est que ce film
date de 1967, il y a plus de 55 ans, soit plus d’un demi-siècle, à une
époque où ce phénomène était nouveau et demeurait encore marginal de l’autre
côté de l’Atlantique… Malgré les maladresses dues aux conditions plus que
particulières de tournage rappelées dans le bonus du coffret prestige DVD+BRD
édité en nombre limité par Carlotta, le film suscite la curiosité dès
l’accélération des évènements.
Il est intéressant de noter d’ailleurs que « La Cible » fut quelque peu
limitée lors de sa sortie car entre-temps Martin Luther King et le président
Kennedy avaient été assassinés dans les conditions que l’on sait. Reste que
« La Cible » demeure un film à redécouvrir dans cette belle édition
restaurée 2K sous la supervision de Peter Bogdanovich en personne !
« Le Cardinal » ; Un film de Nicolae
Margineanu avec Mircea Andreescu, Alexandru Rusu, Radu Botar ; Versions :
VF, VOST, Durée : 95 min, DVD, Saje Éditions, 2023.
1950, prison de Sighet, Roumanie. C'est là, derrière les barreaux, qu'un
groupe d’évêques gréco-catholiques est emprisonné par les autorités
communistes, dans le but de les amener à renier toute forme d’allégeance au
Vatican, perçu comme une influence étrangère. Un homme s'élève parmi eux qui
devient progressivement un guide pour chaque prêtre : l'évêque Iuliu Hossu...
Développant un thème déjà abordé par l’écrivain japonais Shūsaku Endō dans
son célèbre roman « Silence », le réalisateur roumain Nicolae Margineanu a
su se saisir de la résistance de la foi face à l’adversité, un choix
toujours difficile dans un contexte d’oppression. A la différence du roman
japonais, il ne s’agit pas pour Iuliu Hossu, évêque de l’Église
grecque-catholique roumaine de Gherla, d’apostasier sa foi mais d’accepter
de se convertir à l’Église orthodoxe roumaine. Mais c’était sans compter sur
la ferme conviction du prélat roumain et de ses compagnons arrêtés en 1948
et emprisonnés dans les terribles geôles roumaines.
En évitant toute surenchère de violences suffisamment suggérées par cette
belle réalisation, « Le cardinal » a privilégié l’analyse des caractères des
différents protagonistes de cet univers carcéral, véritable huis clos où les
personnalités se révèlent. L’homme d’Église reste inflexible même si parfois
quelques failles peuvent poindre sans qu’elles ne conduisent à céder pour
autant sous la menace… Ce film sensible révèle ce combat du quotidien, fait
d’humanité dans les pires conditions et toujours cette compassion
indéfectible du prélat non seulement pour ses compagnons d’infortune mais
également à l’égard de ses tortionnaires.
Reconnu martyr, le cardinal Iuliu Hossu a été béatifié le 2 juin 2019 par le
pape François et ce film remarquable lui rend – ainsi qu’à ses compagnons –
l’hommage qui s’imposait.
« Quand siffle la dernière balle »
(Shoot out) – 1971 ; Un film de Henry Hathaway avec Gregory Peck, Patricia
Quinn et Robert F.Lyons ; Audio : VOST et VF Dual Mono Restaurées ; Durée :
97mn ; Bonus : Présentations Patrick Brion et Jean-François Tiré, DVD,
Sidonis, 2023.
Un homme, Clay Lomax, sort de prison après avoir purgé une peine de 8 ans
et veut se venger de Sam Foley, un complice qui l'a trahi. Mais au passage,
il lui échoit la petite fille de 7 ans de la femme qu'il avait aimée avant
son incarcération et qui est morte entre temps. Donc il lui reste à
poursuivre son objectif, avec une petite fille dans les pattes, et une bande
de tueurs à ses trousses engagés par le fameux traître.
Le grand réalisateur Henry Hathaway n’est plus à présenter et ses films, ses
westerns et films d’action, sont bien souvent passés à la postérité du 7ème
art. Aussi sera-t-il intéressant de (re)découvrir son avant dernier film, «
Quand siffle la dernière balle » qui sans égaler « Nevada Smith », « La
conquête de l’Ouest », « Les trois lanciers du Bengale » ou encore « Le
Carrefour de la mort », mérite cependant d’être redécouvert. Ce long-métrage
fait figure d’hommage au genre classique du western avec ces paysages du
Nouveau Mexique exceptionnellement rendus par de superbes plans en une
saison automnale annonciatrice du crépuscule du genre et du réalisateur.
Le film vaut également d’être redécouvert pour la présence rayonnante de
Gregory Peck, incarnant étonnement le rôle d’un méchant repenti, retrouvant
peu à peu le sens des valeurs sans oublier cette petite fille interprétée
avec une rare présence par la jeune Dawn Lyn dont l’effronterie n’a d’égal
que l’attendrissante spontanéité.
Si le scénario laisse parfois quelque peu à désirer, l’action allant
crescendo réservera de beaux moments de cinéma pour cette ultime ode au
genre western.
« Les écumeurs » (The Spoilers) –
1942 ; Un film de Ray ENRIGHT avec John WAYNE, Marlene DIETRICH, Randolph
SCOTT, DVD, Sidonis, 2023.
La ruée vers l'or bat son plein en Alaska. De prétendus agents du
gouvernement détournent la loi en spoliant de leur concession les
prospecteurs les plus modestes qui, désormais associés à Glennister,
propriétaire d'un gisement important, tiennent tête au commissaire aux mines
McNamara. Avec l'aide d'un juge véreux, ce dernier réplique par davantage
d'expropriations encore, allant jusqu'à envoyer Glennister derrière les
barreaux. Celui-ci n'entend pas se laisser faire…
Casting de choix pour ce western quelque peu atypique nous transportant dans
l’univers sauvage de la ruée vers l’or avec John Wayne, Marlene Dietrich et
Randolph Scott. Un trio de choc réuni, ici, pour la première fois dans ce
film enlevé. Marlene Dietrich crève littéralement l’écran dans cette
réalisation soignée de Ray Enright, un habitué du western, genre qu’il sert
à merveille avec des plans rigoureux et surtout des décors et scènes
d’extérieurs d’un réalisme époustouflant. L’action menée tambour battant est
ponctuée de bagarres spectaculaires dont notamment celle finale réglant le
compte du cynique et néanmoins toujours souriant Randolph Scott. John Wayne
s’impose bien entendu aux côtés de sa partenaire qu’il ne parvient pas
curieusement cependant à éclipser contrairement aux autres westerns qu’il
tourna, le charme de Marlene Dietrich s’imposant !
« 10 hommes à abattre » ( 10 Wanted
Men 1955) ; Un film de Bruce HUMBERSTON –avec Randolph SCOTT, Richard BOON,
Lee VAN CLEEF, DVD, Sidonis, 2023.
Arizona. Tenace, John Stewart est parvenu à défendre son ranch contre les
Indiens. Sous prétexte qu'il donne refuge à sa fille adoptive, son rival
Campbell engage dix tueurs pour l'abattre, mais il s'agit en réalité pour ce
dernier de faire main basse sur ses terres afin d'agrandir son propre
domaine. Assiégé auprès d'une poignée de fidèles, Stewart leur résiste…
« 10 hommes à abattre » compte parmi ces westerns mettant en avant des
acteurs réputés du genre tel l’incontournable Randolph Scott, mais aussi
Richard Boon ainsi que de jeunes premiers appelés à un bel avenir comme Lee
Van Cleef. Sans atteindre les sommets d’un John Ford, cette réalisation de
Bruce Humberston se laisse néanmoins agréablement découvrir pour la
prestation plus nuancée qu’à l’habitude de Randolph Scott qui compte une
soixantaine de westerns à son actif, toujours charmeur, mais plus fragile et
bousculé par cette rivalité inattendue au stade de sa vie apaisée de grands
propriétaires. Richard Boone au début de sa carrière s’impose également à
l’écran, lui qui sera appelé à jouer dans des films de légende tels Alamo,
Tonnerre Apache, Rio Conchos, Le Dernier des géants… Avec des plans serrés
sur l’action, la succession de scènes impressionnantes telle celle de
l’attaque à la dynamite d’une maison servant de refuge à Stewart, offrira un
divertissement plaisant pour ce western à redécouvrir.
Format : CINEMASCOPE, Audio : VF/VOST, Durée : 80 min, Bonus :
Présentation Patrick BRION et Jean François GIRE
« La cité de la violence » (Citta
Violenta) – 1970 ; Un film de Sergio Sollima avec Charles Bronson, Telly
Savalas, Jill Ireland, Michel Constantin, Umberto Orsini… Format :
Cinemascope, 2:35, 16/9, DVD, Sidonis, 2023.
Tandis qu’il circule en voiture avec sa compagne Vanessa, le tueur à
gages Jeff Heston tombe dans un piège. Blessé, il échoue en prison. Libéré,
il ne poursuit désormais plus qu’un double objectif : se venger de ceux qui
l’ont trahi et retrouver celle qu’il aime. Sa croisade sanglante débute à la
Nouvelle-Orléans où la mafia locale l’attend de pied ferme…
Ce film signé par le réalisateur et critique de cinéma italien Sergio
Sollima revisite les codes du polar en proposant une adaptation exacerbée
répondant au style des années 70. La violence omniprésente – suggérée ou
explicite – ne passerait plus aujourd’hui selon les codes éthiques fort
heureusement plus évolués notamment quant aux violences faites aux femmes.
Par delà ces clichés d’une société à l’époque en crise, ce long-métrage
servi par une photographie irréprochable vaut essentiellement pour le jeu de
l’acteur phare dans le genre, un certain Charles Bronson… Incarnant à la
perfection le rôle de loup solitaire, la touche originale vient de ses
rapports plus que passionnels avec sa compagne dans le film – et véritable
épouse dans la vie – la ravissante Jill Ireland. Entre histoire d’amour
mouvementée, mafia intempestive avec un Terry Savalas que l’on a connu sous
des jours meilleurs, « La cité de la violence » est servi par la musique
toujours efficace du légendaire Ennio Morricone et ravira les nostalgiques
des films des années 70, courses poursuites automobiles, pattes d’eph et
cols à rallonge garantis !
Détails techniques :
Audio : Français et VOST, Durée : 108mn, Bonus : Présentation François
Guérif et Jean-Baptiste Thoret, Couleur
Pier Paolo Pasolini 100 ans en 6 BRD
aux éditions Carlotta
6 BD • MASTERS HAUTE DÉFINITION • 1080/23.98p • ENCODAGE AVC Version
Originale / Version Française* DTS-HD Master Audio 1.0 • Sous-Titres
FrançaisFormats 1.37, 1.66 et 1.85 respectés • Noir & Blanc et Couleurs •
Durée Totale des Films : 867 mn, 2022.
Pier Paolo Pasolini aurait cent ans en cette année 2022 et les éditions
Carlotta lui rendent le plus bel hommage qui soit en réunissant 9 de ses
meilleurs films en un somptueux coffret Blueray. Couvrant la décennie des
années 60, des années des plus prolifiques, ce coffret inclut notamment son
premier film Accattone (1961) qui sera le point de départ d’un cinéma
d’auteur à nul autre pareil. Retenant des acteurs pour la plupart non
professionnels et focalisant sa caméra sur les borgate romaines déshéritées,
le cinéaste poète capte les méfaits de l’industrialisation sauvage de
l’Italie. La perte du lien, les communautés déplacées dans des barres
d’immeubles dépersonnalisés, la pauvreté humiliante sont autant de thèmes
récurrents qui structurent ce cinéma à hauteur d’âmes en perdition. Suivront
dans cet esprit Mamma Roma l’année suivante, puis La Ricotta en 1963 avant
le coup de tonnerre esthétique porté par L’Évangile selon saint Matthieu,
admirable réalisation pour l’intellectuel marxiste qu’était Pier Paolo
Pasolini… Ce coffret inclut également des réalisations plus méconnues du
cinéaste : Des Oiseaux petits et gros, Œdipe Roi, Carnet de notes pour une
Orestie africaine sans oublier l’énigmatique Médée avec Maria Callas, autant
de réalisations passionnantes qui devraient captiver non seulement les
amateurs du cinéaste italien, mais également tous les passionnés du grand
écran.
LES 9 FILMS
BLU-RAY 1 : ACCATTONE (1961 – N&B – 117 mn – Nouvelle Restauration 4K)
BLU-RAY 2 : MAMMA ROMA (1962 – N&B – 107 mn – Nouvelle Restauration 4K) • LA
RICOTTA (1963 – Couleurs et N&B – 35 mn – Restauration HD)
BLU-RAY 3 : L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU (1964 – N&B – 138 mn –
Restauration 2K)
BLU-RAY 4 : DES OISEAUX PETITS ET GROS (1966 – N&B – 89 mn – Restauration HD)
• ENQUÊTE SUR LA SEXUALITÉ (1964 – N&B – 92 mn – SD)
BLU-RAY 5 : ŒDIPE ROI (1967 – Couleurs – 104 mn – Restauration HD) • CARNET
DE NOTES POUR UNE ORESTIE AFRICAINE (1970 – N&B – 74 mn – Restauration 2K)
BLU-RAY 6 : MÉDÉE (1969 – Couleurs – 111 mn – Restauration 2K)
LES SUPPLÉMENTS
2 DOCUMENTAIRES :
"CINÉASTES, DE NOTRE TEMPS : PASOLINI L’ENRAGÉ" (98 mn)
"MÉDÉE PASSION, SOUVENIRS D’UN TOURNAGE" (30 mn)
4 DOCUMENTS OU ANALYSES • 7 ENTRETIENS
SCÈNES COUPÉES : "DES OISEAUX PETITS ET GROS" • "MÉDÉE"
7 BANDES-ANNONCES ORIGINALES
2 BANDES-ANNONCES : "ÉVÉNEMENT PASOLINI 100 ANS !"
« Les jeunes amants » ; Un film de
Carine Tardieu avec Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France, Florence
Loiret Caille, Sharif Andoura, DVD, Diaphana, 2022.
Shauna, 70 ans, libre et indépendante a mis sa vie amoureuse de côté.
Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans
qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute
attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une
femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer…
Comment évoquer ces liens trop souvent occultés ou tout simplement tus,
parce que dérangeants, entre deux êtres qui s’aiment malgré une importante
différence d’âge ? C’est l’interrogation qu’a souhaité aborder « Les jeunes
amants » de Carine Tardieu et de la scénariste Agnès de Sacy à partir d’un
projet initial de la réalisatrice Sólveig Anspach disparue avant d’avoir pu
le tourner.
Ce film à la fois sensible et tendre alterne entre lumière et pénombre. À
partir d’un thème en effet délicat et rarement traité au grand écran, cette
réalisation pudique mais explorant les consciences des différents
protagonistes, notamment des proches, déploie une palette de sentiments
qu’interprètent avec justesse Fany Ardant et Melvil Poupaud. Sans excès et
tout en nuances, « Les jeunes amants » adopte un ton juste qui saisit
spontanément le spectateur, le fait sourire et l’émeut souvent également. Il
faut dire que Fany Ardant irradie l’écran, une fois de plus, pour ce rôle
pourtant difficile à tenir. Face à cette légende du cinéma, Melvil Poupaud
parvient à rendre crédible cette histoire vécue par des couples, entre
clandestinité et culpabilité. A noter les seconds rôles qui offrent un
contrepoint vibrant à cette réalisation soignée, qu’il s’agisse de Cécile de
France, Florence Loiret Caille ou encore Sharif Andoura plus vrai que
nature…
Un film au ton juste et non dénoué d’humour.
« Le dénonciateur » (1949) ; Un film
de Mitchell Leisen avec Alan Ladd, Wanda Hendrix et Francis Lederer ; DVD,
Sidonis, 2022.
Deuxième Guerre Mondiale. Plusieurs agents américains sont envoyés dans
l’Italie sous la botte allemande pour saboter un réseau. Dénoncés à
l’ennemi, la plupart sont tués. L’Europe désormais en paix, le capitaine
Carey, qui compte parmi les rares survivants, revient sur les lieux du
drame, dans la région de Milan, bien déterminé à démasquer le traître…
Ce film noir injustement méconnu réalisé par Mitchell Leisen compte parmi la
filmographie de l’acteur Alan Ladd (« L’homme de la Vallée perdue) pour
lequel il livre une prestation remarquable. Ladd dont le jeu à la fois sobre
et expressif développe, en effet, dans ce film d’espionnage toute une
palette d’émotions sous la caméra de Mitchell Leisen qui s’efforce ici de
rendre l’atmosphère d’après-guerre d’un petit village lombard en Italie.
Entre secrets farouchement préservés, jalousies et vendetta, l’intrigue
palpitante tient le spectateur en haleine jusqu’à l’issue finale. À noter
l’excellente musique de ce film composée par Ray Evans et Jay Livingston,
musique qui fut gratifiée d’un Oscar en 1951.
« Adieu Monsieur Haffmann » ; Un
film de Fred Cavayé avec Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau,
Nicolai Kinski, Mathilde Bisson et Anne Coesens, DVD, Orange Studio, 2022.
Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à
fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé
d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande,
les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les
conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois
personnages.
Ce quasi-huis clos dans le Paris occupé embarque le spectateur dans la
spirale du mal ordinaire. Un petit employé, médiocre et jusqu’alors résigné,
découvre avec l’arrivée des Allemands dans la capitale qu’il peut atteindre
tout ce qui lui était jusqu’alors interdit par sa condition modeste et son
handicap. En adaptant la pièce de théâtre du même nom de Jean-Philippe
Daguerre couronnée de 4 Molière, le réalisateur Fred Cavayé a fait choix
d’éviter pour ce long-métrage tout manichéisme. François Mercier n’apparaît
pas au début sous un mauvais jour face à l’adversité à laquelle se trouve
confronté son patron, le joaillier talentueux M. Haffmann, interprété avec
justesse par un Daniel Auteuil remarquable. Ce n’est que progressivement que
l’âme de l’employé se révèle, laissant libre court à ses mauvais instincts.
Gilles Lellouche livre ici une interprétation impressionnante quant à cette
métamorphose du salaud ordinaire. Face à lui, son épouse jouée avec finesse
par Sara Giraudeau se transforme elle aussi, mais en sens contraire, tout au
long du film. « Adieu Monsieur Haffmann » évite les poncifs du genre et
livre une réflexion épurée sur ce qui révèle ou au contraire pervertit les
individus, une belle réalisation soignée aux décors de toute beauté du Paris
des années 40.
« La Reine Des Cartes » ; Un film de
Thorold Dickinson ; Musique de Georges Auric ; Photographie d’Otto Heller ;
Master restauré par STUDIO CANAL, Version originale anglaise, sous-titres
français, Noir & Blanc - 95 mn, Doriane Films, 2022.
Au XIXe siècle, à Saint-Pétersbourg, une vieille comtesse vend son âme au
diable en échange du pouvoir de gagner aux cartes. Un officier cupide et
féru de jeu cherche à connaître son secret, quitte à courir de grands
dangers.
Le réalisateur anglais Thorold Dickinson s’est saisi avec « La Reine des
Cartes » du chef-d’œuvre d’Alexandre Pouchkine « La Dame de pique » en une
réalisation virtuose. Ce film aux accents faustiens - la fameuse scène de
l’apparition de la vieille comtesse dans la chambre du jeune officier
brillamment interprété par Anton Wallbrook – met en place, plan après plan,
une ambiance entre pénombre et clarté grâce à l’admirable photographie
d’Otto Heller. Cette ambiance feutrée des tavernes et salons mondains de la
Russie tsariste contraste avec le pacte diabolique entraînant un jeune
officier ambitieux en une spirale irréversible.
Réalisé avec peu de moyens, ce long-métrage du réalisateur anglais parvient
à atteindre des sommets à la fois esthétiques mais aussi dramatiques.
Thorold Dickinson déploie, en effet, dans ce film étonnamment méconnu un art
consommé du fantastique en d’infimes détails, des prises de vue
vertigineuses, sans oublier le jeu des acteurs talentueux tels Wallbrook et
Edith Evans.
Un film à redécouvrir dans cette remarquable édition Doriane Films.
Complément : un livret illustré de 12 pages avec un texte de Jean-François
Baillon et l’extrait d’un entretien avec Martin Scorsese.
« Partenaires » ; Un film de Claude
d’Anna avec Nicole Garcia, Jean-Pierre Marielle, Michel Galabru et Michel
Duchaussoy ; 75 mn - Version française, DVD, Doriane Films, 2022.
Dans les coulisses et les loges du théâtre où se joue la énième
représentation d’une pièce à succès, se déroule une comédie dramatique. Une
actrice célèbre, Marion Wormser, développe des rapports tumultueux avec son
partenaire et mari, grand comédien devenu acteur de second plan, Gabriel
Gallien…
Ce film méconnu de Claude d’Anna a le mérite non seulement de réunir deux
monstres sacrés du cinéma français en la personne de Nicole Garcia et
Jean-Pierre Marielle, mais également de proposer une lecture à huis clos des
coulisses du monde théâtral. Entre comédie et drame, arrière-cour et pleins
feux de la scène, le réalisateur tisse progressivement un portrait doux-amer
de la vie de représentation, sur scène comme dans la vie quotidienne. Nicole
Garcia et Jean-Pierre Marielle composent un couple convaincant à l’écran,
avec ces nuances d’ironie sarcastique, ces gouffres béants et, en filigrane,
cette peur de la solitude face à leurs démons intérieurs. Allégorie plus
générale de la vie, « Partenaires » souligne les chemins parfois divergents
de toute association et démontrant ainsi que chaque individu se trouve
toujours seul face à lui-même.
En 1925, l’écrivain André Gide effectue un voyage en Afrique-Équatoriale
française et au Congo belge avec son secrétaire, Marc Allégret, qui en tire
un document filmé et en rapporte de nombreuses photographies…
« Voyage au Congo » ne relève pas vraiment de l’enquête ethnographique sur
le modèle de celle qu’entreprendra quelques années plus tard Claude
Lévi-Strauss au Brésil. Avec cette évocation filmée en 1926 par le
secrétaire d’André Gide, Marc Allégret, appelé à un brillant avenir de
cinéaste, il s’agit plutôt d’une digression poétique et esthétique. La quête
de la beauté, celle de ces paysages encore vierges pour la plupart de toute
dévastation coloniale, c’est « l’homme nu », celui encore préservé de toutes
les entraves de l’occidentalisation qui transparaît dans ces plans certes
naïfs mais d’une ineffable esthétique. Si, bien entendu, les commentaires
laissent parfois percevoir quelques ethnocentrismes, il demeure cependant
que « Voyage au Congo » jette un regard bienveillant sur ce monde où candeur
et joie de vie transparaissent dans les scènes filmées en 1925.
Restauré à partir du négatif original par les Films du Panthéon et les Films
du Jeudi en collaboration avec la Cinémathèque française, « Voyage au Congo
» est le premier film de Marc Allégret. Le musicien Mauro Coceano en a
composé la musique accompagnant ces images d’une époque aujourd’hui révolue,
presque un siècle plus tard. À la différence des jugements de Lévi-Strauss,
ce ne sont pas de « Tristes Équateurs » qui sont, ici, dévoilés par la
caméra d’Allégret mais plutôt une candeur de vie préservée, une certaine
insouciance que ces corps encore indemnes de l’influence occidentale
subliment. Danses, travaux des champs, pratiques sociales, palabres, c’est
cette vie africaine que souhaitait faire découvrir l’écrivain André Gide
alors chargé de mission par le Ministère des Colonies. L’homme blanc est
étonnamment absent de cette réalisation au style libre, renforçant ainsi
cette impression de contre-enquête ethnographique du « bon sauvage », un
parti pris moderne pour l’époque.
C’est cette poésie préservée des affres de la modernité qui a été captée sur
la pellicule et qui peut être, avec un plaisir certain de curiosité,
redécouverte grâce à cette remarquable restauration. Un film qui vaut tout
un voyage tant ces images restent longtemps gravées dans la mémoire. A noter
le livret très complet qui accompagne le DVD présentant de nombreux
témoignages.
« LUI » ; Un film de Guillaume Canet
avec Guillaume Canet, Virginie Efira, Mathieu Kassovitz et Laetitia Casta ;
Drame ; 1h28, DVD, Pathé, 2022.
Un compositeur en mal d’inspiration, qui vient de quitter femme et
enfants, pense trouver refuge
dans une vieille maison à flanc de falaise, sur une île bretonne déserte.
Dans ce lieu étrange et
isolé, il ne va trouver qu’un piano désaccordé et des visiteurs bien décidés
à ne pas le laisser en
paix.
Avec son film « Lui », le réalisateur et acteur Guillaume Canet revisite en
quelque sorte Nietzche et Rimbaud en faisant du « je est un autre » avec
lequel il a bien des mailles à partir… Sur le ton de la comédie, ce film
réalisé dans le superbe cadre sauvage de Belle-Île offrira non seulement des
scènes cocasses à l’humour cinglant, mais aussi quelques propositions
fertiles pour réfléchir au sens de la vie. Reprenant la formule du monologue
intérieur chère à Joyce, c’est dans la solitude bretonne que ce film décrit
les errements du personnage central en butte avec lui-même et qui convoque,
sans le vouloir, tous les protagonistes de sa vie. Mais au bout d’un moment,
la liste commence à s’allonger et notre personnage d’apparaître vite débordé
par tout ce monde s’invitant spontanément dans sa retraite de moins en moins
solitaire. Avec ce film, Guillaume Canet démontre s’il en était encore
besoin une nouvelle fois ses talents de comédien, mais aussi sa capacité à
concevoir et à monter un film sur un thème délicat et mené tambour battant.
A découvrir dans cette belle édition.
« LA RUE CHAUDE » ; Un film d’Edward
Dmytryk (Walk On The Wild Side) - 1962 - avec Capucine, Jane Fonda, Barbara
Stanwyck, Laurence Harvey et Anne Baxter; DVD, Wild Side Video, 2021.
La Nouvelle-Orléans, 1930. Objet de toutes les convoitises, la brillante
et sophistiquée Hallie est la principale attraction de la plus célèbre
maison close de la ville. Très éprise d’elle, Jo, la tenancière de
l’établissement, la fait surveiller étroitement par ses sbires. Tout droit
arrivé du Texas – après avoir croisé la route de la jeune et délurée Kitty –
Dove va bouleverser la donne en se lançant à la recherche de l’amour de sa
vie, Hallie, qui s’était volatilisée quelques années plus tôt…
Le réalisateur Edward Dmytryk signe avec « La rue chaude » en 1962 un film
aux multiples facettes et quelque peu méconnu. Ce long-métrage qui a fait
l’objet de difficultés lors de sa réalisation du fait de multiples
interventions sur son scénario séduit cependant spontanément pour son
esthétique et sa photographie de toute beauté sur fond de Louisiane des
années 30.
Le générique de Saul Bass annonce la couleur - en noir & blanc – avec cette
étonnante progression d’un chat plus noir qu’une panthère dans les dédales
d’une rue sordide… La musique, également, force l’admiration grâce au talent
d’Elmer Bernstein (« Les sept Mercenaires »), plus inspiré que jamais dans
ces airs de jazz envoutants.
L’intrigue sert d’écrin de choix pour cette adaptation très libre du roman
de Nelson Algren et offre la possibilité de déployer les talents d’acteur de
l’énigmatique et insaisissable Capucine, de l’âpre Barbara Stanwick à la
généreuse Anne Baxter, sans oublier une petite nouvelle, Jane Fonda,
inoubliable en ingénue dévergondée… Face à ces femmes omniprésentes, la
pureté et candeur de Laurence Harvey (déjà plus qu’inflexible face à John
Wayne dans le légendaire « Alamo ») étonne quelque peu lorsque l’on se
souvient du roman initial de l’amant américain de Simone de Beauvoir. Il
demeure cependant que ce film noir et impitoyable réservera de nombreuses
scènes inoubliables, telles celles se déroulant dans la maison close sur
fond de musique jazz.
Un film impitoyable sur fond de passion et dépression.
"Absolution" – 1978 ; Un film
d’Anthony Page avec Richard Burton, Dominic Guard, David Bradley, Billy
Connolly ; DVD, durée : 1H35, langue : Français + VOSTFR, Sous-titre : oui,
format : Couleur 16/9, DVD, LCJ, 2021.
Un prêtre enseignant dans une école militaire catholique se trouve
confronté à une blague morbide évoquée lors de la confession par un de ses
plus prometteurs étudiants. À la recherche de la vérité, il sera confronté
au plus terrible des secrets…
« Absolution » peut à juste titre se targuer d’être un excellent thriller
tenant en haleine le spectateur des premières scènes bucoliques dans la
campagne anglaise jusqu’à la terrible et cynique issue finale.
À partir d’un scénario machiavélique – ou plus exactement diabolique – signé
Anthony Shaffer, ce film à tort méconnu d’Anthony Page se trouve servi par
la brillante interprétation de Richard Burton campant le rôle d’un prêtre
rigoriste. Plus tourmenté que jamais, ce dernier se trouve confronté à la
naissance du mal dans l’âme de l’un de ses étudiants les plus prometteurs,
un germe qui se déploiera avec finesse tout au long du film pour atteindre
son point culminant en cette fameuse scène finale inoubliable, rendue
pourtant sans aucun effets spéciaux.
Car là réside la réussite de ce long-métrage qui n’a eu recours à aucun
trucage, mais a fait choix de privilégier bien au contraire la seule
dimension psychologique des protagonistes. Tout à fait plausible, ce récit
servi par une réalisation sobre et soignée gagne en intensité jusqu’à son
terme et questionne le spectateur sur les frontières toujours ténues entre
le bien et le mal.
« Maria Montessori » ; Un film de
Gianluca Maria Tavarelli avec Paola Cortellesi, Massimo Poggio & Alessandro
Lucente ; version : VF, DVD, Saje Éditions, 2021.
Maria Montessori, pédagogue la plus célèbre au monde, s’est battue toute sa
vie pour faire accepter des méthodes pédagogiques révolutionnaires, d’abord
dans le système scolaire italien, puis dans le reste du monde…
Le film de Gianluca Maria Tavarelli s’est attaché à restituer la lutte d’une
femme, Maria Montessori, pour faire accepter dans un monde d’hommes, ses
convictions profondes sur l’éducation. Évoquant le double combat mené par
cette femme de caractère, celui d’une jeune mère rapidement abandonnée, et
celui de cette scientifique initialement moquée par ses pairs, le
réalisateur parvient à rendre compte avec nuances des lourdeurs et
réticences face à la nouveauté dans le domaine scientifique et pédagogique à
la fin du XIXe siècle, surtout lorsque celle-ci provient de l’initiative
d’une femme…
L’actrice Paola Cortellesi fait preuve d’une interprétation remarquable pour
ce rôle littéralement taillé sur mesure. Le film suit en parallèle son
destin public fait de luttes, convictions puis de reconnaissances jusqu’à la
montée du fascisme, mais aussi son destin de femme et de mère dont la garde
de son enfant lui fut enlevée, terrible épreuve pour celle qui allait
devenir la mère de tous les enfants laissés pour compte.
Une belle réalisation qui permettra de mieux connaître ce destin singulier
dont le nom orne encore fièrement certaines écoles perpétuant sa pédagogie
installées dans le monde entier.
« Pour un sourire » - 1970 ; Un film
de François Dupont-Midy avec Bruno Cremer, Marina Vlady, Isabelle Missud,
Philippe Clay et Florence Bolland, DVD, Doriane Films, 2021.
Dans le décor désolé d’une ville en ruines pendant la guerre, Michaël, un
déserteur, marche, pistolet au poing. Le silence est total. Il est soudain
troublé par deux voix : le soldat voit une petite fille que sa mère appelle
Minna. Elle saute à la corde, insouciante, et ne s’effraie pas de voir
surgir devant elle un inconnu. Le soldat revoit en un instant des bribes de
son passé, sa femme et sa fille Barbara aujourd’hui disparues qu’il adorait.
Pour cet être désespéré, Minna devient Barbara. Il l’enlève et s’enfuit…
Ce film méconnu fait l’objet fort justement d’une belle édition DVD par
Doriane Films, cinquante ans après sa discrète sortie. Ce drame émouvant
inspiré du roman d’Anna Langfus, prix Goncourt 1962 plonge littéralement le
spectateur dans le labyrinthe de la désolation, celle des villes en ruines
du fait de la guerre mais aussi celle résultant de l’effondrement des
relations humaines.
En un paysage crépusculaire d’où la vie semble quasi absente, une lumière
jaillit sous la forme d’une ravissante petite fille au manteau rouge. Un
soldat hagard et perdu retrouve en elle l’espoir, celui de sa vie d’avant,
lorsqu’il était marié et avait lui aussi une petite fille blonde…
François Dupont-Midy, de nos jours artiste-plasticien, s’est lancé au début
des années 70 un défi étonnant, celui d’adapter un roman pour son premier
long-métrage en ayant recours à trois comédiens reconnus : Bruno Cremer,
Marina Vlady et Philippe Clay. Servi par l’étonnant paysage du petit village
en Sicile de Gibellina qui venait d’être détruit par un tremblement de
terre, « Pour un sourire » évoque cette impossible survie après la perte des
siens, thème puissant du roman d’Anna Langfus ayant personnellement connu
les horreurs de la Shoah. Ces blessures de la vie qui semblent si profondes
jusqu’à ôter le sens de la vie même peuvent conduire en une déambulation
sans issue ainsi que le suggère la très belle réalisation François
Dupont-Midy sous les traits d’un Bruno Cremer touchant de vérité. Face à
lui, une petite comédienne Isabelle Missud dont le regard impénétrable
renvoie puissamment ces doutes et incompréhensions en un jeu remarquable
pour son jeune âge. Le rôle interprété par Marina Vlady offrira une issue
possible sous la forme de son éternel sourire, un message d’espoir lorsque
tout semble perdu…
Bonus DVD (12 min.) :
Rire aux larmes, court-métrage écrit et réalisé par François Dupont-Midy en
1963
Un livret illustré de 8 pages
« Les miracles n’ont lieu qu’une
fois » (1951) ; Un film de Yves Allégret avec Alida Valli et Jean Marais,
DVD, Doriane Films, 2021.
« De Paris à la Toscane, de 1939 à 1950, l’histoire d’un grand amour
entre deux jeunes étudiants que la guerre va séparer… »
Ce film quelque peu injustement méconnu d’Yves Allégret au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale fait l’objet d’une belle édition DVD chez Doriane
Films. Au fait de sa maturité avec des films comme « Dédée d’Anvers », « Une
si jolie petite plage » ou « Manèges », ce grand réalisateur dépeint avec
une certaine noirceur poétique la société de son temps en pleine mutation.
Avec « Les miracles n’ont lieu qu’une fois », c’est la force de la passion
amoureuse qui est explorée sur fond de conflit mondial. À partir des rêves
brisés d’une génération dont la jeunesse fut sacrifiée par les années de
guerre, ce film explore en effet les arcanes de la passion avec candeur dans
la première partie du film et une certaine amertume par la suite. À l’image
de cette société qui perd son âme avec la guerre pour se réfugier dans
l’utilitarisme lors de la reconstruction, les douces aspirations s’envolent
pour laisser place au doute et au ressentiment.
Le cinéma d’Allégret par ces plans serrés sur les émotions des protagonistes
sur fond de superbes paysages italiens suggère ces sentiments troubles,
entre espérance et doutes, illusions et pessimisme. Servi par une
remarquable photographie, ce film sera l’occasion de redécouvrir une page de
cinéma à jamais tournée après la Nouvelle Vague.
« Seuls les anges ont des ailes » -
1939 ; Un film de Howard Hawks avec Cary Grant, Jean Arthur, Rita Hayworth,
Richard Barthelemess, Thomas Mitchell ; En
édition Blu-ray+DVD+Livret, Wild Side,
2021.
En escale à Barranca, petit port bananier d’Amérique du Sud, Bonnie Lee
rencontre les pilotes de l’équipe aéropostale de ce lieu hors du temps, où
l’on meurt comme on vit : avec bravoure. D’emblée, l’artiste new-yorkaise
est subjuguée par le séduisant et intrépide Geoff Carter, qui dirige la
compagnie…
Howard Hawks signe à la veille de la Seconde Guerre mondiale un film à
redécouvrir dans cette belle édition Wild Side répondant à sa passion pour
l’aviation. Nous ne sommes pas encore à l’heure des bolides qui sillonneront
le ciel à toute vitesse, mais au début de l’aéropostale en un pays
imaginaire d’Amérique du Sud. Dans cette base isolée, seule la volonté
farouche d’une liaison efficace du courrier international laisse espérer le
développement d’une région aride et sauvage. C’est dans ce cadre imaginé –
et bien réel à la lecture des chefs-d’œuvre de Saint-Exupéry – qu’Howard
Hawks déploie un casting efficace avec Cary Grant qui trouve du répondant
face à la sémillante Jean Arthur, sans oublier une vedette en devenir, une
certaine Rita Hayworth…
Alors que l’essentiel des décors est reproduit en studio et que les avions
sont principalement des maquettes, la magie gagne et l’imaginaire prend le
relais. Tempêtes et conditions effroyables rendues idéalement par la
photographie impeccable de Joseph Walker parviennent à créer une atmosphère
bien particulière au cœur de cette petite station perdue au bout du monde.
Dans cet univers à la fois clos et ouvert vers le monde se déroule aussi un
autre combat, celui des sentiments, des sentiments exacerbés par les
éléments, thème de prédilection d’Howard Hawks. Alternant entre comédie et
gravité, « Seuls les anges ont des ailes » offre un beau film d’aventures
documenté sur les premiers temps de l’aviation.
« Condamné au silence » - 1955 ; Un
film de Otto Preminger avec Gary Cooper, Charles Bickford, Ralph Bellamy,
Rod Steiger et Elizabeth Montgomery ; DVD, Durée 1h40, Langue Français, LCJ
Éditions, 2021.
Aux États-Unis, en 1921. Le général Mitchell tente de convaincre son
état-major du rôle prépondérant de l'aviation dans les guerres futures. Mais
personne ne veut l'écouter. Bravant les ordres, Mitchell bombarde un ancien
cuirassé allemand - réputé insubmersible - pour démontrer la puissance de
ses avions.
Ce très beau film d’Otto Preminger revient sur un épisode méconnu concernant
l’état-major américain avant la Seconde Guerre mondiale et qui n’est pas à
son honneur. Il s’agit en effet de l’histoire véridique du général Billy
Mitchell, héros des débuts de l’aviation militaire aux États-Unis et qui
mena un combat afin de faire reconnaître cette nouvelle arme au sein de
l’armée plus que récalcitrante à son égard.
Le spectateur restera confondu qu’une telle inertie et même opposition aient
été conduites par les responsables militaires américains au plus haut
niveau. Et pourtant les conséquences d’une telle incurie allaient vite
s’imposer comme une triste réalité à partir de l’attaque-surprise de Pearl
Harbor par les forces japonaises quelques années plus tard, attaque pourtant
annoncée par le général visionnaire, rétrogradé puis jugé en cour martiale
pour désobéissance…
Filmé avec sobriété, ce long-métrage d’Otto Preminger se focalise sur le
personnage central brillamment incarné par Gary Cooper, personnage à la fois
passionné par son combat tout en affichant une réserve étonnante face à son
destin. Un destin que le spectateur découvre au fil de son procès en Cour
martiale, un procès où il se sait d’avance « Condamné au silence »… Ne
cherchant pas les effets de manche flamboyants ni les diatribes inutiles, ce
film souligne combien ce militaire fut à la fois convaincu de la justice de
son combat bien qu’appartenant à cette armée même qui avait été tout pour
lui.
L’armée ne lui a été reconnaissante que bien tardivement au lendemain de la
dernière guerre mondiale en le réhabilitant, mais au prix de combien de vies
perdues inutilement…
« Daniel Boone, l'invincible
trappeur » - 1956 ; Réalisateur Albert C. Gannaway et Ismael Rodriguez ;
DVD, Artus, 2020.
Vers la fin du 18e siècle, un groupe de pionniers s’installe dans le
Kentucky avec le soutien du célèbre trappeur Daniel Boone. Cette intrusion
suscite la colère des Indiens Shawnees, mal conseillés par un Anglais
vindicatif qui déteste Boone. Le trappeur qui entretient de longue date des
liens amicaux avec Black Fish le grand chef Shawnee va tenter de mettre un
terme aux massacres des colons.
Les réalisateurs de ce film se sont saisis de la biographie de Daniel Boone,
personnage historique passé dans la légende américaine à la fin du XVIIIe
siècle. La vie de ce célèbre trappeur fait, en effet, figure de roman à elle
seule et se passe d’emphase. Véritable saga au cœur du Kentucky, ce groupe
de pionniers avec à leur tête Daniel Boone se doit d’affronter de nombreux
Indiens Shawnees remontés contre les colons par la fourberie d’Anglais
malintentionnés.
Plus proche d’un long-métrage d’aventures que d’un traditionnel western, ce
film datant de 1956 offre de superbes plans naturels de l’Amérique sauvage
dans lesquels évoluent les acteurs Lon Chaney Jr, Faron Young, Bruce
Bennett… Si les techniques cinématographiques semblent, certes, avoir
quelque peu vieilli sur certains cadrages, le film a néanmoins le mérite
d’évoquer de manière assez réaliste ce que pouvait être la vie de ces colons
à l’heure de la naissance de la nation américaine.
Même si la copie utilisée pour la présente édition a subi quelque peu les
affres du temps, cette évocation trépidante des premiers colons américains
et du héros Daniel Boone offrira un agréable divertissement pour les petits
comme les plus grands !
« Europe 51 » ; Un film de Roberto
Rossellini avec Ingrid Bergman, Alexander Knox, Giulietta Masina, Ettore
Giannini ; Italie - 1952 - 109 min - Noir et Blanc, Visa n° 13727, Combo
Blu-ray/DVD Tamasa distribution, 2021.
Une jeune femme riche et futile est bouleversée par le suicide de son
enfant, dont elle se sent responsable. Son drame personnel lui fait
découvrir la misère et les souffrances des autres, à qui elle se dévouera
désormais.
Le réalisateur italien Roberto Rossellini livre avec « Europe 51 » une œuvre
à la fois personnelle et puissante sur le sens de la vie et les liens de
solidarité. Après avoir tourné en 1949, le très beau film « Onze Fioretti de
saint François d’Assise », cette évocation sensible du Poverello a suscité
chez Roberto Rossellini l’envie de transposer à l’époque contemporaine,
celle des années 1950, l’exemple de charité du saint franciscain ainsi que
certaines références de la vie de la philosophe Simone Weil. Sans chercher à
faire œuvre d’évangélisation – le personnage interprété brillamment par
Ingrid Bergman étant plus trouble – Rossellini pose la question de notre
acceptation à faire le bien, gratuitement et pour le salut de l’homme.
Ce film d’une rare esthétique avec ses plans soignés d’une Rome hésitant
encore entre traditions et modernité souligne combien cette attitude est
loin de recueillir l’assentiment général. À l’image de Jésus condamné par
ceux dont il a menacé les privilèges, cette femme moderne qui avait
jusqu’alors connu la futilité d’une vie mondaine et égoïste jusqu’au
terrible accident causant la perte de son fils, ouvre les yeux sur le sens
de la vie et commence à prendre conscience du monde extérieur grâce à un
journaliste communiste. Cette prise de conscience des différences sociales,
de la misère humaine des borgate de Rome qui influencera tant Pasolini
quelques années plus tard, l’implacable ignorance de cette situation par la
bourgeoisie aveuglée par ses privilèges, composent autant de plans
admirablement évoqués par Rossellini dans ce très beau film. Commence alors
une longue marche vers le calvaire, une condamnation sociale pleinement
acceptée par la jeune femme qui illustre pleinement la célèbre phrase de la
lettre de saint Paul aux Corinthiens : « Car la folie de Dieu est plus sage
que l’homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme ».
Une grande page du cinéma néoréaliste italien.
"Jardins de pierre" (1987) de
Francis Ford Coppola avec James Caan, Anjelica Huston, James Earl Jones ;
Couleurs – 111 mn – VOST + VF ; Nouvelle Restauration, Disponible en Blu-ray
& DVD, Carlotta, 2021.
1969, Virginie. Au cimetière militaire d’Arlington, le lieutenant Jackie
Willow est inhumé avec les honneurs de la nation. Avant de partir combattre
au Vietnam, ce dernier avait fait ses premières armes au sein même de Fort
Myer, chaperonné par le sergent Clell Hazard. Entre ce vétéran de Corée qui
a cessé de croire à la nécessité de cette guerre et le jeune idéaliste
Willow, une forte complicité s’était nouée au fil des mois…
Avec « Jardins de pierre » du réalisateur Francis Ford Coppola, point de
napalm, ni d’opéra wagnérien sur fond d’hélicoptères de combat, même si la
guerre du Vietnam demeure également au cœur de cette réalisation à huis
clos. Ici, Coppola fait choix d’un autre angle, plus froid et formel, pour
mieux en développer d’autres aspects, plus introspectifs et intimistes.
Eloignés du conflit, tout en demeurant omniprésent dans les esprits, les
protagonistes de cette réalisation atypique se débattent quant au sens de
leur vie, entre idéaux et conscience, valeurs et prise de conscience. Huit
ans après « Apocalypse Now » Coppola signe avec « Jardins de pierre » une
réalisation sensible, notamment dans le traitement original du vétéran
incarné avec brio par un James Caan inspiré, plus vrai que nature.
Les failles introduites dans cet esprit animé jusqu’alors que par des
valeurs martiales trouvent dans une jeune recrue à la fois un fils spirituel
et une renaissance de ses propres convictions désormais fissurées. Commence
alors un combat non plus sur le champ de bataille, mais dans les méandres de
la psychologie de chacun des protagonistes, pour cette réalisation brillante
et originale dans la catégorie des films de guerre.
" Saint Augustin "; un film de
Christian Duguay avec Alessandro Preziosi, Franco Nero, Alexander Held,
Monica Guerritore, Francesca Cavallin ; Film : 16/9 - Couleur - 1.85, AUDIO
: Versions VF et VOST, DURÉE : 3 h 20 min (2 x 100 min) • BONUS :
Bandes-annonces Sortie DVD en Février 2021.
Août 430 après J.-C., quelques années avant la chute de Rome, Hippone est
assiégé par les barbares vandales du roi Genseric. Le peuple, terrifié, se
laisse envahir par le désespoir. L’évêque d’Hippone, Saint Augustin, âgé de
soixante-dix ans, a le choix de quitter la ville sur un bateau envoyé par le
Pape…
Il fallait une belle dose de courage et d’espérance pour représenter à
l’écran la vie de l’un des quatre pères de l’Église, Augustin d’Hippone. Ce
pari difficile s’avère cependant être plus que réussi avec ce film de
Christian Duguay qui - il est vrai - n’en est pas à son premier coup
d’essai. Le réalisateur d’Un sac de billes, Belle et Sébastien, Jappeloup et
de la série Medicis s’attaque, ici, à un monument de la théologie
chrétienne, saint Augustin ayant en effet rédigé de sa plume des sommes de
spiritualité notamment la Cité de Dieu et ses célèbres Confessions. (Lire
l’interview de Lucien Jerphagnon ) C’est justement à partir de ce
dernier ouvrage, les Confessions, que le scénario a été bâti, prenant pour
fondement une longue réminiscence de la vie tumultueuse du saint ; Qui,
ainsi que saint Augustin, lui-même, le confesse, ne le fut pas, cependant,
dès ses premières années… Christian Dugay n’a pas souhaité, pas plus que
saint Augustin ne l’a fait pour lui, réaliser une hagiographie.
Le jeune Augustin issu de l’Algérie romaine antique n’avait, en effet,
qu’une seule et grande ambition, celle d’exceller dans l’art oratoire et
gagner une reconnaissance absolue. Il parviendra rapidement à atteindre son
but, en omettant toute vérité si ce n’est celle de la rhétorique et de la
persuasion à ses seules fins et celles des intérêts de ses commanditaires.
Aussi Augustin apparaît-il avec un visage moins reluisant que celui que nous
lui connaissons habituellement, et que nous retrouvons dans la première et
la dernière partie du film.
Ce long-métrage retrace avec nuances, et à partir du témoignage même du
saint, sa vie, ses travers, ses multiples erreurs et victoires. La mise en
scène dans des décors naturels de toute beauté, le jeu des acteurs
convaincants, et surtout un déroulé des évènements précis (mouvement
manichéen, crise du donatisme,…) dans le contexte troublé de l’empire en
déliquescence au Ve siècle ajoutent à la réussite de ce film non seulement
didactique, mais également touchant par le message qu’il délivre en notre
époque difficile.
"Enragé" ; Un film de Derrick Borte
avec Russell Crowe, Caren Pistorius, Gabriel Bateman ; DVD, 87 MIN – FORMAT
IMAGE : 16/9 ; 2.39 – AUDIO : DOLBY DIGITAL VF 5.1 + 2.0 / VO 5.1 + 2.0 –
AUDIODESCRIPTION – SOUS-TITRES FRANÇAIS – SOUS-TITRES SOURDS ET
MALENTENDANTS, DVD, M6 Vidéo, 2020.
Mauvaise journée pour Rachel : en retard pour conduire son fils à
l’école, elle se retrouve coincée au feu derrière une voiture qui ne
redémarre pas. Perdant patience, elle klaxonne et passe devant. Quelques
mètres plus loin, le même pick-up s’arrête à son niveau. Son conducteur la
somme de s’excuser, mais elle refuse. Furieux, il commence à la suivre… La
journée de Rachel se transforme en véritable cauchemar.
La banalité du quotidien de nos sociétés « modernes », une famille
décomposée, un emploi du temps débordant toutes les taches au risque du
burn-out, mais aussi le chômage, la descente aux enfers, et la goutte d’eau
qui fait tout déborder… C’est ainsi que débute « Enragé », un film de
Derrick Borte, évoquant une journée infernale dans une ville des États-Unis.
Portant sur 24 heures, cette réalisation au rythme trépidant vaut surtout
pour l’interprétation surprenante et hors norme de Russell Crowe,
métamorphosé ici pour ce rôle. Celui que l’on avait l’habitude d’apprécier
pour ses interprétations empreintes d’empathie et de courage (« Gladiator »
; « Master and Commander »…) se transforme, en effet, en enragé du volant,
prêt à déverser, après avoir tué sa femme et son fils, toute sa fureur et sa
haine sur une nouvelle victime, Rachel, également ballottée, stressée et
malmenée par la vie.
« Enragé » qui n’est pas sans faire penser au fameux film « Duel » de Steven
Spielberg, l’essentiel des scènes se trouvant filmées à partir des véhicules
des protagonistes, parvient à imposer une atmosphère oppressante en évoquant
le sort de personnages ordinaires, basculant de l’autre côté de la ligne…
Rachel, après avoir vaincu sa peur, empruntera, en effet, pour survivre la
propre folie furieuse de son agresseur, et deviendra elle-même une femme et
une mère enragée.
Plus que les spectaculaires cascades et crashs de véhicules, ce film offre
une belle interprétation de Russell Crowe à contre-courant de ses rôles
habituels face à Caren Pistorius, jeune actrice convaincante par son naturel
et spontanéité.
« Romero » ; Un film de John Duigan
avec Raul Julia, Richard Jordan et Ana Alicia ; DVD, Versions : VF / VOSTFR,
Saje Productions, 2020.
La vie et l’œuvre édifiantes de l’archevêque Oscar Romero, opposant au
régime totalitaire du Salvador dans les années 70, qui devient la voix des
pauvres au péril de sa vie… Reconnu comme martyr, il sera béatifié, puis
canonisé par le Pape François en 2018.
C’est la vie d’un saint qui est évoqué dans ce film direct et sans
artifices. L’histoire débute par le quotidien ordinaire d’un évêque sans
ambition, plongé dans ses livres et la théologie. Mais les réalités sociales
de son pays, le Salvador, aux prises au pouvoir militaire imposant une
dictature le rattraperont rapidement jusqu’au point de lui imposer une
mission à laquelle il n’avait guère songé jusqu’alors : devenir la voix des
pauvres et démunis…
John Duigan en choisissant comme acteur Raul Julia a fait choix de la
sobriété et de la fragilité. L’homme n’apparaît pas comme un héros
infaillible, mais au contraire déploie toute une palette de nuances qui font
de lui un homme prudent et réservé au début du film. Ce n’est que
progressivement que cet homme de Dieu découvre le quotidien de son pays
ravagé par les inégalités. Réalisant que Jésus serait de ce côté-ci de la
barrière et non de celui des nantis, débute alors pour lui un combat sans
concessions à l’égard des oppresseurs.
Ce film presque documentaire – notamment ces terribles photographies de
victimes suppliciées par la junte militaire – pose également les frontières
toujours délicates entre défense des opprimés et combat mené par la
théologie de la libération. Courageusement, en effet, le réalisateur évoque
le cas de ces prêtres ayant franchi la ligne en allant jusqu’à prendre les
armes contre les oppresseurs, une frontière que ne transgressera jamais
l’archevêque Romero.
Cette réalisation émotionnellement forte et sensible pose, on ne peut le
nier, un grand nombre de questions sur le rôle et la place du chrétien, mais
aussi de ses responsables dans une société par temps de crise, un
questionnement encore malheureusement d’une cruelle actualité…
« Feux dans la plaine », un film de
Kon Ichikawa (1959), avec Eiji Funakoshi, Osanue Takisawa, Mickey Curtis,
Asao Sano, Masaya Tsukida, DVD et BLU-RAY, BONUS Interview de Bastian
Meiresonne, éditions Rimini (Arcades distribution), 2016.
1945, aux Philippines. Les troupes américaines ont débarqué et conquis la
capitale, Manille. Les soldats japonais, maîtres de l’Archipel depuis trois
ans, sont contraints de se replier. Traqués de toutes parts, affamés,
épuisés, ils ne pensent qu’à survivre coûte que coûte. Autour d’eux, tout
n’est que bombardements, carnages et charniers. L’un de ces soldats, Tamura,
est atteint de tuberculose. Parviendra-t-il à conserver un peu d’humanité
dans cette atmosphère de fin du monde ?
C’est un film puissant et inhabituel dans le cinéma japonais d’après-guerre
que livre Kon Ichikawa (1915-2008) avec Feux dans la plaine faisant
l’objet pour la première fois d’une sortie DVD et Blu-Ray en France par les
éditions Rimini (Arcades distribution). Le réalisateur de La Harpe de
Birmanie (1956) et de La Vengeance d’un acteur (1963) est bien
moins connu en France que les autres maîtres du cinéma japonais tels Ozu,
Mizoguchi ou bien évidemment Kurosawa qui occupent depuis de nombreuses
années déjà l’espace des sorties en salle et DVD. Et pourtant, en découvrant
Feux dans la plaine, le spectateur réalise combien celui qui en une
soixantaine d’années a réalisé quasiment un film par an n’a rien à envier à
ses pairs. Ainsi que le souligne, dans le très complet bonus, Bastian
Meiresonne, coauteur du Dictionnaire du Cinéma asiatique et Directeur
artistique du Festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul, Feux
dans la plaine est indissociable du célèbre roman de Shohei Ooka Les
Feux (Nobi) qui sortit en 1951 et compta parmi les plus célèbres romans
d’après-guerre. Ce récit doit beaucoup à l’expérience personnelle de
l’auteur du roman en tant que soldat engagé lors de la Seconde Guerre
mondiale aux Philippines. Kon Ichikawa, qui ne sera pas lui enrôlé,
s’inspirera très fortement de ce récit dans la réalisation de Feux dans
la plaine, un film qui choqua non seulement le public japonais lors de
sa sortie mais également les Américains qui ne souhaitaient pas que l’on
ravive les blessures encore béantes de cette guerre sans piété. Toujours
est-il que le réalisateur parvient dans cette sombre évocation d’une armée
japonaise en déroute, sur fond de paysages cataclysmiques, à toucher de plus
près ce qui constitue l’homme et les fragiles limites qui le séparent de
l’animal. Ces êtres fantomatiques, affamés et épuisés, sont confrontés au
tabou le plus extrême de l’humanité, frontière ténue évoquée avec une grande
maîtrise par ce film puissant. Kon Ichikawa avait tenu à ce que ce
long-métrage soit réalisé en noir et blanc, la beauté de l’image et des
cadrages honorent cette initiative, près de soixante ans après la sortie de
ce film à découvrir absolument dans cette version remastérisée.
Mia Madre, un Film De Nanni Moretti
avec Margherita Buy, John Turturro, Giulia Lazzarini,
Nanni Moretti & Beatrice Mancini, DVD & BRD, Le Pacte, 2016.
Margherita est une réalisatrice en plein tournage d’un film dont le rôle
principal est tenu par un célèbre acteur américain. À ses questionnements
d’artiste engagée, se mêlent des angoisses d’ordre privé : sa mère est à
l’hôpital, sa fille en pleine crise d’adolescence. Et son frère, quant à
lui, se montre comme toujours irréprochable… Margherita parviendra-t-elle à
se sentir à la hauteur, dans son travail comme dans sa famille?
Si l’avant-dernière réalisation de Nanni Moretti, Habemus Papam,
était beaucoup plus extravertie, le dernier film Mia Madre adopte un
ton beaucoup plus personnel et intime. Les premières scènes sont celles d’un
tournage d’un film au cours duquel nous découvrons Margherita, réalisatrice
tourmentée par le doute quant à son art et son travail, rongée par son souci
de perfection et confrontée à la fin de vie de sa mère qui exacerbe toutes
ces tensions. Nanni Moretti a en quelque sorte délégué ce rôle très
personnel à Margherita Buy, cette actrice qui manifeste par ses regards, ses
gestes interrompus, une sensibilité à fleur de peau mais retenue par une
obsession du contrôle. Le réalisateur livre ici un témoignage ému sur ce que
fut sa propre expérience de la disparition de sa mère, elle-même professeur
de lettres et dont les élèves gardèrent un souvenir inoubliable. Nul
dolorisme ici, les scènes sont très pudiques, ce qui les rendent d’autant
plus fortes, nous rions parfois avec les excès de l’acteur américain John
Turturro, nous tombons sous le charme de la grande comédienne italienne
Giulia Lazzarini en grand-mère attachante, une larme vient parfois à l’œil
avec ces évocations que chacun de nous a connues ou connaîtra. Certaines
scènes évoquent des rêves ou des songeries sans que le spectateur ne soit
certain qu’il ne s’agisse pas de la réalité, Nanni Moretti jette ainsi sur
le quotidien un regard tendre, ironique parfois, mais toujours très
personnel qui fait de Mia Madre une belle leçon de vie et de cinéma.
PASOLINI un film d'Abel Ferrara avec Willem Dafoe,
– France / Italie / Belgique – Fiction – 84’ – 1:85 – 5.1, 2014, CAPRICCI,
URANIA PICTURES, TARANTULA, DUBLIN FILMS et ARTE FRANCE CINÉMA.
Rome, novembre 1975. Le dernier jour de la vie de Pier Paolo Pasolini.
Sur le point d’achever son chef-d’œuvre, il poursuit sa critique impitoyable
de la classe dirigeante au péril de sa vie.
Ses déclarations sont scandaleuses, ses films persécutés par les censeurs.
Pasolini va passer ses dernières heures avec sa mère adorée, puis avec ses
amis proches avant de partir, au volant de son Alfa Romeo, à la quête d’une
aventure dans la cité éternelle…
Délicat pari que de présenter la vie de Pier Paolo Pasolini en un long
métrage de moins de 90 minutes, pari d’autant plus difficile que le scénario
a fait le choix de retenir les seules dernières 24 heures d’un des plus
grands intellectuels italiens du XXe siècle. Pier Paolo Pasolini n’était
pas, en effet, seulement le poète apprécié pour sa sensibilité critique, la
délicatesse de ses émotions et sa passion pour les dialectes tels le
frioulan maternel, il était également l’homme qui inventa un nouveau cinéma,
l’intellectuel engagé dans un combat sans merci sur les ravages du
capitalisme sans oublier le mélomane, l’amoureux des arts et de la
littérature qu’il servit toute sa vie… Le réalisateur Abel Ferrara a réussi,
grâce à un travail d’imprégnation remarquable, à restituer toute l’épaisseur
de cette figure majeure du paysage intellectuel et culturel du XX° siècle,
sans le dénaturer, ni déformer ses traits. A quoi tient cette réussite ?
Tout d’abord au choix d’un acteur littéralement habité par son sujet, Willem
Dafoe, plus convaincant en Pier Paolo qu’en Christ, avec ce visage creusé
par l’intériorité, les questionnements existentiels et cette quête qu’il
poursuivit toute sa vie durant. Ce choix n’était pas si évident car l’acteur
connaissait déjà Pasolini et avait bien entendu une idée du personnage, il
dut néanmoins s’en défaire pour le reconstruire patiemment à partir de zéro,
sans mimétisme servile, recréant une réalité propre, un Pasolini probable,
sans pour autant l’enfermer dans une reconstitution figée. L’interprétation
est réussie et, bien entendu, certains pourront relever que le personnage
apparaît fragile, bouleversé parfois, doutant et combattant, ce qui
correspond certainement plus au personnage réel qu’à l’icône du martyr que
l’on a trop souvent retenu depuis son assassinat dramatique en 1975. Comme
le souligne Abel Ferrara, c’est par touches successives – un peu comme un
peintre du fauvisme – que s’élabore ce tableau saisissant que sont les
dernières heures du poète-écrivain. La deuxième force de ce film tient à son
scénario parvenant à concentrer toutes les tensions exacerbées de
l’intellectuel au sommet de son art, mais également affaibli par les luttes
incessantes et sa lucidité sur le monde qui l’entourait. Nous retrouvons
alors les piliers indestructibles de l’univers pasolinien : l’amour de la
langue, la passion de l’écriture, les combats politiques, la présence
essentielle de la famille et notamment de la mère, les errances du corps et
de l’âme… Ferrara a réussi en effet avec cette belle réalisation à restituer
une pulsation qui restitue le personnage et l’œuvre de cette figure si
particulière qu’était Pier Paolo Pasolini. Le film se termine par la
violence du dernier souffle avec le choix délibéré d’écarter toute idée de
complot pour lui préférer l’aberration de la violence, fruit d’une société
aliénée.
RACHMANINOV (2007), un film de Pavel
Lounguine avec Evgeni Tsyganov, Alexei Petrenko, Victoria Isakova, Miriam
Sekhon, Russie, DVD Edition Collector, Condor, 2014.
Russie, début XXe. Manifestant des dons prodigieux pour la pratique du
piano, le jeune Serguei est mis en pension chez un vieux maître acariâtre.
Mais plutôt que de devenir un interprète virtuose au prix d’éprouvantes
heures de répétition, lui rêve à d’autres horizons : les femmes, la liberté
et le privilège de donner entendre ses propres compositions. Il ignore
encore la vie mouvementée que lui réserve le destin, faite d’exils, de
passions et de tourments.
A l’évocation du nom de Rachmaninov, les premiers accords du concerto n° 1
reviennent à la mémoire comme une douce mélancolie à peine suggérée,
étroitement associée à des arpèges foudroyants. L’auteur en est pourtant un
jeune compositeur russe de dix-huit ans… Ces contrastes et la vie
mouvementée de celui qui sera bientôt un exilé tourmenté, composeront la
trame d’un film d’une belle sobriété de Pavel Lounguine, le réalisateur
russe de Taxi blues, La Noce, Un nouveau Russe, L’Île… La poésie s’exprime
de multiples manières dans cette réalisation d’une subtile légèreté, comme
ces lilas qui progressivement deviendront un leitmotiv en images mémorables,
comme en musique avec le saisissant Opus 21 n° 5 du même nom que l’on
s’attend à chaque fois à entendre... Avec ce film, la psychologie suggère
plus qu’elle n’assène, le jeune Serguei a souffert manifestement d’un
traumatisme que l’on devinera par quelques retours en arrière, cette
sensibilité sera à jamais gravée dans sa mémoire et dans ce qu’il exprimera
avec ses œuvres. Les mains hors du commun du pianiste virtuose étouffent le
compositeur marqué par l’exil, les métaphores du train spécialement affrété
pour une tournée sur tout le territoire des États-Unis préfigurent le «
star-system » qu’un Franz Liszt avait anticipé presque un siècle avant lui.
Les aspirations du compositeur sont bridées par ce que certains ont décidé
de sa vie, et les accords sombres du trop célèbre Prélude Opus n° 3 n°2
préfigurent les déchirements de l’âme de celui qui arrêtera de composer avec
son exil pendant huit années. Avec Rachmaninov, Pavel Lounguine livre une
variation inspirée et poétique sur l’âme slave du grand compositeur russe
sur fond d’exil et de nostalgie.
A noter en bonus le regard porté sur le compositeur par la
pianiste virtuose Claire-Marie Le Guay
Ina Editions édite trois films
inédits de Marguerite Duras dans un coffret 4 DVD unique, avec la
collaboration de Jean-Max Colard, critique d’art et commissaire de
l’exposition « Duras Song (Portrait d’une écriture) » à la Bpi du Centre
Pompidou, l’Ina édite un coffret 4 DVD. 2014.
En publiant ce coffret réunissant trois films inédits de Marguerite Duras -
La femme du Gange ( 1974) ; Baxter, Vera Baxter (1976 ) ;
Des journées entières dans les arbres (1977), l’Ina Éditions offre
l’opportunité – enfin ! - de découvrir ou redécouvrir une partie moins
connue et souvent négligée de l’œuvre cinématographique de celle qui fût
également ce grand écrivain français et dont 2014 marque le centenaire de sa
naissance. L’écrivain a très tôt adopté une position décomplexée quant au
cinéma, estimant que tout le monde pouvait parler du cinéma, désacralisant
ainsi cette image du 7ième art sans pour autant lui enlever, bien au
contraire, sa force, son génie parfois, et sa capacité à être le relais de
l’écriture, car pour Marguerite Duras, il y le Cinéma et l’autre, celui du
samedi... Relais ou mémoire de l’écriture, le cinéma pour Marguerite Duras
est un acte de réminiscence à part entière pouvant participer activement,
avec l’acte d’écriture, à cette déstructuration à laquelle il peut apporter
un éclairage et un angle inédit intéressant. La femme du Gange que
Duras considérait comme son film le plus abouti – plus encore qu’Hiroshima
mon amour qu’elle estimait bavard – invite le spectateur à
différents niveaux de lecture. Ce film fut tourné en 1972 à Trouville au
fameux hôtel des Roches Noires où Proust avait auparavant, lui aussi, ses
habitudes et dans lequel Duras avait acheté cet appartement qu’elle gardera
quasiment jusqu’à la fin de sa vie. Diffusé au début de l’année 1974 sur la
chaine de l’ORTF, ce long métrage est tiré du roman Le Vice Consul
dans lequel un riche propriétaire terrien revient dans une ville en bord de
mer où il a connu une passion amoureuse. La femme aimée est morte et l’homme
erre en peine, absent à l’amour, comme à la vie. S. Thala, Lol V. Stein,
bien sûr et toujours… Avec des plans fixes exploitant toutes les nuances de
l’onde et de la plage, de l’attente et de l’absence, ce film d’une rare
sobriété évoque par certains moments cet univers de l’Ukiyo-E, ce monde
flottant avec ses acteurs dont on ne sait s’ils appartiennent au monde des
vivants ou du passé. Ici, l’image fixe, ouverte vaut silence, cette force du
silence des mots, du mot juste qu’obsédait tant Marguerite Duras. Le
souvenir amène la perte et une des voix off fait cet aveu : « moi aussi, il
me vient parfois une autre mémoire » et c’est très certainement l’une des
forces de ce cinéma que d’inviter dans sa quête du désir impossible, du
désir entier et mortel, cette distance qui sépare entre l’absolu et nos
existences terrestres. Michael Richardson est-il le gardien de la mémoire de
cette histoire d’amour ? La réponse est impossible tant le vide de la
remémoration pose la question de ce qui reste après ce qui a été. La sirène
retentit, celle de l’incendie et l’on entend cette phrase tranchante comme
un couperet : « Ça brule souvent, ça brûle toujours quelque part… ».
L’incendie de la mémoire, l’incandescence de la passion, face à
l’omniprésence de l’eau qui menace, efface et ensevelit tous les désirs.
Avec ce coffret de trois films inédits de Marguerite Duras incluant
également Marguerite, telle qu’en elle-même ( 2002 ) et Duras et
le cinéma (2014), l’Ina Editions nous offre assurément un beau cadeau
auquel a collaboré Jean-Max Colard, commissaire de l’exposition Duras
Song qui se tient actuellement à la Bpi du Centre Pompidou.
La femme du Gange - 1974
Comédiens : Catherine Sellers, Nicole Hiss, Gérard Depardieu, Dionys Mascolo,
Christian Baltauss, Robert Bonneau, Véronique Alepuz, Rodolphe Alepuz.
Baxter, Vera Baxter - 1976
Comédiens : Claudine Gabay, Delphine Seyrig, Noëlle Châtelet, Nathalie Neil,
Claude Aufaure et Gérard Depardieu. Avec la voix de François Périer.
Des journées entières dans les arbres - 1977
Comédiens : Madeleine Renaud, Bulle Ogier, Jean-Pierre Aumont et Yves Gasc.
En compléments, deux films sur Marguerite Duras réalisés par Dominique
Auvray
Dominique Auvray était la monteuse de Marguerite Duras, mais également son
amie. Dans le portrait Marguerite telle qu’en elle-même, elle réussit un
film dans lequel Marguerite Duras évolue, bouge, parle, discute, rit, se
souvient, se révolte, bref VIT. Duras et le cinéma, son deuxième film part à
la découverte du cinéma en général, à travers la vision de Marguerite Duras
en particulier, et de ses films par la même occasion.
Marguerite, telle qu’en elle-même - 2002
Duras et le cinéma - 2014
TESIS Un film de Alejandro AMENÁBAR
avec : Ana TORRENT, Fele MARTĺNEZ, Eduardo NORIEGA, Miguel PICAZO, Javier
ELORRIAGA| Thriller | Espagne | 1995 | 124mn | Couleurs | 1.85:1, DVD,
Carlotta, 2014.
Angela, étudiante en communication, prépare une thèse sur la violence
dans les médias. Son directeur de recherche se propose de l’aider à trouver
des films aux images violentes à la vidéothèque de l’université. Le
lendemain, il est retrouvé mort dans la salle de projection. Angela découvre
le corps et vole la mystérieuse cassette que le professeur regardait avant
de mourir. Elle décide alors d’enquêter aux côtés de Chema, un étudiant
fasciné par les films gore. Ils découvrent bientôt l’existence d’un réseau
de snuff movies au sein même de l’université…
Premier long métrage d’Alejandro Amenabar, réalisé à l’âge de 23 ans alors
qu’il était encore étudiant, Tesis est un film d’autant plus intéressant
qu’il place le spectateur face à lui-même, face au rapport que nous
entretenons à l’image même. Se passant dans le milieu universitaire espagnol
de la communication dans les années 90, milieu familier au réalisateur, ce
film aurait pu être un film d’angoisse et un thriller de plus, si Alejandro
Amenabar n’avait pas apporté cette touche personnelle d’une rare maturité
pour un réalisateur aussi jeune à l’époque. Si le film évoque
l’environnement de personnes fascinées par les films gore d’une rare
violence, il n’en est pas pour autant prétexte à un voyeurisme exposé. Tout
est suggestion ou presque chez Amenabar, ce qui ne surprend pas lorsqu’on
sait la passion qu’il a pu avoir pour les réalisations d’Hitchcock. Le
personnage central d’Angelo est particulièrement réussi et interprété avec
une belle authenticité par la troublante Ana Torrent qui a commencé sa
carrière d’actrice à l’âge de 7 ans avec les films remarqués L’esprit de
la ruche et Cria Cuervos. Son rôle est en effet ambiguë, car de
l’attitude morale commune de rejet et de dégout pour la violence et la
morbidité, progressivement la caméra dévoile certaines failles dans sa «
normalité » et nous invite ainsi à interroger notre rapport à l’image et à
ce qu’elle peut révéler de pire en nous. Ce film d’une belle sobriété quant
au sujet traité est d’autant plus fort qu’il brouille les pistes et tous les
protagonistes de cette sombre histoire se retrouvent comme des coupables
potentiels. Peut-être est-ce là l’une des leçons les plus terribles de ce
film que de nous interroger sur cette part sombre ou noire qui habite en
chacun de nous ; Un film qui interpelle à l’évidence.
Le Désert des Tartares de Valerio
Zurlini (1976) - Film restauré par Galatée Films
Avec Vittorio Gassman, Giuliano Gemma, Helmut Griem, Philippe Noiret,
Jacques Perrin, Fransciso Rabal, Fernando Rey, Laurent Terzieff, Jean-Louis
Trintignant, Max von Sydow, DVD, Galatée Films, Pathé, 2014.
Dans l'immensité du désert résonne le chant des Tartares, cavaliers
légendaires aussi insaisissables que le vent qui balaye la poussière. Dans
la forteresse Bastiano, le jeune Lieutenant Drogo espère quelques faits
d'armes pour rapidement quitter sa prison de sable. Les années passant,
l'ennui consume peu à peu ses rêves de gloire face à un ennemi fantomatique,
brouillard dans la plaine où résonne l'écho du désespoir de ceux qui
attendent la délivrance du combat et de la mort.
Le roman « Le désert des Tartares » de Dino Buzzati, paru en 1940, a valu
une notoriété certaine à son auteur déjà journaliste et essayiste. Influencé
par l’univers de Kafka, athée s’interrogeant sur le sens du monde, Dino
Buzzati a bouleversé un grand nombre de lecteurs avec ce récit à la fois
sombre et onirique, poétique et sans issue. Valerio Zurlini a relevé le défi
en 1976 en adaptant ce roman à l’écran avec un casting impressionnant qui ne
sera pas, bien sûr, étranger à la réussite du film. Cette adaptation est
d’une étrangeté captivante en ce sens que l’on y retrouve cette ambiance si
particulière qui accompagne le roman jusqu’à son terme, un environnement
exclusivement masculin, où les regards importent souvent plus que les
dialogues. Le jeu des acteurs est d’une rare authenticité, à la fois
respectueux des enjeux des non-dits et en même temps d’une force
d’expression rare. Ce film de Valerio Zurlini séduit à la fois pour sa
technique cinématographique rigoureuse, mais aussi pour la beauté poignante
des paysages entourant la forteresse et cet éclairage particulier qui
confère par cette esthétique suggérée une lecture originale -tout en restant
fidèle au roman. Tous les protagonistes ont leur regard tourné vers
l’immensité suggérée du désert, regard d’espoir et en même temps élan fatal
qui prépare le destin tragique et inexorable de tout être humain. Le Désert
des Tartares fait partie de ces chefs d’œuvre dont on ne ressort pas indemne
et qu’il faut à tout prix (re)voir avec cette belle édition restaurée !
Infos techniques DVD :
Pavé technique :
DVD 9 - Format 1.85 - Ecran 16/9ème compatible 4/3 - Couleur - Durée : 2h15
Pavé audio :
Son : Français Dolby Digital Mono / Audiovision
Sous-titres : Anglais et Français pour sourds et malentendants
Bonus :
Le Désert des Tartares : de l'adaptation à la restauration
Entretiens avec Laurent Desbruères, Jean Gili, Gérard Lamps, Jacques Perrin,
Luciano Tovoli et Max Von Sydow
(également disponible en Blu-Ray, Vod et téléchargement définitif)
A noter toujours chez Pathé la sortie de deux autres films mythiques
restaurés :
Films policiers typiques des années 70, Borsalino and Co et Le Gang, deux
des neuf collaborations de Jacques Deray avec Alain Delon, viennent d'être
restaurés par Pathé.
Réalisés par un maître du genre, connu pour son sens inné du récit et de
l'action, ces deux films, mettent en lumière un des acteurs les plus
mythiques du cinéma français : Alain Delon.
La grande Bellezza un film de Paolo Sorrentino avec
Toni Servillo, Carlo Verdone, Sabrina Ferilli, distribution Pathé
Distribution, 2013.
Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le
Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep
Gambardella – un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes
de la vieillesse – jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les
soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie
recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa
jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation
d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et
désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité.
Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne
des fêtes où se met à nu « l’appareil humain » – c’est le titre de son roman
– et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se
remettre à écrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel
il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût
de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque
chose de paralysant...
La grande beauté serait-elle le remède au doute existentiel qui étreint
souvent le cœur de l’homme ? C’est à cette interrogation à laquelle nous
convie le dernier film de Paolo Sorrentino dans une belle réalisation alerte
et enlevée qui n’est pas sans rappeler certains films de Woody Allen et de
Denys Arcand dont notamment le Déclin de l’empire américain. La vacuité de
nos vies est au cœur des questionnements de l’homme depuis la plus ancienne
antiquité et déjà Sénèque raillait en son temps certains de ses
contemporains vautrés dans la luxure qui ne savaient plus s’ils étaient
allongés ou debout… Près de XX° siècle plus tard, l’Histoire se répète et
Paolo Sorrentino soulève la même question du sens de la vie, de nos
quotidiens, de nos rêves et de nos lâchetés. Cette longue digression est
axée autour du personnage central de Jep Gambardella interprété avec
grandeur par l’acteur fétiche du réalisateur Toni Servillo. Le tumulte des
fêtes felliniennes, les gouffres kafkaïens qui avalent sans concessions les
personnages ballotés par des vies sans significations, la beauté impériale
et impérieuse de la ville éternelle tissent une toile inextricable avec
laquelle le personnage central désabusé et cynique a peine à composer. Et
pourtant des réminiscences offrent des voies possibles, celle d’une enfance
dorée où les vergers d’agrumes évoquent les fruits de la vie à cueillir et
l’image du premier amour, le souvenir éternel de ce qui aurait pu être… Mais
les artifices sont bien présents pour rappeler inexorablement les lois
physiques de l’attraction terrestre : drogues, fêtes, vanités, orgueil,
méchanceté, ironie, désespoir, narcissisme, égoïsme et bien d’autres encore
ternissent cette grande beauté qui paraît si lointaine et pourtant si proche
dans cette ville de Rome. A revoir absolument en DVD !
« La Section Anderson » (1966),
réalisation : Pierre Schoendoerffer, coffret 2 DVD, INA éditions, 2013.
Septembre 1966 : la guerre du Vietnam se
durcit. Pierre Schoendoerffer se rend sur place pour le compte de l’émission
de télévision « Cinq colonnes à la une ». En pleine jungle, il suit pendant
plusieurs semaines la progression d’une section américaine, composée de
jeunes appelés, menée par le lieutenant noir-américain Joseph B. Anderson.
Voici plus qu’un documentaire, sans être pour autant un film. À vrai dire,
au terme de cet incroyable moment passé avec la section du lieutenant
Anderson, toutes les fictions qui ont été réalisées – même les mieux
documentées – paraissent bien artificielles. Car ce n’est pas du cinéma dont
il s’agit ici, mais bien du témoignage d’un instant de vie essentiel à ces
jeunes recrues qui, pour la plupart du temps, n’ont pas été volontaires pour
combattre dans une guerre qui les dépasse. Mais le génie de Pierre
Schoendoerffer (lire
l’interview exclusive qu’il avait accordée à notre revue) est de
dépasser ces contingences pour s’enfoncer au cœur de l’homme, comme il avait
pénétré avec ces soldats caméra à l’épaule au cœur de la jungle
vietnamienne. Et là, presque comme par magie, les visages sombres et gagnés
par la peur, l’anxiété et la faim trouvent des moments de rayonnements,
notamment lorsqu’en 1966, noirs et blancs américains oublient la couleur de
leur peau et s’unissent dans une osmose parfaite non seulement de survie,
mais également de fraternité. Il ne s’agit pas cependant d’un de ces films
de propagande tels que les États-Unis ont su produire afin de remonter le
moral des troupes, mais bien d’une fenêtre ouverte sur un instant
d’Histoire, celle d’un conflit qui dépasse le seul Vietnam, et également sur
des vies, bouleversées à jamais par ces instants exceptionnels. Avec cette
réalisation ayant remporté un Oscar en 1968 du meilleur documentaire, un
autre témoignage tout aussi émouvant est également proposé : « Réminiscence,
1989 » ; dans ce dernier document, le réalisateur français, 20 ans après ces
évènements, est parti à la recherche des survivants de cette section, dans
une Amérique qui avait pansé tant bien que mal les plaies de ce conflit à la
différence des protagonistes que nous retrouvons, pour certains « réadaptés
» à la vie civile, pour d’autres fragilisés à jamais.
"Madame de..." un film de Max Ophuls
(1953), avec Charles Boyer, Danielle Darrieux, Vittorio De Sica, durée : 100
mn, collection Gaumont classiques, Gaumont, 2014.
Pour régler ses dettes, Madame de... vend à un bijoutier des boucles
d'oreilles que son mari, le Général de..., lui a offertes et feint de les
avoir perdues. Le Général, prévenu par le bijoutier, les rachète et les
offre à une maîtresse qui les revend aussitôt. Le baron Donati les acquiert
puis il s'éprend de Madame de... et en gage de son amour lui offre les
fameuses boucles d'oreilles. Le parcours de ce bijou aura des conséquences
dramatiques.
Ce nouveau master restauré en haute définition permettra à tous les
nostalgiques des films de Max Ophuls de retrouver ce fameux « Madame de… »
réalisé à partir du roman de Louise de Vilmorin et narrant les frasques de
l’épouse mondaine d’un général d’empire. Le thème de l’amour fatal est
récurrent dans l’œuvre de Max Ophuls et ce film ne fait pas exception. Alors
que l’on pensait Madame de… (rôle idéalement dédié à Danielle Darrieux)
inexorablement légère et insouciante, sa frivolité trouve un terme – qui
deviendra vite dramatique – avec un amour-passion pour un ambassadeur
italien joué avec finesse par Vittorio De Sica. Car Madame de… est, du moins
dans la première partie, l’archétype même de la femme superficielle avec
cette attitude distante et amusée que le réalisateur souhaitait imprimée à
l’actrice incarnant Louise : « Votre tâche sera dure. Vous devrez, armée
de votre beauté, votre charme et votre élégance, incarner le vide absolu,
l’inexistence. Vous deviendrez sur l’écran le symbole même de la futilité
passagère dénuée d’intérêt. Et il faudra que les spectateurs soient épris,
séduits et profondément émus par cette image. ». Danielle Darrieux y
parvient à merveille, à un point tel que le reste du film émeut par cette
spirale des passions à partir du thème du bijou qui dépasse la vie de ses
protagonistes. Merveilleusement filmée, cette belle réalisation fut
l’avant-dernière œuvre du grand réalisateur qui nous est donnée à revoir
dans tout son éclat grâce au beau travail de restauration réalisé.
Théorème (Teorema) – 1968, un film Pier
Paolo Pasolini, avec Terence Stamp, Silvana Mangano, Laura Betti - Prix
d’interprétation féminine à Laura Betti, Festival de Venise 1968, Prix de
l’Office Catholique du Cinéma, 1.85 - 4/3 - 1h34 - VF - Italien -
Sous-titres français, Blue-Ray, Sidonis, 2014.
Un étrange visiteur débarque dans une famille bourgeoise. Très beau, très
séduisant, il bouleverse leur existence. Chacun s’éprend de lui à sa manière
et, grâce à lui, va assouvir ses désirs sexuels les plus secrets et prendre
ainsi conscience de ce qu’il est réellement. L’annonce de son départ va
provoquer la panique.
Théorème a certainement marqué d’un point de vue cinématographique cette
année 1968. Ce film a réussi en effet à diviser une fois de plus les
détracteurs et les partisans de Pier Paolo Pasolini autour de
l’interprétation à donner à ce récit et à cette réalisation pourtant
sincère. Des procès eurent même lieu pour obscénité alors que le film reçut
parallèlement le prix de l’Office Catholique du Cinéma, un prix d’ailleurs
lui-même objet de vives controverses… Le spectateur du XXIe siècle
s’étonnera certainement de ces combats et aura – on l’espère - la
possibilité de mieux apprécier la poésie et la philosophie qui sous-tendent
cette très belle réalisation d’un homme que l’on trop facilement qualifier
d’iconoclaste. Car Pier Paolo Pasolini ne fait pas œuvre sulfureuse dans
Théorème – pas plus que dans Salo- si l’on fait l’effort de bien vouloir
saisir ce qu’il donne à voir. La provocation de Pasolini est d’introduire
son propos dans le cadre d’une famille bourgeoise enfermée dans ses
conventions et qu’un homme, certains diront un ange, vient bouleverser
inexorablement. Et là, se trouve le dilemme : soit le spectateur décide de
qualifier ce visiteur de démon en séduisant tour à tour tous les membres de
cette famille « tranquille » pour semer dissension et désordre, soit on
adopte une autre lecture qui voit dans cette intervention une manifestation
de l’amour distribué à qui veut bien le recevoir (à aucun moment le visiteur
n’use de subterfuges ou ne force qui que ce soit), amour qui à partir de là
révélera ce qui est au cœur de chacun. Il semble évident que cette dernière
lecture soit celle qui corresponde au souhait du réalisateur, un souhait qui
bien évidemment demande un certain effort afin de sortir de nos
représentations conventionnelles, surtout celles d’une Italie à la fin des
années 60. Comment voir Théorème, aujourd’hui, en 2014 ? Tout d’abord, comme
un merveilleux témoignage de la finesse d’un cinéaste qui met en scène avec
poésie un décor quotidien dans lequel des êtres hésitent à vivre pleinement,
et dont le voile terne – une fois levé – manifeste les aspirations ou au
contraire les vides de chacun. Théorème est également une belle occasion de
prendre conscience de toute la profondeur spirituelle d’un écrivain que l’on
a trop facilement caricaturé comme obscène et blasphémateur, chacun pourra
se faire une idée avec cette très belle édition qui sort chez Sidonis
Calysta.
A noter des bonus remarquables :
- Entretien avec Henri Chapier, journaliste (26 min.)
- Entretien avec Pierre Kalfon, producteur (10 min.)
- Documentaire : Pier Paolo Pasolini, la mort d’un poète par Laura Betti (89
min.)
BARBEROUSSE Réalisé par Akira
Kurosawa (1965) – Avec Toshiro Mifune, Yuzo Kayama, Terumi Niki, Reiko Dan,
En édition Blu-ray + DVD + Livret, le 30 Août 2017, Wild Side Video 2017.
Début du XIXe siècle. Jeune homme brillant mais arrogant, Noboru Yasumoto
rêve de devenir le médecin personnel du Shogun. Il ne peut que se cabrer
lorsqu’il se retrouve affecté dans un dispensaire d’un quartier misérable
d’Edo, sous les ordres du docteur Kyojio Niide, alias Barberousse, dont la
sévérité et l’aspect constamment renfrogné ne font qu’ajouter à son
insatisfaction… Pourtant, au fil des rencontres et au contact de ce
personnage sage et mystérieux, Yasumoto va apprendre l’humilité et se
découvrir un mentor…
Film mythique et atypique chez le grand réalisateur japonais Akira Kurosawa,
Barberousse a marqué bien des générations depuis sa sortie ; Il fait
l’objet, aujourd’hui, d’une remarquable restauration et édition par Wild
Side Video. Plusieurs raisons justifient cette émotion puissante qui saisit
le spectateur à voir ou revoir ce film à la fois sobre et fort, intimiste et
bouleversant. Le cadre restreint tout d’abord du dispensaire, dans lequel la
quasi-exclusivité du film est tournée, invite à l’introspection, celle du
sens de la vie et des passions, des inégalités et du destin. Grâce à
l’imposante prestance de l’incontournable Toshiro Mifune, acteur fétiche
d’Akira Kurosawa, c’est à une opposition contrastée à laquelle nous
assistons lors des premiers plans du film, où le jeune médecin ambitieux
brillamment interprété par Yūzō Kayama fait la connaissance du redoutable
directeur du dispensaire Barberousse. Tout les oppose, et pourtant, c’est
une rencontre initiatique irréversible qui va se développer tout au long du
film dans les confins de la détresse humaine. Cette superproduction a
demandé deux ans de tournage, Toshiro Mifune s’étant même fait pousser cette
fameuse barbe tout spécialement pour ce dernier film de Kurosawa en noir &
blanc. La réception du public japonais fut, on s’en doute, positive de par
le fil directeur qui relie chaque étape de ce film de plus de trois heures
s’articule autour de l’idée de transmission de maître à disciple dans un
contexte humaniste. L’approche sensible et intimiste de Kurosawa sublime ce
regard porté sur la détresse humaine et malheurs qu’ont à affronter les
médecins du dispensaire. Face à ce sombre constat révélé par une
photographie exceptionnelle, Barberousse livre un message puissant et
néanmoins optimiste sur le genre humain, même dans les conditions les plus
sordides. Un grand classique du cinéma japonais à voir et revoir sans
hésitation.
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES DVD
Master restauré - Format image : 2.40, 16/9ème compatible 4/3 – Noir & Blanc
- Format son : Japonais DTS Mono et Dolby Digital Mono - Sous-titres :
Français - Durée : 3h00
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray
Master restauré - Format image : 2.40 – Noir & Blanc - Résolution film :
1080 24p - Format son : Japonais DTS Master Audio Mono - Sous-titres :
Français - Durée : 3h05
A noter chez le même éditeur la sortie d’un autre grand film de Kurosawa
"Dodes’Kaden" (1970)
Soudain l’été dernier (Suddenly, Last
Summer), Un film de Joseph L. Mankiewicz, Scénario : Gore Vidal et
Tennessee Williams, d’après la pièce "Soudain l’été dernier" de Tennessee
WILLIAMS, avec : Elizabeth TAYLOR, Montgomery CLIFT, Katharine HEPBURN,
Producteur : Sam SPEIGEL, Drame, Etats-Unis, 1960, 114mn, N & B, 1.85, DVD,
Carlotta, 2017. (En Blu-ray et DVD le 23 août en version restaurée)
Le docteur Cukrowicz vient de prendre ses fonctions
à Lions View, un hôpital psychiatrique de La Nouvelle-Orléans, mais est
rapidement découragé par le manque de moyens octroyés à l’établissement.
C’est alors qu’il reçoit une étrange proposition de la part de Violet
Venable, une riche notable qui vient de perdre son fils Sebastian dans des
circonstances étranges. Celle-ci est prête à lever un fonds d’un million de
dollars si le Dr Cukrowicz accepte de pratiquer une lobotomie sur sa nièce
Catherine qui, selon elle, aurait perdu la raison depuis la mort de son
cousin…
Ce film fort et puissant fait entrer le spectateur
dans un univers de tensions et d’introspections propres au style de
Tennessee Williams. L’histoire est à première vue banale, un médecin
chirurgien spécialiste du cerveau entre dans un hôpital psychiatre manquant
de moyens matériels et financiers pour lui permettre d’exercer efficacement
son art, celui de la chirurgie du cerveau et notamment la lobotomie…
Survient une riche veuve dont le fils unique vient de mourir qui lui promet
un financement inespéré à la condition qu’il opère sa nièce dont on devine
rapidement que des liens plus forts que ceux de la parenté les unissent. À
partir de ce trouble paysage, et de cet univers familier à l’écrivain et
dramaturge américain qui connut une situation similaire dans sa famille, se
tisse une toile qui progressivement enserre tous les protagonistes, à
commencer par le médecin, admirablement interprété par Montgomery Clift,
souffrant lui-même psychologiquement de son homosexualité et des
conséquences d’un grave accident de voiture. Joseph L. Mankiewicz réalise
ici, grâce au brillant scénario de Gore Vidal, inspiré de la pièce de
Tennessee Williams, un film puissant, à l’univers étrange, impression
renforcée par l’importance des décors (angoissant jardin exotique entre
Édens et Enfer) et le jeu inspiré des acteurs avec une Katharine Hepburn
théâtrale, contrastant avec la sobriété émouvante d’Elizabeth Taylor
(inoubliable Cléopâtre quelques années plus tard avec le même
Mankiewicz). À partir de ce mi-clos, et de cet univers concentrationnaire de
l’asile, les sentiments humains s’exacerbent. Une fine analyse des ressorts
de la psychologie humaine associe rapports freudiens – les liens trop
étroits de la mère et de son fils – et dimension jungienne sur la
transcendance et la psychologie des profondeurs pour un film à redécouvrir
avec une analyse passionnante en bonus du grand spécialiste du cinéma Michel
Ciment.
CHURCHILL, Un film de Jonathan
Teplitzky, avec Brian COX Miranda RICHARDSON John SLATTERY, durée 1h38, DVD,
Orange Studio, 2017. (sortie le 10 octobre)
Juin 1944. Les 48 heures précédant le Débarquement qui scellèrent le
destin de Winston Churchill et du monde.
C’est un Winston Churchill plus méconnu de l’Histoire sur lequel s’est
penché Jonathan Teplitzky dans ce film intimiste et pudique. A la veille du
débarquement, le Premier ministre britannique est déjà une légende admirée
dans le monde entier, et au premier plan par les Anglais qui ont surmonté
les épreuves du Blitz grâce au courage qu’il a su leur donner. Or, le
réalisateur a décidé de montrer un aspect plus caché, intime du grand
personnage historique, facette plus proche probablement des gouffres
psychologiques de l’homme politique qu’il eut toute sa vie durant à
surmonter et qu’il nommait son fameux black dog… Nous sommes quelques
jours avant la décision finale du lancement de la plus grande opération
navale que n’ait jamais connue l’humanité devant déterminer l’issue de la
guerre. Face à la détermination sans faille d’une action militaire
d’envergure décidée par Eisenhower, Montgomery et le Haut Commandement
Allié, Churchill redoute ce qu’il avait déjà avec effroi vécu lors de la
Bataille des Dardanelles, il ne voit que marée de sang sur les plages où il
se promène pour prendre sa décision de s’y opposer. Le roc est fissuré, et
si toute cette opération se soldait par un massacre généralisé ? La
dépression combattue par l’alcoolisme et une consommation légendaire de
cigares ronge l’homme qui devine par le regard de son entourage – sa femme
Clemmie et son aide de camp notamment – qu’il n’est plus que l’ombre de ce
qu’il était. « Momifiez-moi ! », s’écria Wilson à sa femme. Malgré
tout, Churchill lutte, s’oppose à ce plan et cherche d’autres voies que tous
sauf lui écartent comme irréalistes. Ce sont deux combats que mènent alors
le grand personnage historique du XX° siècle : celui de l’Histoire et du
destin du monde, mais le sien face à lui-même. Cette sobre réalisation,
servie par le jeu remarquable de Brian Cox habité par son personnage, invite
le spectateur à une réflexion nuancée sur les choix imposés par la vie et le
destin, et souligne délicatement les frontières entre le déterminisme et le
volontarisme, frontières que sut avec intelligence réinterpréter Winston
Churchill en s’effaçant devant l’une des plus grandes décisions stratégiques
du siècle. Un film sobre qui a su éviter bien des écueils et clichés
rebattus.
« Alvarez Kelly » (1966), un film
d’Edward Dmytryk, avec Richard Widmark et William Holden, 126 mn, Couleur,
CINEMASCOPE, FORMAT : 2:35, image et son restaurés, version : vost et vf,
chapitrage, bonus : Présentation par Patrick Brion et documentaire de 59’sur
William Holden, DVD, Sidonis, 2017.
1864. L’éleveur mexicano-irlandais Alvarez Kelly est chargé de livrer à
l’armée nordiste un troupeau de 2 500 têtes mais les Sudistes qui manquent
eux aussi de vivres sont décidés à s’emparer du troupeau. Grâce à Charity
Warwick, une belle Sudiste, Kelly tombe dans un piège et se retrouve
prisonnier du colonel Rossiter. Ce dernier lui conseille de changer de camp
et de voler le troupeau pour le compte des Sudistes. Kelly étant réticent,
Rossiter lui promet de lui briser un doigt pour chaque jour de retard. Kelly
est donc obligé d’accepter.
« Alvarez Kelly » est un western atypique de plus de deux heures,
progressant selon un rythme crescendo. Réalisé de manière singulière par
Edward Dmytryk, bien connu pour ses deux films mythiques Ouragan sur le
Caine avec l’inoubliable Humphrey Bogart et Le Bal des maudits
(Marlon Brando, Montgomery Clif, Dean Martin), ce long-métrage affiche un
casting non moins prestigieux . Avec Alvarez Kelly, c’est en effet
l’association explosive Richard Widmark et William Holden qui donne toute sa
saveur à ce film original, non dénoué d’humour. Sur fond de guerre de
Sécession, l’intrigue s’articule essentiellement sur un angle rarement
abordé dans les films de guerre et westerns : le problème crucial de
l’approvisionnement des troupes. Alors que la famine sévit dans le clan des
Sudistes et que la situation n’est guère plus favorable pour les Nordistes,
un éleveur-baroudeur mexicano-irlandais a depuis longtemps oublié tout
scrupule et est bien déterminé à servir l’une ou l’autre cause du moment
qu’elle lui rapporte suffisamment d’argent pour l’acheminement de bétail
dont il aura la responsabilité. À partir de cette intrigue, le film
développe le rapport conflictuel fait de haine et en même temps de curiosité
entre le militaire ayant tout sacrifié pour sa cause et
l’éleveur-mercenaire, cynique, mais qui se révélera plus généreux dans le
déroulement de l’histoire. Parallèlement à ce traitement psychologique entre
les deux hommes, le film offre de grands moments épiques avec le convoi du
bétail sur fond de guerre de Sécession, le dernier épisode ne manquant pas
de panache !
« L’ami, François d’Assise et ses
Frères » un film de Renaud Fely et Arnaud Louvet, avec Jeremie Renier, Elio
Germano, Yannick Renier, Eric Caravaca, Marcello Mazzarella, Stefano
Cassetti, DVD, Blaq Out, 2017.
À l’aube du XIIIème siècle en Italie, la vie simple et fraternelle de
François d’Assise auprès des plus démunis fascine et dérange la puissante
Église. Entouré de ses frères, portés par une foi intense, il lutte pour
faire reconnaître sa vision d’un monde de paix et d’égalité.
C’est un portrait atypique auquel se livre cette réalisation belle et
sensible de Renaud Fely et Arnaud Louvet de la vie de saint François et de
ses compagnons. Belle, tout d’abord en raison d’un soin manifeste porté aux
choix des paysages de l’Ombrie médiévale où évoluait le saint ami de la
nature. Dans un cadre épuré, où tout est propice à la conversation sacrée et
au partage, nul idéalisme candide ne prédomine cependant. Les choses de la
terre et ses réalités tragiques sont présentes, François le sait et a décidé
de composer avec elles un mariage de fraternité inédit jusqu’alors, signe de
la modernité de son message. Sensible, est le deuxième caractère qui ressort
de ce film qui évolue doucement, comme le souffle d’un chant de la Divine
Comédie… François et ses amis n’errent pas dans une forêt obscure,
mais dans les friches d’une humanité encore divisée en ordres de puissants
et défavorisés. Le saint homme a choisi le parti de ces derniers, en
partageant tout, et ne possédant rien, sinon le trésor de la Parole et sa
bonté qui irradie ceux qui l’entourent. Mais un tel ordre pour perdurer doit
penser à ses statuts, sa reconnaissance par le pouvoir papal, au risque
qu’une telle « nouveauté » n’apparaisse hérétique aux yeux des puissants… Ce
sera le point d’achoppement entre François et son plus proche compagnon,
Élie de Cortone, qui souhaite, lui, à tout prix cet accord du pape, quitte à
faire des amendements et concessions au texte et à la philosophie
franciscaine. C’est ce parcours qui est finement retracé entre le saint
exclusivement tourné vers l’extase fraternelle et son ami, plus pragmatique,
et conscient des enjeux qui sont ceux de son Ordre pour sa survie. A noter
l’excellent témoignage du grand médiéviste Jacques Dalarun en bonus qui
rappelle combien ce film contribue à rendre moins réducteur le portrait que
l’on faisait d’Elie jusqu’alors, avec une action certes conciliante mais qui
a permis que l’Ordre franciscain soit l’ordre mondialement le plus influent
jusqu’à aujourd’hui encore, avec - faut-il le rappeler - un pape qui en a
pris jusqu’à son nom…
"Jean Rouch, un cinéma léger !"
(Coffret 10 DVD), Réalisation Jean Rouch, Audio / Vidéo, PAL Zone 2,
couleurs, 10 DVD, Durée 16 h 02 min, Editions Montparnasse, 2017.
Les qualificatifs ne manquent pas lorsqu’il s’agit de
caractériser le cinéma de Jean Rouch, l’ethnocinéaste, auteur de 180 films,
dont un tiers est demeuré inachevé ! Celui qui fut créateur du « cinéma
vérité » et compagnon de la « Nouvelle Vague » aurait eu, en 2017, 100 ans.
Pour célébrer cet anniversaire, de nombreuses initiatives ont eu lieu dont
la parution exceptionnelle d’un coffret réunissant en 10 DVD, pas moins de
26 films inédits de Jean Rouch. Les éditions Montparnasse ont entrepris
depuis une douzaine d’années une large édition des films du cinéaste, et ce
dernier coffret nommé « Jean Rouch, un cinéma léger ! » apporte une
contribution importante à cet anniversaire. Entre cinéma et ethnologie, Jean
Rouch n’a jamais cherché à faire un choix exclusif. C’est en associant la
science de la recherche et la fantaisie du cinéma qu’il déploya son humour
parfois décalé pour une vérité du cinéma qui transparait très tôt dans ces
films ainsi qu’il en ressort immédiatement en visionnant ce coffret. Jean
Rouch a eu une enfance protégée accompagnant son père dans certains de ses
voyages autour du monde, ce qui l’a ouvert très jeune à l’altérité et à la
différence. La rencontre avec le fleuve Niger qu’il découvre en 1941 lors de
la guerre sera déterminante. C’est en ces lieux qu’il noue en effet une
amitié profonde avec Damouré Zika, avec le fleuve Niger et plus généralement
l’Afrique. Le cinéaste parcourra ce fleuve de sa source jusqu’à son
embouchure toute sa vie, métaphore d’un riche parcours, à la fois flottant
et au tracé déterminé. Si les débuts de sa carrière ont été essentiellement
consacrés à l’écriture et aux prises de notes d’ordre ethnologique, c’est
par la suite que la caméra s’introduira dans le travail de celui qui très
jeune fut un cinéphile convaincu. C’est d’ailleurs avec un film
ethnographique sur la possession « Au pays des mages noirs » qu’il entre
dans le monde du cinéma, un film largement applaudi par Jean Cocteau en
1949. Ce sera alors l’occasion pour Jean Rouch d’expérimenter de nouvelles
formes de cinéma avec notamment la « cinétranse » par laquelle celui qui
filme se trouve transformé par ce qu’il observe.
Ce coffret réunit trois thématiques essentielles dans le cinéma de Jean
Rouch. Tout d’abord, ces ethnofictions, entre documentaire et fiction, qui
réunissent une bande d’amis franco-nigériens : Jean Rouch, Damouré Zika, Lam
Ibrahim Dia, et bien d’autres encore… Puis viennent les films de rituels
traditionnels et modernes, si importants dans l’œuvre de Jean Rouch qui très
tôt assistera à un rituel de possession lors duquel il comprendra que seule
la prise de vue pouvait en saisir toute la richesse. Le cinéaste atypique
invente au fur et à mesure de ses réalisations une manière de filmer, dans
laquelle il s’introduit souvent et sans distance par rapport au sujet filmé.
Cette relation intersubjective a ouvert au dialogue contrairement à ce qui
se pratiquait jusqu’alors, et comme le fera dans d’autres univers Pier Paolo
Pasolini. Le troisième axe invite à quelques promenades parisiennes
insolites telles les rencontres de Nadine qui vient d’arriver dans la
capitale, une visite « commentée » de l’Histoire du cinéma ou encore cet
hommage à Marcel Mauss avec le portrait de l’artiste japonais Tara Okamoto.
Quelle que soit la forme retenue, ce cinéma s’enrichit des sujets filmés au
fil des créations, parfois inachevées pour certaines. Les collaborateurs
invités trouvent, grâce au regard décolonisé de Jean Rouch, une voix inédite
dans ses films qui restera gravée dans la mémoire de tous les spectateurs
découvrant ou redécouvrant ce cinéma proposé par ce coffret de 26 films
incontournables dans l’œuvre du cinéaste.
Après la Tempête, Un film de Kore-Eda
Hirokazu, avec Hiroshi Abe, Kiki Kirin, Yôko Maki, Yoshizawa Taiyo, Dvd, Le
Pacte, 2017.
Malgré un début de carrière d’écrivain prometteur, Ryota accumule les
désillusions. Divorcé de Kyoko, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte
son travail de détective privé en jouant aux courses, jusqu’à ne plus
pouvoir payer la pension alimentaire de son fils de 11 ans, Shingo. À
présent, Ryota tente de regagner la confiance des siens et de se faire une
place dans la vie de son fils. Cela semble bien mal parti jusqu’au jour où
un typhon contraint toute la famille à passer une nuit ensemble…
Le réalisateur japonais Kore-Eda Hirokazu après Tel père, tel fils et
Notre petite sœur ouvre une nouvelle fois sa caméra au
je-ne-sais-quoi du quotidien, ce quotidien ordinaire en partie inspiré de
faits personnels autobiographiques instillés subtilement en une réalisation
à la fois épurée et en même temps redoutablement précise. L’histoire n’a
rien de trépidant et se déroule essentiellement dans le cadre d’une cité
d’HLM consternant de banalité. Ryota, remarquablement interprété par Hiroshi
Abe, est à l’heure des bilans sans concessions, divorcé, écrivain d’un seul
livre ayant obtenu un Prix et à la veine tarie, détective raté pour payer la
pension alimentaire de son ex-épouse et ruiné par une passion du jeu
compulsive, comme le fut en son temps son père décédé quelque temps
auparavant…. Face à ces constats d’échec d’espoirs de vie, que reste-t-il à
l’heure des bilans lorsqu’un typhon menace de s’abattre sur la cité et ces
êtres fragiles ? C’est lors d’une soirée et une nuit passés ensembles,
bloqués par l’arrivée du typhon, que le couple désuni, leur enfant unique et
la mère de Ryota, interprétée avec malice et profondeur par Kiki Kirin, vont
à la fois tenter l’impossible alors que le bilan de leur vie s’impose en un
éternel retour du destin. Kore-Eda Hirokazu avec cette réalisation signe une
nouvelle fois un film à la limite du documentaire par l’épuration de ses
moyens, et en même temps redoutablement efficace pour explorer la profondeur
des âmes en souffrance. Le réalisateur a une vision bien personnelle du
langage qu’il souhaite employer pour rendre ces émotions et tensions
intérieures, vision qui est particulièrement sensible dans le bonus qui
accompagne ce DVD, indispensable pour plonger dans les arcanes de son
cinéma. Tournant en argentique, rareté à souligner à notre époque numérique,
Kore-Eda Hirokazu est un orfèvre du quotidien qu’il sait éclairer de manière
unique par sa caméra sans concession et en même temps complice.
En salle, e-cinema, VOD...
« Retour en Alexandrie » ; Un film de
Tamer Ruggli avec Nadine Labaki et Fanny Ardant ; 90' - Suisse - France -
2023 - Version originale française, Tipimages Production, au cinéma le 16
octobre 2024.
Après vingt ans d’absence, Sue retourne en Égypte, son pays natal, pour
revoir sa mère, Fairouz, une aristocrate excentrique, avec qui elle a rompu
tout lien. Ce voyage surprenant, qui la mène du Caire à Alexandrie, teinté
de souvenirs lointains, de nostalgie et de sentiments mêlés à l’égard de son
passé, lui permettra de devenir libre et affranchie.
« Retour en Alexandrie », premier long-métrage du réalisateur
suisse-égyptien Tamer Ruggli explore les questions fondamentales de
l’identité et du déracinement par le truchement d’une comédie douce-amère.
Le regard bienveillant porté sur cette jeune femme ayant quitté son pays
pour l’occident n’évite pas pour autant les fractures et autres cicatrices
encore vives qui divisent cette âme hésitant entre retour au pays et
distanciation inexorable.
Les racines, les liens, les sentiments
souvent exacerbés par les passions défilent au rythme des paysages
éblouissants de lumière et de couleurs grâce aux plans conçus avec une
jouissance manifeste par la caméra de Tamer Ruggli. Du Caire à Alexandrie,
les contrastes sont certes saisissants entre une Égypte confrontée à la
modernité et, ça et là, les inévitables réminiscences de son prestigieux
passé. Et si nous sourions souvent avec « Retour en Alexandrie » grâce à la
prestation inspirée de l’actrice Nadine Labaki et la truculente Fanny
Ardant, la nostalgie pointe également dans notre propre rapport à notre
passé…
« Les Immortels – L’au-delà chez les
Pharaons » avec Jeremy Irons ; Réalisation de Michele Mally ; Durée : 95
minutes ; Pathé Live, en salle le 24 juillet 2024.
Kha, architecte et bâtisseur de tombeaux pour les pharaons, doit
entreprendre le voyage vers les Enfers, au milieu de mille dangers. La vie
éternelle est en jeu, mais le risque est de finir dissous dans le néant
cosmique.
C’est à un envoutant voyage aux confins de la vie et de la mort auquel nous
convie cet exceptionnel docu-récit à partir des trésors des collections
égyptiennes du Museo Egizio de Turin, la plus grande collection d’art
égyptien après celle du Caire. L’acteur Jeremy Irons semble littéralement
happé par son rôle de conteur, évoquant l’histoire de Kha, architecte des
pharaons, et de son épouse qu’il souhaite rejoindre pour la vie éternelle.
Sa tombe aujourd’hui protégée par les murs du célèbre musée de Turin sert de
point de départ à un merveilleux voyage dans la pensée religieuse des
anciens Égyptiens, faite de transcendance, mais aussi de touchantes
immanences ainsi qu’en témoignent ces nombreux dons pour une vie belle après
la mort.
Avec des plans exceptionnels et une
indéniable esthétique réalisée par Michele Mally, ce film nous plonge dans
les arcanes de cette culture funéraire grâce aux meilleurs spécialistes
réunis pour cette somptueuse réalisation. Le temps de ce récit émouvant,
nous voyageons tour à tour sur les sites antiques de l’Égypte Gizeh, de
Louxor, Karnak, la Vallée des Rois, mais aussi vers le village ouvrier de
Deir el-Medina, sans oublier l’exceptionnel musée de Turin (présenté dans
ces colonnes) ou encore le Louvre, le British Museum et bien d’autres lieux…
Une évocation sensible d’un monde disparu qui reprend vie instantanément, le
temps d’une belle réalisation…
« INVINCIBLE » ; Un film de Vincent
René-Lortie avec Marc-Antoine Léokim Beaumier-Lépine,
Justine Élia St-Pierre, Josée Isabelle Blais, Gilles Pierre-Luc Brillant,
Luc Ralph Prosper
Shakib Naoufel Chkirate, Miguel Miguel Tionjock et Sonia Florence Blain
Mbaye ; Telescope Films, 2023.
Inspiré d’une histoire vraie, Invincible revient sur les dernières 48
heures de la vie de Marc-Antoine Bernier, un jeune garçon de 14 ans qui se
retrouve confronté à son besoin criant de liberté.
Il faudra retenir le nom du réalisateur de ce court métrage intitulé «
Invincible » : Vincent René-Lortie, pour toutes les promesses que cette
réalisation sensible annonce. Car, ces trente minutes qui semblent à la fois
une éternité et un éclair happent littéralement le spectateur par la
puissance des non-dits et cette ambiance à la fois lumineuse et sombre des
déchirements psychologiques d’un adolescent à la dérive…
Nous ne saurons rien de l’origine de ce
mal-être, René-Lortie ne cherchant pas ici à faire œuvre psychologisante,
c’est ailleurs que se situe l’originalité de son traitement de l’absence
possible de communication d’êtres fragilisés jusqu’à la rupture. La seule
flamme de vie qui reste au jeune homme, interprété avec une rare présence
par Marc-Antoine Léokim Beaumier-Lépine, tient du rêve et de la poésie,
celle d’un autre monde dans lequel il peut encore se considérer libre alors
qu’il se trouve enfermé dans un établissement pénitentiaire pour mineurs.
Quelles sont les frontières de la santé mentale ? Quelle communication est
encore possible lorsque des murs ont imposé un silence implacable ?
Ce sont autant d’interrogations qui pointent dans ce court métrage
remarquable à découvrir au plus vite.
« Séduite et abandonnée » (Sedatta e
abbandonata) – 1964 de Pietro Germi avec Stefania Sandrelli, Saro Urzi,
Umberto Sparado et Leopoldo Trieste ; Italie - 123 min - Comédie dramatique
- Noir et Blanc - 1,66, Tamasa Distribution, 2023.
Un village de Sicile à l’heure de la sieste. Alors que tout le monde
dort, Peppino, un jeune étudiant, se met en tête d’aller conter fleurette à
Agnese, la soeur de sa fiancée, Mathilde. Il n’a aucun mal à la séduire
mais, pris de panique, il s’enfuit peu après. La jeune fille tombe enceinte,
provoquant le scandale dans la famille et s’attirant les foudres de son
père, Vicenzo. Celui-ci, blessé dans son honneur, décide de se venger.
Il est grand temps de (re)découvrir le cinéma de Pietro Germi, une
personnalité à part qui ressort dans sa manière de filmer. « Séduite et
abandonnée », par exemple, qui vient de faire l’objet d’une exemplaire
restauration 4K avec deux autres films de Germi, permettra de se faire une
idée de son regard à la fois tendre et grinçant sur les provinces
italiennes, en l’espèce la Sicile des années 60… Nous avons bien entendu en
mémoire le fameux « Divorce à l’italienne » sorti en 1961 avec l’inoubliable
Marcelo Mastroianni en noble sicilien souhaitant se remarier avec la jeune
Angela et prêt à tout pour cela. En 1964, c’est « Séduite et abandonnée »
qui reprend ce thème du drame familial sous l’angle de ce que l’on nommerait
de nos jours un prédateur sexuel n’hésitant pas à forcer une relation non
consentie avec la jeune sœur de sa fiancée… Mais l’humour sarcastique
dépasse le tragique pour livrer une étude de mœurs qui n’hésite pas à
enfoncer le clou avec des références désinvoltes…
Les structures archaïques de la société
italienne se trouvent questionnées, l’honneur, le patriarcat, le machisme
omniprésent, la réputation, etc. Dans le cadre somptueux par son
authenticité d’une Sicile ayant encore échappé à la modernité, la caméra de
Pietro Germi se veut tout autant une ode à cette île bien particulière qu’à
ses habitants grâce à une photographie remarquable amplifiée par le noir et
blanc. À noter l’incroyable prestation de Saro Urzì, lui-même sicilien - qui
obtiendra le Prix d’Interprétation à Cannes pour ce film, un comédien que
les Français connaissent bien pour avoir interprété le rôle du coiffeur
Brusco dans les Don Camillo !
TAMASA DISTRIBUTION met à
l’honneur le cinéaste italien Pietro Germi. En trois films de Rome à Trévise
en passant par la Sicile, le cinéma du Transalpin fait merveille dans «
Séduite et abandonnée », « Le chemin de l’espérance » et « Au nom de la loi
! »
« À L'INTÉRIEUR » ; Un film de VASILIS
KATSOUPIS avec WILLEM DAFOE - Grèce, Allemagne, Belgique • 1H45 • Drame,
Thriller, L’Atelier Distribution, 2023.
Nemo, cambrioleur chevronné, se retrouve piégé dans un luxueux
appartement new-yorkais. Essentiellement décoré d'œuvres d'art, il va devoir
faire preuve de créativité et de ténacité pour survivre et tenter de
s'échapper...
Pour son premier long métrage, le réalisateur grec Vasilis Katsoupis signe
un film d’une rare maturité, explorant les tréfonds de la psychologie d’un
homme forcé malgré lui à un huis clos inhabituel. « À l’intérieur » débute,
en effet, par un cambriolage « classique » dans un luxueux appartement
new-yorkais au sommet d’une tour. Tout n’est que raffinement, chaque détail
objet d’un luxe inouï, sans compter des œuvres d’art inestimables telles ces
toiles d’Egon Schiele… Nemo, interprété avec une rare présence par le
talentueux Willem Dafoe, opère de manière professionnelle, recherchant
l’œuvre phare qu’il ne parvient pas à trouver jusqu’à ce que la machine
s’enraye… Piégé par le système d’alarme, il se trouve condamné à chercher
une issue dans cette cage dorée qui progressivement va devenir sa prison.
Servi par une réalisation soignée, une
photographie d’une rare qualité et des plans superbes, ce film conduit le
protagoniste – accompagné du spectateur – à assister à une lente
métamorphose, le cambrioleur devenant lui-même partie de cet habitat
luxueux, créateur d’une œuvre d’art vivante qu’il élabore à la fois pour
échapper à son sort et à des fins cathartiques. Avec de superbes monologues
sur la raison, l’art, les passions et les affres du doute, « A l’intérieur »
ne laissera pas indemne et résonnera longtemps après la scène finale !
« Redécouvertes et raretés du cinéma
italien » en salle avec la rétrospective Carlotta proposant 7 films rares et
autres chefs-d’œuvre en version restaurée allant de 1963 à 1988.
HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN
de Vittorio De Sica (1963)
UN MODÈLE DU FILM À SKETCHES
AVEC LE COUPLE DE LÉGENDE
MARCELLO MASTROIANNI - SOPHIA LOREN
SEULE CONTRE LA MAFIA
de Damiano Damiani (1970)
UN RÉQUISITOIRE FÉROCE CONTRE LA MAFIA DOUBLÉ D'UN MAGNIFIQUE
PORTRAIT DE FEMME
MIRACLE À L'ITALIENNE
de Nino Manfredi (1971)
NINO MANFREDI SIGNE UNE COMÉDIE SATIRIQUE SUR L'ALIÉNATION RELIGIEUSE
PORTIER DE NUIT
de Liliana Cavani (1974)
UNE PLONGÉE AU CŒUR DES DÉVIANCES HUMAINES SERVIE PAR UN DUO
D'ACTEURS D'EXCEPTION
AFFREUX, SALES ET MÉCHANTS
de Ettore Scola (1976)
L'UN DES GRANDS CLASSIQUES DE
LA COMÉDIE NOIRE À L'ITALIENNE
L'AFFAIRE MORI
de Pasquale Squitieri (1977)
LA LUTTE SANS MERCI DU "PRÉFET DE FER" CONTRE LA MAFIA SICILIENNE
LA LÉGENDE DU SAINT BUVEUR
de Ermanno Olmi (1988)
LE RÉCIT BOULEVERSANT
D'UN RETOUR À LA VIE
Salles :
PARIS LE CHAMPO
BESANÇON VICTOR HUGO GRENOBLE LE CLUB
MARSEILLE LES VARIÉTÉS MONTBÉLIARD COLISÉE
NICE RIALTO NÎMES LE SÉMAPHORE
IBOS PARVIS MÉRIDIEN
« Il Boemo » - Un film de Petr
Vaclav avec Vojtech Dyk, Barbara Ronchi, Elena Radonicich, Lana Vlady,
Mimesis Films, 2023.
1764. Dans une Venise libertine, le musicien et compositeur Josef
Myslivecek, surnommé « Il Boemo », ne parvient pas à percer malgré son
talent. Sa liaison avec une femme de la cour lui permet d’accéder à son rêve
et de composer un opéra. Dès lors sa renommée grandit, mais jusqu’où
ira-t-il ? La vie, l’œuvre et les frasques d’un compositeur de génie oublié
que le jeune Mozart admirait.
Cela faisait longtemps que le septième art n’avait livré un si beau
témoignage sur un musicien, en l’occurrence un musicien injustement oublié
depuis la fin du XVIIIe siècle. Avec un ton à la fois sobre quant au
traitement des sentiments et riche de ces lumières de la Sérénissime, le
réalisateur Petr Vaclav offre un film captivant, intelligent et sensible
portant sur la vie du compositeur bohémien, Josef Myslivecek, né à Prague en
1737 et mort à Rome en 1781 des ravages causés par la syphilis. Si le
musicien parti de rien sut gravir une à une les marches de la gloire en
Italie, il compta même parmi ses admirateurs le tout jeune Mozart.
Cette réussite ne survécut cependant pas à sa disparition, tombant
totalement dans l’oubli depuis. C’est tout le mérite – et bien d’autres
encore – de ce long-métrage d’une rare acuité que de restituer cette
atmosphère où se mêlaient libertins, artistes et puissants.
Avec des décors somptueux, un choix de premier plan de
solistes et de musiciens (Juan Sancho, Krystian Adam, Sophie Harmsen,
Philippe Jaroussky, Raffaela Milanesi, Emöke Barath, Simona Šaturova…)
offrant au mélomane une admirable musique tout au long de ces 140 minutes de
bonheur, sans oublier une véritable histoire reposant sur un travail poussé
de recherche. Il Boemo marquera certainement l’histoire du film historique,
après Barry Lindon, Amadeus, Tous les matins du monde ou encore Farinelli.
Associant avec justesse fiction et vérité historique, la place de la musique
en cette période de fin d’Ancien Régime en France se trouve elle-même à la
croisée des chemins. Alors que les feux du baroque s’estompent déjà, de
nouvelles gloires pointent déjà – sublime rencontre dans le film du tout
jeune Mozart et de Myslivecek, des étoiles montantes annonciatrices du XIXe
s, du romantisme et de la musique de concert…
Soulignons, enfin, que c’est l’acteur Vojtech Dyk qui campe, ici, avec
justesse le rôle du compositeur, divisé entre son art et les réalités de son
temps, un portrait crédible qui ne donne qu’une seule envie : découvrir
l’immense répertoire méconnu de ce musicien étonnant.
Fiche technique : Durée : 140 - Image : 1,77:1 - Son : 5.1 - Pays :
République Tchèque, Italie, Slovaquie - Langue : Italien, Production :
Mimesis Film - Producteur : Jan Macola
« Remorques » (1941) ; Un film de
Jean GRÉMILLON avec Jean GABIN, Madeleine RENAUD, Michèle MORGAN d’après le
roman de Roger VERCEL “Remorques” ; Scénario et dialogues Jacques PRÉVERT,
adaptation André CAYATTE et Charles SPAAK, décors Alexandre TRAUNER, image
Armand THIRARD, musique Roland MANUEL, Carlotta, 2023.
André Laurent, capitaine du remorqueur Le Cyclone, assiste avec son
équipage à la noce d’un de ses marins avant d’être appelé en urgence pour
secourir les passagers d’un cargo, dont Catherine, l’épouse du commandant.
Alors que sa femme Yvonne lui dissimule sa maladie et le supplie de prendre
sa retraite, André tombe follement amoureux de Catherine, avec laquelle il
débute une liaison...
« Remorque » est l’histoire d’une passion amoureuse entre un marin et une
femme mystérieuse sortie des ondes, Calypso envoûtante ayant pour ce film
les yeux de Michèle Morgan…
Cette évocation poétique réalisée par le cinéaste Jean
Grémillon dans les conditions plus que particulières de l’entrée en guerre
de la France explique certainement que Remorques n’ait pu connaître le
destin du mythique de Quai des Brumes sorti quelques années auparavant en
1938. Toujours est-il que le scénario et dialogues de Jacques Prévert, la
splendide photographie d’Armand Thirard et la musique empoignante de Roland
Manuel composent un ensemble convaincant permettant à l’intrigue de se
développer grâce au talent des comédiens réunis, Jean Gabin, Michèle Morgan
et Madeleine Renaud.
Réalisme et poésie se conjuguent dans ce film où la mer représente l’autre
femme silencieuse mais néanmoins omniprésente, rivale de tous les instants.
Si l’on songe à l’époque et aux conditions plus que rocambolesques du
tournage (Gabin mobilisé sous les drapeaux dut profiter d’une permission
pour terminer les dernières prises !), le cinéphile ne pourra qu’être
impressionné par les scènes maritimes et les effets spéciaux, sans oublier
la musique obsédante de Roland Manuel renforçant ce lyrisme. Un film à
redécouvrir grâce à cette remarquable restauration 4K.
"Les Basilischi" (I basilischi,
1963) Un Film de Lina Wertmüller | Italie | 83 mn, Carlotta, en salle, 2022.
Antonio, fils du notaire d’une petite ville du sud de l’Italie, a 20 ans
et passe ses journées à s’ennuyer avec ses amis Francesco et Sergio. Les
jours s’écoulent, interminablement semblables, meublés des mêmes discussions
et de la même absence d’activité. Un jour, Antonio se voit offrir la
possibilité d’aller vivre à Rome…
Si un petit air fellinien souffle sur le film « Les Basilischi » de Lina
Wertmüller (disparue à la fin de l’année dernière) qui fut l’assistante du
grand maître, c’est pour mieux s’en départir avec ce portrait à la fois
caustique et attendri de ce petit village du sud de l’Italie des années 60…
Servi par une maîtrise remarquable des cadrages et des plans
soignés pour ce village d’une beauté sauvage, ce premier long-métrage de la
réalisatrice laisse l’impression d’un carnet intime sans concessions sur
cette Italie profonde qu’elle connaît bien, carnet qui en dévoile le
quotidien souvent vide de sens avec ses habitants parlant à longueur de
journée de rêves inaccomplis.
Sur fond de musique d’un jeune Ennio Morricone à ses débuts, « Les
Basilischi » compte parmi ces films ouvertement néoréalistes à mi-chemin
entre Fellini et Pasolini, un désoeuvrement rural touchant à découvrir pour
ce film resté inédit en France et bénéficiant aujourd’hui d’une remarquable
restauration 4K.
"The Replacement" ; Un film d'Oscar
Aibar avec Ricardo Gomez, Vicky Luengo, Pere Ponce et Pol Lopez ; Format
image : 2.39, 16/9e comp 4/3 ; Espagnol et Français, Sous-titres Français ;
Durée : 1h59 ; VOD & digital, Wild Side Video, 2022.
Été 1982, dans l’Espagne post-franquiste et l’agitation de la Coupe du
monde de football. Andrès, jeune flic endurci des quartiers difficiles de
Madrid, est affecté à Dénia, village côtier de la Costa Blanca, dans
l’espoir d’y trouver une vie meilleure. Mais une fois sur place, il
s’aperçoit très vite que la douceur de ce lieu idyllique n’est qu’un leurre…
Avec « The Replacement », le réalisateur Oscar Aibar règle en quelque sorte
des comptes avec l’ère post-franquiste, parfois complaisante à l’égard de
ses anciens démons. En un film réaliste au rythme quelque peu trépidant,
nous suivons les errances du personnage principal, le policier Andrès,
lui-même ballotté par le poids de ses origines et interprété avec justesse
par un Ricardo Gomez inspiré.
Bien que filmé dans le décor balnéaire de la Costa Blanca de
l’Espagne, ce n’est cependant guère une Espagne estivale pour touristes que
nous découvrons à l’écran, mais bien un pays rude et confronté à ses peurs.
Reposant sur des faits réels ayant tristement eu lieu dans le village de
Dénia dans la province d’Alicante, cette sombre histoire relate la retraite
paisible et prospère d’anciens dignitaires nazis et de leur communauté
largement soutenue par la communauté villageoise gratifiée de leur
générosité.
Cette enquête menée tambour battant sous la caméra particulièrement mobile
d’Oscar Aibar souligne non seulement les soubresauts d’une localité et d’un
pays souvent en conflit avec sa propre histoire, mais aussi en une métaphore
élargie notre propre rapport avec notre conscience.
Un film à découvrir en VOD
« La Lune s’est levée » (Tsuki wa
noborinu) ; Un film de Kinuyo Tanaka, Sélection
officielle – Cannes Classics ; Drame - 1955 - 101 min - n&b - 1.37 - VOSTF -
DCP - Selection Cannes Classics 2022, Carlotta. En salle
M. Asai vit à Nara auprès de ses trois filles : l’aînée
Chizuru, revenue au domicile familial après la mort de son mari ; la cadette
Ayako, en âge de se marier mais peu pressée de quitter les siens ; et la
benjamine Setsuko, la plus exubérante des trois soeurs qui rêve de partir
s’installer à la capitale...
Le cinéma des années 50 n’était guère ouvert aux femmes si ce n’est qu’en
tant qu’actrices. Rares, en effet, étaient les réalisatrices à cette époque,
surtout au pays du Soleil levant. Et pourtant Kinuyo Tanaka compte parmi ces
rares réalisatrices, elle qui passa de l’autre côté de la caméra après avoir
été la star des films de Mizoguchi et Ozu. De ce dernier qui est d’ailleurs
l’auteur du scénario de cette chronique familiale, la réalisatrice a retenu
de nombreux enseignements. Dans ce film « La lune s’est levée », la
réalisatrice aura recours à l’acteur également fétiche d’Ozu en la personne
du célèbre Chishu Ryu, mais aussi à sa manière de filmer les intérieurs des
maisons japonaises, ses plans serrés sur les expressions des personnages
avec une nature encadrée par les parois coulissantes.
Elle se distingue de son maître et ami cependant par une
sensibilité toute féminine dans la manière de traiter le caractère des
différentes femmes de ce récit touchant. Ainsi, si les positions de ces
trois sœurs relèvent encore largement de la tradition dans leur manière de
conserver les places jusqu’alors réservées aux femmes dans le Japon dévasté
par la Seconde Guerre mondiale, la modernité s’immisce subrepticement avec
des robes occidentales et même des cigarettes… Jouant de subterfuges
féminins, ces femmes cherchent à accélérer leur destin sentimental, rejetant
les mariages convenus par leurs parents et leur préférant des amours
choisies et souhaitées.
Avec une photographie de toute beauté et des plans soignés sur une nature
sublimée, ce film inédit en France dans sa version restaurée 4K devrait
assurément rencontrer l’intérêt des passionnés du cinéma japonais pour sa
fraîcheur certaine. A noter que 5 autres films inédits sont proposés en
salle par les éditions Carlotta (Lettre d’amour, Maternité éternelle, La
Princesse errante, La Nuit des femmes et Mademoiselle Ogin).
« Dillinger est mort » (Dillinger é
morto) – 1968 ; Un film de Marco Ferreri avec Michel Piccoli, Anita
Pallenberg et Annie Girardot ; Italie - 95 min – Couleur, Visa n° 36881,
Distribution Tamasa, 2022, en salle.
Un homme, en rentrant comme tous les soirs chez lui, trouve son épouse
couchée, migraineuse. Alors qu’il se prépare à dîner. À la recherche
d’ustensiles de cuisine, il trouve par hasard un revolver, caché dans un
placard…
Un demi-siècle après sa réalisation «
Dillinger est mort » de Marco Ferreri semble un ovni dans le paysage
cinématographique. Tout d’abord par sa forme, avec seulement quelques rares
échanges parsemés au cours des 95 mn que compte ce long-métrage, ce qui sera
d’ailleurs à porter au crédit de son acteur principal, Michel Piccoli, qui
livre ici une interprétation d’une rare présence, proche du mime. La scène
se situe essentiellement en intérieur dans l’habitation de ce cadre italien
designer pour une fabrique de masques à gaz…
Ferreri s’est essayé à tous les genres transversaux du cinéma
sulfureux ; on notera notamment « Le lit conjugal » déjà présenté dans ces
pages. Ici, le film développe le thème de la folie ordinaire qui s’empare
d’un personnage lambda, obsédé par les objets qui l’entourent et qui
prennent progressivement une emprise sur cet esprit volatil et distrait.
Préfigurant nos distractions allant crescendo vis-à-vis des nouvelles
technologies, « Dillinger est mort » tisse une allégorie de nos aliénations
quotidiennes conduisant jusqu’à l’absurde. Dans ce théâtre sans monologue,
où les bruits tissent au fur et à mesure les seules conversations, le
personnage semble presque possédé par son environnement, fasciné par les
couleurs et les sons au point d’en perdre la raison.
Diatribe de nos temps modernes tout autant que réflexion personnelle sur le
sens profond de la vie, « Dillinger est mort » dérange encore à notre
époque, ce qui n’est peut-être pas le moindre mérite de ce film à découvrir.
« Le désert rouge » (Il deserto
rosso) – 1964 ; Un film de Michelangelo ANTONIONI avec Monica VITTI, Richard
HARRIS, Carlo CHIONETTI, Xenia VALDERI, Rita RENOIR ; scénario Michelangelo
ANTONIONI et Tonino GUERRA ; photographie Carlo DI PALMA ; musique Giovanni
FUSCO et Vittorio GELMETTI ; montage Eraldo DA ROMA ; producteur Antonio
CERVI, Italie / France | 117 mn | Couleurs | 1.85:1, VISA : 28 333 | VOSTF
Carlotta Distribution, en salle le 22 janvier 2022.
Mariée à un riche ingénieur, Giuliana est sujette à de fréquentes crises
d’angoisse. Dans la banlieue industrielle de Ravenne, elle cherche le
réconfort auprès de Corrado, un collègue de son mari venu recruter de la
main-d’oeuvre…
Lorsqu’un réalisateur, en poursuivant sa ligne créatrice, se métamorphose en
peintre de la société industrielle et des sentiments les plus profonds de
l’homme, cela donne un film singulièrement étrange et d’un rare esthétisme.
Michelangelo Antonioni avec « Le désert rouge » dépeint, en effet, pour la
première fois en couleurs, les profondes intrications d’un personnage, la
secrète Giuliana partagée entre sa vie dans le monde réel en tant qu’épouse
d’un riche industriel, mère d’un jeune enfant, et les tréfonds de son
rapport à son environnement.
Certains ont vu dans ce long-métrage, servi par la sublime
photographie de Carlo Di Parma et faisant de chaque plan une œuvre d’art,
qu’une critique du monde industriel des années 60 et de la reconstruction.
Si les paysages et la nature ravagés par les usines et leurs menaçantes
cheminées sont certes bien présents, ce cadre oppressant sert également – et
peut-être surtout- de miroir aux affres et au gouffre personnel que seule la
jeune femme interprétée avec une rare profondeur par la jeune Monica Vitti
parvient à percevoir. C’est en effet par son regard que la nature dévastée
prend ces nouvelles couleurs, que le bleu devient plus bleu et la noirceur
plus puissante encore.
« Le désert rouge » qui vient de faire l’objet d’une nouvelle restauration
4K sublime la réalité en d’autant d’infimes détails qui soudainement
prennent leur importance à l’écran, à l’image de nos songes intérieurs.
Cette peinture de l’univers intérieur confronté à la réalité crue de la
plaine industrielle du Pô des années 60 laisse place à un long cheminement
dans les brumes de nos existences.
« Le Lit conjugal », un film de
Marco Ferreri avec Marina Vlady, Ugo Tognazzi, Italie - 1963 - 90 min - Noir
et Blanc, Visa n° 26698, distribution Tamasa, cinéma le 22 décembre 2021.
Un célibataire endurci, Alfonso, 40 ans, épouse Régina, une jeune femme
catholique. Encore vierge, Regina se montre vite sexuellement insatiable.
Elle souhaite être fécondée le plus rapidement possible, quitte à mettre en
danger la vie de son mari, qui n’est plus pour elle qu’un simple moyen de
reproduction.
Le réalisateur iconoclaste Marco Ferreri livre avec « Le Lit conjugal » une
satire grinçante des valeurs traditionnelles et de l’hypocrisie de l’Italie
des années 60. Avec une tonalité différente des comédies qui feront le
bonheur du grand écran italien populaire de cette même époque telles celles
de Dino Risi avec « Le Fanfaron ».
Ici, Ferreri place progressivement ses pièces sur l’échiquier
en forçant à peine les coups, rendant ainsi plus convaincante la critique
sociale qu’il assène. Ugo Tognazzi force, quant à lui, l’admiration dans
cette interprétation en nuances à mi-chemin entre comique et tragique, ce
qui ne sera pas toujours le cas dans la suite de sa carrière. Marina Vlady,
surprenante dans son rôle de mante religieuse, étonne et séduit dans son jeu
tout en suggestions allant crescendo. Cette comédie douce-amère parvient à
gagner le spectateur qui sans croire à l’issue finale s’étonne pourtant de
cet emballement des évènements. « Le Lit conjugal » offre de beaux plans de
la ville de Rome et d’agréables instants de cinéma, et pour ces raisons
mérite d’être redécouvert à l’écran grâce à cette belle restauration.
« TOKYO SHAKING » ; Un film de
Olivier Peyon ; Scénario : Cyril Brody & Olivier Peyon avec Karin Viard,
Stéphane Bak, Yumi Narita, Philippe Uchan, Jean-François Cayrey, produit par
Les Films du Lendemain, en VOD à partir du 7 octobre, Wild Side Video, 2021.
Tokyo, le 11 mars 2011 : un tsunami ravage la côte du Japon, menaçant de
détruire la centrale de Fukushima. Alexandra, qui travaille depuis peu pour
une banque française à Tokyo, se retrouve au cœur de cette crise. Tiraillée
entre les ordres de sa direction et la volonté de protéger sa famille et ses
collaborateurs, Alexandra tente de composer avec la situation et se
retrouve, presque malgré elle, à défendre une certaine idée de l’honneur.
Le réalisateur Olivier Peyon a fait choix pour son film « Tokyo shaking »
d’observer nos contemporains par temps de crise. Alors que Karin Viard avec
un brio certain interprète une dirigeante expatriée dans une banque
française à Tokyo survient le terrible accident de Fukushima lors du
tremblement de terre de 2011.
Quand tout s’effondre autour d’elle, que restera-t-il de ses
certitudes ? Ce film se saisit de cette situation pour dresser non seulement
un portrait de femme, également mère de famille, mais aussi d’un être relié
à ses congénères par tout un tissu de liens. La lente transformation d’un
volontarisme sans faille, tout au service de la cause de la « firme »,
s’effrite comme le béton de la centrale afin de laisser échapper non pas une
énergie négative, mais le sens des valeurs et de la vie. Sans pour autant
livrer un discours moralisateur au pays du Soleil levant, « Tokyo shaking »
interroge le spectateur sur ce qui compose notre quotidien. Sur quelle
échelle appuyons-nous nos vies ? Une réflexion alerte et bien servie par un
jeu d’acteurs convaincant et quelques touches d’humour.
« L’Étang du Démon » (Yasha-ga-ike) 1979 ; Un
film de Masahiro Shinoda avec Tamasaburo BANDO, Go KATO, Tsutomu YAMAZAKI,
Hisashi IGAWA, Fujio TOKITA, Koji NANBARA, Yatsuko TANAMI, directeurs de la
photographie Masao KOSUGI et Noritaka SAKAMOTO,
musique Isao TOMITA, scénario Takeshi TAMURA et Haruhiko MIMURA, d’après la
pièce de Kyoka IZUMI ; Pour la 1re fois au cinéma en version restaurée 4K le
22 septembre 2021.
Province d’Echizen, été 1913. En route vers Kyoto, le professeur Yamasawa
traverse un village frappé par la sécheresse, perdu au milieu des montagnes.
À proximité se trouve l’étang du Démon, objet de superstitions de la part
des habitants. En effet, si la cloche du village ne sonne pas
quotidiennement, le dragon retenu au fond de l’eau serait libéré et
provoquerait un déluge mortel. L’arrivée de Yamasawa chez Akira et Yuri, le
couple chargé de faire respecter cette tradition immuable, va bientôt mettre
en péril cet équilibre…
Le réalisateur Masahiro Shinoda convie le spectateur à une étonnante fresque
fantastique avec ce film « L’Étang du Démon » sorti en 1979 et pour la
première fois au cinéma en version restaurée en France. Appartenant à la
Nouvelle Vague japonaise, Shinoda s’est inspiré d’une célèbre pièce de
kabuki signée Kyoka Izumi au début du XXe siècle dans laquelle un amour
tragique réunit les protagonistes près d’un lac que l’on dit hanté d’un
démon…
La réussite de ce
film à la fois étrange et pourtant familier aux lecteurs des nombreux contes
et légendes du Japon ancien tient à deux facteurs essentiels : La qualité de
la réalisation et la performance extraordinaire notamment celle du grand
acteur de kabuki Tamasaburo Bando parvenant à incarner avec puissance et
subtilité les deux personnages féminins. Après Fleur pâle (1964) et Double
Suicide à Amijima (1969), L’Étang du Démon fait entrer le spectateur dans un
univers onirique des plus réussis où les réminiscences de la musique
occidentale (Debussy, Moussorgski) s’entrecroisent aux références
traditionnelles japonaises. De la même manière, les personnages fantastiques
qui, progressivement, s’immiscent dans cette légende étonnante tiennent à la
fois des multiples divinités et démons traditionnels du Japon ancien et des
évocations du peintre Jérôme Bosch. C’est dans cette alliance étonnante que
réside le charme de ce récit surprenant dont le spectateur ne sort pas
indemne à son terme grâce à cette très belle restauration 4K…
Fantastique, Drame - Japon - 1979 - 124 min - couleurs - 1.85 - VOSTF - DCP
- Cannes Classics 2021 - Visa n° 155506
Trilogie Musashi La Légende de
Musashi - Duel à Ichijoji - La Voie de la lumière, Un film de Hiroshi
Inagaki avec Toshiro Mifune, Rentaro Mikuni, Koji Tsuruta , Mariko Okada. En
salle, Carlotta distribution, 2021.
LA LÉGENDE DE MUSASHI (Miyamoto Musashi) Japon, 1600. Jeune homme fruste rejeté par les siens, Takezo rêve de
devenir samouraï pour recueillir gloire et honneurs. Avec son ami Matahachi,
il part au combat mais se retrouve rapidement du côté des vaincus.
Contraints de fuir, les deux hommes trouvent refuge chez la veuve Oko et sa
fille Akemi. Alors que Matahachi décide de rester auprès d’elles,
abandonnant par là sa promise Otsu, Takezo retourne seul au village où il
sera très mal accueilli…
DUEL À ICHIJOJI (Zoku Miyamoto Musashi: Ichijoji no ketto) Takezo, rebaptisé Musashi Miyamoto, est devenu un samouraï hors pair.
Depuis des années, il parcourt le pays au gré de ses affrontements dont il
sort toujours vainqueur. Le voici désormais à Kyoto pour combattre maître
Yoshioka. Dans la grande ville, il retrouve ses deux soupirantes : la
vertueuse Otsu, ancienne fiancée de Matahachi, et la jeune Akemi, également
courtisée par Yoshioka. Alors que l’affrontement entre les deux hommes est
sans cesse repoussé, la violence autour de Musashi ne fait que croître…
LA VOIE DE LA LUMIÈRE (Miyamoto Musashi kanketsuhen: ketto Ganryujima) Musashi a renoncé aux combats pour mener une vie simple. Le jeune homme
rustre des débuts semble avoir enfin trouvé la voie de la sagesse. Lorsque
son ennemi acharné, le talentueux et ambitieux sabreur Kojiro Sasaki, le met
au défi, Musashi lui donne rendez-vous dans un an. Il sait que ce combat
sera le plus important de sa vie…
Avec la Trilogie Musashi, ni cape, ni épée, mais la voie du
sabre ! Dans la plus belle tradition du chambara – équivalent au Japon de
nos films d’aventures de cape et d’épée – le réalisateur Hiroshi Inagaki
s’est attaqué à une légende, celle du héros du roman-fleuve en deux volumes
d’Eiji Yoshikawa « La Pierre et le Sabre » et « La Parfaite Lumière ». Le
héros solitaire apparaît à l’écran sous les traits du merveilleux acteur
Toshiro Mifune, à l’aube de sa brillante carrière avec un rôle taillé à sa
solide carrure. Trois films se succèdent ainsi de 1954 à 1956 qui
connaîtront un véritable succès mondial couronnés par l’Oscar du meilleur
film étranger en 1956. Ces trois réalisations soignées relatent la vie
tumultueuse d’un samouraï d’origine modeste, ayant réellement existé et dont
la légende populaire s’est emparée. Servie par une production ambitieuse, un
cinéma en couleurs rendant idéalement les somptueux paysages d’un Japon
encore préservé quant à sa nature, cette trilogie convainc spontanément tant
sur le plan de l’action que de l’analyse des caractères. Évitant les poncifs
du genre, ces trois films parviennent à évoquer assez fidèlement l’esprit du
bushido si essentiel dans la société médiévale japonaise, sans pour autant
exclure l’analyse des conditions sociales féodales qui régnaient également à
cette époque. Tant l’impressionnante photographie tournée en Eastmancolor
que le jeu d’acteurs saisissent le spectateur ébloui par une telle
réalisation à la fin des années 50. À l’opposé du cinéma intimiste d’un Ozu,
cette trilogie palpitante réserve de belles heures de cinéma grâce à cette
version restaurée tout spécialement.
Aventures - Japon - 1954 - 302 min - Couleurs - 1.33 -
VOSTF - DCP - Visa n° 76776 - 83520 - 83521
« La Vengeance d’un acteur » (Yukinojô
henge) – 1963 ; Un film de Kon Ichikawa, au cinéma le 30 juin en version
restaurée 4K, 109 min - couleurs - 2.35 - DCP - Visa n° 50 947, VOSTF,
Carlotta, 2021.
Yukinojo, célèbre acteur de kabuki, vient jouer à Edo avec sa troupe. Un
soir, sur scène, il reconnaît dans le public les trois hommes qui ont
provoqué la ruine et le suicide de ses parents : le magistrat Dobe et les
commerçants Kawaguchiya et Hiromiya. À l’époque, il avait alors juré de les
venger coûte que coûte. Yukinojo compte bien tenir sa promesse et va pour
cela se servir de la fille de Dobe, Dame Namiji, tombée amoureuse de
l’acteur…
« La Vengeance d’un acteur » du réalisateur Kon Ichikawa, sorti en 1963,
relève du jidai-geki, genre théâtralisé très prisé au Japon évoquant la vie
à Edo, avec ses seigneurs, samouraïs et marchands. Sur fond de vengeance aux
accents shakespeariens, Kon Ichikawa qui voue une admiration au cinéma
occidental, dont notamment celui de Pasolini, dresse ici un tableau onirique
de toute beauté. Servi par une technique aux plans soignés, d’une rigueur
implacable avec sa caméra encadrant les acteurs entre deux portes
coulissantes telle une estampe délicate, « La Vengeance d’un acteur » est
l’occasion d’une attention toute particulière apportée aux décors et aux
costumes.
Il ressort alors de cette réalisation le sentiment surprenant
d’être à mi-chemin entre composition théâtrale, long-métrage et œuvre
graphique onirique, bien avant les derniers films que réalisera Kurosawa.
Kon Ichikawa dont la longue carrière avait débuté par le cinéma d’animation
et le dessin a toujours conservé cette sensibilité graphique perceptible
dans ses films. Dans cette réalisation complexe où règne en maître l’acteur
mythique au Japon Kazuo Hasegawa, les genres se fondent sans se confondre
entre théâtre kabuki et cinéma japonais contemporain sans oublier
l’importance de la musique associant sans heurts musique jazz et
traditionnelle…
Grâce au format CinémaScope idéal pour évoquer la scène
théâtrale et une remarquable restauration 4K, « La Vengeance d’un acteur »
nous plonge dans une féerie à la fois dramatique où l’un des thèmes préférés
du réalisateur – la solitude de l’individu face à la collectivité – se
déploie admirablement avec une rare intensité.
Un film à redécouvrir à l’écran pour une belle leçon de cinéma.
« Une vie difficile » (Una Vita difficile) ; Un
film de Dino Risi avec Alberto Sordi, Lea Massari – Italie – 1961 – 1h59, au
cinéma le 16 juin 2021, Distribution Les Acacias, 2021.
Silvio Magnozzi, ancien résistant, tente en homme de gauche convaincu de
s’accrocher à ses convictions politiques. Lui qui s’est reconverti en
journaliste engagé a de plus en plus de mal à subvenir aux besoins de sa
famille. Son épouse, Elena, supporte de moins en moins son idéalisme et lui
reproche de ne pas vouloir tirer profit du miracle économique italien.
Lorsqu’elle le quitte, Silvio tente de la reconquérir en acceptant de se
compromettre avec un riche industriel italien…
« Une vie difficile » du réalisateur Dino Risi explore dans une tonalité
caustique les effets du développement économique après-guerre en Italie.
Marquée par un fossé séparant une petite élite attachée à ses privilèges
d’une grande majorité de nécessiteux, l’Italie du début des années 60 offre
un terrain de choix pour la caméra de Dino Risi avec, déjà, cette approche,
qui lui est propre, de comédie et de gravité. Aucune couche sociale
n’échappe en effet à son regard scrutateur sans concession.
L’aristocratie
enfermée dans ses traditions tout comme la petite bourgeoisie de province
sans oublier celles et ceux peinant à manger à leur faim dans cette Italie
d’après-guerre passent sous le crible du réalisateur pour le plus grand
bonheur du spectateur grâce au comédien fétiche Alberto Sordi. Passant d’un
registre à l’autre à une vitesse vertigineuse, Alberto Sordi parvient à
souligner sous le registre de la critique sociale les aberrations des
aspirations de chacun des protagonistes du boom économique. Film politique à
sa manière, « Une vie violente » dénonce ce que Pier Paolo Pasolini
critiquera également avec la perte de l’identité culturelle italienne pour
un consumérisme aveugle. Un film d’une sobriété technique à redécouvrir à
l’écran grâce à cette belle version restaurée !
« Shorta » un film de Anders Ølholm
et Frederik Louis Hviid avec Jacob Lohmann, Simon Sears, Tarek Zayat,
Policier / Danemark / VF & VOST / Image : 2.39 / Son : 5.1 / Durée 1h48, au
cinéma le 23 juin.
Talib, 19 ans, adolescent noir, meurt des suites de blessures mortelles
en garde à vue. Son décès provoque une révolte dans la banlieue de
Copenhague au moment où deux policiers que tout oppose, Jens et Mike, s’y
trouvent justement en patrouille. Pris en chasse, ils vont devoir se frayer
un chemin pour échapper aux émeutes. S’engage alors un affrontement
implacable.
Ce film danois au rythme trépidant et haletant pourrait tout aussi bien se
dérouler en France, dans un autre pays en Europe ou aux États-Unis. Criant
d’actualité, il pose de nombreuses questions quant à l’autorité,
l’intégration, le respect et le sens moral. Ne cherchant pas à stigmatiser,
contrairement à ce que pourraient laisser penser les premières minutes, ce
film soulève plus de questions qu’il ne propose de solutions.
Les réalisateurs, Anders Ølholm et Frederik Louis Hviid, par
un style original et des plans parfois singuliers, font entrer leur caméra
en des lieux jugés de nos jours comme interdits à l’enquête, zones
parallèles où d’autres autorités règnent et que les responsables politiques
ont progressivement abandonnées… Que se passe-t-il lorsque la confrontation
semble incontournable ? C’est à cette question et bien d’autres encore que
Shorta s’attache avec un jeu d’acteurs convaincant, qu’il s’agisse des deux
policiers ou du jeune Tarek Zayat, impressionnant face à la caméra. Les
certitudes s’effritent contre ces murs de banlieues déshéritées. Sans cacher
le profond malaise qui gagne les forces de police tout autant que la
population de ces quartiers, ce film suggère quelques issues vers la
lumière, sans illusions pour autant. Un traitement beaucoup plus fin de la
violence urbaine que ce que le cinéma nous livre quotidiennement, un film à
découvrir…
« Mon cousin » de Jan Kounen avec
Vincent Lindon, François Damiens, Alix Poisson, Pascale Arbillot ; Comédie -
Durée du DVD : 1h42 - Durée du Blu-ray : 1h47, Pathé, 2021. En dvd, blu-ray
et vod, le 3 février 2021.
Pierre est le PDG accompli d'un grand groupe familial. Sur le point de
signer l'affaire du siècle, il doit régler une dernière formalité : la
signature de son cousin Adrien (François Damiens) qui détient 50% de sa
société et connaît des troubles psychologiques...
Avec « Mon cousin » le réalisateur Jan Kounen signe une
comédie à la fois légère, mais posant aussi de vraies questions, plus qu’une
comédie, « Mon cousin » est une alchimie. Vincent Lindon ( En Guerre, La Loi
du Marché, Welcome), plus grave que jamais, tient le haut de l’affiche en
homme d’affaires affairé face à l’étonnant François Damiens (Le Prince
Oublié, Mon Ket, Dikkenek), ici, en cousin quelque peu dérangé…
Ce duo contrasté évoque en de multiples scènes détonantes les
travers de la vie moderne dans laquelle les liens se trouvent mis à rude
épreuve et le sens de la vie continuellement questionné.
Entre coups de griffes apportés aux nouvelles tendances du
bien-être et stéréotypes de la vie branchée d’une élite du monde des
affaires, quelle place reste-t-il à la vie ? La vraie ? Ce sont ces
questions que soulève ce film au rythme trépidant et plaisant, servi par un
jeu d’acteurs convaincant pour celles et ceux souhaitant quelques moments de
divertissement au cœur même pourtant des questions incessantes de notre
quotidien…
"Silence" (Chinmoku) ; Un film de
Masahiro Shinoda ; Scénario : Shusaku ENDO avec David LIMPSON, Don KENNY et
Tetsuro TAMBA ; Musique : Toru TAKEMITSU ; Directeur de la photographie :
Kazuo MIYAGAWA ; Carlotta Films, 2020.
Au XVIIe siècle, deux prêtres jésuites, le père Rodrigues et le père
Garrpe, débarquent sur les côtes japonaises. Dans ce pays où la religion
chrétienne est interdite et ses fidèles persécutés, les deux missionnaires
sont accueillis avec enthousiasme par les croyants, obligés de se cacher
pour pratiquer leur foi. Le but des deux Occidentaux est d’aider à
réimplanter le christianisme dans le pays, mais également de découvrir la
vérité sur leur mentor, le père Ferreira, mystérieusement disparu après sa
capture par les autorités cinq ans plus tôt…
Près d’un demi-siècle avant le film de Martin Scorcese, le réalisateur
japonais Masahiro Shinoda avait déjà adapté à l’écran le roman « Silence »
de l’écrivain Shûsaku Endô. Ce dernier toujours hanté par les tensions entre
traditions ancestrales et modernité apportée par le christianisme au Japon
avait signé une œuvre puissante et trouble, hantée par les thèmes de la
souffrance, de la culpabilité et du rachat. Le choc survenu lors de
l’arrivée des premiers missionnaires jésuites au Japon au XVIIe siècle fut,
en effet, tel auprès de la population réceptive que le pouvoir avait réagi
rapidement et violemment contre cette intrusion culturelle et politique.
À la différence de Scorcese, c’est du point de vue japonais
que ce récit puissant et sensible se trouve traité avec finesse par le
réalisateur de la nouvelle vague japonaise au début des années soixante-dix,
en une évocation aux nombreux plans symbolistes. Plongés dans de sublimes
paysages japonais filmés par le grand directeur de la photographie Kazuo
Miyagawa (Rashomon d’Akira Kurosawa, L’Intendant Sansho de Kenji Mizoguchi),
les protagonistes de cette histoire douloureuse avancent sans trouble, sûrs
de leur foi et convictions jusqu’à ce que le doute s’immisce…
La rigueur jésuite ne parvient pas à réduire l’intransigeance
du pouvoir shogunal, l’incompréhension réciproque conduit à un bras de fer
sans concession qui va se déplacer bien au-delà des percussions physiques et
de la torture. C’est en effet sur le domaine psychologique que le
réalisateur – suivant en cela le roman de Endô – place la caméra en plans
rapprochés.
Conversion et fidélité, foi et amour, douleur et rédemption, nombreux sont
les thèmes moraux abordés par ce très beau film réalisé avec sobriété par
Masahiro Shinoda et qui ne pourra que conduire à de nombreux questionnements
au terme de la terrible confrontation finale.
En exclusivité sur le vidéo club du vendredi 15 au mardi 19 janvier inclus -
Disponible en DVD/BRD en mars prochain
« Madre » ; Un film de Rodrigo
Sorogoyen avec Marta Nieto, Jules Porier, Alex Brendemühl, Anne Consigny,
Frédéric Pierrot, Guillaume Arnault et Raúl Prieto, DVD, Le Pacte, 2020.
Dix ans se sont écoulés depuis que le fils d’Elena, alors âgé de 6 ans, a
disparu. Dix ans depuis ce coup de téléphone où seul et perdu sur une plage
des Landes, il lui disait qu’il ne trouvait plus son père. Aujourd’hui,
Elena y vit et y travaille dans un restaurant de bord de mer. Dévastée
depuis ce tragique épisode, sa vie suit son cours tant bien que mal. Jusqu’à
ce jour où elle rencontre un adolescent qui lui rappelle furieusement son
fils disparu...
Le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen livre avec « Madre », et après
déjà un remarqué « Que Dios nos perdone » en 2016, un rare témoignage sur la
puissance des sentiments dans nos vies… Tout en nuances, à l’image des
superbes paysages côtiers des landes, ce redoutable long-métrage lamine les
profondeurs des âmes, à l’image des lames s’abattant sur la plage tout au
long du film. Les protagonistes de ce long métrage sensible évolueront
d’ailleurs très souvent entre terre et mer, sur cette zone de sable tragique
et mouvante d’où le drame est parti.
Les premières minutes sont insoutenables, tant l’oppression et l’angoisse
gagnent le spectateur, à l’image de cette mère affolée et impuissante face à
l’inéluctable. La comédienne Marta Nieto interprète ce rôle avec une telle
présence et un naturel si convaincant que cette peur en devient
transmissible, sans recul. Puis, vient le temps du deuil, une séparation impossible que
cette mère ne parvient pas à dépasser en des errements incessants sur les
lieux de la disparation jusqu’au jour où un jeune garçon apparaît dans sa
vie, signe ou simple transfert ?
De la peur à l’amour, un long cheminement va dès lors gagner chacun des
protagonistes de ce film, à la fois tragique et aux lueurs d’espérance.
Après un court-métrage initial portant le même titre et réduit aux premières
scènes de la disparition de l’enfant, ce long-métrage, en ayant recours
principalement au plan-séquence, ajoute au réalisme où la lumière unique du
golfe de Gascogne irradie la pellicule en autant de dégradés que de
sentiments.
Un film puissant et sensible, émouvant et subtil.
« Hiroshima » - 1953, un film de
Hideo Sekigawa avec Yumeji Tsukioka, Eiji Okada, Yasumi Hara, Isuzu Yamada –
N&B – 104’ – 35mm – Nikkyôsô Prod. – VOSTF, Vidéo Club Carlotta, 2020.
Le jour où la bombe atomique fut larguée sur Hiroshima, le destin de
milliers de civils japonais fut définitivement brisé. L’histoire de certains
d’entre eux est évoquée dans ce film résolument opposé à la guerre.
Voici un film qui marquera probablement la conscience des
Occidentaux, celle des Japonais l’étant depuis longtemps avec les nombreux
films antimilitaristes, dits du Genbaku, du nom du dôme symbolique ayant
résisté à l’explosion nucléaire. Ce récit des plus réalistes évoque
dramatiquement le destin des victimes de Hiroshima. Nulle emphase ni effets
spéciaux grandioses, en effet, mais un traitement cataclysmique d’un jour
qui fut malheureusement réel, reposant sur une image crépusculaire des
ruines de la ville atomisée.
Sorti en 1953, ce film fut longtemps introuvable, tant aux États-Unis qu’au
Japon, les opinions communistes du réalisateur Hideo Sekigawa ayant condamné
d’avance sa production.
Il apparaît manifeste que le témoignage du réalisateur
japonais est sans concessions tant sur le nationalisme aveugle de ses
compatriotes que sur l’inconscience américaine ayant conduit à cette
catastrophe sans précédent. L’horreur nucléaire qui marquera de manière indélébile la
conscience japonaise sur plusieurs générations trouve ses premiers
développements avec ce film éprouvant ayant fait appel à des centaines
d’habitants de Hiroshima même comme figurants, ajoutant ainsi au réalisme
des scènes de désolation filmées…
La véritable consécration du film « Hiroshima » viendra quelques années plus
tard par le réalisateur français Alain Resnais qui en reprendra quelques
scènes pour son chef-d’œuvre « Hiroshima mon amour » avec également pour
vedette le même acteur Eiji Okada. Un film, d’une dure réalité, mais qui ne
saurait encore aujourd’hui rester au tires des films tabous et occultés.
« Au-dessous du volcan » (Under the
Volcano) ; Un ufilm de John Huston avec Albert FINNEY, Jacqueline BISSET,
Anthony ANDREWS, Ignacio LÓPEZTARSO ; Scénario Guy GALLO d’après le roman de
Malcolm LOWRY, directeur de la photographie Gabriel FIGUEROA, musique Alex
NORTH, producteurs Moritz BORMAN & Wieland SCHULZ-KEIL.
En salle pour la 1re fois en version restaurée à partir du 7 octobre 2020.
Carlotta.
À la veille du 1er novembre 1938, la nuit s’est abattue sur Cuernavaca et
l’animation est déjà vive dans les rues où l’on prépare le Jour des Morts.
Geoffrey Firmin, ex-consul britannique, erre parmi la foule, ivre mort, pour
oublier le départ de sa femme Yvonne.
Adapté du célèbre roman de Malcom Lowry, « Au-dessous du volcan » donne lieu
à un étonnant et fabuleux jeu d’acteur de la part d’Albert Finney. Dans un
véritable one man show, l’acteur britannique venu de l’univers du théâtre
envahit l’écran avec cette interprétation exigeant qu’il apparaisse saoul de
la première jusqu’à la dernière minute du film, et ce sans qu’à un seul
instant cela ne semble artificiel…
Rongé par l’alcool et les remords du passé, ce colosse aux pieds fragiles
offre, en effet, tout au long du film un étonnant portrait psychologique
contrastant avec celui de son ex-épouse désarmée et interprété avec brio par
la rayonnante Jacqueline Brisset. Véritable drame dont la tension va crescendo au fur et à
mesure de la progression du film, « Au-dessous du volcan » explore au plus
intime la plongée dans le désespoir d’un être humain jusqu’à l’inexorable.
La finesse des sentiments analysés par la caméra de John Huston est
proportionnellement inverse à la démesure de consommation d’alcool du
principal protagoniste.
Sur fond de société traditionnelle mexicaine avec sa fête des Morts
contrastée et envoûtante, la violence contenue se libérant progressivement,
« Au-dessous du volcan » offre une allégorie réussie des passions humaines
par le truchement du personnage central. Sentiments déchaînés et destinées
inexorables vont dès lors rattraper chacun des protagonistes de ce
long-métrage remarquablement restauré.
Drame - USA - 1984 - 112 min - couleurs - 1.85:1 - VOSTF - DCP - Visa n° 59
097
« Manon » ; Un film de Henri-Georges
Clouzot avec Cécile Aubry, Michel Auclair, Serge Reggiani, Gabrielle Dorziat
; D’après le roman de l'Abbé Prévost. Lion d'or au Festival de Venise de
1949, Prix Georges Méliès en 1949 ; Noir & blanc, 105 mn, VOD, Les films du
Jeudi, 2020.
Une nuit, deux clandestins sont découverts dans la cale d'un bateau à
destination de la Palestine. Le capitaine envisage de les livrer à la police
aussitôt la ville d'Alexandrie atteinte, puis se laisse attendrir par cette
passion dévorante dont le jeune couple entreprend le récit.
« Manon », le film d’Henri-Georges Clouzot s’inspire très librement du
fameux roman de l’Abbé Prévost « L’Histoire du chevalier des Grieux et de
Manon Lescaut », un récit qui fit scandale au XVIII° siècle.
L’histoire conte la rencontre fortuite de deux jeunes gens ballottés par les
affres de la guerre à la Libération dans une petite ville de Normandie alors
que les habitants souhaitent tondre la jeune femme, Manon, accusée d’avoir
pactisé avec l’ennemi. Dès les premiers plans, c’est une passion dévorante
qui va consumer les deux amants, Manon ne cherchant que la lumière et les
fastes, quitte à s’y brûler, Robert ayant déjà, pour sa part, trouvé sa
flamme dévorante…
Clouzot partant de cette intrigue commune va développer un film ciselé dont
la photographie et les plans de toute beauté ne cessent de surprendre encore
70 ans plus tard. À partir de cette quête impossible entre les deux amants,
l’adversité, les épreuves, et finalement la mort, ne parviendront pas à
briser ce qui n’aurait pourtant pas dû durer. Car tout opposait Manon et
Robert, et pourtant un destin commun allait les réunir dans la passion et
les sables du désert.
Si le roman de l’abbé Prévost avait déjà été porté plusieurs fois au cinéma
avant la version de Clouzot, et le sera encore après lui, cette adaptation
tient non seulement de l’allégorie du destin des jeunes d’après-guerre, mais
aussi des affres sentimentales du réalisateur que ce dernier connut à
l’époque avec sa compagne Susy Delair. Après le clair-obscur des mois
suivants la Libération faits de combines et de petits trafics, vient le
rayonnement solaire de l’échappée vers la Terre promise, un destin qui passe
cependant par une longue et fatale traversée du désert… Cette illumination
symbolique transposée à l’écran irradiera les derniers plans inoubliables de
cette singulière histoire d’amour.
"Dark Waters" ; Un film de Todd
Haynes avec Mark Ruffalo, Anne Hathaway ; Scénario Mario Correa, Matthew
Michael Carnahan ; Directeur de la photographie Edward Lachman ; Montage
Affonso Gonçalves ; Musique Marcelo Zarvos ; Durée 2h06 ; Le Pacte, VOD,
2020.
Robert Bilott est un avocat spécialisé dans la défense des industries
chimiques. Interpellé par un paysan, voisin de sa grand-mère, il va
découvrir que la campagne idyllique de son enfance est empoisonnée par une
usine du puissant groupe chimique DuPont, premier employeur de la région.
Afin de faire éclater la vérité sur la pollution mortelle due aux rejets
toxiques de l’usine, il va risquer sa carrière, sa famille, et même sa
propre vie...
L’histoire évoquée dans « Dark Waters » aurait pu naître dans l’imagination
fertile d’un scénariste de films à grand spectacle d’Hollywood avec
multiples effets spéciaux et musiques détonantes… s’il n’était
malheureusement l’évocation sans trucages ni aucune invention d’une tragique
histoire vraie, la nôtre !
Todd Haynes s’est en effet saisi de ce scandale mondial du téflon pour
proposer un film témoignage particulièrement sobre si l’on songe aux
tragiquesfaits évoqués. La photographie d’Edward Lachman parvient à rendre
les teintes de cette nature abîmée de Virginie Occidentale par la cupidité
et l’arrogance de l’homme alors que l’univers glacé des cabinets d’avocats
d’affaires semble à mille lieues d’un tel désastre.
Sauf que l’un d’entre eux, Robert Bilott a décidé de dire non au système, risquant sa vie et sa
carrière pour se dédier à cette cause perdue d’avance. C’est ce combat
impossible de David contre Goliath qui est au cœur de ce film passionnant,
qui tient en haleine le spectateur pendant deux heures jusqu’à son terme.
Mais, comment ne pas se sentir concerné ?
Mark Ruffalo interprète avec un réalisme sidérant l’avocat
Robert Bilott, parvenant à rendre toutes les étapes de ce combat au long
cours contre la célèbre firme DuPont de Nemours, l’un des géants de
l’industrie chimique, depuis ses illusions de brillant juriste reconnu par
son équipe jusqu’au doute et à la maladie le gagnant… « Dark Waters » porte
bien son titre et s’avère être en effet un film sombre, qui ne laisse guère
d’espoir sur les combats menés pour l’écologie de la planète et surtout pour
la survie de l’homme. Ce film laisse cependant une lueur d’espoir : par la
prise de conscience de pratiques scandaleuses et encore d’actualité, les
générations futures réagiront peut-être plus efficacement que leurs aînés,
mais ne sera-t-il pas trop tard ?
« Garabandal, Dieu seul le sait » ;
Un film de Brian Alexander Jackson avec Belén Garde García, Fernando García
Linares et Rafael Samino Arjona ; Versions VF / VOSTFR, Saje Distribution,
2020.
18 juin 1961. Dans un petit village du nord de l'Espagne, San Sebastian
de Garabandal, quatre jeunes filles affirment avoir vu l'archange
Saint-Michel et la Vierge. Le curé Don Valentìn et le brigadier Don Juan se
trouvent rapidement impliqués dans un événement qui les dépasse, cherchant à
comprendre où se trouve la vérité, confrontés à une hiérarchie perplexe et à
une foule de plus en plus nombreuse qui monte au village en quête de
miracles...
Si les apparitions mariales sont nombreuses, seul un petit nombre d’entre
elles ont été reconnues par l’Église. Prudence et précautions sont donc de
mises, et ont en effet prévalu afin d’éviter tout excès dans les
qualifications de ces évènements qui, souvent, relèvent plus de la ferveur
mystique que d’une véritable manifestation religieuse. Mais les multiples
apparitions à Garabandal, au nord de l’Espagne ont suscité – et continue de
susciter – de nombreuses interrogations. C’est le point de départ de ce film
sobre et documenté de Brian Alexander Jackson « Garabandal, Dieu seul le
sait » qui livre avec pudeur et nuances un beau témoignage sur ces
évènements. Le cadre somptueux des paysages montagneux de l’Espagne du Nord
souligne la beauté sauvage de cet endroit préservé de la modernité, sans
télévision ni moyens de communication. En ces lieux, la foi traditionnelle
occupe encore une place essentielle pour la communauté villageoise en ce
début des années 60.
Ce film sobre et où l’humour pointe parfois est loin d’être
édifiant, il ne verse en aucune manière dans un mysticisme marial exacerbé
et sombrant parfois dans une hystérie certaine. Le témoignage est limpide,
invitant à la foi et à la prière. Rien d’extraordinaire, et pourtant si
nécessaire à l’époque du Concile Vatican II en cette décennie qui allait
tant bouleverser l’Église.
Une question demeure, cependant, encore : Quelle sera à l’avenir la position
de l’Église sur ces apparitions ? Moins hostile ces derniers temps, rien ne
fait obstacle – selon l’expression canonique officielle – à ce que ces
apparitions soient un jour reconnues, le dossier reste ouvert…
Mais lorsque quatre jeunes filles affirment avoir eu des visions d’ange et
de la Vierge Marie, tout bascule… Le réalisateur souligne par ses cadrages
serrés et ses interrogatoires avec force champs-contrechamp le scepticisme,
puis l’opposition radicale des autorités religieuses, voyant d’un « mauvais
œil » ces manifestations. Face à ces critiques, la candeur de ces jeunes
filles rayonne tout au long du film, témoignage manifeste de leur bonne foi,
aucune n’ayant cherché à ajouter aux messages délivrés, parfaitement
conformes aux canons de l’Église catholique.
"Le retour de Richard III … par le
train de 9h24" ; Film réalisé par Éric Bu ; Scénario de Gilles Dyrek, avec
Sophie Forte et Hervé Dubourjal, Jean-Gilles Barbier, Camille Bardery,
Amandine Barbotte, Lauriane Escaffre, Ariane Gardel, Benjamin Alazraki,
Yvonnick Muller… Stéphane Sansonetti (Atlan films) et Alexis Bougon ; Samsha
Productions avec la participation de Jean-Baptiste Neyrac (Neyrac Films),
VOD, 2020.
Condamné par la médecine, Pierre-Henri engage des comédiens pour jouer sa
famille disparue pendant une semaine et l’aider à se réconcilier avec les
siens. Entre réalité et fiction, cette relecture d’un passé familial
mouvementé est un règlement de compte où on ne sait bientôt plus faire la
part entre le vrai et le faux. Les comédiens étant tous au moins aussi
névrosés que lui, voici Pierre-Henri bientôt débordé par les transferts des
uns et des autres…
La comédie dramatique est art délicat. Comédie et drame font, en effet,
difficilement bon ménage et souvent l’un l’emporte sur l’autre à moins d’un
match nul. Le film réalisé par Éric Buc évite bien des écueils et noue un
dialogue intime sur le sens de nos vies, nos réussites, mais surtout nos
échecs lorsque le terme de ce parcours commence à poindre. Si le début du
film transmet ces hésitations à se livrer avec une gêne manifeste à « jouer
le jeu » pour les comédiens convoqués, tout comme pour l’ordonnateur de
cette mise en scène, rapidement, le jeu s’engage et livre un témoignage
ironique, grinçant et touchant sur ce qui importe dans la vie.
Les comédiens deviennent parties prenantes de ce « jeu » qui
se métamorphose en « je », révélant leurs propres failles et témoignages sur
leur sens de la vie. « La vie n'est pas trop courte, c'est nous qui la
perdons », rappelle Sénèque, ce dont témoigne parfaitement cette comédie
dramatique servie par un jeu d’acteurs convaincants.
Éric Bu, récompensé à Cannes par le prix France Télévision au
Short Film Corner pour son court-métrage « Le soleil des Ternes », oscille,
ici, entre grand écran et théâtre, aidé en cela par le scénario et les
dialogues écrits par Gilles Dyrek (scénario & dialogues) qui interprète, par
ailleurs, le personnage de William, en référence à Shakespeare…
Une comédie grave sur ce qui importe dans nos vies… à moins qu’il ne
s’agisse de l’inverse, un drame comique sur « l’insoutenable légèreté » de
nos existences…
LE RETOUR DE RICHARD 3 PAR LE TRAIN DE 9H24 d'Éric Bu, sera l'un des
derniers films à sortir directement en VOD, le mercredi 17 juin 2020, sur la
plateforme FilmoTV avant la réouverture des salles de cinéma le 22 juin
2020.
En 1925, l’écrivain André Gide effectue un voyage en Afrique-Équatoriale
française et au Congo belge avec son secrétaire, Marc Allégret, qui en tire
un document filmé et en rapporte de nombreuses photographies…
« Voyage au Congo » ne relève pas vraiment de l’enquête ethnographique sur
le modèle de celle qu’entreprendra quelques années plus tard Claude
Lévi-Strauss au Brésil. Avec cette évocation filmée en 1926 par le
secrétaire d’André Gide, Marc Allégret, appelé à un brillant avenir de
cinéaste, il s’agit plutôt d’une digression poétique et esthétique. La quête
de la beauté, celle de ces paysages encore vierges pour la plupart de toute
dévastation coloniale, c’est « l’homme nu », celui encore préservé de toutes
les entraves de l’occidentalisation qui transparaît dans ces plans certes
naïfs mais d’une ineffable esthétique. Si, bien entendu, les commentaires
laissent parfois percevoir quelques ethnocentrismes, il demeure cependant
que « Voyage au Congo » jette un regard bienveillant sur ce monde où candeur
et joie de vie transparaissent dans les scènes filmées en 1925.
Restauré à partir du négatif original par les Films du Panthéon et les Films
du Jeudi en collaboration avec la Cinémathèque française, « Voyage au Congo
» est le premier film de Marc Allégret. Le musicien Mauro Coceano en a
composé la musique accompagnant ces images d’une époque aujourd’hui révolue,
presque un siècle plus tard.
À la différence des jugements de Lévi-Strauss, ce ne sont pas
de « Tristes Équateurs » qui sont, ici, dévoilés par la caméra d’Allégret
mais plutôt une candeur de vie préservée, une certaine insouciance que ces
corps encore indemnes de l’influence occidentale subliment. Danses, travaux
des champs, pratiques sociales, palabres, c’est cette vie africaine que
souhaitait faire découvrir l’écrivain André Gide alors chargé de mission par
le Ministère des Colonies. L’homme blanc est étonnamment absent de cette
réalisation au style libre, renforçant ainsi cette impression de
contre-enquête ethnographique du « bon sauvage », un parti pris moderne pour
l’époque.
C’est cette poésie préservée des affres de la modernité qui a été captée sur
la pellicule et qui peut être, avec un plaisir certain de curiosité,
redécouverte grâce à cette remarquable restauration. Un film qui vaut tout
un voyage tant ces images restent longtemps gravées dans la mémoire.
"LA RUMEUR" réalisé par William
Wyler (1961) avec Audrey Hepburn, Shirley MacLaine, James Garner, DVD et BRD,
Wild Side, 2020.
Amies depuis les bancs de la faculté, Karen et Martha ont réalisé leur
rêve en ouvrant un pensionnat de jeunes filles. Mais cette promesse de
bonheur va être anéantie par le machiavélisme de Mary, une écolière
tourmentée. Ses mensonges seront le début d’un engrenage funeste…
Le réalisateur William Wyler, bien connu pour ses films « Vacances romaines
» et « Ben Hur », a également signé en 1961 un long-métrage original et à
contre-courant « La Rumeur » réunissant deux talentueuses actrices, la
rayonnante Audrey Hepburn et Shirley MacLaine. Si l’intrigue s’avère plus
que sulfureuse en ce début des années 60, « La Rumeur » qui atteindra les
deux jeunes femmes – Audrey Hepburn et Shirley MacLaine - dirigeant le
pensionnat de jeunes filles parviendra cependant à contourner la censure
implacable de l’époque en focalisant la caméra sur l’attitude et les valeurs
intransigeante de la société américaine puritaine.
Le film débute par un cadre idyllique, une vie sans histoire où la candeur
des jeunes filles de ce pensionnat se dispute à la bonne humeur dans ce qui
ressemble à une antithèse des rigoristes collèges anglais.
Mais cette atmosphère hédoniste laisse poindre quelques
nuages par un personnage inattendu, Mary, une écolière singulièrement
méchante et prête à tout pour assouvir ses velléités de domination et
manipulation. Et déjà, par son regard haineux et soupçonneux, l’univers
immaculé de ce pensionnat change d’atmosphère…
Le réalisateur souligne en une fine analyse des caractères et
une brillante direction du jeu d’acteurs les tensions des protagonistes
jusqu’à l’éclatement du scandale né de cette fameuse rumeur quant aux mœurs
des deux femmes dirigeant l’établissement… Ne pouvant centrer sa caméra sur
ce qui est alors indicible et inavouable, « La Rumeur » fait le choix habile
du traitement psychologique de l’opinion publique, cette société bourgeoisie
et aisée qui préfère condamner plutôt que comprendre, briser des vies au
lieu d’offrir un salut. C’est ce jeu de tensions qui est habilement rendu
par « La Rumeur », sans oublier « l’aveu » de Martha d’une rare sensibilité
à l’écran, une confession inoubliable qui souligne le chemin parcouru depuis
cette époque, il y a soixante ans…
« Julietta » ; Un film de Marc
Allégret avec Jean Marais, Dany Robin, Jeanne Moreau, Denise Grey, Nicole
Berger, Bernard Lancret, Georges Chamarat ; Adaptation et dialogues de
Françoise Giroud d'après l'œuvre de Louise de Vilmorin, Noir & blanc,
restauré et numérisé en 2K avec le soutien du CNC, VOD, 97 mn, Les films du
Jeudi / Les films du Panthéon – 1953.
Julietta est sur le point de faire un mariage de raison. Au cours d’un
arrêt en gare de Poitiers, la jeune fille descend du train, qui repart sans
elle. Audacieuse, elle accepte l’hospitalité de Maître Landrecourt, un beau
jeune homme. La fausse ingénue s’installe dans la maison de l’avocat,
s’immisce dans sa vie… Au grand dam de Rosie, sa fiancée.
Avec « Julietta », film de Marc Allégret réunissant de jeunes acteurs dans
l’ascension de leur talent, c’est la saveur acidulée de la plume de Louise
de Vilmorin qui transparaît dans cette réalisation soignée. Si l’histoire
peut sembler un brin mièvre et typique de nombreuses réalisations édulcorées
de cette époque, les dialogues adaptés de la romancière par Françoise Giroud
génèrent, ici, une suite d’analyses cocasses où l’ironie se charge de battre
en brèche les conventions de l’époque.
Dans un décor idyllique, Jean Marais, Dany Robin et Jeanne
Moreau resplendissent avec facilité, alors que le rythme va crescendo en une
tonalité vaudevillesque. La lumière posée sur les femmes par une femme
transparaît grâce au jeu des comédiennes qui parviennent à ne pas être
estompées par la présence écrasante de Jean Marais.
Plaisant et divertissant, « Julietta » s’avère être un film à redécouvrir
pour se plonger dans cette époque du début des années 50 et ces mutations
amorcées sur la place des femmes.
« Avez-vous la Foi ? » ; Un film de
Jon Gunn avec Mira Sorvino, Sean Astin, Alexa PenaVega, Ted McGinley ;
Versions : VF / VOSTFR, Saje Distribution, 2020.
Remué par le questionnement troublant d’un prédicateur de rue, le pasteur
Matthieu décide de mettre sa propre foi en acte. Cela va provoquer une
réaction en chaîne sur 12 personnalités différentes, dont les destins vont
s’entre croiser, toutes confrontés à la même question : Avez-vous la foi ?
Le film de Jon Gunn « Avez-vous la foi ? » s’aventure dans les méandres
toujours risqués des croyances des individus et des fondements mêmes de leur
vie. À l’heure de la laïcité exacerbée, ces questions peuvent donner
l’impression de prosélytisme, comme si la foi devait s’arrêter aux
frontières de nos convictions personnelles dans nos temples, églises,
mosquées ou synagogues pour laisser place à l’esprit public en collectivité.
Le réalisateur de « Avez-vous la foi ? » a choisi pour son film de traiter
ces questions sur le plan des zones critiques de personnages que tout sépare
et qui vont se trouver réunis en une transcendance, interrogée et vécue,
commune.
Si le traitement est bien entendu « à l’américaine » en un esprit
évangélisateur qui pourra exaspérer certains, il demeure que ce film pose de
vraies questions, celles de la tolérance, du partage gratuit et du sens de
nos vies. Rien que pour cela, et en ces temps difficiles qui s’annoncent, il
mérite d’être découvert.
« Avez-vous la foi » offre de plus un scénario enlevé,
mettant en évidence les fils ténus qui tissent nos vies, leur précarité,
comme leur force, pour tendre à autre chose que le quotidien. Les
protagonistes de ce film sont convaincants dans leur interprétation, qu’il
s’agisse du jeune noir délinquant converti au moment ultime de sa chute ou
de cette femme sans domicile fixe avec sa petite fille, désespérée et ayant
perdu la foi jusqu’à ce que…
« Avez-vous la foi ? » devrait être vu en famille ou entre amis pour
susciter un débat que l’on imagine fervent.
« Olivia » (1950) ; Un film de
Jacqueline Audry avec Edwige Feuillère, Simone Simon, Marina De Berg, Yvonne
De Bray, Suzanne Dehelly, Marie-Claire Olivia, Gabriel Sardet, Danièle
Delorme ; durée 1h35mn, Noir & Blanc, Restauré et numérisé en 2K avec le
soutien du CNC, Les Films du Jeudi, Les Films de la Pléiade, VOD Films et
Documentaires, 2020.
Fin du XIXème siècle dans une pension de jeunes filles près de
Fontainebleau, la directrice, la fascinante Mademoiselle Julie, sème le
trouble dans le cœur de la nouvelle venue, Olivia…
Un brin suranné bien que très audacieux pour son époque, le film « Olivia »
de Jacqueline Audry demeure encore aujourd’hui non dénué de charme et
transporte immédiatement le spectateur dans un univers totalement féminin et
révolu, celui de la fin du XIXe siècle, aux valeurs et ambiances encore
attachées au paraître et aux convenances. Si les valeurs morales ont depuis
été fort bouleversées après l’américanisation de la société et mai 1968, le
film « Olivia » anticipe sur ces évolutions en évoquant à mot couvert, en
1950, des relations lesbiennes dans une pension de jeunes filles…
De manière très pudique mais non cachée, la réalisatrice
Jacqueline Audry filme cet
univers en vase clos sur toute la durée de cette réalisation soignée et
esthétique. Château et parc, meubles de style et crinolines, les demoiselles
se regroupent en un phalanstère coupé du monde entre deux clans et deux
femmes charismatiques.
Assistante de Max Ophüls et de Jean Delannoy à ses débuts,
Jacqueline Audry, grande admiratrice de Colette, pointe du doigt les
multiples relations entre femmes, qu’elles soient nourries par l’amour, la
haine, la jalousie ou la fascination. L’une des rares réalisatrices de
l’après-guerre à avoir fait de la femme, et du désir, le vecteur de ses
réalisations comme dans le film « La Garçonne » où le thème de
l’homosexualité est également présent.
Avec « Olivia », c’est bien entendu Edwige Feuillère qui rayonne par sa
présence face à la facétieuse et capricieuse Simone Simon et l’ingénue
Marie-Claire Olivia. Un film de femmes, fait par des femmes, plus moderne
qu’il n’y paraît de nos jours, à redécouvrir…
« Un divan à Tunis », un film de
Manele Labidi avec Golshifteh Farahani, Majd Mastoura, Aïcha Ben Miled,
Feriel Chamari, Hichem Yacoubi ; Comédie, Durée 1h28, VOD, Diaphana, 2020.
Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de
psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis…
Avec « Un divan à Tunis », la réalisatrice Manele Labidi signe un premier
film alerte sur un thème original, celui de l’ouverture de son pays
d’origine, la Tunisie, aux idées de la modernité, et notamment celles de la
psychanalyse… Et, si en France, il est difficile d’ouvrir son cabinet de
psychanalyse parce qu’il y en a déjà quatre dans l’immeuble et dix dans la
même rue, en Tunisie, cela ne semble pas plus évident… Nul procès
d’intention dans sa démarche, mais plutôt le souhait d’une prise de
conscience - c’est peu dire en la matière – aux évolutions d’une société qui
au lendemain de la révolution de jasmin ayant précipité le départ du
président Ben Ali cherche encore ses repères.
Entre l’emprise croissante du fondamentaliste qui trouve
rassurant ce barbu de Freud qui ressemble à l’un des leurs, et la
superficialité consternante d’une patronne d’un salon de coiffure attachée
aux seules apparences, c’est une métaphore plaisante d’une psychanalyse «
sur le vif » de la société tunisienne à laquelle convie la réalisatrice Manele Labidi.
Entre ironie, constat parfois dépité d’une bureaucratie
inexorablement enseveli dans les lourdeurs de son inefficacité, et
soubresauts d’un semblant d’ordre avec le jeune policier, c’est tout un
maillage complexe et délicat que ce film suggère sous l’apparence d’une
légèreté masquant à peine les réalités. L’actrice d’origine iranienne
Golshifteh Farahani rayonne dans ce rôle sur mesure, dévoilant ainsi la
fragilité des certitudes de ses contemporains, à l’image des siennes. Un
film dont l’humour ne doit pas masquer les questions de fond qu’il soulève.
« Voyage sans espoir » ; Un film de
Christian-Jaque avec Simone Renant, Jean Marais, Paul Bernard, Jean
Brochard, Louis Salou, Lucien Coedel, Frédéric Mariotti, Clary Monthal ;
Comédie dramatique, 1943, Noir & Blanc, 86 minutes, Les Films du Jeudi, VOD,
Restauration et numérisation 2 K avec le soutien du CNC.
Gohelle, évadé de prison, cherche à fuir en embarquant sur un cargo. Sans
le sou, il demande à sa maîtresse, Marie-Ange, de charmer le riche Alain
Ginestier, rencontré dans le train, qui semble le pigeon idéal. Mais
Marie-Ange tombe amoureuse de Ginestier. Hélas pour elle, la fortune du
jeune homme est en fait de l’argent volé. Elle le convainc de restituer
l’argent et de s’enfuir avec elle, mais Gohelle ne l’entend pas de cette
oreille…
« Voyage sans espoir » du réalisateur Christian-Jaque (« La Symphonie
fantastique » ; « Nana » ; « La Tulipe noire » ) plonge le spectateur dans
un univers crépusculaire qui tient pour beaucoup au contexte de l’époque de
sa sortie en 1943. Dans une ambiance en effet sombre et où l’essentiel des
scènes se déroule dans la pénombre de la nuit, c’est une impression de
noirceurs percées de temps à autre d’espoirs qui domine.
Cette ambiance résulte bien entendu tout d’abord du scénario
que l’on doit à l’écrivain Pierre Mac Orlan, qui avait déjà signé celui d’un
autre grand film - le fameux « Quai des Brumes » - reposant également sur un
Réalisme poétique. L’écrivain a puisé un grand nombre d’anecdotes dans la
vie de bohème qu’il connut dans sa jeunesse dans le Montmartre du début du
XXe siècle. Christian-Jaque s’est saisi de ce scénario pour proposer un film
soigné, aux décors somptueux qu’il s’agisse des intérieurs ou des scènes
d’extérieurs, lui qui avait commencé sa carrière en tant qu’architecte
décorateur. Le choix des acteurs tient aussi à l’attrait de ce film
plaisant, Jean Marais, bien sûr, même s’il ne développe pas tout le talent
qui sera le sien quelques années plus tard dans « La Belle et la Bête »,
Simone Renant très juste dans son rôle de femme ballottée par la vie et ses
amours, sans oublier Paul Bernard et Lucien Coëdel.
Un film qui se laisse regarder avec plaisir.
« La dénonciation », 1962, un film
de Jacques Doniol-Valcroze avec Maurice Ronet, Françoise Brion, Nicole
Berger, Sacha Pitoeff, Raymond Gérome, Michel Lonsdale, Gisèle Hauchecorne ;
Coquille d'argent au Festival de San Sebastian 1962, Noir & blanc, 105 mn,
restauré et numérisé en 2K avec le soutien du CNC, VOD, Films &
Documentaires, 2020.
Le producteur de cinéma Michel Jussieu passe un matin dans un cabaret où,
la veille, il a oublié son chandail. Il est alors le témoin involontaire du
meurtre d’un journaliste d’extrême droite…
Le film « La dénonciation » développe avec une acuité saisissante le thème
de la culpabilité. Alors que tout semble aller pour le mieux pour ce
personnage alerte qui possède un travail manifestement lucratif, une belle
épouse, un cadre de vie luxuriant, un fait divers bouleverse ce quotidien
sans histoires pour faire émerger une histoire, la sienne et les affres du
passé. Coïncidence ? Rattrapé par son destin ? Le film de Jacques
Doniol-Valcroze, réalisé dans les heures sombres de l’OAS et de la guerre
d’Algérie au début des années 60, parvient à maintenir le suspense jusqu’à
son terme à partir du personnage central de Michel Jussieu interprété avec
finesse et réalisme par Maurice Ronet en un rôle qui lui sied à merveille. À
l’image de ce sourire énigmatique entre ironie et malaise si emblématique de
l’acteur, la distance vis-à-vis des choses et des êtres se trouve au cœur de
ce film dont la photographie remarquable accentue les contrastes et les
effets de noir et blanc.
Quelle part le déterminisme peut-il jouer dans la vie d’un
homme ? Est-il condamné à répéter toujours les mêmes actes selon les mêmes
failles ? « La dénonciation » apporte un élément de réponse, celle déjà
évoquée par le psychiatre autrichien Viktor Frankl, à savoir qu’entre le
stimulus d’une situation et la réponse de l’individu, il y a toujours un
espace, une part de liberté de choisir qu’il convient de saisir…
« Une vie cachée » (A Hidden Life),
durée : 2h54, Réalisé par : Terrence Malick avec : August Diehl & Valérie
Pachner, VOD, UGC DISTRIBUTION / ORANGE STUDIO, 2020.
Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des
nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible
de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour
sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre.
Le réalisateur Terrence Malick (« La balade sauvage », « Les moissons du
ciel ») s’est attaqué à un thème inaccoutumé au cinéma avec le film « Une
vie cachée ». Les personnages habituellement traités pendant la Seconde
Guerre mondiale, qu’ils soient nazis ou victimes, ont jusqu’à ce film le
plus souvent occulté les résistants internes au nouvel ordre imposé, sujet
central retenu par le réalisateur. Le scénario s’est emparé d’une histoire
véridique, celle de Franz Jägerstätter, paysan autrichien, qui refusera
jusqu’au bout de servir le régime hitlérien. Ce film d’une durée de 3 heures
plonge le spectateur dans un univers bien particulier, à la fois onirique et
méditatif, recomposant la vie intérieure des protagonistes, celle du paysan
et de sa famille, isolés du monde dans un petit village des Alpes
autrichiennes.
Alors que la guerre semble à des milliers de kilomètres et
que le quotidien des travaux des champs et de la ferme occupe l’essentiel,
progressivement, les nuages s’amoncellent au-dessus du village, nuages
annonciateurs d’orages irréversibles.
Quelle est la part de liberté face à
un impératif aussi fort ? Quelle place la foi tient-elle dans ce combat des
valeurs morales ? Nombreuses sont les questions surgissant de cette
réalisation poétique et puissante, qui ne pourra laisser indifférent.
Favorisant la puissance des éléments et l’importance des silences aux
dialogues, les visages des acteurs composent à eux seuls une puissante
narration grâce au talent d’August Diehl et Valérie Pachner, littéralement
habités par leur rôle. La liberté transcende l’adversité et parvient à
donner un sens à la vie, celui de préférer ses convictions les plus intimes
aux conventions. Un témoignage rare et puissant, à découvrir avec ce très
beau film.
"5 est le numéro parfait" Un film de
Igort Avec : Toni Servillo, Valeria Golino, Carlo Buccirosso, VOD, M6 Video,
2020.
Peppino Lo Cicero, ex-tueur à gages de la Camorra est fier de son fils
qui gravit les échelons du crime organisé. Mais quand celui-ci est
froidement tué dans un guet-apens, il reprend du service accompagné de son
ami Toto le boucher. Leur quête de vérité va déclencher une spirale de
vengeances et de trahisons dans les clans mafieux du Naples des années 70.
Les premières scènes du film « 5 est le numéro parfait » laissent une
curieuse impression, celle d’une réalisation plus proche d’un roman
graphique mâtiné de jeu vidéo que celle d’un long-métrage classique. Rien
d’étonnant à cela puisque son réalisateur n’est autre que Igort, et que
derrière ce pseudo se cache Igor Tuveri, un brillant auteur de BD italien
qui a décidé de porter à l’écran l’une de ses créations les plus célèbres du
même nom sortie en 2002.
Aussi, « 5 est le numéro parfait » tire-t-il sa force de frappe d’un
surprenant mélange des genres, film noir à l’américaine dans un cadre
napolitain des années 70… Baignant dans une pénombre omniprésente –
jusqu’aux scènes finales pourtant baignées de lumière - où les noirs cèdent
parfois aux gris, ce film est rythmé en séquences dans lesquelles alternent
dialogues et actions à l’image d’un roman graphique.
Des incrustations à l’écran de plusieurs plans en split
screen comme cela fut pratiqué à une époque au cinéma dans les années 70, un
découpage en chapitres, des...
... ralentis vertigineux frisant parfois la parodie
comme cette chorégraphie d’un règlement de comptes au pistolet composent un
genre nouveau dans lequel Toni Servillo déploie tous ses talents avec une
aisance déconcertante, même avec ce nez busqué caricatural repris du héros
de la célèbre BD.
Même si le spectateur peut parfois se trouver déconcerté par cette approche
singulière, le charme opère grâce aux répliques souvent bien choisies, à ces
scènes singulières tournées avec un sens esthétique certain, et une approche
novatrice qui a pris le parti de sortir des sentiers battus !
"La Belle Époque" un film de Nicolas
Bedos avec Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Fanny Ardant, Dora Tillier,
produit par Les Films du Kiosque, DVD & VOD, 2020.
Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine,
un brillant entrepreneur, lui propose une attraction d’un genre nouveau :
mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette
entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix.
Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie :
celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour…
« La Belle Époque » est une expression encore quelque peu usitée chez les
post-quinquas pour évoquer ces instants relevant d’un passé insouciant où
tout semblait sourire à la vie. Le film de Nicolas Bedos invite le
spectateur à ce travail de mémoire – sous le ton de la comédie – avec
Victor, sexagénaire, quelque peu déphasé dans cette époque et modernité dans
lesquelles il ne se reconnait plus, lui qui avait connu l’insouciance et la
liberté des années 70, années également de son grand amour, aujourd’hui
quelque peu tari par des années de conjugalité… À partir de ces lignes
directrices, Nicolas Bedos a conçu un film alerte, qui débute de manière
déroutante au rythme du zapping et des interruptions incessantes de notre
quotidien pour, lentement, entamer un decrescendo sous la forme de la
réminiscence – artificielle certes – mais suffisante pour replacer les
priorités des protagonistes. « La Belle Époque » livre alors un film
détonnant, imprévisible en une confrontation d’époques et de dialogues en
jeu de quilles…
Le passé, la nostalgie, les ambitions
échouées surgissent sur commande – ou presque – dans la virtualité d’une
mémoire recomposée. Qu’advient-il lorsque le virtuel devient plus vrai que
le réel, lorsque les choses s’entrechoquent et s’inversent ? Les acteurs
prennent manifestement un certain plaisir à ce jeu, Daniel Auteuil et Fanny
Ardant plus vrais que nature, Guillaume Canet brillamment empêtré dans ce
jeu de reconstitution, sans oublier Dora Tillier qui livre dans ce film un
jeu sensible à fleur de peau. De bonnes répliques, des scènes assez justes.
Que reste-t-il lorsque tout est bidon ?
« La Belle Époque » convoque nos vies : Et si derrière les façades de nos
fausses virtualités, nous redécouvrions ce qui est vrai ?
« Le Photographe » un film de Ritesh
Batra avec Nawazuddin Siddiqui, Sanya Malhotra, Abdul Quadir Amin, Denzil
Smith, VOD, Le Pacte, 2020.
Rafi, modeste photographe, fait la rencontre d'une muse improbable, Miloni,
jeune femme issue de la classe moyenne de Bombay. Quand la grand-mère du
garçon débarque, en pressant son petit-fils de se marier, Miloni accepte de
se faire passer pour la petite amie de Rafi. Peu à peu, ce qui n'était
jusque-là qu'un jeu se confond avec la réalité…
C’est à la découverte d’une Inde sensible à laquelle nous convie le
réalisateur Ritesh Batra par ce film finement traité, et qui d’une certaine
manière poursuit l’inspiration première de son film « The Lunchbox ».
Face à la modernité de la société indienne, les structures ancestrales
demeurent et le système des castes reste pour la jeunesse contemporaine,
soumise tout à la fois aux exigences économiques souvent dures et aux
modèles internationaux, omniprésent dans les relations. Sans caricature, « Le Photographe » suggère une union
possible entre deux êtres que tout sépare, reposant sur les affinités
amoureuses et dépassant les clivages irréductibles. C’est un tableau de
l’Inde moderne que propose le film « Le Photographe », sans concessions et
pourtant empreint d’une poésie certaine et doublé d’une esthétique réussie.
Les couleurs de l’Inde transpercent en effet de manière récurrente le
quotidien, pourtant souvent sombre, des classes défavorisées. Ritesh Batra
parvient même, spontanément, à rendre leur vie bien plus lumineuse que celle
des classes moyennes, pâle reflet d’un occident artificiellement assimilé.
La truculence de la grand-mère de Rafi, les rires et complicités de ses
compagnons d’infortune sont à mille lieues des impressions négatives
éprouvées par le poète Pier Paolo Pasolini lors de sa découverte de ce
continent. Le spectateur se trouve rapidement convié à cette sensible
vitalité avec ce film touchant d’une pudeur manifeste non dénuée d’humour.
Il ressentira alors l’étrange impression d’un voyage spontané dans une
culture pourtant encore si différente de la nôtre, ainsi qu’en témoigne la
conclusion bien pensée de cette belle histoire.
"Les siffleurs" un film de Corneliu
Porumboiu avec Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Rodica Lazar, Antonio Buil,
Agustí Villaronga, Sabin Tambrea, VOD, Diaphana Distribution, 2020.
Cristi est un inspecteur de police de Bucarest désabusé et corrompu.
Embarqué malgré lui par la sulfureuse Gilda sur l’île de la Gomera, il doit
apprendre le Silbo, une langue sifflée ancestrale dans le but d’aider un
groupe mafieux à faire évader Zsolt. En effet, seul ce dernier sait où sont
cachés 30 millions d’euros issus du trafic de drogue. Mais c’était sans
compter sur la police, à la recherche de ce même butin. Et de l’amour qui va
s’en mêler.
« Les siffleurs » s’avère être un thriller singulier et déroutant. Les
dialogues laissent rapidement la place à une autre communication, celle
héritée de la nature avec ce curieux langage des sifflements, propres aux
oiseaux et imités par les hommes avec le Silbo. Nulle invention, là, du
réalisateur Corneliu Porumboiu, mais une réelle pratique ancestrale existant
sur l’une des sept îles des Canaries, La Gomera, depuis des milliers
d’années.
Ce film aux contrastes saisissants entre pénombres et
luminosité de la nature insulaire, retenant une violence des plus froides,
place au centre de l’intrigue ce moyen atypique de communication utilisé par
un groupe mafieux afin de protéger leurs malversations.
Corneliu Porumboiu
suggère avec « Les siffleurs » une allégorie des années après Ceaușescu avec
cet univers encore prégnant de caméras omniprésentes espionnant les
protagonistes, les mafieux, mais aussi la police également corrompue, et que
le spectateur a du mal parfois à distinguer…
Vlad Ivanov incarne idéalement ce policier désabusé, ballotté par les
évènements qu’il pensait initialement contrôler, influencé par deux femmes,
sa mère et une femme fatale mafieuse qui bouleverse sa vie. Mais, par-delà
ce sombre paysage évoqué par un scénario volontairement découpé avec des
plans serrés et des cadrages soignés, c’est la communication entre les êtres
et l’amour qui peut en découler, dépassant les conventions classiques du
langage – avec également cette omniprésence de la musique classique – et
réunissant des êtres en souffrance.
La scène finale du film imprime en point d’orgue cette sensation absolue que
rien ne peut séparer deux âmes qui s’aiment…
"La Passion du Christ", un film de
Mel Gibson, avec Jim Caviezel, Monica Bellucci, Maia Morgenstern ; Langue :
Araméen, Latin, Hébreux, sous-titres : Français / Anglais, VOD, du 5 au 12
avril, Saje Distribution 2020.
Les douze dernières heures de la vie du Christ. Rendu au Mont des
Oliviers, Jésus prie après avoir partagé un dernier repas avec ses apôtres.
Il résiste maintenant aux tentations de Satan. Trahi par Judas, Jésus est
arrêté et emmené à Jérusalem, où les chefs des Pharisiens l'accusent de
blasphème et lui font un procès qui a pour issue sa condamnation à mort...
"La Passion du Christ" a à maintes reprises été portée au cinéma par
différents réalisateurs. Rares sont, cependant, celles qui ont suscité
autant de polémiques que la version de Mel Gibson. Avec le recul – le film
est sorti en 2004 - nous pouvons aujourd’hui retrouver plus au calme cette
belle réalisation et découvrir le dramatique chemin de croix de Jésus,
condamné par la haine des hommes, indépendamment des confessions ou
appartenances politiques de l'époque.
La réalisation doloriste de Mel Gibson débute par une vision spectrale à
Gethsémani, la brume dressant parmi les oliviers faiblement éclairés par la
lune un paysage oppressant. Dans ce cadre, l’angoisse du Christ s’avère
parfaitement rendue par la caméra du réalisateur, ces moments de peur du
Fils de l’Homme qui, sur le front de Jim Caviezel, se traduisent par des
gouttes de sang suivant le texte des Écritures. Puis surviennent la trahison
de Judas et le déchaînement de la violence sur cet agneau sacrifié en
victime expiatoire. C’est cette violence, cet angle volontairement retenu par Mel
Gibson, qui a fait débat lors de sa sortie, la plupart des autres
réalisations ayant préféré la suggérer plutôt que l’exposer.
Si dans nos
sociétés occidentales, paradoxalement la violence s’affiche sans retenue, la
mort en revanche a été largement mise à l’écart, et on peut légitimement se
demander si le peintre allemand de la Renaissance Matthias Grünewald célèbre
pour son retable d’Issenheim aurait pu aujourd’hui représenter une telle
vision du Crucifié ? Les vives réactions suscitées lors de la sortie de « La
Passion du Christ » n’imposent-elles pas la réponse ?
La version de Mel Gibson, à la différence de celle plus socialisante d’un
Pasolini par exemple, met l’accent sur la condamnation aveugle des hommes,
prêts à tout afin de préserver leurs privilèges. Mais, contrairement à ce
qui a été souvent dit, nulle haine, ni condamnation, ne viennent poindre sur
le visage et les mots du supplicié : si ces sentiments naissaient chez ceux
qui verraient ce film, alors le message de l'homme porté à la Croix ne
serait une fois de plus pas compris. Un très beau film dont certaines scènes
sont peut-être à éviter aux jeunes enfants.
"Les Eblouis", un film de Sarah Suco
avec Camille Cottin, Jean-Pierre Darroussin, Eric Caravaca et Céleste
Brunnquell, VOD, Pyramide Distribution, 2020.
Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l’aînée d’une famille
nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté religieuse basée
sur le partage et la solidarité dans laquelle ils s’investissent pleinement.
La jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies
et ses propres tourments. Peu à peu, l’embrigadement devient sectaire.
Camille va devoir se battre pour affirmer sa liberté et sauver ses frères et
soeurs.
Sarah Suco livre avec son premier film « Les Éblouis » un témoignage à la
fois fort, pudique et éloquent sur les dérives et l’emprise que certaines
personnes et groupes peuvent exercer sous le prétexte de la foi ou d’une
idéologie. À partir d’une expérience personnelle – celle qu’elle subit
pendant une dizaine d’années avant sa majorité – la réalisatrice a fait
choix de situer cette histoire sobre, mais néanmoins puissante, dans un
cadre contemporain. Si cette mouvance est explicitement inscrite dans le
cadre de l’Église catholique et d’une déviance charismatique comme ce fut le
cas à de nombreuses reprises par le passé, il ne s’agit pas pour autant de
faire des amalgames et condamner la religion dans son ensemble.
Le discours est fort heureusement plus subtil, celui qui
souligne et démonte les rouages de l’emprise psychologique de quelques «
meneurs » sur des hommes, des femmes et des enfants plus fragiles encore, et
sur lesquels tout un réseau de dépendances fondées essentiellement sur la
culpabilité et la séduction se tisse. Loin de tout manichéisme outrancier –
la réalisatrice avoue d’ailleurs avoir laissé de côté bien des pratiques
plus condamnables dans son film – « Les Éblouis » révèle combien,
progressivement, les individus se trouvent dépossédés d’eux-mêmes, et pire
encore, de leurs proches. Antithèse de l’amour et du partage officiellement
avancés pour fonder ces communautés, ce sont les contraintes physiques et
psychologiques, la manipulation et la dépendance, qui se trouvent érigées en
code de conduite et duquel il est bien difficile de s’échapper. C’est
pourtant ce combat que mènera la jeune Camille, brillamment interprétée par
la jeune comédienne Céleste Brunnquell, entourée de comédiens adultes ou
plus jeunes encore tout aussi éblouissants, et donnant au film un ton juste.
Camille, étonnante de sincérité et de véracité, afin de rompre cette emprise
infernale, emprise qui malheureusement se perpétue encore trop souvent de
nos jours.
« It must be Heaven », un film de
Elia Suleiman avec Elia Suleiman, Durée 1h42, Scénario Elia Suleiman,
Directeur de la photographie Sofian El Fani, Montage Véronique Lange,
Costumes Alexia Crisp Jones et Eric Hildenbrand. VOD à partir du 15 avril,
Le Pacte, 2020.
Elia Suleiman fuit la Palestine à la recherche d'une nouvelle terre
d'accueil, avant de réaliser que son pays d'origine le suit toujours comme
une ombre. La promesse d'une vie nouvelle se transforme vite en comédie de
l'absurde. Aussi loin qu'il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui
rappelle sa patrie.
Heureux qui comme Elia Suleiman a fait un beau voyage et puis… est retourné
en Palestine, à Nazareth, sa ville natale qu’il pensait pourtant fuir pour
trouver une autre terre promise. Mais le réalisateur n’est pas à un paradoxe
prêt, lui qui n’hésite pas à se présenter comme Palestinien alors qu’il
possède un passeport israélien. Après « Intervention divine » sur le
quotidien en terres palestiniennes, « It must be Heaven » s’avère être un
film tout aussi singulier que déroutant sur ce qui compose nos racines et
les motifs de les interroger.
À l’image de ce petit citronnier que l’acteur-réalisateur
soigne patiemment dans son appartement à Nazareth, l’homme est souvent plus
ou moins transplanté hors de son substrat natif, la vie se chargeant
d’infirmer ou de confirmer ce sentiment.
Pour Suleiman, le quotidien de
Nazareth lui apparaît plein de contradictions, telle cette scène ouvrant ce
film à la fois pudique – le réalisateur et comédien ne prononcera seulement
que quelques mots – et burlesque : une procession de croyants arrive devant
les portes fermées d’une église que ses occupants refusent d’ouvrir, rappel
à peine voilé des situations aberrantes qui ont lieu au quotidien en Terre
sainte sur les sites partagés entre les différentes confessions. L’identité
est au cœur du long cheminement mené par Suleiman, qui transporte le
spectateur de Nazareth à Paris, puis de Paris à New York, à chaque étape les
aberrations de la vie moderne occupant tout l’espace couvert par la caméra.
Le burlesque bouscule le non-sens, la satire alterne avec la quête
identitaire. Sommes-nous condamnés à toujours mener une vie errante ? Le
lien et la communauté seront au centre des espoirs de ce film étonnant qui
conduira immanquablement le spectateur à s’interroger sur le sens de sa vie,
ce qui n’est pas le moindre de ses mérites.
TEMPS SANS PITIÉ (Time Without Pity),
Un film de Joseph LOSEY, avec Michael REDGRAVE, Ann TODD, Leo McKERN, Peter
CUSHING, Alec McGOVERN, Lois MAXWELL, musique John MORRIS, directeur de la
photographie Frederick FRANCIS, montage Alan OSBISTON, scénario Ben BARZMAN,
musique Tristram CARY produit par John ARNOLD et Anthony SIMMONS, Drame,
Royaume-Uni, 1957, 89mn, N&B, Carlotta distribution, version restaurée.
À sa sortie de cure de désintoxication, David Graham apprend la condamnation
à mort de son fils Alec pour le meurtre de sa petite amie. Il ne reste plus
que vingt-quatre heures avant que la sentence soit appliquée. Persuadé de
son innocence, David débarque à Londres pour mener l’enquête et découvrir
l’identité du véritable assassin. Au cours de cette journée cauchemardesque,
il va aussi devoir lutter contre ses propres démons…
C’est une véritable course contre la montre qui est lancée
sur ces 24 heures, des heures qui seront fatales à la vie d’un homme accusé
d’un meurtre, alors que son père est persuadé de son innocence. Ce film
plaidoyer contre la peine de mort débute pourtant mal, son avocat est
convaincu qu’il n’y a plus rien à faire, les différents témoins entendus
convergent vers la même conclusion : Alex est coupable de ce crime et rien
ne pourra empêcher sa pendaison le lendemain…
Mais son père David, interprété avec une rare
intensité par Michael Redgrave, va non seulement combattre contre cette
issue fatale, mais également contre sa propre face sombre, l’alcool qui le
ronge et le fait qu’il a été jusqu’alors un étranger éloigné pour son fils.
Le réalisateur d’origine américaine Joseph Losey (The Servant et Monsieur
Klein) exilé au Royaume-Uni pour échapper au maccarthysme sait ce que
signifient les condamnations sans appel.
En un rythme crescendo, le combat
du père pour rétablir la vérité se transforme en spirale infernale emportant
toutes les certitudes – y compris les siennes – sur son chemin. Les façades
s’écroulent, les non-dits s’effondrent pour atteindre à son paroxysme lors
de la scène finale opposant le tueur et le père sur la piste d’essai
automobile.
Cette course contre la montre oppose en effet la froide logique
d’un homme – et d’une société – épris de contrôle alors que le personnage
interprété par Michael Redgrave démontre que de la fragilité la plus extrême
peut surgir la vérité, aussi douloureuse soit-elle. Un film captivant,
angoissant, particulièrement soigné dans sa réalisation et que cette
restauration met en valeur !
« Le Mystère von Bülow » Barbet
Schroeder réalisation, Titre original : Reversal of Fortune, avec Jeremy
Irons, Glenn Close, Ron Silver, Annabella Sciorra, Sortie le 4 mars 2020,
Oscar 1991 du Meilleur Acteur Distribution Acacias Films
Une des plus riches héritières des États-Unis, Sunny von Bülow, est
retrouvée dans un coma profond provoqué par une surdose d’insuline. Son
second mari, Claus, personnalité inquiétante et charismatique, est
instantanément accusé d’avoir tenté de l’assassiner et est condamné à 30 ans
de prison. Décidé à prouver son innocence, il obtient le concours du célèbre
avocat Alan Dershowitz qui, aidé de ses étudiants, va mener une enquête
riche en révélations pour le disculper. Le procès ultra-médiatisé qui va
suivre sera la dernière chance d’éclaircir le mystère von Bülow.
Voici un film qui sort de nouveau en salle et qui avait à l’époque fait
beaucoup parler de lui, à l’égal de l’affaire qui en est le thème principal.
Le réalisateur Barbet Schroeder avoue avoir été passionné par le sujet,
presque digne en lui-même d’un scénario de film. Le scénario du « Mystère
von Bülow » sera, en fait, principalement bâti à partir du livre de l’avocat
d’Alan Dershowitz traitant de cette pénible affaire et sur des centaines de
dépositions de Claus von Bülow décrivant dans le détail leur vie quotidienne
à Clarendon Court.
À partir de cette trame et de trois acteurs littéralement
habités par leur rôle, le Mystère von Bülow peut se développer en une
intensité crescendo.
Jeremy Irons apparaît comme le coupable idéal, un homme
perverti par un milieu privilégié qui ne peut que nourrir des relations
malsaines et intéressées. Mais au fil du temps, ces certitudes s’effritent,
même chez l’intrépide avocat, spécialiste des causes perdues…
La victime ne
semble plus si étrangère à ces malaises, son mari moins glacial qu’il n’y
paraît.
Tout est affaire de nuances, d’impressions, ces choses du quotidien
qui font et défont les vies. Le contraste entre l’équipe de l’avocat,
véritable œuvre collective non dénuée d’ailleurs de tensions et rivalités,
est saisissant avec cet univers glacé fait de conventions et de non-dits de
la famille von Bülow.
Le Mystère von Bülow parvient ainsi à suggérer ces
différences non seulement sociales mais également psychologiques des
protagonistes en une palette d’émotions assez fine et variée. Qui est le
vrai coupable, quelle vérité dans cette tragique et sombre histoire ? Qui
peut trancher ?
Claus von Bülow est décédé l’année dernière en 2019, à l’âge de 92 ans,
emportant avec lui dans la tombe probablement la clé de cette énigme, si
tant est, qu’il la savait…
« Le réseau SHELBURN » un film de
Nicolas Guillou avec : Alexandra Robert, Laurent Chandemerle, Thomas
Blanchet, Brice Ormain, Éric Simonin, Boris Sirdey, Antoine Michel. FRANCE ·
2019 · 2h03 · COULEUR · SCOPE · 5.1 Vent d’Ouest Distribution au cinéma le
22 janvier 2020.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, plus de 10 000 avions alliés tombent
sur le sol français. De 1943 à 1944, le Réseau Shelburn est mis en place par
les alliés et la Résistance Française pour évacuer les aviateurs vers
l’Angleterre. Dans les Côtes du Nord, à Plouha, Marie-Thérèse Le Calvez,
résistante depuis les premiers jours de l’occupation, va mettre son courage
au service de la liberté. Baignée entre incertitude et désespoir, quel prix
devra-t-elle payer pour que l’opération soit une réussite ?
Le réalisateur Nicolas Guillou s’est saisi avec « Le réseau Shelburn » d’un
thème puissant et jusqu’alors absent du grand écran, celui de la Résistance
Française ayant permis l’évacuation des aviateurs alliés tombés sur le sol
français alors occupé. Avec un budget réduit et de faibles moyens, ce long-métrage
parvient à évoquer – souvent avec plus de force que plus d’une super
production – le courage, la détermination, mais aussi les peurs et
faiblesses de ces femmes et de ces hommes qui surent dire non à l’oppression
nazie. C’est d’ailleurs une femme qui est l’héroïne principale de ce film
qui se déroule essentiellement en Bretagne ; Marie-Thérèse Le Calvez a
réellement existé ainsi que ce Réseau qui se mit rapidement en œuvre en 1943
afin d’évacuer, avec 8 missions qui tenaient quasiment du suicide, les
aviateurs alliés sous la barbe des soldats allemands surveillant la côte.
Bénéficiant de l’adhésion d’un grand nombre de personnes, anonymes et
passionnés, par l’histoire de la Résistance, Nicolas Guillou est parvenu à
évoquer de manière réaliste et néanmoins sensible ce quotidien fait
d’hébergements clandestins, de transmissions au péril de leur vie et celle
de leurs proches, et de convictions, mais aussi de dissimulations afin
d’échapper aux terribles délations nombreuses en ces temps troublés… Les
cadrages privilégient le quotidien de ces femmes et de ces hommes de
courage, sans pour autant s’abstraire de la nature environnante qui rappelle
que le cours de la vie se poursuit au gré des saisons, malgré l’adversité et
ceux qui tombent. Un témoignage précieux et une mémoire à partager avec les
plus jeunes…
HERBES FLOTTANTES (Ukigusa) un film
de Yasujiro OZU avec Ganjiro NAKAMURA, Machiko KYO, Ayako WAKAO, Hiroshi
KAWAGUCHI, Haruko SUGIMURA, scénario Kogo NODA et Yasujiro OZU, musique
Takanobu SAITO, directeur de la photographie Kazuo MIYAGAWA, décors Tomoo
SHIMOGAWARA, producteur Masaichi NAGATA , Drame, Japon, 1959, 119mn,
Couleurs, 1.33:1, Carlotta, 2019.
Une petite troupe de théâtre kabuki débarque dans un village de pêcheurs
au sud du Japon. Il y a des années, leur meneur, Komajuro, avait eu une
aventure avec l’une des habitantes. De leur brève union est né un garçon,
Kiyoshi, qui ignore tout de l’identité de son père. Mais ce dernier n’est
pas le seul à qui Komajuro a caché la vérité. Lorsque Sumiko, sa maîtresse
actuelle et comédienne de la troupe, découvre l’existence de Kiyoshi et de
sa mère, elle décide de se venger…
Heureuse initiative de Carlotta de proposer de nouveau en salle le film de
Yasujiro Ozu Herbes flottantes, qui n’avait pas été projeté au cinéma
depuis plus de 25 ans. Avec cette version restaurée 4K, c’est une véritable
ode à la couleur que le célèbre réalisateur japonais offre ainsi,
aujourd’hui, à l’écran. Il s’agit en fait du remake d’un film antérieur
d’Ozu, Histoire d’herbes flottantes (1934), qui était initialement en noir
et blanc et muet.
Grâce au procédé Eastmancolor, la splendeur des paysages
et des intérieurs rayonne à l’écran et sert d’écrin à cette histoire qui
débute de manière bucolique et enlevée sur fond musical léger.
L’impression qui domine alors est celle de ces images du
monde flottant de la fin du XIXe siècle japonais propres aux estampes. La
troupe de kabuki déambulant en habits traditionnels, les gros plans avec
caméra au sol en cette prise de vues si emblématique du grand réalisateur
sont autant d’instantanés à forte impression graphique. Mais Herbes
flottantes sait dépasser ce cadre esthétisant pour dessiner progressivement
un autre tableau, celui des sentiments qui s’exacerbent avec la progression
du film. Des dialogues savamment étudiés, entrecoupés de silences éloquents,
l’humour scandant les scènes se transformant en violence morale et même
physique ; c’est une tension plus inhabituelle des films d’Ozu qui
s’instille alors dans la seconde partie d’Herbes flottantes.
Servi par un
jeu d’acteur fort et puissant, ce long-métrage tourné loin de la Shochiku en
faveur de la Daiei et de son puissant producteur Masaichi Nagata offre un
nouveau visage dans la filmographie d’Ozu avec des scènes d’une grande
tension psychologique comme celle de la violente querelle entre le directeur
de la troupe et sa maîtresse séparés par une trombe de pluie. Herbes
flottantes est une ode à la couleur et à la lumière comme pour mieux
éclairer ce remarquable et sombre tableau des sentiments. A ne pas rater !
Attaque à Mumbai (2h 05min), un film
de Anthony Maras avec Dev Patel, Armie Hammer, Jason Isaacs, sortie 4
juillet 2019 en E-Cinema VOD
Novembre 2008, une série d’attaques terroristes a lieu dans la ville de
Mumbai. Durant trois jours, des hommes armés prennent d’assaut le légendaire
Taj Mahal Palace Hôtel en retenant les clients et les employés qui s’y
trouvent. L'histoire vraie des attaques terroristes qui se sont déroulées à
Mumbai en novembre 2008.
C’est à une véritable enquête journalistique à laquelle s’est livré le
réalisateur Anthony Maras pour cet impressionnant long-métrage consacré aux
évènements qui se sont déroulés à Bombay en 2008. Prenant pour cadre le
légendaire palace Taj Mahal Hotel, le film évoque en un huis clos éprouvant
ce tragique évènement. À partir de points de vue des différents
protagonistes, Antony Maras a opté pour des scènes fortes extrêmement bien
maîtrisées, mais sans ajouter à l’horreur des faits.
Si la froideur et l’endoctrinement aveugle des terroristes ne
surprennent pas vraiment, la surprise vient du comportement d’une grande
partie du personnel de l’hôtel qui paya d’ailleurs chèrement de leur vie ce
courage. Refusant d’abandonner leurs clients terrorisés dans leur
suite, ils eurent pourtant au même titre à subir la rage folle des
assaillants.
Face à l’indigence des forces spéciales mettant trois jours à
pouvoir intervenir, c’est une lutte pour la vie qui s’est engagée avec des
moments forts tels ces longues pérégrinations dans d’interminables couloirs
fuyant les terroristes. Parmi les personnages, le Chef et un serveur vont
organiser cette survie avec courage pour leurs clients.
Il a fallu à Antony Maras de nombreuses heures pour écouter
les conversations téléphoniques laissées par les téléphonies, relire les
témoignages des clients otages de l’hôtel, et restituer avec ce réalisme
certain ce drame qui laisse encore, plus de dix ans après, sans voix.
« BIANCA », un film de Nanni MORETTI
avec Nanni MORETTI et Laura MORANTE, Comédie dramatique, Italie, 1984, 98mn,
Couleurs Réalisation : Nanni MORETTI, Carlotta, en salle le 5 juin.
Michele Apicella, professeur de mathématiques, vient d’être muté au lycée
Marilyn Monroe, établissement aux méthodes d’enseignement alternatives. Son
passe-temps favori est d’observer la vie des gens, couples d’amis ou simples
voisins, et de retranscrire leurs faits et gestes dans ses carnets. Doté
d’une éthique ultraexigeante, croyant à la fidélité absolue, Michele cherche
la femme idéale. Mais lorsqu’il croit l’avoir trouvée en la personne de
Bianca, professeur de français dans son établissement, il se met à paniquer.
Pendant ce temps, certaines personnes de son entourage meurent dans des
conditions mystérieuses…
Nanni Moretti
signe avec Bianca, en 1984, un film puissant et désopilant comme le
réalisateur les affectionne. Son héros, Michele Apicella, est lui-même
déroutant, séduisant ses amis comme des inconnus par son empathie et cette
intelligence que l’on qualifierait d’émotionnelle de nos jours. Alors ce personnage interprété avec toute la verve de Nanni
Moretti scrute, analyse et espionne son entourage pour traquer leurs failles
et les exhorter à rester sur la voie de son éthique bien particulière.
Mais cette bienveillance cache un secret, un terrible gouffre
qui engloutit tout sur son passage. Michele est, en effet, un idéaliste, en quête d’absolu
inatteignable, cause de sa solitude.
Sa
vie se compose de petites manies, notamment celle de noter dans ses carnets
les faits et gestes tirés de ses observations incessantes, son acuité à
l’observation des couples et des familles pouvant le faire passer pour un
sociologue averti. Et pourtant, par-delà les scènes loufoques et farfelues,
la névrose gagne, celle qui ronge le personnage et ceux qui l’approchent de
trop près. Et alors, surgit un autre visage, nettement moins séduisant,
celui de la Gorgone qui tue de son regard quiconque l’observe, un
renversement des rapports entre observé et observateur qui conduira à la
fatalité de ce film désopilent et néanmoins plaisant…
scénario : Nanni MORETTI et Sandro PETRAGLIA, Musique : Franco PIERSANTI,
Montage : Mirco GARRONE, Directeur de la photographie : Luciano TOVOLI,
Décors : Giorgio LUPPI et Marco LUPPI, Production : Achille Manzotti, Faso
Film/Rete Italia, Au cinéma le 5 juin 2019 en version restaurée dans le
cadre de la rétrospective VIVA NANNI qui propose également un autre grand
film du réalisateur : « La messe est finie ».
L’Héritage des 500 000 (Gojumannin
no isan), un film de Toshiro MIFUNE avec Toshiro MIFUNE, Tatsuya MIHASHI,
Tsutomu YAMAZAKI, Mie HAMA, Yuriko HOSHI et Tatsuya NAKADAI, Japon, 1963,
98mn, N&B, 2.35 Scénario : Ryuzo KIKUSHIMA, Musique : Masaru SATO, Montage :
Shuichi ANBARA, Directeur de la photographie : Takao SAITO, Production :
Masumi FUJIMOTO et Tomoyuki TANAKA, En salle, Carlotta, 2019.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le commandant Matsuo a participé à
l’ensevelissement de plusieurs milliers de pièces d’or dans la jungle
philippine. Alors qu’il pensait ce trésor enfoui à tout jamais, emportant
avec lui le souvenir des cinq cent mille soldats japonais morts sur cette
île, voilà qu’un riche homme d’affaires, Mitsura Gunji, lui propose de
partir à la recherche du butin. Contraint d’accepter, Matsuo retourne aux
Philippines accompagné de quatre hommes recrutés par Gunji…
Si Toshiro Mifune, l’acteur fétiche du grand réalisateur
japonais Kurosawa, est bien connu du public occidental amateur de cinéma
japonais, peu savent cependant qu’il passa de l’autre côté de la caméra pour
réaliser un unique film en 1963, intitulé L’Héritage des 500 000, et
aujourd’hui en salle pour la première fois en France. Un événement à ne pas
manquer.
L’exercice d’un grand acteur se métamorphosant en réalisateur
talentueux n’est guère fréquent, et n’est pas Clint Eastwood qui veut !
Cependant, force est de constater que le charme opère immédiatement pour
cette réalisation signée Mifune, tout à la fois, ici, réalisateur et acteur.
Dès les premières scènes de ce film en noir et blanc, l’amour que Mifune
porta toujours à la photographie se manifeste avec des plans de toute beauté
dans le cadre urbain du Japon tout comme dans la nature sauvage des
Philippines.
Partant d’une légende – l’or de Yamashita - dont certains
soutiennent la possible véracité d’un trésor de guerre composé de milliers
pièces d’or enfoui aux Philippines pendant l’occupation japonaise lors de la
Seconde Guerre mondiale, le film développe librement le récit de ces hommes
à la recherche du butin enfoui dans le plus grand secret par les officiers
en déroute. Plus que l’intrigue en elle-même, c’est le traitement opéré par
le réalisateur - et l’acteur – Toshiro Mifune qui confère tout son intérêt à
ce long-métrage. Offrant en effet un véritable voyage dans l’âme de chacun
de ces protagonistes ayant pour la plupart connus les affres de la guerre,
ce retour aux Philippines est aussi celui du sens de la vie pour chacun
d’entre eux. Entre froids calculs de personnes désabusées par les souvenirs
de la guerre et ayant sombré dans le banditisme et l'honneur maintenu
jusqu’au bout, chaque acteur – à noter l’apparition du légendaire Tatsuya
Nakadai en début de film - développe une palette de sentiments étendue qui
donne toute sa saveur à ce film étonnant et assurément à découvrir en salle.
"Fukushima, le couvercle du soleil" Un film de
Futoshi Sato, Japon, 1h30, Couleur, Flat, 5.1, 2018.
Le 11 mars 2011, le Japon est secoué par un séisme, suivi d’un tsunami et
de la triple catastrophe nucléaire de Fukushima. L’équipe du Premier
ministre, Naoto Kan, tente de faire face à cette situation. Que s’est-il
passé réellement à la résidence du Premier ministre au moment de la pire
crise de l’histoire du pays ? La vérité a-t-elle été entièrement révélée ?
Chronique...
Fukushima, littéralement l’île de la bonne fortune, a connu le triste sort
d’un des séismes les plus importants de l’histoire du Japon. Un séisme ou
plutôt des séismes successifs qui furent suivis d’un violent tsunami
provoquant cette catastrophe nucléaire que personne n’a pu depuis oublier et
portant tristement désormais son nom.
Vu de l’Occident,
cet effroyable accident a été perçu comme un évènement catastrophique plus
que regrettable mais venant après celui de Tchernobyl, un « on le savait
bien »… Mais au Japon même, on s’en doute, cette tragédie nucléaire a été
vécue avec angoisse et panique, un drame en écho avec cette hantise
japonaise du nucléaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est ce
vécu ne pouvant recevoir que bien peu de mots dont témoigne ce passionnant
film réalisé par Futoshi Sato et intitulé tout simplement « Fukushima, le
couvercle du soleil ».
Menée comme une enquête journalistique, cette
réalisation a fait le choix de la sobriété malgré la gravité des évènements. Futoshi Sato a privilégié l’analyse de la réaction des pouvoirs publics sur
fond d’enquête journalistique face à la catastrophe, en contrepoint de
l’action héroïque d’un certain nombre d’employés de la centrale, et d’une
population apeurée évacuée toujours plus loin… Il a été reproché au Premier
ministre de l’époque, Naoto Kan, de n’avoir pas réagi avec efficacité aux
évènements, une inertie manipulée par les médias et l’opinion publique, et
qu’entend justement réévaluer ce film engagé.
Si certains
éléments relèvent de la fiction, l’essentiel des faits a, en effet, été
retenu. Et si les responsables politiques apparaissent à l’écran consternés
et atterrés par ce qui survient, il apparaît rapidement que le Premier
ministre tente de prendre et d’imposer des mesures de protection pour la
population civile afin de limiter les contaminations et établit une gestion
de crise avec la société responsable de la gestion de la Centrale, un
dernier élément plus que sensible.
Mené selon un rythme effréné, alternant angoisse et urgence,
scènes intimistes, ambiance de cellules de crise et de conférences de
presse, "Fukushima, le couvercle du soleil" souligne toute la perfectibilité
des créations humaines lorsque la nature reprend ses droits (70 % de la
population japonaise est aujourd’hui opposée au nucléaire), une
toute-puissance pour des jours radieux qui apparaîtra bien fragile et
consternante au terme de ce beau film à découvrir en salle.
« La chair de l’orchidée », un film
de Patrice Chéreau, avec Charlotte Rampling, Bruno Cremer, Edwige Feuillère,
en version restaurée, Pyramide Production 2018.
Lorsque Claire hérite d’une immense fortune, sa tante la fait interner
dans un hôpital psychiatrique afin de récupérer ses biens. Claire s’évade
bientôt et rencontre un éleveur de chevaux, dont elle s’éprend. Mais tous
deux sont bientôt poursuivis par des tueurs.
Patrice Chéreau arrive avec La chair de l’orchidée sur la scène
cinématographique après avoir connu la consécration au théâtre. Loin de
distinguer les deux arts, c’est avec une esthétique commune qu’il aborde le
long-métrage avec cette adaptation d’un roman de James Hadley Chase. Le
résultat, s’il peut sembler de prime abord déroutant, laisse indubitablement
une émotion et une sensation de flottement et de trouble. L’esthétique tout
d’abord contribue grandement à cette impression, l’importance accordée aux
décors n’étonnera personne connaissant le théâtre de Patrice Chéreau, qu’il
s’agisse d’un vieux théâtre abandonné ou d’une villa elle aussi désertée… La
couleur peine à surgir si ce n’est du bleu des yeux de l’insondable
Charlotte Rampling, féline face à la placidité robuste de Bruno Cremer. Les
thèmes chers au metteur en scène scandent ce film exigeant où la mort côtoie
inlassablement le désir, la violence sourde, la folie et l’espoir d’évasion.
Ces horizons viennent de loin, très loin même lorsque le cinéma se
métamorphose en séquences oniriques venues de l’inconscient, chacun pourra y
trouver une part de lui-même, et c’est déjà une bonne raison de redécouvrir
ce film.
LOU ANDREAS-SALOMÉ de Cordula
Kablitz-Post - durée : 01h53, Avec Nicole Heesters, Katharina Lorenz,
Matthias Lier, Alexander Scheer, Julius Feldmeier, Merab Ninidze, Bodega Films, 2017.
« Lou Andreas-Salomé, égérie intellectuelle, romancière et psychanalyste,
décide d’écrire ses mémoires… Elle retrace sa jeunesse parmi la communauté
allemande de Saint-Pétersbourg, marquée par le vœu de poursuivre une vie
intellectuelle et la certitude que le sexe, donc le mariage, place les
femmes dans un rôle subordonné. Elle évoque ses relations mouvementées avec
Nietzsche et Freud et la passion qui l’a unie à Rilke. Tous ses souvenirs
révèlent une vie marquée par le conflit entre autonomie et intimité, et le
désir de vivre sa liberté au lieu de seulement la prêcher comme ses
confrères… »
Il semble plus que surprenant – pour ne pas dire révélateur – que ce très
beau long-métrage de Cordula Kablitz-Post soit le premier consacré à Lou
Andreas-Salomé (1861-1937), une figure intellectuelle pourtant non seulement
singulière, mais essentielle pour appréhender et comprendre des
personnalités aussi célèbres que Friedrich Nietzsche, Rainer Maria Rilke ou
encore Sigmund Freud… Passé la surprise, le spectateur réalisera combien
cette vie retracée, ici, avec finesse, teintée d’humour parfois, de cette
femme que se voulait avant tout libre et passionnée s’avère captivante.
Prenant à la lettre cette fameuse phrase tirée de Ainsi Parlait
Zarathoustra, « Deviens ce que tu es », Lou Andréas-Salomé s’est construite
en effet au-delà des nombreux obstacles qui furent placés devant cette jeune
femme de la noblesse russe qui aurait dû trouver un mari et se réaliser dans
un « bonheur » familial tracé d’avance… Or, Lou ne veut pas de ce destin
qu’elle sait d’avance voué à l’échec. Toute sa vie durant, elle cherchera à
se dépasser, suivant en cela la voie prônée par le philosophe au marteau. Et
pourtant le cœur de Lou n’est pas fait de métal ou de pierre, il bat,
s’émeut, cherche l’absolu en une amitié philosophique et intellectuelle avec
deux hommes qu’elle apprécie : le juriste et philosophe Paul Rée et son ami
Friedrich Nietzsche. Cette relation n’aura qu’un temps, quelques orages, un
baiser présumé sur fond de lac italien et une photo immortalisée qui fait
encore sourire plus d’un siècle après… Lou Andréas-Salomé résiste aux hommes
qui cherchent à la posséder, à l’enfermer. Elle trouve avec Rilke une âme
blessée qui la touche et opère une brèche dans ses principes. Elle laisse
parler son cœur, offre une écoute qui anticipe sa future passion pour la
psychanalyse, une étape qui peut sembler paradoxale dans cette voie qu’elle
poursuit malgré tout. Elle quittera Rilke, fera un mariage blanc qui la fera
connaître sous le nom de Lou Andreas-Salomé, connaîtra Freud et aura une
place importante dans le développement de la psychanalyse à ses côtés avant
Marie Bonaparte. Elle s’éteindra avant le déchaînement nazi qui la menace,
elle et ses écrits. Le casting de ce film est remarquable, les acteurs
investis par leur rôle offrent chacun une interprétation juste et équilibrée
même dans les excès, avec en point d’orgue les rôles tenus par Katharina
Lorenz pour Lou de 21 à 50 ans, un jeu pétillant de vie et de liberté à
fleur de peau, et par Nicole Heesters dans le rôle de Lou à la fin de sa
vie, une interprétation subtile entre intériorité et malice irrésistible.
Ces presque deux heures passent si vite que la vie de Lou semble à peine
commencée, un témoignage précieux à découvrir au plus vite !
La Vague ("The Wave") de Roar Uthaug, 1h50/ Norvège/
VOSTFR, Panoramas Films, 2016.
Après plusieurs années à surveiller la montagne qui surplombe le fjord où
il habite, Kristian, scientifique, s’apprête à quitter la région avec sa
famille. Quand un pan de montagne se détache et provoque un Tsunami, il doit
retrouver les membres de sa famille et échapper à la vague dévastatrice. Le
compte à rebours est lancé...
Roar Uthaug a transposé avec audace le scénario catastrophe désormais
classique du tsunami, ici, dans le cadre d’un fjord norvégien apparemment
paisible… Rien, en effet, ne laisse présager d’une terrible épreuve si ce
n’est une nature froide et minérale où les fêlures humaines se mesurent à
celles de la roche qui surplombe des vies en questionnement. Kristian
apparaît en effet dans ce film d’une belle sobriété, tout au moins jusqu’à
l’arrivée de la fameuse vague, comme un être en proie au perfectionnisme et
en même temps au doute, visiblement habité par cette montagne qu’il scrute
tous les jours de sa vie, au point même de vivre au rythme de ses
pulsations. Était-ce la raison de son départ ? Une nouvelle vie, un nouveau
cadre… La réponse ne viendra pas car l’imminence de la catastrophe balaiera
ses doutes. Pour « La Vague » Roar Uthaug est parti d’un risque réel pesant
sur ces mêmes lieux, Geiranger, alors que l’activité touristique est la
principale ressource de la région. Plusieurs niveaux se juxtaposent dans ce
long métrage : les réactions humaines face au danger et à la menace de la
mort, les résistances à prévenir un danger de catastrophe naturelle alors
même qu’il apparaît inévitable, et de manière plus générale le rapport des
êtres humains à la nature environnante. Kristoffer Joner (Murphy dans The
Revenant) dans le rôle de Kristian est particulièrement convaincant alors
que l’actrice norvégienne Ane Dahl Torp, connue pour son rôle de Bente Norum
dans la série Occupied, contraste avec sa belle ténacité dans l’adversité.
Ce film a été sélectionné comme entrée norvégienne pour l'Oscar du meilleur
film en langue étrangère à la 88e cérémonie des Oscars qui aura lieu en
2016.
"Mauvaise graine" (Non essere cattivo), un
film de Claudio Caligari avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Silvia d’Amico,
Roberta Mattei BELLISSIMA FILMS Sortie le 11 mai 2016.
1995, près de Rome. Vittorio et Cesare qui se connaissent
depuis 20 ans, sont comme des frères inséparables. Leur quotidien se résume
aux discothèques, à l’alcool et aux trafics de drogues… Mais ils paient cher
cette vie d’excès. Après avoir rencontré Linda, Vittorio semble vouloir
changer de vie. Cesare lui, plonge inexorablement…
Avec Non essere cattivo, ce sont d’une certaine manière les « petits-enfants
» de Mama Roma que nous découvrons de manière chaotique dans les faubourgs
d’Ostie. Le réalisateur italien Claudio Caligari (disparu l'année dernière)
s’inscrit en effet directement dans la filiation pasolinienne avec son
ultime et dernier film Non essere cattivo (ne sois pas méchant), traduit de
manière moins nuancée en « Mauvaise graine » en français. Celui qui aurait
aimé travailler au dernier film de Pasolini Salo et dont le travail partira
là où le cinéaste-poète avait laissé son analyse a une longue expérience du
monde des laissés-pour-compte, des drogués échoués du système capitaliste.
Résolument engagé dans une critique de ce système coupable à ses yeux
notamment de l’extension des ravages de la drogue sur la jeunesse italienne,
il avait déjà signé un film clé sur cette question qui marqua les années 80
- Amore Tossico- et l’épidémie causée par l’héroïne dans les bourgades
pasoliniennes. Que reste-t-il encore du lien social dans une Italie ravagée
par la crise, une culture de masse abrutissante et une absence d’espoir en
des jours meilleurs ? La solidarité de la cellule familiale est encore
visible mais souvent impuissante (l’équivalent de Mama Roma, la mère de
Cesare ne se bat plus vraiment, ébranlée par la mort de sa fille, la
descente aux enfers de son fils, et l’argent qui manque pour les soins de sa
petite-fille malade), seule demeure la fraternité des « mauvais garçons »
prêts à tout pour réussir un bon coup, une arnaque de plus, ou cet éternel
trafic de stupéfiants qui paie, mais qui détruit tout sur son passage. Dans
cet univers sombre de la banlieue romaine, une amitié perdure au-delà des
vicissitudes des jours sans soleil sur le rivage d’Ostie, deux jeunes dont
les voies se séparent lorsque l’un d’entre eux, magnifique Vittorio, se met
à espérer en une vie plus digne alors que son ami de toujours, émouvant
Cesare, est soumis à un déterminisme effrayant même lorsqu’il se met à
espérer à un amour durable. Le constat opéré par Pasolini dès les années 60
est implacable avec la caméra de Caligari, ce ne sont plus des navires qui
s’échouent sur les plages d’Ostie mais bien des vies humaines…
Hotel Salvation réalisation :
Shubhashish BHUTIANI avec Adil HUSSAIN, Lalit BEHL, Geetanjali KULKARNI,
Palomi GHOSH, Navnindra BEHL, Anil K RASTOGI, Jupiter Films, 2018.
Daya, un vieil homme, sent que son heure est venue et souhaite se rendre
à Varanasi (Bénarès), au bord du Gange, dans l’espoir d’y mourir et
atteindre le salut.
À contrecoeur, son fils Rajiv l’accompagne, laissant derrière lui son
travail, sa femme et sa fille.
Hôtel Salvation est un film à la fois sensible et tendre réalisé par
Shubhashish Bhutiani. La première surprise est de réaliser que l’Inde
connaît aussi ces fractures entre générations, mais plus abruptes encore,
les traditions y ayant persisté plus encore. La fin de la vie et l’annonce
de la mort sont appréhendées spontanément par les anciennes générations
concernées alors que leurs enfants apparaissent gênés, empêtrés dans leurs
obligations familiales et professionnelles, le lien existe encore -
contrairement à l’occident qui le dissout à vitesse de la lumière – mais ne
laisse plus de place pour se préparer à la mort. Or, c’est dans la ville
sainte de Bénarès où tout commence et tout doit finir pour briser le cycle
des réincarnations, ville dédiée au dieu hindou Shiva représenté avec son
trident, que le père souhaite se rendre pour y attendre cette mort qu’il
pressent. C’est cette tension subtile du fils admirablement interprété par
Adil Hussain qui accepte à contrecoeur de sacrifier son travail pour exaucer
le vœu de son père, joué avec humour et sensibilité par Lalit Behi, qui sert
de contrepoint au progressif détachement des choses terrestres. Arrivés dans
la ville sainte, les deux hommes découvrent l’Hôtel Salvation, un lieu
singulier réservé pour les personnes en fin de vie et pour une période ne
devant pas excéder deux semaines. Or, après quelques signes alarmants, le
père retrouve une vitalité inattendue, rendue possible par cette préparation
et cette légèreté des lieux oscillant entre mort omniprésente des crémations
environnantes et parallèlement la vie baignant les éléments subtilement
choisis et mis en valeur par la caméra du réalisateur. Progressivement, les
tensions se libèrent, chacun apprend à mieux connaître l’autre jusqu’à
l’aboutissement prévisible. Tout est dans les subtilités des non-dits, de la
lumière et de la pénombre qui se conjuguent si bien en Inde, l’impermanence
des vies et l’enracinement dans un quotidien magnifié par un chant
religieux, une salutation au soleil ou une immersion dans le Gange. Hôtel
Salvation offre un beau voyage, non seulement en Inde, une Inde
lointaine, mais surtout dans les secrets de l’âme humaine trop souvent niés
ou oubliés.
"Trahisons" Un film de David Leveaux
Avec Lily James, Christopher Plummer, Jai Courtney
2017 / Langue de tournage : Anglais / Couleur / 2.40 / 2.0-5.1 / disponible
en E-Cinema, TF1 Studio distribution.
Hollande, 1940. Brandt, un jeune officier allemand
ambitieux et patriote, est envoyé malgré lui en Hollande auprès de Guillaume
II, Kaiser en exil, pour assurer sa protection. Il se laisse séduire et
tombe amoureux de Mieke une jeune juive hollandaise au service du Kaiser.
Les SS découvrent que la résistance a réussi à infiltrer un agent dans le
repaire du kaiser pour l’assassiner et déstabiliser le régime d’Hitler
Brandt doit découvrir son identité. Entre trahison et jeu d’espion, très
vite, il va découvrir qu’il devra lui aussi choisir entre amour et devoir.
David Leveaux, directeur de théâtres britanniques, signe avec « Trahisons »
son premier long-métrage, un essai pour le coup séduisant et palpitant tant
au regard de l’intrigue, du jeu des acteurs que de la réalisation elle-même.
Inspiré visiblement par sa culture théâtrale, le réalisateur offre avec ce
film une fiction des derniers jours de la vie du Kaiser Guillaume II,
admirablement interprété par le grand acteur Christopher Plummer. Guillaume
II, après son abdication en 1919, s’est exilé avec son épouse aux Pays-Bas.
Mais, en 1940, dans ces heures décisives où la machine nazie cherche
inexorablement et par tous les moyens à abattre toutes les résistances à ce
nouvel ordre, l’empereur déchu et son épouse passent leur vie en exil aux
Pays-Bas entre souvenirs et espoirs de temps révolus. Connu pour son
caractère intempestif, mettant plus d’une fois la diplomatie en difficulté,
l’empereur demeure encore attaché, malgré son grand âge, à son rang
d’Altesse Royale, à sa fameuse collection de costumes militaires, à sa
femme, à ses conquêtes militaires et féminines et à ses mémoires… Fatigué,
las, il laisse tendrement sa femme entretenir ses ou leurs illusions, celles
qu’un Duc de Windsor entretiendra également au même moment de l’histoire de
l’autre côté des Ardennes… Mais aussi colérique qu’autoritaire, il sait
encore imposer à son entourage cette ténacité inflexible désespérée qui l’a
fait un jour Altesse Royale. Face à eux, un jeune capitaine allemand
interprété avec nuances par Jai Courtney (Terminator Genisys) chargé de leur
sécurité tombant amoureux d’une jeune espionne juive œuvrant pour le compte
de l’Angleterre… Bien mené et en un rythme effréné, entre Gestapo, SS,
résistance, hypocrisie et ruses diplomatiques, entre devoir, amour et
loyauté, le film progresse avec finesse en montrant combien chaque
personnage parvient à une situation à laquelle il n’était pas préparé,
destin qui rattrape chaque être à un moment donné de sa vie. L’actrice
britannique Lily James, en jeune espionne, offre également une belle
interprétation tout en fraicheur et en nuances dans cette réalisation qui
sera à découvrir en E-Cinéma.
"Un lion en hiver" un film de
Anthony Harvey avec Katharine Hepburn, Peter O'Toole, Anthony Hopkins. 1968
- Grande-Bretagne - Durée : 2h14 version restaurée au cinéma le 22 mars
2017, oscars 1969, oscar de la meilleure actrice, oscar du meilleur scénario
adapté, oscar de la meilleure musique de film, Les Acacias distribution.
2017.
Touraine, 1183. Le Roi d'Henri II d'Angleterre séjourne pour Noël dans le
Château de Chinon avec sa maîtresse Alix, demi-sœur de Philippe II Auguste
Roi de France et fiancée promise pour des raisons politiques... à l'un de
ses fils. Cinquantenaire, il doit résoudre le problème de sa succession.
Cette très belle réalisation d’Anthony Harvey récompensée par de nombreux
oscars lors de sa sortie étonne et surprend encore aujourd’hui. Tourné avec
minimalisme et loin des grandes fresques épiques du cinéma hollywoodien (le
film est adapté de la pièce de théâtre jouée à Broadway de James Goldman),
Un lion en hiver est bien plus proche du souffle shakespearien avec ces
décors tournés en France sans emphase, un moyen-âge certainement plus proche
de la réalité. C’est au cœur de l’âme des puissants de cette époque que
plonge ce film évoquant librement l’Histoire d’Angleterre et de France avec
pour angle la succession envisagée du roi Henri II. Aliénor, son épouse
recluse dans le château de Salisbury, est aussi convaincante dans ses
passions amoureuses que dans sa haine, les deux se confondants souvent sous
la caméra grâce à l’interprétation convaincante de Katharine Hepburn. Il ne
fallait pas moins que Peter O’Toole pour tenir tête à pareil caractère et
son interprétation du roi Henri II force également l’admiration. Film à
l’accent théâtral, Un lion en hiver traite avec nuances des affres du
pouvoir, celui que l’on détient, celui dont la dévolution est envisagée avec
peine et souffrance lorsque la puissance même de vivre coule encore à pleins
flots dans les veines d’un monarque ayant atteint la cinquantaine. Face à ce
tableau nietzschéen, la progéniture est le reflet de ces parents,
calculatrice, sournoise, ambitieuse, ou fragile, cette descendance fourbit
ses armes sur la pente du pouvoir espéré, une expérience où seuls les plus
forts gagnent. C’est Katharine Hepburn qui a introduit le jeune Anthony
Hopkins, convaincant dans le rôle de Richard bientôt Cœur-de-Lion pour son
premier rôle au cinéma. Véritable partie d’échecs, ce film séduit et tient
en haleine tout au long de cette journée de Noël passée entre les murs du
château de Chinon en 1183…
« Silence » un film de Martin Scorsese,
scénario de Jay Cocks avec Liam Neeson, Andrew Garfield, Adam Driver,
Tadanobu Asano, Sociétés de production Cappa Defina Productions, Cecchi Gori
Pictures, Fábrica de Cine, SharpSword Films, Sikelia Productions, Verdi
Productions, Waypoint Entertainment, durée 161 minutes, 2017.
Au XVIIe siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver
la trace du père Ferreira, leur maître en théologie, disparu alors qu’il
était parti en mission dans ce pays. Arrivant dans un pays hostile à une
religion assimilée aux puissances occidentales, ils découvrent des
communautés de villageois qui ont gardé l’héritage laissé par les premiers
missionnaires…
C’est une longue quête personnelle qui a conduit à Silence, le
dernier film du réalisateur Martin Scorsese, qui fit tant parler de lui lors
de la sortie de La Dernière Tentation du Christ adaptée librement du
roman Nikos Kazantzakis. Avec ce film plus discret en apparence, le
réalisateur poursuit son interrogation sur la foi, celle ici transmise
au-delà des frontières de l’occident avec les missions. Le cadre est celui
du Japon du XVIIe siècle et la narration est inspirée du roman Silence
du célèbre écrivain catholique japonais Shūsaku Endō paru en 1966.
Manifestement inspiré également par le cinéma japonais, Scorsese offre des
plans de toute beauté explorant une nature sombre et perdue dans les brumes
qui n’est pas sans faire penser à certaines des dernières réalisations
d’Akira Kurosawa. Avec ce film, Scorsese explore les tréfonds de nos
croyances et de leur envers, le doute. Ces croyances et cette foi qui
poussèrent des prêtres à tout quitter pour évangéliser femmes et hommes dans
des contrées qui n’avaient jamais entendu parler du Christ et de la foi
chrétienne. Le long cheminement de cette mission lancée par Jésus : « il
les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où
lui-même allait se rendre. Il leur dit : La moisson est abondante, mais les
ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des
ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux
au milieu des loups ». Et c’est bien de loups dont il est question dans
le traitement de ce film d’un raffinement de cruautés à la hauteur de la foi
de ces jeunes missionnaires. Mais, l’exaltation laisse place au doute, doute
lorsque les premières persécutions commencent à pleuvoir sur les villageois
et bientôt sur les deux jeunes prêtres interprétés brillamment par Andrew
Garfield et Adam Driver. Après le doute vient le silence, bien connu des
plus grands mystiques, ce silence redoutable qui renforça le courage de
nombreux martyrs, mais en perdit aussi. Le miroir renvoyé par les
protagonistes japonais est assez subtil notamment avec le personnage incarné
par Tadanobu Asano (acteur bien connu des cinéphiles japonais : Nagisa
Oshima, Takashi Miike, Kiyoshi Kurosawa...), avec cette ironie à l’égard de
ces missionnaires ne connaissant souvent ni la langue, ni la culture de ceux
qu’ils allaient convertir. Mais c’est surtout l’orgueil qui pointe
subrepticement, orgueil pour un prêtre d’associer sa mission à celle du
Christ et d’endurer ou de faire endurer les mêmes souffrances aux convertis
de fraîche date. Et là réside le hiatus de ce film, Martin Scorsese évoque
la chute, celle de Judas qui fut définitive avec la trahison mais aussi
celle rédemptrice de Pierre qui renia par trois fois le Christ avant de
donner sa vie pour lui. Or, c’est peut-être ce qui interpelle dans ce film
réalisé avec puissance, émotion et subtilité : Le silence de Dieu ne conduit
pas inexorablement à l’abandon de ce à quoi l’on croit et qui a souvent
permis de dépasser le bruit de l’oppression, de la loi tyrannique et des
pires tortures. Le dernier plan de ce film retenu et différent de la fin du
livre de Shūsaku Endō sans écarter toute transcendance, laisse place
cependant encore à ce questionnement caractéristique de Martin Scorsese qui
pourra nourrir bien des débats, on l’espère, plus apaisés.
A découvrir parallèlement le roman de
Shûsaku Endô "Silence" paru en collection Folio Gallimard
Le Mystère Jérôme Bosch, un
documentaire de José Luis López-Linares, 2016 - Espagne/France - 84 min - VO
- Numérique - Couleur - 1.85 - Son 5.1, epicentre films.
500 ans après sa disparition, Jérôme Bosch, l’un des plus grands peintres
flamands continue à intriguer avec une œuvre aussi fascinante
qu’énigmatique, aux interprétations multiples. A travers « Le Jardin des
Délices », historiens de l’art, philosophes, psychanalystes en cherchent le
sens et rendent un hommage vibrant à un artiste qui défie le temps.
Avec « Le Mystère Jérôme Bosch » de José Luis López-Linares, voici une des
rares occasions de voir au cinéma un documentaire consacré à l’art et à un
artiste énigmatique qui n’a pas fini d’interroger nos consciences. André
Breton avait qualifié le peintre primitif flamand Jérôme Bosch (v.
1450-1516) de « visionnaire intégral », un sentiment partagé par tous ceux
qui découvrent l’art de cet homme en avance sur ses contemporains.
À partir du fameux triptyque « Le Jardin des délices »
réalisé à la toute fin du XV° siècle et conservé au musée du Prado en
Espagne, le réalisateur a développé tout un maillage de regards croisés sur
l’œuvre, ceux de spécialistes de tout horizon ainsi que ceux du public
captés par la talentueuse caméra du réalisateur espagnol. Nous ne savons pas
grand-chose sur le peintre mais ses œuvres ont depuis leur création parlé
pour lui. « Le Jardin des délices » s’avère également complexe, le panneau
de gauche représentant Adam et Ève, celui central un jardin aux délices
terrestres exubérants et celui de droite une évocation de l’Enfer. Par la
diversité des regards et témoignages de psychanalystes, historiens de l’art,
philosophes, artistes, écrivains (Orhan Pamuk, Miquel Barceló, William
Christie, Salman Rushdie, Cees Nooteboom, Michel Onfray, Renée Fleming…), le
spectateur élargit sa propre perception de l’œuvre, interroge la toile et
réalise que plus qu’un message, l’œuvre renvoie le miroir de son public. Où
se trouve la séparation du bien et du mal, pour quelle vie l’homme a-t-il
été créé ? Le Jardin des délices est-il une déviance de celui de l’Éden ?
L’Enfer n’est-il qu’après la vie ? Toutes ces interrogations fusent et
assaillent – avec plus ou moins de force – l’esprit de qui observe
attentivement cette toile qui n’a pas fini de faire parler d’elle… et de
nous !
"L'Académie des muses" un film de José
Luis Guerín, avec Raffaele Pinto, Emanuela Forgetta, Rosa Delor Muns.Zugma
Films 2016.
L’amphithéâtre d’une université des Lettres. Un professeur
de philologie distille des cours de poésie à une assistance étudiante
composée principalement de visages féminins. A ce projet pédagogique qui
convoque les muses de l’antiquité pour dresser une éthique poétique et
amoureuse, les étudiantes se prêtent petit à petit, avec vertige et passion,
au jeu d’une académie des muses bel et bien incarnée.
C’est une réalisation inattendue et attirante que nous livre le réalisateur
José Luis Guerin avec ce phalanstère poétique unissant un professeur
d’université à ses étudiantes autour de la renaissance du mythe de la muse.
Qu’en est-il des muses aujourd’hui, des muses contemporaines ? L’idée,
séduisante, est née de la rencontre pragmatique du réalisateur José Luis
Guerin (Dans la ville de Sylvia, En construccion) assistant à
l’un des cours de Raffaele Pinto, italien d’origine, et véritable professeur
de philologie à l’université de Barcelone et qui accepta d’incarner son rôle
dans cette réalisation atypique. Le film est réalisé et monté au fur et à
mesure de sa progression, avec une équipe technique des plus réduites (José
Luis Guerín tournera ce film avec sa seule preneuse de son Amanda Villavieja)
afin de favoriser le réalisme des questions abordées. La poésie,
l’inspiration, l’amour, la passion, la transmission mais aussi la séduction,
voire la manipulation, la jalousie, le cynisme interviennent tour à tour
dans ce maelstrom des émotions. Les jeux de miroir sont réels, tout autant
que figurés, avec la réitération de plans où miroirs et vitres révèlent ou
effacent les vérités. Le réalisateur aime à cadrer ses plans sur les visages
ou une partie des visages de ses acteurs, non pour en violer l’intimité mais
pour mieux en révéler le discours intérieur en contrepoint du projet
poétique. Les acteurs non professionnels jouant leur propre rôle sont
tellement happés par la puissance de ce projet pédagogique qu’ils en
deviennent plus vrais que nature. En épilogue du film, le professeur cite
Dante en relevant une nouvelle fois que « L’authentique objet du désir
est au-delà de toute hypothèse de satisfaction ». Une manière de
rappeler qu’avec L’académie des muses les émotions ne sont pas jouées mais
bien vécues sous la lumière de Dante, de Béatrice, mais aussi d’Eloïse et
Abélard, d’Orphée et d’Eurydice.
David Grieco est un talentueux
réalisateur italien (Evilenko 2004) qui a connu dans sa jeunesse
Pier Paolo Pasolini dont il a été l'assistant pour ses films et l'ami
jusqu'à sa disparition tragique. Convaincu que le grand intellectuel
italien pourfendeur de la société de son temps n'est pas mort d'un
simple assassinat crapuleux, il a réalisé un film sensible et engagé, La
Macchinazione, dans lequel il évoque sa vision de cette disparition.
Rencontre avec David Grieco autour de ce film et de son témoignage
personnel.
ous avez connu Pier Paolo Pasolini et
avez travaillé pour lui très tôt dans votre carrière cinématographique.
Quel souvenir gardez-vous de lui ?
David Grieco :
J’ai connu Pasolini alors que j’étais âgé
d’une dizaine d’années. Pasolini fréquentait ma famille notamment mon
père et sa seconde épouse, Lorenza Mazzetti, réalisatrice anglaise.
Alors qu’elle réalisait son premier film sans aucun budget, Pasolini qui
souhaitait entreprendre lui-même Accatone venait souvent à la
maison lui demander conseil. Le lieu était ouvert à un grand nombre de
personnes du cinéma de tous horizons et très tôt on m’a proposé d’être
comédien, ce que j’ai accepté. Je me suis, cependant, vite rendu compte
que je n’étais pas fait pour cela. Lorsque j’ai eu 15-16 ans, Pasolini a
écrit un rôle pour moi dans le film Théorème. Malgré un certain
nombre de réalisations derrière moi, je me sentais toujours gêné, mal à
l’aise devant la caméra. Lors du tournage, j’ai dit à Pasolini que je ne
souhaitais plus être acteur et qu’il fallait qu’il coupe les scènes où
je figurais. Il fut surpris et même s’il fut certainement déçu, il
accepta cependant de supprimer les scènes précédentes, mais me demanda
instamment d’en réaliser encore une dernière qui autrement l’aurait
bloqué dans la réalisation de son film. J’ai alors accepté et j’ai
tourné cette dernière scène, mais je ne veux toujours pas, même encore
aujourd’hui, revoir ce film ! Après cela, j’ai demandé à Pasolini d’être
son assistant sur ce même film et il a accepté.
Je l’ai également déçu à une autre reprise lorsqu’il m’a demandé de
m’occuper de Maria Callas pendant le tournage de Médée. C’était
une tâche très délicate car il appréciait beaucoup cette femme,
peut-être la seule femme qu’il ait vraiment aimée. Il savait que j’étais
un petit voyou des rues mais qu’en même temps j’étais issu d’un milieu
bourgeois et intellectuel. De plus, je parlais plusieurs langues, et
pour lui, j’étais dès lors l’interlocuteur idéal pour m’occuper d’elle.
Au bout de trois semaines, j’ai finalement décidé d’arrêter car Maria
Callas était la diva que l’on connaît et méritait bien sa réputation !
Elle faisait par exemple tomber un objet par terre en me demandant de le
ramasser, m’appelait au beau milieu de la nuit pour me demander une
bouteille d’eau minérale alors qu’elle se trouvait dans le meilleur
hôtel de Rome… Pasolini ne s’est pas fâché mais j’ai bien senti, qu’une
nouvelle fois, il était déçu par mon attitude, et nous ne nous sommes
plus vus pendant un an.
À l’âge de 18 ans, je suis devenu journaliste ; c’est à cette époque que
nous avons repris contact. Nous avions un rapport beaucoup plus adulte,
différent aussi parce qu’il était également journaliste et qu’il aimait
beaucoup ce métier. On parle souvent de Pasolini en tant que poète,
écrivain, réalisateur mais rarement en qualité de journaliste ; or,
c’est une activité qui l’a non seulement beaucoup occupé, mais qui lui a
aussi énormément apporté et qu’il a aimée. Il a fait plus de 800
articles dans sa vie en commençant par la presse clandestine pendant la
guerre. Il a toujours gardé sur lui sa carte de journaliste, qui n’était
pas, certes, la carte professionnelle mais une carte secondaire qu’il
affectionnait tout de même. Pour l’anecdote, elle était encore dans ses
papiers avec lui le jour de sa mort. Pour mener des enquêtes pour ses
articles, il me demandait souvent des sources que je pouvais lui
procurer dans les archives de L’Unita, le journal du PCI pour
lequel je travaillais. J’étais d’ailleurs un peu l’intermédiaire entre
lui et Enrico Berlinguer qu’il appréciait beaucoup. J’avais avec
Pasolini un rapport quotidien très banal fait de conversations lors des
nombreux repas dans les trattorias romaines pris avec Ninetto Davoli,
Franco Citti et bien d’autres encore. Nous étions comme une bande de
gamins en passant nos soirées ensemble, souvent dans la rue, on faisait
les idiots. On ne le sait pas assez mais Pasolini avait un grand sens de
l’humour. Je le considérais comme un ami d’enfance alors même qu’il
avait exactement l’âge de mon père à cette époque !
L’image de Pasolini dans votre
film laisse l’impression de quelqu’un à la fois résolu dans son combat
mené depuis ses jeunes années, et en même temps une certaine érosion,
fatigue, voire découragement ? Est-ce ainsi que vous avez pu le
percevoir dans les derniers mois de sa vie ?
David Grieco :
Le Pasolini que je décris dans
mon film La Macchinazione est celui des quatre derniers mois de
sa vie. À cette époque, je le voyais moins, car il fréquentait Pino
Pelosi. La personnalité de Pasolini durant cette période, un Pasolini
fatigué, usé - et je suis heureux que vous l’ayez souligné - est
effectivement pour moi un élément très important du film. Dans ses
derniers mois, il avait une fièvre, la fièvre d’aller jusqu’au bout, il
avait mis son nez partout, il avait un grand nombre d’informateurs qui
lui donnaient des tuyaux incroyables, mais parallèlement Pasolini était
épuisé car il avait vraiment l’impression que personne ne le comprenait.
Moi-même, avec le recul, je me souviens lui avoir fait le reproche qu’il
était trop pessimiste, que sa vision apocalyptique de la société n’était
pas forcément justifiée. Il n’acceptait pas ces remarques et estimait
que nous ne comprenions pas ce que lui pourtant savait. C’est d’ailleurs
un peu mon chagrin aujourd’hui avec le recul. Il a voulu aller jusqu’au
bout, il savait probablement qu’il risquait sa vie, mais il a pensé
qu’avec sa mort tout exploserait. Malheureusement…
Cet héritage a justifié ce
long-métrage que vous venez de réaliser La Macchinazione. Le
titre indique très clairement le parti que vous avez pris pour expliquer
la mort du célèbre poète, écrivain et cinéaste, allant au-delà d’un
crime crapuleux.
David Grieco :
Oui, bien au-delà. Le film
d’Abel Ferrara qui est sorti en 2014 sur cette même thématique est un
peu la raison d’être de mon propre film. À l’époque, les producteurs
m’avaient proposé de faire le scénario pour le film de Ferrara. Même si
j’étais sceptique quant à l’approche qui y serait retenue, j’ai malgré
tout commencé à travailler sur le scénario et Ferrara m’a indiqué qu’il
ne souhaitait évoquer seulement que le dernier jour de la vie de
Pasolini. J’ai insisté, cependant, qu’il fallait bien néanmoins rappeler
comment et pourquoi il avait été tué, ce à quoi Ferrara m’a répondu : "Je
ne veux pas faire une histoire d’espionnage !" Notre histoire s’est
dès lors arrêtée là, et j’ai quitté cette réalisation. Les semaines qui
ont suivi, je n’arrivais plus à dormir, j’avais pourtant un autre film à
faire à Prague, mais j’ai tout arrêté en me disant que je devais
réaliser ce film en souvenir de Pasolini, les autres personnes ayant
connu Pasolini étant presque toutes mortes. Nous nous sommes très
endettés pour réaliser ce film.
La Macchinazione, un film
réalisé par David Grieco avec Massimo Ranieri, Libero De Rienzo, Matteo
Taranto, François Xavier Demaison et avec Milena Vukotic, Roberto Citran,
Tony Laudadio et Alessandro Sardelli et l’amicale participation de Paolo
Bonacelli, Catrinel Marlon. Scénario de David Grieco et Guido Bulla.
Produit par Marina Marzotto, Alice Buttafava, Dominique Marzotto, Lionel
Guedj, Vincent Brançon. Musique PINK FLOYD. Produit par Propaganda
Italia en association avec Moutfluor Films, MIBACT en coproduction avec
To Be Continued Productions, 2016.
Des sources très précises sont évoquées
dans votre film qui jettent un éclairage différent sur ce qui est
habituellement présenté.
David Grieco :
50 % des sources m’appartiennent puisque
ce sont des choses que j’ai vécues personnellement lors des derniers
mois précédant sa mort. J’ai également suivi de très près le premier
procès de Pelosi puisque j’en ai écrit le mémoire pour la famille
Pasolini avec pour juge le frère d’Aldo Moro qui sera d’ailleurs
kidnappé et tué deux ans après. Ce juge qui s’appelle Carlo Alfredo Moro
condamne Pelosi à neuf ans de prison pour le meurtre de Pasolini avec
des inconnus. À partir de là, ma conviction était confirmée. Et cela m’a
rappelé une anecdote que j’avais vécue chez Laura Betti en février 1975.
Alors que nous dînions avec elle, elle s’est mise à m’interpeller
vivement en me disant : « Il faut que tu l’arrêtes ! ». Surpris,
je lui ai demandé « Comment cela ? » Elle a poursuivi : « Oui,
il (Pasolini) est fou, il est en train d’écrire un livre sur
Eugenio Cefis, le président de ENI et de Montedison, il ne comprend pas,
ils vont le tuer ! Toi qui es un journaliste professionnel, il faut que
tu l’arrêtes ». Abasourdi, j’ai demandé à Pasolini " Pourquoi ?
Tu as décidé d’écrire un livre sur Eugenio Cefis ? " Il m’a répondu
amusé par métaphore : « Tu sais le pétrole est plus important que
l’eau… », mais il ne m’en a pas dit plus et ne m’a pas laissé entrer
dans ce qui le retenait déjà à cette époque. Les mois qui ont suivi,
j’ai compris qu’il me demandait régulièrement des sources
journalistiques qui m’ont donné une idée de son parcours et de ce qu’il
recherchait. À chaque fois que j’ai essayé d’entrer dans le vif du
sujet, il s’est esquivé. C’était un homme très méfiant, ce qui était
plus que justifié avec, il faut le rappeler, plus d’une trentaine de
procès dans sa vie… Il a vraiment été persécuté tout au long de sa
carrière, ce qui l’incitait à ne faire confiance qu’à un très petit
nombre de personnes dont je faisais partie. Dans les dernières années,
il avait un peu ce syndrome d’être trahi, ce qui a fait qu’il a été
trahi par presque tout le monde. Je ne saurai jamais si c’est lui qui a
en quelque sorte provoqué cela ou si c’était son destin et qu’il le
connaissait en tout état de cause.
Vous citez en exergue de votre
film cette phrase de Pasolini : « Le courage intellectuel de la
vérité et la pratique politique sont deux choses inconciliables en
Italie ». Comment la réouverture de son procès et l’instruction
récente se déroulent-elles dans votre pays récemment secoué
politiquement par la chute du gouvernement Renzi et le non au
référendum?
David Grieco :
J’estime que cette phrase prononcée par
Pasolini il y a plus de 40 ans est toujours valable. On est absolument
dans la même situation, c’est d’ailleurs un phénomène mondial que nous
avions devancé en Italie ! Je pense en effet que ce que Pasolini
affirmait à une époque où certains individus avaient encore une réelle
profondeur et désintéressement personnel est encore plus d’actualité
aujourd’hui. Il m’est arrivé plein de difficultés et d’obstacles avec le
tournage de ce film et qui sont le signe de ce que nous évoquons, j’ai
d’ailleurs du mal à ne pas faire le parallèle dans une moindre mesure en
ce qui me concerne avec ce qu’a pu connaître Pasolini à son époque. Si
je peux citer un exemple, il est évocateur de ces petits tracas que l’on
peut semer sur le chemin d’un réalisateur dénonçant un complot politique
dans son film. 48 heures avant la sortie en salle du film en Italie,
j’ai reçu une interdiction de le voir aux mineurs de moins de 14 ans
alors même que j’ai bien pris soin d’éviter tout ce qui pourrait entrer
dans ce type de censure. J’ai d’ailleurs obtenu depuis la levée de cette
censure. J’aurais plein d’autres exemples de cet ordre à citer…
Peut-on dire de Pasolini qu’il
a lui-même été la victime expiatoire de ce qu’il dénonçait ? Et
avez-vous l’impression que cette image est encore présente dans la
conscience collective italienne ou bien qu’elle a cédé au chant du
relativisme et du consumérisme international ?
David Grieco :
Pasolini a été non seulement
la victime expiatoire de ce qu’il a dénoncé mais il l’a en plus, selon
moi, souhaité. Dans ce film, je montre combien il est allé sur le lieu
du crime en sachant, je pense, ce qui allait survenir. Ceux qui le
connaissaient avaient remarqué avant sa mort combien il pouvait parfois
abandonner une conversation, être très irritable et même laisser
apparaître une peur, ce qu’il ne voulait jamais admettre pour autant. Le
courage était son drapeau. Il était persuadé en agissant ainsi d’abattre
tout le complot qu’il avait démasqué, ce en quoi il s’est trompé. J’ai
souvent eu l’occasion lors de manifestations de constater combien
Pasolini, bien qu’agressé verbalement par des jeunes, était capable
d’engager une conversation avec eux et que ces derniers repartaient en
s’excusant. Il a peut-être pensé pouvoir se rendre sur la plage d’Ostie
et les convaincre.
Je pense que la raison principale et intime est qu’il s’est rendu sur
place à cause de la mort de son frère. Pasolini a clairement annoncé
dans une réponse à un courrier de lecteur que l’exemple de son frère le
mènerait jusqu’à la fin de sa vie. J’ai interprété cela comme une vision
prophétique. Pasolini a toujours mis une certaine distance entre
lui-même et les autres intellectuels. Il a toujours critiqué ces
intellectuels comme des penseurs de salon avec leurs beaux intérieurs et
leur maison protégée, sans qu’ils sachent quoi que ce soit de
l’extérieur et de la rue. Il a eu la même attitude parfois dans le
cercle restreint de ses amis intellectuels. J’ai quelques anecdotes à
l’esprit : par exemple, lorsque nous sortions manger une pizza, il nous
emmenait dix minutes chez Moravia ou Calvino en prétextant une question
à leur poser, mais j’ai vite compris qu’il le faisait exprès car nous
débarquions à l’improviste avec des cheveux très longs, habillés comme
des voyous et nous avions bien remarqué que les personnes présentes
étaient sidérées ; C’était, selon moi, une provocation manifeste. Il
était clair que c’était une manière de se stigmatiser, lui écrivain
bourgeois vivant dans un intérieur confortable et parlant néanmoins de
révolution avec le souvenir de son frère mort au combat. Ce sens de la
culpabilité est essentiel selon moi pour comprendre Pasolini.
Pouvez-vous nous dire vos raisons pour
le choix de la musique des Pink Floyd et plus précisément Atom Heart
Mother qui rythme et donne un fil directeur à votre réalisation ?
Comment avez-vous pu en obtenir les droits ?
David Grieco :
Je travaille habituellement
avec un compositeur italo-américain extraordinaire qui s’appelle Angelo
Badalamenti ("Twin Peaks") qui est un de mes meilleurs amis et
qui a composé la bande sonore de mon film précédent, "Evilenko".
Mais cette fois je voulais faire ce que Pasolini faisait d’habitude,
c’est-à-dire utiliser une musique qui existait déjà. J’ai tout de suite
pensé à "Atom Heart Mother" qui est le disque qui a marqué
davantage mes goûts musicaux quand j’étais jeune. J’ai donc envoyé aux
Pink Floyd une lettre et le scénario du film traduit en anglais.
Tout le monde se foutait de ma gueule, bien évidemment, car ils
l’avaient refusé à l’époque à Stanley Kubrick pour "Orange mécanique".
Mais un mois après les Pink Floyd m’ont permis de l’utiliser en
dépensant un minimum parce qu’ils voulaient soutenir ce film qui raconte
la vérité sur la mort de Pasolini. J’en ai fait donc une sorte de
requiem, et tout d’un coup je me suis aperçu qu’il s’agissait en quelque
sorte d’un véritable requiem.
Cher David Grieco, merci pour ce précieux
témoignage et nous ne pouvons que souhaiter que votre film soit très
bientôt dans les salles françaises !
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